COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
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Résumé
Non officiel
Résumé 2024/8
Le 19 juillet 2024
Conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est Résumé de l’avis consultatif du 19 juillet 2024
Qualités (par. 1-21)
La Cour rappelle d’abord que, le 19 janvier 2023, le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU) a officiellement communiqué à la Cour la décision prise par l’Assemblée générale de lui soumettre les questions énoncées dans la résolution 77/247 que l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies (ci-après l’« Assemblée générale ») a adoptée le 30 décembre 2022.
Le paragraphe 18 de cette résolution est ainsi libellé :
« L’Assemblée générale,
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18. Décide, conformément à l’Article 96 de la Charte des Nations Unies, de demander à la Cour internationale de Justice de donner, en vertu de l’Article 65 du Statut de la Cour, un avis consultatif sur les questions ci-après, compte tenu des règles et principes du droit international, dont la Charte des Nations Unies, le droit international humanitaire, le droit international des droits de l’homme, les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et du Conseil des droits de l’homme et les siennes propres, et l’avis consultatif donné par la Cour le 9 juillet 2004 :
a) Quelles sont les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et de son annexion prolongées du territoire palestinien occupé depuis 1967, notamment des mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem, et de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires connexes ?
b) Quelle incidence les politiques et pratiques d’Israël visées au paragraphe 18 a) ci-dessus ont-elles sur le statut juridique de l’occupation et quelles sont les conséquences juridiques qui en découlent pour tous les États et l’Organisation des Nations Unies ?
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I. COMPÉTENCE ET POUVOIR DISCRÉTIONNAIRE (PAR. 22-50)
La Cour commence par observer que, lorsqu’elle est saisie d’une demande d’avis consultatif, elle doit commencer par déterminer si elle est compétente pour donner l’avis sollicité et, dans l’affirmative, s’il existe une quelconque raison pour elle, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, de refuser de répondre à la demande.
A. Compétence (par. 23-29)
La Cour se penche en premier lieu sur la question de savoir si elle a compétence pour donner l’avis consultatif demandé. Elle note que, conformément à la condition énoncée à l’article 96 de la Charte et à l’article 65 de son Statut, elle doit s’assurer que la question sur laquelle elle est priée de donner son avis est une « question juridique ».
La Cour rappelle que, en la présente espèce, l’Assemblée générale lui a posé deux questions. Ces questions concernent, premièrement, les conséquences juridiques découlant de certaines politiques et pratiques d’Israël en tant que puissance occupante dans une situation d’occupation de guerre depuis 1967, et, deuxièmement, l’incidence de ces politiques et pratiques sur le statut juridique de l’occupation au regard de certaines règles et de certains principes du droit international ainsi que les conséquences juridiques qui découlent de ce statut. La Cour considère que ces questions constituent des questions juridiques. À la lumière de ce qui précède, la Cour conclut que la demande a été soumise conformément aux dispositions de la Charte et de son Statut et qu’elle a, par conséquent, compétence pour donner l’avis sollicité.
B. Pouvoir discrétionnaire (par. 30-49)
Le fait que la Cour ait compétence pour donner un avis consultatif ne signifie pas qu’elle soit tenue de l’exercer. Le paragraphe 1 de l’article 65 du Statut dispose qu’elle « peut donner un avis consultatif sur toute question juridique, à la demande de tout organe ou institution qui aura été autorisé par la Charte des Nations Unies ou conformément à ses dispositions à demander cet avis ». Ainsi que la Cour l’a maintes fois souligné, cette disposition « dev[r]ait être interprété[e] comme [lui] reconnaissant … le pouvoir discrétionnaire de refuser de donner un avis consultatif même lorsque les conditions pour qu’elle soit compétente sont remplies ». Toutefois, compte tenu de ses fonctions en tant qu’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies, la Cour considère que sa réponse à une demande d’avis consultatif « constitue [sa] participation … à l’action de l’Organisation et, en principe, … ne devrait pas être refusée ». Seules des raisons décisives peuvent cependant la conduire à opposer un refus à une demande d’avis relevant de sa compétence. Étant donné que certains participants à la présente procédure ont fait valoir que de telles raisons existaient, la Cour examinera leurs arguments ci-après.
1. Point de savoir si la demande concerne un différend entre deux parties, dont l’une n’a pas consenti à la compétence de la Cour (par. 33-35)
En premier lieu, la Cour examine l’argument selon lequel elle devrait refuser de donner un avis consultatif au motif que la demande concerne un différend bilatéral entre la Palestine et Israël, et que ce dernier n’a pas consenti à la compétence de la Cour pour régler ce différend. La Cour ne considère pas que la question faisant l’objet de la demande de l’Assemblée générale soit seulement une question bilatérale entre Israël et la Palestine. Les questions relatives à la Palestine sont inscrites à l’ordre du jour des organes de l’Organisation des Nations Unies, et auparavant de la Société des Nations, depuis le régime des mandats. Depuis qu’elle a adopté la résolution 181 (II) relative au plan de partage de la Palestine en 1947, l’Assemblée générale est restée saisie de la question palestinienne, au sujet de laquelle des résolutions ont été examinées, débattues et adoptées en son sein presque
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chaque année. Cette question intéresse et préoccupe donc particulièrement l’Organisation des Nations Unies. La Cour considère par conséquent que les points soulevés par la demande relèvent de la question palestinienne, et notamment du rôle de l’Assemblée générale en la matière. Elle ne saurait donc, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, refuser de donner l’avis sollicité au motif que cela reviendrait à contourner le principe du consentement au règlement judiciaire.
2. Point de savoir si l’avis de la Cour aiderait l’Assemblée générale à exercer ses fonctions (par. 36-37)
La Cour examine ensuite l’argument selon lequel elle devrait refuser de répondre aux questions qui lui sont soumises au motif que l’Assemblée générale l’invite non pas à donner son avis sur un point au sujet duquel elle a besoin d’aide, mais à confirmer des conclusions juridiques particulières qui sont pertinentes aux fins du règlement d’un différend bilatéral entre la Palestine et Israël. En l’espèce, la demande est présentée par l’Assemblée générale à propos de ses propres responsabilités et fonctions s’agissant de la question du Territoire palestinien occupé (voir le document A/RES/77/247). Par conséquent, la Cour ne considère pas qu’il existe une raison décisive devant l’amener à refuser de donner son avis au motif que celui-ci n’aiderait pas l’Assemblée générale à exercer ses fonctions.
3. Point de savoir si l’avis de la Cour pourrait compromettre le processus de négociation entre Israël et la Palestine (par. 38-40)
S’agissant de la question de savoir si la Cour devrait refuser de répondre aux questions qui lui sont soumises au motif qu’un avis consultatif entraverait le processus de négociation israélo-palestinien prévu par le cadre établi dans la déclaration de principes de 1993 sur des arrangements intérimaires d’autonomie (ci-après l’« accord d’Oslo I ») et dans l’accord intérimaire de 1995 sur la Cisjordanie et la bande de Gaza (ci-après l’« accord d’Oslo II »), et pourrait aggraver le désaccord israélo-palestinien, compromettant ainsi l’issue de ces négociations, la Cour estime que, dans les circonstances présentes, cette question relève de la conjecture, et qu’elle ne saurait se perdre en supputations sur les effets de ses avis. Elle ne saurait donc considérer ce facteur comme une raison décisive de refuser de répondre à la demande de l’Assemblée générale.
4. Point de savoir si un avis consultatif aurait une incidence négative sur les travaux du Conseil de sécurité (par. 41-43)
La Cour examine ensuite l’argument selon lequel elle devrait user de son pouvoir discrétionnaire pour refuser de répondre aux questions qui lui sont soumises, et que, même si elle devait y répondre, il lui faudrait veiller à ce que ses réponses n’entravent pas le cadre de négociation établi, étant donné que les questions relatives au conflit israélo-palestinien relèvent au premier chef du Conseil de sécurité, et non de l’Assemblée générale. La Cour relève que le point de savoir si son avis aurait un effet préjudiciable sur le cadre des négociations relève de la conjecture et qu’elle ne saurait se perdre en supputations. En outre, étant donné que l’Assemblée générale a compétence pour traiter de questions relatives à la paix et à la sécurité internationales, telles que celles que soulèvent les questions qu’elle a posées à la Cour, il n’existe pas de raison décisive pour que celle-ci refuse de donner l’avis sollicité.
5. Point de savoir si la Cour dispose d’informations suffisantes lui permettant de donner un avis consultatif (par. 44-47)
La Cour note que certains participants ont avancé l’argument selon lequel elle devrait refuser de donner un avis au motif qu’elle ne dispose pas d’informations suffisantes et qu’il lui faudrait s’engager dans une mission d’établissement des faits couvrant une période de plusieurs décennies
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pour répondre aux questions qui lui sont soumises par l’Assemblée générale. Elle relève à cet égard que, en la présente procédure, plus de 50 États et organisations internationales ont soumis des informations pertinentes aux fins des réponses à apporter aux questions posées par l’Assemblée générale à la Cour. Elle note en outre qu’elle a également examiné un volumineux dossier soumis par le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, rassemblant de très nombreuses informations sur la situation dans le Territoire palestinien occupé. Elle considère que, en l’espèce, elle possède suffisamment d’informations pour se prononcer sur des questions juridiques d’une manière conforme à sa fonction judiciaire. Il n’y a donc pas de raison décisive justifiant qu’elle refuse de donner l’avis sollicité pour ce motif.
6. Point de savoir si la formulation des questions est biaisée (par. 48-49)
Concernant le point de savoir si les questions soumises à la Cour sont présentées de manière biaisée en ce qu’elles présupposent l’existence de violations du droit international par Israël, la Cour rappelle en premier lieu qu’elle a le pouvoir d’interpréter et, le cas échéant, de reformuler les questions qui lui sont posées. C’est donc à elle qu’il revient d’apprécier et d’évaluer le caractère approprié de la formulation des questions. La Cour peut aussi déterminer elle-même, si nécessaire, la portée et le sens des questions qui lui sont soumises. En la présente procédure, elle ne considère pas que l’Assemblée générale ait eu l’intention de poser des limites à sa liberté de se prononcer sur ces questions. La Cour établira elle-même si les politiques et pratiques d’Israël emportent violation des règles et principes de droit international applicables, avant de déterminer quelles sont les conséquences juridiques de ces éventuelles violations. En conséquence, elle ne saurait, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, refuser de donner son avis au motif que les questions qui lui sont posées sont biaisées ou déséquilibrées.
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À la lumière de ce qui précède, la Cour conclut qu’il n’existe pas de raisons décisives justifiant qu’elle refuse de donner l’avis sollicité par l’Assemblée générale.
