Exposé écrit des Maldives

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186-20230725-WRI-09-00-EN
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
18847
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
CONSÉQUENCES JURIDIQUES DÉCOULANT DES POLITIQUES ET PRATIQUES D’ISRAËL DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ, Y COMPRIS JÉRUSALEM-EST (REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF)
EXPOSÉ ÉCRIT DE LA RÉPUBLIQUE DES MALDIVES
25 juillet 2023
[Traduction du Greffe]
TABLE DES MATIÈRES
Page
Introduction .................................................................................................................................. 1
1. La compétence de la Cour pour répondre à la requête et son pouvoir discrétionnaire de décider d’exercer ou non cette compétence............................................................................. 2
2. La position des Maldives ............................................................................................................. 3
3. Usage illicite de la force par Israël contre le TPO ayant conduit à une annexion de facto .......... 4
a) Aperçu des principes juridiques applicables ........................................................................... 4
b) Application aux questions posées à la Cour ............................................................................ 5
4. Violation par Israël de la règle de droit international humanitaire voulant qu’une occupation soit obligatoirement provisoire .................................................................................................... 7
a) Aperçu des principes juridiques applicables ........................................................................... 7
b) Application aux questions posées à la Cour ............................................................................ 8
5. Le maintien de l’occupation israélienne est une violation du droit du peuple palestinien à l’autodétermination ................................................................................................................... 9
a) Aperçu des principes juridiques applicables ........................................................................... 9
b) Application aux questions posées à la Cour .......................................................................... 10
6. Violations par Israël du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme dans son administration du TPO, notamment en matière d’accès à l’eau .............. 11
a) Aperçu des principes juridiques applicables ......................................................................... 11
b) Application aux questions posées à la Cour .......................................................................... 11
Violations par Israël du droit international s’agissant des ressources en eau du TPO et du droit des Palestiniens à l’eau potable ........................................................... 12
7. Conséquences juridiques ............................................................................................................ 17
a) Aperçu des principes juridiques applicables ......................................................................... 17
b) Application aux questions posées à la Cour .......................................................................... 18
Conclusion....................................................................................................................................... 19
___________
Introduction
1. Le 30 décembre 2022, l’Assemblée générale des Nations Unies (ci-après l’« Assemblée générale ») a adopté la résolution A/RES/77/247 demandant à la Cour internationale de Justice (ci-après « la Cour ») de donner un avis consultatif sur les questions suivantes (ci-après « la requête ») :
« compte tenu des règles et principes du droit international, dont la Charte des Nations Unies, le droit international humanitaire, le droit international des droits de l’homme, les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et du Conseil des droits de l’homme et les siennes propres, et l’avis consultatif donné par la Cour le 9 juillet 2004 :
a) Quelles sont les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et de son annexion prolongées du territoire palestinien occupé depuis 1967, notamment des mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem, et de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires connexes ?
b) Quelle incidence les politiques et pratiques d’Israël visées au paragraphe 18 a) ci-dessus ont-elles sur le statut juridique de l’occupation et quelles sont les conséquences juridiques qui en découlent pour tous les États et l’Organisation des Nations Unies ? »
2. Par lettre en date du 19 janvier 2023, le greffier a notifié la requête aux Maldives, conformément au paragraphe 1 de l’article 66 du Statut de la Cour (ci-après le « Statut »). Par ordonnance du 3 février 2023, la Cour a fixé au 25 juillet 2023 la date d’expiration du délai dans lequel des exposés écrits sur les questions énoncées dans la requête pourront lui être présentés, en application du paragraphe 2 de l’article 66 de son Statut. Conformément à cette ordonnance, les Maldives soumettent le présent exposé écrit, qui traitera des points suivants (l’accent étant mis, en particulier, sur la question des ressources hydriques dans le Territoire palestinien occupé (ci-après le « TPO ») :
a) la Cour a compétence pour répondre à la requête et il n’existe aucune raison, a fortiori décisive, pourquoi elle ne devrait pas exercer cette compétence (section 1) ;
b) les Maldives sont depuis longtemps engagées au niveau international sur la question de la Palestine et constatent avec une profonde préoccupation que cette question est encore irrésolue (section 2) ;
c) Israël fait un usage illicite de la force contre le TPO et prend, en violation du droit international, des mesures visant à annexer ce territoire (section 3) ;
d) l’occupation israélienne du TPO enfreint le droit international humanitaire en ce qu’elle n’est pas provisoire et, de fait, Israël n’envisage aucunement d’y mettre fin (section 4) ;
e) le maintien de l’occupation israélienne du TPO est une violation du droit du peuple palestinien à disposer de lui-même (section 5) ;
f) Israël a commis de nombreuses violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme au cours de son administration du TPO (section 6). Dans ce contexte, les Maldives appellent particulièrement l’attention sur les manquements d’Israël aux obligations internationales qui lui incombent en tant que puissance occupante, en ce qui concerne les ressources en eau du TPO. Face à la crise climatique mondiale, l’insécurité hydrique (et, par voie de conséquence, l’insécurité alimentaire) dans le TPO risque de s’aggraver encore. Les Maldives, qui (en raison de leur propre vulnérabilité climatique) multiplient les initiatives sur les questions
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relatives aux changements climatiques, souhaitent saisir cette occasion pour mettre en relief cette source de préoccupations graves et pressantes ; et
g) le comportement illicite d’Israël a des conséquences tant pour cet État lui-même que pour d’autres États (section 7).
1. La compétence de la Cour pour répondre à la requête et son pouvoir discrétionnaire de décider d’exercer ou non cette compétence
3. Lorsque la Cour est saisie d’une demande d’avis consultatif, elle doit commencer par i) déterminer si elle a compétence pour donner l’avis demandé (« la question de la compétence »), et ii) dans l’affirmative, examiner s’il existe une raison décisive pour elle d’exercer son pouvoir discrétionnaire de refuser de répondre à la demande (« la question du pouvoir discrétionnaire »)1.
4. La question de la compétence de la Cour pour rendre un avis consultatif est énoncée comme suit au paragraphe 1 de l’article 65 du Statut : « La Cour peut donner un avis consultatif sur toute question juridique, à la demande de tout organe ou institution qui aura été autorisé par la Charte des Nations Unies ou conformément à ses dispositions à demander cet avis. »
5. L’Assemblée générale est autorisée à formuler une demande d’avis consultatif en vertu du paragraphe 1 de l’article 96 de la Charte des Nations Unies (ci-après la « Charte »), aux termes duquel « [l]’Assemblée générale … peut demander à la Cour internationale de Justice un avis consultatif sur toute question juridique »2.
6. En outre, les questions formulées dans la requête sont indéniablement « juridiques » au sens du paragraphe 1 de l’article 65 du Statut et portent sur l’appréciation des politiques et pratiques d’Israël dans le TPO du point de vue de leur conformité aux règles et principes du droit international et sur les conséquences juridiques qui en découlent.
7. En conséquence, les Maldives considèrent que la Cour est compétente pour donner l’avis demandé.
8. Quant à la question du pouvoir discrétionnaire, les Maldives estiment qu’il n’existe pas de raison décisive pourquoi la Cour devrait, dans l’exercice de ce pouvoir, refuser de répondre aux questions formulées dans la requête. La réponse de la Cour à une demande d’avis consultatif « constitue [sa] participation … à l’action de l’Organisation [des Nations Unies (ONU)] et, en principe, … ne devrait pas être refusée »3. Les Maldives considèrent que la présente requête cadre parfaitement avec la mission qui incombe à la Cour en tant qu’organe judiciaire principal de l’ONU, à savoir donner son avis sur une question revêtant un intérêt particulier pour l’Assemblée générale.
1 Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 111, par. 54, et p. 113, par. 66.
2 Charte des Nations Unies, 24 octobre 1945, Recueil des traités (RTNU), vol. 1, p. XV, art. 96, par. 1.
3 Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 113, par. 65 ; Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 71 ; Différend relatif à l’immunité de juridiction d’un rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 78-79, par. 29 ; Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif (ci-après l’« avis sur le mur »), C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 156, par. 44.
