OPINION COMMUNE DE MM. LES JUGES TOMKA, ABRAHAM ET AURESCU
[Texte original en français]
Champ d’application de l’avis Inclusion injustifiée de Gaza dans les conclusions de l’avis
consultatif.
Non-application de la distinction entre les règles relatives à la conduite d’une occupation et
celles relatives à l’usage de la force. Conclusion incorrecte que la présence d’Israël comme
puissance occupante dans le TPO est illégale Absence d’incidence des politiques et pratiques
d’Israël sur le statut de l’occupation Absence de lien entre la conclusion sur l’annexion (de
parties) du territoire occupé et celle selon laquelle l’occupation elle-même est
illicite Identification incorrecte de l’acte illicite comme l’occupation elle-même et de ses
conséquences juridiques Cessation de tout acte d’annexion comme conséquence juridique
correcte Obligation de mettre fin à l’occupation dès que son maintien n’est plus justifié par des
raisons de sécurité Retrait d’Israël du TPO devant être assorti de garanties pour son droit à la
sécurité.
Absence de prise en compte nécessaire des accords d’Oslo et des résolutions pertinentes du
Conseil de Sécurité Méconnaissance de la relation étroite entre le droit à l’autodétermination du
peuple palestinien et le droit à la sécurité d’Israël et de la Palestine, ainsi qu’entre ce « paquet » et
le cadre de négociation pour la « solution à deux États » Absence de prise en compte du droit à
la sécurité d’Israël et de la Palestine.
Identification erronée des territoires annexés Seuls Jérusalem-Est et les colonies de la
zone C de la Cisjordanie annexés par Israël Illicéité de toute nouvelle implantation dans la
zone C et au-delà de celle-ci résultant de l’obligation d’Israël de ne pas modifier le statut de la
Cisjordanie en vertu d’Oslo II (1995).
Absence d’approche globale, équilibrée et nuancée dans l’avis Défaut de prise en compte
des responsabilités et des obligations de la Palestine Obligation d’Israël et de la Palestine de
reprendre sans délai les négociations directes en vue de la « solution à deux États » Défaut
d’appeler l’attention du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale sur la nécessité d’intensifier
les efforts pour parvenir à la « solution à deux États » et absence d’encouragement de tous les États
à soutenir Israël, la Palestine et les Nations Unies dans la poursuite de cet objectif.
I. INTRODUCTION
1. Nous avons dû voter contre certains des points des conclusions finales (paragraphe 285) du
présent avis consultatif, notamment les points 3 et 4. Nous ne sommes en effet pas convaincus que
« la présence continue de l’État d’Israël dans le Territoire palestinien occupé est illicite » (point 3),
ni que, en conséquence de cette affirmation qui n’a, pour les raisons exposées ci-après, aucune base
juridique, « l’État d’Israël est dans l’obligation de mettre fin à sa présence illicite dans le Territoire
palestinien occupé dans les plus brefs délais » (point 4).
2. Nous sommes pleinement d’accord avec l’affirmation, que l’on trouvait déjà dans l’avis
consultatif rendu par la Cour en 2004 dans l’affaire du Mur (Conséquences juridiques de l’édification
d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 184,
par. 122), selon laquelle le peuple palestinien possède le droit à l’autodétermination.
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3. Nous sommes également convaincus qu’un grand nombre de politiques et de pratiques
d’Israël dans les territoires qu’il occupe depuis 1967 sont contraires à ses obligations en vertu du
droit international. À cet égard, nous pouvons adhérer à la plupart des observations contenues dans
la section IV de l’avis, sur la base desquelles la Cour conclut à l’illicéité de ces « politiques et
pratiques ». En particulier, nous partageons l’avis que la pratique générale et systémique de création
et de développement des colonies de peuplement en Cisjordanie est contraire à l’article 49 de la
quatrième convention de Genève, comme la Cour l’avait déjà constaté en 2004 (Conséquences
juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 184, par. 120). Plus généralement, nous pensons que de nombreux aspects de la
politique israélienne, surtout depuis une vingtaine d’années, ne peuvent être compris que comme
visant à incorporer progressivement la majorité de la zone C de la Cisjordanie dans le territoire de
l’État d’Israël (en plus de l’annexion formelle de Jérusalem-Est en 1980). La mise en œuvre d’un tel
objectif, comme la Cour l’avait déjà constaté en 2004 dans le contexte plus limité de la construction
du mur, « dresse … un obstacle grave à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à
l’autodétermination et viole de ce fait l’obligation incombant à Israël de respecter ce droit » (ibid.,
par. 122). Ce qui était vrai dans le contexte limité dans lequel se situait l’avis de 2004 l’est encore
plus dans le contexte plus général des « pratiques et politiques » d’Israël dans le Territoire palestinien
occupé qu’envisage le présent avis.
4. Cependant, sur la base d’une analyse juridique rigoureuse, nous ne pouvons pas en tirer les
mêmes conclusions que celles qui figurent dans les réponses de la Cour.
5. Pour la première fois, en effet, la Cour ne se borne pas à déclarer que, au regard des
obligations qui lui incombent en tant que puissance occupante, les pratiques d’Israël dans les
territoires qu’il occupe sont illégales, mais elle affirme aussi que la présence même d’Israël dans ces
territoires est illicite, et qu’il doit en conséquence s’en retirer sans garantie préalable, notamment en
matière de sécurité, alors que le respect du droit d’Israël à la sécurité est un des éléments essentiels
à prendre en considération pour parvenir à une paix durable.
Nous pensons que, ce faisant, la Cour s’est engagée dans une direction juridiquement fausse
et a abouti à des conclusions qui ne sont pas juridiquement fondées.
Nous expliquerons plus en détail dans la suite de la présente opinion les raisons de notre
désaccord.
6. En bref, l’avis ne donne aucune raison convaincante qui justifierait de passer du constat que
les « pratiques et politiques » d’Israël dans le Territoire palestinien occupé sont, pour nombre d’entre
elles, illicites, à la conclusion que la présence même d’Israël dans ces territoires est illicite. Il y a
selon nous un chaînon manquant dans le raisonnement de l’avis sur ce point, pour les motifs que
nous développerons plus loin. La Cour a choisi de présenter le conflit israélo-palestinien d’une
manière biaisée et unilatérale, qui ne fait aucun cas de sa complexité historique et juridique. Elle
n’accorde que peu de poids aux résolutions successives par lesquelles, de 1967 à aujourd’hui, le
Conseil de sécurité a fixé et endossé le cadre juridique d’un règlement du conflit fondé sur la
coexistence de deux États et sur le droit de chacun des deux peuples à vivre en paix et en sécurité.
Quand elle n’ignore pas ces résolutions, elle en fait une lecture sélective.
7. En outre, nous pensons que les conclusions juridiquement incorrectes de l’avis découlent
en grande partie d’une mauvaise appréciation des accords d’Oslo signés entre les représentants
d’Israël et de la Palestine. Ces accords, avec les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité,
définissent le cadre essentiel d’une résolution pacifique du conflit visant à mettre en œuvre la
« solution à deux États », comme nous l’expliquerons plus loin.
