Observations écrites du Nicaragua

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16173
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Incidental Proceedings
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O BSERVATIONS ÉCRITES DE LA R ÉPUBLIQUE DU N ICARAGUA

[Traduction]

1. Conformément à l’article 83 du Règlement de la Cour, et dans le délai fixé par le président
de la Cour à cette fin —à savoir le 2septembre 2010, comme indiqué dans une lettre en date du
10juin2010 adressée à l’agent soussigné par le greffier (réf.136841)—, la République du
Nicaragua (ci-après le «Nicaragua») présente ses observations écrites sur la requête à fin

d’intervention déposée par la République du Honduras (ci-après le «Honduras») le 10 juin 2010 en
l’affaire du Différend territorial et maritime (Nicaragua c.Colombie) , requête dans laquelle le
Honduras se fonde, entre autres, sur l’article 62 du Statut de la Cour.

2. Le Honduras revendique le droit d’intervenir en l’affaire, en tant que partie ou non, en
vertu de l’article62 du Statut de la Cour. Da ns un cas comme dans l’autre, il doit satisfaire aux

critères énoncés par cet article. Or, ainsi que cel a sera démontré ci-après, le Honduras ne prouve
pas qu’un intérêt d’ordre juridique est pour lui en cause dans le différend territorial et maritime
opposant le Nicaragua et la République de Colombie (ci-après la «Colombie»).

I. Observations générales

3. Par sa requête, le Honduras cherche manif estement à rouvrir le litige l’ayant opposé au

Nicaragua, lequel a d’ores et déjà été tranché par la Cour dans l’arrêt rendu le8octobre2007 en
l’affaire du Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des
Caraïbes (Nicaragua c. Honduras) . Dans cet arrêt, la Cour a fixé dans son intégralité, avec toute

l’autorité de la chose jugée, la frontière sépar ant le Nicaragua et le Honduras dans la mer des
Caraïbes, à l’exception d’une très petite zone de moins de 3milles marins située dans la mer
territoriale, qui ne fait pas partie de l’espacequi, selon la requête du Honduras, serait visé par
l’instance opposant le Nicaragua et la Colombie.

4. La Cour a jugé, au point3 du paragra phe321 (dispositif) de l’ arrêt qu’elle a rendu
le 8 octobre 2007 que, «à partir du point de coordonnées 15° 00' 52" de latitude nord

et 83° 05' 58" de longitude ouest [c’est-à-dire, un point situé à moins de 3milles de la côte
continentale], la frontière maritime unique su ivra la ligne d’azimut 70°14'41,25"…jusqu’à
atteindre la zone dans laquelle elle risque de mettre en cause les droits d’Etats tiers».

5. Apparemment peu satisfait de la frontière établie par la Cour, ou tout au moins d’une
portion de celle-ci, le Honduras pr étend qu’un litige existe encore à ce sujet, ce qui ressort
clairement du paragraphe19 de sa requête, dans lequel il indique: «un différend de délimitation

perdure entre le Honduras et le Nicaragua».

6. Selon la requête du Honduras, ce «différend» concerne une zone de la mer des Caraïbes
e
située au nord du 15 parallèle et au sud de la ligne fron tière entre le Honduras et le Nicaragua
établie par la Cour le 8octobre2007: «toute prétention du Nicaragua sur les espaces maritimes
situés au nord du 15 parallèle risque d’affecter les droits et intérêts du Honduras en tant qu’Etat
1
tiers» . Or, la Cour a d’ores et déjà établi, il y a troisans, que le Honduras n’evait pas de tels
«droits et intérêts». Dans son arrêt, la Cour a jugé que la zone située entre le 15 parallèle (au sud)
et la ligne de délimitation telle que décrite au point 3 du paragraphe 321 a ppartenait au Nicaragua,
et non au Honduras.