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2. La position des Maldives
9. Les Maldives constatent avec une profonde préoccupation que la question de la Palestine est encore irrésolue, alors que l’ONU et ses États Membres déploient depuis des décennies des efforts pour trouver une solution pacifique, juste et durable. Les droits du peuple palestinien ont été systématiquement bafoués, en violation du droit international et des résolutions des organes de l’ONU. Le Gouvernement et le peuple maldiviens soutiennent fermement et résolument le peuple palestinien. Les Maldives ont appelé sans relâche à l’instauration d’une paix durable grâce à la solution des « deux États » et maintiennent leur soutien indéfectible à l’établissement d’un État palestinien indépendant aux côtés de l’État d’Israël, le long du tracé des frontières d’avant 1967, ayant Jérusalem-Est pour capitale. Elles reconnaissent l’État de Palestine, avec lequel elles ont établi des relations diplomatiques le 4 avril 1982. Elles ont aussi accrédité un ambassadeur non résident auprès de la Palestine et agréé un ambassadeur non résident nommé par la Palestine.
10. Les Maldives ont exprimé leur position sur la scène internationale et s’occupent activement de la question palestinienne depuis de nombreuses années. En particulier, elles ont régulièrement fait des déclarations à ce sujet devant le Conseil de sécurité de l’ONU (ci-après le « Conseil de sécurité »)4 et l’Assemblée générale5. Plus précisément, elles ont fait des déclarations au sein des Grandes Commissions de l’Assemblée générale s’intéressant à divers aspects de la question6. De plus, devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU (ci-après « le CDH »), les Maldives ont inlassablement défendu les droits légitimes et inaliénables du peuple palestinien7. Dans le droit fil de ces prises de position, elles réitèrent leur souhait que le point 7 relatif à la situation des droits de l’homme en Palestine et dans d’autres territoires arabes occupés continue de figurer à l’ordre du jour8.
11. Les Maldives sont convaincues que l’occupation, la colonisation et l’annexion prolongées du territoire palestinien par Israël entraînent de graves violations du droit international, en particulier le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme, et ont d’importantes
4 Voir, par exemple, les contributions apportées par les Maldives au débat ouvert tenu en 2011 au Conseil de sécurité sur la « Situation au Moyen-Orient, y compris la question palestinienne » (doc. S/PV.6636 (Reprise 1), 24 octobre 2011, p. 5), puis faites régulièrement par la suite (voir plus récemment, par exemple, doc. S/PV.9246 (Reprise 1), 18 janvier 2023, p. 13-14).
5 Voir, par exemple, les contributions des Maldives au débat général de l’Assemblée générale en 2008 (doc. A/63/PV.16, 29 septembre 2008, p. 41) et annuellement par la suite.
6 Voir, par exemple, les déclarations à la Deuxième Commission en 2012 (Statement by Ambassador Ahmed Sareer, Chargé d’affairs of the Permanent Mission of the Maldives to the United Nations on Agenda Item 61 — Permanent sovereignty of the Palestinian people in the Occupied Palestinian Territory, including East Jerusalem, and of the Arab population in the Occupied Syrian Golan over their natural resources, 6 novembre 2012, accessible à l’adresse suivante : <http://www.maldivesmission.com/statements/statement_on_palestine_and_occupied_territories_in_the_second_committee_amb_ahmed_sareer>, page consultée le 11 juillet 2023), en 2016 (Statement by the Maldives at the Second Committee under Agenda Item 60 — Permanent Sovereignity of the Palestinian People in the Occupied Palestinian Territory, 25 octobre 2016, accessible à l’adresse suivante : <http://www.maldivesmission.com/index.php/statements/statement_by_the_maldives_ at_the_second_committee_under_agenda_item_60_permanent_sovereignity_of_the_palestinian_people_in_the_occupied_palestinian_territory_25_october_2016>, page consultée le 11 juillet 2023) et en 2019 (Assemblée générale des Nations Unies, point 60 de l’ordre du jour : « Souveraineté permanente du peuple palestinien dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et de la population arabe dans le Golan syrien occupé sur leurs ressources naturelles », doc. A/C.2/74/SR.21, 5 décembre 2019, p. 4).
7 Les Maldives ont contribué régulièrement aux débats généraux pertinents sur le point 7 de l’ordre du jour (« La situation des droits de l’homme en Palestine et dans les autres territoires arabes occupés ») depuis 2011 (voir, par exemple, doc. A/HRC/16/2, 14 novembre 2011, p. 216, par. 769 a) et jusqu’à présent (voir, par exemple, Morning — Human Rights Council Concludes General Debate on the Human Rights Situation in Palestine and Other Occupied Arab Territories, and Begins General Debate on the Vienna Declaration and Programme of Action, 29 mars 2023, accessible à l’adresse suivante : <https://www.ungeneva.org/en/news-media/meeting-summary/2023/03/morning-human-rights-council-concludes-general-debate-human>, consulté le 11 juillet 2023).
8 Le 3 avril 2023, les Maldives ont voté pour l’adoption de la résolution dans laquelle le Conseil de sécurité a affirmé qu’il restait saisi de la question intitulée : « Situation des droits de l’homme dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et obligation de garantir les principes de responsabilité et de justice », doc. A/HRC/RES/52/3, 13 avril 2023.
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conséquences humanitaires. Les violations flagrantes du droit international commises par Israël sont préjudiciables au règlement pacifique du conflit et à l’autodétermination du peuple palestinien. Les Maldives affirment avec force que l’état de droit doit s’appliquer indifféremment à tous les États. Il est crucial que les auteurs de violations flagrantes du droit international, dont le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme, soient tenus responsables de leurs actes.
12. Ces positions résultent de l’attachement sans faille des Maldives au droit international, notamment aux principes de la Charte  à savoir l’égalité souveraine et l’obligation qui incombe à tous les États de s’abstenir de recourir à la menace ou à l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État9.
13. En conséquence, les Maldives, notant avec une profonde inquiétude l’aggravation de la situation dans le TPO, soumettent le présent exposé écrit afin de formuler leurs vues sur les questions soulevées dans la requête.
3. Usage illicite de la force par Israël contre le TPO ayant conduit à une annexion de facto
a) Aperçu des principes juridiques applicables
14. Le paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte dispose que
« [l]es Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies ».
La Cour a qualifié cette interdiction de l’emploi de la force de « pierre angulaire de la Charte des Nations Unies »10. Il est fermement établi dans sa jurisprudence que l’interdiction du recours à la force, telle qu’énoncée dans la Charte, est une règle de droit international coutumier11. En effet, il a été reconnu que cette interdiction a le statut de jus cogens, ce qui signifie qu’il est impossible d’y déroger12.
15. L’interdiction de l’usage de la force a pour corollaire, en droit international, l’illicéité de l’acquisition par un État d’un territoire par la menace ou l’emploi de la force, la Cour ayant déclaré que l’interdiction de l’annexion est une règle de droit international coutumier13. Dans la « Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies », adoptée en 1970, l’Assemblée générale a expressément indiqué ce qui suit :
« Le territoire d’un État ne peut faire l’objet d’une occupation militaire résultant de l’emploi de la force contrairement aux dispositions de la Charte. Le territoire d’un État ne
9 Voir Charte des Nations Unies, art. 2, par. 1 et 4.
10 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 223, par. 148.
11 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 98-101, par. 187-190) ; avis sur le mur, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 171, par. 87.
12 Voir, par exemple, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 100-101, par. 190 (faisant notamment référence aux travaux de la Commission du droit international) ; avis sur le mur, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 254, par. 3.1 (opinion individuelle du juge Elaraby). Voir aussi « Quatrième rapport sur les normes impératives du droit international général (jus cogens) » présenté par Dire Tladi, rapporteur spécial, doc. A/CN.4/727, 31 janvier 2019), par. 60, 64.
13 Avis sur le mur, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 171, par. 87.
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peut faire l’objet d’une acquisition par un autre État à la suite du recours à la menace ou à l’emploi de la force. »
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16. Dans son avis consultatif donné sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (ci-après l’« avis sur le mur »), la Cour a relevé qu’une annexion illicite peut se produire lorsque le comportement d’un État « crée[] sur le terrain un “fait accompli” qui pourrait fort bien devenir permanent », auquel cas « [cela] équivaudrait à une annexion de facto »15.
b) Application aux questions posées à la Cour
17. L’occupation par Israël du TPO s’est établie et s’est maintenue en violation des règles fondamentales du droit international susmentionnées.
18. En juin 1967, Israël a fait unilatéralement usage de la force pour intégrer des terres palestiniennes d’une superficie de 70 000 dounoums dans la municipalité de Jérusalem16. Cet acte a été commis en violation du paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte et du droit international coutumier. En novembre 1967, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 242, dans laquelle il affirmait l’« inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la guerre » et appelait au « [r]etrait des forces armées israéliennes des territoires occupés lors du récent conflit » et à la
« [c]essation de toutes assertions de belligérance ou de tous états de belligérance et respect et reconnaissance de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de chaque État de la région et de leur droit de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues à l’abri de menaces ou d’actes de force »17.