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8. Les conclusions finales de l’avis sont visiblement inspirées par celles des deux avis
consultatifs que la Cour a rendus dans le passé, au sujet de situations dans lesquelles un État était
présent dans un territoire dans lequel sa présence, ou sur lequel sa souveraineté, était contestée :
l’avis de 1971 concernant la présence de l’Afrique du Sud en Namibie (Conséquences juridiques
pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain)
nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971,
p. 16), et celui de 2019 concernant l’archipel des Chagos (Effets juridiques de la séparation de
l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 95).
Dans les deux cas, la Cour a conclu que la présence de l’État en cause dans le territoire
considéré était illicite, et qu’elle devait prendre fin « immédiatement » (Namibie) ou « dans les plus
brefs délais » (Chagos).
9. Selon nous, les deux situations précédemment examinées par la Cour sont entièrement
différentes de celle qui est en cause dans la présente affaire. Nous n’avons affaire, en l’espèce, ni à
une présence maintenue par une puissance mandataire en violation d’une décision du Conseil de
sécurité ayant déclaré cette présence illégale après que l’Assemblée générale eut mis fin au mandat,
ni à une situation dans laquelle une puissance coloniale a manqué à son obligation de mener le
processus de décolonisation à son terme, ni à aucune autre situation comparable aux précédentes.
10. Le conflit israélo-palestinien est d’une tout autre nature. Il doit être abordé d’une manière
équilibrée, nuancée, et tenant compte de tous les éléments. Cela fait entièrement défaut à l’avis.
Depuis de nombreuses décennies, le peuple israélien et le peuple palestinien sont en conflit — un
conflit comportant des aspects juridiques, politiques et historiques nombreux et complexes — au
sujet du territoire de la Palestine confié par mandat de la Société des Nations au Royaume-Uni en
1922. Les droits de l’un ne peuvent pas s’exercer au détriment des droits de l’autre. La « solution à
deux États », exigée par les résolutions successives du Conseil de sécurité, que nous analyserons plus
loin, est la seule qui puisse répondre au besoin légitime de sécurité tant d’Israël que de la Palestine.
Cette solution ne peut être que la conséquence d’une entente d’ensemble établie par une négociation,
qui doit tenir compte de tous les droits et intérêts en présence : le droit du peuple palestinien à
l’autodétermination n’est pas incompatible avec celui de l’État d’Israël à exister dans la sécurité,
tandis que le droit de la Palestine à la sécurité doit être également pris en compte. Le droit à
l’autodétermination et le droit à la sécurité doivent être mis en œuvre simultanément afin de parvenir
à la coexistence de deux États, qui marquera la fin de la présence d’Israël en tant que puissance
occupante dans le territoire palestinien.
11. Comme le rappelait la juge Higgins dans son opinion jointe à l’avis sur le Mur, dans les
résolutions successives du Conseil de sécurité « les conditions essentielles sont demeurées les
mêmes, à savoir qu’Israël a le droit d’exister, d’être reconnu et de vivre en sécurité, et que le peuple
palestinien a droit à un territoire et à un État propre et le droit de disposer de lui-même »
(Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), opinion individuelle de la juge Higgins, p. 211, par. 18).
Nous pensons que cette formule reste toujours valable aujourd’hui. S’il est vrai que la politique
actuelle de l’État d’Israël qui n’a pas toujours été la même ne tend pas vers un tel résultat, ce
n’est pas une raison pour ignorer les préoccupations légitimes de cet État en matière de sécurité, et
pour sortir complètement du cadre tracé par le Conseil de sécurité, comme le fait le présent avis.
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II. LE CHAMP TERRITORIAL ET TEMPOREL DES QUESTIONS POSÉES À LA COUR
12. Les questions posées à la Cour par l’Assemblée générale visent les politiques et pratiques
d’Israël dans le « Territoire palestinien occupé depuis 1967 ». Il n’est pas douteux que, dans
l’intention de l’Assemblée générale, l’ensemble qu’elle désigne comme le « Territoire palestinien
occupé » englobe la Cisjordanie, Jérusalem-Est et la bande de Gaza. Par ailleurs, les questions sont
rédigées au présent.
13. Cependant, nous pensons que la Cour aurait dû limiter son avis à la Cisjordanie, y compris
Jérusalem-Est, et ne pas inclure dans son examen ni dans ses conclusions la bande de Gaza, pour les
raisons suivantes.
14. La situation dans la bande de Gaza a connu un changement fondamental à la suite des
attaques meurtrières commises par le Hamas en territoire israélien le 7 octobre 2023 à partir de Gaza,
et de l’opération militaire israélienne de grande ampleur qui s’en est suivie.
La demande d’avis consultatif est antérieure à ces événements, que l’Assemblée générale ne
pouvait pas avoir prévus. On peut en conclure que la situation à Gaza postérieure au 7 octobre 2023
n’est pas englobée dans le champ des questions posées à la Cour. C’est donc à juste titre que l’avis
s’abstient de prendre une quelconque position sur les événements à Gaza postérieurs au 7 octobre
2023. En outre, une prise de position de la Cour au sujet de cette situation dans le présent avis aurait
risqué de préjuger certaines questions qui sont soulevées dans deux affaires contentieuses
actuellement pendantes devant la Cour. Nous sommes d’avis que, en règle générale, un avis
consultatif ne doit pas interférer avec le règlement d’affaires contentieuses pendantes.
15. Pour la période antérieure, il faut relever que la bande de Gaza se trouvait depuis 2005
dans une situation fondamentalement différente de celle de la Cisjordanie. En 2005, Israël s’est retiré
du territoire de la bande de Gaza, a démantelé les colonies de peuplement qui y avaient été
implantées, tout en conservant le contrôle des espaces maritimes et aériens et celui des frontières
terrestres. Peu de temps après le retrait de l’armée israélienne, le mouvement Hamas a pris le contrôle
de l’administration du territoire de Gaza.
16. La Cour n’a eu à sa disposition aucun élément lui permettant d’apprécier si et jusqu’à quel
point le contrôle qu’Israël a continué à exercer, dans une certaine mesure, sur la bande de Gaza après
le retrait de 2005 était justifié par des motifs de sécurité, compte tenu notamment des actions
militaires conduites par le Hamas en direction du territoire israélien, et ce avant même le
7 octobre 2023. En outre, la quasi-totalité des « politiques et pratiques » d’Israël mentionnées dans
l’avis se réfèrent à la situation en Cisjordanie.
17. Faute d’informations suffisantes lui ayant été présentées, la Cour aurait dû conclure qu’elle
n’était pas en mesure de se prononcer sérieusement sur la situation à Gaza antérieurement au
7 octobre 2023. Dans ces circonstances, on ne peut que regretter que dans ses conclusions selon
lesquelles « la présence continue d’Israël dans le Territoire palestinien occupé », y compris Gaza,
« est illicite » (par. 267) et « l’État d’Israël est dans l’obligation de mettre fin à sa présence
illicite … dans les plus brefs délais » (par. 285), l’avis ne fasse aucune distinction entre la
Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et Gaza en visant le « Territoire palestinien occupé » dans son
ensemble.
