Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique) - La Cour déclare que l'émission et la diffusion sur le plan international du mandat d'arrêt du 11 avril 2000 à l'encontr

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121-20020214-PRE-01-00-EN
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2002/4
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COURINTERNATIONALE DEJUSTICE
Palais de la Paix, 2517 KJ La Haye. Tél.(31-70-30223 23). Télégr.Intercourt, La Haye.
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Communiqué
non officiel
pour diffusion inunédiate

~ 2002/4
Le 14 février2002

Mandat d'arrêtdu 11 avri12000
(Républiquedémocratiquedu Congo c. Belgique)

La Cour déclareque l'émissionet la diffusion sur le plan international du mandat d'arrêt

du 11 avril2000 àl'encontre de M. Abdulaye Yerodia Ndombasi constituent une
violation par la Belgique de l'immunitéde juridiction pénaleet de l'inviolabilité
reconnues au ministre des affaires étrangèresen exercice du Congo
par le droit international, et que la Belgique
doit mettre à néantle mandat d'arrêt

LA HAYE, le 14 février2002. La Cour internationale de Justice (CIJ), organe judiciaire
principalde l'Organisation des Nations Unies, a rendu son arrêt en l'affaire relative au
Mandat d'arrêtu 11 avril2000 (Républiquedémocratiquedu Congo c. Belgique).

Dans son arrêt,qui est définitif,sans recours et obligatoire pour les Parties, la Cour a dit, par
treize voix contre trois,

«que l'émission, à l'encontre de M. Abdulaye Yerodia Ndombasi, du mandat d'arrêt
du 11 avril2000, et sa diffusion sur le plan international, ont constituédes violations
d'une obligation juridique du Royaume de Belgique à l'égard de la République
démocratique du Congo, en ce qu'elles ont méconnul'immunitéde juridiction pénale
et l'inviolabilité dont le ministre des affaires étrangèresen exercice de la République

démocratiquedu Congo jouissait en vertu du droit international»

puis,par dix voix contre six,

«que le Royaume de Belgique doit, par les moyens de son choix, mettre à néantle
mandat d'arrêtdu 11 avril2000 et en informer les autorités auprès desquelles ce

mandat a étéiffusé».

La Cour est parvenue à ces conclusions après avoir déclaré,par quinze voix contre une,
qu'elle étaitcompétente en l'espèce, que la requêtedu Congo n'était pas dépourvue d'objet (et
qu'iln'y avait donc pas défautd'objet en l'affaire) et que la requêteétaitrecevable. Ce faisant, la

Cour a rejetéles exceptions soulevéespar la Belgique sur chacun de ces points. -2-

Raisonnement de la Cour

Compétenceet recevabilité

La Cour rejette tout d'abord les exceptions soulevéespar la Belgique qui reposent sur le fait
que M. Yerodia n'étaitplus ministre des affaires étrangères,ni même membre du Gouvernementdu
Congo,lorsque la Cour a été saisie de l'affaire.

S'agissant de la compétencede la Cour, la Belgique a affirméqu'il n'existait plus aucun
litige réel impliquant un conflit d'intérêts juridiques entre les Parties au sens des déclarations
d'acceptation de la juridiction de la Cour qu'elles avaient faites sur la base de l'article 36,

paragraphe 2, du Statut et que,par voie de conséquence,la Courn'étaitpas compétenteen l'espèce.
La Cour rappelle que sa compétencedoit s'apprécierau moment du dépôtde l'acte introductif
d'instance, et qu'à l'époque il existait bien un<<llidifférendqui opposait [les Parties] quant à la
licéitéau regard du droit international du mandat d'arrêtdu 11 avril 2000 et quant aux
conséquencesà tirer d'une éventuelleillicéitéde ce mandat». La Cour, en conséquence,rejette
1'exceptionde la Belgique.

La Cour rejette égalementla deuxièmeexception soulevéepar la Belgique, selon laquelle le
changement susmentionnédans la situation de M. Yerodia a rendu l'affaire sans objet. Selon la
Cour, ce changement n'a pas privéla requêtede son objet. Elle fait observer qu'à cet égard,le
Congo a soutenu que le mandat d'arrêtétaitet demeure illicite et a demandéà la Cour la mise à
néantdudit mandat, et que la Belgique, de son côté,s'est opposéeaux conclusions du Congo.

La Cour estime en outre, contrairement à la troisième exception soulevéepar la Belgique,

que les demandes du Congo sont recevables parce que les faits surlesquels reposait la requêten'ont
pas étémodifiés de manière telle que le différend dont la Cour était saisie ait subi une
transformation de cette nature. Aussi les conclusions finales du Congo, relève la Cour,
découlaient-elles «directement de la question qui fait l'objet de larequête».

De surcroît, la Cour rejette la quatrièmeexception soulevéepar la Belgique, selon laquelle
«la demande a pris la forme d'une action visant à recréerla protection diplomatique en faveur de
M. Yerodia Ndombasi alors que ce dernier n'a pas épuisétoutes les voies de recours internes». La

Cour relève que le Congo n'a jamais entendu se prévaloir devant elle de droits individuels de
M. Yerodia et rappelle que, de toute façon, la recevabilité d'une requêtedoit s'apprécierau
moment de son dépôt.

