C.I.J.
L.rs renseignements suivants, émmant du Greffe de 1s Cour inter-
nationale de Justice, ont &té mis $,la disposition de la presse :
Ouvrant la séance, le jeudi ler rw-s 1962 5 10 h.30, pour
1'a.udience des Parties daas l'affaire ciu temple de Fréah Vihéar
(~arnbod~e c. Thailande) (fond), le Président de la Cour internatio-
nele de Justice a fait la déclazation suivante :
v
"Avant d'ouvir la 2rocedure orale en cette affaire, je
voudrais ne tourner vers une date qui dans l'histoire du droit
international est mémorable entre toutes, celle du 15 février 1922.
Ce jour-là, il y a donc quarante ans, dans cette rcêrnegrcndc salle de
justice, ln Cour permanente de Justice internc?.tionalc a tenu sa
séance i-no.u,qurr~uleà laquelle la. préseilce de la reine des Pays-Bas
et de hautes personnalités néerlandaises et étrangères prêtait
un éclat particulier.
Zn effet, si le reglenent des différends entre Ztats ps.r voie
d'arbitrage rep-onte à llAntj.quité, s 'il a rendu de grands services
et notablement contribue à préciser les regles du droit interna-
* tional, c'est seulen?ent de~uis la création de la Cour permanente,
corps de magistra,ts indépendants toujours prêts 8 accomplir leur
tâche, que llinsti.tuticjn d'une justice internationale est devenue
véritablenient perma.nente et facilement accessible à tous les Eta.t s
qui désirent y recourir pour r6gler leurs différends juridiques.
On ne saurait assez, souliener la nouveauté et l'importance de cet
élément de perr!-~?,nence; c'est grâce :. 1-xi cce la. Cour permanente
de Justice internantionale est &venue une lnstituti~n au sens
propre du mot.
On a dit que 1.'instltutionû.lisation iriipli~ue 1â croyance
que les inoyens externes sont tout. Or, si l'on doit entendre
aussi par là la contrainte, ceux qui à la Société des Nations ont
édifié la cour perixanente ont vu' que le seul moyen d.e réussir était
de faire confiance aux Etats. La permanence a. rendu possible
l'acceptation de la juridictcon obligatoire de la Cour; mais, grâce
à lfingéniew: moyen de la cla.use fz.cultative, cette acceptation
reste librement consentie dans les limites tracées par 1lEtat
accepta.nt. Cette solution a été critiquée mais elle s'est révélée
la seule possible dans l!état a.ctue1 du droit international et elle
a été consacrée par le Statut de la nouvelle Cour. Il y a plus :
l'idée a fait son chemin et, dans plusieurs cexitaines de traités
bi1atéra.m ut multilatéraux, des Etats ont accepté la juridiction
obligatoire de la Cour pour les litiges auxquels pourraient donner
lieu l'application et l1interpréta.tion de ces traités. Et, si la
Charte laisse aux psi.rtj.es 5 un differend le choix des moyens paci-
fiques en vue de le rggler, le Conseil de Sécurité, le cas échéant,
"doit aussi tenir coi::p:e du fs.it que, d'une nanibre générale, les
-. différends diordbe .juridique cievraient être soumis pa,r les pa.rties
à la Cour internetionale de Justice". . ...
Durant les vingt années de son a.ctivité, la Cour i~ermanente a
rendu pl-usieurs di.zaines de décisions dans des a.ffalres contentieuses
et consultatives, d4cisions qui font autorité dans le domaine dudroit internatioiîal. Le cata.clysme de la dexiieme guerre mondiale
l.la éprouvée sans la détruire; si, la guerre -teriiinée, les Mations
Unies ont decidé de substituer une nouvelle Cour à la Cour perma-
nente, cela a été pour des raisons d'ordre pratique. La Charte a
énoncé qu? le Statut de 1û nouvelle Cour serait établi sur la base
du Statut de la Cour permanente de Justice internationale.et les
modifications intervenues n'ont pas été vssentielles. Le non de
l'institution est plus simple et plus exact. Le renouvellement
partiel assure mieux l'unité de la'Cour et Cet esprit de cwps
qui fait fondre dans un mêmesentiment la responsabilit6 person-
nelle des juges et cella de la Cour. Le Statut de la Cour fait
désormais partie intégrante de la Charte; elle "constitue l'organe
judiciaire principal des Mations Unies", tout en restant, dans le
cadre d-e l'Organisation, un corps judiciaire indépendant. Comne
l'avait dit È plusieurs reprises la Cour permanente, la Cour est
avant tout l'organe du droit international; le nouveau Statut
le souligne en disant qu'elle a pour mission de "régler confor-
mément au droit international les différends qui lui sont soun;is".
