Exposé écrit de Maurice

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186-20230725-WRI-27-00-EN
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18857
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE CONSÉQUENCES JURIDIQUES DÉCOULANT DES POLITIQUES ET PRATIQUES D’ISRAËL DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ, Y COMPRIS JÉRUSALEM-EST (REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF) EXPOSÉ ÉCRIT DE LA RÉPUBLIQUE DE MAURICE
25 juillet 2023
[Traduction du Greffe]
INTRODUCTION
1. Conformément à l’ordonnance en date du 3 février 2023 rendue par la Cour dans la procédure consultative sur les Conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, la République de Maurice soumet le présent exposé écrit, qui traite certains aspects des questions portées devant la Cour par l’Assemblée générale dans sa résolution 77/247 du 30 décembre 2022.
2. L’Assemblée générale a en effet prié la Cour de donner un avis consultatif sur les questions suivantes :
« a) Quelles sont les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et de son annexion prolongées du territoire palestinien occupé depuis 1967, notamment des mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem, et de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires connexes ?
b) Quelle incidence les politiques et pratiques d’Israël visées au paragraphe 18 a) ci-dessus ont-elles sur le statut juridique de l’occupation et quelles sont les conséquences juridiques qui en découlent pour tous les États et l’Organisation des Nations Unies ? »
3. Dans son exposé, Maurice s’intéresse plus particulièrement aux « conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination » et, notamment, à l’incidence de cette violation persistante sur le statut juridique de son occupation du territoire palestinien occupé depuis 1967 (ci-après le « TPO ») et aux obligations juridiques s’imposant à cet égard à tous les États.
4. Le présent exposé se compose de trois parties. La partie A porte sur le droit à l’autodétermination en droit international. La partie B traite de la violation, par Israël, de ce droit dans le contexte de l’occupation du TPO. La partie C expose les conséquences juridiques de cette violation persistante.
5. À titre liminaire, Maurice précisera qu’elle est convaincue que la Cour donnera l’avis consultatif que l’Assemblée générale a demandé. La résolution 77/247 invite la Cour à se prononcer sur des points éminemment juridiques, et ces points concernent à l’évidence des questions ayant pour sujet la Palestine, à l’égard de laquelle l’Assemblée générale en particulier et les Nations Unies dans leur ensemble n’ont cessé, depuis au moins 1947, d’exercer une responsabilité spéciale, et à propos de laquelle il est essentiel, aux fins du respect de la primauté du droit et de la paix et la sécurité internationales, que la Cour se prononce. Celle-ci n’a pas donc pas de raison, ni a fortiori de raison décisive, de refuser d’exercer sa compétence consultative.
A. LE DROIT À L’AUTODÉTERMINATION EN DROIT INTERNATIONAL
6. Dans son avis consultatif de 1950 sur le Statut international du Sud-Ouest africain, la Cour a indiqué que, au moment de la création du système des mandats, « deux principes furent considérés comme étant d’importance primordiale : celui de la non-annexion et celui qui proclamait que le bien-
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être et le développement de ces peuples formaient “une mission sacrée de civilisation” »
1. Dans un avis consultatif ultérieur, rendu en 1970 sur les Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) (ci-après l’« avis sur la Namibie »), elle a précisé que la « mission sacrée de civilisation » ainsi visée avait pour « objectif ultime l’autodétermination et l’indépendance des peuples en cause »2.
7. Très tôt, dans l’histoire de la jurisprudence de la Cour, deux principes juridiques essentiels avaient ainsi été définis : un État ne doit annexer (ni chercher à s’approprier d’une quelconque autre façon) aucune partie d’un territoire sous mandat et il doit respecter le droit de la population de ce territoire à disposer d’elle-même. Ces principes sont étroitement liés : l’annexion d’un territoire est incompatible avec le droit à l’autodétermination du peuple présent sur ce territoire. Ce lien étroit est reflété dans la résolution 2649 (XXV), adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en novembre 1970, qui énonce que « l’acquisition et la conservation d’un territoire contrairement au droit à l’autodétermination du peuple de ce territoire est inadmissible et constitue une violation flagrante de la Charte »3.
