Résumés des arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la Cour
internationale de Justice
Document non officiel
AFFAIRISS DUPLATEAUCONTINENTAL
DIELAMER DUNORD
Airrê dtu 20 ftivrier 1969
LaCourinternationale deJustice arendu, par IIvoix
contre 6, son arrêt dans les affairesdu Pluleair conti- vice-président, ainsi que MM. Tanaka, Morelli ety,
netital de la mer du Nord. Lachs,juges, et M. SGrensen,juge ad hoc. y ontjoint
Ide différend, soumisà la Cour le 20 février 1967, les exposésde leur opinion dissidente.
portait sur la délimitationde ce plateau entre la Répu- Dans son arrêt,la Cour examine aux fins des déli-
blique fédéraled'Allemagne et le Danemark, d'une mitations en cause les problèmesayant trait au régime
part. et laRépubliquefédérale d'Allemagneet les Pays- juridique du plateau continental qui soulèvent les thè-
Bas, de l'autre. Les parties ont demandé à la Cour de ses des parties.
dire auels sont les principes et règlesde tiroit inter-
narionalapplicableset elliessesont engagéesàproctder Faitset tlrèsesdesparties (paragraphes à17del'arrêt)
ensuite aux délimitations sur cette base. La Cour a étépriée, dans les deux compromis, de
]LaCour a rejetéla thiise du Danemark el des Pays- déciderquels sont les principes et les règlesde droit
Bas selon laquelle ces délimitationsdoivent s'opérer internationalapplicablesàladélimitationentre les par-
d'aprèsle principe de I'equidistance définà l'article 6 tiesdeszones du plateau continental de la merdu Nord
de la Convention de Genève de 1958sur le plateau relevant de chacune d'elles au-delàdes lignes de déli-
continental. Elle considere en effet: mitation partielles déjàfixées au voisinage immédiat
-- Que la Républiquefédérale,qui n'a pas ratifiéla descôtesid'une art, entrela~épubli~ue fédérale et les
Ccinvention, n'est pas juridiquement lite par les dis- Pays-Baspar unaccord du 1"décembre1964et, d'autre
positions de l'article 6; part, entre la Républiquefédéraleet le Danemark par
unaccord du9juin 1965.11n'est pas demandé àlaCour
.- Que le principe de I'équidistancene s'imposepas d'ttablir effectivement les limites prolongées dont il
comme une conséquence nécessairede la conception s'agit, car les parties se sont engagées, aux termes des
généraledu régimejuridique du plateau coritinentalet compromis, à procéder àla délimitation parvoie d'ac-
n'est pas une règlede droit internationalcoutumier. cord conformément àla décisionde la Cour.
La Cour n'a pas accepté non plus les tlièses de la
Re:publiquefédérale pour autant quecelle-ci prônait le La mer du Nord est peu profonde et son lit est entiè-
priincipe d'une répartition du plateau continental en rementconstitué, àl'exceptionde lafossenorvégienne,
parts justes et équitables. Elle considèren effet que par un plateau continental situéà une profondeur de
chaquepartie a, parprincipe,droit aux zonesde plateau moinsde 200mètres. La majeure partie de ce plateau a
continental qui constituent le prolongement naturel de déjàétédtlimitéeentre lesEtats riverains.Toutefois, la
son territoire sous la nner. II ne s'agit donc pas de Rtpublique fédtrale et le Danemark, d'une part, et la
répartirou departager ces zones, maisde le:;délimiter. Républiquefédérale et lesPays-Bas, d'autre part, n'ont
La Cour a dit que les délimitationsen cause devront pu s'entendre sur le prolongement des délimitations
s'opérer par voie d'accord entre les Parties et confor- partielles ci-dessusmentionnées.principalement parce
m15men t des principeséquitables et elle a indiquédes que le Danemark et les Pays-Bas souhaitaient que le
facteurs àprendre en coiîsidératioà cettefin. Ilappar- prolongement s'effectuât d'aprèsle principede I'équi-
tient maintenant aux parties de négociersuivant ces distance et que la Républiquefédéralejugeait quecela
principes, ainsi qu'elles en sont convenues. aurait réduit exagérément cequ'elle estimait devoir
être sajustepart de plateau continental en proportion
Ces affaires,relativesà la délimitationentre les par- de la longueur de son littoral. Ce résultat n'étaitpas
tiesdeszones du plateau continentalde lamer du Nord attribuable l'uneou l'autre deslignesprises isolément
re'ievantde chacuned'elles. ont étintroduites le20fé- mais àl'effetcombint des deux lignesprisesensemble,
vrier 1967par le dépôtau Greffe de la Cour de deux effet que le Danemark et les Pays-Bas considéraient
compromis, conclus l'un entre le Danemark et la Ré- comme sans pertinence, s'agissant àleur avis de deux
puibliquefédérale etl'autre entre les Pays-Bas et la délimitationsdistinctesdontchacune devait êtreeffec-
Rkpublique fédéraie.Par ordonnance du 26avril 1968, tuéesans qu'il soit tenu compte de l'autre.