La Cour observe enfin, en réponseà un argument que la Belgique a fait valoir à titre
subsidiaire, quesi, selon un principe bien établi,«elle ne peut pas trancher des questions qui ne lui
ont pas étésoumises, en revanche la règlenon ultra petita ne saurait l'empêcherd'aborder certains

points de droit dans sa motivation». Aussi, souligne la Cour, ne peut-elle en l'espècese prononcer,
dans le dispositif de son arrêt,sur la question de savoir si le mandat d'arrêtlitigieux, émispar le
juge d'instruction belge en vertu de la compétenceuniverselle dont il se réclame,est conforme sur
ce point aux règleset principes du droit international gouvernant les compétencesdes juridictions
nationales. Toutefois, ilne s'ensuit pas que la Courne puisse aborder, si ellel'estime nécessaireou
souhaitable, tel ou tel aspecte cette question dans les motifs de son arrêt.

La Cour observe ensuite qu'en l'espèce, elle ne doit exammer que les questions de
l'immunité de juridiction pénale et de l'inviolabilité d'un ministre des affaires étrangèresen
exercice. Se référantà certains traitéscitéspar les Parties à cet égard,ellejuge qu'elle est appelée
à se prononcer sur les questions relatives aux immunitésdes ministres des affaires étrangèressur la
base du droit coutumier. - 3 -

La Cour fait remarquer qu'en droit international coutumier, les immunitésreconnues à un
ministre des affaires étrangèresne lui sont pas accordéespour son avantage personnel, mais pour
lui permettre de s'acquitter librement de ses fonctions pour le compte de l'Etat qu'il représente.

Afin de déterminer 1'étendue de ces immunités, la Cour examine donc au préalable la nature des
fonctions exercéespar un ministre des affaires étrangères. Après avoir procédéà cet examen, la
Cour conclut que les fonctions d'un ministre des affaires étrangèressont telles que, pour toute la
duréede sa charge, il bénéficie d'une immunitéde juridiction pénaleet d'une inviolabilitétotales à

l'étranger. Cette immunitéet cette inviolabilitéprotègent l'intéressécontre tout acte d'autoritéde
la part d'un autre Etat qui ferait obstacleà l'exercice de ses fonctions. A cet égard,il n'est pas
possible d'opérerde distinction entre les actes accomplis par un ministre des affaires étrangèresà
titre «officiel» et ceux qui l'auraient étéà titre «privé»,pas plus qu'entre les actes accomplis par

l'intéresséavant qu'il n'occupe les fonctions de ministre des affaires étrangèreset ceux accomplis
durant l'exercice de ces fonctions. C'est ainsi que, si un ministre des affaires étrangèresest arrêté
dans un autre Etat à la suited'une quelconque inculpation, il se trouvera à l'évidenceempêché de
s'acquitter des tâches inhérentesà ses fonctions.

La Cour examine ensuite les arguments de la Belgique, selon lesquels les ministres des
affaires étrangèresne jouissent d'aucune immunitélorsque pèsesur eux le soupçon d'avoir commis
des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité. Elle fait observer qu'elle a examinéavec

soin la pratique des Etats, y compris les législationsnationales et les quelques décisionsrendues par
de hautes juridictions nationales, telles la Chambre des lords ou la Cour de cassation française.
Elle n'est pas parvenue à déduire de cette pratique l'existence, en droit international coutumier,
d'une exception quelconque à la règle consacrant l'immunitéde juridiction pénaleet l'inviolabilité

des ministres des affaires étrangèresen exercice, lorsqu'ils sont soupçonnés d'avoir commis des
crimes de guerre ou des crimes contre 1'humanité.

La Cour indique en outre que les règlesgouvernant la compétencedes tribunaux nationaux et
celles régissant les immunités juridictionnelles doivent êtresoigneusement distinguées. Les

immunitésrésultant du droit international coutumier, notamment celles des ministres des affaires
étrangères,demeurent opposables devant les tribunaux d'un Etat étranger, même lorsque ces
tribunaux exercent une compétence pénale élargie sur la base de diverses conventions
internationales tendant à la préventionet à la répressionde certains crimes graves.

La Cour souligne toutefois que l'immunité de juridiction dont bénéficieun ministre des
affaires étrangères enexercice ne signifie pas qu'il bénéficied'une impunitéau titre de crimes qu'il
aurait pu commettre, quelle que soit leur gravité. Immunitéde juridiction pénaleet responsabilité

pénaleindividuelle sont des concepts nettement distincts. Alors que l'immunitéde juridiction revêt
un caractère procédural, la responsabilité pénale touche au fond du droit. L'immunité de
juridiction peut certes faire obstacle aux poursuites pendant un certain temps ou à 1'égard de
certaines infractions; elle ne saurait exonérerla personne qui en bénéficiede toute responsabilité

pénale. La Cour énumèreensuite les circonstances dans lesquelles les immunitésdont bénéficieen
droit international un ministre ou un ancien ministre des affaires étrangèresne font en effet pas
obstacleà ce que leur responsabilité pénalesoit recherchée.