II. CONTEXTE GÉNÉRAL (PAR. 51-71)
Avant d’examiner la portée et le sens des questions qui lui ont été posées par l’Assemblée générale, la Cour rappelle le contexte général.
La Palestine avait fait partie de l’Empire ottoman. À l’issue de la première guerre mondiale, un mandat pour la Palestine fut confié à la Grande-Bretagne par la Société des Nations. En 1947, le Royaume-Uni fit connaître son intention de procéder à l’évacuation complète du territoire sous mandat pour le 1er août 1948, date qui fut par la suite avancée au 15 mai 1948. Dans l’intervalle, le 29 novembre 1947, l’Assemblée générale avait adopté une résolution 181 (II) sur le gouvernement futur de la Palestine, résolution qui « [r]ecommand[ait] au Royaume-Uni, ... ainsi qu’à tous les autres États Membres de l’Organisation des Nations Unies, l’adoption et la mise à exécution … du Plan de partage » du territoire, prévu dans la résolution, entre deux États indépendants, l’un arabe, l’autre juif, ainsi que la mise sur pied d’un régime international particulier pour la ville de Jérusalem. Si la population juive accepta le plan de partage, la population arabe de Palestine et les États arabes rejetèrent pour leur part ce plan, affirmant, entre autres, qu’il était déséquilibré.
Le 14 mai 1948, Israël proclama son indépendance en se référant à la résolution 181 (II) de l’Assemblée générale ; un conflit armé éclata alors entre Israël et plusieurs États arabes, et le plan de partage ne fut pas appliqué. Par sa résolution 62 (1948) du 16 novembre 1948, le Conseil de sécurité
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décida qu’« il sera[it] conclu un armistice dans tous les secteurs de la Palestine ». Conformément à cette décision, des conventions générales d’armistice furent conclues en 1949 à Rhodes entre Israël et les États voisins grâce à la médiation des Nations Unies, conventions qui fixèrent les lignes de démarcation entre les forces israéliennes et les forces arabes (souvent appelées par la suite, dans leur ensemble, « Ligne verte » du fait de la couleur retenue pour la tracer sur les cartes).
Le 29 novembre 1948, invoquant la résolution 181 (II), Israël présenta une demande d’admission comme Membre des Nations Unies. Le 11 mai 1949, lorsqu’elle admit Israël comme Membre des Nations Unies, l’Assemblée générale rappela la résolution 181 (II) et prit acte des déclarations d’Israël « en ce qui concerne la mise en oeuvre de[ la]dite[] résolution[] » (résolution 273 (III) de l’Assemblée générale).
En 1967, un conflit armé (connu sous le nom de « guerre des Six Jours ») éclata entre Israël et trois de ses pays voisins, l’Égypte, la Syrie et la Jordanie. Lorsque les hostilités prirent fin, les forces armées israéliennes occupaient l’ensemble des territoires de la Palestine sous mandat britannique au-delà de la Ligne verte.
Le 22 novembre 1967, le Conseil de sécurité adopta à l’unanimité la résolution 242 (1967) qui « [s]ouligna[i]t l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la guerre » et appelait au « [r]etrait des forces armées israéliennes des territoires occupés lors du récent conflit ».
À partir de 1967, Israël a commencé à établir ou à soutenir des colonies dans les territoires qu’il occupait et a pris diverses mesures tendant à modifier le statut de la ville de Jérusalem. Le Conseil de sécurité, après avoir rappelé à plusieurs reprises que « le principe que l’acquisition d’un territoire par une conquête militaire est inadmissible », a condamné ces mesures et a, par sa résolution 298 (1971) du 25 septembre 1971, confirmé que
« toutes les dispositions législatives et administratives prises par Israël en vue de modifier le statut de la ville de Jérusalem, y compris l’expropriation de terres et de biens immeubles, le transfert de populations et la législation visant à incorporer la partie occupée, sont totalement nulles et non avenues et ne peuvent modifier le statut de la ville ».
En octobre 1973, un autre conflit armé a éclaté entre l’Égypte, la Syrie et Israël. Par sa résolution 338 du 22 octobre 1973, le Conseil de sécurité a appelé les parties au conflit à mettre fin à toute activité militaire et à commencer immédiatement après le cessez-le-feu l’application de la résolution 242 (1967) du Conseil de sécurité dans toutes ses parties.
Le 14 octobre 1974, l’Assemblée générale a, par la résolution 3210 (XXIX), reconnu que l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) représentait le peuple palestinien. Par la résolution 3236 (XXIX) du 22 novembre 1974, elle a reconnu « que le peuple palestinien d[eva]it jouir du droit à l’autodétermination conformément à la Charte des Nations Unies ».
Le 17 septembre 1978, Israël et l’Égypte ont signé les « accords de Camp David », qui ont conduit, l’année suivante, à un traité de paix entre les deux pays. Par la suite, un traité de paix est intervenu le 26 octobre 1994 entre Israël et la Jordanie. Ce traité fixe la frontière entre les deux États conformément aux limites définies dans le mandat pour la Palestine.
Le 15 novembre 1988, se référant à la résolution 181 (II) « recommandant le partage de la Palestine en deux États, l’un arabe et l’autre juif », l’OLP a « proclam[é] l’établissement de l’État de Palestine ».
En 1993 et 1995, Israël et l’OLP ont signé les accords d’Oslo I et II. Dans un échange de lettres du 9 septembre 1993, l’OLP reconnaissait le droit d’Israël à vivre en paix et dans la sécurité, et Israël reconnaissait l’OLP comme le représentant légitime du peuple palestinien. L’accord d’Oslo I
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établissait les lignes directrices générales relatives aux négociations devant être conduites entre Israël et la Palestine. L’accord d’Oslo II divisait notamment la Cisjordanie sous occupation israélienne en trois zones administratives (A, B et C), la zone C, qui couvre plus de 60 % de la Cisjordanie, étant exclusivement administrée par Israël.
En vertu des accords d’Oslo, Israël devait notamment transférer à des autorités palestiniennes certains pouvoirs et responsabilités exercés dans les zones A et B de la Cisjordanie par ses autorités militaires et son administration civile. Lorsque de tels transferts, qui sont restés limités et partiels, ont eu lieu, Israël a conservé un important contrôle en ce qui concerne les questions de sécurité.
À la suite d’une recrudescence d’actes de violence au début des années 2000, Israël a entrepris la construction d’une « clôture continue » (ci-après le « mur »), en grande partie en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Un plan de ce type a été approuvé pour la première fois par le Gouvernement israélien en juillet 2001 et la première partie des travaux y relatifs a été déclarée achevée le 31 juillet 2003. En dépit de l’avis de 2004, dans lequel la Cour avait conclu que « [l]’édification du mur qu’Israël, puissance occupante, [étai]t en train de construire dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, et le régime qui lui [étai]t associé, [étaie]nt contraires au droit international », la construction du mur s’est poursuivie, ainsi que l’expansion des colonies de peuplement dans le Territoire palestinien occupé.
Selon certains rapports, en 2005, les colons vivant dans 21 colonies de la bande de Gaza et 4 colonies du nord de la Cisjordanie ont été évacués, conformément à un « plan de désengagement » israélien. En 2023, environ 465 000 colons résidaient en Cisjordanie, répartis dans quelque 300 colonies et avant-postes, tandis que près de 230 000 résidaient à Jérusalem-Est. Les personnes habitant les colonies et les « avant-postes » dans le Territoire palestinien occupé (« colons ») sont majoritairement des Israéliens, ainsi que des Juifs non israéliens qui remplissent les conditions pour obtenir la nationalité israélienne selon la législation israélienne.
Le 29 novembre 2012, l’Assemblée générale, rappelant notamment la résolution 181 (II), a accordé à la Palestine le statut d’État non membre observateur auprès de l’Organisation des Nations Unies (résolution 67/19).
En 2016, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2334 (2016), dans laquelle il préconisait vivement
« l’intensification et l’accélération des efforts diplomatiques entrepris et de l’appui apporté aux niveaux international et régional en vue de parvenir sans tarder à une paix globale, juste et durable au Moyen-Orient, sur la base des résolutions pertinentes de l’Organisation des Nations Unies, du mandat de la conférence de Madrid, y compris le principe de l’échange de territoires contre la paix, de l’Initiative de paix arabe et de la Feuille de route du Quatuor, et de mettre fin à l’occupation israélienne qui a commencé en 1967 ».
Le 10 mai 2024, l’Assemblée générale a adopté la résolution ES-10/23, dans laquelle elle « [c]onstate que l’État de Palestine remplit les conditions requises pour devenir membre de l’Organisation des Nations Unies conformément à l’Article 4 de la Charte des Nations Unies et devrait donc être admis à l’Organisation ».
Le 10 juin 2024, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2735 (2024), par laquelle il réaffirmait
« son attachement sans faille à la vision de la solution des deux États où deux États démocratiques, Israël et la Palestine, vivent côte à côte en paix, à l’intérieur de frontières sûres et reconnues, conformément au droit international et aux résolutions pertinentes
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des organes de l’ONU et, à cet égard, soulign[ait] l’importance d’unifier la bande de Gaza avec la Cisjordanie, sous l’Autorité palestinienne ».
III. PORTÉE ET SENS DES QUESTIONS POSÉES PAR L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE (PAR. 72-83)
La Cour examine ensuite la portée et le sens des deux questions posées par l’Assemblée générale et rappelle leur formulation. Elle relève que ces questions définissent la portée matérielle, territoriale et temporelle de l’analyse à laquelle elle doit procéder. S’agissant de la portée matérielle, la question a) vise trois types de comportements qui, selon la question b), constituent « les politiques et pratiques d’Israël » : premièrement, « la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination » ; deuxièmement, « [l’]occupation, [l]a colonisation et [l’]annexion prolongées [par Israël] du territoire palestinien occupé depuis 1967, notamment [l]es mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem » ; troisièmement, « l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires connexes ». À cet égard, elle se borne à souligner une caractéristique qui leur est commune, à savoir que le libellé de la question a) part du principe que ces politiques et pratiques sont contraires au droit international. La Cour est toutefois tenue, de par sa fonction judiciaire, de déterminer elle-même la licéité des politiques et pratiques mentionnées par l’Assemblée générale. Elle considère que la question a) suppose d’apprécier la conformité au droit international des politiques et pratiques d’Israël visées dans la demande.