1
Requête à fin d’intervention du Honduras, par. 12. - 2 -

7. Le Honduras cherche à créer de toutes pièces un «différend» l’opposant au Nicaragua en
interprétant de manière erronée l’arrêt du 8 octobre 2007. Il voit, en particulier, un point terminal à
la frontière maritime établie par la Cour là où il n’y en a pas.

8. Dans les conclusions exposées dans sa requête :

«[l]e Honduras sollicite l’autorisation de la Cour d’intervenir en tant que partie
dans l’instance pendante pour régler définitiv ement tant le différend sur la ligne de
délimitation entre le point terminal de la frontière fixée par l’arrêt du 8 octobre 2007

et le triple point sur la ligne frontière du traité de délimitation maritime de 1986 que la
détermination du point triple sur la ligne frontière du traité de délimitation maritime
de 1986 entre le Honduras et la Colombie.» 2

9. Tout d’abord, l’arrêt du 8octobre2007 n’a pas fixé le «point terminal» de la frontière

établie par la Cour. Cette dernière a, en réalit é, délibérément choisi de ne pas fixer le «point
terminal» de la frontière. «La Cour ne saurait stat uer sur une question si, pour ce faire, les droits
d’une tierce partie qui ne comparaît pas devant elle doivent d’abord êt re déterminés.» (Voir Or

monétaire pris à Rome en 1943 (Italie c.France, Royaume-Uni et Etats-Unis d’Amérique), arrêt,
C.I.J. Recueil 1954, p.19). En matière de délimitation judiciaire, il est donc courant de ne pas
indiquer de point terminal précis afin de ne pas porter préjudice aux droits d’Etats tiers.»
o
(par.312). Ainsi, sur le croquis n 7 intitulé «Tracé de la frontière maritime», la ligne de
délimitation se termine, à l’est, par une flèche orie ntée vers le nord-est, selon la direction de la
ligne d’azimut que suit la frontière établie par la Cour.

10. Il ne saurait, en outre, exister de ligne de délimitation allant du «point terminal»

inexistant de la frontière établie par l’arrêt du 8octobre2007 au «triple point» de la frontière
décrite dans le traité de1986 entre le H onduras et la Colombie, ce prétendu «triple point»
n’existant pas lui non plus. S’agissant de ce tra ité, qui a été amplement examiné dans le cadre de

l’affaire Nicaragua c. Honduras, la Cour a fait observer ce qui suit :

11. «La Cour ne se fonde aucunement sur le traité de1986 pour fixer un point terminal

approprié à la délimitation maritime entre le Ni caragua et le Honduras. Elle relève cependant
qu’une éventuelle délimitation entre le Honduras et le Nicaragua qui se prolongerait vers l’est
au-delà du 82 méridien et au nord du 15 parallèle (ce qui serait le cas de la bissectrice retenue par

la Cour) ne porterait en réalité pas préjudice aux droits de la Colombie, dans la mesure où les droits
de cette dernière en vertu de ce traité ne s’étendent pas au nord du 15 parallèle.» 3

12. Pourtant, c’est précisément dans cette zone ⎯à l’est du 82 eméridien et au nord du
15 parallèle ⎯ que le Honduras revendique, dans sa requête, l’existence de «droits et intérêts» qui

pourraient être affectés par la présente instance et ce, alors même que la Cour a d’ores et déjà jugé
qu’il n’avait, dans cette zone, aucun dro it ou intérêt entre la bissectrice et le 15 eparallèle, et fait
observer que la Colombie n’avait, elle non plus, aucun droit au nord du 15 eparallèle. Dès lors,

l’arrêt du 8 octobre 2007 établit que les «droits et intérêts» que le Honduras cherche à protéger par
sa requête à fin d’intervention n’existent pas.

2
Requête à fin d’intervention du Honduras, par. 36 (les italiques sont de nous).
3 Arrêt du 8 octobre 2007, par. 316. - 3 -

13. L’article62 n’est pas un mécanisme permettant de rouvrir une affaire et d’ôter toute
valeur au principe de l’autorité de la chose jugée, que la partie qui tente de l’utiliser ainsi puisse ou
non se prévaloir d’une base de compétence autonome à l’égard des deux Parties à l’instance.

