Schweizerische Eidgenossenschaft
Confëdëration suisse
Confederazione SvËzzera
Confederaziun svizra
0
Swiss Confederation
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
REQUËTE POUR AVIS CONSULTATIF
OBLIGÄTIONS DES ËTATS EN MATIËRE DE CHANGEMENT
CLIMAT}QUE
r f REPONSES DE LA CONFEDERATION SUISSE AUX QUESTIONS
DES JUGES
r 20 DECEMBRE 2024
Table des matiëres
I. QUESTION POSËE PAR MME LA IUGE CLEVELAND............................................................................................. 3
II. QUESHON POSÜ PAR M LE mGE KADI.............................................................................................................. 3
III. QUESTION POSËE PAR M LE rUGE AUMSCU...................................................................................................... 4
IV. QUESTION POSËE PAR MME LA JUGE CnARLESWORTH................................................................................. 5
I. QUESTION POSËE PAR MME LA JU(,E
CLEVELAND
1. ''During these proceedings, a number ofparticipants have referred to the production of fossil fuets
in the context of climate change, inctuding with respect to subsidies. In your view, what are the specifrc
obtigations under international law of States within w+roseju risdiction fossil fIlets are produced to
ensure protection of the climate system and other parts of the environment from anttwopogenic
emissions of greenhouse gases, if art)??
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2. La Suisse partage l’avis selon lequel le l’obligation de diligence requise de prëvenir les dommages
significatifs ä l’environnement contraint les Etats ä adopter des mesures qui permettent de rëduire
efficacement les ëmissions de gaz ä effet de serre globales. Cela implique une obligation de rëduire
toutes activitës qui causent ou promeuvent directement ou indirectement ces ëmissions, y compris
celles liëes ä la production de combustibles fossiles.
3 . De plus, les Ëtats sont tenus de prëvenir ou d’attënuer les dommages en mettant en muvre des actions
qui rëduisent rapidement les ëmissions ä I'origine des changements climatiques et renforcent la
rësilience ä ses effets. Pour atteindre cet objectif, iI est nëcessaire de rëduire les activitës qui entraTnent
inëvitablementd es ëmissions de gaz ä effet de serre, notammentl ’extractione t la productiond e
charbon, de pëtrole et de gaz.
4. Cette responsabilitë s'ëtend aux entreprises publiques engagëes dans ces activitës, ä l’autorisation ou
ä la dëlivrance de licences pour la production et l’utilisation de combustibles fossiles par des entitës
privëes, et au soutien financier des industries de combustibles fossiles par le biais de subventions. En
outre, elle inclut la nëcessitë d’imposer de rëglementations adëquates sur la production et l’utilisation
des combustibles fossiles afin de limiter les ëmissions des acteurs non ëtatiques.
5. La Suisse appelle ä une dëlimitation claire des obligations des Ëtats en matiëre de production de
combustibles fossiles en vertu du droit international.
II. QUESTION POSËE PAR M LE JUGE TLADI
6. “ in their written and oral pleadings, participants have generaUy engaged in an interpretation of the
various paragraphs of Article 4 ofthe Paris Agreement. Many participants have, on the basis of this
interpretation, come to the conclusion that, to the extent that Article 4 imposes a72)o' btigations in
respect of Nationatty Determined Contributions, these are proce(iural obligations. Participants
coming to this conclusion have, in general, relied on the ordinary meaning of the words, context and
sometiwress owIee lementsi n Article 31 (3) of the Vienna Convention on the Law ofTreaties. I would
like to know from the participants whether, according to them, “the object and purpose“ of the Paris
Agreement, and the object and purpose of the climate change treaty framework in general, has ar2y
effect on this interpretation and if so, what effect does it have?”
7. La Sui§se soutient que 1’article 4 de 1’A ccord de Paris crëe des obligations matërielles allant au-delä
de prescriptions procëdurales. En particulier, cette disposition contraint les Parties, en son alinëa 2, ä
une obligation matërielle de comportement qui requiert l’adoption de mesures susceptibles d’atteindre
les objectifs de leur CDN successives.
8. Les obligations de 1’A ccord de Paris et l’obligation coutumiëre de diligence requise de prëvenir les
dommagess ignificatifsä l’environnemenste complëtenet t se renforcentm utuellemenett sont
distinctes. Le standard de diligence en vertu de 1’article 4 de 1’A ccord de Paris doit done ëtre compris
3
ä la lumiëre du principe de prävention. L’article 4 al. 2 et 3 de 1’A ccord de Paris dëfinissent un standard
de diligence requise auquel les Ëtats doivent se conformer. En particulier, les notions de
« progression » et du « niveau d’ambition le plus ëlevë possible » indiquent que les Ëtats sont tenus de
faire tout leur possible pour rëduire leurs ëmissions de gaz ä effet de serre, tout en augmentant
rëguliërement leurs CDN afin de reflëter leurs efforts les plus ëlevës qu’ils sont en mesure de dëployer.
