Résumé de l'avis consultatif du 27 mai 1987

Document Number
6549
Document Type
Number (Press Release, Order, etc)
1987/1
Date of the Document
Document File
Document

Résumés des arrêts, avis cDocument non officielances de la Cour
internationale de Justice

DEMANDEDER~FORMATION DUJUGEMENT N" 333
DU TRIBUNALADMIINISTRATID IESNATIONS UNIES

Avis coiasultatifdu 27 mai 1987

Dans son avis consultatif'concernantla demande de M.Lachs a ioint àl'avisconsultatifune déclaration.
réformationdu jugement no333du Tribunal a.dminis- MM. Elias, Oda et Aga ontjointà
tratif des Nations Unies, la Cour a décidé que, dansledes opinions individuelles.
jugenient n"333,le Tribunal administratifdes Nations M. Schwebel,sirRobert Jenningset M. Evensenont
Unier;n'apas manquéd'exe;rcersajuridiction e.tn'apas j0:inà l'avis consultatif des opinions dissidentes.
commisd'erreurdedroitconcernant lesdis~ositionsde
la Charte.
Les questions posées àla Cour par le Cornitédes
demandes de réformationde jugements du 'Tribunal
administratif étaient les suivant:s Lesjuges intéressés ontdéfiniet explique dans ces
"1) Dans son jugement no 333, du 8 juin 1984 opinions la position qu'ilsont prise sur divers points
(Aï/DEC/333), leTribunaladministratifdes Nations triiitts dans l'avis de la Cour.
Unies a-t-il manqué d'exercer sajuridiction en ne
répondantpas à la question de savoir s'il existait
un obstacle juridique ai;;renouvellement de l'enga-
gement du requérant à l'organisation des Nations 1.- Qualités etexposédesfaits (paragraphes 1à 22)
Uriiesaprèsla venue à expiration de son contrat le
26 décembre1983 ? La Cour rappelle les étapesde la procéduresuivie
depuis qu'elle a étésaisie de l'affaire(paà.9)puis
"'2) LeTribunaladministratifdesNatiorisUnies, rhume les faits de l'espèce telsqu'ils ressortent des
dans le mêmejugement no333, a-t-il com.misune attendus dujugement rendu le 8juillet 1984dans l'af-
erreur de droit concernant les dispositioils de la faireYakimetzc. le Secrétairegénérad le l'organisa-
Charte des Nations Unies ?" les documentsprésentésau Tribunal(par. 10xào18).Onns
trouvera ci-après les faits indispensables compré-
h,ensionde la décisionrendue par la Cour.

La Cour s'est prononcéecomme suit M. VladimirVictorovitchYakimetz(dtnommt dans
A. A I'unanimité, la Courdécidede donner suità l'avis"le requtrant") s'est vuoctroyer unengagement
la requête pour avis consiiltatif. à l'organisation des Nations Unies pour une duréede
B. A l'unanimité,laClourest d'avis que dans son cinq ans (1977-1982)en qualitédertviseur au service
jugement no333le Tribunal administratif des Nations nisse detraduction. Ilest mutéen 1981commeadminis-
Unies n'a pas manquéd'exercer sa juridicti'onen ne trateur de programmes au bureau de la planificationet
répondantpas à la question de savoir s'il existait undelacoordinationdesprogrammes. Fin1982,sonenga-
obstaclejuridique au renc~uvellemente 1'eni:agement gementestprolongéd'une année jusqu'au 26décembre
du requérantB1'Organisat:iondes Nations Unies après 1983et sa lettre de nomination indiquequ'ilest "déta-
la venue à expiration de son contrat de duréedéter- chéde la fonction publique de l'URSS" (par. 10).
minke, le 26 décembre19'83. Le 8février1983le Sous-Secrétaireà laplanification
informelerequérantqu'ilal'intentiondedemanderune
Tribunal administratif des Nations Unies, clansledit ~rolongationde soncontrat aprèssavenue à expiration
jugement no333,n'a pascommisd'erreur de droit con- 11226 dtcembre 1983.Le 9 février1983le requérant
ceniant les dispositions de la Charte. demande asile aux Etats-Unis, ce qu'il fait savoir le
IOftvrier aureprtsentant permanentdel'URSS auprès
POUR :MM.NagendraSingh,Mbaye, Lac:hs,Ruda, clel'ONUenannonçant qu'il démissionne desespostes
Elia.s,Oda,Ago,Sette-Camara,Bedjaoui,Ni Zhengyu, clansla fonction publiqueovi6tique. Il avise le même
Tarassov. jour leecrttaire gtntral qu'ilal'intentiond'acquérirle
CONTRE : M. Schwebel, sir Robert Jennings, statut dertsident permanentaux Etats-Unis (par. 11).
M. Evensen. Le25octobre 1983lerequtrant adresse unmemoran-
tlumau Sous-Secrétaire àla planificationoù ilexprime
l.'espoirque,comptetenu de sesétatsdeservice, ilsera
jpossiblede recommander le renouvellement de son
L.aCour était composéecomme suit :M. Nagendra contratà l'organisation ou "mieux encore sa nomina-
Singh, président; M.. Mbaye, vice-président; tion àtitre dtfinitif." Le 23 novembre 1983,le chef
MM. Lachs, Ruda, Elias, Oda, Ago, Sette-Camara, adjointdes services du personnel informe lerequérant
Schwebel, sir Robert Jennings, MM. Bedjaoui, Ni .parlettre "sur instructions du cabinet du Secrétaire
Zhengyu, Evensen. Tarassov, juges. géntral" que l'organisation n'apas l'intentionde pro-longer son engagement de duréedéterminée au-delà de tions Unies, affaire Fasla, 1973)ou qu'elle ait faitsuite
sa date d'expiration,à savoir le 26décembre1983.Le àune requêted'unEtat Membre(Demandede réforma-
29novembre lerequérantproteste contre cette décision tion dujugement no273du Tribrinal administratif des
et seréfèreà sesdroitsacquisen vertu du paragraphe 5 Nations Unies, affaire Mortished, 1982).Elle a conclu
de la section IV de la résolution371126de l'Assemblée danscesdeux cas à sa compétence.En l'espèceelleest
généraleaux termes duquel "lorsque des fonction- d'avis que les questionsàelle adressées sontmanifes-
naires nomméspour une période déterminée auront tementdesquestionsjuridiques seposantdans lecadre
accompli cinq années de service en donnant satisfac- de l'activitédu Comité (par.23 et 24).
