Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
18864
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
CONSÉQUENCES JURIDIQUES DÉCOULANT DES POLITIQUES ET PRATIQUES D’ISRAËL DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ, Y COMPRIS JÉRUSALEM-EST (REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF)
EXPOSÉ ÉCRIT DU ROYAUME HACHÉMITE DE JORDANIE
25 juillet 2023
[Traduction du Greffe]
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Le Royaume hachémite de Jordanie (ci-après la « Jordanie ») soumet le présent exposé écrit conformément à l’ordonnance rendue le 3 février 2023 par la Cour afin de fournir des renseignements sur les questions posées à celle-ci dans la résolution 77/247 de l’Assemblée générale et de lui apporter son concours.
Au paragraphe 18 de la résolution 77/247, l’Assemblée générale a demandé à la Cour :
« de donner … un avis consultatif sur les questions ci-après, compte tenu des règles et principes du droit international, dont la Charte des Nations Unies, le droit international humanitaire, le droit international des droits de l’homme, les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et du Conseil des droits de l’homme et les siennes propres, et l’avis consultatif donné par la Cour le 9 juillet 2004 :
a) Quelles sont les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et de son annexion prolongées du territoire palestinien occupé depuis 1967, notamment des mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem, et de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires connexes ?
b) Quelle incidence les politiques et pratiques d’Israël visées au paragraphe 18 a) ci-dessus ont-elles sur le statut juridique de l’occupation et quelles sont les conséquences juridiques qui en découlent pour tous les États et l’Organisation des Nations Unies ? »
L’exposé écrit de la Jordanie se divise en deux parties. La première est consacrée aux deux questions posées à la Cour par l’Assemblée générale ; la seconde traite ensuite du rôle particulier de la Jordanie à l’égard des Lieux saints de Jérusalem et les conséquences qui découlent de l’occupation illicite par Israël, s’agissant en particulier des mesures visant à modifier le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem. Par souci de commodité, la Jordanie énonce ses conclusions à la fin de la première partie de son exposé écrit ; elles sont reproduites, inchangées, à la fin de la seconde partie.
La première partie de l’exposé écrit se subdivise en cinq chapitres. Après le chapitre 1, qui est introductif, il est expliqué au chapitre 2 que la Cour a compétence pour donner l’avis demandé, et qu’il n’existe aucune raison décisive pour laquelle elle ne devrait pas le faire. Au chapitre 3 sont ensuite énoncés les faits, notamment le contexte historique et l’occupation de durée indéterminée du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, par Israël de 1967 à nos jours. Il y est également expliqué que celui-ci manque continuellement de négocier de bonne foi un règlement de paix qui mettrait fin à l’occupation et permettrait de concrétiser la solution des deux États. Le chapitre 4 traite ensuite de la première des deux questions posées à la Cour (la question a)), qui se rapporte aux violations multiples et persistantes du droit international commises par Israël dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, lesquelles vont à l’encontre des principes fondamentaux du droit international, dont le droit de l’occupation et le droit international des droits de l’homme. Ce chapitre est consacré à l’occupation prolongée par Israël, à ses colonies illicites, à ses prétendues annexions ainsi qu’à ses mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem, et à l’adoption par Israël de lois et de mesures discriminatoires connexes. Le chapitre 5 traite enfin de la seconde question (la question b)), qui se rapporte à l’effet des pratiques et politiques d’Israël sur le statut de l’occupation dans son ensemble, et aux conséquences de celui-ci. Les politiques et pratiques illicites d’Israël reflètent l’intention de cet État de déplacer et de remplacer la population palestinienne, et d’acquérir par la force le territoire en question. Il s’agit là de la raison d’être de l’occupation, qui constitue une violation flagrante du droit international. Israël a par conséquent l’obligation de mettre fin à son occupation du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, dans les plus brefs délais.