la Cour a joint les deux instances. Une ligne de délimitationconstruite suivant le prin-
La Cour s'est prononcée dans ces deux affaires par cipedel'équidistanceestappelée ligtted'équidistance;
ur~seul arrêt,rendu pa.r 11 voix contre 6. Parmi les elleattribueà chacunedesPartiesintéresséestoutesles
membres de la Cour qui se sont ralliésau dispositif, portions du plateau continental plusproches d'un point
sirMuhammadZafrulla Khan,juge, ajoint à.l'arrêtune de sa côte que de tout point situésur la côte de l'autre
ddclaration. et M. Bustamante y Rivero, président, partie. Dans le cas d'une côte concave ou rentrante
ainsi que MM. Jessup, Padilla Nervo et Alnmoun,ju- comme celle de la Républiquefédérale surla mer du
ges, yontjoint lesexposésde leur opinion iridividuelle. Nord, l'application de la méthode de l'équidistance
D"unautre côté,M. Berigzon,juge. ajoint à.l'arrêtune tendà infléchir les lignesde délimitationvers la con-cavité.Par suite. quanddeux lignesd'équidistance sont Non-npplicnbilitéde I'article 6 de In Coni~entionde
tracées dans ces conditions, elles se rencontrent iné- 1958 sur leplutenrrcontinentcil(paragraphes 2 1à 36
vitablement. si la côte est très concave, une distance de l'arrêt)
relativement faible de cette côte, ce qui "ampute" La Cour examine ensuite la questionde savoir si,en
1'Etatriverain de la zone de plateau continental située vue des délimitations dontils'agit, la Républiquefédé-
au-delà des lignes. A l'opposé, si une côte a une con- rale est tenue d'accepter l'application du principe de
figuration convexe.ce quiestdans une certaine mesure I'éqilidistance.S'il est probablement exact qu'aucune
lecas des côtes du Danemark etdesPays-Bas, les lignes autre méthode de délimitation ne combine au même
d'équidistance s'écartent l'une de I'autre. de sorte que degré lesavantages de la commoditépratique et de la
la zone de plateau continental situéedevant cette côte certitude dans l'application, cela ne suffit pastrans-
tend àaller en s'élargissant. former une méthodeen règlededroit. La valeur endroit
d'une telle méthode doit tenir à autre chose qu'à ses
Le Danemark et les Pays-Bas soutiennentque I'en- avantages.
semble de la question est régipar une règle de droit Ilconvientd'abord de rechercher silaConvention de
obligatoire qu'ils appellent la règleéquidistance-cir- Genèvede 1958 sur le plateau continental lie toutes les
constances spéciales", en s'inspirant des termes de parties en cause. Selon ses clausesfinales, la Conven-
l'article 6 de la Convention de Genève du29 avril1958 tion n'est en vigueuràl'égardd'un Etat que si celui-ci,
sur le plateau continental. Selon cette règleà défaut après l'avoir signéedans les délaisprévus, l'a ensuite
d'un accord entre les parties en vue d'employer une ratifiée. Le Danemark et les Pays-Bas ont signé et
autre méthode, toute délimitationde plateau continen- ratifiéla Convention et y sont parties, mais la Répu-
tal doit suivre laligned'équidistance, sauf sil'existence blique fédérale,bien qu'elle l'ait signée, ne l'a pas
de "circonstances spéciales" est reconnue. Pour le ratifiéeet n'y est donc pas partie. Le Danemark et les
Danemark et les Pays-Bas, la configuration de la côte Pays-Basadmettentquedanscesconditions laConven-
allemande de lamer du Nord ne constitue en soi, nipour tion ne sauraiten tant que telle êtreobligatoire pour la
l'une ni pour l'autre des deux délimitations en cause, Répiiblique fédérale. Ils soutiennent néanmoins que
une circonstance spéciale. le régime de I'article 6 de la Convention serait de-
La Républiquefédéraleaffirme pour sa part que la acceptélesobligations de la Convention du fait notam-
véritablerègle àappliquer, au moins dans les circons- ment de son comportement, de ses déclarations publi-
tances propres à la mer du Nord, est la règle suivant ques et de ses proclamations.