tion, leur cas sera pris équitablementen considération
aux fins d'une nomination de carrière" (par. 13). Quant àl'opportunitéde rendre un avis, il est bien
établi, selonla Cour, que le pouvoir que lui attribue
Le 13décembrele requérant demandeau Secrétaire l'Article 65du Statut a un caractère discrétionnaireet
généralde revoir sa décisionde ne pas prolonger son aussi que la réponse de la Courà une demanded'avis
engagement au-delà de la date d'expiration et invoque consultatif constitue une participation de la Cour à
de nouveau le droit conféréparla résolution371126de l'action de l'organisation des Nations Unies et qu'elle
l'Assemblée générale. Par lettredu 21décembre1983, ne:devrait pas enprincipe êtrerefusée.Danslaprésente
le Sous-Secrétaire généralaux services du personnel affaire, elle considèreen tout état decause qu'ilexiste
répond à lalettre durequérantdu 13décembreetl'avise de:bonnes raisons, en droit, pour qu'elle répondeaux
que, pourlesraisonsqu'il indique,leSecrétaire général deuxquestionsque leComitéluiaposées.Ellerappelle
maintient sadécisioncommuniquéepar lettre du23no- qu'elle a procédé, dans son avisde 1973,à un examen
vembre 1983(par. 14). critique du mécanismeprévu par l'article 11du statut
Le 6janvier 1984le requérant dépose devantle Tri- du.Tribunal administratif. Tout en réitérant certaines
bunal administratif des Nations Unies la requête quia des réserves qu'elle a formulées quantà la procédure
donnélieu au jugement no333(par. 14). établiepar cet article mais soucieuse d'assurer la pro-
tectionjuridictionnelledesfonctionnaires, laCour con-
Le requérant dépose ensuiteune nouvelle demande clut qu'elle doit donner un avis consultatif en l'espèce
d'emploi à l'organisation des Nations Unies (par. 15). (par. 25 et 26.).
La Courrelèveque, lors d'une conférencede presse Dans ses avis consultatifs de 1973et 1982,la Cour a
du 4janvier 1984.le porte-parole du Secrétairegénéral poséleprincipeselonlequelle r61ede laCour,dansune
a dit que "si M. Yakimetz décidait de faire acte de instance de réformation,n'estpas de "refaire le procès
candidature, son cas serait pris en considération de nid'essayer de substituerson opinion surlefond acelle
mêmeque celui des autres candidats à ce poste". Elle du Tribunal". Ce principe doit continuer à la guider
note aussi que le New YorkTimes a publié à la même dans la présente affaire. En particulier elle ne doit se
date unarticleconsacréaunon-renouvellement ducon- prononcer sur l'exactitude ou l'inexactitude des con-
trat du requérant, d'aprèslequel l'assistant exécutifdu cliisionsénoncéesparleTribunalquedans lamesure où
Secrétaire généralaurait déclaré que "pour pouvoir cela est nécessaire pour qu'elle puisse répondre aux
prolonger le contrat, l'assentiment soviétique était questions qui lui sont posées (par. 27).
essentiel... mais les Soviétiques ont refusé". Com-
mentant l'article en question, dans une lettre au New III.- Première question (paragraphes 28 à 58)
YorkTimes en date du 24janvier 1984,le Secrétaire
généraladjoint à l'administration eà la gestion a rap- Le texte de la première question poséeà la Cour est
peléqu'"une personne qui est prêtée doit retourner ainsi conçu :
dans la fonction publique de son pays à moins que le
gouvernement intéressé n'accepte qu'il en soit autre- "1. Dans son jugement no333, du 8 juin 1984
ment" (par. 16). (AT/DEC/333),leTribunal administratif desNations
Unies a-t-il manqué d'exercer sa juridiction en ne
Après avoir ainsi exposé les faits, l'avis présentele répondant pas à la question de savoir s'il existait
résumédes principaux arguments du requérant et du lin obstacle juridique au renouvellement* de I'en-
défendeur tel qu'il a étéétabli parle Tribunal et énu- gagement du requérant à l'organisation des Nations
mère les questions juridiques qui, selon le tribunal, lJnies après la venue àexpiration de son contrat le
étaientsoulevéesenl'espèce (par.17 à19).Ildonne une 26 décembre 1983 ?"
brève analyse dujugement no333qu'il examinera plus Dans sa requête devantle Tribunal administratif le
en détail par la suite (par. 20 et 21). requérant a allégué qu'"il n'existait aucun obstacle
juridique l'empêchantde prétendre à un nouvel enga-
II.- Compétence de la Cour pour donner un avis gement d'une durée déterminée" ou à un engagement
consultatif et opportzinitéde le faire (paragra- qui débouche, après une période de stage, sur une
phes 23 à 27) nomination de camère. Il a soutenu qu'il était"léga-
lement et moralement en droit de s'attendre à être
La Courrappelleque sacompétencepour donner un maintenu en fonction à l'ONU et que sa candidature
avis consultatià la demande du Comitédes demandes soitéquitablementpriseenconsidérationauxfinsd'une
de réformationdejugements du Tribunal administratiff
découle dujeu de plusieurs dispositions : l'article 11, nornination de carrière". Devant le Tribunal, le Secré-
paragraphes 1et 2du statut du Tribunal,l'Article 96de taire générala dit qu'il n'existait pas d'obstacleri-
la Charte etl'Article 65, paragraphe 1du Statut de la
Cour. Elle a déjà eul'occasion d'examiner la question *L'avisindiqueunedivergence entre le texteanglaiset le texte
de sa compétence en vertu de ces textes, que la de- françaiset préciseque les mots "obstaclejuridiqueau renouvel-
mande d'avis ait fait suite, comme en l'espèce,à une lementdel'engagementquifigurentdanslaversionfrançaiserecou-
requête d'un fonctionnaire (Demandede réformation vrentàlafois le cas dela prolongationd'uncontàxistantet
dujugement no158du Tribunal administratif des Na- (par.28).nenominationdistinctedu rapportcontractueltant dique à l'octroi d'une nomination de carrikre et il a pouvoir discrétionnaire,avaitjugé bond'en offrir une
affirméque ladécisioncontestéeavait été pri:secompte (par. 38à 41).