8. Dans son arrêt de 1995 en l’affaire du Timor oriental, la Cour a considéré qu’il n’y avait « rien à redire » à l’affirmation selon laquelle « le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, tel qu’il s’est développé à partir de la Charte et de la pratique de l’Organisation des Nations Unies, est un droit opposable erga omnes », ajoutant qu’« il s’agit là d’un des principes essentiels du droit international contemporain »4.
9. Vingt-quatre ans plus tard, dans son avis consultatif sur les Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965 (ci-après l’« avis sur les Chagos »), la Cour allait de nouveau confirmer que le droit à l’autodétermination était un « droit humain fondamental »5. En se penchant sur l’application de ce droit fondamental dans le contexte de la décolonisation, la Cour a une fois de plus mis en évidence le lien existant entre le respect de l’intégrité territoriale et le droit à l’autodétermination, en indiquant que le « caractère coutumier du droit à l’intégrité territoriale d’un territoire non autonome … constitue le corollaire du droit à l’autodétermination », et que les « États n’ont cessé de souligner que le respect de l’intégrité territoriale d’un territoire non autonome était un élément clef de l’exercice du droit à l’autodétermination en droit international »6.
10. L’importance fondamentale du droit à l’autodétermination est un thème récurrent de la jurisprudence de la Cour. Dans la déclaration qu’elle a jointe à l’avis sur les Chagos, la vice-présidente Xue a mis en avant l’« importance primordiale du principe d’autodétermination », « attestée par son caractère opposable à tous (erga omnes) », précisant que ce principe non seulement confère aux peuples le droit de disposer d’eux-mêmes, mais « impose aussi l’obligation à tous les États de veiller à ce que ce droit soit pleinement respecté »7. De même, dans leur déclaration commune, les juges Cançado Trindade et Robinson ont rappelé que l’Assemblée générale avait « insist[é], année après année, sur l’importance du droit fondamental des peuples à obtenir leur liberté
1 Statut international du Sud-Ouest africain, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 131.
2 Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 31, par. 53.
3 Assemblée générale, résolution 2649 (XXV) du 30 novembre 1970.
4 Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 102, par. 29.
5 Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 131, par. 144.
6 Avis sur les Chagos, p. 134, par. 160.
7 Ibid., p. 146, par. 19 (déclaration de la juge Xue, vice-présidente).
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et leur indépendance en tant que norme majeure du droit international »
8, ajoutant que la résolution 1514 de l’Assemblée générale, adoptée en 1960, était une résolution « historique », qui constituait une « affirmation d[u] droit [à l’autodétermination] en tant que norme universellement applicable à laquelle il était, par conséquent, impossible de déroger »9.
11. Le droit à l’autodétermination, en sus de constituer une règle de droit international coutumier opposable erga omnes, est indubitablement une norme impérative du droit international, ainsi qu’affirmé dans cette déclaration commune. C’est notamment ce que confirme le « Projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens) », qui définit le droit à l’autodétermination comme une norme ayant le caractère de jus cogens10.
B. VIOLATION PERSISTANTE PAR ISRAËL DU DROIT DU PEUPLE PALESTINIEN À L’AUTODÉTERMINATION
12. Le droit du peuple palestinien à l’autodétermination a été consacré par l’Assemblée générale et par la Cour :
 Voici plus de 50 ans, en 1970, l’Assemblée générale a adopté la résolution 2649 (XXV) sur l’« [i]mportance, pour la garantie et l’observation effectives des droits de l’homme, de la réalisation universelle du droit des peuples à l’autodétermination et de l’octroi rapide de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux ». Ayant « [s]ouligné l’importance … de la réalisation universelle du droit des peuples à l’autodétermination », l’Assemblée générale y « [c]ondamn[ait] les gouvernements qui refusent le droit à l’autodétermination aux peuples auxquelles on a reconnu ce droit, notamment l[e] peupl[e] … de Palestine »11.
 En 1981, elle a adopté la résolution 36/120D, « [r]éaffirm[ant] les droits inaliénables en Palestine du peuple palestinien, y compris : a) Le droit à l’autodétermination, sans ingérence extérieure, ainsi qu’à l’indépendance et à la souveraineté nationales »12.
