Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique)

VUE D'ENSEMBLE DE L'AFFAIRE

Le 17 octobre 2000, la République démocratique du Congo (RDC) a déposé une requête introductive d’instance contre la Belgique au sujet d’un différend concernant un « mandat d’arrêt international » décerné le 11 avril 2000 par un juge d’instruction belge contre le ministre des affaires étrangères congolais en exercice, M. Abdoulaye Yerodia Ndombasi, en vue de son arrestation, puis de son extradition vers la Belgique, en raison de prétendus crimes constituant des « violations graves du droit international humanitaire ». Ce mandat d’arrêt avait été diffusé à tous les Etats, y compris à la RDC, qui l’a reçu le 12 juillet 2000.

La RDC a également déposé une demande en indication de mesure conservatoire tendant « à faire ordonner la mainlevée immédiate du mandat d’arrêt litigieux ». La Belgique, pour sa part, a demandé le rejet de cette demande et la radiation de l’affaire du rôle de la Cour. Dans l’ordonnance qu’elle a rendue le 8 décembre 2000, la Cour, tout en rejetant la demande de la Belgique tendant à ce que l’affaire soit rayée du rôle, a déclaré que « les circonstances, telles qu’elles se présent[ai]ent [alors] à la Cour, [n’étaient] pas de nature à exiger l’exercice de son pouvoir d’indiquer, en vertu de l’article 41 du Statut, des mesures conservatoires »

Le mémoire de la RDC a été déposé dans les délais prescrits. La Belgique a pour sa part déposé, dans les délais impartis, un contre-mémoire portant à la fois sur les questions de compétence et de recevabilité et sur les questions de fond.

Dans ses conclusions produites lors des audiences publiques, la RDC a demandé à la Cour de dire et juger que la Belgique avait violé la règle coutumière du droit international concernant l’inviolabilité et l’immunité de la juridiction pénale des ministres des affaires étrangères et qu’elle était tenue d’annuler ledit mandat d’arrêt international et de réparer le préjudice moral de la RDC. La Belgique a soulevé des exceptions d’incompétence, de non-lieu et d’irrecevabilité.

Dans son arrêt du 14 février 2002, la Cour a rejeté les exceptions soulevées par la Belgique et s’est déclarée compétente pour statuer sur la demande de la RDC. S’agissant du fond, la Cour a observé qu’en l’espèce elle ne devait examiner que les questions relatives à l’immunité de juridiction pénale et à l’inviolabilité d’un ministre des affaires étrangères en exercice, et ce sur la base du droit international coutumier.

La Cour a fait ensuite remarquer que, en droit international coutumier, le ministre des affaires étrangères ne se voit pas accorder les immunités pour son avantage personnel, mais pour lui permettre de s’acquitter librement de ses fonctions pour le compte de l’Etat qu’il représente. La Cour a considéré que les fonctions d’un ministre des affaires étrangères sont telles que, pour toute la durée de sa charge, il bénéficie d’une immunité de juridiction pénale et d’une inviolabilité totales à l’étranger. Dans la mesure où l’objectif de cette immunité et de cette inviolabilité est d’éviter qu’un autre Etat fasse obstacle à l’exercice des fonctions du ministre, il n’est pas possible d’opérer de distinction entre les actes accomplis par ce dernier à titre « officiel » et ceux qui l’auraient été à titre « privé », pas plus qu’entre les actes accomplis avant qu’il n’occupe les fonctions de ministre des affaires étrangères et ceux accomplis durant l’exercice de ces fonctions. La Cour a fait observer que, contrairement à ce qu’avançait la Belgique, elle n’avait pu déduire de l’examen de la pratique des Etats l’existence, en droit international coutumier, d’une exception quelconque à la règle consacrant l’immunité de juridiction pénale et l’inviolabilité des ministres des affaires étrangères en exercice, lorsqu’ils sont soupçonnés d’avoir commis des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité.

La Cour a en outre indiqué que les règles gouvernant la compétence des tribunaux nationaux et celles régissant les immunités juridictionnelles doivent être soigneusement distinguées. Les immunités résultant du droit international coutumier, notamment celles des ministres des affaires étrangères, demeurent opposables devant les tribunaux d’un Etat étranger, même lorsque ces tribunaux exercent une compétence pénale élargie sur la base de diverses conventions internationales tendant à la prévention et à la répression de certains crimes graves.