tenu detoutes les circonstancesdel'affaire. (lela cons-
tituait selon lui une "prise en considérationéquitable" La Cour note que levéritablereprocheadressépar le
au sens dela résolution371126de I'Assemblé~g:énérale requérantau Tribunal est moins de ne pas avoir ré-
(voir plus haut, p.26),étant entenduquele requérant pondu à la question de savoir s'il existait un obsta-
n'avait pas de "droit" à ce que "son cas soit pris clejuridique au renouvellement de sonengagementque
favorablement en considération pour une nomination de n'avoir pas accordé suffisamment d'attention aux
de carrière" (par. 29 et 30). pensé qu'ily avait un obstaclejuridique, de telle ma-t

L,erequérantn'apas relevé, devant le Tribunal, que nière que la "prise en considération équitable" n'a
leSecrétairegénéraa lvait reconnu l'absence tl'obstacle tiale- ecellequ'ilyavait unobstaclee-prquidevait être
juridique mais ila contesté qu'ily ait pu y avoir "prise
en considérationéquitable". Ila fait valoir erieffet quequand il y a lieu, elle peut allerau-delà du libelléde la
si, comme le donnent àpenser la lettre du 21décembre question quiluiest posée (Interprétationdel'accorddu
1983et lesdéclarationsde:certains hauts fonctionnaires 25mars1951entrel'OMSet I'Egypte,1980) àcondition
(voir, plus haut, p. 226). le Secrétaire généralavait que cette reformulation reste dans les limites des pou-
l'irripressionquetoute prolongation del'engagementdu voirs de l'organequidemande l'avis. En l'espèce, sans
requérant en l'absence de l'assentiment du gouverne- s'écarterdu motifde contestation visé àl'Article 11du
ment ayant accordéle détachementdépassait sespou- Statut et retenu par le Comité (nonexercice de lajuri-
voiirs discrétionnaires, cela l'empêchaitde prendre diction). la Courpeut redéfinirle point sur lequel ilest
équitablementen considérationune nominationdecar- allégué que le Tribunal a manquéd'exercer sajuridic-
rière. Le requéranta donc priéle Tribunal dl?déclarer tion si cela peut lui servirà faire la lumière sur les
que la position effectivement adoptée à ce moment- questionsjuridiques qui seposent véritablement.C'est
là -- àsavoirque le détachementengendrait un obsta- pourquoi la Cour estime essentiel de rechercher non
cle juridique par rapport àtoute espèce de réengage- seulement si le Tribunal a omis d'examiner la question
ment - était erronéede sorte qu'aucune "prise en de l'obstacle juridiqueà un nouvel engagement du re-
considération" effectuéesur cettebase n'avait pu être quérant - comme illuiest demandé - maisencore si
"écluitable" au sens de la résolution 371126et il l'a le Tribunal a omis de rechercher quelle étaitla convic-
priiide dire qu'il n'existait pas d'obstaclejuridique au tion du Secrétairegénéral à cet égardet quelles ont pu
ren,ouvellement de son engagement après l;i venue à êtrelesrépercussionsde cetteconvictionsurl'aptitude
expiration de son contrat le 26 décembre19:33.Le re- du Secrétairegénéral à "prendre équitablementen con-
quéranta estiméqueleTribunal n'avait pas irépondu à sidération" une nominationde carrière. S'ilpeut être
sa conclusion sur ce point et la Cour est maintenant établi en l'espèceavec assez de certitude que le Tri-
priiie de dire s'il à cet égard manquéd'exercer sa bunalafaitporter sa reflexionsurleséléments quisous-
juridiction (par. 31 et 32). tendent les thèses du requérant, il n'a alors pas omis
Il apparaîà la Cour que le Tribunal n'a p.asététrès d'exercer sajuridiction àcet égard,quoi qu'on puisse
clair sur la question de l'"obstacle juridique". La rai- penser de la conclusion à laquelle il est parvenu au vu
sonenest, selonlaCour, qu'illuiafallucommencerpar des elements dont il disposait (par. 42à47).
exarminerd'autres allégationsprésentéespar le requé-
rant. Le Tribunalaen bonnelogiqueexamined'abord si La Cour se refère d'abord au texte même dujuge-
le requerant était"en droit de s'attendreà 12tremain- mentduTribunal. Celui-cin'a pastraite spécifiquement
tenu en fonction à I'ONIU" - en d'autres termes s'il la question de l'existence d'un "obstacle juridique".
existait une "expectative juridique"à cet égiirdcar s'il Ellen'en deduit pas pourautant qu'il n'a pas faitporter
avait existéune telle expectative le Secrétairegenéral sa réflexionsur cette question. Lejugement indique en
aurait eu l'obligationde conserver le requérantau ser- effet que, pour le Tribunal, le Secrétairegénéralpou-
vicede I'ONU. IIa conclu à l'inexistenced'une expec- vait prendre la décisiond'offrir aurequérantun enga-
tative juridique. D'une part, pour que l'engagement gement de carrièremais iln'étaitpas tenu de lefaire. II
antérieur, qui s'inscrivait dans le cadre'un détache- en resulte que le Tribunal a nettement décidé, encore
ment, fût renouvelé, l'assentiment de l'administration qu'implicitement, qu'il n'existait pas d'obstacle juri-
nationaleen causeauraitéténécessaire et, d'autre part, dique absolu qui aurait inspiré la décisionde ne pas
selonladisposition 104.12,b, du Règlementtluperson- offrir une nomination de carrièreau requerant. Ce fai-
nel, les engagements d'une duréedéterminéen'autori- sant le Tribunal a donc repondu à la demande du re-
sentpasleurtitulaireàcomptersur unepro1o:ngationou quérantvisant àce qu'il soitdeclaréqu'iln'existait pas
sur une nomination d'un type différent.Il a estiméen d'obstaclejuridique àsonmaintienen service(par. 48).