La prasente Cour a -2s son début St6 consciente de la n6cessite
de maintenir la continuité de la trsdition, de la jurisprudence et
des niéthodes de travail. Son premier président a ét6 M. Guerrera,
dernier président de l'ancienne Cour. Elle a adopté le règlefient
de l'ancienne Cour, avec quel~ues modifica.tions d'importance
mineure, et mêmeles formes extérieures de son activité. ?.lais
surtout, sans être liée par le stare decisis comme principe TU
rè~le, elle cherche souvent son inspirâtion dails le corps des
décisions de llancimne Cour; il en résulte une remar$clahle
unité de jurisprudence, facteur important tbns le développenient
du droit int ernational.
La Cour a pour mission de dire le droit tel qu'il est; elle
contribue à son développement, nais à la manière judiciaire, par
exemple quand elle dégage une rEgle implicitement contenue dans
une autre ou quand, ayant à appliquer une règle à un cas d'espèce l
- qui est toujours indiviàualisé, à contours dsfinis -, elle
précise le sens de cette régle, quelquefois baignée dans ce que
le grand juriste qu16tait Vittorio Scialoja a appelé, sans
attribuer à cette expression un sens critique, le chiaroscuro du
droit international. Et l'on a pu dire récefiment avec raison q11Ii1 a
y a des problènies de droit international qu'il n'est -as possible
d'étudier sans se référer à la jurispruRznce dzs deux Cours.
Dans une époque comme celle -us nous traversons, la mission de
la Cour est quelgueÎois pa.rticulisremant arche; mais il ne faut pas
oublier qu'à côté de regles conventionnelles ou coutumikres en
évolution, regles surtout de droit pt-rticulier, il existe des règles
et principes presque immuables, nécessaires -wrce que répondant aux
besoins profonds ciela conununauté internationale et dont von Liszt dans
sa construction positiviste a dit qu 1ils cons,%ituent -''den festen
Grlmdstock dzs mgeschriebenen V'flkerrechts, seinen altesten,
vrichtigsten, hei.ligsten Bestaridl' . .
Il sezble qu.r quz~ailte ans de fonctionne:;:.ent de 12 juridiction
internationde ::ornianente eutorisent tous les espoirs raisonnables. Le Frésiàent a annoncé ensuite que pour des raisons de santé
IPI. Cordova et Spiropo~ilos, jugrs, nc pourront pas prendre :>art à
ltexur-en de la présente affaire; que K. Jessup, juge, s déclaré
ne p.3.s pouvoir participer au règle~nent cle la présante affaire par
application de l'article 17 du Statut et que Pi. Eadawi, retenu par
une indisp~sition, ne pourra pas assister à la pre~ière audience.
Apnt constaté la présence à l'audience cles a.-lents des Parties et
de leurs conssils et aioca.ts, le PrSsident a conné la parole à
$!. l'agent du Gouvernement du Cambodge.
Son Excellence K. Truong Cang a pris Ia paiole, puis il a àemandé
à la Cour de bien vouloir entendre l'Honorable Dean kcheson.
Note pour I\QJ!.les repraésen.tnnts de la Dresse, rslative aux
conmuni~ués pendant les audiences en l'affaire du temple de
Prénh Vihéar (Cambodge c. Thaïlande) (fond).
MM.les reprézuntants ae la presse poiivarit assister à chaque
audience et se procurer chaque jour dans la soirée le comste rendu
de la journée, le Greffe se propose de ne pas publier pendant les
e.ucliences le comrmrniquéhô.'~ituel, lequel se Sornc. à indiquer le
nom du ou des ora.tcurs et la da.te de 1-a.prcchzine a.udieiice. Une
exception sera fzite to~,itaÎoia dans le
c2.s où 1:; prochairie audisnce
est fixée à un autre jour que ie lendenain.
La i<aye, le ier :nars 1962,
Temple de Préah Vihéar - Audience du 1er mars 1962