La Cour considère que l’Assemblée générale, par sa demande, n’attend pas d’elle qu’elle détermine les caractéristiques factuelles détaillées des politiques et pratiques d’Israël. Pour donner un avis consultatif en la présente espèce, elle n’a donc pas à formuler des conclusions factuelles concernant des incidents précis qui seraient contraires au droit international. Il lui faut seulement déterminer les principales caractéristiques des politiques et pratiques d’Israël et, sur cette base, apprécier la conformité de ces politiques et pratiques au droit international.
En ce qui concerne la portée territoriale de la question a), celle-ci renvoie au « territoire palestinien occupé depuis 1967 », qui comprend la Cisjordanie, Jérusalem-Est et la bande de Gaza. La Cour relève que les divers organes et organismes des Nations Unies font souvent expressément référence aux différentes parties du Territoire palestinien occupé. Elle en fait autant dans le présent avis consultatif, selon qu’il convient. Elle rappelle toutefois que, du point de vue juridique, le Territoire palestinien occupé constitue une seule et même entité territoriale, dont l’unité, la continuité et l’intégrité doivent être préservées et respectées. Par conséquent, dans le présent avis, toute référence au Territoire palestinien occupé renvoie à cette même unité territoriale.
La Cour fait également observer que la question mentionne des mesures relatives à « la ville sainte de Jérusalem ». Dans son sens ordinaire, cette expression est ambiguë et peut faire l’objet de nombreuses interprétations, mais le contexte fournit en l’espèce des précisions utiles. À la lumière de ce contexte, la Cour considère que la question posée par l’Assemblée générale concernant la « ville sainte de Jérusalem » se limite aux mesures adoptées par Israël à Jérusalem-Est.
En ce qui concerne la portée temporelle de la question a), il est demandé à la Cour de prendre en considération les mesures adoptées par Israël dans le Territoire palestinien occupé depuis 1967. Rien n’empêche cependant la Cour de tenir compte de faits antérieurs à l’occupation, dans la mesure où cela est nécessaire pour lui permettre de s’acquitter de sa fonction judiciaire.
La Cour relève que la demande d’avis consultatif a été adoptée par l’Assemblée générale le 30 décembre 2022 et qu’elle l’invitait à traiter des politiques et pratiques d’Israël « persistantes » ou qui « continu[eraient] d’être mises en oeuvre ». Elle estime donc que les politiques et pratiques visées dans la demande de l’Assemblée générale n’incluent pas le comportement adopté par Israël dans la
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bande de Gaza en réaction à l’attaque menée contre lui par le Hamas et d’autres groupes armés le 7 octobre 2023.
La question b) comporte deux parties. Par la première, la Cour est priée de déterminer l’« incidence » des politiques et pratiques d’Israël mentionnées par l’Assemblée générale « sur le statut juridique de l’occupation ». La Cour constate que l’emploi du terme « incidence » évoque la possibilité que ces politiques et pratiques aient pour effet de modifier le « statut juridique ». Toutefois, la portée de la première partie de la question dépend du sens de l’expression « statut juridique de l’occupation » dans le contexte général de la question b). Dans le présent contexte, la Cour est d’avis que la première partie de la question b) l’invite à déterminer quelle est l’incidence des politiques et pratiques d’Israël sur le statut juridique de l’occupation et, partant, sur la licéité de la présence continue d’Israël, en tant que puissance occupante, dans le Territoire palestinien occupé.
La Cour observe que la question a) et la deuxième partie de la question b) l’invitent à déterminer les conséquences juridiques découlant, pour la première, des politiques et pratiques d’Israël, et pour la seconde, de la présence continue de cet État, en tant que puissance occupante, dans le Territoire palestinien occupé. Dans l’hypothèse et dans la mesure où elle conclurait que l’une quelconque des politiques et pratiques d’Israël, ou la présence continue de cet État, dans ce territoire sont contraires au droit international, la Cour indique qu’elle examinera les conséquences juridiques découlant d’une telle conclusion pour Israël, pour les autres États et pour l’Organisation des Nations Unies.
IV. DROIT APPLICABLE (PAR. 84-102)
La Cour note d’abord que l’applicabilité de certaines règles de droit international dans le territoire concerné dépend du statut de celui-ci en vertu dudit droit. Elle s’attache en premier lieu à déterminer le statut du Territoire palestinien occupé au regard du droit international, et dit en second lieu quelles règles de droit international sont pertinentes pour répondre aux questions qui lui ont été posées par l’Assemblée générale.
Les questions posées par l’Assemblée générale reposent sur le postulat que le Territoire palestinien occupé se trouve sous occupation israélienne. Dans son avis consultatif de 2004 sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, la Cour a précisé les circonstances dans lesquelles une situation d’occupation est établie. Elle a observé que, lors du conflit armé de 1967, les territoires situés entre la Ligne verte et l’ancienne frontière orientale de la Palestine sous mandat britannique, c’est-à-dire la Cisjordanie et Jérusalem-Est, avaient été occupés par Israël. Elle a constaté que les événements survenus ensuite n’avaient pas modifié le statut de territoires occupés des territoires en question, ni le statut de puissance occupante d’Israël.
Dans son avis consultatif sur le Mur, la Cour ne s’est pas prononcée sur le statut juridique de la bande de Gaza, la construction du mur n’ayant pas d’incidence sur cette dernière. La bande de Gaza fait partie intégrante du territoire qui a été occupé par Israël en 1967. Après le conflit armé de 1967, Israël a, en tant que puissance occupante, placé la bande de Gaza sous son contrôle effectif. En 2004, il a cependant annoncé un « plan de désengagement », selon lequel il devait mettre fin à sa présence militaire dans la bande de Gaza et dans plusieurs secteurs de la partie nord de la Cisjordanie. En 2005, Israël avait achevé le retrait de son armée et des colonies de la bande de Gaza.
La Cour note que, pour déterminer si un territoire demeure occupé au regard du droit international, le critère décisif n’est pas de savoir si la puissance occupante y maintient en toutes circonstances une présence militaire physique, mais celui de savoir si l’autorité de l’État en question est établie et en mesure de s’exercer.
Au vu des informations dont elle dispose, la Cour considère qu’Israël avait conservé la faculté d’exercer, et continuait d’exercer, certaines prérogatives essentielles sur la bande de Gaza,
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notamment le contrôle des frontières terrestres, maritimes et aériennes, l’imposition de restrictions à la circulation des personnes et des marchandises, la perception des taxes à l’importation et à l’exportation, et le contrôle militaire sur la zone tampon, et ce, en dépit du fait que cet État a mis fin à sa présence militaire en 2005. Cela est encore plus vrai depuis le 7 octobre 2023.
Compte tenu de ce qui précède, la Cour est d’avis que le retrait d’Israël de la bande de Gaza n’a pas totalement libéré cet État des obligations que lui impose le droit de l’occupation. Les obligations d’Israël sont demeurées proportionnées au degré de son contrôle effectif sur la bande de Gaza.
La Cour en vient ensuite aux règles et principes pertinents aux fins de sa réponse aux questions qui lui ont été posées. Il s’agit notamment de l’interdiction de l’acquisition de territoire par la menace ou l’emploi de la force et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, qui sont consacrés dans la Charte des Nations Unies et font également partie du droit international coutumier.
En outre, le droit international humanitaire est particulièrement pertinent. Les pouvoirs et devoirs d’Israël dans le Territoire palestinien occupé sont régis par la convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949 (ci-après la « quatrième convention de Genève »), qui est applicable dans le Territoire palestinien occupé, et par le droit international coutumier. En application de l’article 154 de la quatrième convention de Genève, cet instrument vient compléter les règles énoncées dans les sections II et III du règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre annexé à la quatrième convention de La Haye (ci-après le « règlement de La Haye »). Ainsi que la Cour l’a observé dans sa jurisprudence, ce règlement a acquis un caractère coutumier et s’impose donc à Israël.
En ce qui concerne le droit international relatif aux droits de l’homme, la Cour observe qu’Israël est partie à plusieurs instruments juridiques énonçant des obligations en la matière, notamment la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale du 21 décembre 1965 (ci-après la « CIEDR »), ainsi que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels adopté le 16 décembre 1966 et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté le 19 décembre 1966.
La Cour rappelle que « les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme [so]nt applicables “aux actes d’un État agissant dans l’exercice de sa compétence en dehors de son propre territoire”, particulièrement dans les territoires occupés ». Elle rappelle également que la protection offerte par les conventions régissant les droits de l’homme ne cesse pas en cas de conflit armé ou d’occupation. Certains droits peuvent relever exclusivement du droit international humanitaire ; d’autres peuvent relever exclusivement des droits de l’homme ; d’autres enfin peuvent relever de ces deux branches du droit international à la fois.
Se référant à son avis consultatif sur le Mur, la Cour observe qu’Israël demeure lié par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels en ce qui concerne son comportement touchant au Territoire palestinien occupé.
S’agissant de la CIEDR, la Cour relève que cette convention ne contient aucune disposition limitant expressément son champ d’application territorial. En revanche, plusieurs de ses dispositions imposent aux États parties des obligations applicables « sur les territoires relevant de leur juridiction » ou à l’égard de « toute personne soumise à leur juridiction ». Il s’ensuit que cet instrument est également applicable au comportement d’un État partie qui a des effets hors de son territoire. Selon la Cour, Israël doit se conformer aux obligations que lui impose la CIEDR lorsqu’il exerce sa juridiction en dehors de son territoire.
Plusieurs participants à la présente procédure ont exprimé des vues divergentes quant à la pertinence des accords d’Oslo signés en 1993 et 1995 par Israël et l’OLP. Selon la lecture qu’elle fait
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de ces accords, la Cour considère qu’ils ne sauraient être interprétés comme limitant d’une quelconque manière les obligations incombant à Israël au regard des règles de droit international pertinentes applicables dans le Territoire palestinien occupé.
V. POLITIQUES ET PRATIQUES D’ISRAËL DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ (PAR. 103-243)
La Cour évalue ensuite la conformité des politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, telles que définies dans la question a), avec les obligations incombant à cet État au regard du droit international. En particulier, elle examine tour à tour, dans le cadre de cette analyse, les questions de l’occupation prolongée, de la politique de colonisation d’Israël, de l’annexion du Territoire palestinien occupé depuis 1967, ainsi que de l’adoption par Israël de lois et de mesures connexes qui seraient discriminatoires. La Cour recherche si les politiques et pratiques d’Israël portent atteinte au droit du peuple palestinien à l’autodétermination et, le cas échéant, de quelle manière.
A. Question de l’occupation prolongée (par. 104-110)
S’agissant de l’occupation prolongée, la Cour note que la question a) porte en partie sur les conséquences juridiques découlant de l’« occupation … prolongée » par Israël du Territoire palestinien occupé. À cet égard, la Cour constate que l’occupation israélienne dure depuis plus de 57 ans. Pour répondre à cet aspect de la question, il lui faut examiner la relation entre Israël, en tant que puissance occupante, et la population protégée du territoire occupé, relation qui est régie par le droit de l’occupation.
