OBLIGATIONS DES ÉTATS EN MATIÈRE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE (REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF)
RÉPONSES ÉCRITES DU CANADA
20 DÉCEMBRE 2024
OBLIGATIONS OF STATES IN RESPECT OF CLIMATE CHANGE (REQUEST FOR ADVISORY OPINION)
WRITTEN REPLIES BY CANADA
DECEMBER 20TH, 2024
20 décembre 2024
Nous référant à la procédure orale relative à la requête pour avis consultatif sur les Obligations des États en matière de changement climatique, le Canada remercie les Honorables juges Cleveland, Tladi, Aurescu et Charlesworth pour les questions qu’ils ont posées au terme des audiences publiques le 13 décembre 2024.
Le Canada souhaite profiter de cette opportunité pour répondre aux première et deuxième questions.
Question posée par l’Honorable juge Cleveland
“During these proceedings, a number of participants have referred to the production of fossil fuels in the context of climate change, including with respect to subsidies. In your view, what are the specific obligations under international law of States within whose jurisdiction fossil fuels are produced to ensure protection of the climate system and other parts of the environment from anthropogenic emissions of greenhouse gases, if any?”
Réponse du Canada
Le point de départ de la présente analyse est le principe général de droit international selon lequel les États ont la souveraineté permanente sur les ressources naturelles se trouvant sur leur territoire, tel que reconnu dans la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies 523(VI) de 1952. L’exploitation et la production de combustibles fossiles relève donc de la souveraineté de l’État.
La Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) ne contient pas d’obligation explicite qui restreint la production de combustibles fossiles. Des références à la production de combustibles fossiles peuvent être trouvées dans le paragraphe préambulaire 20, de même qu’à l’article 4, paragraphes 8(h) et 10 de la CCNUCC, qui mentionnent les pays dont les économies sont particulièrement tributaires de la production de combustibles fossiles comme étant un facteur à considérer lorsque des actions sont entreprises.
L’Accord de Paris ne contient pas d’engagement explicite qui restreint la production de combustibles fossiles, mais laisse plutôt à chaque Partie le soin de déterminer les mesures qui doivent être prises pour atteindre les objectifs relatifs aux changements climatiques. La production de combustibles fossiles devrait être alignée avec, entre autres, les objectifs et principes de l’Accord de Paris (e.g. les objectifs de température et financiers en vertu des articles 2(1)(a)-(b) et 2(1)(c) de l’Accord de Paris), de même que le principe de transition juste (paragraphe préambulaire 10 de l’Accord de Paris). La décision relative au Bilan mondial (1/CMA.5), adoptée à la COP28 en 2023, engage les Parties à contribuer à l’opération d’une transition juste, ordonnée et équitable
vers une sortie des combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques. Même si elle n’est pas juridiquement contraignante, cette décision éclaire les Parties dans la mise en oeuvre de l’Accord (article 14(3) de l’Accord de Paris). Par ailleurs, des liens peuvent également être établis avec les différents engagements relatifs au transfert de technologies (article 10 de l’Accord de Paris) et au renforcement des capacités (article 11 de l’Accord de Paris).
Finalement, et tel que mentionné par plusieurs participants dans leurs exposés écrits et oraux, le principe coutumier de coopération est pertinent dans l’évaluation des mesures prises quant à la production de combustibles fossiles et à son impact sur les émissions de gaz à effet de serre.
Question posée par l’Honorable juge Tladi
“In their written and oral pleadings, participants have generally engaged in an interpretation of the various paragraphs of Article 4 of the Paris Agreement. Many participants have, on the basis of this interpretation, come to the conclusion that, to the extent that Article 4 imposes any obligations in respect of Nationally Determined Contributions, these are procedural obligations. Participants coming to this conclusion have, in general, relied on the ordinary meaning of the words, context and sometimes some elements in Article 31 (3) of the Vienna Convention on the Law of Treaties. I would like to know from the participants whether, according to them, “the object and purpose” of the Paris Agreement, and the object and purpose of the climate change treaty framework in general, has any effect on this interpretation and if so, what effect does it have?”
Réponse du Canada
Selon le Canada, l’article 4 de l’Accord de Paris est un élément clé de l’Accord, et il contient à la fois des éléments substantifs et procéduraux. L’obligation de préparer et de communiquer les contributions déterminées au niveau national (NDCs), et de prendre des mesures internes en vue de réaliser les objectifs desdites contributions, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, incarne l’objet et le but de l’Accord. L’obligation pour les États de rendre compte des différentes initiatives et contributions pour atteindre les objectifs de l’Accord, et pour l’action climatique de façon générale, est l’expression collective et tournée vers l’avenir de la « riposte mondiale à la menace des changements climatiques » en vertu de l’article 2, paragraphe 1, de l’Accord de Paris. Communiquer ces initiatives à la communauté internationale permet d’accroître la transparence pour l’action climatique, un autre objectif important de l’Accord, qui est entre autres reflété dans le cadre de transparence renforcé en vertu de l’article 13 de l’Accord de Paris. Communiquer les NDCs est aussi un mécanisme pour évaluer ce qui, collectivement, a été fait et ce qui reste à faire (une évaluation qui peut être effectuée avec le Bilan mondial en vertu de l’article 14 de l’Accord de Paris) pour « renforc[er] les capacités d’adaptation aux effets néfastes des changements climatiques et [pour] promouv[oir] la résilience à ces changements » en vertu de l’article 2, paragraphe 1(b) de l’Accord de Paris.
En même temps, la préparation des NDCs donne de la latitude à tous les États pour développer des objectifs et actions climatiques eu égard à leurs capacités respectives, aux différentes situations nationales, et aux législations nationales respectives. L’objectif de l’article 2, paragraphe 2, qui prévoit que l’ « Accord sera appliqué conformément à l'équité et au principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives, eu égard aux différentes situations nationales » est donc directement incarné. Cet objectif est aussi reflété dans le préambule de l’Accord (paragraphes préambulaires 3, 5, 6 et 15).
Finalement, le Canada réitère l’importance, à l’article 4, paragraphe 3, d’assurer un niveau d’ambition croissant pour l’action climatique. En effet, le paragraphe indique que « [l]a contribution déterminée au niveau national suivante de chaque Partie représentera une progression par rapport à la contribution déterminée au niveau national antérieure », ce qui incarne directement « une riposte efficace et progressive à la menace pressante des changements climatiques » (paragraphe préambulaire 4 de l’Accord de Paris) (nous soulignons). Même si le paragraphe 3 ne constitue pas une obligation juridiquement contraignante, ne pas respecter cette ambition progressive pourrait être perçu comme n’étant pas aligné avec l’objet et le but de l’Accord.
Réponse écrite du Canada aux questions posées par Mme la juge Cleveland et M. le juge Tladi au terme de l'audience tenue le 13 décembre 2024