outre queleSecrétairegé:néra alvait pris équitablement La Cour se réfère ensuite à la déclarationdu Pré-
enconsidérationlecas di1requérant,conforrnémentau sident du Tribunal administratif,M. Ustor, jointe au
paragraphe 5de la sectioinIV de la résolutiori371126de ,jugement,et à l'opinion dissidente d'un autre membre
l'Assembléegénérale,en omettant toutefoisde le dire du Tribunal, M. Kean, vice-président.Il ne lui semble
explicitement(par. 33 à37). pas possible de conclure que le Tribunal n'a pas fait
porter sa réflexionsur les questions dont MM. Ustor
Ile l'analyse dujugement ilressort donc que, pourle et Kean ont dit expressément qu'elles motivaient leur
Tribunal, il ne pouvait y avoir d'expectative:juridique désaccord avec une partie du jugement et qui tou-
mais qu'aucun obstacle juridique ne s'opposait non chaient à 1"'obstaclejuridique" et àla "prise en con-
plus à la prise en consicf6rationéquitablecl'unecan- sidération equitable". Le Tribunal en tant qu'organe
didature à une nominaticinde carrière. Il n'y aurait eu représenté parla majorité quia voté en faveur du ju-
selon lui aucun obstaclejuridique à une telle nomina- gement doit avoir tiréses propres conclusionssur ces
tion si le Secrétaire géneral, dans l'exercice de son questions, même sc ies conclusionsn'ont pas étéénon-céesdanslejugement aussi clairement qu'ellesauraient l'équité étaicte que le Secrétairegénéralconsidérait
dû l'être(par. 49 à 57). comme équitable.Le Tribunal n'a d'ailleurs nulle part
S'agissantde laquestion de savoir silecas avait bien reconnu l'existence d'un pouvoir discrétionnaire illi-
été"pris équitablementen considération", leTribunal mitéau profit du Secrétaire général.Il reste que le
l'a tranchée par l'affirmative. La Cour, considérant Tribunal a acceptél'affirmation du Secrétairegénéral
qu'elle n'est pas habilitéeà substituer son opinion à selon laquelle la "prise en considération équitable"
celle du Tribunal sur le fond de l'affaire, n'estimepas requise par la résolution 371126avait eu lieu et il l'a
admissible la thèse selon laquelle le Secrétairegénéral jugéesuffisante. Il n'apas exigéque leSecrétairegéné-
n'aurait pas "pris équitablementen considération" le ral précise quand et comment elle avait eu lieu, moins
cas durequérant, enapplication delarésolution371126, encore a-t-il demandédes preuves à cet effet. Vu le
parce qu'il croyait qu'il existait un "obstacle juri- silencedes textes sur les modalitésapplicablesen l'oc-
dique''. currence, la Cour ne peut considérer à cet égardque
l'interprétationde la résolution371126adoptée par le
La Courestime,aprèsavoirdûment examinéletexte Tribunal est en contradiction avec l'Article 101,para-
dujugement no333du tribunal, quele Tribunal n'a pas graphe 1, de la Charte (par. 70à 73).
manquéd'exercer sajuridiction en ne répondantpas à ]LeSecrétairegénérala affirméaussi que la décision
la question de savoir s'il existait un obstacle juridi- prise en l'affaire avait été"légitimement motivéepar
que au renouvellement de l'engagementdu requérant à l'iritérête l'organisation, tel que le voyait le Secré-
l'ONU après la venue à expiration de son contrat le tairegénéral,considération qu'il [avaitàjuste titrefait
26décembre1983.Par conséquent la Courdoitrépon- prkvaloir sur des intérêts concurrents". Le Tribunal
drepar lanégative àlapremièrequestionque leComité n'ktait pas tenu d'accepter telle quelle cette dernière
lui a posée (par. 58). affirmation. Il aurait pu considérer les déclarations
de certains hauts fonctionnaires comme des éléments
IV. - Deuxièmeqitestion (paragraphes 59 à 96) prouvant quele problèmedu détachementet l'absence
de consentement du gouvernement concerné avaient
Le texte de la question est ainsi libel:é peséd'un plus grand poids que le Secrétaire général
"2) LeTribunal administratif desNationsUnies, n'était disposéàl'admettre. Ce n'est pas la conclusion
dans le mêmejugement no 333, a-t-il commis une que le Tribunal a tirée.Il a déclaré quele Secrétaire
erreur de droit concernant les dispositions de la gériéraalvait "exercé son pouvoir discrétionnairede
Charte des Nations Unies ?" façon régulière".Qu'ily ait eu làerreur dejugement de
Sur la nature de la tâche qui lui revient, la Cour sa part ou non, ce qui est certain c'est qu'il n'y a pas
rappelle que s'il ne lui appartient pas d'interpréter en euerreurde droitconcernant lesdispositions de l'Arti-
généralle Statut et le Règlement du personnel, il lui cle 101,paragraphe 1, de la Charte. Le point essentiel
incombe de rechercher si l'interprétationou l'applica- est que le Tribunal n'a pasrenoncéà vérifier laconfor-
tion particulière que le Tribunal en fait contredit une mitéde l'exercice du pouvoir discrétionnairedu Secré-
disposition de la Charte des Nations Unies. 11lui est taire généralavec les prescriptions de la Charte. Au
également loisibledejuger s'il y a contradiction entre coritraireilaréaffirmélanécessitéde s'assurer qu'iln'y
l'interprétation quele Tribunala donnée de tout autre avait pas eu"exercice arbitraire ou capricieux" de ce
texte pertinent, comme en l'espècela résolution371126 poiivoir (par. 74 et 75).
del'Assembléegénérale e,t unequelconque disposition
de la Charte (par. 59 à 61).
La première disposition de la Charte au sujet de
laquellele requérant soutientque le Tribunal a commis L,erequérant soutientque le Tribunal aurait commis
une erreur de droit est l'Article 101,paragraphe1, qui une erreur de droit le concernant au sujet de 1'Arti-
dispose "Le personnel [du Secrétariat]est nommépar cle 100,paragraphe 1,delaCharte quiest ainsiconçu :
le Secrétairegénéral conformémena tux règlesfixées
par l'Assemblée générale." Plup srécisément, la criti- "Dans l'accomplissement de leurs devoirs, le Se-
que du requérant porte sur le rôle que le comité des crétaire généralet le personnel ne solliciteront ni
nominations et des promotions aurait dûjouer et qu'il n'accepteront d'instructions d'aucun gouvernement
n'a pu remplir parce qu'aucune proposition ne lui est ni d'aucune autorité extérieureà l'organisation. Ils
jamais parvenue et qu'il n'a doncjamais eu la possibi- s'abstiendront de tout acte incompatible avec leur
lité d'examinerson cas. Le requérant a présenté cela situation de fonctionnairesinternationauxet ne sont
comme un aspect du refus de prendre son cas "équi- responsables qu'envers l'organisation."
tablement en considération". Le Tribunala jugé qu'il L-e requérant n'allègue pas qu'en lui refusant un
était"loisible au défendeurde décider des modalités nouvel engagement le Secrétaire généraln'a fait
selonlesquelles le cas d'un fonctionnairedoit être'pris qu'exécuter lesinstructionsd'un gouvernement mais il
équitablementenconsidération'auxfinsd'unenomina- estime qu'ilressort des déclarationsdes hautsfonction-
tion de carrière" et quele défendeuravait "le pouvoir naires mentionnésplus haut (voir p. 226)quele Secré-
exclusif de décidercequi constituait une 'prise encon- taire généralpensait qu'un nouvel engagement était
sidération équitable'". Se fondant sur ce passage, le impossible sans le consentement du gouvernement du
requérant soutient qu'il y a là une question de droit requérant - ce qui s'est révélé fau x et que le Tri-
concernant l'Article 101, paragraphe 1, de la Charte bunal a conclu que telle était bien là la pensée du
(par. 62 à69). Secrétaire général.La Cour n'estime pas pouvoir re-
tenir cette thèse car elle ne considère pas que le Tri-
La Cour interprète le passage citéplus haut comme bunal ait conclu de la sorte (par. 76 78).