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III. LA QUESTION DE LA LÉGALITÉ DE L’OCCUPATION
18. L’un des aspects les plus critiquables de l’avis consiste dans la légèreté avec laquelle il
traite la question de la licéité de l’occupation elle-même, question à laquelle il répond par la négative
sans s’appuyer à cette fin sur aucune base juridique convaincante.
19. Selon l’avis, la politique israélienne d’implantation et de développement des colonies de
peuplement en Cisjordanie vise à incorporer progressivement ce territoire à celui de l’État d’Israël,
et démontre une volonté d’annexion animée par une « intention de créer une présence israélienne
permanente et irréversible dans ledit territoire » (par. 252). La Cour affirme que les politiques et
pratiques d’Israël constituent des violations par cet État de l’interdiction de l’acquisition de territoire
par la force et du droit du peuple palestinien à l’autodétermination. Jusque-là, nous pouvons suivre
le raisonnement et nous n’avons pas d’objection substantielle.
20. Mais le raisonnement prend ensuite, et brutalement, une tout autre tournure. La Cour
conclut de ce qui précède que les violations du droit international commises par Israël « rend[ent]
illicite [s]a présence … dans le Territoire palestinien occupé » (par. 261), cette illicéité s’appliquant,
au surplus, à l’intégralité du territoire occupé par Israël en 1967, y compris Gaza, et sans distinguer
entre les différentes parties de la Cisjordanie. En d’autres termes, selon l’avis, ce n’est pas seulement
la conduite d’Israël dans le Territoire palestinien occupé qui est illicite, mais sa présence même, donc
l’occupation elle-même.
21. Nous ne pouvons pas souscrire à une telle conclusion, qui ne repose sur aucun
raisonnement juridique sérieux ni solide.
22. Nous ne mettons aucunement en doute l’affirmation selon laquelle « l’annexion par une
puissance occupante d’un territoire occupé est illicite » (par. 175) et que « l’occupation ne peut, en
aucun cas, être à l’origine d’un titre sur un territoire » (par. 253). Nous sommes d’avis, comme la
majorité de la Cour, que, depuis déjà assez longtemps, la politique d’Israël a tourné le dos au principe
selon lequel une puissance occupante ne peut pas conduire une politique visant à étendre sa
souveraineté sur tout ou partie du territoire qu’elle occupe, en l’incorporant, de jure ou de facto, à
son propre territoire.
Mais nous ne voyons pas comment l’on peut passer du constat d’illicéité de la politique
d’annexion menée par la puissance occupante à l’affirmation de l’illicéité de l’occupation elle-même.
C’est pourtant ce que fait l’avis, sans aucune explication ayant un tant soit peu de consistance
juridique.
23. Les règles qui s’appliquent à la conduite d’une occupation et aux obligations de la
puissance occupante, d’une part, et celles qui concernent l’emploi de la force et ses suites, d’autre
part, constituent deux corps de règles distincts. La question de savoir si et dans quelle mesure le
comportement de la puissance occupante est conforme à ses obligations dans le territoire occupé,
indépendamment de la licéité de l’occupation, doit être examinée au regard du premier ensemble de
règles. La question de la licéité de l’occupation elle-même doit être examinée au regard du second.
L’avis rappelle cette distinction (par. 251), sans en tirer cependant les conséquences nécessaires.
24. En conduisant une politique d’annexion progressive d’une partie du Territoire palestinien
occupé, à savoir la zone C de la Cisjordanie, Israël méconnaît les obligations qui s’imposent à lui en
tant que puissance occupante. Il en va de même lorsqu’il viole diverses obligations spécifiques
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définies par le droit international humanitaire, telle que celle de ne pas transférer sa propre population
dans le territoire occupé ou celle de ne pas prendre de mesure discriminatoire à l’égard de la
population du territoire.
25. Mais on ne saurait conclure de ce qui précède que l’occupation elle-même est illicite, ce
qui est une question d’une nature entièrement différente. L’avis ne justifie aucunement, sauf par des
formules générales et floues, le passage abrupt du constat que la puissance occupante méconnait ses
obligations par son comportement dans le territoire occupé à l’affirmation de l’illicéité de
l’occupation elle-même. L’illicéité du comportement d’une puissance occupante, même quand elle
consiste à chercher à annexer le territoire occupé, ne peut pas retirer à la présence de l’occupant son
caractère : cette présence est et reste une occupation en droit international. Quant à la question de
savoir si cette présence est illicite, elle relève, comme nous l’avons dit plus haut, et comme l’avis
lui-même paraît l’admettre, de l’application d’un autre corps de règles.
26. L’accent mis par l’avis sur le droit à l’autodétermination du peuple palestinien et son
caractère « inaliénable » ne saurait dissimuler l’erreur dans le raisonnement suivi. Il est évident que
« l’occupation ne saurait être utilisée de sorte à laisser indéfiniment la population occupée dans
l’expectative et l’incertitude, en la privant de son droit à l’autodétermination » (par. 257). Mais cela
ne permet pas de fonder la conclusion à laquelle parvient l’avis quant à l’illicéité de l’occupation. Ce
n’est pas l’occupation en elle-même qui méconnait le droit à l’autodétermination ; c’est l’annexion
et les actes qui lui sont liés. Par nature, toute occupation militaire constitue une entrave au plein
exercice, par la population du territoire occupé, de son droit à l’autodétermination. Cela ne suffit pas
à la rendre illicite. Pour se prononcer sur la licéité du maintien prolongé d’une situation d’occupation,
il faut intégrer dans l’analyse les considérations relatives à la sécurité, qui sont essentielles à cette
fin, et qui sont presque entièrement absentes de l’avis. Nous y reviendrons plus loin.
27. En conséquence, nous sommes d’avis que les « politiques et pratiques d’Israël » dans le
Territoire palestinien occupé n’ont pas d’incidence sur « le statut juridique de l’occupation », si l’on
englobe dans cette formule, comme le fait l’avis (par. 82), la licéité de la présence dans ce territoire
d’Israël en tant que puissance occupante. À la question b) posée par l’Assemblée générale, la Cour
aurait donc dû répondre dans le sens qui précède. Une telle réponse, la seule juridiquement correcte
selon nous, aurait dispensé la Cour de prendre parti sur la licéité de l’occupation elle-même sur
laquelle elle n’a pas été directement interrogée. Il aurait été suffisant, selon nous, de constater que
celle-ci n’est pas affectée par les « politiques et pratiques » en cause.
