Plates-formes pétrolières (République islamique d'Iran c. Etats-Unis d'Amérique)
VUE D'ENSEMBLE DE L'AFFAIRE
Le 2 novembre 1992, la République islamique d’Iran a déposé au Greffe de la Cour une requête introduisant une instance contre les Etats-Unis d’Amérique au sujet de la destruction de plates-formes pétrolières iraniennes. La République islamique fondait la compétence de la Cour sur une disposition du traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires entre l’Iran et les Etats-Unis, signé à Téhéran le 15 août 1955. Dans sa requête, l’Iran affirmait que la destruction par plusieurs navires de guerre de la marine des Etats-Unis, en octobre 1987 et en avril 1988, de trois installations de production pétrolière offshore possédées et exploitées à des fins commerciales par la société nationale iranienne des pétroles constituait une violation fondamentale de diverses dispositions tant du traité d’amitié que du droit international. Les délais pour le dépôt des pièces de la procédure écrite ont été par la suite fixés, puis prorogés, par deux ordonnances du président de la Cour. Le 16 décembre 1993, dans le délai prorogé pour le dépôt de leur contre-mémoire, les Etats-Unis ont déposé une exception préliminaire à la compétence de la Cour. Conformément aux dispositions du paragraphe 3 de l’article 79 du Règlement de la Cour, la procédure sur le fond a été suspendue ; par une ordonnance du 18 janvier 1994, la Cour a fixé au 1er juillet 1994 la date d’expiration du délai dans lequel l’Iran pourrait présenter un exposé écrit contenant ses observations et conclusions sur l’exception, ce qu’il a fait dans le délai prescrit.
Dans son arrêt du 12 décembre 1996, la Cour a rejeté l’exception préliminaire soulevée par les Etats-Unis d’Amérique et s’est déclarée compétente, sur la base du paragraphe 2 de l’article XXI du traité de 1955, pour connaître des demandes formulées par l’Iran au titre du paragraphe 1 de l’article X dudit traité, lequel protège la liberté de commerce et de navigation entre les territoires des Parties.
A l’occasion du dépôt de leur contre-mémoire, les Etats-Unis d’Amérique ont présenté une demande reconventionnelle priant la Cour de dire et juger que, au travers de ses actions dans le golfe Persique en 1987 et 1988, l’Iran avait aussi enfreint ses obligations au titre de l’article X du traité de 1955. L’Iran ayant contesté la recevabilité de ladite demande reconventionnelle au regard du paragraphe 1 de l’article 80 du Règlement, la Cour s’est prononcée sur cette question dans une ordonnance du 10 mars 1998. Elle a estimé que la demande reconventionnelle était recevable comme telle et faisait partie de l’instance en cours, et a prescrit la présentation d’une réplique de l’Iran et d’une duplique des Etats-Unis d’Amérique. Ces pièces de procédure ont été déposées dans les délais prescrits, tels que prorogés. Dans son ordonnance de 1998, la Cour avait également dit qu’il y avait lieu, aux fins d’assurer une stricte égalité entre les Parties, de réserver le droit, pour l’Iran, de s’exprimer une seconde fois par écrit sur la demande reconventionnelle, dans une pièce additionnelle dont la présentation pourrait faire l’objet d’une ordonnance ultérieure. Une telle ordonnance a été prise par le vice-président le 28 août 2001, et l’Iran a par la suite déposé sa pièce additionnelle dans le délai prescrit. Des audiences publiques sur la demande de l’Iran et la demande reconventionnelle des Etats-Unis d’Amérique se sont tenues du 17 février au 7 mars 2003.