voulant dire qu'il appartenait au Secrétairegénéralde
décider quel processus constituait une "prise en con-
sidérationéquitable" etnon pas que le seul critère de Le requérant invoque: l'inobservation tPe 1'Arti- time pas en mesure de conclure que le Tribunal y a
cle,!01,paragraphe3, delacharte, quiest ainsiconçu : commis une erreur de droit "concernant les disposi-
lionsde la Charte". Pour le Secrétairegénéralle chan-
"La considérationdominantedans le rec:mtement gement de nationalité étaitun acte dépourvu de con-
et la fixation des conditions d'emploi du ]?ersonne1 séquencesjuridiques ou administrativesparticulières.
doit êtrela nécessité d'assurerà l'organisation les Le Tribunal a accepté la thèseprincipale du Secrétaire
services de personnespossédant lesplus hautes qua- général, tout ensoulignant que, d'après une certaine
lités de travail, de compétence et d'intégrité. Sera opinion,lechangement denationaliténe constituait pas
diiment prise en considérationl'importance d'un re- nécessairementun tel acte mais un acte qui, dans cer-
crutement effectué sur une base géographiqueaussi taines circonstances, peut nuire aux intérêtsde l'Or-
large que possible. ganisation. Cela nerevient paà dire qu'un changement
Il affirmeque lejugeme:ntdu Tribunal n'a pasmisen tie nationalitéou une tentative de changement puisse
balance les prescriptions impératives de cette disposi- i!tre traitécomme un facteur l'emportant sur la con-
tion avec les autres facteurs et qu'il a fait passer le sidération "dominante" définie auparagraphe 3 de
mériteaprèsd'autres considérations. Il est évidentque l'Article 101de la Charte; c'est ce que le requérant
l'expression "la considération dominante" n'est pas iiccuse le Secrétaire générald'avoir fait mais le Tri-
synonyme de l'expression "la seule considération" et Iwnal ne l'a pas suivi puisqu'ila établiqu'il y avait eu
c'est au Secrétaire généralde mettre en balance les "prise en considération équitable" (par.86 à92).
diversesconsidérations. Il n'incombaitpas au Tribunal
et iln'incombe pas nonplus àlaCour de se substituer à Le requérant soutientque ie Tribunalaurait commis
luiclansl'appréciationdelaquestion. Onne sauraitdire une erreur de droit au sujet de l'Article 8 de la Charte
que le Secrétaire général, en prenantsa décision, n'a qui est ainsi libel:é
pas respecté le caractère "dominant" des c.onsidéra- "Aucune restriction ne sera imposéepar l'Orga-
tionsmentionnées àl'Article 101,paragraphe 3,du sim- nisationà l'accèsdes hommes et des femmes, dans
ple fait qu'il a pris en considérationtoutes les circons- des conditionségales, à toutes lesfonctionsdans ses
tances de l'affaire afin de tenir compte de l'intérête organes principaux et subsidiaires."
l'organisation (par. 79à 82).
Le requerant propose de cet article une interpréta-
En prenant sa décision, le Secrétaire genéralavait tion nouvelle en ce qu'il viserait"l'accès de toute per-
tenu compte notamment "des événement!;interve- sonne". La Cour explique pourquoi elle n'a pas à se
nus le 10février1983" (clatede la communication par prononcer sur la valeur de cette thèse de sorte que
laquelle le requérant a aviséle Gouvernemi:nt sovié- ].'Article8,mêmedansl'interprétationlargeque défend
tiqu.e qu'il démissionnait.de la fonction publique en 1.erequérant, n'entre pas en lignede compte (par. 93).
URSS) "et par la suite". Le Tribunal a examinécet
aspect de l'affaire dans le contexte de la "'nouvelle
relation contractuelle" qui, selon le requérant, s'était
créée entrelui et l'organisation des Nations Unies à
partir de cettedate. De son côtéle Secrétairegénéraa l Le requérant soutient que le Tribunal a commis une
conclu que "le maintien de rapports avec un gouver- erreur de droitconcernant l'Article,paragraphe 1,de
nenient national n'est pas une obligation con.tractuelle la Charte aux termes duquel "L'Organisation est fon-
d'un fonctionnaire engagépour une durée déterminée, ciéesur le principe de I'égalitCsouveraine de tous ses
qu'il soitdétachéou non" et que le maintien en fonc- 1.Membres" et l'Article 100,paragraphe 2, ainsilibel:é
tions du requérant n'impliquait pas qu'une nouvelle
relation contractuelle eût été crééeL.e Tribunal pré- "Chaque Membre de l'organisation s'engage à
sente des remarques sur l'importance des liens natio- respecter le caractère exclusivement international
ci-dessus du Secrétairegt5neral.Il ne lesjuge pas com- desfonctionsduSecrétaire générae ltdupersonnel et
pati.blesavec les idées érnisespeu avant daris lejuge- àne pas chercher àles influencerdansl'exécution de
ment no326(Fischrnan)oiiilavaitrappeléune."opinion leur tâche."

largement répandue" qui avait étéformulée dans un Ce dont le requerant semble se plaindre, c'est qu'un
générale et d'après1aquel.lelesfonctionnaires qui rom- certain gouvernement aurait exercé sur le Secrétaire
généraldes pressions de nature telles qu'elles con-
plusprétendreremplirlesconditions quirégissentl'em-nt treviendraient au paragraphe 2de l'article 100.Même,
ploi à l'ONU. Le Tribuilal ajoute que cette position :s'ilavait étéprouvé (et celane l'a pas été)qu'un Etat
continue dejouer un rôle déterminant àcet égard.La :Membreavait violécette disposition, le Tribunaln'au-
Cour fait observer à ce sujet que cette "opinion lar- rait pas Ctéfondà statuer sur ce point et onne pourrait
genient répandue" traduit un point de vue exprimé à la donc pas lui reprocher de ne pas l'avoir fait. En consé-
CinquièmeCommissionen 1953par quelques représen- quence la Cour ne voit aucune possibilitéd'une erreur
tanls à la huitième session de l'Assembléegénérale, dedroitconcernantl'Article 2de l'article 100,paragra-
point de vue qui ne s'est jamais concrétisé dansune iphe2, de la Charte (par. 94à 96).
résolution de celle-ci (par. 83 85).
