Annexe 3 à OB 2000/35
RÉPONSE DE QATAR À LA QUESTION POSÉE PAR M. VERESHCHETIN À QATAR ET À BAHREÏN
Le 15juin 2000, M. Vereshchetin a poséla question suivante aux Parties :
«Avant 1971, a-t-il étéconclu entre le Royaume-Uni, d'une part, et, de l'autre Qatar
et Bahrefu respectivement des accords internationaux autres que ceux qui établissentpour
eux une relation de protection ?
Le Royaume-Uni a-t-il conclu avant 1971 des accords internationaux avec des Etats
tiers au nom de Qatar ou de Bahreïn, ou bien pour le compte de Qatar ou de Bahreïn ?
Dans l'affirmative, quel est aujourd'hui le statut de ces accords pour Qatar et pour
Bahreïn ?»
Qatar répondraà cette question en tant qu'elle concerne la situation entre lui-mêmeet le Royaume-Uni.
Il n'exprimera pas ses vues sur le statut des accords entre le Royaume-ni et Bahreïn.
Le 3 septembre 1971, Qatar et le Royaume-Uni ont conclu un accord dont le paragraphe 2 était
libellécomme suit :
«Le traité généraldu 3 novembre 1916 et les traitéset engagements que l'Etat de
Qatar a acceptés au titre dudit traitégénéralet tous les autres accords, engagements et
arrangements entre le Royaume-Uni et l'Etat du Qatar, découlant des relations
conventionnelles spécialesexistant entre les deux Etats, prendront fm ce jour.»
Une copie de ce document a étédéposéepar Bahreïn (dossier des juges, onglet 49) à 1'occasion du
premier tour de plaidoiries de Bahreïn, bien qu'elle n'ait pas étépréalablement verséeau dossier de
l'affaire. Bahrem n'a pas verséau dossier des juges une copie de la correspondance y relative entre le
Royaume-Uni et le souverain de l'Etat de Qatar portant la mêmedate, qui énuméraitles traitéset les
instruments conclus avant le 3 septembre 1971 entre Qatar et la Grande-Bretagne. Qatar joint à la
présente une copie de la correspondance pertinence qui énumère,aux annexes A et B, les traités et
autres instruments pertinents préalablementconclus entre Qatar et la Grande-Bretagne.
A la connaissance de Qatar, ces listes comprennent tous les traités et autres instruments
pertinents dont le Royaume-Uni estimait qu'ils avaient étéconclus entre lui-mêmeet Qatar avant 1971.
Tout en ne considérant pas qu'à strictement parler tous les documents ainsi énuméréc sonstituent en
eux-mêmesdes accords internationaux, Qatar a soumis ces listes comme étantreprésentatives de la
conception que le Royaume-Uni se faisait de la question à l'époque. A cet égard,il y a lieu de noter
que le traitéde 1916 entre la Grande-Bretagne et Qatar se référaità son tour à l'accord de 1868 entre la
Grande-Bretagne et le souverain de Qatar. En conséquence,l'accord de 1868 devrait êtreinclus dans
la liste des accords pertinents.'est d'ailleurs ce qui étaitreconnu implicitement au paragraphe 2 de la
lettre du 3 septembre 1971 adressée au souverain de Qatar par le Royaume-Uni, qui se référait
spécifiquementau traitéde 1916 et aux «traitéset engagements que l'Etat de Qatar a acceptésau titre
dudit traité».
Qu'il fût spécifiéque «l'Etat de Qatar» avait acceptédifférentstraitéset engagements au titre du
traitéde 1916 est significatif. Cela démontreen effet que, bien que la Grande-Bretagne entretint avec
Qatar des relations conventionnelles spéciales,elle considéraitnéanmoins l'Etat de Qatar comme un
Etat indépendant ayant qualitépour conclure des accords internationaux. De fait, comme Rende! du -2-
Foreign Office l'a relevé dans son mémorandum du 5 janvier 1933 (réplique de Qatar, vol. 2,
annexe 11.58,p. 335; dossier des juges de Bahrem, onglet 53), Qatar et Bahrein <<nefont pas partie de
l'Empire britannique ni des Indes. Il s'agit d'Etats indépendants dont la conduite des relations
étrangères revient actuellement au gouvernement de Sa Majesté» (réplique de Qatar, vol. 2,
annexe 11.58,p. 342). Ce point de vue a étérepris par un chercheur bahreinite, M. Al-Baharna, qui a
observédans son ouvrage intitulé The Legal Status of the Arabian Gulf States qu'«Il apparaît que le
Gouvernement britannique a traitéles souverains de ces Emirats avec lesquels il a établides contacts
officiels directs comme des chefs de gouvernements indépendants»(p. 70).