L’État agissant en tant que puissance occupante détient, de par cette qualité, un ensemble de pouvoirs et de responsabilités à l’égard du territoire sur lequel il exerce un contrôle effectif. Dans ce contexte, la puissance occupante est tenue d’administrer le territoire dans l’intérêt de la population locale. La nature et la portée de ces pouvoirs et responsabilités reposent toujours sur le même postulat, à savoir que l’occupation est une situation temporaire répondant à une nécessité militaire, et qu’elle ne peut donner lieu à un transfert du titre de souveraineté à la puissance occupante.
Le fait qu’une occupation se prolonge ne modifie pas en soi son statut juridique au regard du droit international humanitaire. Bien qu’il soit fondé sur le caractère temporaire de l’occupation, le droit qui la régit ne fixe pas de limites temporelles qui pourraient, en tant que telles, modifier le statut d’une occupation. La licéité de la présence de la puissance occupante dans le territoire occupé doit plutôt être appréciée à l’aune d’autres règles. En particulier, l’occupation se traduit par l’exercice, par un État, d’un contrôle effectif dans un territoire étranger. Pour être autorisé, cet exercice d’un contrôle effectif doit donc être à tout moment conforme aux règles relatives à l’interdiction de la menace ou de l’emploi de la force, notamment l’interdiction de l’acquisition de territoire résultant du recours à la menace ou à l’emploi de la force, ainsi qu’au droit à l’autodétermination. Par conséquent, le fait qu’une occupation se prolonge est susceptible d’avoir une incidence sur la justification, au regard du droit international, de la présence continue de la puissance occupante dans le territoire occupé.
C’est dans ce contexte que les politiques et pratiques d’Israël, ainsi que sa présence continue dans le Territoire palestinien occupé, doivent être analysées. La Cour passe ensuite à l’examen de ces politiques et pratiques, en commençant par la politique de colonisation d’Israël.
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B. Politique de colonisation (par. 111-156)
1. Vue d’ensemble (par. 111-114)
La question a) posée par l’Assemblée générale porte notamment sur les conséquences juridiques découlant de la politique de colonisation menée par Israël. La Cour considère, à cet égard, que la distinction qui est parfois faite entre, d’une part, les « colonies » et, d’autre part, les « avant-postes », importe peu aux fins de l’appréciation de la question de savoir si les zones de peuplement en question s’inscrivent dans la politique israélienne de colonisation. Ce qui compte, c’est de déterminer si elles sont établies ou maintenues avec l’appui d’Israël.
La Cour relève en outre que, entre 1967 et 2005, la politique israélienne de colonisation a été menée en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et dans la bande de Gaza. Depuis que les colonies israéliennes ont été retirées de la bande de Gaza en 2005, Israël a poursuivi cette politique en Cisjordanie et à Jérusalem-Est ; la Cour limite par conséquent son analyse à la politique de colonisation qu’il continue de mettre en oeuvre dans ces territoires. Elle fait toutefois observer que la politique israélienne de colonisation menée dans la bande de Gaza jusqu’en 2005 n’était pas fondamentalement différente de celle qui se poursuit aujourd’hui en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
2. Transfert de la population civile (par. 115-119)
Dans son avis consultatif sur le Mur, la Cour a jugé que la politique israélienne de colonisation emportait violation du sixième alinéa de l’article 49 de la quatrième convention de Genève, qui dispose que « [l]a Puissance occupante ne pourra procéder à la déportation ou au transfert d’une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle ».
De l’avis de la Cour, rien dans les termes ou le contexte de cette disposition, ni encore dans l’objet et le but ou l’histoire rédactionnelle de la quatrième convention de Genève, n’indique que ladite disposition ne prohibe que le transfert forcé d’une partie de la population civile de la puissance occupante dans le territoire occupé. Dans la présente procédure, de nombreux éléments attestent la politique d’Israël consistant à encourager, par des mesures incitatives, l’installation des personnes et des entreprises israéliennes en Cisjordanie, et le développement industriel et agricole de celle-ci par les colons. Il existe également des preuves qu’Israël légalise régulièrement des avant-postes établis en violation de sa législation nationale, et que l’implantation par Israël de colonies de peuplement s’accompagne d’infrastructures civiles spécialement conçues à cet effet en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, qui intègrent les colonies au territoire d’Israël.
Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que le transfert par Israël de colons en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, ainsi que le maintien par cet État de leur présence, est contraire au sixième alinéa de l’article 49 de la quatrième convention de Genève.
3. Confiscation ou réquisition de terres (par. 120-123)
La Cour note en outre que l’expansion des colonies israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est repose sur la confiscation ou la réquisition de vastes étendues de terre.
Observant que, dans la présente procédure, les biens publics confisqués ou réquisitionnés pour le développement des colonies israéliennes profitent à la population civile des colons, au détriment de la population palestinienne locale, la Cour conclut que les politiques foncières d’Israël ne sont pas conformes aux articles 46, 52 et 55 du règlement de La Haye.
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4. Exploitation des ressources naturelles (par. 124-133)
La Cour en vient à la question de l’exploitation des ressources naturelles. Elle rappelle que, conformément au principe de droit international coutumier énoncé à l’article 55 du règlement de La Haye, l’État occupant ne doit se considérer que comme administrateur et usufruitier des ressources naturelles du territoire occupé, y compris, mais pas uniquement, les forêts et exploitations agricoles, et il est tenu de « sauvegarder le fonds » de ces ressources. En conséquence, il ne peut utiliser les ressources naturelles que dans la limite de ce qui est nécessaire aux fins de l’occupation. À cet égard, la Cour observe que la puissance occupante a l’obligation continue de veiller à ce que la population locale dispose d’un accès adéquat à la nourriture, y compris l’approvisionnement en eau. L’utilisation des ressources naturelles du territoire occupé doit par ailleurs être durable et éviter de causer des dommages à l’environnement.
Au vu des éléments de preuve dont elle dispose, la Cour considère que l’usage que fait Israël des ressources naturelles du Territoire palestinien occupé n’est pas conforme aux obligations que lui impose le droit international. En détournant une grande part des ressources naturelles au profit de sa propre population, notamment des colons, Israël manque à son obligation d’agir en tant qu’administrateur et usufruitier. La Cour considère encore que, en restreignant gravement l’accès de la population palestinienne à l’eau disponible dans le Territoire palestinien occupé, Israël agit de manière contraire à l’obligation qu’il a d’assurer un approvisionnement en eau qui soit approprié sur le plan de la quantité autant que de la qualité. Compte tenu de son analyse, la Cour conclut également que la politique d’exploitation des ressources naturelles du Territoire palestinien occupé mise en oeuvre par Israël est contraire à l’obligation qu’il a de respecter le droit du peuple palestinien à la souveraineté permanente sur les ressources naturelles.
5. Extension de la législation israélienne (par. 134-141)
La Cour en vient ensuite à la question de l’extension de la législation israélienne au Territoire palestinien occupé, en rappelant que, conformément à l’article 43 du règlement de La Haye, la puissance occupante doit, de manière générale, respecter, sauf empêchement absolu, le droit en vigueur dans le territoire occupé. En principe, le droit de l’occupation ne prive donc pas les institutions civiles de la population locale du territoire occupé de l’autorité réglementaire qu’elles sont susceptibles d’avoir, mais confère à la puissance occupante un ensemble de pouvoirs de réglementation à titre exceptionnel et pour des motifs spécifiques clairement définis.
Au vu des éléments de preuve dont elle dispose, la Cour constate qu’Israël a étendu l’application de sa législation à la Cisjordanie. Elle note, en particulier, qu’Israël a substitué dans une large mesure son droit militaire au droit local qui était en vigueur dans le Territoire palestinien occupé au début de l’occupation, en 1967. De plus, les colonies de Cisjordanie relèvent de la juridiction de facto des conseils régionaux et locaux de colonies. À Jérusalem-Est, le droit interne israélien a été appliqué dès le début de l’occupation en 1967 et Israël traite Jérusalem-Est comme son propre territoire national, en y appliquant pleinement le droit israélien, à l’exclusion de tout autre système juridique interne.
Dans la présente procédure, la Cour n’est pas convaincue que l’extension du droit israélien à la Cisjordanie et à Jérusalem-Est soit justifiée par l’un quelconque des motifs énoncés au deuxième alinéa de l’article 64 de la quatrième convention de Genève. En outre, le fait que le droit israélien s’applique intégralement à Jérusalem-Est, et qu’il s’applique à l’égard des colons dans toute la Cisjordanie, ne peut être considéré comme relevant de dispositions « indispensables » à l’une quelconque des fins énumérées au deuxième alinéa de l’article 64 de la quatrième convention de Genève.
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Pour ces raisons, la Cour considère qu’Israël a exercé l’autorité réglementaire qu’il a en tant que puissance occupante d’une manière qui n’est pas conforme à la règle reflétée à l’article 43 du règlement de La Haye et à l’article 64 de la quatrième convention de Genève.
6. Déplacement forcé de la population palestinienne (par. 142-147)
La Cour en vient ensuite aux effets de la politique de colonisation d’Israël sur le départ de la population palestinienne.
La Cour observe que, du fait de la confiscation à grande échelle des terres et de l’accès aux ressources naturelles, la population locale, privée de ses moyens de subsistance fondamentaux, est poussée au départ. En outre, une série de mesures prises par les forces armées israéliennes ont exacerbé les pressions exercées sur les Palestiniens pour les contraindre à quitter certaines parties du Territoire palestinien occupé.
La Cour rappelle que, aux termes du premier alinéa de l’article 49 de la quatrième convention de Genève, « [l]es transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les déportations de personnes protégées hors du territoire occupé dans le territoire de la Puissance occupante ou dans celui de tout autre État, occupé ou non, sont interdits, quel qu’en soit le motif ».
À cet égard, la Cour considère qu’un transfert peut être « forcé » — et, partant, interdit par le premier alinéa de l’article 49 — non seulement lorsqu’il est obtenu par l’emploi de la force physique, mais aussi lorsque les personnes concernées n’ont d’autre choix que de s’en aller. Elle relève en outre que, pour être autorisées, les évacuations doivent s’entendre comme une mesure temporaire, à laquelle il convient de mettre fin dès que disparaissent les impérieuses raisons militaires. Les évacuations de nature permanente ou de durée indéterminée enfreignent quant à elles l’interdiction des transferts forcés.
