Résumés des arrêts, avis cDocument non officielances de la Cour
internationale de Justice
AFFAIREDUPLATEAUCONTINENTA( JA.MAHIRIY AARABELIBYENNEMALTE)
[REQUÊTE À FIN D'INTERVENTION]
Arrêt du 21 mars 1984
Dans son arrêtsur la requête à fin d'intervention de l'Italià fin d'intervention devait êtreadmise ou
présentée parl'Italie en vertu de l'Article 62du Statutreietée.
dans 1'affGredu plateau continental entre la Libye et D~spositions du statu tt dl, ~ + ~ l ~ ~e la~cour
Malte, la Cour, par 11voixcontre 5, adit que larequête régissant19intervention(paragraphe
de l'Italià fin d'intervention ne pouvait êtreadmise.
L'Article 62 du Statut invoquépar l'Italie dispo:e
"1. Lorsqu'un Etat estime que, dans un diffé-
rend, un intérêtd'ordre juridique est pour lui en
La Cour était composéecomme suit :M. Elias, pré- cause, il peut adresseà la Cour une requête, àfin
sident;M. Sette-Camara, vice-président;MM. Lachs, d'intervention.
Morozov,NagendraSingh,Ruda, Oda, Ago, El-Khani "2. La Cour décide."
Schwebel, sir Robert Jennings, MM. de Lacharrière,
Mbaye,Bedjaoui, juges; MM. Jiménezde Aréchagaet Aux termes de l'article 81, paragraphe 2, duègle-
Castaiieda,juges ad hoc. merit,unerequête àfind'intervention fondéesur1'Arti-
Des opinions individuelles ont étéjointesà l'arrêt cle 62du Statut doit préciserl'affaire qu'elle concerne
par MM. Morozov, Nagendra Singh,MbayeetJiménez et spécifier
de Aréchaga. "a) L'intérêtd'ordre juridique qui, selon 1'Etat
demandant à intervenir, est pour len cause;
Des opinions dissidentesont étéjointesà l'arrêtpar "b) L'objet précisde l'intervention;
MM. Sette-Camara, vice-président,Oda, Ago, Schwe-
bel et sir Robert Jennings. "c) Toute base de compétence qui, selon 1'Etat
demandant à intervenir, existerait entre lui et les
parties".
Recevabilitéformelle de la requêteitalienne àJin d'in-
Procéduredevant la Cour (paragraphes 1 à 9) terventiort (paragraphes 1à 12)
Dans son arrêt,la Cour rappelle que le Gouverne-
ment libyen et le Gouvernement maltais lui ont notifié Constatant que la requêteitalienne satisfait formel-
conjointement le 26juillet 1982un compromis conclu lement aux trois conditionsposéesà l'article 81,para-
entre Malte et la Jamahiriya arabe libyenne le 23 mai graphe 2, du Règlementet qu'elle n'a pasétédéposée
1976en vue de soumettre àlaCour undifférendconcer- hors délai,la Cour conclut qu'elle ne comporte aucun
nant la délimitationdu plateau continental entre ces vice de forme qui la rendrait irrecevable.
deux Etats. Exposédes thèses de l'Italie et des deuxparties (para-
graphes 13 à 27)
La procédure s'est poursuivie conformément au La Courrésumel'argumentation présentée par 1'Ita-
Statut et au Reglement compte tenu du compromis lie dans sa requêteet ses plaidoiries (paragraphes 13
entre lesdeux Etats. Les mémoiresde l'unet de l'autre à 17). Elle note en particulier que l'intérêtjuridique
ont étédéposésle26avril 1983et les contre-mémoires invoqué par l'Italie est constitué par la protection des
le 26 octobre 1983. droies souverains qu'elle revendique sur certaines zo-
La Cour necomptant surlesiegeaucunjuge de natio- nes du plateau continental en cause dans l'instance
nalitélibyenne ou maltaise, chacune des Parties s'est entre la Jamahiriyaarabe libyenne et Malte. Elle note
prévaluedu droit que lui confèrel'Article 31du Statut en outre quel'objet de l'intervention estde permettre
de désignerunjuge ad hoc pour siégeren l'affaire. La l'Italie de défendreces droits de sorte que la Cour en
Jamahiriyaarabe libyenne a nomméM. E. Jiménezde soitaussicomplètement informéequepossible, qu'elle
Aréchagaet Malte M. J. Castafieda. puisse les prendre en considérationdans sa décisionet
donner aÛx Parties toutes indications utiles pour
Le 24octobre 1983leGreffeareçu duGouvernement qu'elles n'incluent pas, dans l'accord de délimitation
italien une requêteàfin d'intervention aux termes de qu'elles conclurontenapplication de l'arrêtde laCour,
l'Article 62du Statut. Les Gouvernements de laama- des zones sur lesquelles l'Italie a des droits. La Cour
hiriya arabelibyenne et de Malte ont soumisdesobser- note enfin que selon l'Italie l'Article 62du Statut cons-
vations écrites sur cette requêtele 5 décembre 1983, titue en l'espèceune base de compétencesuffisantequi
dans le délaiquileuravait étimpartiàcet effet. Objec- n'a pasà êtrecomplétéeparun lien spécialdejuridic-
tion ayant étéfaite à la demande d'intervention de tion entre elle et les Partàel'instance.