28. Nous ajouterons à l’analyse qui précède les observations suivantes.
29. En premier lieu, l’avis déclare illicite la présence continue d’Israël dans l’ensemble du
Territoire palestinien occupé, y compris la bande de Gaza. Étant donné que cette illicéité est déduite
à tort selon nous de la politique de colonisation et d’annexion, il y a un décalage
incompréhensible entre la cause et les conséquences. En effet, la politique visant à l’annexion ne
concerne manifestement que la zone C de la Cisjordanie et non pas la bande de Gaza. Celle-ci a été
évacuée par l’armée d’occupation en 2005 et les colonies de peuplement qui y avaient été implantées
ont été démantelées. L’avis ne mentionne aucun élément qui tendrait à démontrer qu’il existerait une
politique israélienne visant à l’annexion de la bande de Gaza. Par conséquent, il nous semble qu’outre
le fait que le raisonnement de l’avis est erroné dans son principe même, il est entaché d’une
incohérence interne. La seule justification que fournit l’avis au soutien de la conclusion selon laquelle
l’occupation est devenue illicite dans l’ensemble du Territoire palestinien occupé, y compris Gaza,
est tirée de ce que ce territoire constitue une entité territoriale « dont l’intégrité doit être respectée »
(par. 262). Une telle justification n’est aucunement convaincante. Il n’existe aucun lien juridique
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entre l’affirmation (correcte en soi) selon laquelle le peuple palestinien doit pouvoir exercer son droit
à l’autodétermination sur l’ensemble du territoire palestinien occupé et l’extension de l’« illicéité »
de l’occupation (qui en tant que telle, comme il est démontré dans la présente opinion, n’a aucune
base juridique) à toutes les différentes parties de ce territoire. En réalité, ce décalage ne fait que
mettre en relief le vice fondamental qui entache l’ensemble du raisonnement.
30. En deuxième lieu, les conséquences que la Cour tire de la position qu’elle adopte, en termes
de responsabilité internationale, ne sont pas celles qu’elle aurait tirées si elle avait adopté une analyse
juridiquement correcte du fait illicite.
Lorsqu’une puissance occupante annexe, de facto (implicitement) ou de jure (explicitement),
le territoire occupé, il en résulte une situation illicite qui doit prendre fin, puisqu’elle présente un
caractère continu, en vertu des règles du droit de la responsabilité internationale. Cela signifie que la
puissance occupante doit mettre fin à l’annexion et en annuler tous les effets. Elle demeure tenue de
respecter en tous points ses obligations résultant du régime juridique de l’occupation, qui, en droit,
n’a pas cessé d’être applicable.
Au lieu de cela, l’avis, définissant à tort le fait illicite non comme l’annexion mais comme
l’occupation elle-même, conclut que c’est à la présence israélienne dans le Territoire occupé qu’il
faut mettre fin « dans les plus brefs délais » (par. 267). À partir de prémisses erronées, la Cour ne
peut aboutir qu’à une conclusion fausse, à laquelle nous ne pouvons pas adhérer.
Le fait que l’avis, probablement pour échapper à une critique juridique trop directe quant à la
conclusion selon laquelle l’occupation elle-même est devenue illégale, emploie une terminologie
différente se référant à l’illégalité de la « présence continue » d’Israël dans le Territoire palestinien
occupé « en tant que puissance occupante » ne saurait atténuer le caractère erroné de cette conclusion.
L’« occupation » et la « présence continue » d’un État dans un territoire qui n’est pas le sien « en
tant que puissance occupante » sont des notions parfaitement identiques.
31. En troisième lieu, étant donné le rôle central que joue le concept d’annexion dans le
raisonnement de l’avis, il est surprenant et regrettable que la Cour n’ait pas cherché à mieux clarifier
la terminologie en distinguant entre les différents termes employés. L’avis affirme parfois qu’Israël
a procédé à l’« annexion » de larges parties de la Cisjordanie et Jérusalem-Est (par. 173) ; il qualifie
parfois cette annexion de « progressive » (par. 252) ; il reprend parfois la distinction entre annexion
de jure et annexion de facto. Cette dernière distinction est à notre avis source de confusion. Les deux
types d’annexion impliquent un contrôle effectif du territoire, mais ils diffèrent par la manière dont
l’État exprime son intention de détenir le territoire de manière permanente. L’annexion de jure
implique une déclaration formelle de l’État selon laquelle il revendique une souveraineté permanente
sur un territoire qu’il a occupé par la force. L’annexion de facto, en revanche, n’est pas accompagnée
d’une déclaration explicite de souveraineté sur le territoire annexé, l’intention d’exercer une
souveraineté permanente étant plutôt déduite de la situation sur le terrain. Cela signifie que,
essentiellement, une annexion de facto est une annexion implicite ou informelle par opposition à
l’annexion explicite et formelle qu’est l’annexion de jure. Mais toutes deux visent à produire des
effets juridiques. La Cour, dans le présent avis, aurait pu clarifier la terminologie, notamment parce
que sans une telle clarification un autre terme, celui d’annexion « progressive » ou « rampante », ne
peut être correctement défini. Malheureusement, l’avis (par. 160) ne clarifie pas suffisamment la
distinction entre ces types d’annexion et se borne à affirmer que les annexions de jure et de facto
partagent toutes deux le même objectif d’affirmation d’un contrôle permanent sur le territoire occupé.
32. Enfin, à titre subsidiaire, nous sommes d’avis que même si la Cour avait été interrogée par
l’Assemblée générale sur la question de la légalité de l’occupation (ce qui n’est pas le cas) et si, en
conséquence, elle avait été tenue d’aborder la question, il lui aurait été impossible de conclure dans
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le sens de l’illégalité. Les informations dont dispose la Cour et le droit qu’elle est tenue d’appliquer
ne pourraient fonder une telle conclusion, pour plusieurs raisons.
33. La légalité ab initio d’une situation d’occupation militaire dépend essentiellement de la
question de savoir si l’action militaire qui est à l’origine de l’occupation peut être considérée comme
licite ou illicite au regard du jus ad bellum. Mais la Cour n’a pas reçu d’informations suffisantes pour
être en mesure de se prononcer, sur un fondement objectif, à propos des responsabilités respectives
des différentes parties impliquées dans le conflit armé de 1967. Elle n’est donc pas en mesure
d’apprécier la licéité du recours à la force par Israël qui est à l’origine directe de l’état d’occupation
qui est en cause dans la présente affaire. Apprécier la licéité de ce recours à la force, dans le contexte
particulier des événements qui ont précédé le déclenchement du conflit, impliquerait de se prononcer
sur des questions complexes de fait et de droit. Cela ne pourrait se faire que sur la base d’informations
complètes que la Cour ne possède pas et d’un débat contradictoire qui n’a pas eu lieu.
C’est donc à juste titre que l’avis s’abstient de prendre parti sur la question de la licéité du
recours à la force par Israël en 1967. En conséquence, il n’est pas possible d’affirmer que l’état
d’occupation est illicite ab initio, c’est-à-dire depuis juin 1967.
34. Évidemment, il n’est pas impossible que même si une occupation est initialement licite,
elle cesse de l’être à partir d’un certain moment.
35. Toutefois, le simple écoulement du temps ne suffit pas à rendre une occupation illicite,
quelle que soit la durée de celle-ci. Il est évident que l’occupation est par nature une situation
provisoire, qui est appelée à prendre fin à un moment ou à un autre. Mais le droit international ne
fixe aucune durée au-delà de laquelle une occupation deviendrait ipso facto illicite. Tout dépend des
circonstances. Il est clair qu’une durée de cinquante-sept ans est d’une longueur exceptionnelle, ayant
peu d’équivalents historiques. Mais cela ne suffit pas : cette durée doit être mise en rapport avec le
caractère exceptionnellement complexe de l’histoire du conflit israélo-palestinien et des nombreuses
tentatives successives de règlement dont l’échec n’est pas imputable à une seule partie.