 En 1994, elle a adopté la résolution 49/149 sur « [l]e droit du peuple palestinien à l’autodétermination ». Elle y « [r]éaffirm[ait] le droit du peuple palestinien à l’autodétermination » et « [p]riait instamment tous les États, les institutions spécialisées et les organismes des Nations Unies de continuer à appuyer le peuple palestinien dans sa marche vers l’autodétermination »13.
 Des résolutions libellées en des termes similaires ont été adoptées dans les années suivantes. Ainsi, en 2003, elle a adopté la résolution 58/163 sur « [l]e droit du peuple palestinien à l’autodétermination ». En sus de « [r]éaffirme[r] le droit du peuple palestinien à
8 Avis sur les Chagos, p. 259, par. 6 (déclaration commune des juges Cançado Trindade et Robinson).
9 Ibid., p. 258, par. 2 (déclaration commune des juges Cançado Trindade et Robinson).
10 Voir « Projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens) », rapport de la Commission du droit international, soixante-treizième session, doc. A/77/10, par. 44. En 1980 déjà, le rapporteur spécial de la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités avait observé que, «[d]ans la doctrine actuelle, l’opinion selon laquelle l’autodétermination constitue un cas de jus cogens trouve un large appui » (Le droit à l’autodétermination. Application des résolutions de l’Organisation des Nations Unies. Étude établie par Héctor Gros Espiell, rapporteur spécial de la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités (1980), doc. E/CN.4/Sub.2/405/Rev.1, p. 12, par. 78).
11 Assemblée générale, résolution 2649 (XXV) du 30 novembre 1970 (les italiques sont de nous).
12 Assemblée générale, résolution 36/120D du 10 décembre 1981.
13 Assemblée générale, résolution 49/149 du 23 décembre 1994.
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l’autodétermination, y compris son droit à un État palestinien indépendant », elle y « [p]riait instamment les États et les institutions spécialisées et les organismes des Nations Unies de continuer tous à apporter aide et soutien au peuple palestinien en vue de la réalisation rapide de son droit à l’autodétermination »
14.  Dans son avis sur le mur de 2004, la Cour a observé que parmi les droits des Palestiniens « figure le droit à l’autodétermination, comme l’Assemblée générale l’a … reconnu à plusieurs occasions »
15, avant d’ajouter qu’« Israël doit observer l’obligation qui lui incombe de respecter le droit à l’autodétermination du peuple palestinien »16.
 Le 15 décembre 2022, l’Assemblée générale a adopté la résolution 77/208 sur « [l]e droit du peuple palestinien à l’autodétermination ». Elle y faisait référence à l’avis sur le mur, « notant en particulier la réponse de la Cour, notamment sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, qui est un droit opposable erga omnes ». L’Assemblée générale y « [s]ouligna[i]t » à la fois « la nécessité impérieuse de mettre un terme immédiatement à l’occupation israélienne qui a commencé en 1967 » et « la nécessité de respecter et de préserver l’unité, la continuité et l’intégrité de l’ensemble du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est ». Elle réaffirmait en conséquence, une fois de plus, « le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, y compris son droit à un État de Palestine indépendant » et, de nouveau, « [e]xhort[ait] tous les États ainsi que les institutions spécialisées et les organismes des Nations Unies à continuer d’apporter soutien et aide au peuple palestinien en vue de la réalisation rapide de son droit à l’autodétermination »17.
13. Il est largement admis qu’Israël commet une « violation persistante » du droit à l’autodétermination du peuple palestinien. Le libellé de la résolution 77/247 y fait ainsi expressément référence et, dans l’avis sur le mur, il est dit que la construction par Israël d’un mur dans le TPO « dresse … un obstacle grave à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination et viole de ce fait l’obligation incombant à Israël de respecter ce droit »18.