14. La requête du Honduras se termine par la demande subsidiaire suivante :

«A titre subsidiaire, le Honduras sollicite l’autorisati on de la Cour d’intervenir
en tant que non-partie afin de protéger ses droits et d’informer la Cour de la nature des
droits et intérêts juridiques de la Répub lique du Honduras dans la mer des Caraïbes
4
qui pourraient être mis en cause par la décision de la Cour dans l’instance pendante.»

15. Informer la Cour de «la nature de [ses] droits et intérêts juridiques…dans la mer des
Caraïbes» ⎯y compris la partie de celle-ci sur laque lle porte spécifiquement la requête à fin
d’intervention ⎯, c’est exactement ce que le Honduras a fait, en l’affaire Nicaragua c. Honduras, à

l’occasion de deux tours de procédure écrite et oral e, qui se sont déroulés sur près de huit années.
Le Honduras ne saurait donc réellement avoir intérêt à informer de nouveau ⎯ et pour la deuxième

fois ⎯ la Cour. En réalité, la requête n’est qu’u n prétexte pour rouvrir et porter à nouveau en
justice une affaire ⎯relative à l’emplacement de sa frontiè re avec le Nicaragua dans la mer des
Caraïbes ⎯ sur laquelle la Cour s’est déjà prononcée.

II. La requête à fin d’intervention du Honduras a pour seul but de remettre en cause la

décision de la Cour du 8 octobre 2007

A. La thèse générale du Honduras

16. Le Honduras indique à plusieurs reprises qu’ une partie seulement de sa frontière

maritime avec le Nicaragua a été établie par l’ arrêt que la Cour a rendu le 8octobre2007 en
l’affaire du Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des
Caraïbes (Nicaragua c.Honduras) . En réalité, l’arrêt de la Co ur délimite la frontière maritime

dans son intégralité. Par ailleurs, le Honduras avan ce qu6 cet arrêt a fixé un point terminal de la
frontière maritime entre le Nicaragua et le Honduras . Il ne précise cependant pas les coordonnées
géographiques de ce prétendu point terminal. Le fait que le Honduras indique que la zone dans

laqeelle il po7rrait être porté atteinte à ses inté rêts juridiques est limitée à l’ouest par le
82 méridien donne à penser que, selon lui, le point termin al de sa frontière maritime est situé sur
ce méridien.

17. La question des limites de la frontière ma ritime entre le Nicaragua et le Honduras est
traitée aux paragraphes306 à319 de l’arrêt qu e la Cour a rendu le 8octobre2007. Au

paragraphe314, la Cour précise ce qui suit au su jet de la fixation du point terminal de cette
frontière :

«La Cour relève que trois possibilités s’ offrent à elle: elle pourrait ne pas se
prononcer sur le point terminal de la ligne , se contentant de déclarer que celle-ci se
poursuit jusqu’à atteindre la juridiction d’un Etat tiers; elle pourrait décider que la

4Requête à fin d’intervention du Honduras, par. 36.
5
Voir notamment requête à fin d’intervention du Honduras, par. 7.
6
Requête à fin d’intervention du Honduras, par. 18.
7Requête à fin d’intervention du Honduras, par. 17. - 4 -

ligne ne se poursuit pas au-delà du 82 e méridien; ou bien, elle pourrait indiquer que
e
les droits d’Etats tiers qui existeraient à l’est du 82 méridien ne concernent pas la
zone à délimiter et ne l’empêchent donc pas de décider que la ligne se poursuit au-delà
de ce méridien.»

18. Au paragraphe 319 de son a rrêt, la Cour indique clairement qu’elle a retenu la troisième

possibilité mentionnée au paragraphe 314 : «[l]a Cour peut donc, sans pour autant indiquer de point
terminal précis, délimite r la frontière maritime et déclarer que celle-ci s’étend au-delà du
82 méridien sans porter atteinte aux droits d’Etats tiers.» (Les italiques sont de nous.)