36. En réalité, la question pertinente est de savoir si la puissance occupante Israël
pourrait aujourd’hui se retirer entièrement des territoires occupés, « dans les plus brefs délais », en
l’absence de garantie, sans que sa sécurité soit exposée à des menaces substantielles. Dans le contexte
actuel, il nous paraît bien difficile de répondre à cette question par l’affirmative. Le retrait complet
d’Israël des territoires occupés et la réalisation du droit à l’autodétermination du peuple palestinien
sont intrinsèquement liés au droit d’Israël (et de la Palestine) à la sécurité. Le mouvement Hamas,
qui a pris le contrôle et commencé à administrer la bande de Gaza peu de temps après le retrait
terrestre des forces d’occupation, et qui se présente comme un concurrent de l’Autorité palestinienne
pour la direction politique des Palestiniens dans l’ensemble du Territoire palestinien occupé, dénie
la légitimité même de l’existence de l’État d’Israël. Il s’oppose à une solution fondée sur la
coexistence de deux États. À cet égard, le fait que « l’existence du droit du peuple palestinien à
l’autodétermination ne saurait être soumis à conditions par la puissance occupante, étant donné qu’il
s’agit d’un droit inaliénable » (par. 257) ne peut limiter le droit à la sécurité d’Israël. Ce droit fait
partie intégrante du droit fondamental à « vivre en paix et dans la sécurité » (voir Conséquences
juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 2004 (I), p. 183, par. 118) ou « à la survie » (voir Licéité de la menace ou de l’emploi
d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 263, par. 96), en d’autres termes, de
la souveraineté.
37. Toutes les considérations qui précèdent sont ignorées par l’avis. Celui-ci repose sur l’idée
implicite qu’Israël n’a pas de préoccupations sérieuses en matière de sécurité, ou que de telles
- 9 -
préoccupations, si elles existent, ne sont pas pertinentes. Nous ne sommes pas d’accord. Sans
diminuer en rien les responsabilités d’Israël dans l’impasse actuelle ou nier le caractère illicite de
nombreux aspects de sa politique dans le Territoire palestinien occupé et de son refus de respecter
les droits du peuple palestinien et des Palestiniens, nous pensons qu’il est simplement juste de
reconnaître aussi que cet État fait face à des menaces graves pour sa sécurité, et que la persistance de
ces menaces pourrait justifier le maintien d’un certain degré de contrôle dans le territoire occupé,
jusqu’à la fourniture de garanties suffisantes de sécurité qui font défaut à l’heure actuelle. On voit
mal comment de telles garanties pourraient être données en dehors de la conclusion d’un règlement
d’ensemble, dont Israéliens et Palestiniens se sont d’ailleurs approchés à certains moments de leur
histoire conflictuelle.
38. Il est regrettable que l’avis, au lieu de tenir compte des droits et des intérêts légitimes de
toutes les parties en cause, ait préféré présenter les faits de manière incomplète et unilatérale, en
faisant un parallèle implicite entre le conflit israélo-palestinien et deux situations à propos desquelles
la Cour a été précédemment sollicitée pour un avis consultatif, celles de la Namibie et des Chagos,
dont pourtant il se distingue radicalement.
39. En outre, l’examen de la licéité de l’occupation, pour être conduit complètement, aurait dû
aussi englober la prise en compte de deux éléments essentiels : les accords d’Oslo et les résolutions
pertinentes adoptées par le Conseil de sécurité de 1967 à l’heure actuelle, qui produisent à cet égard
des effets significatifs.
Ces documents, et leurs conséquences juridiques, seront examinés dans la partie suivante de
la présente opinion.
IV. LES EFFETS JURIDIQUES DES ACCORDS D’OSLO ET DES RÉSOLUTIONS
PERTINENTES DU CONSEIL DE SÉCURITÉ
40. Nous sommes d’avis que l’impact juridique des accords d’Oslo
1
et des résolutions
pertinentes du Conseil de sécurité aurait dû être pris dûment en compte dans le présent avis. Les
effets juridiques combinés des accords d’Oslo et des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité
concernent non seulement Israël et la Palestine, mais aussi les organes des Nations Unies impliqués
dans le processus de paix au Moyen-Orient, ainsi que l’ensemble de la communauté internationale.
41. Il est en effet frappant que l’avis ignore ces sources juridiques importantes, qui sont très
sélectivement citées et prises en compte et, en particulier, leurs effets juridiques significatifs pour
une analyse correcte de la licéité de l’occupation, des responsabilités et obligations d’Israël et de la
Palestine, ainsi que pour le bon déroulement futur des négociations devant aboutir à la solution à
deux États, « où deux États démocratiques, Israël et la Palestine, vivent côte à côte en paix, à
1
Accord d’Oslo I (déclaration de principes sur des arrangements intérimaires d’autonomie, signée le 13 septembre
1993 à Washington D.C., entre l’État d’Israël et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) en présence du président
de l’OLP, le premier ministre israélien, et le président des États-Unis, par le représentant de l’OLP, le ministre des affaires
étrangères israélien, le secrétaire d’État américain et le ministre des affaires étrangères russe) et accord d’Oslo II (accord
intérimaire israélo-palestinien sur la Rive occidentale et la bande de Gaza, signé à Taba, péninsule du Sinaï, Égypte, par
Israël et l’OLP le 24 septembre 1995 et le 28 septembre 1995 par le premier ministre israélien et président de l’OLP, en
présence du président des États-Unis ainsi que des représentants de la Russie, l’Égypte, la Jordanie, la Norvège, et l’Union
européenne à Washington D.C.).
- 10 -
l’intérieur de frontières sûres et reconnues, conformément au droit international et aux résolutions
pertinentes des organes de l’ONU » (résolution 2735 (2024) du Conseil de sécurité, par. 6)
2
.
42. En réalité, une interprétation correcte de la combinaison des accords d’Oslo et des
résolutions pertinentes du Conseil de sécurité révèle clairement leurs effets juridiques, dont la validité
perdure à ce jour. Ces effets juridiques concernent le lien étroit entre, d’une part, l’ensemble
indissociable (qu’on appellera ci-après le « paquet ») que forment le droit à l’autodétermination et le
droit à la sécurité (ces deux droits étant intrinsèquement liés) et, d’autre part, 1) la licéité de
l’occupation, ainsi que 2) la façon dont le paquet susmentionné doit être intégré dans le cadre de
négociation convenu entre Israël et la Palestine et sanctionné par les résolutions du Conseil de
sécurité pertinentes. Bien entendu, ces effets juridiques affectent les obligations d’Israël et de la
Palestine en ce qui concerne la licéité de l’occupation et la mise en œuvre des paramètres établis dans
le cadre de négociation.
43. Ainsi, il est regrettable que l’avis ait écarté les accords d’Oslo comme étant quasiment sans
pertinence. Cette approche est erronée pour plusieurs raisons. Premièrement, les accords d’Oslo, dont
la pertinence a été soulignée par de nombreux participants à cette procédure, sont les principaux
instruments régissant la relation israélo-palestinienne. Ils n’ont pas cessé d’être en vigueur.