La Cour considère que, en raison des politiques et pratiques israéliennes, et notamment des expulsions forcées, des nombreuses démolitions d’habitations et des restrictions en matière de résidence et de liberté de circulation, les membres de la population palestinienne vivant dans la zone C n’ont souvent guère d’autre choix que de quitter leur lieu de résidence. La nature des actes d’Israël, notamment le fait que, lorsque des biens palestiniens sont démolis, les terres sont souvent confisquées pour être réaffectées à des colonies israéliennes, indique que les mesures qu’il met en oeuvre ne revêtent pas un caractère temporaire et ne peuvent donc être considérées comme des évacuations autorisées par la quatrième convention de Genève. La Cour estime que les politiques et pratiques d’Israël sont contraires à l’interdiction du transfert forcé de la population protégée au regard du premier alinéa de l’article 49 de la quatrième convention de Genève.
7. Violence contre les Palestiniens (par. 148-154)
La Cour relève en outre que la politique de colonisation menée par Israël donne lieu à des actes de violence commis contre les Palestiniens par les colons et les forces de sécurité israéliennes.
Ayant examiné les éléments de preuve dont elle dispose, et à la lumière des dispositions pertinentes du droit international, la Cour considère que les violences commises par les colons contre les Palestiniens, le fait qu’Israël manque de prévenir ou de punir de manière effective ces violences, ainsi que l’usage excessif de la force auquel il se livre contre les Palestiniens contribuent à créer et à maintenir un environnement coercitif à l’égard de ces derniers. Dans la présente procédure, elle est d’avis, au vu des éléments dont elle dispose, que le fait qu’Israël manque systématiquement de prévenir ou de punir les attaques des colons portant atteinte à la vie ou à l’intégrité physique des Palestiniens ainsi que l’usage excessif de la force auquel il se livre contre ces derniers sont incompatibles avec les obligations qui incombent à cet État.
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8. Conclusion concernant la politique israélienne de colonisation (par. 155-156)
À la lumière de ce qui précède, la Cour réaffirme (voir l’avis consultatif sur le Mur) que les colonies israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est et le régime qui leur est associé ont été établis et sont maintenus en violation du droit international. La Cour prend note avec une profonde inquiétude des informations indiquant que la politique de colonisation menée par Israël s’est accentuée depuis qu’elle a donné son avis consultatif sur le Mur.
C. Question de l’annexion du Territoire palestinien occupé (par. 157-179)
La Cour observe que la question posée par l’Assemblée générale fait en partie référence aux conséquences juridiques découlant de l’annexion alléguée du Territoire palestinien occupé par Israël. Afin de répondre à cet aspect de la question, elle doit d’abord analyser la notion d’« annexion ». Elle examine ensuite les politiques et pratiques d’Israël en vue de déterminer si celles-ci constituent une annexion. Enfin, elle traite de la licéité desdites politiques et pratiques.
Par le mot « annexion », la Cour entend, dans le présent contexte, le fait, pour la puissance occupante, d’acquérir par la force le territoire qu’elle occupe, c’est-à-dire de l’intégrer au sien. L’annexion présuppose donc l’intention de la puissance occupante d’exercer un contrôle permanent sur le territoire occupé.
La Cour rappelle à cet égard que, au regard du droit de l’occupation, le contrôle du territoire occupé par la puissance occupante doit revêtir un caractère temporaire. En conséquence, le comportement de la puissance occupante qui traduit une intention d’exercer un contrôle permanent sur le territoire occupé peut constituer un acte d’annexion.
La revendication par la puissance occupante du contrôle permanent du territoire occupé peut se manifester de diverses manières. À cet égard, la Cour relève qu’une distinction est parfois établie entre l’annexion « de jure » et l’annexion « de facto ». Ces deux types d’annexion, s’ils diffèrent par les moyens mis en oeuvre, répondent toutefois au même objectif consistant à imposer un contrôle permanent sur le territoire occupé.
Dans ce contexte, la Cour doit rechercher si, par son comportement, Israël établit son contrôle permanent sur le Territoire palestinien occupé d’une manière qui équivaudrait à une annexion.
Après avoir examiné les politiques et pratiques d’Israël s’agissant tant de Jérusalem-Est que de la Cisjordanie, en vue de déterminer si celles-ci constituent une annexion, la Cour parvient à la conclusion que ces politiques et pratiques, notamment le maintien et l’extension des colonies, la construction d’infrastructures connexes, et du mur, l’exploitation des ressources naturelles, la proclamation de Jérusalem en tant que capitale d’Israël, ainsi que l’application intégrale du droit interne israélien à Jérusalem-Est et son application étendue en Cisjordanie, renforcent le contrôle d’Israël sur le Territoire palestinien occupé, et en particulier Jérusalem-Est et la zone C de la Cisjordanie. Ces politiques et pratiques sont destinées à rester en place indéfiniment et à créer sur le terrain des effets irréversibles. En conséquence, la Cour estime qu’elles équivalent à une annexion de vastes parties du Territoire palestinien occupé.
Elle estime que le fait de tenter d’acquérir la souveraineté sur un territoire occupé, ainsi que cela ressort des politiques et pratiques adoptées par Israël à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, est contraire à l’interdiction de l’emploi de la force dans les relations internationales et à son corollaire, le principe de non-acquisition de territoire par la force. L’incidence de l’annexion sur le statut juridique de l’occupation et, partant, sur la licéité du maintien de la présence continue d’Israël est examinée plus loin dans l’avis consultatif.
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D. Question des lois et mesures discriminatoires (par. 180-229)
La Cour se penche ensuite sur la question des conséquences juridiques de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires connexes. Rappelant la formulation de la question a) et la conclusion à laquelle elle est parvenue concernant l’interprétation des questions, elle note qu’elle doit déterminer elle-même si les lois et mesures auxquelles il est fait référence dans la question de l’Assemblée générale sont discriminatoires. La Cour estime à cet égard, premièrement, qu’elle doit limiter son analyse aux lois et mesures qui sont étroitement liées auxdites politiques et pratiques. Deuxièmement, la question ne concerne les lois et mesures adoptées par Israël que dans la mesure où elles s’appliquent au Territoire palestinien occupé. Troisièmement, la question porte exclusivement sur le caractère potentiellement discriminatoire des lois et mesures adoptées par Israël.
Ayant ainsi défini la portée de la question a), la Cour en vient à la notion de discrimination. Elle considère que toutes les dispositions pertinentes du droit international ont en commun la notion de traitement différencié entre les personnes selon qu’elles appartiennent à tel ou tel groupe. Elle observe, à cet égard, que l’existence du peuple palestinien ne saurait plus faire débat. Ainsi, de son point de vue, le traitement différencié réservé aux Palestiniens peut donner lieu à une discrimination.
Pour répondre à la question a), la Cour examine d’abord les effets de la politique d’Israël relative aux permis de résidence à Jérusalem-Est sur les Palestiniens du Territoire palestinien occupé. Elle en vient ensuite aux restrictions imposées par Israël à la liberté de circulation des Palestiniens dans le Territoire palestinien occupé. Enfin, elle examine la pratique d’Israël consistant à détruire des biens palestiniens en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, y compris les démolitions punitives et les démolitions pour défaut de permis de construire. La Cour note à cet égard que près de 11 000 structures palestiniennes auraient déjà été détruites depuis 2009.
La Cour conclut des éléments de preuve dont elle dispose et de son analyse qu’un large éventail de lois et de mesures adoptées par Israël en sa qualité de puissance occupante réservent aux Palestiniens un traitement différencié fondé sur des motifs précisés par le droit international. Elle relève que cette différence de traitement ne peut être justifiée sur le fondement de critères objectifs et raisonnables, ni d’un objectif légitime d’intérêt public. En conséquence, elle est d’avis que le régime de restrictions générales qu’Israël impose aux Palestiniens dans le Territoire palestinien occupé est constitutif de discrimination systémique fondée, notamment, sur la race, la religion ou l’origine ethnique en violation des articles 2, paragraphe 1, et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, du paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et de l’article 2 de la CIEDR.
La Cour observe en outre que les lois et mesures d’Israël imposent et permettent de maintenir en Cisjordanie et à Jérusalem-Est une séparation quasi complète entre les communautés de colons et les communautés palestiniennes. Elle considère, pour cette raison, que les lois et mesures d’Israël emportent violation de l’article 3 de la CIEDR.
E. Question de l’autodétermination (par. 230-243)
Ayant estimé que la politique de colonisation d’Israël ainsi que ses actes d’annexion et ses lois et mesures discriminatoires connexes violaient le droit international, la Cour en vient à l’aspect de la question a) portant sur les effets des politiques et pratiques d’Israël sur l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination. Elle a déjà reconnu, dans son avis consultatif sur le Mur, l’existence de ce droit. Dans la présente procédure, elle en détermine d’abord la portée, avant d’examiner les effets éventuels qu’ont sur l’exercice de ce droit les politiques et pratiques d’Israël.
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À la lumière de son analyse, la Cour est d’avis que le caractère prolongé des politiques et pratiques illicites d’Israël aggrave la violation du droit du peuple palestinien à l’autodétermination. En conséquence des politiques et pratiques d’Israël, qui se poursuivent déjà depuis des décennies, le peuple palestinien a été privé de son droit à l’autodétermination pendant une longue période, et toute prolongation supplémentaire de ces politiques et pratiques compromet l’exercice de ce droit à l’avenir. Pour ces raisons, la Cour est d’avis que les politiques et pratiques illicites d’Israël emportent manquement à l’obligation qui lui incombe de respecter le droit du peuple palestinien à l’autodétermination. La Cour examine plus loin dans l’avis consultatif l’incidence de ces politiques sur le statut juridique de l’occupation et, partant, sur la licéité de la présence continue d’Israël dans le Territoire palestinien occupé.
VI. EFFETS DES POLITIQUES ET PRATIQUES D’ISRAËL SUR LE STATUT JURIDIQUE DE L’OCCUPATION (PAR. 244-264)
A. La portée de la première partie de la question b) et le droit applicable (par. 244-251)
La Cour en vient ensuite à la première partie de la question b) sur laquelle l’Assemblée générale a sollicité son avis, et se penche sur la question de savoir si et, dans l’affirmative, de quelle manière les politiques et pratiques d’Israël ont une incidence sur le statut juridique de l’occupation, à la lumière des règles et principes de droit international pertinents. Elle commence par déterminer plus précisément la portée de la première partie de la question b) que lui a posée l’Assemblée générale.