L’appel à la fin de l’occupation a par la suite été régulièrement renouvelé18.
19. Depuis 1967, Israël se livre précisément au type de comportement visant à « crée[r] sur le terrain un “fait accompli” » que la Cour a condamné comme « équiva[lant] à une annexion de facto »19. Il en est ainsi alors même que, dès les premiers jours de l’occupation, les organes de l’ONU l’ont appelé à s’abstenir de prendre des mesures de cet ordre. Par exemple, à la suite de l’emploi initial de la force par Israël en 1967, l’Assemblée générale a adopté une résolution indiquant qu’elle était « [p]rofondément préoccupée par la situation qui exist[ait] à Jérusalem du fait des mesures prises par Israël pour modifier le statut de la ville » et demandant à celui-ci « de rapporter toutes les mesures déjà prises et de s’abstenir immédiatement de toute action qui changerait le statut de Jérusalem »20.
14 Résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale, « Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la Charte des Nations Unies », doc. A/RES/2625 (XXV), 24 octobre 1970, par. 1.
15 Avis sur le mur, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 184, par. 121.
16 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, doc. A/77/328, 14 septembre 2022, par. 14.
17 Résolution 242 (1967) du Conseil de sécurité, doc. S/RES/242 (1967), 22 novembre 1967, préambule et par. 1.
18 Voir plus récemment la résolution 2334 du Conseil de sécurité, S/RES/2334 (2016), 23 décembre 2016 ; résolution 77/25 de l’Assemblée générale, A/RES/77/25, 30 novembre 2022. Voir aussi le rapport de la rapporteuse spéciale sur la « Situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 », doc. A/77/356, 21 septembre 2022, par. 10, al. b) (« [L]’occupation israélienne constitue [] un emploi injustifié de la force et un acte d’agression »).
19 Avis sur le mur, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 184, par. 121.
20 Résolution 2253 (ES-V) de l’Assemblée générale, doc. A/RES/2253 (ES-V), 4 juillet 1967, préambule et par. 2.
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Néanmoins, Israël a fait fi tant de ces exhortations que des obligations qui lui incombent en application du droit international coutumier et de la Charte.
20. Loin de se retirer du TPO ou d’annuler les mesures qu’il a déjà prises (et que l’Assemblée générale a condamnées sans équivoque), Israël applique son droit interne à Jérusalem-Est depuis 1967 et a commencé à transférer la propriété de terres à l’État pour faciliter l’expansion de son contrôle et l’établissement de colonies israéliennes sur les terres palestiniennes21. En 1980, il a adopté une « loi fondamentale » portant désignation de Jérusalem comme sa capitale, qui a consolidé l’annexion de facto (et prétendument de jure) de Jérusalem-Est22.
21. Le comportement d’Israël à cet égard a été régulièrement dénoncé par des organes de l’ONU pour son incompatibilité avec le droit international. En 1968, le Conseil de sécurité a adopté une résolution dans laquelle il déclarait que « toutes les mesures et dispositions législatives et administratives prises par Israël, y compris l’expropriation de terres et de biens immobiliers, qui tendent à modifier le statut juridique de Jérusalem sont non valides et ne peuvent modifier ce statut »23, puis il a réaffirmé cette position24. Il a aussi adopté d’autres résolutions en 1979, affirmant de nouveau que les politiques et pratiques établies concernant les colonies de peuplement israéliennes dans le TPO constituent une violation du droit international et « n’ont aucune validité en droit »25. Le Conseil de sécurité a ultérieurement déclaré que la « loi fondamentale » est nulle et non avenue et constitue une violation du droit international26.
22. Depuis l’avis consultatif rendu en 2004, le cas de figure anticipé par la Cour, consistant en la création d’un état de fait « permanent » qui équivaudrait à une annexion de facto, est devenu réalité. Comme l’a conclu la Commission internationale indépendante des Nations Unies chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël (ci-après la « Commission d’enquête internationale indépendante ») dans le rapport qu’elle a soumis à l’Assemblée générale en 2022, Israël « a — à toutes fins utiles — annexé des parties de la Cisjordanie » et
« a pris des mesures qui sont constitutives d’une annexion de facto, à savoir notamment : l’expropriation de terres et de ressources naturelles, l’établissement de colonies et d’avant-postes, l’application aux Palestiniens d’un régime d’aménagement et de construction restrictif et discriminatoire et l’application extraterritoriale de la législation israélienne aux colons israéliens en Cisjordanie »27.
21 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, doc. A/77/328, 14 septembre 2022, par. 14.
22 Ibid., par. 16.
23 Résolution 252 (1968) du Conseil de sécurité, doc. S/RES/252(1968), 21 mai 1968, par. 2.
24 Résolution 267 (1969) du Conseil de sécurité, doc. S/RES/267(1969), 3 juillet 1969, par. 4 (« toutes les mesures et dispositions législatives et administratives prises par Israël qui ont pour effet d’altérer le statut de Jérusalem, y compris l’expropriation de terres et de biens immobiliers, sont non valides et ne peuvent modifier ce statut ») ; résolution 298 (1971) du Conseil de sécurité, doc. S/RES/298(1971), 25 septembre 1971, par. 3 (« toutes les dispositions législatives et administratives prises par Israël en vue de modifier le statut de la ville de Jérusalem, y compris l’expropriation de terres et de biens immeubles, le transfert de populations et la législation visant à incorporer la partie occupée, sont totalement nulles et non avenues et ne peuvent modifier le statut de la ville »).
25 Résolution 446 (1979) du Conseil de sécurité, doc. S/RES/446(1979), 22 mars 1979, par. 1 ; résolution 452 (1979) du Conseil de sécurité, doc. S/RES/452 (1979), 20 juillet 1979, préambule.
26 Résolution 478 (1980) du Conseil de sécurité, doc. S/RES/478(1980), 20 août 1980, par. 3. Voir également le rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, doc. A/77/328, 14 septembre 2022, par. 16.
27 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, doc. A/77/328, 14 septembre 2022, par. 76.
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L’Assemblée générale a ensuite rappelé « le principe de l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la force et donc le caractère illégal de l’annexion de toute partie du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, qui constitue une violation du droit international » et s’est dite « gravement préoccupée par les déclarations récentes au sujet de l’annexion par Israël de secteurs dans le Territoire palestinien occupé »28.
4. Violation par Israël de la règle de droit international humanitaire voulant qu’une occupation soit obligatoirement provisoire
a) Aperçu des principes juridiques applicables
23. Selon le droit international, une occupation est considérée comme ayant lieu lorsqu’un territoire se trouve placé de fait sous l’autorité d’une armée ennemie, et elle ne s’étend qu’aux territoires où cette autorité est établie et en mesure de s’exercer29.
24. Les pouvoirs et devoirs d’une puissance occupante sont étroitement réglementés par les règles coutumières du droit international humanitaire, telles qu’énoncées dans les dispositions du règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre annexé à la convention (IV) de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre (ci-après « le règlement de La Haye ») et de la convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (ci-après « la quatrième convention de Genève »), entre autres30. Les dispositions de ce dernier instrument sont applicables sur l’ensemble du territoire occupé31.
25. Le régime juridique international applicable à l’occupation repose notamment sur le postulat fondamental que toute occupation de territoire est provisoire et que, dès que les conditions le permettent, le contrôle de ce territoire doit être restitué au souverain initial32. Cela suppose également qu’il est interdit à une puissance occupante d’annexer le territoire qu’elle occupe33.
28 Résolution 77/126 de l’Assemblée générale, doc. A/RES/77/126, 15 décembre 2022, par. 7.
29 Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre annexé à la convention (IV) de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre (« règlement de La Haye »), 18 octobre 1907, Consolidated Treaty Series, vol. 205, p. 277, art. 42, cité dans l’avis sur le mur, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 167, par. 78.
30 Avis sur le mur, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 172, par. 89.
31 Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (ci-après la « quatrième convention de Genève »), 12 août 1949, RTNU, vol. 75, p. 287, art. 2 ; avis sur le mur, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 174-175, par. 95.