laquelle chacundes Etats encause doit obtenir,propor-
tionnellement à la longueur de son front de mer, une Il est clair qu'on ne saurait admettre pareille thèse
"part juste et équitable" du plateau continentaldispo- que dans le cas où le comportement de la République
nible. Elle soutient égalementqu'étant donnéla forme fédéraleauraitétéabsolument net etconstant. Lorsque
de la mer du Nord chacun des Etats intéresséspeut plusieurs Etats ont conclu une convention où il est
prétendre àce que sa zone de plateau continental aille spécifiéque l'intention d'êtrelié parle régimeconven-
jusqu'au point central de la mer ou atteigne en tout tionneldoit se manifesterd'une manièredéterminée,on
cas sa ligne médiane. Subsidiairement, la République ne saurait présumer à la légère qu'un Etatn'ayant pas
fédérale soutient que, dans le cas où la méthode de accompli ces formalitésn'en est pas moins tenu d'une
l'équidistance serait considéréecomme applicable, la autre façon. En outre, si laRepublique fédérale avait
configuration de la côte allemande de la mer du Nord ratifiéla Convention de Genève, elleaurait pu formuler
constituerait une circonstance spécialejustifiant que une réserve à l'article 6, en usant de la faculté offerte
l'on s'écarte de cette méthodeen l'espèce. par I'article 12.
Seulel'existence d'une situation d'estoppel pourrait
Rejet de lathéoriede larépartition(paragraphes 18à 20 étayerla thèse du Danemark et des Pays-Bas :il fau-
de l'arrêt) drait que le Républiquefédéralene puisse plus contes-
LaCour estime ne paspouvoir acceptersous laforme terI'applicabilitédu régimede la Convention, en raison
qui lui a étédonnéela première thèse de la République d'un comportement, de déclarations, etc.. qui n'au-
fédérale. La tâche de la Cour est de délimiteret non raient pas seulement attesté d'une manière claire et
point de répartir les espaces visés. L'opération de dé- constante son acceptation de ce régime mais aurait
limitation consisteà déterminer les limites d'une zone également amené le Danemark ou les Pays-Bas, se
relevant déjà en principe de 1'Etat riverain et non à fondant surcetteattitude,à modifier leur positioà leur
définircettezone de novo. Ladoctrinede lapartjuste et détriment ou à subir un préjudice quelconque. Rien
équitable s'écarte totalement de la plus fondamentale n'indique qu'ilen ait étéainsi enl'espèce. L'articlee
de toutes les règles de droit relatives au plateau con- la Convention de Genève n'est donc pas applicable en
tinental :lesdroits de 1'Etatriverain concernant lazone tant que tel aux délimitations viséesen l'espèce.
