La Cour juge que la souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh appartient à Singapour ; que la souveraineté sur Middle Rocks appartient à la Malaisie et que la souveraineté sur South Ledge apparti

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14490
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2008/10
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
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Communiqué de presse
Non officiel

o
N 2008/10
Le 23 mai 2008

Souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge
(Malaisie/Singapour)

La Cour juge que la souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh appartient à
Singapour ; que la souveraineté sur Middle Rocks appartient à la Malaisie et
que la souveraineté sur South Ledge appartient à l’Etat

dans les eaux territoriales duquel il est situé

LA HAYE, le 23 mai 2008. La Cour interna tionale de Justice (CIJ), organe judiciaire
principal des Nations Unies, a rendu aujourd’hui son arrêt en l’affaire relative à la Souveraineté sur

Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge (Malaisie/Singapour).

Dans son arrêt, qui est définitif, sans recours et obligatoire pour les Parties, la Cour,

⎯ dit par douze voix contre quatre, que la souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh

appartient à la République de Singapour ;

⎯ dit, par quinze voix contre une, que la souveraineté sur Middle Rocks appartient à la Malaisie ;

⎯ dit, par quinze voix contre une, que la souveraineté sur South Ledge appartient à l’Etat dans les
eaux territoriales duquel il est situé.

Raisonnement de la Cour

La Cour indique tout d’abord que le différend entre la Malaisie et Singapour
vise la souveraineté sur trois formations maritimes du détroit de Singapou:r
Pedra Branca/Pulau Batu Puteh (une île granitique sur laquelle se trouve le phare Horsburgh),
Middle Rocks (constituée de plusieurs rochers découverts de manière permanente) et South Ledge
(un haut-fond découvrant).

Après avoir exposé le contexte historique de l’ affaire, la Cour note que le différend relatif à
la souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh s’est cristallisé le 14février1980, date à
laquelle Singapour a protesté contre la publication par la Malaisie, en 1979, d’une carte situant l’île
dans les eaux territoriales malaisiennes. La Cour poursuit en faisant observer que, s’agissant de la

souveraineté sur Middle Rocks et SouthLedge, le différend s’est crista llisé le 6février1993,
lorsque Singapour a mentionné les deux formations dans le cadre de ses prétentions sur Pedra
Branca/Pulau Batu Puteh, au cours des discussions bilatérales entre les Parties. - 2 -

⎯ Souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh

La Malaisie fait valoir qu’elle a un titre or iginaire sur Pulau Batu Puteh (remontant à
l’époque de son prédécesseur, le Sultanat de J ohor) et qu’elle possède encore ce titre, tandis que
Singapour soutient que l’île était terra nullius au milieu du XIX siècle, lorsque le Royaume-Uni
(son prédécesseur) prit possession licite de l’île afin d’y construire un phare.

Après avoir examiné les éléments de preuve que lui ont soumis les Parties, la Cour conclut
que le domaine territorial du Sultanat de Johor englobait bien en principe l’ensemble des îles et
îlots situés dans le détroit de Singapour et comprenait donc l’île de Pedra Branca/Pulau Batu Puteh.

Elle établit qu’aucune autre puissance de la région n’a jamais contesté que ces îles aient été en la
possession du Sultanat de Johor et que cette possession satisfait par conséquent à la condition d’un
«exercice continu et pacifique de la souverainet é territoriale». La Cour conclut ainsi que le
Sultanat de Johor détenait un titre originaire sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh. Elle ajoute que ce

titre ancien est confirmé par la nature et l’importa nce de l’autorité que le sultan de Johor exerçait
sur les Orang Laut («le peuple de la mer», qui vivaient ou se rendaient sur les îles du détroit de
Singapour, dont Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, et qui s’étaient établis dans cet espace maritime).

La Cour se penche ensuite sur la question de savoir si les faits survenus entre 1824 et1840
eurent quelque incidence sur ce titre. En mars 1824, les puissances coloniales de la région, le
Royaume-Uni et les Pays-Bas, signèrent un traité qui , en pratique, eut pour effet d’établir dans les
grandes lignes les sphères d’influence de ces deux puissances aux Indes orientales. En

conséquence, une partie du Sulta nat de Johor (gouvernée par le sultan Hussein) se trouva dans la
sphère d’influence britannique, tandis que l’autre (gouvernée par le sultan Abdul Rahman, le frère
du sultan Hussein) relevait de la sphère d’influen ce néerlandaise. En août 1824, le sultan Hussein

céda à la Compagnie des Indes orientales l’île de Singapour ainsi que les espaces maritimes
adjacents, détroits et îles situés dans un rayon de 10 milles géographiques de celle-ci, aux termes du
traité dit Crawfurd. Enfin, dans une lettre du 25 juin 1825, le sultan Abdul Rahman «céda» à son
frère certains territoires, qui relevaient déjà de la sphère d’influence britannique, confirmant ainsi la

scission de l’«ancien» Sultanat de Johor. Après a voir examiné attentivement les effets juridiques
de ces faits, la Cour conclut qu’aucun d’eux ne venait modifier le titre originaire.

La Cour examine ensuite le statut juridique de Pedra Branca/Pulau Batu Puteh après les

années 1840 afin de déterminer si la Malaisie et son prédécesseur ont conservé la souveraineté sur
l’île. Elle fait observer que, pour cela, il lui faut apprécier les faits pertinents,lesquels sont
principalement le comportement des Parties (et de leurs prédécesseurs) au cours de la période
considérée.