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La seconde partie de l’exposé écrit se subdivise en cinq chapitres. Après le résumé et le glossaire qui figurent au chapitre 1, le chapitre 2 définit les Lieux saints musulmans et chrétiens de Jérusalem, relate le statu quo historique et expose la tutelle des Lieux saints confiée aux rois hachémites. Au chapitre 3 sont énoncés les catégories et types de violations commises par Israël en ce qui concerne les Lieux saints — par exemple la modification du caractère et du statut de la ville de Jérusalem, la limitation de l’accès aux Lieux saints musulmans et chrétiens, la destruction et l’atteinte à l’intégrité structurelle des Lieux saints, l’entrave aux travaux de restauration ou d’entretien aux Lieux saints — qui visent toutes à modifier le caractère et le statut de la ville de Jérusalem. Le chapitre 4 traite des obligations qui incombent à Israël au regard du droit international applicable en ce qui concerne les Lieux saints et de ses violations flagrantes des principes du droit international, du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme. Le chapitre 5 est consacré à la position de l’Organisation des Nations Unies et de ses États Membres, ainsi qu’à celle des organisations régionales concernées, sur le comportement d’Israël par rapport aux Lieux saints. Ce chapitre présente quantité d’éléments attestant que ledit comportement a constamment été reconnu comme emportant violation du droit international applicable.
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
CONSÉQUENCES JURIDIQUES DÉCOULANT DES POLITIQUES ET PRATIQUES D’ISRAËL DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ, Y COMPRIS JÉRUSALEM-EST (REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF)
EXPOSÉ ÉCRIT DU ROYAUME HACHÉMITE DE JORDANIE
PREMIÈRE PARTIE
TABLE DES MATIÈRES
Page
Chapitre 1. Introduction ..................................................................................................................... 1
I. La demande d’avis consultatif ................................................................................................. 1
II. Les questions soulevées par la demande .................................................................................. 2
III. L’intérêt particulier du Royaume hachémite de Jordanie ........................................................ 3
Chapitre 2. La Cour a compétence pour donner l’avis consultatif ..................................................... 6
Chapitre 3. Contexte factuel ............................................................................................................. 11
I. Le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est ................................................... 11
II. L’occupation prolongée, par Israël, du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est ......................................................................................................................... 12
III. Le manquement d’Israël, pendant bien des années, de négocier de bonne foi un règlement définitif du statut ................................................................................................... 14
Chapitre 4. Question a) .................................................................................................................... 25
I. La violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination....... 26
II. L’occupation, la colonisation et l’annexion prolongées par Israël du Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris les mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem ................................ 31
A. L’occupation prolongée, par Israël, du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est .................................................................................................................... 32
B. Les obligations incombant à Israël en tant que puissance occupante ............................... 36
C. Les colonies et « avant-postes » ....................................................................................... 40
D. Annexion........................................................................................................................... 46
E. Les mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem ........................................................................................... 49
III. Lois et mesures discriminatoires d’Israël ............................................................................... 52
A. L’obligation d’Israël de ne pas discriminer les Palestiniens ............................................. 52
1) L’interdiction de la discrimination raciale ................................................................... 52
2) L’interdiction de la discrimination fondée sur d’autres motifs .................................... 54
B. Pratiques discriminatoires d’Israël dans le Territoire palestinien occupé ......................... 55
1) Discrimination par le droit militaire ............................................................................. 56
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2) Régime d’aménagement discriminatoire ...................................................................... 57
3) Répression militaire ...................................................................................................... 59
4) Impunité en matière de violences commises par des colons ........................................ 62
C. Conclusions ....................................................................................................................... 64
IV. Crimes contre l’humanité ...................................................................................................... 65
A. Des crimes contre l’humanité sont commis dans le Territoire palestinien occupé ........... 67
B. Israël a manqué à ses obligations de prévenir et de punir les crimes contre l’humanité dans le Territoire palestinien occupé ................................................................................ 70
C. Israël manque à son obligation de ne pas se livrer à des actes constitutifs de crimes contre l’humanité .............................................................................................................. 73
V. Les conséquences juridiques des violations du droit international par Israël ........................ 74
Chapitre 5. Question b) .................................................................................................................... 79
I. L’incidence des politiques et pratiques d’Israël sur le statut juridique de l’occupation ........ 80
II. Les conséquences juridiques pour tous les États et l’Organisation des Nations Unies qui découlent du statut juridique de l’occupation ........................................................................ 82
Conclusions ...................................................................................................................................... 84
CHAPITRE 1 INTRODUCTION
I. LA DEMANDE D’AVIS CONSULTATIF
1.1. L’Organisation des Nations Unies, notamment le Conseil de sécurité, l’Assemblée générale et le Conseil économique et social (ECOSOC), ainsi que les organes de défense des droits de l’homme de l’ONU, a joué et continue de jouer un rôle central s’agissant des questions soulevées par la demande. Il était donc approprié que l’Assemblée générale présente, par sa résolution 77/247, la demande d’avis consultatif dont la Cour est aujourd’hui saisie.