Il y a égalementlieu de souligner dans ce contexte que, mêmeavant 1971, 1'Etat de Qatar a
conclu des accords internationaux en son nom propre. Il existe plusieurs de ces accords, mais 1'on peut
faire référenceicià trois exemples que le conseil de Qatar a évoquéslors des audiences. Le premier
est l'accord du 4 décembre1965 conclu avec l'Arabie saoudite portant détermination de la frontière
terrestre et de la frontièremaritime dans le golfe de Salwah (CR00/17, p. 17, par. 9). Le second est
un accord du 20 mars 1969 conclu avec Abou Dhabi sur la détermination des lignes frontières
maritimes et l'appartenance des îles (ST/LEG/SER B/16, p. 493; mémoire de Qatar, vol. 12,
annexe IV.259, p. 77). Le troisième est un accord de délimitationdu plateau continental conclu avec
l'Iran le 20 septembre 1969 (Nations Unies, Recueil des traités,vol. 789, 1971, p. 172; mémoire de
Qatar, vol.12, annexe IV.260, p. 81). De plus, Qatar a signéen 1965 un accord multilatéralentre les
Etats arabes du Golfe relatif aux devises (publié dans la gazette officielle,° 2, 19juillet 1965) et
en 1966 un accord avec Doubaï relatif aux devises (publié dans la gazette officielle, n° 3,
26 mars 1966).
Quant à la deuxièmepartie de la question de M. Vereshchetin, à la connaissance de Qatar, le
Royaume-Uni n'a pas conclu avant 1971 d'accords bilatérauxavec des Etats tiers au nom de Qatar ou
pour le compte de celui-ci.
:ta question desavoir sileRoyaum Ue~i a pu conclure·desaccords multilatérauxavec des Etats
tiers aunom ou pour le compte de Qatar est plus complexe. Compte tenu du délailimitéqui lui a été
imparti, Qatarn'a pas étéen mesure de déterminerquelle étaitexactement la situation pour ce qui est
de tous les traités multilatéraux susceptibles d'êtrepertinents. En effet, pour répondre de façon
approfondie à la question de M. Vereshchetin, il y aurait lieu de mener des recherches détailléessur le
statut de chacune des conventions multilatérales. Une telle recherche pourrait êtreentreprise mais
prendrait du temps.
Toutefois, Qatar relèveque le document intitulé«Accords internationaux liant Bahrein, Qatar et
les Etats de la Trêve»,communiqué à Bahrein par la division chargée des traités du Foreign et
Commonwealth Office et joint à la lettre de Bahrein du 28 juin 2000, ne permet pas de répondre
pleinement à la question de M. Vereshchetin. A premièrevue, iressort de ce document qu'avant 1971
le Royaume-Uni a pu conclure, normalement après avoir consulté le Gouvernement de Qatar, un
certain nombre de conventions internationales au nom de Qatar ou a pu prévoir d'étendre leur
application à Qatar, dontle Royaume-Uni assurait les relations internationales à l'époque. Toutefois,
outre qu'iln'est pas daté(bien que tous les documents qui y sont énuméréssoient antérieursà 1971), le
document est incomplet (il omet par exemple le GATT, le FMI, etc.). En outre, il n'indique pas
comment et dans quelle mesure le Royaume-Uni a pu signer certains accords au nom ou pour le
compte de Qatar ou étendreleur application à Qatar, et il énumèreau moins quatre traitésauxquels
Qatar a adhérédirectement. Il n'indique pas non plus le statut actuel de ces accords. -3-
Bien que le document soit intitulé«Accords internationaux liant Bahreïn, Qatar et les Etats de la
Trêve»,il n'inclut pas les traitésou autres accords internationaux que Qatar a pu conclure avec des
Etats tiers en son nom propre avant 1971,et auxquels il a étfait référencplus haut.
Pour mettre la question en perspective, Qatar a jointà la présenteréponsedeux pages extraites
d'une publication accessible au public (The Persian Gulf -Historical Summaries -1907-1953,
vol. II, Archive Editions, 1987), qui explique la situation généralepour ce qui est des conventions
multilatérales. Qatar pense que ce document permettra d'apporter des élémentsde réponse sur cet
aspect de la question de M. Vereshchetin.