19. Il résulte de ce qui précède que l’inte ntion énoncée par la Cour dans son arrêt
du 8 octobre 2007 contredit clairement les deux a ffirmations du Honduras. L’arrêt ne délimite pas

une frontière maritime partielle mais l’intégralité de la frontière maritime entre le Nicaragua et le
Honduras. Par ailleurs, la Cour indique clairement dans son arrêt que le point terminal indéterminé
de la frontière est situé à l’est du 82 eméridien. Plus important encore, il est précisé que ce point

terminal indéterminé est situé sur l’azimut qu’elle a défini dans son arrêt comme constituant la
frontière maritime entre le Nicaragua et le Honduras. Aux termes de l’arrêt de la Cour, il ne saurait
y avoir de frontière maritime entre le Nicaragua et le Honduras au sud de cet azimut.

20. Ce nonobstant, et en dépit de cette déci sion, le Honduras demande aujourd’hui à la Cour
de délimiter sa frontière maritime avec le Nicaragua jusqu’au «point triple» avec la Colombie qui,

selon lui, est situé sur la frontière maritime entre le Honduras et la Colombie établie par le traité
que ces deux Etats ont conclu en 1986 . Or, la frontière maritime dé limitée dans le traité de 1986
est entièrement située au sud de l’azimut qui constitue la frontière maritime entre le Nicaragua et le

Honduras. La demande du Honduras tendant à délimite r une frontière maritime entre lui-même et
le Nicaragua constitue donc une viola tion flagrante du principe de l’autorité de la chose jugée. En
effet, l’arrêt que la Cour a rendu le 8 octobre 2007 exclut la possi bilité d’une frontière maritime au

sud de l’azimut établi par la Cour dans la zone où le Honduras affirme aujourd’hui qu’il pourrait
être porté atteinte à ses intérêts juridiques.

B. L’objet de la requête est revêtu de l’autorité de la chose jugée

21. Ainsi que le Honduras l’indique au paragr aphe16 de sa requête, le «différend» «est

limit[é] à la seule délimitation mar itime dans la zone circonscrite pa r le traité de1986 [entre le
Honduras et la Colombie].» Au paragraphe 17 de sa requête, le Honduras décrit cette zone comme
formant «un rectangle dont le point de départ est l’intersection du 82 e méridien et

du parallèle14°59'08". Se dirigeant vers l’est, la limite inférieure su it ce parallèle jusqu’au
80 méridien et le côté du rectangle oriental remont e vers le nord le long de ce méridien jusqu’au
point d’intersection avec le parallèle 16° 20' ; de là, la limite septentrionale se dirige vers l’ouest en
e
suivant ce parallèle jusqu’à son intersection avec le 82 méridien et le côté occidental du rectangle
redescend le long de ce dernier jusqu’au point de départ».

22. Le Honduras fait valoir que la Colombie ne saurait, en vertu du traité de 1986, formuler
de prétention relativement à cette zone rectangulai re, mais que celle-ci continue d’être en litige

entre lui-même et le Nicaragua. Le Honduras a ra ison sur le premier point, mais il a tort sur le
second.

8Requête à fin d’intervention du Honduras, par. 22 et 23. - 5 -

23. Ces deux conclusions s’imposent clairement au vu des croquis annexés aux présentes
observations écrites.

24. Le premier croquis est le croquisn 7 (annexeA) de l’arrê t rendu par la Cour en
octobre2007, que celle-ci a intitulé «Tracé de la frontière maritime». La ligne de délimitation

établie par la Cour y est représentée, préci sément dans la zone dont le Honduras prétend
aujourd’hui qu’elle est en litige entre les deux Etats. Comme il es t indiqué au paragraphe 320 de
l’arrêt, ainsi que dans le dispos itif (point3), la frontière suit, dans cette zone, «la ligne d’azimut

70°14'41,25" jusqu’à atteindre la zone dans laquelle elle risque de mettre en cause les droits
d’Etats tiers».