1.2. À sa 3e séance plénière, le 16 septembre 2022, l’Assemblée générale a inscrit à l’ordre du jour de sa soixante-dix-septième session le point intitulé « Pratiques et activités d’implantation israéliennes affectant les droits du peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés »1. Ce point a été attribué à la Commission des questions politiques spéciales et de la décolonisation (Quatrième Commission).
1.3. La Quatrième Commission a tenu un débat général sur ce point à ses 24e et 25e séances, les 9 et 10 novembre 2022, et s’est prononcée à son sujet2. À sa 26e séance, le 11 novembre 2022, le représentant de la Namibie, au nom de l’Algérie, du Brunéi Darussalam, de Cuba, de l’Égypte, de l’Iraq, de la Jordanie, du Liban, de la Mauritanie, de la Namibie, du Qatar, de l’Arabie saoudite, du Sénégal, de la Tunisie et de l’État de Palestine, a présenté un projet de résolution intitulé « Pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple palestinien dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est »3, qui comprenait la présente demande d’avis consultatif. Par la suite, 18 autres États se sont joints à eux pour appuyer la résolution. La Quatrième Commission a adopté le projet de résolution à l’issue d’un vote enregistré, par 98 voix contre 17, avec 52 abstentions4, et recommandé son adoption par l’Assemblée générale5.
1.4. L’Assemblée générale a adopté la résolution 77/247, intitulée « Pratiques israéliennes affectant les droits humains du peuple palestinien dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est », à sa 56e session le 30 décembre 2022, à l’issue d’un vote enregistré, par 87 voix contre 26, avec 53 abstentions6.
1 Rapport de la Commission des questions politiques spéciales et de la décolonisation (Quatrième Commission) concernant les pratiques et activités d’implantation israéliennes affectant les droits du peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés, 14 novembre 2022, Assemblée générale, cote A/77/400, par. 1.
2 Ibid., par. 2.
3 Ibid., par. 8.
4 Ibid., par. 9.
5 Ibid., par. 14.
6 À la suite de l’adoption de la résolution 77/247, le Gouvernement israélien a annoncé qu’il prendrait contre la Palestine une série de mesures punitives, telles que des déductions des recettes fiscales palestiniennes et un gel des permis de construction pour les Palestiniens en Cisjordanie. Voir, par exemple, Axios, « Israel sanctions Palestinian Authority over push for ICJ opinion on occupation », 6 janvier 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.axios.com/2023/ 01/06/israel-sanctions-palestinian-authority-icj-occupation, consulté le 12 juillet 2023). Plus de 90 États ont publié une déclaration conjointe condamnant ces mesures.
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II. LES QUESTIONS SOULEVÉES PAR LA DEMANDE
1.5. La demande ayant conduit à l’avis consultatif que la Cour a donné le 9 juillet 2004 sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (ci-après l’« avis de 2004 »)7 était axée sur une seule question : l’édification, par Israël, d’un mur dans le territoire palestinien occupé et sa compatibilité avec le droit international, notamment le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme. Bien que certains points importants relatifs à l’occupation israélienne du territoire palestinien occupé aient été traités par la Cour en 2004, la demande dont celle-ci est aujourd’hui saisie va bien plus loin et soulève des questions concernant le statut actuel de l’occupation en tant que telle, ainsi qu’un large éventail de questions plus spécifiques.
1.6. L’avis de 2004 importe en raison de l’éclairage qu’il a apporté sur certaines questions fondamentales concernant l’occupation israélienne. Ces questions ont été bien résumées comme suit :
« le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, le statut de “territoires occupés” des territoires situés au-delà de la Ligne verte occupés par Israël par suite du conflit de 1967, la limitation du pouvoir d’Israël dans ces territoires occupés à celui d’une puissance occupante, l’application des traités relatifs aux droits de l’homme dans les territoires occupés dans le respect des dispositions du droit international humanitaire, l’illicéité des colonies israéliennes établies dans ces territoires occupés, ainsi que l’illicéité de l’édification du mur et du régime connexe »8.
