Réponse écrite des Etats-Unis d'Amérique à la question
posée par M. Schwebel, Vice-Président
«Au cours de cette procédure, les deux Parties citent des documents relatifs à la
ratification des traités d'amitié, de commerce et de navigation afin de mettre en lumière
quelles étaient leurs intentions en concluant le traité de 1955 d'amitié, de commerce et de
droits consulaires dans les termes où ce traité a été conclu.
Dans l'arrêt qu'elle a rendu le 22juillet1952 sur l'exception préliminaire de l'Iran en
l'affaire de l'Anglo-Iranian OilCo., la Cour a déterminé quelle avait été l'intention de
l'Iran lorsque cet Etat a rédigé sa déclara tion d'acceptation de la clause de juridiction
obligatoire de la Cour en vertu du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la CourC ( .I.J.
Recueil 1952, p. 104-107).
Dans quelle mesure, le cas échéan t, les Parties considèrent-ellescomme instructif ce que la Cour
a jugé dans la phase de compétence de l'affaire de lA ' nglo-Iranian Oil Co.?»
Dans l'affaire de l' Anglo-Iranian OilCo. de 1952, la Cour a décidé que la déclaration
d'acceptation de la compétence de la Cour au regardde certains différends, faite par un Etat au titre du
paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour, devrait avoir une portée limitée, même si le texte se
prêtait à une interprétation différente. Pour la Cour, le point essentiel était de savoir si l'Etat avait
réellement entendu lui conférer compétence pour tranch er le genre de différend en question, et la Cour
a décidé que ce n'était pas le cas en l'occurrence.En la présente instance, laquestion fondamentale est
de savoir si les Etats-Unis d'Amérique et l'Iran ont entendu, lorsqu'ils ont conclu le traité de 1955,
conférer compétence à la Cour pour trancher un différend concernant des opérations de combat entre
forcesmilitaires. D'aprèslesEt ats-Unis, ce n'est pas le cas.
En outre, la décision de la Cour dans l'affaire de l'Anglo-Iranian Oil Co.traduit une application
prudente de la règle de l'effet utile. Alors qu'elle aurait pu appliquer cette règle de façon à se
reconnaître une large compétence sur les différends auxqules un Etat était partie, la Cour a refusé de le
faire lorsqu'il était évident qu'une telle interprétation était contraire aux intentions de cet Etat au
moment où il avait accepté la juridiction de la Cour.
Enfin, la décision de la Cour confirme qu'elle a le droit d'examiner des documents soumis par un
gouvernement à son parlement dans le cadre de la procédure de ratification d'un traité, si la Cour estime
que ces documents font la lumière sur l'intention et la pratique d'une ou plusieurs parties. En
l'occurrence, les deux Parties ont porté de tels documents à la connaissance de la Cour dans cette
perspective.
Alors que l'instrument en question dans l'affaire de lA' nglo-Iranian Oil Co.était une déclaration
unilatérale, le raisonnement de la Cour est tout aussi applicable en l'affaire dont elle est actuellement
saisie. Dans les deux cas, la Cour a devant el le un instrument sur le quel sa compétence est
prétendument établie. Dans les deux cas, il revientlàa Cour de déterminer l'intention sous-jacente des
parties pour déterminer la portée de sa compétence. La Cour a également adopté cette démarche dans
l'arrêt du 18 décembre 1978 qu'elle a rendu dans l'affaire du Plateau continental de la mer Egé.e Dans
cette affaire, la Cour a examiné des documents d'o drre interne, y compris des documents qui avaient été
soumis au Parlement grec, pour déterminer quelle éa tit l'intention de la Grèce lorsqu'elle avait formulé
des réserves à son acceptation de la compétence de la Cour.
__________ Réponse écrite des Etats-Unis d'Amérique à la question
posée par Mme Higgins, juge
«Le point de vue des Etats-Unis d'Amérique selon lequel le traité d'amitié de 1955 n'offre
pas, en la présente instance, de base de compétence est-il lié au moyen selon lequel les
plates-formes en question étaient utilisées à des fins militaires et non commerciales ? Si
les plates-formes pétrolières étaient réellement utilisées à des fins commerciales, le traité
d'amitié de 1955 fournit-il de ce fait une base de compétence ?»