de plateau continental qui constitue un prolongement
naturelde sonterritoire sous la mer existent ipsofacto Le principe de l'équidistnncen'est pas inhérent à la
et ab initio en vertu de la souverainetéde 1'Etatsur ce corzception fondamentale di( plateau continental
territoire.Il ya là un droit inhérent. Point n'est besoin (paragaphes 37 à 59de l'arrêt)
pour l'exercer d'accomplir des actes juridiques spé- Le Danemark et les Pays-Bas soutiennent que la
ciaux. Il endécouleque l'idéede répartirune zone non Républiquefédéraleest detoute façon tenued'accepter
encore délimitéeconsidéréecomme un tout, idéesous- la méthode de l'équidistance en matière de délimita-
jacente à la doctrine de la part juste et kquitable, est tion, car l'emploi de cette méthode relève d'une règle
opposée à la conception fondamentale du régime du
plateau continental. de droit international généralou coutumier liant auto-
matiquement la République fédérale. L'un des argumentsavancés à l'appui decette thèse voie d'accord et de délimitationconforme à des prin-
par le Danemark et les Pays-Bas, que l'on pourrait cipeséquitablesa procédé toute l'évolution historique
appt:ler l'argument du caractère à priori, procède de la ultérieure. C'est essentiellement sur la recommanda-
constatation suivante :les droits de 1'Etatriverain sur tion d'un comitéd'experts quela Commission du droit
son plateau continental ont pour fondement la sou- international des Nations Unies aacceptéleprincipe de
verainetéqu'il exerce sur le territoire dont ce plateau l'équidistance aux fins de la délimitationdu plateau
continental est leprolongement naturelsous lamer. De c:ontinentaldans le texte qu'elle a préparà l'intention
cette notion de rattachement découle l'idée, acceptée clela Conférencede Genève de 1958sur le droit de la
par la Cour, que les droits de 1'Etatriverair! existent rner, conférenceau cours de laquelle a étéadoptéela
ipsofacto et ab initio. Le Danemark et les Pays-Bas Convention sur leplateau continental. Ilest légitimede
prét'endentque le critère du rattachement doit êtrela supposerqueles experts ont été mûs par desconsidéra-
"proximité" :toutes les parties du plateau cc~ntinental tionsd'ordre pratiqueet cartographique et non par des
plus proche d'un Etat riverain que de tout point situé <:onsidérationsd'ordre juridique et doctrinal. Au sur-
sur lacôte d'un autre Etat relèventdu premier Etat. En plus letexte adoptéparla Commission donnaitpriorité
conséquence la délimitation doit s'opérer selon une illa délimitationpar voie d'accord et introduisait une
méthodeattribuant àchacun desEtats intéresséstoutes exception dans le cas de "circonstances spéciales".
les zones qui sont plus proches de sa propre côte que La Cour estime donc que le Danemark et les Pays-
d'aucune autre. Comme s,euleiine ligned'équiidistance Bas ont renversé l'ordre réeldes choses :loin qu'une
perrnet d'y parvenir, seiile une telle ligne peut être règled'équidistanceait étéengendréepar un principe
valable. de proximitéinhérent à la conceptionfondamentale du
plateau continental. c'est plutôt ce principe qui a été
Cet argument a incontestablement dupoids; dans des Ilne de la
conciitions normales, la plus grande partie du plateau
coni:inentalrelevant d'un Etat esten fait plusproche de ,Ceprincipe de l'équidistanceneconstituepas unerègle
lacijte decet Etat que d'ailcuneautre. Maislavéritable de droit international couturnier(paragraphes 60à 82
question est de savoir s'il faut réellement que toute de l'arrêt)
partie de la zone relevant d'un Etat soitlus proche de 11reste àsavoir sile principe de l'équidistanceen est
sacôtequed'aucune autre. Del'avis delaCoiir,cela ne venu à êtreconsidérécomme une règlede droit inter-
résuiltepas nécessairemeintde la notion de proximité, inationalcoutumier par les moyens du droit positif.
qui est assez imprécise. Contrairement à la thèsedu Danemark et des Pays-
PIUSimportante est la conception fondamentale du :Bas,la Cour considère que le principe de 19équidis-
plateau continental envisagéCommeUnprolongement ]Lancet,el qu'ilest énoncéàl'article6de la Convention
naturel du territoire. Même sila proximité peut être ,je Genève, n'a pas étéproposépar la Commission du
l'un des critères applicables- et un critère important droit internationaà titre de règlede droit international
quand lesconditions s'yprêtent -, ce n'est pas néces- ,:outumierenvoiedeformation. Onnepeut pasdire que
Sairementle seul ni t0~j0ilïSle plus approprié.Ce n'est l'article6ait consacréou cristalliséune tellerègle.Cela
PasParcequ'ellessont~roches de sonterritoire quedes est confirmé parle fait quetout Etat peut formulerdes