Deuxièmement, d’un point de vue juridique, les deux accords d’Oslo, en particulier Oslo II,
continuent à être applicables à presque tous les aspects de la vie quotidienne en Palestine, et ils ont
vocation à régir la relation multidimensionnelle entre Israël et la Palestine. Malgré leur vocation
initiale temporaire, ces accords ont créé un certain sentiment de stabilité. Cette stabilité fondée sur
l’existence de règles claires en vigueur pourrait expliquer pourquoi aucune des parties n’a dénoncé
ces accords.
44. Mais surtout, les accords d’Oslo de 1993 et 1995 ont formellement adopté, entre Israël et
la Palestine, le « paquet » « droit à l’autodétermination droit à la sécurité », en se fondant sur les
résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité. Celui-ci a un effet direct sur les
conditions pour mettre fin à l’occupation du Territoire palestinien occupé, ainsi que le cadre de
négociation pour parvenir à la « solution à deux États » — solution qui elle-même représentera la fin
de l’occupation. En effet, l’occupation étant par nature temporaire, la Puissance occupante a
l’obligation de mettre fin à l’occupation dès qu’elle cesse d’être nécessaire pour assurer sa sécurité.
L’avis ne comporte pas un tel raisonnement.
45. Ainsi, Oslo I est le premier instrument international dans lequel Israël reconnaît l’existence
du peuple palestinien (Oslo I, paragraphe du préambule). Il reconnaît également les « droits légitimes
et politiques mutuels » des deux parties, qui s’efforcent de « vivre dans la coexistence pacifique et la
dignité et la sécurité mutuelles et de parvenir à un règlement de paix juste, durable et global » (ibid.).
Il prévoit également que pendant une période transitoire les deux parties entameront des négociations
« en vue d’un règlement permanent fondé sur les résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de
sécurité ». L’article premier (Objet des négociations) réitère la référence aux deux résolutions du
Conseil de sécurité :
2
La « solution à deux États » a été mentionnée au moins 204 fois dans les exposés écrits et oraux des participants,
par au moins 47 des 59 participants. Une grande majorité des participants (au moins 34) s’est exprimée en faveur d’une
solution à deux États négociée.
- 11 -
« Il est entendu que les arrangements intérimaires font partie intégrante de
l’ensemble du processus de paix et que les négociations sur le statut permanent
aboutiront à l’application des résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de
sécurité. » (Oslo I, article premier.)
La référence aux deux résolutions, en particulier la résolution 242 (1967), est tout à fait
pertinente puisqu’elle mentionne le « droit de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et
reconnues à l’abri de menaces ou d’actes de force ». Les termes « frontières … reconnues » doivent
être interprétés comme faisant référence à la définition territoriale de l’État palestinien telle qu’elle
résultera des négociations sur le statut permanent, tandis que le terme « frontières sûres » doit être
interprété comme faisant référence au droit à la sécurité d’Israël et au droit à la sécurité de l’État
palestinien.
46. En d’autres termes, le règlement permanent de paix fondé sur la solution à deux États est
directement lié au droit à la sécurité : les frontières qui définiront le territoire des deux États, y
compris de l’État palestinien, sont liés au fait que la sécurité des deux États, Israël et la Palestine,
soit assurée. L’article V (Période de transition et négociations sur le statut permanent) d’Oslo I
mentionne également les questions importantes devant être couvertes par les négociations:
Jérusalem, les réfugiés palestiniens, les colonies, les arrangements en matière de sécurité, les
frontières et autres questions (voir aussi le procès-verbal d’Oslo I, l’article IV 2)), réitérant ainsi le
lien entre les principaux éléments du statut permanent : le droit à l’autodétermination (dont la
réalisation dépend de l’issue des négociations sur, entre autres, le territoire, les frontières, les
colonies) et le droit à la sécurité.
47. Oslo II reprend les éléments susmentionnés, en particulier la référence à la volonté des
parties de vivre dans un climat de coexistence pacifique, de respect et de sécurité mutuels, la
reconnaissance mutuelle des droits légitimes et politiques, la référence au règlement permanent fondé
sur les résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité, et le lien déjà mentionné entre le
droit à l’autodétermination et le droit à la sécurité.
48. Le droit à la sécurité d’Israël, mais aussi celui de la Palestine, qui constituent le deuxième
volet du « paquet » susmentionné, avec le droit à l’autodétermination, l’un et l’autre étant les
principaux éléments de la « solution à deux États », est d’une grande importance. Il est regrettable
que ce droit à la sécurité ait été presque complètement omis dans cet avis.
49. Nous ne considérons pas que le « paquet » « droit à l’autodétermination — droit à la
sécurité » se réfère exclusivement au droit à la sécurité d’Israël. La résolution 242 (1967) énonce que
pour instaurer une paix juste et durable au Moyen-Orient, les parties concernées doivent respecter et
reconnaître « la souveraineté, … l’intégrité territoriale et … l’indépendance politique de chaque État
dans la région et … leur droit de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues à l’abri
de menaces ou d’actes de force ». Ce lien entre le résultat du processus de paix au Moyen-Orient et
le droit à la sécurité de tous les États de la région (la formule n’étant pas limitée aux États qui
existaient au moment de l’adoption de la résolution, mais s’appliquant également aux futurs États, y
compris l’État palestinien) est fondamental.
50. L’obligation de mettre en œuvre la résolution 242 (1967) « dans toutes ses parties » est
réaffirmée dans la résolution 338 (1973) du Conseil de sécurité et à plusieurs reprises après celle-ci.
Par exemple, la résolution 1515 (2003) « [a]pprouve la Feuille de route axée sur les résultats en vue
d’un règlement permanent du conflit israélo-palestinien prévoyant deux États, établie par le
Quatuor » et « [d]emande aux parties de s’acquitter des obligations qui leur incombent en vertu de
- 12 -
la Feuille de route, … et de concrétiser la vision de deux États vivant côte à côte dans la paix et la
sécurité ». Elle adopte une approche équilibrée en « [e]xigeant de nouveau la cessation immédiate
de tous les actes de violence, y compris tous les actes de terrorisme et toutes provocations, incitations
et destruction », en « [s]e déclarant de nouveau attaché à la vision d’une région dans laquelle deux
États, Israël et la Palestine, vivent côte à côte, à l’intérieur de frontières sûres et reconnues »,
rappelant ainsi le « paquet » « droit à l’autodétermination — droit à la sécurité (des deux parties) ».
La résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016 réaffirme à son tour les résolutions 242 (1967), 338
(1973) (et résolutions subséquentes) et
« [p]réconise vivement … l’intensification et l’accélération des efforts diplomatiques
entrepris et de l’appui apporté aux niveaux international et régional en vue de parvenir
sans tarder à une paix globale, juste et durable au Moyen-Orient, sur la base des
résolutions pertinentes de l’Organisation des Nations Unies, du mandat de la conférence
de Madrid, y compris le principe de l’échange de territoires contre la paix ».
Ce dernier principe représente une autre expression du « paquet » « droit à
l’autodétermination — droit à la sécurité ». La plus récente résolution du Conseil de sécurité, la
résolution 2735 (2024), a également réaffirmé
« son attachement sans faille à la vision de la solution à deux États où deux États
démocratiques, Israël et la Palestine, vivent côte à côte en paix, à l’intérieur de frontières
sûres et reconnues, conformément au droit international et aux résolutions pertinentes
des organes de l’ONU»,
réitérant ainsi le « paquet » susmentionné.