25. Sur le second croquis (annexeB) est représen tée la zone rectangulai re dans laquelle le
Honduras soutient aujourd’hui qu’«un différend de délimitation perdure», superposée au
croquis n 7 de l’arrêt rendu par la Cour en octobre 2007. Au vu de cette carte, il n’y a aucun doute
que la zone en question a bel et bien été délimit ée par la Cour. La partie du rectangle située au

nord de la ligne de délimitation a ppartient au Honduras. La par tie située au sud de cette ligne
appartient au Nicaragua. Aucune partie de ce rect angle ne se trouve en dehors de la zone que la
Cour a déjà délimitée dans son arrêt. En consé quence, le Honduras n’est p as en droit de formuler
des prétentions relativement à des zones situées au sud de la ligne de délimitation.

26. Pourtant, le Honduras soutient dans sa re quête que son intervention a précisément pour
but que soit effectuée une délimitation de cette z one. Ainsi, au paragra phe12 de sa requête, il

indique que

«toute prétention du Nicaragua sur les espaces maritimes situés au nord du
15 parallèle risque d’affecter les droits et intérêts du Honduras en tant qu’Etat tiers

comme il a été reconnu par la Cour dans son a rrêt d’octobre 2007. En tant que tel, le
Honduras possède un intérêt d’ordre juridique réel, actuel, direct, concret dans la
délimitation des espaces maritimes dans la zone au nord du tracé frontalier résultant

du traité de 1986 [entre le Honduras et la Colombie].»

27. Tel est le seul «intérêt juridique» auquel, selon le Honduras, la présente instance porterait

atteinte, et telle est la seule base sur laquelle celui-ci prétend fonder sa requête à fin d’intervention.

28. Cependant, en vertu de l’arrêt que la Cour a rendu en octobre2007, le Honduras n’a

aucun intérêt juridique au sud de la ligne de délimitatioe établie par la Cour, y compris dans la zone
délimitée au nord par cette ligne et au sud, par le 15 parallèle. Certes, le Honduras a des intérêts
juridiques dans des zones situées au nord de la ligne de délimitation établie par la Cour, mais la
présente instance ne risque nullement d’y port er atteinte, puisque ces intérêts échappent

incontestablement à sa portée.

29. En conséquence, la requête à fin d’in tervention du Honduras doit être rejetée pour deux

motifs. Premièrement, elle ne définit aucun intérêt d’ordre juridique que le Honduras pourrait avoir
et auquel la décision de la Cour en la présente espèce risquerait de porter atteinte. Deuxièmement,
dans la mesure où elle porte sur des zones situées au sud (c’est-à-dire du côté nicaraguayen) de la
frontière entre le Honduras et le Nicaragua dé limitée par la Cour en octobre2007, elle vise à

obtenir un nouvel examen de questions qui ont déjà été tranchées par la Cour dans des instances
antérieures et, partant, se heurte au principe de l’autorité de la chose jugée. - 6 -

III. Le Honduras n’a pas prouvé qu’il avait un intérêt d’ordre juridique en cause dans
l’affaire du différend territorial et maritime opposant le Nicaragua à la Colombie

30. En vertu de l’article 81, paragraphe 2, point a), du Règlement de la Cour (qui reprend les
termes de l’article62 du Statut), la requête à fin d’intervention doit spécifier «l’intérêt d’ordre
juridique qui est…en cause [selon l’Etat dema ndant à intervenir]». En l’espèce, le Honduras
n’apporte pas la preuve d’un tel intérêt ⎯comme cela ressort en outre clairement des arguments

avancés dans les sections précédentes, qui précisent que, dans son arrêt du 8 octobre 2007, la Cour
a fixé dans son intégralité la frontière maritime entre le Nicaragua et le Honduras, sous réserve des
droits des tiers 9.