La Cour a rendu son arrêt le 6 novembre 2003. L’Iran alléguait que les Etats-Unis avaient violé la liberté de commerce entre les territoires des Parties, telle que garantie par le traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 entre les Etats-Unis et l’Iran, en attaquant en deux occasions et en détruisant trois installations de production pétrolière offshore appartenant à la compagnie nationale iranienne des pétroles et exploitées par elle à des fins commerciales. Il demandait réparation du préjudice ainsi causé. Les Etats-Unis affirmaient, dans une demande reconventionnelle, que c’était l’Iran qui avait violé le traité de 1955 en attaquant des navires dans le Golfe et en menant d’autres actions militaires dangereuses et nuisibles pour le commerce et la navigation entre les Etats-Unis et l’Iran. Ils demandaient également réparation.
La Cour a tout d’abord examiné si les actions menées par les forces navales américaines contre les installations pétrolières iraniennes étaient justifiées, au regard du traité de 1955, en tant que mesures nécessaires à la protection des intérêts vitaux des Etats-Unis sur le plan de la sécurité (alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XX du traité). Interprétant le traité à la lumière des règles pertinentes du droit international, elle a conclu que les Etats-Unis ne pouvaient recourir à l’emploi de la force au titre de ladite clause que dans l’exercice de leur droit de légitime défense. Les Etats-Unis ne pouvaient exercer ce droit que s’ils avaient été victimes d’une agression armée de l’Iran et leurs actions devaient être nécessaires et proportionnées à l’agression armée subie. Ayant procédé à un examen minutieux des éléments de preuve fournis par les Parties, la Cour a estimé que les Etats-Unis n’avaient pas réussi à démontrer que ces différentes conditions étaient satisfaites et a conclu qu’ils ne pouvaient dès lors pas se prévaloir des dispositions de l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XX du traité de 1955.
La Cour s’est ensuite interrogée sur la question de savoir si les Etats-Unis, en détruisant les plates-formes, avaient entravé le fonctionnement normal de celles-ci, empêchant ainsi l’Iran de jouir de la liberté de commerce « entre les territoires des deux Hautes Parties contractantes » telle que garantie par le traité de 1955 (art. X, par. 1). Elle a conclu qu’en ce qui concerne la première attaque les plates-formes attaquées étaient en réparation et hors d’usage, et qu’il n’y avait donc à ce moment-là aucun commerce de pétrole brut issu de ces plates-formes entre l’Iran et les Etats-Unis. Par conséquent, l’attaque desdites plates-formes ne pouvait être considérée comme ayant porté atteinte à la liberté de commerce entre les territoires des deux Etats. La Cour est parvenue à la même conclusion s’agissant de l’attaque ultérieure contre les autres plates-formes, car tout commerce de pétrole brut entre l’Iran et les Etats-Unis était alors suspendu du fait d’un embargo imposé résultant d’un Executive Order adopté par les autorités américaines. La Cour a donc conclu que les Etats-Unis n’avaient pas violé les obligations qui étaient les leurs à l’égard de l’Iran au titre du paragraphe 1 de l’article X du traité de 1955 et a rejeté la demande en réparation de l’Iran.
Concernant la demande reconventionnelle des Etats-Unis, la Cour, après avoir rejeté les exceptions d’incompétence et d’irrecevabilité soulevées par l’Iran, a examiné si les incidents que les Etats-Unis attribuaient à l’Iran avaient porté atteinte à la liberté de commerce ou de navigation entre les territoires des Parties garantie par l’article X, paragraphe 1, du traité de 1955. Elle a dit qu’aucun des navires dont les Etats-Unis alléguaient qu’ils auraient été endommagés par des attaques iraniennes ne se livrait au commerce ou à la navigation entre les territoires des deux Etats. Elle n’a pas davantage retenu l’argument plus général des Etats-Unis selon lequel les actions de l’Iran auraient rendu le golfe Persique périlleux, estimant qu’il ressortait des éléments qui lui avaient été soumis qu’il n’y avait pas eu, à l’époque, une entrave effective au commerce et à la navigation entre les territoires de l’Iran et des Etats-Unis. La Cour a rejeté en conséquence la demande reconventionnelle en réparation des Etats-Unis.
Cette vue d’ensemble de l’affaire est donnée uniquement à titre d’information et n’engage en aucune façon la Cour.