l'Italie, la Cour a tenu, conformémeàtl'article 84 du
Règlement, des audiences publiques entre le 25 et le La.Cour résume ensuite l'argumentation présentée
30janvier 1984pour entendre 1'Etatdésireux d'inter- par la Jamahiriyaarabe libyenne(paragraphes 18à 24)
venir et lesParties surlaquestion de savoir silarequêteetpar Malte(paragraphes 25 à27)tant dansleurs obser- vations écrites sur la requête italienne que dans les intervention dans un cas tel que celui de la requête
plaidoiries de leurs conseils. italienne, s'accompagner d'une base de compétence.
Int6rêdt'ordrejuridique et objet de l'intervtvttion(pa- Selon la deuxième conception, dès lors que 1'Etat
ragraphes 28 à 38) requérant l'intervention demande à la Cour de statuer
sur les droits qu'il revendique, on ne se trouve pas en
fifin dedéterminersila.requêteitalienneestjustifiée, présenced'une véritableinterventionau sens de 1'Arti-
la Gour doit examiner l'intérêt d'ordrejuri'diquesus- cle 62. L'Article 62 ne dérogerait pas au consensua-
ceptibled'être encause, ce quil'obligeàévaluerl'objet lisme qui estàla base de la compétencede la Cour car
de larequêteet lamanièrledont celui-cicorrespond à ce les seuls cas d'intervention ouverts par cet article
qu'envisage le Statut- à savoir assurer la protection seraient ceux dans lesquels l'intervenant ne recherche
d'u.n "intérêt d'ordrejuridique" en empêchantqu'il que lapréservationde sesdroits sans tenter delesfaire
soit "affecté" par la décision. reconnaître. Rien n'indique que l'Article 62 ait été
La Courrappelle que, cianslecas d'une intervention, conçu comme un autre moyen de saisir la Cour d'un
c'est normalement par rapport à la définitionde l'in- litige supplémentaireou comme un moyen de faire va-
térCtd'ordre juridique et de l'objet indiqué par1'Etat loir lesdroits propres d'un Etat non partiel'instance.
demandant à intervenir que la Cour devrait juger si Untellitigene saurait êtreportédevantlaCourpar voie
l'iriterventionpeut ou non êtreadmise. Il luiappartient d'intervention.
néanmoinsde s'assurer de l'objet véritable:de la de- La Cour conclut que I'intervention demandée par
mande. Or en l'occurrenice,compte tenu de toutes les l'Italie relève, vu son objet, d'une catégorie qui, se-
circonstances et de la nature de l'objet de l'instance lon la démonstration mêmede l'Italie, ne saurait être
introduiteparlaLibye et Malte, ilapparaît àla Courque admise. Cette conclusion découlede I'une comme de
si, sur le plan formel, l'Italie lui demande de sauvegar- l'autre des deux manières de voir exposées ci-dessus,
der ses droits, sarequête apoureffet pratiqueinélucta- de sorte que la Cour n'a pas à choisir entre elles.
ble d'inviter la Courà reconnaître ceux-ci et, pour ce
faire,à statuer aumoins partiellement sur lesdifférends LaCourestimantqu'elle ne doitpasallerau-delà des
entre l'Italie et l'une des Parties ou les deux. Certes considérations qu'ellejuge nécessaires à sa décision,
1'If.aliedemande à la Cour de ne statuer que sur ce qui l'arrêtn'a pasà trancher les diverses autres questions
relèvevraimentde Malte:et delaLibye. Maiis,pourque soulevéesau sujet des conditions et du fonctionnement
la Cour puisse procéder à cette opération, il faudrait de l'intervention au titre de l'Article 62 du Statut. En
qu'elle détermined'abord leszonessur lesqiielles1'Ita- particulier, pour se prononcer sur la demande d'in-
lie a des droits et celles sur lesquelles elle n'en a pas.tervention de l'Italie en l'espèce, la Cour n'a pas à
Elle devrait donc statuer sur l'existence de droitsita- décider si, en règlegénérale, pour toute intervention
lieas sur certaines zones et sur l'absence de droits fondée sur l'Article 62, et comme condition de son
italiens sur d'autres zones. La Cour serait appelée, admission, l'existence d'un lienjuridictionnel valable
pour donner effet à l'intervention,à trancher un dif- doit êtredémontrée.