À cet égard, la Cour considère que la première partie de la question b) que lui a posée l’Assemblée générale n’est pas de savoir si les politiques et pratiques d’Israël ont une incidence sur le statut juridique de l’occupation en tant que telle. Elle est plutôt d’avis que la première partie de la seconde question a trait à la manière dont les politiques et pratiques d’Israël influent sur le statut juridique de l’occupation et, par là même, sur la licéité de la présence continue de cet État, en tant que puissance occupante, dans le Territoire palestinien occupé. Cette licéité doit être déterminée à l’aune des règles et principes du droit international général, dont celles de la Charte des Nations Unies.
B. La manière dont les politiques et pratiques israéliennes influent sur le statut juridique de l’occupation (par. 252-258)
La Cour a établi que les politiques et pratiques israéliennes, ainsi que la manière dont elles étaient mises en oeuvre et appliquées sur le terrain, avaient des effets importants sur le statut juridique de l’occupation, du fait de l’extension de la souveraineté israélienne sur certaines parties du territoire occupé, de leur annexion progressive au territoire d’Israël, de l’exercice, par ce dernier, de certaines fonctions gouvernementales et de l’application de ses lois internes dans lesdites zones, ainsi que du transfert dans celles-ci d’un nombre croissant de ses propres ressortissants et de l’entrave à l’exercice du droit à l’autodétermination du peuple palestinien.
La Cour est d’avis que l’affirmation par Israël de sa souveraineté sur certaines parties du Territoire palestinien occupé et l’annexion de celles-ci constituent une violation de l’interdiction de l’acquisition de territoire par la force. Cette violation a un impact direct sur la licéité de la présence continue d’Israël, en tant que puissance occupante, dans ledit territoire. La Cour estime qu’Israël n’a pas droit à la souveraineté sur quelque partie du Territoire palestinien occupé et ne saurait y exercer des pouvoirs souverains du fait de son occupation. Les préoccupations d’Israël en matière de sécurité ne sauraient non plus l’emporter sur le principe de l’interdiction de l’acquisition de territoire par la force.
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La Cour observe en outre que les effets des politiques et pratiques d’Israël tels qu’examinés précédemment, et le fait qu’il exerce sa souveraineté sur certaines parties du Territoire palestinien occupé, notamment la Cisjordanie et Jérusalem-Est, constituent une entrave à l’exercice, par le peuple palestinien, de son droit à l’autodétermination. Ces effets comprennent l’annexion par Israël de certaines parties du Territoire palestinien occupé, la fragmentation de celui-ci, qui en compromet l’intégrité, les pratiques d’Israël consistant à priver le peuple palestinien de la jouissance des ressources naturelles dudit territoire et son entrave au droit de ce peuple de poursuivre librement son développement économique, social et culturel.
Les effets des politiques et pratiques d’Israël qui ont été décrits ci-dessus, lesquels ont notamment pour conséquence que le peuple palestinien se trouve depuis longtemps privé de son droit à l’autodétermination, constituent une violation de ce droit fondamental. Cette violation a un impact direct sur la licéité de la présence d’Israël, en tant que puissance occupante, dans le Territoire palestinien occupé. La Cour est d’avis que l’occupation ne saurait être utilisée de sorte à laisser indéfiniment la population occupée dans l’expectative et l’incertitude, en la privant de son droit à l’autodétermination tout en intégrant des parties de son territoire dans le propre territoire de la puissance occupante. Elle considère que l’existence du droit du peuple palestinien à l’autodétermination ne saurait être soumise à conditions par la puissance occupante, étant donné qu’il s’agit d’un droit inaliénable.
Au vu de ce qui précède, la Cour en vient à la question de la licéité de la présence continue d’Israël dans le Territoire palestinien occupé.
C. La licéité de la présence continue d’Israël dans le Territoire palestinien occupé (par. 259-264)
La Cour considère que les violations, par Israël, de l’interdiction de l’acquisition de territoire par la force et du droit du peuple palestinien à l’autodétermination ont un impact direct sur la licéité de la présence continue d’Israël, dans le Territoire palestinien occupé. L’utilisation abusive persistante de sa position en tant que puissance occupante à laquelle Israël se livre en annexant le Territoire palestinien occupé et en imposant un contrôle permanent sur celui-ci, ainsi qu’en privant de manière continue le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination, viole des principes du droit international et rend illicite la présence d’Israël dans le Territoire palestinien occupé.
Cette illicéité s’applique à l’intégralité du territoire palestinien occupé par Israël en 1967. Il s’agit là de l’entité territoriale dans laquelle ce dernier a imposé des politiques et pratiques visant à entamer et à entraver la capacité du peuple palestinien d’exercer son droit à l’autodétermination, tout en étendant sa souveraineté sur de vastes zones de ladite entité en violation du droit international. Le Territoire palestinien occupé dans son intégralité est aussi le territoire à l’égard duquel le peuple palestinien devrait pouvoir exercer son droit à l’autodétermination et dont l’intégrité doit être respectée.
En réponse à un argument avancé par trois participants, la Cour observe que les accords d’Oslo n’autorisent pas Israël à annexer des parties du Territoire palestinien occupé pour satisfaire à ses besoins en matière de sécurité. Ils ne l’autorisent pas non plus à maintenir une présence permanente dans le Territoire palestinien occupé à cette même fin.
La Cour souligne que la conclusion selon laquelle la présence continue d’Israël dans le Territoire palestinien occupé est illicite ne libère pas cet État des obligations et responsabilités que le droit international, et plus particulièrement le droit de l’occupation, lui impose envers la population palestinienne et d’autres États en ce qui concerne l’exercice de ses pouvoirs relativement au territoire en question jusqu’à ce qu’il soit mis fin à sa présence sur celui-ci. C’est le contrôle effectif d’un territoire, quel que soit son statut juridique en droit international, qui constitue le fondement de la
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responsabilité de l’État à raison de ses actes ayant une incidence sur la population dudit territoire ou sur d’autres États.
VII. CONSÉQUENCES JURIDIQUES DÉCOULANT DES POLITIQUES ET PRATIQUES D’ISRAËL ET DE L’ILLICÉITÉ DE LA PRÉSENCE CONTINUE D’ISRAËL DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ (PAR. 265-283)
La Cour a conclu que les politiques et pratiques d’Israël visées dans la question a) emportaient violation du droit international. Le maintien de ces politiques et pratiques constitue un fait illicite à caractère continu qui engage la responsabilité internationale d’Israël.
La Cour a également conclu, en réponse à la première partie de la question b), que la présence continue d’Israël dans le Territoire palestinien occupé était illicite. Elle examine donc les conséquences juridiques qui découlent des politiques et pratiques d’Israël visées dans la question a), ainsi que, aux fins de la question b), celles qui découlent de l’illicéité de la présence continue d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, pour Israël, pour les autres États et pour l’Organisation des Nations Unies.
A. Conséquences juridiques pour Israël (par. 267-272)
S’agissant de sa conclusion selon laquelle la présence continue d’Israël dans le Territoire palestinien occupé est illicite, la Cour considère que cette présence constitue un fait illicite qui engage la responsabilité internationale de cet État. Il s’agit d’un fait illicite à caractère continu qui a été causé par les violations de l’interdiction de l’acquisition de territoire par la force et du droit à l’autodétermination du peuple palestinien qu’Israël a commises par ses politiques et pratiques. En conséquence, Israël a l’obligation de mettre fin à sa présence dans le Territoire palestinien occupé dans les plus brefs délais.
La Cour observe en outre que, en ce qui concerne ses politiques et pratiques visées dans la question a), qui ont été jugées illicites, Israël est dans l’obligation de mettre un terme à ces faits illicites. À cet égard, il doit immédiatement cesser toute nouvelle activité de colonisation. Israël est également tenu d’abroger toutes lois et mesures créant ou maintenant la situation illicite, y compris celles qui sont discriminatoires à l’égard du peuple palestinien dans le Territoire palestinien occupé, ainsi que toutes mesures destinées à modifier la composition démographique de quelque partie de ce territoire.
Israël a également l’obligation de réparer intégralement les dommages causés par ses faits internationalement illicites à toutes les personnes physiques ou morales concernées. La réparation comprend la restitution, l’indemnisation ou la satisfaction.
La restitution inclut l’obligation pour Israël de restituer les terres et autres biens immobiliers, ainsi que l’ensemble des avoirs confisqués à toute personne physique ou morale depuis le début de son occupation en 1967, et tous biens et bâtiments culturels pris aux Palestiniens et à leurs institutions, y compris les archives et les documents. Elle exige également que tous les colons des colonies de peuplement existantes soient évacués, que les parties du mur construit par Israël qui sont situées dans le Territoire palestinien occupé soient démantelées, et que tous les Palestiniens déplacés durant l’occupation puissent retourner dans leur lieu de résidence initial.
Au cas où pareille restitution se révélerait matériellement impossible, Israël serait tenu d’indemniser, conformément aux règles du droit international applicables, toutes les personnes physiques ou morales et les populations de tous dommages matériels qui leur auraient été causés par les faits illicites qu’il a commis pendant l’occupation.
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La Cour souligne que les obligations découlant des faits internationalement illicites d’Israël ne le dispensent pas de son devoir continu de s’acquitter des obligations internationales auxquelles contrevient son comportement. En particulier, Israël demeure tenu d’observer l’obligation qui lui incombe de respecter le droit du peuple palestinien à l’autodétermination et les obligations auxquelles il est tenu au regard du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits de l’homme.
B. Conséquences juridiques pour les autres États (par. 273-279)
La Cour en vient ensuite aux conséquences juridiques pour les autres États des faits internationalement illicites d’Israël dans le Territoire palestinien occupé.
La Cour observe que les obligations qu’Israël a violées comprennent certaines obligations erga omnes, parmi lesquelles celle de respecter le droit du peuple palestinien à l’autodétermination et celle qui découle de l’interdiction de l’acquisition de territoire par la force, ainsi que certaines obligations incombant à Israël au regard du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits de l’homme.
S’agissant du droit à l’autodétermination, la Cour considère que, bien qu’il appartienne à l’Assemblée générale et au Conseil de Sécurité de se prononcer sur les modalités requises pour veiller à ce qu’il soit mis fin à la présence illicite d’Israël dans le Territoire palestinien occupé et à ce que le peuple palestinien exerce pleinement son droit à l’autodétermination, tous les États doivent coopérer avec l’Organisation des Nations Unies pour donner effet à ces modalités.
En ce qui concerne l’interdiction de l’acquisition de territoire par la force, prenant note des résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale, la Cour est d’avis que les États Membres de l’Organisation sont tenus de ne reconnaître aucune modification du caractère physique ou de la composition démographique, de la structure institutionnelle ou du statut du territoire occupé par Israël le 5 juin 1967, y compris Jérusalem-Est, autres que celles convenues par les parties au conflit par voie de négociations, et de faire une distinction, dans leurs échanges avec Israël, entre le territoire de l’État d’Israël et les territoires occupés depuis 1967.