zones sous-marines reièvent d'un Etat, et cela ne dé- réserves àl'article6de laConvention - à ladifférence
pend pas du point de savoir si les limites de ces zones desarticles 1,2 et - au moment de la signature, de la
sont bien définiesou non. En réalitél,etitre que ledroit ratification ou de l'adhésion.Sans doute y a-t-il d'au-
internationalattribue ipsojure à I'Etat riverain sur son tresdispositions de la Convention qui se rapportent à
plateau continental prockde de ce que les zones sous- des questions relevant du droit coutumier établiet à
marines en cause peuvent êtreconsidéréesc~omme fai- propos desquelles la facultéde faire des réservesn'est
sant véritablement partie de son territoire :elles sont pas exclue non plus, mais ces questions concernent
un prolongement de Ceterritoire SOUS lamer. La notion toutes des règlesde droit maritime généraltrès anté-
d'équidistance ne peut manifestement pas êtreiden- rieures à la Convention et ne se rattachant que de
tifiiiàcellede prolongenient naturel,car I'ernpioidela manièreincidente au régimejuridique du plateau con-
mé1:hodd ee I'équidistancea souvent pour rksultat d'at- tinental en tant que te]; sion les a mentionnéesdans la
tribuer àun Etat des zones prolongeant natiirellement Convention, c'est simplement pour faire en sorte que
le territoire d'un autre Etat. Par suite, la notion d'équi-l'exercice des droits relatifs au plateau continental n'y
distance n'est pas liéede façoninévitableet àpriorià la porte pas atteinte. En revanche, puisque l'article 6 se
coriception fondamentale du plateau continental. rattache directement au régimejuridique du plateau
continental et puisque la facultéde foimuler des rései-
[Jn examen de la genèsede la methode de délimita- ves n'a pas étéexclue à son sujet, il est légitimed'en
tiori fondéesur l'équidistanceconfirme cette conclu- déduirequ'on ne l'a Pas considérécomme CoflesPon-
sioin.La proclamation T:ruman,que le Gouvernement dant àunerèglededroitinternational coutumier envoie
des Etats-Unis apubliéele28septembre 1945,peut être de formation.
corisidérée comme le pointde départ de l'élaboration
du droit positif en ce dosmaine;la doctrine principale Le ~anèhark et les Pays-Basont aussi soutenuque,
qu'elleénonçait, à savoirque I'Etat riverainpossèdeun mêmesi à ladatede laConventiondeGenève il n'exis-
drolitoriginaire,naturel et exclusif sur le pla1.eauconti- tait aucune règlede droit internationalcoutumier con-
neritalsituédevantses côtes. l'aemportésurtoutes les sacrant leprincipede I'équidistance,une telle règleest
autres et trouve désormaissonexpression dans laCon- apparuedepuis la Convention, du fait pour une part de
verition de Genève de 1958. En ce qui concerne la l'influence exercéepar celle-ci et pour une autre de la
délimitationdes plateaux continentaux entre Etats li- pratiquedes Etats. Ilfaudrait pour celaquel'article 6de
mitrophes. la proclamation Truman énonçait que la la Convention ait, en tout cas virtuellement, un carac-
ligriede délimitationserait "déterminée parles Etats- tèrenormatif. Or l'article6est rédigde telle sorte qu'il
Unis et 1'Etatintéressé conformémen àt des principes fait passer I'obligation de recourir à la méthode de
éqiiitables". De ces deux notions de délimitationpar I'équidistanceaprès l'obligation primordiale d'effec-
97tuer la délimitationpar voie d'accord. Au surplus, le simplement de procéder à une négociation formelle
rôle quejoue la notion de circonstances spéciales par cornme une sortede condition préalable à l'application
rapport au principe de I'équidistance,les controverses automatique d'une certaine méthode de délimitation
auxquelles donnent lieu la portée et le sens de cette faute d'accord; ellesdoivent se comporter de telle ma-
notion, ainsi que la faculté d'apporter des réserves à nitre que la négociationait un sens, ce qui n'est pas le
l'article 6, ne peuvent que susciterdes doutes quant au cas lorsque I'une d'elles insiste sur sa propre position
caractère virtuellement normatif de cet article. sans envisager aucune modification. Cette obligation
En outre, s'ilest vrai qu'une participation trèslarge ne constitue qu'une applicationparticulitre d'un prin-
et représentative à une convention puisse prouver cipe qui est la base de toutes relationsinternationales
qu'une règleconventionnelle est devenue règlegéné- et qui est reconnu par l'Article 33 de la Charte des
rale de droit international, en l'esptce le nombre de Na1.ionsUniescomme I'unedesméthodesderèglement
ratifications et d'adhésions obtenu jusqu'à présent pacifique des différendsinternationaux.