32 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, doc. A/77/328, 14 septembre 2022, par. 9. Le caractère provisoire d’une occupation est confirmé par le fait qu’en application de l’article 43 du Règlement de La Haye, une puissance occupante est tenue de « prendr[e] toutes les mesures qui dépendent d[’elle] en vue de rétablir et d’assurer, autant qu’il est possible, l’ordre et la vie publics en respectant, sauf empêchement absolu, les lois en vigueur dans le pays » (les italiques sont de nous). Il est aussi reflété dans de nombreuses dispositions de la quatrième convention de Genève, telles que l’article 54 (qui prévoit que la puissance occupante ne doit pas modifier le statut des fonctionnaires ou des magistrats du territoire occupé) et l’article 64 (qui prévoit que la législation pénale demeurera en vigueur, sous réserve d’exceptions bien délimitées).
33 Rapport du rapporteur spécial sur la « Situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 », doc. A/72/556, 23 octobre 2017, par. 29-31.
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26. Selon l’une des règles cardinales de ce régime, une puissance occupante ne peut procéder au transfert d’une partie de sa propre population civile dans le territoire qu’elle occupe34. En outre, la confiscation de toute propriété privée par la puissance occupante est interdite35.
b) Application aux questions posées à la Cour
27. La Cour a fait observer que, depuis 1967, Israël occupe « [l]es territoires situés entre la Ligne verte … et l’ancienne frontière orientale de la Palestine sous mandat », ce qui a pour conséquence qu’«[il] y a conservé la qualité de puissance occupante »36.
28. Ainsi qu’il est exposé plus haut, Israël a cherché, en violation de la condition qui exige que toute occupation soit provisoire, à créer un état de fait permanent qui équivaut à une annexion (voir la section 3 plus haut).
29. Le caractère non provisoire de l’occupation israélienne ressort manifestement de la violation flagrante par Israël des obligations qui lui incombent de ne pas transférer une partie de sa propre population civile dans le territoire qu’il occupe37 et de ne pas confisquer de propriété privée38.
30. En particulier, conformément au vaste programme de colonisation mené par Israël, des centaines d’implantations civiles ont été établies dans le TPO depuis le début de l’occupation39. Ce programme s’est étendu à différentes zones géographiques du TPO.
a) Israël a habilité son gouvernement, au moyen d’une série de lois, à transférer à l’État des droits de propriété détenus par des Palestiniens à Jérusalem-Est et permis à des organisations de colons israéliens d’engager des procédures d’expulsion. En conséquence, près d’un tiers de la superficie de Jérusalem-Est a été exproprié pour la construction de colonies israéliennes. En 2022, 13 % tout au plus du TPO étaient affectés à la construction de bâtiments palestiniens40.
b) Quelque 5 000 colons israéliens ont élu domicile dans la bande de Gaza sur des terres confisquées à des Palestiniens41.
c) Quant à la Cisjordanie, elle a été répartie par les accords d’Oslo de 1993 et 1995 en trois zones distinctes (à savoir A, B et C) excluant Jérusalem-Est et la bande de Gaza. La zone C, qui recouvre plus de 60 % de la Cisjordanie, a été désignée comme étant une zone où Israël exerce un large contrôle. Les dispositions des accords d’Oslo attribuaient à l’Autorité palestinienne la compétence en matière civile et dans le domaine de la sécurité sur la zone A et le contrôle civil sur la zone B. Elles prévoyaient que l’Autorité palestinienne assumerait progressivement le contrôle de la
34 Quatrième convention de Genève, art. 49.
35 Règlement de La Haye, art. 46.
36 Avis sur le mur, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 167, par. 78. Dans le même avis consultatif, la CIJ a déclaré que seule la section III du règlement de La Haye de 1907 est applicable et que, les opérations militaires qui conduisirent en 1967 à l’occupation de la Cisjordanie ayant pris fin depuis longtemps, seuls les articles de la quatrième convention de Genève visés au troisième paragraphe de l’article 6 demeurent applicables dans ce territoire occupé : p. 185, par. 124-125.
37 Quatrième convention de Genève, art. 49.
38 Règlement de La Haye, art. 46.
39 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, doc. A/77/328, 14 septembre 2022, par. 25.
40 Ibid., par. 14.
41 Ibid., par. 19.
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Cisjordanie
42. Cependant, l’établissement par Israël de colonies de peuplement est venu contrecarrer cette intention.
31. Les programmes de colonisation israéliens ont déjà été condamnés par des organes de l’ONU. Ainsi :
a) Le Conseil de sécurité a affirmé que « la politique et les pratiques d’Israël consistant à installer des éléments de sa population et de nouveaux immigrants … constituent une violation flagrante de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre »43, tandis que la présidente du Conseil de sécurité a récemment fait une déclaration au nom de cet organe s’opposant fermement à « la construction et l’expansion de colonies de peuplement par Israël, la confiscation de terres palestiniennes et la “légalisation” des avant-postes de colonies, la destruction de maisons palestiniennes et le déplacement de civils palestiniens »44.
b) La Cour a conclu, dans son avis consultatif sur le mur, que les colonies de peuplement installées par Israël dans le TPO l’ont été en méconnaissance du droit international45.
c) La Commission d’enquête internationale indépendante a relevé, dans le rapport qu’elle a établi en 2022 à la demande du CDH,
« l’existence de preuves à première vue crédibles qui indiquent de manière convaincante qu’Israël n’a aucune intention de mettre un terme à l’occupation, qu’il applique des politiques claires en vue de prendre le contrôle total du Territoire palestinien occupé et qu’il s’emploie à en modifier la démographie en maintenant un environnement répressif pour les Palestiniens et un climat favorable aux colons israéliens »46.
5. Le maintien de l’occupation israélienne est une violation du droit du peuple palestinien à l’autodétermination
a) Aperçu des principes juridiques applicables
32. Le droit de tous les peuples à disposer d’eux-mêmes est un autre principe fondamental de droit international. Ce droit est consacré dans la Charte47, a été reconnu à de multiples occasions par l’Assemblée générale48 et appartient à tout peuple qui se trouve sous domination étrangère49. Dans son avis consultatif sur les Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, la
42 Ibid., par. 24.
43 Résolution 465 (1980) du Conseil de sécurité, doc. S/RES/465(1980), 1er mars 1980, par. 5.
44 Déclaration de la présidente du Conseil de sécurité, doc. S/PRST/2023/1, 20 février 2023.
45 Avis sur le mur, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 51, par. 120.
46 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, doc. A/HRC/50/21, 9 mai 2022, par. 70.
47 Le paragraphe 2 de l’article 1 de la Charte des Nations Unies indique que l’un des buts des Nations Unies est de « [d]évelopper entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes ».
48 Parmi ces résolutions décisives figure la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale, doc. A/RES/1514 (XV), 14 décembre 1960, par. 2 ; déclaration sur les relations amicales, par. 1. La Cour a affirmé que la résolution 1514 (XV) a, tout en étant « formellement une recommandation », « un caractère déclaratoire s’agissant du droit à l’autodétermination en tant que norme coutumière » : Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 132, par. 152.
49 Résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale, doc. A/RES/1514 (XV), 14 décembre 1960, par. 2 ; déclaration sur les relations amicales, par. 1.
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Cour a conclu que l’évolution du droit international avait fait de l’autodétermination un principe applicable aux territoires non autonomes
50. Elle a souligné que « l’application du droit à l’autodétermination suppose l’expression libre et authentique de la volonté des peuples intéressés »51. Dans l’affaire relative au Timor oriental, la Cour a déclaré que ce droit est un droit opposable erga omnes et constitue « [l’]un des principes essentiels du droit international contemporain »52.
33. Dans son avis sur le mur, la Cour a affirmé qu’il existait un risque de nouvelles modifications dans la composition démographique du TPO dans la mesure où la construction du mur occasionnait le départ de populations palestiniennes de certaines zones. Elle a indiqué que l’édification de ce mur, s’ajoutant aux mesures prises antérieurement par Israël (dont celles concernant l’implantation de colonies de peuplement israéliennes dans le territoire palestinien), dresse ainsi un obstacle grave à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination et constitue de ce fait une violation de l’obligation incombant à Israël de respecter ce droit53.
b) Application aux questions posées à la Cour
34. Il est indéniable que le peuple palestinien a le droit de disposer de lui-même et qu’Israël est tenu, en droit international, de respecter ce droit54. Le maintien de l’occupation du TPO par Israël continue d’entraîner de graves violations de ce droit.