Le point de vue des Etats-Unis d'Amérique selon lequel la Cour n'est pas compétente pour
connaître de l'affaire introduite devant elle par la requête de la République islamique d'Iran est
indépendant de leur thèse selon laquelle les plates-ofrmes pétrolières en question étaient utilisées à des
fins militaires à l'époque des attaques.
Il s'agit là d'une question de fait litigieuse, qu'il n'est pas nécessaire de résoudre pour accueillir
notre exception préliminaire. Si l'affaire devait en arriver à la phase de l'examen au fond, les
Etats-Unis démontreraient alors que ces plates-formes étaient uti lisées pour lancer des opérations
militaires contre des navires neutres. Toutefois, à notre avis, l'exception préliminaire des Etats-Unis
d'Amérique garderait toute sa valeur dans le cas présent, même si les plates-formes avaient été utilisées
à des fins exclusivement commerciales.
Il ressort des pièces écrites et des plaidoiries des deux Parties qu'une série d'incidents liés entre
eux s'est produite au cours de la période où les forces armées des Etats-Unis ou de l'Iran, ou des deux
pays, ont commis des actes hostiles contre des cibled se l'autre Partie. Ces faits incontestés fournissent
une base suffisante à notre exception préliminaire. La licéité des attaques contre les plates-formes
pétrolières doit être appréciée au regard des règles de droit international relatives à l'emploi de la force
armée, et, à ce titre, n'entre pas dans le champ d'application du traité de 1955.
__________ Réponse écrite des Etats-Unis d'Amérique à la question
posée par M. Rigaux, juge ad hoc
«Selon la Partie iranienne, la NIOC livrait ecnore du pétrole aux Ett-Unis au moment de
la destruction des plates-formes pétrolières qui font l'objet du litige. Ces fournitures
ont-elles été interrompues à la suite de l' Executive Order du président Carter en
novembre1979? Pendant combien de temps ? Le cas échéant, quand furent-elles
reprises et quand ont-elles pris fin ?»
Le 12 novembre 1979, après l'occupation de l'ambassade des Etats-Unis à Téhéran, le
présidentCarter a imposé un embargo sur les importations aux Etats-Unis de pétrole brut iranien
(Proclamation4702). Le 19janvier1981, le présidentCarter a mis fin à cet embargo ( Executive
Order12282) et les livraisons de pétrole ont repris en l'espace d'un an. Le 29octobre1987, le
présidentReagan a signé l' Executive Order12613, qui interdisait l'importation de tous biens ou
services d'origine iranienne, y compris le pétrole(tout en prévoyant certaines exceptions, par exemple
pour les produits pétroliers raffinés dans un pays tiers à partir de pétrole iranien).
Ces actions entreprises par les Etats-Unis d'Amérique sont des exemples du type de mesures que
le paragraphe 1 d) de l'article XX du traité de 1955 soustrait à l'application des autres dispositions du
traité — c'est-à-dire des mesures économiques nécessaires à la protection des intérêts essentiels sur le
plan de la sécurité (ou nécessairespour qu'une partie puisse s'acquitterde ses obligations relatives au
maintien et au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales). Nous faisons observer que
l'accord général sur les tarifs dou aniers et le commerce de 1994 (art.XXI) et l'accord-cadre sur le
commerce des services de l'Organisation internationale du commerce (art. XIV bis) — accords qui ne
régissent évidemment pas l'emploi de la force armée — permettent également aux parties de prendre
des mesures pour protéger leurs intérêts essentiels sur le plan de la sécurité. Si la Cour devait estimer
que les attaques américaines contre les plates-formes pétrolières dont il s'agit en l'espèce relèvent du
champ d'application des dispositions du traité de 1955, les Etats-Unis établiraient lors de la phase de
l'examen au fond que ces attaques étaient nécessaires à la protection de leurs intérêts essentiels sur le
plan de la sécurité.
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Réponses écrites des Etats-Unis d'Amérique aux questions posées par des membres de la Cour