Qatar relève également qu'il est devenu membre de l'OPEP en 1961, membre associé de
l'Unesco en 1962, membre associéde l'OMS en 1964 et membre associéde la FAO en 1967. Qatar a
égalementadhéréen sonnom propre à 1'Unionpostale universelle, en 1969. Annexe 4 à OB 2000/35
Observations de Qatar sur la question posée à Bahreïn par M. Vereshchetin
La seconde question de M. Vereshchetin étaitlibelléecomme suit :
«Dans la note britannique de 1971 relative à l'abrogation du régimespécialde traité
entre le Royaume-Uni et l'Etat de Bahrem, Bahrem est désignépar la formule: «Bahreïn
et ses dépendances.
Quelle étaitalors et quelle est aujourd'hui la dénominationofficielle de l'Etat de
Bahreïn? Quel est le sens du terme «dépendances»? Et quel étaitavant 1971 le statut
juridique des «dépendancesde Bahreïn» par rapport à Bahrein proprement dit ?»
Bien que cette question fût adresséeexclusivement à Bahreïn, M. Vereshchetin a indiquéqu'il
serait égalementheureux d'entendre à ce sujet les observations de Qatar. Ces observations sont les
suivantes.
a) Dénominationofficielle de l'Etat de Bahreïn
La question de M. Vereshchetin a étésuscitéepar la référenceà «Bahreïn et ses dépendances»
contenue dans l'accord du 15 août 1971 relatif à la fm des relations conventionnelles spécialesentre le
1
Royaume-Uni et Bahrem • Cet accord ne fournit aucune défmition de ce qu'il faut entendre par
«dépendances». De prime abord, Qatar souhaite faire observer que cette référenceaux «dépendances»
ne lui est pas opposable puisqu'il n'étaitpas partie à cet accord. En particulier, Qatar ne saurait êtrelié
par toute interprétationque Bahreïn pourrait faire de ce terme.
Les premiers documents pertinents en l'instance ne se référaientqu'à «Bahreïn». Ainsi, à la fois
le traitépréliminaire et le traitégénéralde 1820 ont étésignésentre le Gouvernement britannique et
les «cheikhs de Bahrem». Le traitépréliminaire contenait toutefois une référenceà «Bahreïn et ses
dépendances».
La convention amicale de 1861 a étésignée entre le Gouvernement britannique4et le
cheikh Mahomed bin Khuleefa, qualifié de «chef indépendantde Bahreïn» • Elle prévoyaitque les
Britanniques aideraient Bahreïn à obtenir réparationpour tous les dommages qui seraient infligéspar
mer «à Bahreïn ou à ses dépendancesdans le Golfe».
1Dossier des juges de Bahreïn, doc. 48.
2
Mémoirede Bahreïn, vol. 2, annexe 1, p. 1.
3
Mémoirede Qatar, vol. 5, annexe II.14, p. 9.
4Mémoirede Qatar, vol. 5, annexe II.20, p. 45. -2-
5 6
Dans les traitésultérieursconclus avec la Grande-Bretagne, notamment ceux de 1868 1880 et ,
1892 7, il n'est fait référencequ'à «Bahreüm, sans mention de quelconques «dépendances». Il y a lieu
de relever que ces traitésont été conclus à 1'époquede, ou à la suite de, la première reconnaissance par
la Grande-Bretagne de Qatar en tant qu'entitédistincte de Bahreïn.
8
La convention anglo-ottomane de 1913 se référaità «Bahreïn» • Les décretsen conseil de
Bahreïn de la mêmeannéese réfèrenteux aussi à «Bahreïn», sans mentionner des «dépendances» 9•
Par la suite, les documents officiels de Bahreïn étaient à l'en-têtedu «Gouvernement de
Bahreïn». C'est le cas par exemple de la proclamation de Bahreïn du 5juin 1949 relative aux fonds
10
marins •
D'autres documents officiels, tel que l'accord du 22 février1958 entre Bahrein et
1'Arabie saoudite relatif à leurs plateaux continentaux se réfèrentau «Gouvernement de 1'émiratde
Bahreïn» 11• Par ailleurs, l'accord sur le plateau continental que Bahrein a signéavec l'Iran le
17juin 1971, soit avant l'accord du 15 août 1971 conclu avec le Royaume-Uni, parle du
12
Gouvernement de «1'Etatde Bahreïn» •
Dans sa demande d'adhésionaux Nations Unies, du 15 août 1971, Bahreïn s'est simplement
présentécomme «l'Etat de Bahreïn», sans mentionner des «dépendances>P.
Il est arrivé qu'avant 1971, Bahreïn se réfèreà l'occasion à ses «dépendances» dans sa
correspondance. Néanmoins,cette référencea étéfaite de façon tout à fait irrégulièreet incohérente:
dans 1'essentiel de la correspondance, il est simplement fait référenceà «Bahreïn» et les référencesà
«Bahreïn et ses dépendances»sont tout à fait exceptionnelles.