35. Rien ne permet d’envisager que le peuple palestinien puisse exercer son droit à l’autodétermination tant qu’Israël poursuivra son annexion de facto du TPO55. En effet, comme l’a souligné la Commission d’enquête internationale indépendante dans un récent rapport :
« [Les politiques d’Israël à l’égard du Territoire palestinien occupé prennent la forme] notamment d’expulsions, de déportations et de transferts forcés de Palestiniens à l’intérieur de la Cisjordanie, de l’expropriation, du pillage et de l’exploitation de terres et de ressources naturelles vitales, de restrictions des déplacements et du maintien d’un environnement coercitif dans le but de fragmenter la société palestinienne, d’inciter les Palestiniens à quitter certaines zones et de faire en sorte qu’ils soient incapables de réaliser leur droit à l’autodétermination. »56
50 Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 31, par. 52.
51 Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 32, par. 55.
52 Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 102, par. 29. Sur la nature erga omnes de ce droit, voir également Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 139, par. 180.
53 Avis sur le mur, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 184, par. 122.
54 Avis sur le mur, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 182-183, par. 118 (« l’existence d’un “peuple palestinien” ne saurait plus faire débat »), p. 197, par. 149 (« Israël doit observer l’obligation qui lui incombe de respecter le droit à l’autodétermination du peuple palestinien »). Voir la résolution 77/208 de l’Assemblée générale, doc. A/RES/77/208, 15 décembre 2022, préambule et par. 1, rappelant la conclusion de la Cour à cet égard et réaffirmant « le droit du peuple palestinien à l’autodétermination ».
55 Voir rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, doc. A/HRC/50/21, 9 mai 2022, par. 30 (« Israël n’a pas mis fin à l’occupation, ce qui aurait permis au peuple palestinien d’exercer son droit à l’autodétermination »). Voir également la résolution 77/208 de l’Assemblée générale, doc. A/RES/77/25, 30 novembre 2022, par. 12 a) et b), demandant qu’Israël se retire du TPO depuis 1967 (y compris Jérusalem-Est) et que les droits inaliénables du peuple palestinien soient réalisés.
56 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, doc. A/77/328, 14 septembre 2022, par. 77.
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6. Violations par Israël du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme dans son administration du TPO, notamment en matière d’accès à l’eau
a) Aperçu des principes juridiques applicables
36. Pendant une occupation, la puissance occupante est dans l’obligation de gérer le territoire qu’elle occupe dans l’intérêt de la population sous occupation et de bonne foi, respectant dans toute la mesure possible les droits fondamentaux de cette population57. Dans son avis consultatif sur le mur, la Cour a estimé que les cadres juridiques applicables à l’occupation par Israël du TPO recouvraient non seulement le droit international humanitaire (tel qu’exposé plus haut) mais aussi le droit international des droits de l’homme, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la convention relative aux droits de l’enfant58. Elle a souligné que ces instruments restent en vigueur pendant les conflits armés, sauf en cas de clauses dérogatoires mises en oeuvre à bon droit59. La Cour a, au reste, confirmé que les obligations d’une puissance occupante comprennent « le devoir de veiller au respect des règles applicables du droit international relatif aux droits de l’homme et du droit international humanitaire » au sein du territoire occupé en question60.
b) Application aux questions posées à la Cour
37. Israël a commis des violations graves et généralisées aussi bien du droit international humanitaire que du droit international des droits de l’homme au cours de son occupation du TPO  et continue d’en commettre à ce jour61. Sa méconnaissance des obligations que lui fait le droit international en tant que puissance occupante montre qu’il n’a administré le TPO ni dans l’intérêt du peuple palestinien, ni de bonne foi, et qu’il ne le fait pas actuellement62. Israël a ainsi commis les violations suivantes du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme :
a) Le programme d’établissement de colonies de peuplement mené par Israël et les politiques israéliennes connexes ont eu des incidences profondément négatives sur les droits fondamentaux des Palestiniens, notamment leur droit à la sécurité de la personne, leur liberté de circulation, leur accès à des moyens de subsistance, à l’éducation, à la santé et à la justice, et leur droit à une vie de famille63.
b) Israël fait appliquer deux systèmes juridiques distincts dans le TPO, la législation interne israélienne étant applicable aux colons israéliens et la législation militaire aux Palestiniens64. Il existe des
57 Rapport du rapporteur spécial sur la « Situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 », doc. A/72/556, 23 octobre 2017, par. 34-38.
58 Avis sur le mur, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 177-181, par. 102-113.
59 Ibid., p. 178, par. 106.
60 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 231, par. 178.
61 Voir Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, doc. A/HRC/53/22, 9 mai 2023, sect. VI.
62 Il est frappant que le haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme ait récemment qualifié la coopération d’Israël avec la Commission d’enquête internationale indépendante de « quasi inexistante » : déclaration en date du 19 juin 2023, cinquante-troisième session du Conseil des droits de l’homme, accessible à l’adresse suivante : <https://www.ohchr.org/en/statements/2023/06/urging-greater-cooperation-high-commissioner-turk-opens-human-rights-council>, page consultée le 12 juillet 2023.
63 Rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur les « Colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », doc. A/HRC/46/65, 15 février 2021, par. 48.
64 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, doc. A/77/328, 14 septembre 2022, par. 46.
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différences claires entre les deux systèmes, en particulier en matière pénale (par exemple, certaines formes d’exercice de la liberté d’expression et de la liberté de réunion pacifique et d’association sont « limit[ées] sévèrement » uniquement pour les Palestiniens)
65. Dans le rapport qu’elle a présenté en 2023 au CDH, la Commission d’enquête internationale indépendante a qualifié le système israélien de tribunaux militaires d’« instrument essentiel pour museler et incriminer l’opposition et le militantisme palestiniens en Cisjordanie occupée »66.
c) Les forces de sécurité et les colons israéliens ont pour pratique de faire un usage excessif de la force à l’égard des femmes et des filles palestiniennes, notamment sous forme de violences physiques, psychologiques et verbales, de harcèlement sexuel et de violations de leur droit à la vie67. Il a aussi été fait état de violences sexuelles et fondées sur le genre commises pendant des descentes nocturnes68 contre des Palestiniennes défenseuses des droits de l’homme, sans que celles-ci ne reçoivent de soutien de la part de la police69.
Violations par Israël du droit international s’agissant des ressources en eau du TPO et du droit des Palestiniens à l’eau potable
38. Dans le présent exposé écrit, les Maldives insistent sur les manquements par Israël à ses obligations en ce qui concerne les ressources hydriques du TPO. Comme il est indiqué plus loin, l’accès sans risque à une eau propre destinée à un usage personnel et domestique constitue un droit de l’homme fondamental. La crise climatique menace l’accès à l’eau propre dans toutes les régions du globe. La situation est très préoccupante dans le TPO70, où les ressources en eau douce devraient diminuer à mesure que les changements climatiques entraîneront une réduction des précipitations annuelles71. L’insécurité hydrique peut aussi entraîner une insécurité alimentaire, d’autant plus qu’une diminution des eaux souterraines propres peut avoir une incidence considérable sur la production agricole72. En raison de leur propre vulnérabilité extrême aux effets des changements climatiques, en tant qu’État insulaire de faible altitude en développement73, les Maldives multiplient les initiatives sur des questions relatives à ces changements, notamment en ce qui concerne les territoires les plus vulnérables du
65 Ibid., par. 47.
66 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, doc. A/HRC/53/22, 9 mai 2023, par. 22.
67 Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, « Observations finales concernant le sixième rapport périodique d’Israël », doc. CEDAW/C/ISR/CO/6, 17 novembre 2017, par. 30.
68 Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, « Observations finales concernant le sixième rapport périodique d’Israël », doc. CEDAW/C/ISR/CO/6, 17 novembre 2017, par. 30.
69 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, doc. A/HRC/53/22, 9 mai 2023, par. 55 et 58.
70 Voir le rapport annuel de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur la « Répartition des ressources en eau dans le Territoire palestinien occupé, y compris à Jérusalem-Est », doc. A/HRC/48/43, 15 octobre 2021, par. 15.
71 Programme des Nations Unies pour le développement, Climate Change Adaptation Strategy and Programme of Action for the Palestinian Authority, 2013, accessible à l’adresse suivante : <https://www.undp.org/papp/publications/ palestinian-climate-change-adaptation-strategy>, page consultée le 12 juillet 2023, p. XI, 2, 8.
72 Ibid., p. 26, 42-45.
73 Voir, à titre d’exemple, les risques extrêmes auxquels sont exposées les Maldives, comme a su le mettre en lumière le vice-président du pays à l’occasion de la COP 27 en novembre 2022 : cabinet du président de la République des Maldives, “The Vice President calls for global solidarity in the face of climate change”, 7 novembre 2022, accessible à l’adresse suivante : <https://presidency.gov.mv/Press/Article/27561>, page consultée le 3 juillet 2023.