La Cour a toutefois souligné que l’immunité de juridiction dont bénéficie un ministre des affaires étrangères en exercice ne signifie pas qu’il bénéficie d’une impunité au titre de crimes qu’il aurait pu commettre, quelle que soit leur gravité. Alors que l’immunité de juridiction revêt un caractère procédural, la responsabilité pénale touche au fond du droit. L’immunité de juridiction peut certes faire obstacle aux poursuites pendant un certain temps ou à l’égard de certaines infractions ; elle ne saurait exonérer la personne qui en bénéficie de toute responsabilité pénale. La Cour a ensuite énuméré les circonstances dans lesquelles les immunités dont bénéficie en droit international un ministre ou un ancien ministre des affaires étrangères ne font en effet pas obstacle à ce que leur responsabilité pénale soit recherchée.

Après avoir examiné les termes du mandat d’arrêt du 11 avril 2000, la Cour a noté que l’émission du mandat d’arrêt litigieux, comme telle, constituait un acte de l’autorité judiciaire belge ayant vocation à permettre l’arrestation, sur le territoire belge, d’un ministre des affaires étrangères en exercice inculpé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Elle a estimé que, compte tenu de la nature et de l’objet du mandat, la seule émission de celui-ci avait constitué une violation d’une obligation de la Belgique à l’égard de la RDC en ce qu’elle avait méconnu l’immunité de M. Yerodia en sa qualité de ministre des affaires étrangères en exercice. La Cour a également déclaré que la diffusion du mandat d’arrêt litigieux dès juin 2000 par les autorités belges sur le plan international avait constitué une violation d’une obligation de la Belgique à l’égard de la RDC en ce qu’elle avait méconnu l’immunité du ministre des affaires étrangères en exercice. La Cour a estimé enfin que les conclusions auxquelles elle était parvenue constituaient une forme de satisfaction permettant de réparer le dommage moral dont se plaignait la RDC. Elle a considéré cependant que, pour rétablir « l’état qui aurait vraisemblablement existé si [l’acte illicite] n’avait pas été commis », la Belgique devait, par les moyens de son choix, mettre à néant le mandat en question et en informer les autorités auprès desquelles ce mandat avait été diffusé.


Cette vue d’ensemble de l’affaire est donnée uniquement à titre d’information et n’engage en aucune façon la Cour.

Introduction de l'instance


Procédure écrite

17 octobre 2000
Procédure/s:Mesures conservatoires
Disponible en:
15 mai 2001
Procédure/s:Questions de compétence et/ou de recevabilité
Disponible en:
28 septembre 2001
Procédure/s:Questions de compétence et/ou de recevabilité
Disponible en:

Procédure orale

Compte rendu 2000/32 (version bilingue)
Audience publique tenue le lundi 20 novembre 2000, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Guillaume, président
Procédure/s:Mesures conservatoires
Disponible en:
Traduction
(version bilingue) Traduction
Compte rendu 2000/33 (version bilingue)
Audience publique tenue le mardi 21 novembre 2000, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Guillaume, président
Procédure/s:Mesures conservatoires
Disponible en:
Traduction
(version bilingue) Traduction
Compte rendu 2000/34 (version bilingue)
Audience publique tenue le mercredi 22 novembre 2000, à 10 h 40, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Guillaume, président
Procédure/s:Mesures conservatoires
Disponible en:
Traduction
(version bilingue) Traduction
Compte rendu 2000/35 (version bilingue)
Audience publique tenue le jeudi 23 novembre 2000, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Shi, vice-président, faisant fonction de président
Procédure/s:Mesures conservatoires
Disponible en:
Traduction
(version bilingue) Traduction
Compte rendu 2001/5 (version bilingue)
Audience publique tenue le lundi 15 octobre 2001, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Guillaume, président, puis de M. Shi, vice-président, faisant fonction de président
Procédure/s:Questions de compétence et/ou de recevabilité
Disponible en:
Traduction
(version bilingue) Traduction
Compte rendu 2001/6 (version bilingue)
Audience publique tenue le mardi 16 octobre 2001, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Guillaume, président
Procédure/s:Questions de compétence et/ou de recevabilité
Disponible en:
Traduction
(version bilingue) Traduction
Compte rendu 2001/8 (version bilingue)
Audience publique tenue le mercredi 17 octobre 2001, à 15 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Guillaume, président
Procédure/s:Questions de compétence et/ou de recevabilité
Disponible en:
Traduction
(version bilingue) Traduction
Compte rendu 2001/9 (version bilingue)
Audience publique tenue le jeudi 18 octobre 2001, à 15 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Guillaume, président
Procédure/s:Questions de compétence et/ou de recevabilité
Disponible en:
Traduction
(version bilingue) Traduction
Compte rendu 2001/10 (version bilingue)
Audience publique tenue le vendredi 19 octobre 2001, à 9 h 30, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Guillaume, président
Procédure/s:Questions de compétence et/ou de recevabilité
Disponible en:
Traduction
(version bilingue) Traduction
Compte rendu 2001/11 (version bilingue)
Audience publique tenue le vendredi 19 octobre 2001, à 17 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Guillaume, président
Procédure/s:Questions de compétence et/ou de recevabilité
Disponible en:
Traduction
(version bilingue) Traduction