férendouun élémend t e .différen.ntre l'Italie et I'une Protectiondes intérêtdse l'Italie(paragraphes 39 à43)
ou l'autre des Parties principales ou les deux, ce qui
l'amènerait à se prononcer sur les relationsjuridiques L'Italie souligneenoutre l'impossibilité,oudumoins
entre l'Italie et la Libye sans le consentelnent de la la difficultébeaucoup plus grande, qu'éprouverait la
Libyeet sur celles entre I'Italieet Malte sans leconsen- Cour à s'acquitter de la tâche à elle confiée par le
ternent de Malte. Sa déc:isionne pourrait pas êtreinter- compromis sil'Italieneparticipait pasà laprocédureen
prktéesimplementcomme n'"affectant" pas lesdroits qualitéd'intervenant. Toutenreconnaissant que, sielle
de l'Italie mais comme 1e:sreconnaissantou lesrejetant étaitpleinement instruite des prétentions etdes thèses
en totalité ouen partie. de l'Italie, elle serait mieux mêmede donner aux
Partiesdesindicationstellesqu'elles puissentdélimiter
La Cour ayant conclu que le fait d'autoriser l'in- leurs zones de plateaucontinental sans difficultb (même
tervention impliquerait l'introduction d'un nouveau si pendant la procédure elle a obtenu des renseigne-
dil'férend,on peut envisager de deux manièresles con- ments suffisantspour la sauvegardedes droits de 1'Ita-
s6quences à tirer de cette conclusion par rapport à lie),laCournoteque laquestionn'est pas de savoir sila
l'Article 62 du Statut. participation del'Italie peut êtreutile ou mêmenéces-
saireà laCour; elleest de savoirà supposerque l'Italie
Selon la première conception, dès lors que l'Italie ne participe pas à l'instance, si l'intérêt juridiquede
demande à la Cour de statuer sur les droits qu'elle a l'Italieest encause ou s'ilest susceptibled'être affecté
revendiqués, la Cour doit dire si elle est compétente par la décision.
pclurrendre, par la voie de I'intervention, la décision Or la Cour considère qu'il est possible de tenir
demandéepar l'Italie. Comme on l'a vu, le Gouver- compte de l'intérêt juridiquede l'Italie- et d'autres
nement italien soutient que le jeu de l'Article 62 du Etats de la régionméditerranéenne - tout en répon-
Statut est suffisant pour créer en l'espèce la base de dant àla questionposée par le compromis. En effet les
compétencede laCour. Il apparaîà laCour que, sielle droitsrevendiquéspar l'Italie seraientsauvegardéspar
devaitadmettre la thèse itaiienne,elleadmettrait par là l'Article59 du Statut qui stipule: "La décisionde la
mêmeque la procédure de l'intervention fondée sur Cour n'est obligatoireque pour les parties en litige et
l'Article 62constitue unieexceptionauxprincipesfon- dans le cas qui a étédécidé."Il en résulte clairement
da.mentaux àla base de sa compétence :le principe du que les principes et règlesde droit international que la
ccnsentement mais aussilesprincipes de réciprocitéet Couraura estimésapplicables àla délimitationentre la
d'égalitéentre les Etats. Or une exception de cegenre Libye et Malte, et les indicationsqu'elle aura données
ne pourrait êtreadmiseque si elle étaittrèsclairement quant à leur applicationpratique, ne pourront pas être
ex.primée.ce qui n'est pas le qs. Elle considèredonc invoquées par les Parties à l'encontre de tout autre
quel'invocation de l'Article62devrait,pourfonder une Etat. De plus il ne faitpas de doute que, dans son arrêtfutur, la Cour tiendra compte de l'existence d'autres Justice internationaletait parvenue en 1922,à savoir
Etats ayant des pretentions dans la région.L'arrêtne qu'elle ne devrait pas essayer de résoudre dansle Rè-
serapas seulement limitédans seseffets par l'Article59 glementles differentes questions quiont étsoulevées,
du Statut; il sera exprimé sans préjudice des droits et mais les laisser de côte pour les trancher à mesure
titresd'Etats tiers. qu'elles se présentent dans la pratique et en fonction
des circonstances de chaque esplce.
Interprétationde l'Article 62 (paragraphes 44à 46)
Revenant sur le point de savoir si l'intervenant doit Dispositif (paragraphe 47)
ou non établir un lien juridictionnel entre lui et les F'arces motifs,la Courdit que la requêtede l'Italàe
parties principales, la Cour rappelle qu'elle a déjà ré-find'intervention sur labase de l'Article62du Statut de
sumé l'origineet l'évolutionde l'Article 62 du Statut la Cour ne peut êtreadmise.
dans son arrêtdu 14avril 1981sur la requête deMalte POUR :M. Elias, président;MM. Lachs, Morozov,
à fin d'intervention dans l'affaire TunisielLibye. Elle Nagendra Singh, Ruda, El-Khani, de Lacharrière,
estimepossible de seprononcer sur larequêteitalienne Mbaye,Bedjaoui, juges; MM. Jiménezde Aréchagaet
sans résoudre à titre généralla question délicate du Castaiieda, juges ad hoc;
"lien de compétence valable" (voir plus haut) et se
borne à déclarer qu'elle demeure convaincue de la sa- CONTR E M. Sette-Camara, vice-président;
gesse de laconclusionà laquellelaCourpermanente de MM.Oda, Ago, Schwebelet sirRobertJennings, juges.
Résumé de l'arrêt du 21 mars 1984