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monde
74. C’est pourquoi elles souhaitent attirer particulièrement l’attention de la Cour sur ce problème urgent auquel doit faire face le peuple palestinien.
39. Selon le droit international humanitaire, la puissance occupante doit assumer divers devoirs se rapportant à la gestion des ressources en eau dans le territoire occupé, outre que des obligations portant sur l’accès à l’eau des personnes protégées s’imposent à toutes les parties à un conflit. Il s’agit notamment des obligations suivantes :
a) La puissance occupante doit maintenir la santé et l’hygiène publiques dans le territoire qu’elle occupe75.
b) La puissance occupante doit respecter les biens privés et publics, qu’ils soient mobiliers ou immobiliers76. Les infrastructures d’alimentation en eau et d’assainissement peuvent, selon les circonstances, être considérées comme des biens publics ou privés77. Il est interdit à la puissance occupante de détruire tout bien mobilier ou immobilier, qu’il appartienne à des individus, à l’État ou à des collectivités publiques, sauf dans les cas où cette destruction serait rendue absolument nécessaire par les opérations militaires78.
c) Les ressources en eaux souterraines constituent une forme de bien public immeuble79 et relèvent donc de l’obligation qu’a la puissance occupante d’en sauvegarder le fonds et de l’administrer conformément aux règles de l’usufruit80.
d) Il est interdit à la puissance occupante de procéder à des actes de pillage81  autrement dit, elle ne peut prendre part « [au] pillage et [à] l’exploitation de ressources naturelles sur le territoire [occupé] »82.
74 Le rôle de premier plan joué de longue date par les Maldives dans la lutte contre les changements climatiques s’est notamment traduit par la création par leurs soins de l’Alliance des petits États insulaires (« l’Alliance ») en 1990, qui fait suite à l’accueil en 1989 aux Maldives de la toute première conférence des petits États sur la hausse du niveau de la mer, au cours de laquelle quatorze petits États insulaires ont signé la déclaration de Malé sur le réchauffement de la planète et la hausse du niveau des mers. Les Maldives ont présidé l’Alliance de 2015 à 2018, années pendant lesquelles d’importantes négociations multilatérales se sont tenues, en ce qui concerne notamment l’accord de Paris pour la réduction des émissions des gaz à effet de serre, le programme de développement durable à l’horizon 2030, le programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement durable et le cadre Sendai pour la réduction des risques de catastrophe 2015-2030. Les Maldives restent un membre actif de l’Alliance, ayant proclamé, aux côtés de Nauru et de Sainte-Lucie, de nouveaux plans d’action pour le climat à l’occasion du trentième anniversaire de l’Alliance : AOSIS, “Press release: Nauru, Maldives, and St Lucia announce new Climate Action Plans”, 4 décembre 2021, accessible à l’adresse suivante : <https://www.aosis.org/release/nauru-maldives- and-st-lucia-announce-new-climate-action-plans/>, page consultée le 2 juillet 2023. Les Maldives ont aussi fondé en 2009 un forum rassemblant les pays les plus vulnérables aux changements climatiques, Climate Vulnerable Forum, qu’elles ont présidé en 2009 et 2010 et auquel elles ont continué de participer. En 2019, elles ont aussi présenté l’initiative Climate Smart Resilient Islands à l’Assemblée générale : cabinet du président de la République des Maldives, “Press release: President presents Maldivian ‘Climate Smart Resilient Islands Initiative’ at UN Climate Action Summit as replicable and sustainable development model for SIDS’”, 23 septembre 2019, accessible à l’adresse suivante : <https://presidency.gov.mv/Press/Article/22213>, page consultée le 2 juillet 2023.
75 Quatrième convention de Genève, art. 56.
76 Règlement de La Haye, art. 46-47, 52 et 55 ; quatrième convention de Genève, art. 33, 53.
77 Rapport annuel de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur la « Répartition des ressources en eau dans le Territoire palestinien occupé, y compris à Jérusalem-Est », doc. A/HRC/48/43, 15 octobre 2021, par. 8.
78 Quatrième convention de Genève, art. 53.
79 Rapport annuel de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur la « Répartition des ressources en eau dans le Territoire palestinien occupé, y compris à Jérusalem-Est », doc. A/HRC/48/43, 15 octobre 2021, par. 8.
80 Règlement de La Haye, art. 55.
81 Règlement de La Haye, art. 47 ; quatrième convention de Genève, art. 33.
82 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 252, par. 245.
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e) La puissance occupante doit accepter les actions de secours en faveur de la population du territoire occupé, lorsque tout ou partie de cette population est insuffisamment approvisionné83.
f) La puissance occupante ne peut réclamer des réquisitions des communes ou des habitants sauf pour les besoins de l’armée d’occupation et, même en ce cas, toute réquisition doit être « en rapport avec les ressources du pays »84.
g) Il est interdit d’attaquer, de détruire, d’enlever ou de mettre hors d’usage des biens indispensables à la survie de la population civile, tels que les installations et réserves d’eau potable et les ouvrages d’irrigation  quel que soit le motif dont on s’inspire pour ce faire85.
40. De plus, la puissance occupante est tenue d’assumer les obligations applicables qui lui incombent en vertu du droit international des droits de l’homme dans son administration du territoire occupé86. S’agissant du droit à l’eau, il convient de noter les points suivants :
a) Les droits à l’eau et à l’assainissement émanent des droits consacrés aux articles 11 et 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels87. L’alinéa h) du paragraphe 14 de l’article 14 de la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes mentionne expressément l’obligation de garantir aux femmes vivant dans les zones rurales leur droit à un approvisionnement convenable en eau. L’obligation de fournir une eau potable propre et des services d’assainissement de l’eau est aussi expressément visée à l’alinéa c) du paragraphe 2 de l’article 24 de la convention relative aux droits de l’enfant et à l’alinéa a) du paragraphe 2 de l’article 28 de la convention relative aux droits des personnes handicapées, respectivement. Israël et l’État de Palestine sont tous deux parties à ces instruments.
b) Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU a affirmé que l’eau, les installations et les services hydriques doivent être accessibles à tous « sans discrimination fondée sur l’un quelconque des motifs proscrits »88. En particulier, les États ne sont pas autorisés à « restreindre l’accès aux services et infrastructures [d’approvisionnement en eau] ou [à] les détruire,
83 Quatrième convention de Genève, art. 59. Il est à relever que la mention des « vivres, produits médicaux et vêtements » est faite à seule fin d’illustration (comme l’indique le mot « notamment ») et nous faisons valoir que l’eau peut entrer dans la catégorie des biens de secours. Voir Comité international de la Croix-Rouge, commentaire de la quatrième convention de Genève (1958), accessible à l’adresse suivante : <https://ihl-databases.icrc.org/en/ihl-treaties/gciv-1949/article- 59/commentary/1958?activeTab=undefined>, page consultée le 12 juillet 2023
(« L’énumération qui vise les vivres, produits médicaux et vêtements, n’est pas limitative ; il faut, cependant, que les denrées envoyées aient le caractère de secours. Si la Convention mentionne expressément les articles en question, c’est que ceux-ci sont d’importance vitale. La Puissance occupante serait fondée, en effet, à refuser tout envoi qui ne serait pas de première nécessité pour la subsistance des populations. »).
84 Règlement de La Haye, art. 52.
85 Protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux, 8 juin 1977, RTNU, vol. 1125, p. 3, art. 54, par. 2.
86 Voir par. 36 ci-dessus.
87 Voir Nations Unies, Comité des droits économiques, sociaux et culturels, « Observation générale no 15 : Le droit à l’eau » (art. 11-12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels), doc. E/C.12.2002/11, 20 janvier 2003, par. 3
(« L’article 11, paragraphe 1, du Pacte énonce un certain nombre de droits qui découlent du droit à un niveau de vie suffisant  “y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants”  et qui sont indispensables à sa réalisation. L’emploi de l’expression “y compris” indique que ce catalogue de droits n’entendait pas être exhaustif. Le droit à l’eau fait clairement partie des garanties fondamentales pour assurer un niveau de vie suffisant, d’autant que l’eau est l’un des éléments les plus essentiels à la survie. … Le droit à l’eau est aussi inextricablement lié au droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint (art. 12, par. 1) et aux droits à une nourriture et à un logement suffisants (art. 11, par. 1) ») (références omises).