Autres documents


Ordonnances

Fixation de délais: mémoire et contre-mémoire
Disponible en:
Extension de délais: mémoire et contre-mémoire
Disponible en:
Extension de délais: mémoire et contre-mémoire
Disponible en:
Rejet des exceptions préliminaires; extension de délai: contre-mémoire
Disponible en:

Arrêts


Résumés des arrêts et des ordonnances

Résumé de l'ordonnance du 8 décembre 2000
Disponible en:
Résumé de l'arrêt du 14 février 2002
Disponible en:

Communiqués de presse

17 octobre 2000
La République démocratique du Congo introduit une instance contre la Belgique au sujet d'un mandat d'arrêt international décerné par un juge d'instruction belge contre le ministre des affaires étrangères en exercice de la RDC - La RDC saisit la Cour d'une demande de mesure conservatoire tendant à faire ordonner la mainlevée immédiate dudit mandat d'arrêt
Disponible en:
20 octobre 2000
Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique) - Demande en indication de mesure conservatoire - La Cour entendra les Parties au cours d'audiences publiques qui s'ouvriront le lundi 20 novembre 2000
Disponible en:
5 décembre 2000
Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique) - Demande en indication de mesures conservatoires - La Cour se prononcera le vendredi 8 décembre 2000 à 10 heures
Disponible en:
8 décembre 2000
Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique) - La Cour rejette la demande de la Belgique tendant à rayer l'affaire du rôle et dit que les circonstances, telles qu'elles se présentent actuellement, ne sont pas de nature à exiger l'indication de mesures conservatoires
Disponible en:
15 décembre 2000
Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique) - Fixation des délais pour le dépôt des pièces de la procédure écrite
Disponible en:
16 mars 2001
Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique) - Prorogation des délais fixés pour le dépôt des pièces de la procédure écrite
Disponible en:
17 avril 2001
Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique) - Nouvelle prorogation des délais fixés pour le dépôt des pièces de la procédure écrite
Disponible en:
29 juin 2001
Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique) - La Cour rejette une demande de la Belgique tendant à déroger à la procédure convenue en l'affaire, proroge le délai fixé pour le dépôt du contre-mémoire de la Belgique et fixe la date d'ouverture des audiences au lundi 15 octobre 2001
Disponible en:
10 octobre 2001
Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique) - Programme des audiences publiques qui s'ouvriront le lundi 15 octobre 2001
Disponible en:
19 octobre 2001
Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique) - Fin des audiences publiques - La Cour prête à entamer le délibéré
Disponible en:
7 février 2002
Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique) - La Cour rendra son arrêt le jeudi 14 février 2002 à 15 heures
Disponible en:
13 février 2002
Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique) - Le président de la Cour s'adressera à la presse écrite et audio-visuelle immédiatement après la lecture de l'arrêt, le jeudi 14 février 2002
Disponible en:
14 février 2002
Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique) - La Cour déclare que l'émission et la diffusion sur le plan international du mandat d'arrêt du 11 avril 2000 à l'encontre de M. Abdulaye Yerodia Ndombasi constituent une violation par la Belgique de l'immunité de juridiction pénale et de l'inviolabilité reconnues au ministre des affaires étrangères en exercice du Congo par le droit international, et que la Belgique doit mettre à néant le mandat d'arrêt
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