Pour ce qui est de la seconde question qui lui a été
L,a Cour relève aussi que le passage pertinent du poséeen l'espèce, la Cour conclut que, dans son juge-
jugement no333 n'est ce.rtespas un élémenie;ssentiel ment no333,le Tribunaln'a pas commis une erreur de
des motifs de la décisionmaisque la Cour doit signaler droit concernantlesdispositions de laCharte. Elle doit
toute "erreur de droit coiicernantlesdisposi:tionsde la donc rCpondrenkgativement àcette question(par. 96).
Charte", que cette erreur affecte ou non la décision
dan.sle cas particulier. Cependant, ayant examiné le
passage pertinent dujugement (par. XII), elle ne s'es- On trouvera ci-après le texte complet du dispositif polir permettre à la Cour de soulevertoutes les ques-
(par. 97) : tiorisjuridiques considéréescomme pertinentes et né-
La Cour, cessaires au bon règlementdu problèmedont elle est
saisie.IIesquisse un systèmepossible quicomprendrait
A. A l'unanimité, un tribunal de première instance et comme instance
Décidede donnersuite à larequêtepouravisconsul- d'appel le Tribunal administratifdont il faudrait alors
tatif; remanier le statut. M. Eliasprésente aussides observa-
tiorissur lafacultéquepossèdelaCourdanslesaffaires
B. Est d'avis consultatives deprtciser le sensvéritabledesquestions
1) concernant la question 1, auxquelles elle doit rtpondre et sur les problèmessou-
A l'unanimitt, levks en l'espèce quant à une "prise en considération
équitable" aux termes de la résolution371126de l'As-
Que, dans son jugement no333du 8juin 1984(AT1 se~iblte géntrale dans des domaines de ce genre.
DECl333).le Tribunal administratif des Nations Unies
n'a pas manquéd'exercer sa juridiction en ne rtpon- Opinionindividuellede M. Oda,juge
dant pas à la question de savoir s'ilexistait un obstacle Mi.Oda pense que la question 1 a étéformuléede
juridique au renouvellement de l'engagement du re- façon erronée à cause de l'ambivalence qui està l'ori-
quérant à l'organisation des Nations Unies après la ginede sa rédactionau Comitédes demandes de réfor-
venue àexpiration de soncontrat de duréedéterminée, mation. Que le Tribunal administratif des Nations
le 26 décembre1983; Unies n'ait pas répondu à "la question de savoir s'il
2) concernant la question II, existait un obstacle juridique au renouvellement" de
l'engagement de M. Yakimetz à l'ONU, cela lui paraît
Par 11 voix contre 3, sans pertinencepar rapport à la question de savoir sile
Que le Tribunal administratif des Nations Unies, Tribunal a manqut d'exercer sajuridiction.
dans leditjugement no333,n'a pas commis d'erreur de
droit concernant les dispositions de la Charte des Na- Pour ce qui est de la question II, M. Oda est d'avis
tions Unies. que,,s'agissant de savoir si le Tribunal a commis une
POUR :M. Nagendra Singh, présidetlt;M. Mbaye, erreurde droitconcernantlesdispositions delaCharte,
vice-président;MM. Lachs, Ruda, Elias, Oda, Ago, laCouractuelle est censte statuer comme courd'appel
Sette-Camara, Bedjaoui, Ni et Tarassov, juges; par rapport au Tribunal, vu la manièredont le statut du
Tribunal a étéamendéen 1955, et la Cour aurait dû
CONTRE : M. Schwebel, sir Robert Jennings et examiner non seulement le bien fondédujugement en
M. Evensen, juges. tant que tel maisaussi celuide ladécisiondu Secrétaire
géneiradl e ne pas prolonger le contrat de M. Yakimetz.
Aperçu de la déclarationet des opinionsjoitites De c:epoint de vue M. Oda estime que. étant donnéle
à l'avis consultatif règlement du personnel et les résolutions pertinentes
de l'Assemblée géntrale. M. Yakimetz n'avait pas
Déclarationde M. Lachs, juge d'expectativejuridique quant à un maintien au service
de l'ONU vers la fin de 1983, à l'expiration de son
M. Lachs rappelle qu'en 1973,quand la Cour a eu contrat maisquel'incertitude de son statut, résultantde
pour lapremièrefoisl'occasion de donner un aviscon- sa demande d'asile aux Etats-Unis et de sa démission
sultatif sur unjugement du Tribunal administratif des de toute fonction au service du Gouvernement sovié-
Nations Unies, ilajoint àl'avis, en tant quePrésident, tique en février 1983, avait pu êtreun facteur légi-
une déclaration où ilexprimait l'espoir que de nouvel- timement pris en considtration par le Secrétairegéné-
les procédures seraient adoptées afin d'amélioreret ral dans l'exercice du pouvoir discrétionnairequi est
d'harmonisefla protectionadministrativeaccordéeaux le sien pour ce qui est du choix du personnel des Na-
fonctionnaires des organisations internationales. Il a tions Unies. M. Oda dit que le Tribunal n'a pas com-
ttt pris note de ces observations tant à l'Assemblée mis d'erreur de droit concernant les dispositions de la
généralequ'à la Commission internatioriale de la fonc- Chartedans lamesure oùilaenfaitconfirméladécision
tion publique de sorte que des dispositions ont été du Secrttaire général,laquelle peut se justifier étant
prises en vue d'une harmonisationdes procédures sui- donriéla latitude qui lui est laissàecet égard.
vies par le Tribunal administratif des Nations Unies et Opinion individuellede M. Ago, juge
le Tribunal administratif de l'organisation internatio-
nale du Travail et de l'établissement à l'avenir d'un M. Ago explique dans son opinion individuelle
tribunalunique compttent àl'égardde tout lepersonnel pourquoi malgrt certaines réserves il ne s'est pas dis-
des institutions des Nations Unies. Après avoir noté socit!de laréponsentgative donnéeparlaCourtant àla
avec satisfactionque lesobservationsd'un membre de première question qu'à la seconde. Il explique les rai-
la Cour ont commencé à porter leurs fruits, M. Lachs sonspourlesquelles iléprouveun sentiment de relative
exprimel'espoir que cette année l'Assembléegtnérale insatisfactiondans le cas d'espècecomme chaque fois
cesserade différerl'examen du dernier rapport du Se- que la Cour est requise de donner un avis consultatif
crétairegénéralsur la questionet prendra des mesures dans le cadre d'une procédure de réformationd'une
concrètes en vue d'atteindre le butenvisagt. décision d'un Tribunal administratif. Tout en recon-
Opinion individuellede M. Elias,juge naissant la nécessité en principe d'une procédurede
réformation. il ne DenseDasaue le svstème actuel ré-
M. Eliasinvite l'Assembléegénérale à réexaminerle ponde le mkux aÛx~bjêctifs'~oursuivis.Ce système
système du renvoi des décisionsdu Tribunal adminis- fait appel àuncomitédontlacomposition extrêmement
tratià la Courpourréformation.Aprèsavoirétudiéles large et la procédure qu'il applique n'évoquent guère
textes et les affaires précédentes du mêmegenre, il cellesd'un organechargéd'exercer desfonctionsjudi-
soulignela ntcessitt de prévoirune procédureflexible ciairesou aumoinsquasijudiciaires. Sacompétence esten outre limitéeà certains points de droit bien définis c.arrièrà l'issue d'une période durantlaquelle il avait
de sorte que les jugements du Tribunal administratif étéexclu de l'enceinte de l'ONU.