51. Il est important de rappeler que ce ne sont pas seulement les résolutions adoptées en vertu
du chapitre VII de la Charte des Nations Unies qui ont un effet contraignant. Comme la Cour l’a
expliqué dans l’avis consultatif sur la Namibie, il faut soigneusement analyser le libellé d’une
résolution avant de pouvoir tirer une conclusion quant à son effet contraignant (Conséquences
juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 1971, p. 53, par. 114). Concernant le processus de paix au Moyen-Orient, le Conseil de
sécurité, dans l’exercice de sa responsabilité principale en matière de maintien de la paix et de la
sécurité internationales en vertu de l’article 24 de la Charte, a adopté de nombreuses résolutions
pertinentes, dont certaines sont citées ci-dessus. L’analyse de ces résolutions révèle, selon nous,
qu’elles ne sont pas seulement déclaratoires, mais obligatoires et juridiquement contraignantes en ce
qui concerne les principes qu’elles réaffirment de manière constante sur ce sujet. Nous regrettons
que le présent avis ait choisi d’ignorer leur pertinence et leur valeur.
52. Malheureusement, dans cet avis, la Cour ignore aussi ses propres constatations dans l’avis
sur le Mur. Le paragraphe 118 de cet avis reconnaît en effet la relation d’interdépendance intrinsèque
entre le droit à l’autodétermination et le droit à la sécurité : il indique en substance que l’existence
du peuple palestinien « a été reconnue par Israël dans l’échange de lettres intervenu le 9 septembre
1993 entre M. Yasser Arafat, président de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), et
M. Yitzhak Rabin, premier ministre d’Israël » tandis que, dans la même correspondance, « le
président de l’OLP reconnaissait “le droit d’Israël à vivre en paix et dans la sécurité” », en d’autres
termes, le droit d’Israël à la sécurité. L’avis consultatif sur le Mur, dans le même paragraphe 118,
faisant référence aux multiples dispositions d’Oslo II concernant les « droits légitimes », considère
que « parmi ces droits figure le droit à l’autodétermination ». Dans un autre paragraphe de l’avis sur
le Mur (par. 162), la Cour relève également que « seule la mise en œuvre de bonne foi de toutes les
résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, en particulier les résolutions 242 (1967) et 338 (1973),
est susceptible de mettre un terme à cette situation tragique », et fait référence à la « feuille de route »
- 13 -
approuvée par la résolution 1515 (2003) du Conseil de sécurité en vue de parvenir à la solution à
deux États. Ce faisant, la Cour a également sanctionné le cadre de négociation défini dans les
résolutions du Conseil de sécurité susmentionnées.
53. Le présent avis néglige non seulement ces passages de l’avis sur le Mur, mais aussi la
résolution 77/247 du 30 décembre 2022 de l’Assemblée générale, dans laquelle figure la demande
du présent avis, qui constitue ainsi son fondement juridique et qui se réfère de manière détaillée au
« paquet » et au cadre de négociation évoqué ci-dessus. Ainsi, cette résolution a rappelé « les
résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et [a] soulign[é] la nécessité de les appliquer ». Elle a
également souligné
« qu’il faut de toute urgence … rétablir un horizon politique qui permette de faire
avancer et d’accélérer des négociations constructives visant à conclure un accord de
paix qui mettra totalement fin à l’occupation israélienne commencée en 1967 et à
résoudre, sans exception, toutes les questions fondamentales relatives au statut final afin
de parvenir à un règlement pacifique, juste, durable et global de la question de
Palestine ».
Elle a également relevé que
« les accords israélo-palestiniens conclus dans le cadre du processus de paix au MoyenOrient,
y
compris
les
accords
de
Charm
el-Cheikh,
doivent
être
pleinement
respectés
et
que
la
feuille
de
route
du
Quatuor
en
vue
d’un
règlement
permanent
du
conflit
israélopalestinien
prévoyant
deux
États
doit
être
mise
en
œuvre
».
Enfin, la résolution 77/247 réitère « qu’il importe que toutes les parties appliquent
intégralement la résolution 1860 (2009) du Conseil de sécurité » qui elle-même demande
« de redoubler sans plus attendre d’efforts afin de parvenir à une paix globale fondée
sur l’ambition d’une région où deux États démocratiques, Israël et la Palestine, vivent
côte à côte, en paix, à l’intérieur de frontières sûres et reconnues, comme il l’a envisagé
dans sa résolution 1850 (2008) ».
54. Le présent avis ignore aussi le fait que, en dépit des périodes de violence et des allégations
de chaque partie selon lesquelles l’autre partie aurait manqué à ses engagements, ni Israël, ni la
Palestine, ni l’Assemblée générale, ni le Conseil de sécurité n’ont abandonné le précepte central
selon lequel la négociation directe fondée sur le principe de « l’échange de territoires contre la paix »
est la voie vers une paix globale, juste et durable et vers la sécurité.
55. Un autre élément important mais ignoré par l’avis est l’impact juridique de l’accord auquel
les parties aux accords d’Oslo étaient parvenues au sujet des colonies du Territoire palestinien
occupé. Les « implantations » dans Oslo II incluent les « implantations [les colonies] dans la
zone C » (Oslo II, article XII 5)). Les parties aux accords d’Oslo sont convenues qu’« [a]ucune des
deux parties n’entreprendra[it] ni ne prendra[it] de mesure à même de modifier le statut de la
Cisjordanie et de la bande de Gaza avant que les négociations sur le statut permanent n’aboutissent »
(Oslo II, article XXXI 7)). Nous sommes d’avis que cette obligation d’Israël de ne pas modifier le
statut de la Cisjordanie implique que toutes les nouvelles colonies créées dans la zone C et ailleurs
(s’il en existe) après 1995 (l’année de la conclusion d’Oslo II) sont également en violation de cet
accord.
- 14 -
56. Après avoir soigneusement analysé la situation factuelle et juridique, nous sommes
convaincus que les colonies construites après 1995 et certaines mesures associées, telles que
l’expulsion de la population palestinienne locale ou l’imposition de la législation interne d’Israël au
territoire occupé, indiquent une intention d’annexer le territoire comprenant ces colonies de la
zone C, mais pas la Cisjordanie entière. Malheureusement, l’avis ne fait pas de telles distinctions,
qui auraient été nécessaires.
57. Avant de conclure cette partie, nous soulignons que l’avis a négligé d’analyser certaines
dispositions des accords d’Oslo qui sont pertinentes pour une analyse complète sur la légalité de
l’occupation. Par exemple, l’avis ne contient aucune analyse du droit d’Israël à la sécurité tel qu’il
est prévu par les accords. Dans Oslo I, il est convenu qu’« Israël conservera[it] la responsabilité de
la défense contre les menaces de l’extérieur ainsi que la responsabilité de la sécurité globale des
Israéliens de manière à sauvegarder leur sécurité interne et l’ordre public » (Oslo I, article VIII ; voir
aussi l’annexe II du procès-verbal d’Oslo I). Dans Oslo II, les parties sont convenues, entre autres,
de « [prendre] toutes les mesures nécessaires pour prévenir les actes de terrorisme, les délits et les
hostilités visant l’autre partie et les particuliers placés sous son autorité et leurs biens et [de prendre]
des mesures judiciaires à l’endroit des coupables » (Oslo II, article XV 1)). Elles stipulent également
que les parties
« adopteront des mesures pour assurer la gestion immédiate, efficiente et efficace de
tout incident qui concernerait une menace ou un acte de terrorisme, de violence ou
d’incitation, qu’il soit commis par des Palestiniens ou des Israéliens. Pour ce faire, elles
coopéreront dans l’échange d’information et coordonneront leurs stratégies et activités.