14. C’est sur le fondement de son appréciation des éléments de preuve relatifs à un aspect factuel bien précis de l’occupation, à savoir la construction d’un mur à l’est de la Ligne verte, que la Cour a estimé, en 2004, qu’Israël « dress[ait … un obstacle grave » au droit à l’autodétermination du peuple palestinien. Elle n’était pas alors appelée à examiner l’incidence sur le droit à l’autodétermination du peuple palestinien de l’annexion formelle de Jérusalem, ni des nombreux autres moyens par lesquels Israël a cherché à étendre sa souveraineté dans l’ensemble de la Cisjordanie. Du seul fait de l’édification du mur et du régime associé à celui-ci, la Cour a cependant conclu à l’existence d’un « obstacle grave » à l’exercice de ce droit. Si elle avait été appelée à apprécier la situation dans une perspective plus large, englobant tous les aspects de l’occupation, elle aurait on ne peut plus certainement conclu à l’existence d’innombrables autres « obstacle[s] grave[s] » excluant, collectivement, toute possibilité pour le peuple palestinien d’exercer son droit à l’autodétermination.
15. La situation factuelle a évolué au cours des 20 années qui se sont écoulées depuis le prononcé de l’avis sur le mur. Loin de s’abstenir de poursuivre la construction du mur et d’en démanteler les parties déjà construites, comme le lui avait enjoint la Cour, Israël a malheureusement
14 Assemblée générale, résolution 58/163 du 22 décembre 2003.
15 Avis sur le mur, p. 183, par. 118.
16 Ibid., p. 197, par. 149.
17 Assemblée générale, résolution 77/208 du 15 décembre 2022.
18 Avis sur le mur, p. 184, par. 122 (les italiques sont de nous).
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et selon toute apparence fait précisément l’inverse, augmentant considérablement la longueur de cette barrière
19. Il apparaît que, loin de prendre acte des conclusions sans équivoque de la Cour sur les zones de peuplement construites à Jérusalem-Est comme en Cisjordanie, Israël a continué d’implanter des colonies par dizaines, et ses colons par centaines de milliers20. En conséquence, la domination qu’exerce Israël sur le TPO et sa population est encore plus prononcée et systématique qu’elle ne l’était lorsque la Cour a donné son avis sur le mur.
16. Les rapports de nombreux organes de l’Organisation des Nations Unies compilent des preuves ne laissant aucun doute sur le fait qu’Israël s’est employé à annexer de larges pans du TPO, violant ainsi le droit à l’autodétermination du peuple palestinien. Pour ne citer que deux exemples récents :
 La Commission internationale indépendante d’enquête de l’ONU a conclu, en septembre 2022, que l’occupation israélienne du TPO était « illégale au regard du droit international en raison de sa permanence et des mesures mises en oeuvre par Israël pour annexer de facto et de jure certaines parties de ce territoire ». Cette Commission a également constaté qu’Israël était à l’origine « d’expulsions, de déportations et de transferts forcés de Palestiniens à l’intérieur de la Cisjordanie, de l’expropriation, du pillage et de l’exploitation de terres et de ressources naturelles vitales, de restrictions des déplacements et du maintien d’un environnement coercitif dans le but de fragmenter la société palestinienne, d’inciter les Palestiniens à quitter certaines zones et de faire en sorte qu’ils soient incapables de réaliser leur droit à l’autodétermination »21. Faisant aussi le constat de la mise en place de nouvelles colonies, elle a jugé que celle-ci « rédui[sai]t encore la probabilité de la fin de l’occupation et viol[ait] le droit des Palestiniens à l’autodétermination »22.
 Le même mois, la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la « Situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 » a publié un rapport détaillé concluant que « l’installation forcée de colons, de zones de peuplement et d’infrastructures de colonisation sur le terrain et l’espace des Palestiniens a servi à empêcher les Palestiniens de jouir de leur droit à l’autodétermination et constitue une violation de plusieurs normes impératives du droit international, au titre duquel les activités de ce type sont absolument interdites ». Selon elle, les éléments de preuve établissent que « l’occupation n’est pas seulement belliqueuse, mais qu’elle relève également du colonialisme de peuplement » et qu’Israël a « empêché le peuple palestinien de jouir de son droit à l’autodétermination et violé chaque aspect de ce droit en poursuivant délibérément ses efforts de “dé-palestinisation” du territoire occupé ». La rapporteuse spéciale soulignait que « le refus de laisser au peuple palestinien le droit de décider lui-même de sa trajectoire » était à la fois « intentionnel et inhérent » à l’occupation du TPO23.