De plus, la Cour considère que, compte tenu de la nature et de l’importance des droits et obligations en cause, tous les États sont tenus de ne pas reconnaître comme licite la situation découlant de la présence illicite d’Israël dans le Territoire palestinien occupé. Ils sont également tenus de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par cette présence. Tous les États doivent veiller, dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international, à ce qu’il soit mis fin à toute entrave à l’exercice du droit du peuple palestinien à l’autodétermination résultant de la présence illicite d’Israël dans le Territoire palestinien occupé. En outre, tous les États parties à la quatrième convention de Genève ont l’obligation, dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international, de s’assurer qu’Israël respecte le droit international humanitaire tel que consacré par cette convention.
C. Conséquences juridiques pour l’Organisation des Nations Unies (par. 280-283)
Compte tenu des graves violations d’obligations erga omnes au regard du droit international qui ont été commises, le devoir de non-reconnaissance énoncé précédemment s’applique également aux organisations internationales, dont l’Organisation des Nations Unies. L’obligation de ne pas reconnaître comme licite la situation découlant de la présence illicite de l’État d’Israël dans le Territoire palestinien occupé et de distinguer, dans les rapports avec Israël, entre le territoire de celui-ci et le Territoire palestinien occupé s’applique également à l’Organisation des Nations Unies.
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Enfin, la Cour considère que la question des modalités précises pour qu’il soit mis fin à la présence illicite d’Israël dans le Territoire palestinien occupé doit être traitée par l’Assemblée générale, qui a sollicité le présent avis consultatif, ainsi que par le Conseil de sécurité. En conséquence, c’est à ces deux organes qu’il appartient de rechercher quelles mesures supplémentaires sont requises pour mettre fin à la présence illicite d’Israël, compte tenu du présent avis consultatif.
La Cour estime important de souligner, comme elle l’a fait dans son avis consultatif sur le Mur,
« la nécessité urgente que l’Organisation des Nations Unies dans son ensemble redouble ses efforts en vue de mettre rapidement un terme au conflit israélo-palestinien, qui continue de poser une menace à la paix et à la sécurité internationales, et d’établir ainsi une paix juste et durable dans la région ».
La Cour estime également que la réalisation du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, y compris son droit à un État indépendant et souverain, coexistant dans la paix avec l’État d’Israël, à l’intérieur de frontières sûres et reconnues pour les deux États, comme cela est prévu dans les résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale, contribuerait à la stabilité régionale et à la sécurité de tous les États du Moyen-Orient.
La Cour tient à souligner que sa réponse aux questions qui lui ont été posées par l’Assemblée générale repose sur l’ensemble des motifs qu’elle a exposés ci-dessus, lesquels doivent être lus à la lumière les uns des autres, en tenant compte de la manière dont la Cour a défini la portée matérielle, temporelle et territoriale des questions.
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Le texte intégral du dernier paragraphe (par. 285) de l’avis consultatif se lit comme suit :
Par ces motifs,
LA COUR,
1) À l’unanimité,
Dit qu’elle a compétence pour donner l’avis consultatif demandé ;
2) Par quatorze voix contre une,
Décide de donner suite à la demande d’avis consultatif ;
POUR : M. Salam, président ; MM. Tomka, Abraham, Yusuf, Mme Xue, MM. Bhandari, Iwasawa, Nolte, Mme Charlesworth, MM. Brant, Gómez Robledo, Mme Cleveland, MM. Aurescu, Tladi, juges ;
CONTRE : Mme Sebutinde, vice-présidente ;
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3) Par onze voix contre quatre,
Est d’avis que la présence continue de l’État d’Israël dans le Territoire palestinien occupé est illicite ;
POUR : M. Salam, président ; M. Yusuf, Mme Xue, MM. Bhandari, Iwasawa, Nolte, Mme Charlesworth, MM. Brant, Gómez Robledo, Mme Cleveland, M. Tladi, juges ;
CONTRE : Mme Sebutinde, vice-présidente ; MM. Tomka, Abraham, Aurescu, juges ;
4) Par onze voix contre quatre,
Est d’avis que l’État d’Israël est dans l’obligation de mettre fin à sa présence illicite dans le Territoire palestinien occupé dans les plus brefs délais ;
POUR : M. Salam, président ; M. Yusuf, Mme Xue, MM. Bhandari, Iwasawa, Nolte, Mme Charlesworth, MM. Brant, Gómez Robledo, Mme Cleveland, M. Tladi, juges ;
CONTRE : Mme Sebutinde, vice-présidente ; MM. Tomka, Abraham, Aurescu, juges ;
5) Par quatorze voix contre une,
Est d’avis que l’État d’Israël est dans l’obligation de cesser immédiatement toute nouvelle activité de colonisation, et d’évacuer tous les colons du Territoire palestinien occupé ;
POUR : M. Salam, président ; MM. Tomka, Abraham, Yusuf, Mme Xue, MM. Bhandari, Iwasawa, Nolte, Mme Charlesworth, MM. Brant, Gómez Robledo, Mme Cleveland, MM. Aurescu, Tladi, juges ;
CONTRE : Mme Sebutinde, vice-présidente ;
6) Par quatorze voix contre une,
Est d’avis que l’État d’Israël a l’obligation de réparer le préjudice causé à toutes les personnes physiques ou morales concernées dans le Territoire palestinien occupé ;
POUR : M. Salam, président ; MM. Tomka, Abraham, Yusuf, Mme Xue, MM. Bhandari, Iwasawa, Nolte, Mme Charlesworth, MM. Brant, Gómez Robledo, Mme Cleveland, MM. Aurescu, Tladi, juges ;
CONTRE : Mme Sebutinde, vice-présidente ;
7) Par douze voix contre trois,
Est d’avis que tous les États sont dans l’obligation de ne pas reconnaître comme licite la situation découlant de la présence illicite de l’État d’Israël dans le Territoire palestinien occupé et de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par la présence continue de l’État d’Israël dans le Territoire palestinien occupé ;
POUR : M. Salam, président ; MM. Tomka, Yusuf, Mme Xue, MM. Bhandari, Iwasawa, Nolte, Mme Charlesworth, MM. Brant, Gómez Robledo, Mme Cleveland, M. Tladi, juges ;
CONTRE : Mme Sebutinde, vice-présidente ; MM. Abraham, Aurescu, juges ;
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8) Par douze voix contre trois,
Est d’avis que les organisations internationales, y compris l’Organisation des Nations Unies, sont dans l’obligation de ne pas reconnaître comme licite la situation découlant de la présence illicite de l’État d’Israël dans le Territoire palestinien occupé ;
POUR : M. Salam, président ; MM. Tomka, Yusuf, Mme Xue, MM. Bhandari, Iwasawa, Nolte, Mme Charlesworth, MM. Brant, Gómez Robledo, Mme Cleveland, M. Tladi, juges ;
CONTRE : Mme Sebutinde, vice-présidente ; MM. Abraham, Aurescu, juges ;
9) Par douze voix contre trois,
Est d’avis que l’Organisation des Nations Unies, et en particulier l’Assemblée générale, qui a sollicité le présent avis, et le Conseil de sécurité, doit examiner quelles modalités précises et mesures supplémentaires sont requises pour mettre fin dans les plus brefs délais à la présence illicite de l’État d’Israël dans le Territoire palestinien occupé.
POUR : M. Salam, président ; MM. Tomka, Yusuf, Mme Xue, MM. Bhandari, Iwasawa, Nolte, Mme Charlesworth, MM. Brant, Gómez Robledo, Mme Cleveland, M. Tladi, juges ;
CONTRE : Mme Sebutinde, vice-présidente ; MM. Abraham, Aurescu, juges.
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M. SALAM, président, joint une déclaration à l’avis consultatif ; Mme SEBUTINDE, vice-présidente, joint à l’avis consultatif l’exposé de son opinion dissidente ; M. TOMKA, juge, joint une déclaration à l’avis consultatif ; MM. TOMKA, ABRAHAM et AURESCU, juges, joignent à l’avis consultatif l’exposé de leur opinion commune ; M. YUSUF, juge, joint à l’avis consultatif l’exposé de son opinion individuelle ; Mme XUE, juge, joint une déclaration à l’avis consultatif ; MM. IWASAWA et NOLTE, juges, joignent à l’avis consultatif les exposés de leur opinion individuelle ; M. NOLTE et Mme CLEVELAND, juges, joignent une déclaration commune à l’avis consultatif ; Mme CHARLESWORTH et M. BRANT, juges, joignent des déclarations à l’avis consultatif ; M. GÓMEZ ROBLEDO et Mme CLEVELAND, juges, joignent à l’avis consultatif les exposés de leur opinion individuelle ; M. TLADI, juge, joint une déclaration à l’avis consultatif.
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Annexe au résumé 2024/8
Déclaration de M. le juge Salam, président
Dans sa déclaration, le président Salam indique qu’il partage aussi bien les conclusions auxquelles la Cour parvient dans le présent avis consultatif que le raisonnement qui les sous-tend. Sa déclaration vise à exposer des raisons supplémentaires qui, de son point de vue, participent à justifier les conclusions de la Cour, notamment l’illicéité de la présence continue d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, et l’obligation subséquente d’y mettre fin dans les plus brefs délais.
Le président Salam revient tout d’abord sur deux politiques et pratiques illicites d’Israël dans le Territoire palestinien occupé. En ce qui concerne la colonisation, il met en exergue que c’est en toute connaissance de l’illégalité de cette politique qu’Israël a mis sur pied et poursuivi une politique de colonisation ainsi que les violations qui l’ont accompagnée dans le Territoire palestinien occupé. En fait, dès septembre 1967, le conseiller juridique du ministère israélien des affaires étrangères et, plus tard, divers organes et institutions onusiennes ont prévenu Israël du caractère illicite de la colonisation. La déclaration examine également les lois et mesures discriminatoires d’Israël dans le Territoire palestinien occupé en démontrant qu’elles sont assimilables aux éléments du crime d’apartheid. Israël a, dans le Territoire palestinien occupé, commis de nombreux actes inhumains, que l’avis identifie sans ambiguïté, dans le cadre d’un régime institutionnalisé d’oppression systématique et de domination.