9. Cette interprëtationd e 1’article4 de 1A’ ccord de Paris s’appuie sur son « objet et but ». En
particulier, la Suisse a soutenu, dans ses Observations ëcrites, que le standard de diligence requise
prëvu ä 1’article 4 al. 2 de 1’A ccord de Paris se fonde sur l’objectif ënoncë ä 1’article 2 de 1’A ccord de
Paris.1 En effet, les mesures adoptëes par les Ëtats doivent ëtre de nature ä permettre d’atteindre
l’objectif de tempërature consistant ä contenir l’ëlëvation de la tempërature de la planëte nettement en
dessous de 2 OC par rapport aux niveaux prëindustriels, en poursuivant l’action menëe pour limiter
l’ëlëvation de la tempërature ä 1,5c>C,a insi qu’ä renforcer la lutte mondiale contre la menace des
changements climatiques.
10. En outre, la Suisse estime que 1’A ccord de Paris dans son ensemble, et pas seulement l’article 4,
doit ëtre interprëtë ä la lumiëre de l’objectif et du but de 1’A ccord. Cela soutient une interprëtation du
principe des responsabilitës communes mais diffërenciëes et des capacitës respectives, eu ëgard aux
diffërentes situations nationales, comme ëtant flexible et nuancë. En particulier, 1’article 4 de 1’A ccord
de Paris n’envisage aucune flexibilitë pour les « pays en dëveloppement », mais applique plutöt la
mëme norme ä toutes les Parties. La seule rëfërence ä la flexibilitë se trouve dans l’article 4 al. 6 de
1A’ ccord de Paris, concernanlte s pays les moinsa vancëse t les petitsË tats insulairese n
dëveloppement.
11. De plus, la mention du principe des responsabilitës communes mais diffërenciëes et des capacitës
respectives, eu ëgard aux diffërentes situations nationales fait rëfërence aux circonstances nationales
actuelles, indiquant ainsi que les Ëtats ayant des ëmissions actuelles et futures les plus ëlevëes, et les
Ëtats ayant des capacitës actuelles plus ëlevëes doivent faire plus que les Ëtats ayant des ëmissions
plus basses et des capacitës plus faibles.
12. Cette interprëtation est ëgalement cohërente avec l’objectif de 1’ Accord de Paris. Si ce principe
devait ëtre interprëtë comme imposant une « sëparation » ou « bifurcation » stricte, une teIle
interprëtation non seulement ne reflëterait pas les rëalitës actuelles, mais ne favoriserait pas non plus
une solution efficace au dëfi du changement climatique.
13. Une interprëtation de 1’A ccord de Paris ä la lumiëre de son objectif et de son but nëcessite done le
refus d’une « sëparation » ou « bifurcation » stricte en faveur d’une interprëtation plus nuancëe du
principe des responsabilitës commtmes mais diffërenciëes et des capacitës respectives, eu ëgard aux
diffërentes situations nationales, qui prend notamment en compte les capacitës actuelles des Ëtats.
III. QUESTION POSËE PAR M LE JUGE AURESCU
14. “Some participants have argued, during the written and/or oral stages of the proceedings, that
there exists the right to a clean, healthy and sustainable environment in international law. Could you
please devetopw hat is, in your view, the legal contento f this right and its relation with the other
human rights which you consider relevant for this advisory opinion?”
1 Observations ëcrites de la Confëdëration suisse, 7 aol-it2 024, para. 23.
4
15. La Suisse considëre Ie « droit ä un environnement sain » comme un « droit » programmatique.
Toutefois, l’absence de comprëhension gënërale sur la nature, corltenu er imptications de ce droit, au
sein de la communautë internationale, prëvient son invocabilitë individuelle.
16. Le contenu des obligations en matiëre de droits de l’homme lie tous les Ëtats de la mëme maniëre.
Ainsi, tous les Ëtats – qu’iI s’agisse de pays dëveloppës ou en dëveloppement – sont tenus de respecter ,
protëger et rëaliser les droits de l’homme sur leur territoire.2
17. Enfin, un droit humain ä un environnement sain devrait en tout ëtat de cause ëtre soumis aux
principes ordinaires des droits de I'homme, notamment en ce qui concerne la territorialitë, le statut de
victime, ainsi que la causalitë et la responsabilitë claires et directes.3 Cela implique le devoir de garantir
que les personnes vivant sur leur territoire et sous leur juridiction puissent exercer leurs droits vis-ävis
des autoritës concernëes. 4
IV. QUESTION POSËE PAR MME LA JUGE
CHARLESWORTH
18. “In your understanding, what is the sigyüfrcance of the dectarations made by some States on
becoming parties to the UNFCCC and the Paris Agreement to the effect that no provision in these
agreementsm ay be interpreteda s derogatingf rom principtes of general internationall aw or arzy
claims or rights concerning compensation or liability due to the adverse effects of climate change?”