19 Dans son avis sur le mur, la Cour indique que, selon l’exposé écrit du Secrétaire général, « [a]u 25 janvier 2004, … les travaux avaient été achevés sur environ 190 kilomètres » (voir avis sur le mur, p. 169, par. 81). Or, d’après l’Organisation des Nations Unies, en 2021, plus de 65 % de la structure du mur avait été construite (soit environ 462 km, sur une longueur totale prévue de 712 km) (voir https://www.un.org/unispal/fr/faits-et-chiffres/).
20 Les données publiées par l’organisation Peace Now montrent ainsi que, à la date où la Cour a donné son avis sur le mur, le nombre de colons israéliens en Cisjordanie s’établissait à environ 244 000. En 2021, il s’élevait à plus de 465 000, la population de colons ayant ainsi pratiquement doublé depuis le prononcé de l’avis sur le mur. Voir https://peacenow.org. il/en/settlements-watch/settlements-data/population.
21 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 14 septembre 2022, doc. A/77/328, p. 24-25, par. 75 et 77 (les italiques sont de nous).
22 Ibid., p. 6, par. 15.
23 Rapport de la rapporteuse spéciale sur la « Situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 », Francesca Albanese, 21 septembre 2022, doc. A/77/356, par. 35-36 et 76 (les italiques sont de nous).
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17. L’occupation israélienne du TPO, commencée en 1967, dure depuis plus d’un demi-siècle. Cette occupation qui perdure, et le déni conséquent du droit à l’autodétermination du peuple palestinien, va très nettement à l’encontre de la tendance générale qui prévaut depuis les années 1960. Comme l’a relevé la Cour dans son avis sur les Chagos, en effet, « le processus de décolonisation s’est accéléré au cours de l’année 1960, puisque 18 pays … ont accédé à l’indépendance. Au cours des années 1960, les peuples de 28 autres territoires non autonomes exerceront leur droit à l’autodétermination, accédant ainsi à l’indépendance »24. Ainsi, si, « en 1960, un tiers au moins de la population mondiale vivait encore sous domination coloniale », en 2019, « l’Assemblée générale [étai]t parvenue, grâce à ses résolutions et à leur application, à mener presque entièrement à bien le processus de décolonisation à travers le monde »25. Or, les décennies qui se sont écoulées depuis 1967 ont été marquées par une hausse des incursions en TPO, l’implantation de centaines de zones de peuplement et de centaines de milliers de colons israéliens — dans le cadre d’une colonisation de facto du territoire palestinien par Israël — et le refus de laisser le peuple palestinien exercer son droit à l’autodétermination dans l’ensemble de ses terres ancestrales.
C. CONSÉQUENCES JURIDIQUES DE LA VIOLATION PERSISTANTE PAR ISRAËL DU DROIT DU PEUPLE PALESTINIEN À L’AUTODÉTERMINATION
18. Les constats auxquels est parvenue la Cour dans ses avis sur la Namibie, les Chagos et le mur établissent que le maintien d’une présence continue et l’exercice d’une administration par un État sont illégaux dès lors que celui-ci conserve le contrôle du territoire concerné en violation des règles de la décolonisation ou d’autres règles applicables du droit international — tout particulièrement en ce qui concerne la non-acquisition de territoire —, et ce, que cet État soit une puissance coloniale, une puissance mandataire ou une puissance occupante ; ils constituent des faits internationalement illicites ayant un caractère continu, auxquels il doit être mis fin aussi rapidement que possible pour que la population de ce territoire puisse jouir de son droit à l’autodétermination.