échappent en réalité à toute véritable possibilitéde
réformation par lavoiejudiciaire non seulenient pour Deuxièmement :le Secrétairegénéraln'a pas accusé
leursaspects dedroit maissurtout pour leursaspects de réception de la demande de nomination à un poste
fait souvent très importaiits. On ne saurait donc dire permanent que M. Yakimetz a présentéele 9janvier
que le systèmeactuelgarantisse pleinement àlafoisles 1984,peudejours aprèsl'expirationde sonengagement
exigencesde l'intérêtsup:rême de l'organisation et les cleduréedéterminée;encore moins y-a-t-ildonnésuite.
positions juridiquesIégitiinesdes fonctionnaires. Cette absence de réaction tend à indiquer que sa de-
manden'apas été priseenconsidération.S'ilexisteune
M.Ago estd'avis quele seulrembde àcette situation autre explicationà l'attitude du Secrétairegénéral,ul
est il'introductiond'undeuxième degréde jiiridiction ne l'a fournie.
administrativecompétente pour revoir les déctisionsdu Les erreurs de droit commises sont au nombre de
Tribunal de premièreinstance soustous lesaspects de trois:
fait et de droit. Cette cour de deuxièmedegre)pourrait
exercer sa compétence à l'égardde tous les lribunaux 1. Le Secrétairegénéraa lvait l'obligationdepren-
administratifsexistants et réaliser ainsil'unitédejuri- clreéquitablementen considérationle cas de M. Yaki-
diction qu'il a paru difficile d'établir au premier rnetzaux finsd'une nomination decarrière, auxtermes
échelon. cieladispositiondel'Assembléegénérale quis'imposait
Opiniondissidertte de M. Schwebel,juge &luiet quiavait étadoptéeenvertu dupouvoirconféré
àil'Assembléegénéraledu fait que le personnel est
En se dissociant de l'avis de la Cour, M. Schwebel riommé"conformément aux règlesfixéespar1'Assem-
rejettela position adoptéepar celle-ciet selon laquelleilbléegénérale"(Art. 101,par. 1de la Charte). Il ne l'a
ne lui appartient pas, dans une affaire de ce genre, de pas fait et le Tribunal a commis une erreur en consta-
substituer son opinion sur le fondà celle du Tribunal tant, sans preuve factuelle, qu'il l'avait fait. En n'exi-
administratif. Au contraire, lorsque'Assemtilée géné- geant pas du Secrétaire général qu'il agisseconfor-
rale des Nations Unies a confiéà la Cour le pouvoir de rnément à une norme déterminée.leTribunal a commis
réformer lesjugements di1Tribunal administratif pour ilne erreur de droit concernant une disposition de la
erreur de droitconcernant lesdis~ositionsdelaCharte, Charte.
elle a eu l'intention de faire trancher par la Cour les 2. Le Tribunal a indiqué que la tentative de
poiritsde fond et cela avec forceobligatoire.'Assem- lvl.Yakimetz pour changer de nationalité soulevait la
bléegénéralea donné à la Cour l'autorité suprême question de savoir s'il répondaitaux "conditions re-
quaint à l'interprétation de la Charte et des disposi- quises d'un fonctionnaire international". Il a attribué
tions visant le personnel fondées sur elle. L'une de lin "rôle déterminant" à "l'opinion largement répan-
ces dispositions, consacrée par la résolution 371126, due" expriméedevantune commissiondel'Assemblée
section IV, paragraphe 5, de l'Assemblée générale, généraleselon laquelle les fonctionnaires internatio-
était précisément en causeen la présentees~pèce. riauxqui "choisissent de rompre les liens qui les unis-
En vertu de cette disposition, le Secrétairegénéral sent à[leur]pays nepeuventplusprétendre remplirles
était tenu de "prendre tiquitablement en considéra- conditions qui régissent l'emploi à l'ONU''. Il reste
tion" le cas de M. Yakimetz aux fins d'une nomination que, selon l'Article 101,paragraphe 3, de la Charte, la
de carrière. En fait, une telle prise en considération considération dominante dans le recrutement du per-
n'a pas eu lieu. Les ternies de la correspondance de sonnel doit êtrela nécessitéd'assurer les plus hautes
M. Yakimetz avec le Secrétaire généraldémontrent qualitésde travail, de compétence et d'intégrité.La
qu'au moment pertinent beSecrétairegénérala. estimé nationalité n'est pasun critère posépar la Charte. En
que lacandidature de M.i7akimetz àune nominationde estimant que latentative deM. Yakimetzpour changer
carrière ne pouvait être prise en considération parce de nationalitéa mis en question son aptitude à être
que "[son] contrat était c:onclusur la base d'un déta- maintenu au service de l'organisation, le Tribunal a
chement de lafonction publique de [son]pays" et qu'il violéune disposition de la Charte puisqu'il a conférà
ne pouvait par conséquent "compter. .. sur iine nomi- la nationalitéun caractère dominant ou essentiel qui
nati,ond'un type différent". Ainsi le cas de M. Yaki- contredit les termes de l'Article 101,paragraphe 3. Les
metz ne pouvait être transmis pour qu'il "soit pris vues émises devant des commissions de l'Assemblée
équiitablementen considéi:ationauxfins d'uni:nomina- généralene sont pas source de droit; encore moins
tion de carrière". De l'avis de M. Schwebel. les dé- peuvent-elles dérogerau libellé même de la Charte.