19. Les dëclarations faites par certains Ëtats lorsqu'ils sont devenus parties ä la CCNUCC et ä 1’Accord
de Paris reprësentent l’expression de l’interprëtation des obligations qu’ils ont en vertu desdits traitës.
L’adoption de 1’A ccord de Paris s’est accompagnëe d’une prëcision selon laquelle il ne pouvait donner
lieu ni servir de fondement ä aucune responsabilitë ni indemnisation.5
20. Toutefois, cela ne signifie pas que les effets nëfastes des changements climatiques ne peuvent pas
ëtre engendrës par des nëgligences ou comportements constitutifs de faits internationalement illicites.
21. En effet, 1’A ccord de Paris n’est pas autonomen i exhaustif,e t ne cible que certainsa spects
spëcifiques des changements climatiques. II n’a pas pour objectif de couvrir de maniëre exhaustive les
obligations des Ëtats en matiëre de prëvention des changements climatiques. Pour le surplus, le droit
international gënëral reste applicable et complëte le rëgime des changements climatiques.
22. Par ailleurs, l’absence de conflit normatifentre ce rëgime juridique et le droit international gënëral
prëvient toute application du principe de lex specialis derogat generali . En effet, les diffërentes
obligations de ces rëgimes se complëtent et se renforcent mutuellement. Ainsi, les rëgles du droit
international de I'environnement peuvent ëtre utilisëes dans l’interprëtation des rëgles du rëgime
conventionnel de lutte contre le changement climatique.6
2 Exposë ëcrit de la Confëdëration suisse, 18 mars 2024, para 63 .
3 Par exemple Cour europëenne des droits de l’homme, Carëme v. France, demande n. 7189/2 1, dëcision du 9 avril 2024.
4 Exposë ëcrit de la Confëdëration suisse, 18 mars 2024, para 63.
5 Dëcision l/CP.21 de la Confërence des Parties de la Convention-cadre sur les changements climatiques, para.51
[https://unfccc.int/resource/docs1/52/0c op2l/ fre/10a0if .pda .
6 Exposë ëcrit de la Confëdëration suisse, 18 mars 2024, paras. 66-71 ; Observations ëcrites de la Confëdëration suisse, 7
aofrt 2024, paras. 9-37.
5
23. En sus du rëgime des changements climatiques, l’obligation de diligence requise de prëvenir les
dommages significatifs ä l’environnement s’applique ä tous les Ëtats, depuis les annëes 1990, en
matiëre de protection du climat et sa violation peut engager la responsabilitë des Ëtats pour fait
internationalement illicite.7
24. Toutefois, la question de la rëparation des dommages ne peut pas ëtre rësolue par le droit
traditionnel de la responsabilitë de 1’Etat pour fait internationalement illicite, pour quatre raisons au
minimum. Premiërement tous les Etats sont ä la fois responsables et lësës par les changements
climatiques, deuxiëmement les dommages rësultent d’actes licites et illicites, troisiëmement iI n’existe
pas de consensus international sur la rëpartition d’un budget carbone,8 et quatriëmement les politiques
nationales des Etats lësës contribuent ëgalement rëguliërement et parfois de maniëre significative aux
dommages subis. 9
25. Enfin, les considërations de la question des rëparations pour les dommages liës aux changements
climatiques devraient ëtre guidëes par le principe du pollueur-payeur. 10
26. Toutefois, la Suisse estime que le dëfi des changements climatiques relëve de la responsabilitë de
la communautë internationaled ans son ensemblee t qu’iI ne peut ëtre relevë que par une rëponse
collective, fondëe sur la coopëration.
Berne, le 20 dëcembre 2024
+„,, 7'~9
Franz Xaver Perrez
Directeur, Ambassadeur
Direction du droit international public
Dëpartement fëdëral des affaires ëtrangëres
Confëdëration Suisse
7 Exposë ëcrit de la Confëdëration suisse, 18 mars 2024, paras 35-36 ; Observations ëcrites de la Confëdëration suisse, 7
aol"It2 024, paras. 39-42 ; Cour internationale de Justice, Verbatim Record, CR 2024/50, Exposë oral de la Confëdëration
suisse, pp. 50-53, paras. 9-18.
8 Bien que la Suisse ait soutenu, lors des nëgociations de 1’A ccord de Paris, 1’adoption d’objectifs spëcifiques de
rëduction d’ëmissions pour chacune des Parties.
9 Cour internationale de Justice, Verbatim Record, CR 2024/50, Exposë oral de la Confëdëration suisse, pp. 56-57, paras.
38 ,43
10C our internationale de Justice, Verbatim Record, CR 2024/50, Exposë oral de la Confëdëration suisse, p. 58, paras. 45-
47
6
Réponse écrite de la Suisse aux questions posées par Mme la juge Cleveland, MM. les juges Tladi et Aurescu et Mme la juge Charlesworth au terme de l'audience tenue le 13 décembre 2024