88 Nations Unies, Comité des droits économiques, sociaux et culturels, « Observation générale no 15 : Le droit à l’eau » (art. 11 et 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels), doc. E/C.12.2002/11, 20 janvier 2003, par. 12, al. c), s.-al. iii), par. 13.
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à titre punitif, par exemple en temps de conflit armé en violation du droit international humanitaire »
89.
c) L’Assemblée générale a affirmé que « les droits fondamentaux à l’eau potable et à l’assainissement en tant qu’éléments du droit à un niveau de vie suffisant sont indispensables pour la pleine jouissance du droit à la vie et de tous les droits de l’homme »90. Elle a d’ailleurs ajouté que « le droit de l’homme à l’eau potable doit permettre à chacun, sans discrimination, d’avoir accès physiquement et à un coût abordable, à un approvisionnement suffisant en eau salubre et de qualité acceptable pour les usages personnels et domestiques »91.
41. Israël enfreint ces règles de droit international humanitaire et de droit international des droits de l’homme dans l’exercice de son occupation du TPO. Il a pris le contrôle de toutes les ressources en eau de la Cisjordanie et en utilise une grande partie pour satisfaire ses propres besoins92. En 2023, il est estimé que moins de 40 % des foyers ont accès à une eau gérée de manière sûre, allant de 4 % dans la bande de Gaza à 66,2 % en Cisjordanie93. Plus précisément :
a) Peu de temps après le début de son occupation en 1967, Israël a placé sous son contrôle militaire l’intégralité des ressources en eau du TPO et a interdit aux Palestiniens, sauf s’ils disposaient d’une autorisation délivrée par l’armée, de construire de nouvelles installations d’approvisionnement en eau et d’entretenir les installations existantes. Ces ordonnances demeurent à ce jour en vigueur, s’appliquant uniquement aux Palestiniens. En revanche, les colons israéliens sont soumis au droit israélien en matière d’accès à l’eau94.
b) Mekorot, entreprise publique qui a pris possession de tout le réseau d’alimentation en eau de Cisjordanie en 1982, exploiterait des dizaines de puits, conduites principales et réservoirs au moyen desquels elle prélève de l’eau à partir de zones sous contrôle palestinien en Cisjordanie et la transfère à des colonies israéliennes établies dans ce même territoire95.
c) Les infrastructures d’approvisionnement en eau ne sont pas appropriées aux besoins de la population palestinienne, notamment en raison des coupures d’électricité à Gaza et du manque d’espace pour construire de nouvelles infrastructures96.
89 Ibid., par. 21.
90 Résolution 70/169 de l’Assemblée générale, doc. A/RES/70/169, 22 février 2016, par. 1. Voir aussi président de l’Assemblée générale, Summary of Proceedings: United Nations Conference on the Midterm Comprehensive Review of the Implementation of the Objectives of the International Decade for Action “Water for Sustainable Development”, 22-24 mars 2023, p. 13, accessible à l’adresse suivante : <https://sdgs.un.org/sites/default/files/2023-05/FINAL%20EDITED%20-% 20PGA77%20Summary%20for%20Water%20Conference%202023.pdf>, page consultée le 12 juillet 2023, où il est dit qu’il est « largement admis que le droit à l’eau et à l’assainissement est un droit de l’homme ».
91 Résolution 70/169 de l’Assemblée générale, doc. A/RES/70/169, 22 février 2016, par. 2 (les italiques sont de nous).
92 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, doc. A/77/328, 14 septembre 2022, par. 34-35.
93 UNICEF, Vulnerable children and communities in the State of Palestine, 21 mars 2023, accessible à l’adresse suivante : <https://www.unicef.org/sop/stories/vulnerable-children-and-communities-state-palestine-access>, page consultée le 12 juillet 2023.
94 Rapport annuel de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur la « Répartition des ressources en eau dans le Territoire palestinien occupé, y compris à Jérusalem-Est », doc. A/HRC/48/43, 15 octobre 2021, par. 18. Voir également le rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, doc. A/77/328, 14 septembre 2022, par. 35.
95 Rapport annuel de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur la « Répartition des ressources en eau dans le Territoire palestinien occupé, y compris à Jérusalem-Est », doc. A/HRC/48/43, 15 octobre 2021, par. 8.
96 Ibid., par. 22.
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d) Israël a en outre détruit des dizaines de structures d’assainissement au sein du TPO97, ainsi que des conduites, puits et réservoirs d’eau98. Ainsi, en 2019, l’administration civile israélienne a détruit les conduites d’eau qui venaient d’être installées pour approvisionner un groupe de villages palestiniens situés dans les collines au sud de la ville de Hébron99.
e) La répartition des ressources en eau du TPO entre Palestiniens et colons israéliens est profondément inéquitable100. Selon une estimation de mai 2022, les colons israéliens avaient accès à 320 litres d’eau par personne et par jour, tandis que les Palestiniens des zones A et B de la Cisjordanie avaient accès à 75 à 100 litres par personne et par jour, et ceux de la zone C à 30 à 50 litres101. Les Palestiniens sont contraints d’acheter de l’eau auprès de fournisseurs publics ou privés à un coût qui est environ six fois supérieur au prix national102.
f) Certaines catégories de la population palestinienne souffrent de manière disproportionnée du déni de leur droit d’accès à l’eau. Les femmes et les filles sont ainsi particulièrement touchées, parce qu’elles ont des besoins supplémentaires pour leur hygiène et qu’elles sont censées se procurer de l’eau pour la consommation domestique, le nettoyage, la lessive et les soins aux enfants, aux personnes âgées et aux malades103. Les maladies liées à l’eau représentent environ 26 % des maladies infantiles à Gaza et sont une cause majeure de morbidité chez les enfants104. Les éleveurs ruraux sont aussi dans l’incapacité d’accéder à l’eau nécessaire pour s’occuper de leur bétail105.
97 Ibid., par. 24. Voir aussi, par exemple, “UN expert condemns Israel’s repeated demolition of Palestinian Bedouin property”, 12 juillet 2021, accessible à l’adresse suivante : <https://www.ohchr.org/en/press-releases/2021/07/un-expert- condemns-israels-repeated-demolition-palestinian-bedouin-property>, page consultée le 12 juillet 2023 (qui fait référence à une déclaration du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967).
98 Rapport annuel de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur la « Répartition des ressources en eau dans le Territoire palestinien occupé, y compris à Jérusalem-Est », doc. A/HRC/48/43, 15 octobre 2021, par. 24, 52.
99 Rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 : « Situation des droits de l’homme dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, l’accent étant mis sur l’accès à l’eau et la dégradation de l’environnement », doc. A/HRC/40/73, 30 mai 2019, par. 26.
100 Rapport annuel de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur la « Répartition des ressources en eau dans le Territoire palestinien occupé, y compris à Jérusalem-Est », doc. A/HRC/48/43, 15 octobre 2021, par. 25-63.
101 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, doc. A/HRC/50/21, 9 mai 2022, par. 52.
102 Ibid., doc. A/77/328, 14 septembre 2022, par. 70.
103 Ibid., par. 71.
104 Rapport annuel de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur la « Répartition des ressources en eau dans le Territoire palestinien occupé, y compris à Jérusalem-Est », doc. A/HRC/48/43, 15 octobre 2021, par. 59.
105 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, doc. A/77/328, 14 septembre 2022, par. 71.
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7. Conséquences juridiques
a) Aperçu des principes juridiques applicables
42. Il est fermement établi en droit international qu’une occupation illicite est une violation continue de dispositions de ce droit : i) dont l’État occupant porte la responsabilité internationale ; et ii) à laquelle il est tenu de mettre fin le plus rapidement possible106.
43. Trois points précédemment portés à l’attention de la Cour sont de nature à éclairer l’examen des conséquences juridiques d’une occupation illicite.
44. Premièrement, dans l’avis consultatif qu’elle a donné au sujet des Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, la Cour a dit ce qui suit :
a) Le maintien de la présence de l’Afrique du Sud en Namibie était illicite et l’Afrique du Sud était dans l’obligation de retirer son administration sur-le-champ107. Le caractère illicite de cette situation découlait avant tout de ce que le comportement de l’Afrique du Sud était contraire à une résolution du Conseil de sécurité. Tous les États Membres de l’ONU ont l’obligation, en application de l’article 25 de la Charte, « d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil de sécurité conformément à [ladite] Charte »108 et, en application du paragraphe 2 de l’article 2 de cet instrument, de « remplir de bonne foi les obligations qu’ils ont assumées aux termes de [celui-ci] ».
b) En laissant subsister cette situation illicite et en occupant le territoire sans titre, l’Afrique du Sud encourrait une responsabilité internationale pour violation persistante d’une obligation internationale109.
c) Les États tiers étaient tenus d’accepter et d’appliquer les résolutions du Conseil de sécurité ayant déclaré illicite la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie et avaient donc « l’obligation de reconnaître l’illégalité et le défaut de validité du maintien de la présence sud-africaine en Namibie » et « de n’accorder à l’Afrique du Sud, pour son occupation de la Namibie, aucune aide ou aucune assistance quelle qu’en soit la forme »110.