Après avoir examiné les termes du mandat d'arrêtdu Il avril2000, la Cour note que
l'émissiondu mandat d'arrêtlitigieux, comme telle, constitue un acte de l'autoritéjudiciaire belge
ayant vocation à permettre l'arrestation, sur le territoire belge, d'un ministre des affaires étrangères
en exercice inculpéde crimes de guerre et de crimes contre 1'humanité. Elle estime que, compte
tenu de ia nature et de l'objet du mandat, la seule émissionde celui-ci a constitué une violation

d'une obligation de la Belgique à l'égard du Congo, en ce qu'elle a méconnu l'immunité de
M. Yerodia en sa qualité de ministre des affaires étrangères en exercice du Congo et, plus
particulièrement, violél'immunité de juridiction pénaleet l'inviolabilité dont il jouissait alors en
vertu du droit international. La Cour constate égalementque la Belgique a reconnu que la diffusion

sur le plan international du mandat d'arrêtlitigieux avait pour objet«d'établirune base juridique
pour l'arrestationde M. Yerodia ... à l'étrangerainsi que [pour] son extradition ultérieure vers la -4-

Belgique». Elle déclareque, comme dans le cas de l'émissiondu mandat, la diffusion de celui-ci

dèsjuin 2000 par les autoritésbelges sur le plan international, compte tenu de la nature et de 1'objet
du mandat, a constituéune violation d'une obligation de la Belgique à l'égarddu Congo, en ce
qu'elle a méconnul'immunité du ministre des affaires étrangèresen exercice du Congo et, plus
particulièrement, violél'immunitéde juridiction pénaleet l'inviolabilitédont il jouissait alors en
vertu du droit international.

La Cour estime enfm que les conclusions auxquelles elle est parvenueà savoir le caractère
illicite du mandat d'arrêtet le fait que son émissionet sa diffusion ont engagéla responsabilité
internationale de la Belgique, constituent une forme de satisfaction permettant de réparer le
dommage moral dont se plaint le Congo. La Cour considèrecependant que, pour rétablir«1'état
qui aurait vraisemblablement existé si[l'acteillicite] n'avait pas été», la Belgique doit, par
les moyens de son choix, mettre à néantle mandat en question et en informer les autoritésauprès

desquelles ce mandat a étédiffusé.

Composition de la Cour

La Cour étaitcomposée comme suit : M. Guillaume, président; M. Shi, vice-président;
MM. Oda, Ranjeva, Herczegh, Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin, Mme Higgins,

MM. Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, Al-Khasawneh, Buergenthal, juges; M. Bula-Bula,
Mme Van den Wyngaert, juges ad hoc; M. Couvreur, greffier.

M. Guillaume, président, jointà l'arrêtl'exposéde son opinion individuelle; M. Oda, juge,
joint àl'arrêtl'exposéde son opinion dissidente; M. Ranjeva, juge,joint une déclaratioàl'arrêt;
M. Koroma, juge, joint à l'arrêt l'exposé de son opinion individuelle; Mme Higgins et

MM. Kooijmans et Buergenthal, juges, joignent à l'arrêtl'exposéde leur opinion individuelle
commune; M. Rezek, juge, joint àl'arrêtl'exposéde son opinion individuelle; M. Al-Khasawneh,
juge, joint à l'arrêtl'exposéde son opinion dissidente; M. Bula-Bula, juad hoc, joint à l'arrêt
l'exposé de son opinion individuelle; Mme Van den Wyngaert, juge ad hoc, jointàl'arrêtl'exposé
de son opinion dissidente.

Un résuméde l'arrêtest fourni dans le communiquéde presse ~ 2002/4bis, auquel est
annexé un résumédes déclarationset des opinions. Le texte intégralde l'arrêt,des déclarationset
des opinionsfigure par ailleurs sur le site Internet de l(http://www.icj-cij.org).

Départementde 1'information :
M. Arthur Th. Witteveen, premier secrétairede la Cour(+ 31 70 302 23 36)
Mme Laurence Blairon, attachéed'information(+ 31 70 302 23 37)
Adresse de courrier électronique:[email protected]

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- La Cour déclare que l'émission et la diffusion sur le plan international du mandat d'arrêt du 11 avril 2000 à l'encontre de M. Abdulaye Yerodia Ndombasi constituent une violation par la Belgique de l'immunité de juridiction pénale et de l'inviolabilité reconnues au ministre des affaires étrangères en exercice du Congo par le droit international, et que la Belgique doit mettre à néant le mandat d'arrêt

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Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique) - La Cour déclare que l'émission et la diffusion sur le plan international du mandat d'arrêt du 11 avril 2000 à l'encontre de M. Abdulaye Yerodia Ndombasi constituent une violation par la Belgique de l'immunité de juridiction pénale et de l'inviolabilité reconnues au ministre des affaires étrangères en exercice du Congo par le droit international, et que la Belgique doit mettre à néant le mandat d'arrêt

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