31. Cela suffit à établir que le Honduras n’a p as d’intérêt d’ordre juridique en cause dans la
présente procédure. Il est vrai que «lorsqu’il pr ésente une demande à fin d’intervention, l’Etat n’a

pas à prouver qu’il détient «des droits qui doivent êt re protégés, mais simplement qu’il a un intérêt
d’ordre juridique, susceptible d’être affecté par la décision à rendre en l’espèce» ( Différend
frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras), requête à fin d’intervention,
arrêt, C.I.J. Recueil 1990, p. 134)» 10, mais encore faut-il qu’un tel intérêt soit susceptible d’être

affecté; or, l’arrêt du 8octobre2007, qui a l’auto rité de la chose jugée entre le Honduras et le
Nicaragua, établit que cela ne saurait être le cas en l’espèce. Dès lors, c’est seulement à titre
complémentaire que le Nicaragua présente ci-dess ous d’autres observations sur certains aspects de

la requête à fin d’intervention déposée par le Honduras.

32. Premièrement, le Nicaragua tient à dire qu’il n’a aucune objection de principe à ce qu’un

Etat cherche à intervenir 11 qualité de partie dans la procédure principale, comme le Honduras
affirme vouloir le faire . Mais, comme cela a été précisé préc édemment, qu’il intervienne dans la
procédure en qualité de partie ou en qualité de non-partie ne modifie en rien son obligation de
prouver qu’il a un intérêt d’ordre juridique en cause dans la présente affaire.

33. De même, le fait que «[d]ès fin2008, le Honduras a indiqué aux parties à l’instance
12
pendante et à la Cour son intention de déposer une requête à fin d’intervention» ne contribue
nullement à établir l’admissibilité et le bien-fondé de ladite requête.

34. De plus, et surtout, il ne ressort pas de 13 la description géographi que de la zone dans
laquelle le Honduras entend protéger ses droits que la présente affaire puisse présenter un risque
de remise en cause desdits droits (qu’ils existent ou non). En effet, cette zone, telle qu’elle a été
établie précédemment, est totalement située en dehors des espaces faisant l’objet du différend entre

les parties à la présente instance. Les droits que le Honduras cherche à protéger ne sont pas inclus
dans la zone litigieuse et le risque que la décision de la Cour en l’espèce leur porte atteinte est dès
lors nul.

9 Affirmer que «toute prétention du Nicaragua su r les espaces maritimes situés au nord du 15parallèle risque
d’affecter les droits et intérêts du H onduras en tant qu’Etat tiers comme iété reconnu par la Cour dans son arrêt

d’octobre 2007» (requête à fin d’intervention déposée par la République du Honduras, par. 12) n’a aucun sens, puisque le
Honduras n’est pas un tiers, mais bien une partie au différerésolu par cet arrêt. Pour la même raison, on ne saurait
admettre l’assertion selon laquelle «[l]e Honduras fait partie [des] Etats tiers» (requête à fin d’intervention déposée par la
République du Honduras, par.6) au différen d soumis à la Cour par le Nicaragua da ns la présente affaire, puisque la
frontière maritime entre les deux pays a été intégr alement et définitivement fixée par l’arrêt de 2007 ⎯ sous réserve des
droits des Etats tiers.
10
Requête à fin d’intervention déposée par la République du Honduras, par. 25.
11
Requête à fin d’intervention déposée par la République du Honduras, par. 24, par. 30 ou par. 36.
12 Requête à fin d’intervention déposée par la République du Honduras, par. 13 ⎯ notes de bas de page omises.

13 Requête à fin d’intervention déposée par la République du Honduras, par. 17. - 7 -

35. Quant à l’insistance du Honduras à vouloir «informer la Cour de la nature des droits du
14
Honduras qui sont en cause dans l’instance pendante» , il convient de relever que :

a) comme l’a démontré ci-dessus le Nicaragua , le Honduras ne peut invoquer aucun droit

susceptible d’être affecté et, dès lors, il ne peut bien évidemment pas «informer» la Cour d’un
tel droit ; et

b) en tout état de cause, la Cour a été pleinement informée de la situation dans la région où le

Honduras soutient avoir des droits et a statué sur les conséquences à tirer de cette situation dans
son arrêt de2007, où elle a également déclaré que les droits de la Colombie n’étaient pas en
cause. La Cour a été informée de tous les dro its revendiqués par le Honduras dans les Caraïbes

dans l’affaire Nicaragua c. Honduras.