106 L’obligation d’un État responsable d’un fait internationalement illicite de mettre fin à celui-ci est bien-fondé en droit international coutumier et la Cour a, à diverses reprises, confirmé l’existence de cette obligation : voir avis sur le mur, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 197, par. 150 ; Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 149, par. 292, al. 2) ; Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran, arrêt, C.I.J. Recueil 1980, p. 44, par. 95, al. 3), s.-al. a) ; affaire Haya de la Torre (Colombie/Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil 1951, p. 82.
107 Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 54, par. 118.
108 De surcroît, au paragraphe 2 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies, il est affirmé que « [l]es Membres de l’Organisation, afin d’assurer à tous la jouissance des droits et avantages résultant de leur qualité de Membre, doivent remplir de bonne foi les obligations qu’ils ont assumées aux termes de la présente Charte ».
109 Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 54, par. 118.
110 Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 53-54, par. 115, 119. Voir également p. 55-56, par. 121-127 concernant les conséquences juridiques pour les États tiers. À la page 56, au paragraphe 125, la Cour a affirmé que « la non-reconnaissance de l’administration sud-africaine dans le territoire ne devrait pas avoir pour conséquence de priver le peuple namibien des avantages qu’il peut tirer de la coopération internationale » et qu’il s’ensuit que la nullité des mesures prises par l’Afrique du Sud « ne saurait s’étendre à des actes, comme l’inscription des naissances, mariages ou décès à l’état civil, dont on ne pourrait méconnaître les effets qu’au détriment des habitants du territoire ».
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45. Deuxièmement, dans l’avis consultatif qu’elle a rendu sur le mur, la Cour s’est prononcée comme suit :
a) Israël était tenu de s’acquitter des obligations internationales auxquelles il avait contrevenu par la construction du mur en territoire palestinien occupé, dont l’obligation de respecter le droit à l’autodétermination du peuple palestinien et les obligations qui lui incombent en vertu du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme, ainsi que celle de mettre fin à ses violations continues du droit international111.
b) Israël était dans l’obligation de retirer le mur en soi mais aussi de démanteler le « régime qui lui [était] associé », y compris « [l]es actes législatifs et réglementaires adoptés en vue de [l’]édification [du mur] »112.
c) Israël était aussi tenu de donner réparation pour, par exemple, la réquisition et la destruction d’habitations, de commerces ainsi que d’exploitations agricoles qui avaient eu lieu dans le cadre de ses violations du droit international, cette réparation devant consister en une restitution ou, si celle-ci était « matériellement impossible », en une indemnisation113.
d) Étant donné que les violations d’Israël avaient touché des droits et obligations erga omnes (dont le droit à l’autodétermination et des obligations prévues par le droit international humanitaire), tous les États étaient dans l’obligation de ne pas reconnaître la situation illicite découlant de la construction du mur et de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de cette situation.
e) Tous les États avaient aussi l’obligation de s’assurer de la suppression de toute entrave à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination et du respect par Israël du droit international humanitaire114.
46. Troisièmement, dans l’avis consultatif qu’elle a donné sur les Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, la Cour a déclaré que le maintien de l’administration de l’archipel des Chagos par le Royaume-Uni en violation du droit du peuple de Maurice à disposer de lui-même constituait un fait illicite à caractère continu, qui engageait la responsabilité de cet État. Le Royaume-Uni était, par conséquent, tenu de mettre fin à son administration de l’archipel des Chagos dans les plus brefs délais115. De surcroît, tous les États Membres des Nations Unies étaient tenus de coopérer avec l’ONU aux fins du parachèvement de la décolonisation de Maurice116.
b) Application aux questions posées à la Cour
47. Les Maldives formulent cinq observations.
48. En premier lieu, conformément aux règles du droit international coutumier relatives à la responsabilité des États illustrées par les éléments de jurisprudence susmentionnés, Israël est dans
111 Avis sur le mur, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 197, par. 149-150.
112 Ibid., p. 198, par. 151.
113 Ibid., p. 198, par. 152-153.
114 Ibid., p. 199-200, par. 154-160.
115 Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 138-139, par. 177-178.
116 Ibid., p. 140, par. 182.
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l’obligation de mettre fin le plus tôt possible : i) à son occupation illicite du TPO ; et ii) à ses manquements à d’autres obligations internationales.
49. En deuxième lieu, l’obligation de cessation appliquée aux circonstances de l’espèce exige d’Israël qu’il apporte aussi, de manière satisfaisante, l’assurance qu’il ne réitérera pas ces actes illicites à l’avenir.
50. En troisième lieu, Israël est tenu de fournir des réparations globales au peuple palestinien, ainsi qu’à toutes les personnes physiques ou morales concernées, pour le préjudice qu’il leur a fait subir du fait de ses violations du droit international117.
51. En quatrième lieu, Israël a pour obligation, en tant qu’État Membre des Nations Unies, d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil de sécurité118 et de remplir de bonne foi les obligations qu’il a assumées aux termes de la Charte119. Il a refusé à maintes reprises de se conformer aux résolutions adoptées par l’Assemblée générale et par le Conseil de sécurité à l’égard du TPO et son inobservation des résolutions dudit Conseil constitue une violation grave du droit international engageant sa responsabilité, comme ce fut le cas de l’Afrique du Sud pour ses violations des résolutions adoptées par ce même organe de l’ONU au sujet du maintien de la présence sud-africaine en Namibie120.
52. En dernier lieu, les violations israéliennes continues du droit international entraînent aussi des conséquences juridiques pour les États tiers. Conformément à des prononcés antérieurs de la Cour, les États tiers sont tenus : i) de ne pas reconnaître la situation illicite créée par l’occupation continue par Israël du territoire palestinien occupé ; ii) de ne pas prêter aide ou assistance à des activités d’implantation illicites ; iii) de coopérer avec l’ONU pour mettre un terme à l’occupation illicite d’Israël ; iv) de mettre fin à toute entrave imposée à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination ; et v) de veiller au respect par Israël des obligations qui lui incombent en vertu du droit international121.
Conclusion
53. Le rapport en date du 14 septembre 2022 établi par la Commission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies à la demande du CDH montre au-delà du moindre doute que l’occupation israélienne continue de terres palestiniennes est illicite au regard du droit international122. De par ses politiques et pratiques dans le TPO, Israël enfreint constamment et sans relâche le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme. Il viole notamment le droit à l’eau, qui constitue une obligation dont il doit s’acquitter à l’égard de tous les Palestiniens dans le TPO.
117 Usine de Chorzów, fond, arrêt no 13, 1928, C.P.J.I. série A no 17, p. 47 ; avis sur le mur, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 198, par. 152-153.
118 Charte des Nations Unies, art. 25.
119 Ibid., art. 2, par. 2.
120 Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 51, par. 108, p. 54, par. 118.
121 Résolution 77/25 de l’Assemblée générale, doc. A/RES/77/25, 6 décembre 2022, par. 13 ; Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 139-140, par. 180, 182 et 183, al. 5) ; avis sur le mur, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 199-200, par. 154-160.
122 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, doc. A/77/328, 14 septembre 2022, par. 75.
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L’importance cruciale de cette obligation ne fera que s’accroître avec la crise planétaire des changements climatiques.
54. La violation de principes fondamentaux du droit international contribue à perpétuer le cycle de conflits dans la région, empêchant l’accomplissement de tout progrès véritable vers une solution durable. Il est essentiel que cela soit reconnu par toutes les parties. En conséquence, les Maldives estiment qu’un avis consultatif de la Cour, affirmant l’illicéité des politiques et pratiques d’Israël dans le TPO et les conséquences juridiques qui en découlent, pourrait constituer une avancée sensible vers l’instauration d’une paix et d’une sécurité pérennes dans la région.
Le 25 juillet 2023.
L’agent de la République des Maldives,
Attorney General,
(Signé) Ibrahim RIFFATH.
Bureau de l’Attorney General
Velaanaage, 6e étage,
Male’, République des Maldives
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