La Cour étudie les événements entourant le processus de sélection de l’emplacement du
phare et la construction de ce dernier, ainsi que le comportement des prédécesseurs des Parties
entre 1852 et 1952 (eu égard en particulier aux légi slations britannique et singapourienne relatives

au phare Horsburgh et dans le contexte du sy stème des phares des détroits, aux différents
changements constitutionnels de Singapour et de la Malaisie et à la réglementation de la pêche par
le Johor dans les années 1860), mais elle n’est pas en mesure d’en tirer une conclusion aux fins de
l’affaire.

La Cour note que, dans une lettre du 12juin1953 adressée au conseiller britannique du
sultan de Johor, le secrétaire colonial de Singa pour demandait des renseigneme nts sur le statut de
Pedra Branca/ Pulau Batu Puteh dans le cadre de la détermination des limites des «eaux territoriales

de la colonie». Dans une lettre datée du 21septe mbre1953, le secrétaire d’Etat par intérim du
Johor répondit que «le gouvernement du Johore ne revendiqu[ait] pas la propriété de
PedraBranca.» La Cour considère que cette correspondance ainsi que la manière dont elle est
interprétée sont essentielles pour «déterminer comme nt ont évolué les vues des deux Parties à - 3 -

propos de la souveraineté sur Pe dra Branca/Pulau Batu Puteh» et juge que la réponse du Johor
montre que, en 1953, celui-ci considérait que la souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh ne

lui appartenait pas.

Enfin, la Cour considère le comportement des Parties à l’égard de l’île après1953. Après
avoir examiné tous les arguments qui lui ont été soumis, elle conclut que certains actes, tels que les

enquêtes menées par Singapour sur les naufrages surv enus dans les eaux territo riales de l’île et les
autorisations accordées le cas échéant par Singapour à des repr ésentants malaisiens souhaitant
mener une étude dans les eaux entourant l’île, peuvent être considérés comme l’expression d’un
comportement à titre de souverain. La Cour estime également qu’un certain poids peut être

accordé au comportement des Parties à l’appui de la prétention de Singapour (à savoir, l’absence de
réaction de la Malaisie face au déploiement du pavillon singapouri en sur l’île, l’installation par
Singapour de matériel de communication militaire sur l’île en1977, le projet singapourien de
récupération de terres en vue d’agrandir l’île , ainsi que quelques publications et cartes

particulières).

La Cour conclut, en particulier eu égard au comportement à titre de souverain de Singapour
et de ses prédécesseurs examiné parallèlement à celui de la Malaisie et de ses prédécesseurs, dont

le fait que ceux-ci n’ont pas réagi au comportement de Singapour et de ses prédécesseurs, que,
en 1980 (date à laquelle le différend s’est cristallisé), la souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu
Puteh était passée à Singapour. La Cour conclut d onc que la souveraineté sur Pedra Branca/Pulau
Batu Puteh appartient à Singapour.

⎯ Souveraineté sur Middle Rocks et South Ledge

La Malaisie soutient que les deux formations ont toujours relevé de la juridiction du Johor ou

de la sienne, alors que la position de Singapour est que la souveraineté sur ces formations va de
pair avec la souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh.

En ce qui concerne Middle Rocks, la Cour fa it observer que les circons tances particulières

qui l’ont conduite à conclure que la souverainet é sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh appartenait à
Singapour ne s’appliquent manifestement pas à Middle Rocks. Elle juge par conséquent que la
Malaisie, en sa qualité de successeur du sulta n de Johor, doit être considérée comme ayant
conservé le titre originaire sur Middle Rocks.

S’agissant de SouthLedge, la Cour note que ce haut-fond découvrant relève des eaux
territoriales générées par Pedra Branca/Pulau Batu Puteh et par Middle Rocks, eaux territoriales qui
semblent se chevaucher. Rappelant qu’elle n’a p as reçu des Parties pour mandat de tracer la ligne

de délimitation de leurs eaux territoriales dans la zone en question, la Cour conclut que la
souveraineté sur South Ledge appartient à l’Etat dans les eaux territoriales duquel il est situé.

Composition de la Cour

La Cour était composée comme suit : M. Al-Khasawneh, vice-président, faisant fonction de
président en l’affaire ; MM. Ranjeva, Shi, Koroma, Parra-Aranguren, Buergenthal, Owada, Simma,
Tomka, Abraham, Keith, Sepúl veda-Amor, Bennouna, Skotnikov, juges ; MM. Dugard,

Sreenivasa Rao, juges ad hoc ; M. Couvreur, greffier.

M. le juge Ranjeva joint une déclaration à l’a rrêt ; M. le juge Parra-Aranguren joint à l’arrêt
l’exposé de son opinion individuelle ; MM. les juge s Simma et Abraham joignent à l’arrêt l’exposé

de leur opinion dissidente commune; M. le j uge Bennouna joint une déclaration à l’arrêt;
M. le juge ad hoc Dugard joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente; M.lejuge ad hoc
Sreenivasa Rao joint à l’arrêt l’exposé de son opinion individuelle.

___________ - 4 -

Un résumé de l’arrêt figure da ns le document intitulé «Résumé n o2008/1», auquel sont

annexés les résumés des déclarations et des opinions jointes à l’arrêt. Le présent communiqué de
presse, le résumé de l’arrêt, ainsi que le texte in tégral de celui-ci figurent également sur le site
Internet de la Cour (www.icj-cij.org) sous les rubriques «Espace Presse» et «Affaires».

___________

Département de l’information :

Mme Laurence Blairon, secrétaire de la Cour, chef du département (+31 (0)70 302 2336)

MM. Boris Heim et Maxime Schouppe, attachés d’information (+31 (0)70 302 2337)
Mme Joanne Moore, attachée d’information adjointe (+31 (0)70 302 2394)

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La Cour juge que la souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh appartient à Singapour ; que la souveraineté sur Middle Rocks appartient à la Malaisie et que la souveraineté sur South Ledge appartient à l'Etat dans les eaux territoriales duquel il est situé

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