Chaque partie réagira de manière immédiate et efficace aux incidents ou incidents
anticipés d’acte de terrorisme, de violence, ou d’incitation et prendront toutes les
mesures nécessaires pour prévenir ces incidents. » (Oslo II, annexe I, article II 2).)
Par ailleurs, l’article XIII 2) a) d’Oslo II contient une disposition soulignant l’importance du
droit d’Israël à la sécurité : « Israël assumera la responsabilité absolue de la sécurité pour ce qui est
de protéger les Israéliens et de faire face aux menaces terroristes ».
58. Bien entendu, nous sommes d’avis que les dispositions des accords d’Oslo, librement
acceptées par les parties, ne peuvent être interprétées comme dérogeant aux règles du droit
international humanitaire ou du droit international des droits de l’homme. Ces dispositions ne
permettent pas non plus à Israël de revendiquer le respect de certains de ses droits en l’absence du
respect par lui-même de ses propres obligations énoncées dans ces accords.
59. Nous considérons que les éléments susmentionnés sont particulièrement importants car cet
avis ne concerne pas, comme c’était le cas dans l’avis sur le Mur, « un [seul] aspect du conflit
israélo-palestinien » (Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire
palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 160, par. 54), mais de nombreux
aspects d’une portée bien plus vaste qui font partie de ce que la Cour a caractérisé dans l’avis sur le
Mur comme l’« ensemble » (ibid.). La Cour, dans l’avis sur le Mur, a indiqué qu’elle devrait prendre
cet « ensemble » « soigneusement en considération … dans tout avis qu’elle pourrait rendre » (ibid.).
Malheureusement, ce n’est pas ce que fait le présent avis.
V. CONCLUSION
60. Sur la base de l’analyse qui précède, nous devons exprimer notre profond regret que cet
avis consultatif n’ait pas pris en compte et approfondi les questions juridiques pressantes discutées
ci-dessus.
- 15 -
Ainsi, sur la licéité de l’occupation, la Cour aurait dû répondre que les « politiques et pratiques
d’Israël » dans le Territoire palestinien occupé n’affectent pas le « statut juridique de l’occupation »,
comme expliqué ci-dessus. Une telle réponse, que nous considérons être la seule réponse correcte en
droit, aurait évité à la Cour de prendre position sur la licéité de l’occupation en tant que telle, une
question sur laquelle on ne lui avait pas demandé de se prononcer. Néanmoins, puisque la Cour a
pris position sur ce sujet, elle aurait dû le faire correctement en tenant compte de tous les paramètres
pertinents, ce qu’elle n’a pas fait.
À cet égard, une analyse juridique solide aurait obligé la Cour à prendre en compte les accords
d’Oslo, les droits d’Israël et de la Palestine à la sécurité et les résolutions pertinentes du Conseil de
sécurité, ainsi que l’interdépendance entre le droit à l’autodétermination et le droit à la sécurité, ce
qui aurait permis à la Cour de contribuer pleinement au processus de paix au Moyen-Orient,
conformément à ses fonctions d’interprétation et d’application du droit international à l’ensemble
complexe de circonstances en cause. Malheureusement, l’avis consultatif a préféré procéder à une
analyse plus étroite et a abouti à des conclusions qui ne reposent pas sur un fondement valide en droit
international.
61. La Cour aurait ainsi pu élaborer un avis plus complet, équilibré et nuancé qui aurait été
davantage bénéfique à de futures négociations de paix israélo-palestiniennes, et qui aurait ainsi
représenté une avancée et un outil efficace permettant à Israël et à la Palestine de reprendre les
négociations sur la mise en œuvre de la solution à deux États et pour que les deux États parviennent
à vivre côte à côte dans la paix et la sécurité. De cette façon, cet avis consultatif aurait pu servir de
repère au Conseil de sécurité et à l’Assemblée générale, qui ont la responsabilité directe de soutenir
les efforts d’Israël et de la Palestine pour trouver une solution pacifique et durable.
62. Il est donc regrettable que la Cour n’ait pas discuté et établi, parallèlement aux conclusions
(que nous soutenons) relatives aux violations du droit international par Israël (y compris l’entrave à
l’exercice du droit à l’autodétermination du peuple palestinien) et aux responsabilités et obligations
qui en découlent, les responsabilités et obligations de la Palestine découlant de l’interdépendance
intrinsèque entre le droit à l’autodétermination du peuple palestinien et les droits à la sécurité d’Israël
et de la Palestine, ainsi que du cadre de négociation. De même qu’Israël doit respecter et faciliter
l’exercice du droit à l’autodétermination du peuple palestinien et du droit à la sécurité de l’État
palestinien, la Palestine doit respecter le droit à la sécurité d’Israël, offrir des garanties pour sa mise
en œuvre et coopérer avec Israël à cette fin. L’interdépendance intrinsèque de ces deux droits (à
l’autodétermination et à la sécurité), telle qu’elle résulte des accords d’Oslo et des résolutions
pertinentes du Conseil de sécurité fait de leur mise en œuvre simultanée une obligation juridique.
63. Il est également regrettable que l’avis n’indique pas qu’Israël et la Palestine ont l’obligation
de reprendre sans délai les négociations directes sur le statut permanent menant à la solution à deux
États, sur la base du cadre de négociation défini par les accords d’Oslo et les résolutions pertinentes
du Conseil de sécurité. Il est également déplorable que l’avis n’ait pas signalé au Conseil de sécurité
et à l’Assemblée générale la nécessité d’intensifier les efforts pour parvenir le plus rapidement
possible, sur la base du droit international, à une solution négociée aux problèmes en suspens et donc
à la création d’un État palestinien, dans le but d’atteindre l’objectif des deux États démocratiques,
Israël et la Palestine, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité, à l’intérieur de frontières sûres et
reconnues. Nous regrettons également que l’avis n’ait pas encouragé tous les États à soutenir Israël,
la Palestine, et les Nations Unies dans la poursuite des objectifs mentionnés ci-dessus, qui incluent
la pleine réalisation du droit du peuple palestinien à l’autodétermination.
- 16 -
64. Nous sommes donc préoccupés par le fait que cet avis ne servira guère l’objectif de réaliser
la « solution à deux États » qui permettrait la coexistence pacifique entre les peuples israélien et
palestinien.
(Signé) Peter TOMKA.
(Signé) Ronny ABRAHAM.
(Signé) Bogdan-Lucian AURESCU.
___________
Opinion commune de MM. les juges Tomka, Abraham et Aurescu