Dans sa déclaration, le président Salam regrette que la Cour n’ait pas tiré toutes les conclusions juridiques découlant de la résolution 181 (II) de l’Assemblée générale du 29 novembre 1947. À son avis, en vertu de son engagement à mettre en oeuvre ladite résolution, sur laquelle il s’est fondé pour déclarer aussi bien son indépendance que pour solliciter son admission aux Nations Unies, Israël reste tenu de ne pas entraver l’exercice du peuple palestinien de son droit à l’autodétermination et de coopérer avec les Nations Unies afin que l’État de Palestine proclamé en 1988, puis admis aux Nations Unies en 2012 comme État observateur sur la base de la même résolution, puisse exercer sa pleine souveraineté sur son territoire et réaliser son indépendance totale. Ce qui nécessite le retrait complet d’Israël du Territoire palestinien occupé.
Abordant la question des obligations découlant pour tous les États et les Nations Unies de la violation par Israël des normes impératives (jus cogens) et des obligations erga omnes dans le Territoire palestinien occupé, la déclaration souligne que ceux-ci ont l’obligation de prendre des mesures concrètes et efficaces. Pour les États, cela implique de ne pas se limiter à de simples protestations diplomatiques, mais aussi de s’abstenir de toute aide financière, économique, militaire ou technologique inconditionnée à l’État d’Israël, et de réprimer le cas échéant, et conformément aux traités pertinents auxquels ils sont parties, ces violations. En ce qui concerne les Nations Unies, ses organes et institutions, le président Salam, en rappelant toutes les résolutions du Conseil de sécurité restées jusqu’ici sans effets, les invite à prendre de nouvelles mesures concrètes et adaptées pour mettre fin, sans tarder et selon un calendrier bien défini, à l’occupation. Il souligne également que la fin de l’occupation illicite ne saurait être soumise au succès des négociations avec Israël, car cela reviendrait à donner un droit de veto à la puissance occupante et le pouvoir de faire durer ces violations aussi longtemps qu’elle le souhaite.
Le président Salam conclut sa déclaration en rappelant qu’en disant le droit la Cour indique les bases pour un processus fondé sur le droit, seul à même de mener à une paix juste et durable.
Opinion commune de MM. les juges Tomka, Abraham et Aurescu
1. Les juges Tomka, Abraham et Aurescu ont dû voter contre certains des points des conclusions finales de l’avis consultatif (ci-après « l’avis »).
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2. Les juges estiment qu’il est juridiquement incorrect d’affirmer, comme le fait l’avis sur la base du raisonnement erroné qui y est développé, que la présence d’Israël dans le Territoire palestinien occupé (ci-après le « TPO ») est illégale et qu’il doit donc se retirer sans aucune garantie quant à la réalisation de son droit à la sécurité, qui est l’un des éléments cruciaux afin de parvenir à une paix durable fondée sur l’établissement d’un statut permanent.
3. Premièrement, les juges pensent que la bande de Gaza devait être exclue du champ d’application de l’avis. Selon eux, c’est à juste titre que la Cour a exclu la situation à Gaza après le 7 octobre 2023 ; cependant, ils pensent également que la Cour aurait dû conclure qu’elle n’était pas en mesure de se prononcer sur la situation à Gaza avant le 7 octobre 2023 de manière appropriée au vu de l’absence d’informations à sa disposition lui permettant d’affirmer si et dans quelle mesure le contrôle qu’a continué d’exercer Israël après le retrait de 2005 était justifié par des motifs de sécurité, d’autant plus que la quasi-totalité des « politiques et pratiques » d’Israël mentionnées dans l’avis se réfèrent à la situation en Cisjordanie.
4. Deuxièmement, les juges conviennent qu’Israël a commis des violations de l’interdiction de l’acquisition de territoire par la force et du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, ainsi que d’autres violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme. Cependant, ils ne souscrivent pas au raisonnement de l’avis selon lequel la présence d’Israël, en tant que puissance occupante, dans le TPO, est illégale, du seul fait de la constatation de ces violations. Les règles qui s’appliquent à la conduite d’une occupation et aux obligations de la puissance occupante, d’une part, et celles qui concernent l’emploi de la force et ses suites, d’autre part, constituent deux corps de règles distincts. La question de savoir si et dans quelle mesure le comportement de la puissance occupante est conforme à ses obligations dans le territoire occupé, indépendamment de la licéité de l’occupation, doit être examinée au regard du premier ensemble de règles. La question de la licéité de l’occupation elle-même doit être examinée au regard du second. Les juges sont ainsi d’avis que « les politiques et pratiques d’Israël » dans le TPO n’affectent pas le « statut juridique de l’occupation », qui se rapporte à la licéité de la présence d’Israël sur ce territoire en tant que puissance occupante.
5. Les juges soulignent aussi que ce n’est pas l’occupation elle-même mais l’annexion de la zone C de la Cisjordanie qui constitue le fait illicite.
6. En outre, tout en rappelant qu’une puissance occupante a l’obligation de mettre fin à une occupation dès que celle-ci n’est plus nécessaire pour assurer sa sécurité, ils considèrent qu’il est difficile d’affirmer qu’Israël pourrait aujourd’hui complètement se retirer du TPO « dans les plus brefs délais », en l’absence de garantie, sans que sa sécurité soit exposée à des menaces substantielles.
7. Troisièmement, les juges estiment que l’impact juridique des accords d’Oslo et des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité a été largement ignoré dans l’avis. Une interprétation correcte de la combinaison des accords d’Oslo et des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité révèle clairement leurs effets juridiques, dont la validité perdure à ce jour, sur le lien étroit entre, d’une part, l’ensemble indissociable (qu’on appellera ci-après le « paquet ») que forment le droit à l’autodétermination et le droit à la sécurité (ces deux droits étant intrinsèquement liés) et, d’autre part, la licéité de l’occupation, ainsi que la façon dont le « paquet » susmentionné doit être intégré dans le cadre de négociation convenu entre Israël et la Palestine et sanctionné par les résolutions du Conseil de sécurité. En outre, les juges estiment que le règlement de la question du statut permanent devant conduire à la solution à deux États est directement lié au droit à la sécurité : les frontières, qui définissent le territoire des deux États, y compris l’État palestinien, sont étroitement liées à la garantie de la sécurité des deux États, Israël et la Palestine.
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8. Ils rappellent que, comme expliqué dans l’avis consultatif sur la Namibie, les résolutions adoptées en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies ne sont pas les seules à avoir un effet contraignant. Concernant le processus de paix au Moyen-Orient, le Conseil de sécurité, dans l’exercice de sa responsabilité principale en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales en vertu de l’article 24 de la Charte, a adopté de nombreuses résolutions. L’analyse de ces résolutions révèle qu’elles ne sont pas seulement déclaratoires, mais obligatoires et juridiquement contraignantes en ce qui concerne les principes qu’elles n’ont cessé de réaffirmer concernant le processus de paix au Moyen-Orient. Les juges regrettent donc que l’avis ait choisi d’ignorer la pertinence et la valeur de ces résolutions.
9. En ce qui concerne la question des colonies, les trois juges sont d’avis que l’obligation d’Israël de ne pas modifier le statut de la Cisjordanie en vertu d’Oslo II implique que la création de toute nouvelle colonie dans la zone C et au-delà (si c’est le cas) après 1995, date de la conclusion desdits accords, est également en violation de ceux-ci.
10. Les juges sont convaincus que la création de nouvelles colonies après 1995 conjuguée à d’autres mesures, telles que l’expulsion illégale de la population locale palestinienne, ou l’application par Israël de sa législation interne au territoire occupé, indiquent une intention d’annexer le territoire correspondant à ces colonies de la zone C, mais pas la Cisjordanie entière.
11. Enfin, les juges expriment le regret que l’avis n’affirme pas qu’Israël et la Palestine ont l’obligation de reprendre sans délai les négociations directes sur le statut permanent menant à la solution à deux États, sur la base du cadre de négociation défini par les accords d’Oslo et les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Ils regrettent également que l’avis n’ait pas attiré l’attention du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale sur la nécessité d’intensifier les efforts pour parvenir le plus rapidement possible, sur la base du droit international, à une solution négociée comportant l’établissement d’un État palestinien, en vue d’atteindre l’objectif des deux États démocratiques, Israël et la Palestine, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité, à l’intérieur de frontières sûres et reconnues. Ils déplorent également que l’avis n’ait pas encouragé tous les États à soutenir Israël, la Palestine et les Nations Unies dans la réalisation de ces objectifs essentiels. Les trois juges se disent préoccupés par le fait que l’avis ne servira guère l’objectif de parvenir à la solution à deux États, permettant ainsi la coexistence pacifique des peuples israélien et palestinien.
Déclaration de M. le juge Brant
Le juge Brant souscrit au raisonnement et aux conclusions de la Cour, et fait quelques observations sur l’aspect de l’avis consultatif relatif aux politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé qui seraient constitutives de ségrégation raciale ou d’apartheid. Il relève que la Cour a constaté qu’Israël a violé l’article 3 de la CIEDR, prohibant la ségrégation raciale et l’apartheid. Il note que la CIEDR ne définit pas le crime d’apartheid. Il relève toutefois que les définitions du crime d’apartheid dans la convention sur l’apartheid et dans le Statut de Rome contiennent trois éléments communs sur la base desquels la Cour aurait pu interpréter l’article 3 de la CIEDR. En tout état de cause, le juge Brant estime qu’aussi bien la ségrégation raciale que l’apartheid rendent impossible la réalisation du droit du peuple palestinien à l’autodétermination. En outre, il considère que l’aspiration bien légitime d’Israël à la sécurité ne peut être assurée à long terme qu’à la condition qu’il respecte le droit international.
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Opinion individuelle de M. le juge Gómez Robledo
Le juge Gómez Robledo a joint une opinion individuelle à l’avis consultatif dans laquelle il traite de la question du caractère étatique de la Palestine et du constat de la Cour au sujet du droit à l’autodétermination en tant que norme impérative du droit international (jus cogens).
Selon le juge Gómez Robledo, la Palestine a atteint le caractère d’État au sens du droit international, et fait l’objet d’une reconnaissance très large de la part des États et de l’Organisation des Nations Unies. Il aurait souhaité que la Cour le dise de manière expresse afin de contribuer à établir un cadre de négociation équitable entre la Palestine et Israël alors que ce dernier, par ses politiques et pratiques, invisibilise la Palestine au mépris des résolutions des Nations Unies et des accords d’Oslo de 1993 et 1995.
Par ailleurs, le juge Gómez Robledo analyse l’importance du constat, par la Cour, du droit à l’autodétermination en tant que norme impérative du droit international (jus cogens), qui acquiert le statut de norme hiérarchiquement supérieure dans l’ordre juridique international à laquelle tous les États et les organisations internationales doivent se conformer.
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Résumé de l'avis consultatif du 19 juillet 2024