19. Dans son avis sur la Namibie, à la question « Quelles sont les conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie, nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité ? », la Cour a répondu on ne peut plus clairement, exprimant l’avis que « la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie étant illégale, l’Afrique du Sud a l’obligation de retirer immédiatement son administration de la Namibie et de cesser ainsi d’occuper le territoire » et
« que les États Membres des Nations Unies ont l’obligation de reconnaître l’illégalité de la présence de l’Afrique du Sud en Namibie et le défaut de validité des mesures prises par elle au nom de la Namibie ou en ce qui la concerne, et de s’abstenir de tous actes et en particulier de toutes relations avec le Gouvernement sud-africain qui impliqueraient la reconnaissance de la légalité de cette présence et de cette administration, ou qui constitueraient une aide ou une assistance à cet égard »26.
20. Dans l’avis sur les Chagos, la Cour a répondu non moins clairement à la question « Quelles sont les conséquences en droit international … du maintien de l’archipel des Chagos sous l’administration du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ? ». Elle l’a fait en ces termes : « [L]e processus de décolonisation de Maurice n’a pas été validement mené à bien lorsque ce pays a accédé à l’indépendance en 1968 à la suite de la séparation de l’archipel des Chagos », et, partant, « le Royaume-Uni est tenu, dans les plus brefs délais, de mettre fin à son administration de
24 Avis sur les Chagos, p. 132, par. 150.
25 Ibid., p. 258-259, par. 2 et 6 (déclaration commune des juges Cançado Trindade et Robinson).
26 Avis sur la Namibie, p. 58, par. 133.
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l’archipel des Chagos », et « tous les États Membres sont tenus de coopérer avec l’Organisation des Nations Unies aux fins du parachèvement de la décolonisation de Maurice »
27.
21. Ainsi qu’indiqué plus haut, la Cour, dans son avis sur le mur, a estimé que l’édification du mur emportait violation du droit à l’autodétermination du peuple palestinien, avec pour conséquence juridique l’obligation pour Israël « de mettre un terme aux violations du droit international dont il est l’auteur », y compris en cessant ses travaux d’édification du mur, en en démantelant les parties déjà construites et en « abroge[ant] immédiatement ou [en] priv[ant] immédiatement d’effet » l’« ensemble des actes législatifs et réglementaires adoptés en vue de son édification et de la mise en place du régime qui lui est associé »28. Dès lors, a-t-elle conclu, tous les États sont « dans l’obligation de ne pas reconnaître la situation illicite découlant de la construction du mur et de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par cette construction »29. En particulier, « [i]l appartient … à tous les États de veiller, dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international, à ce qu’il soit mis fin aux entraves, résultant de la construction du mur, à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination »30.
22. Pour les raisons synthétisées ci-dessus, nombreux sont les éléments tendant à conforter la conclusion que l’occupation, par Israël, du TPO — résultant notamment de son annexion illicite — constitue une « entrav[e] » persistante et systématique « à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination ». En conséquence, Israël a l’obligation de cesser, sans délai, l’occupation du TPO et « [i]l appartient … à tous les États de veiller » à ce qu’il « soit mis fin » au plus vite à cette occupation.
CONCLUSION
23. Pour les raisons exposées ci-dessus, Maurice considère que la Cour doit donner un avis consultatif indiquant,
a) que, par son occupation illégale du TPO, Israël a violé, et continue de violer, le droit du peuple palestinien à l’autodétermination ;
b) qu’Israël est tenu de cesser immédiatement, intégralement et irréversiblement — l’occupation du TPO ;
c) qu’il incombe à tous les États de veiller à ce qu’Israël s’acquitte de l’obligation mise à sa charge de respecter le droit à l’autodétermination du peuple palestinien, et de son obligation concomitante de mettre fin à l’occupation illégale du TPO.
Le 25 juillet 2023.
L’ambassadeur et représentant permanent de la République de Maurice
auprès de l’Organisation des Nations Unies,
(Signé) Jagdish Dharamchand KOONJUL,
G.C.S.K., G.O.S.K.
___________
27 Avis sur les Chagos, p. 139-140, par. 182-183.
28 Avis sur le mur, p. 198 et 201-202, par. 151 et 163 D.
29 Ibid., p. 201, par. 163 D.
30 Ibid., p. 200, par. 159.

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