La Constitution de Bahreïn adoptéele 26 mai 1973 est intitulée «Constitution de 1'Etat de
-------- ---Ba.liïeï:t1>>:-Lceo:rps-de-hr-constitutionrtefournit aucune âénominationofficiellë-de-Bal:trëm pa.splus·
qu'elle ne contient de référenceaux «dépendances»ou de défmitionde ce terme. On peut toutefois
relever que les lettres officielles de Bahreïn des dernièresannées,telles que celles qui ont été adressées
à la Cour, sont à l'en-têtede «l'Etat de Bahreïn».
b) Sens du terme «dépendances»
Le terme «dépendances» ne revêtpas de signification préciseen droit international. A la
connaissance de Qatar, les prétendues «dépendances»de Bahreïn n'ont pas étéofficiellement défmies,
ni en droit bahreïnite ni en droit du Royaume-Uni. Pour ce qui concerne le droit du Royaume-Uni, il
5Mémoirede Qatar, vol. 5, annexe 11.26,p. 75.
6/bid.annexe II.36, p. 117.
7
Ibid.,annexe II.37, p. 121.
8
Ibid.,annexe II.44, p. 151.
9Documents supplémentairesde Bahreïn, annexe 2.
10Mémoirede Qatar, vol. 5, annexe II.55, p. 219.
11
/bid.vol. 12, annexe IV.262, p. 95.
12
/bid.voL 12, annexe IV.264, p. 111.
13Dossier des juges de Bahreïn, doc. 118. -3-
est significatifque, contrairement aux prétendues«dépendances»de Bahreïn, les dépendancesque sont
les îles Malouines ont été officiellement identifiéeset déclarées comme telles par des lettres patentes de
1908 1• Puisqu'aucun des systèmes juridiques susceptible d'êtrepertinent ne fournit de défmition
précisedu terme «dépendances»,toute réponseà la question relative au sens du terme «dépendances»
en 1'espèceserait nécessairementde nature spéculative.
Comme cela a déjàété noté,le terme «dépendances»ne semble pas avoir étéemployédans des
traitésimpliquant ou concernant Bahreïn aprèsles événements de 1867-1868 et ce, jusqu'à l'accord de
1971.
L'article 2 du décreten conseil de 1913 a défmison champ d'application territoriale comme
étant«les îles et îlots de Bahreïn, y compris leurs eaux territoriales, et tous les autres territoires, îles et
îlots, y compris leurs eaux territoriales, qui peuvent êtreinclus dans la principauté et êtredes
possessions du cheikh régnantde Bahreïn.» L'emploi de l'expression «qui peuvent êtreinclus dans la
principauté...» semble envisagerune éventuelleexpansion future de la principautéde Bahreïn.
Il se pourrait égalementque, dans l'accord de 1971, le mot «dépendances»ait étéemployé
simplement pour décrire les îles de l'archipel de Bahreïn autres que l'île principale, qui porte
elle-même le nom de «Bahreïn». De fait, comme Qatar l'a montré dans ses pièces écriteset ses
plaidoiries, Bahreïn a étéconstamment décritaprès1868 comme étant constituéd'un groupe compact
de cinq îles15• Par exemple, en 1933, Laithwaite, un haut fonctionnaire de l'India Office, a affirméque
les dominions du cheikh de Bahreïn <<peuventêtreconsidéréscomme composés de l'archipel
bahreïnite, lui-mêmefo16éde l'île de Bahreïn et des îles adjacentes de Muharraq, Umm Na'assan,
Sitrah et Nabi Salih>> •
c) Statut juridique des «dépendancesde Bahrein» par rapport à Bahreïn proprement dit
Compte tenu de ce que le terme de «dépendances»ne semble plus avoir étéutilisédans les
documents officiels relatifs à Bahreïn suite à la reconnaissance de Qatar en 1868 en tant qu'entité
distincte, il est difficile de répondreà la question relative au «statut juridique des «dépendancesde
Bahreïn» par rapport à Bahreïnproprement dit>>.
14Voir C. H. M. Waldeck, «Disputed Sovereignty in the Falkland Islands Dependencies», BYBIL, 1948, p. 311.
15
Voir, par exemple répliquede Qatar, par. 3.22 et suiv.
16Mémoirede Qatar, vol. 6, annexe III.84, p. 431.
Réponses des Parties aux questions posées par M. Vereshchetin au cours des audiences