ductions que le Tribunal administratif prétendtirer de
cett'ecorrespondance à l'.appuide sa conclusion selon 3. Le Secrétairegénéraa l agiapparemment avec la
laquiellele Secrétaire généraln'en a pas m.oinspris conviction que M. Yakimetz ne pouvait êtrepris en
équntablementen considérationle casde M. 'Yakimetz considérationaux fins d'une nomination de carrièreen
sont fantaisistes. l'absence du consentement du Gouvernement soviéti-
que et il a donc attribuéà ce consentement un poids
Deux circonstances soulignent combien la conclu- déterminant. Il a par suite failàil'obligation que lui
sion:deTribunaladministratifest insoutenable:.remiè- impose l'Article 100, paragraphe 1, de la Charte de
merit,peu après queM. Yakimetz eut démissionné des s'abstenir de tout acte incompatible avec sa situation
postes qu'il occupait dans Ia fonction publique sovié- de fonctionnaire international qui n'est "responsable
tique, le Secrétairegénérallui a interdit de pénétrer qu'envers l'organisation" car en fait il s'est reconnu
dansl'enceinte del'ONU. Onapeine à croireque, d'un responsable à cet égardenvers un "gouvernement" ou
côte, M. Yakimetz se soit vu interdire l'accks de son ilne "autorité extérieurà l'organisation". Le fait que
bureau, des couloirs et de la cafeteria des Nations le Tribunal administratif n'a pas constaté cette erreur
Unies, et que. de l'autre, son cas ait étééquitablement constitue une erreur de droit concernant une disposi-
pris en considération aux fins d'une nomiiiation de tion de la Charte.Opinion dissidente de sir Robert Jennings, juge fait partiedes normesjuridiques qui visenàcompléter
SirRobertJennings exprime l'avis, dans son opinion les dispositions de la Charte sur le statut et l'indépen-
dissidente, que la question qui se pose vraiment en dance de la fonction publique internationale.
l'espèceestde savoir sileTribunal a eu raison dejuger Opinion dissidente de M. Evensen, juge
que le Secrétairegénéral avait priséquitablement en
considération la demande de M. Yakimetz tendant à Dans son opinion dissidente, M. Evensen expose
une nomination de carrière aux Nations Unies, ainsi qu'il approuve l'avis consultatif pour ce qui est de la
queleSecrétairegénéraa l reconnu enavoir lkbligation première question posée àla Cour par le Comitédes
en vertu de la résolution371126,section IV, paragra- denaandes de réformation. Le Tribunal administratif
phe 5, de l'Assembléegénérale. desNations Unies n'a pas manquéd'exercer sajuridic-
tiori en ne répondant pas à la question de savoir s'il
Sur la première question adressée àla Cour, sir Ro- existait un obstacle juridique au renouvellement de
bert Jennings admet qu'il est d'accord, ou du moins l'engagement du requérant.
qu'iln'est pas en désaccord, avecl'opinionde la majo- S'agissant de la seconde question, M. Evensen est
rité selon laquellele Tribunal n'a pas manquéd'exer- d'avisque, dans sonjugement no333,leTribunal admi-
cer sa juridiction sur la question de savoir s'il existainistratif a commis une erreur de droit concernant les
-n cela néanmoinspour laraison quel'on peutavoirdes dispositionsdelaCharte des Nations Unies. Bienquele
Secrétairegénéralde l'ONU exerce des pouvoirs dis-
conceptuel sans que l'on donne nécessairement unesi crétionnaires quant au recrutement du personnel de
l'organisation, il est raisonnable que certains critè-
réponse plutôt qu'une autre à la question que la Cour res soient respectés. Parmi les conditions requises fi-
était véritablement appeléeà trancher. gure celle qu'énoncela résolution371126de 1'Assem-
Surladeuxièmequestionposée àlaCour qui soulève bléegénéraleselon laquelle lorsqu'un fonctionnaire a
directement le problèmecentral de l'affaire, sirRobert accompli cinq annéesde service en donnant satisfac-
Jennings s'estime tenu d'exprimer son dissentiment tion.,son cas sera "pris équitablementenconsidération
parce que, selon lui, le Tribunal a eu tort de consta- auxfins d'une nomination de carrière". On n'apas non
ter que le défendeur avait pris équitablementen con- plus prêtésuffisamment d'attention aux exigences po-
sidérationla question de la nomination de carrière de séesparle Statut et le Règlementdu personneld'après
M. Yakimetz et cela pour deux raisons. En premier lesquelles, lorsqu'il s'agitde pourvoir des vacances, il
lieu, ledéfendeurn'a nifourni de preuvesur la manière convient de tenir le plus grand compte des qualifica-
dont il avait pris sa décisionni donné aucun motif de tions et de l'expériencedes personnes déjàau service
cette décision.Seborner àaccepter son affirmationque des Nations Unies. Or M. Yakimetz bénéficiaitde la
le cas avait étédûment pris en considération, sans recommandation sans réservede son supérieuren vue
aucune preuve objective de ce qui avait étéfait, va d'uiienomination decarrière. EndépitdecelaM.Yaki-
à l'encontre d'un système de contrôle judiciaire du metz a étécontre songrémis en congéindéfini.11s'est
pouvoir discrétionnairede l'administration. En second vu interdire l'accès aubâtiment des Nations Unies, y
lieu, les élémentsde preuve que l'on peut avoir vont compris à son bureau et à la cafeteria alors qu'il était
dans l'autre sens car la lettre du défendeàrM. Yaki- encore titulaire d'un contrat d'engagement valable.
metz en date du 21 décembre 1983 ne permet tout De l'avis de M. Evensen, le Tribunal administratif
simplement pas de déduire qu'une prise en considéra- a commis une erreur en acceptant que le Secrétaire
tion équitablea eu lieu; elle préciseau contraiàetort général manque à l'observation des règles et dispo-
d'ailleurs, que du faitque M. Yakimetz est détachépar sitions administrativesqui s'imposaientà lui en vertu
le Gouvernement de l'URSS il n'est pas possible de de l'Article 101,paragraphe 1,de la Charte. Le Tribu-
prendre son casen considérationen vued'une prolon- nal a commis une autre erreur en ne décidantpas que
gation ou d'un nouvel engagement sans l'accord de ce les mesures administratives adoptées à l'encontre de
gouvernement. M. Yakimetz étaient incompatiblesavec l'Article 100
Celaétant,enjugeant que le Secrétairegénéraal pris de laCharte. Il a commis une erreur concernant 1'Arti-
équitablementen considérationla possibilitéd'une no- cle 101, paragraphe 3, de la Charte en estimant que
mination de ce genre, le Tribunal a commisune erreur - pourlesnominations de carrièreau moins - lecon-
concernant les dispositions de la Charte des Nations sentementdu gouvernement est une considérationdo-
Unies car la résolution371126de l'Assembléegénérale minante.

Document file FR
Document
Document Long Title

Résumé de l'avis consultatif du 27 mai 1987

Links