n'est pas suffisant. Et, bien que le fait qu'il ne se soit
écoulé qu'un bref lapsdetemps ne constituepas néces- L.espartiessont égalementtenues d'agirdetelle sorte
sairement un empêchement à la formationd'une règle que, dans le cas d'espèce et compte tenu de toutes les
nouvelle dedroitinternationalcoutumier àpartir d'une circonstances, des principes équitables soient appli-
règlepurement conventionnelle à l'origine, il demeure qués. Il n'est pas question que la Cour rende une dé-
cision exaequo et bono, maisune rtgle dedroit appelle
Etats, y comprisceux quisontparticulièrementintéres- I'applicationde principes équitableset, en l'espèce, la
méthodede I'équidistanceaboutirait àcréerune incon-
sés,ait étéfréquente et pratiquement uniforme dans le testable inéquité. Or,ilexiste aussi d'autres méthodes
sens de la disposition invoquée et se soit manifestée que l'on peut employer, isolémentou concurremment,
de manière à établirla reconnaissance généraled'une selon les zones visées. Bien que les parties se soient
règlede droit. On a citéau cours de la procédureune rése:rvI'applicationdesprincipes et règlesàétablirpar
quinzaine de cas où les Etats intéressés sont conve- la Cour.ilconvient de préciser les possibilitésqui s'of-
nus de déterminer. ou ont effectivement déterminé, frentà elles.
des limites de plateau continental selon le principe de Par ces motifs, la Cour dit que, pour l'une et I'autre
l'équidistance, mais rien ne prouve qu'ils l'aient fait affaire,l'applicationde la méthodede délimitationfon-
parce qu'ils se sont senti tenus par une règlede droit dée sur I'équidistance n'estpas obligatoire entre les
coutumierde délimiterseloncette méthode.Les exem- parties; qu'il n'existe pas d'autre méthode uniquede
plescitésne sont pas décisifsetne suffisentpasà établir délimitation quisoit d'un emploi obligatoire en toutes
une pratique constante. circonstances;que ladélimitationdoits'opérerpar voie
La Cour conclut que la Convention de Genève n'a d'accord conformément à des principes équitables et
été,ni dans ses origines ni dans ses prémices, décla- compte tenu de toutes lescirconstancespertinentes, de
ratoire d'une règle de droit international coutumier manière à attribuer, dans toute la mesure possible,à
imposantl'emploiduprincipe deI'équidistance,qu'elle chaquepartie la totalitédes zones du plateau continen-
n'a pas par ses effets ultérieurs aboutià la formation tal qui constituent le prolongement naturel de son ter-
d'une telle règleet que la pratique des Etats jusqu'à ce ritoire sous la mer et n'empiètent pas sur le prolon-
jour a étéinsuffisante à cette fin. gement naturel du territoire de l'autre; et que, si cette
délimitationdoit attribuer aux parties des zones qui se
Principes et règlesdedroitapplicables(paragraphes 83 chevauchent, celles-ci doivent êtredivisées entre les
à 101de l'arrêt) partiespar voie d'accord ou,à défaut, par parts égales,
La situationjuridique est doncquelesparties ne sont àmoins quelesPartiesn'adoptent unrégimedejuridic-
pas tenues d'appliquer la méthodede I'équidistance, tion.,d'utilisation ou d'exploitation commune.
quece soit au titre de la Conventionde 1958ou en tant Au cours des négociations,lesfacteurs à prendre en
que règleobligatoire de droit internationalgénéralou considérationcomprendront :laconfiguration générale
coutumier. Dans ces conditions, la Cour n'a pas à re- des côtes des parties et laprésencede toute caractéris-
chercher si la configuration de la côte allemande de la tiquespécialeou inhabituelle;pourautant quecela soit
mer du Nord constitue ou non une "circonstance spé-
ciale". Il luireste cependantà indiquer aux Parties les connu ou facile à déterminer, la structure physique et
principes et les règlesde droit en fonction desquels la géologiqueet les ressources naturelles des zones de
délimitationdoit se faire. plateau continental en cause; le rapport raisonnable
Les principesfondamentauxen matière de délimita- qu'une délimitationopérée conformément à des prin-
tion, principes issus de la proclamation Truman. sont cipeséquitablesdevraitfaireapparaître entre l'étendue
que celle-cidoitfairel'objet d'un accord entre les Etats des zones de plateau continental relevant de chaque
intéressés et que cet accord doit se réaliserselon des Etat et la longueur de son littoral mesurée suivant la
principeséquitables. Les parties sonttenuesd'engager direction généralede celui-ci, compte tenu des effets
une négociationen vue de réaliserun accord et non pas actuels ou éventuels de toute autre délimitationdu pla-
teau continental effectuée dans la mêmerégion.
Résumé de l'arrêt du 20 février 1969