IV. Observations supplémentaires

36. Le Honduras a annexé à sa requête une déclaration commune des présidents du
Nicaragua et du Honduras en date du 9avril2010 (annexe1). L’objectif évident de ce document

était d’apporter des solutions aux questions mar itimes relatives au golfe de Fonseca (en bordure de
l’océan Pacifique) et à la petite zone, située dans la mer territoriale des Caraïbes, qui avait été
laissée sans délimitation par l’arrêt de la Cour du 8 octobre 2007. Dans leur déclaration conjointe,
les présidents en appellent spécifiquement à la réinstallation des

«commissions de délimitation des deux Etats … pour clore à bref délai le processus de
délimitation de la zone (à savoir, le pe tit espace situé dans la mer territoriale des

Parties) qui, en exécution de l’alinéa 4 [du paragraphe 321] du dis positif 15 l’arrêt du
8 octobre 2007, doit faire l’objet de négociations entre les deux pays» .

37. Tout au plus ce document met-il en lumière le fait que, en avril 2010 encore, il n’y avait
pas d’autre question de délimitation en suspens en tre les Parties. Le mandat des commissions de
délimitation concernait uniquement la petite zone désignée dans la mer territoriale et rien

n’indiquait que des questions so ient en suspens à propos des z ones situées au-delà de la mer
territoriale, sur lesquelles porte la requête du Honduras.

38. Enfin, le Nicaragua tient à verser au dossi er l’information suivante . A l’instar de la
plupart des Etats du monde, le Nicaragua a conda mné le coup d’Etat de juin2009 par lequel le
gouvernement légitime du Honduras fut déposé par la force. A l’heure actuelle encore, de

nombreux Etats, notamment en Amérique latine, ai nsi que des organisations internationales telles
que l’organisation des Etats américains, n’ont toujours pas reconnu la légitimité des gouvernements
qui prirent le pouvoir au Honduras à la suite de cet événement. Le Nicaragua fait partie de ces

Etats, mais il participe malgré tout à la présente procédure, comme il l’a fait dans d’autres
procédures impliquant ses intérêts souverains, étant entendu que cela n’implique aucun changement
de position de sa part à cet égard.

14
Requête à fin d’intervention déposée par la République du Honduras, par. 23 et par. 33 («En second lieu…»).
15«Dit que les Parties devront négocier de bonne foi en vue de convenir du tracé de la ligne de délimitation de la
partie de la mer territoriale située entre le point terminal de la frontière terrestre établi par la sentence arbitrale de 1906 et
le point de départ de la frontière maritime unique fixé par la Cour au point de coordonnées 15° 00' 52" de latitude nord et
83° 05' 58" de longitude ouest.» (Dispositif de l’arrêt du 8 octobre 2007, par. 321, alinéa 4.) - 8 -

V. Conclusions

39. POUR CES MOTIFS, la République du Nicaragua conclut que la requête à fin
d’intervention déposée par le Honduras n’est pas conforme au Statut et au Règlement de la Cour et,
en conséquence : 1) s’oppose à ce qu’une telle interven tion soit accordée, et 2) prie la Cour de bien

vouloir rejeter la requête à fin d’intervention déposée par le Honduras.

L’agent de la République du Nicaragua,

(signé) CarlosA RGÜELLO G ÓMEZ .

___________ .
LAND

JAMAˇQUE

WGS 84
1 :6 000 000
Croquis n°7.

Projectionde Mercator (15°N)

TracØ de la frontiŁre maritime
Ce croquis, sur lequel la côte et les formationstration

NICARAGUA

HONDURAS R
O
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BELIZE S
E

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