1.7. Dans son avis de 2004, la Cour a notamment conclu ce qui suit :
« Les territoires situés entre la Ligne verte … et l’ancienne frontière orientale de la Palestine sous mandat ont été occupés par Israël en 1967 au cours du conflit armé ayant opposé Israël à la Jordanie. Selon le droit international coutumier, il s’agissait donc de territoires occupés dans lesquels Israël avait la qualité de puissance occupante. Les événements survenus depuis lors dans ces territoires … n’ont rien changé à cette situation. L’ensemble de ces territoires (y compris Jérusalem-Est) demeurent des territoires occupés et Israël y a conservé la qualité de puissance occupante. »9
1.8. La présente demande va au-delà. En plus de s’enquérir des conséquences juridiques découlant des violations continues du droit international qu’Israël commet par un large éventail de politiques et de pratiques (question a)), elle pose la question de savoir quelle est l’« incidence [de c]es politiques et pratiques … sur le statut juridique de l’occupation », et « quelles sont les conséquences juridiques qui en découlent pour tous les États et l’Organisation des Nations Unies » (question b)).
1.9. Il convient de répondre aux deux questions à la lumière du droit international applicable, notamment le droit de l’occupation et le droit international des droits de l’homme, ainsi que le droit de la Charte des Nations Unies et d’autres accords internationaux applicables.
7 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 136.
8 A. Watts, « Israeli Wall Advisory Opinion (Legal Consequences of the Construction of a Wall in the Occupied Palestinian Territory) », in Max Planck Encyclopedia of Public International Law, 2019, par. 41.
9 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 167, par. 78.
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1.10. La question a) appelle une réponse détaillée concernant chacune des politiques et pratiques israéliennes qui y sont mentionnées. Elle est traitée au chapitre 4 ci-après, où il sera démontré que, pendant son occupation, Israël a commis nombre de manquements aux obligations que lui impose le droit international, y compris de graves manquements à des obligations de jus cogens.
1.11. La question b) exige d’analyser l’effet de ces politiques et pratiques sur le statut juridique de l’occupation. Comme il sera expliqué au chapitre 5 ci-après, les principes fondamentaux du droit de l’occupation jouent un rôle central à cet égard. Il s’agit notamment des principes suivants, qui sont particulièrement pertinents aux fins du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est :
une occupation militaire est temporaire ; elle ne peut être permanente ou de durée indéterminée, et doit prendre fin en temps opportun ;
la puissance occupante ne peut acquérir la souveraineté sur le territoire occupé ou sur quelque partie de celui-ci ;
le pouvoir de la puissance occupante est limité par le droit de l’occupation, ainsi que par le droit international des droits de l’homme ; en particulier, la puissance occupante doit promouvoir les droits et intérêts de la population locale, et respecter son droit à l’autodétermination ;
la puissance occupante ne peut transférer une quelconque partie de sa propre population dans le territoire occupé.
1.12. Comme il sera démontré dans le présent exposé écrit, Israël a, pendant une période prolongée, agi en violation des obligations qui lui incombent en tant que puissance occupante, notamment en prenant des mesures qui reviennent à annexer des parties du territoire occupé et en ne cherchant pas de bonne foi à mettre fin à l’occupation en temps opportun. Israël n’a pas non plus respecté le droit du peuple palestinien à l’autodétermination. Il a en effet constamment et systématiquement méconnu les principes fondamentaux énoncés plus haut. L’occupation du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, est illicite en tant que telle, et Israël est tenu d’y mettre fin dans les plus brefs délais.
III. L’INTÉRÊT PARTICULIER DU ROYAUME HACHÉMITE DE JORDANIE
1.13. La présente demande d’avis consultatif revêt pour la Jordanie un intérêt particulier sur les plans juridique, politique et historique. En tant qu’État voisin, la Jordanie a des intérêts nationaux vitaux dans tous les développements dans la région, et en particulier dans un règlement juste, durable et global de la question palestinienne. Elle a en outre un rôle particulier à l’égard des Lieux saints, tant chrétiens que musulmans, de Jérusalem — rôle qui est reconnu par Israël, la Palestine et d’autres États. La violation persistante, par Israël, du droit du peuple palestinien à l’autodétermination ; son occupation, sa colonisation et son annexion prolongées du territoire occupé depuis 1967 ; ses mesures visant à modifier le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem ; et ses lois et mesures discriminatoires contre le peuple palestinien ont toutes une incidence directe sur les intérêts nationaux vitaux de la Jordanie, ainsi que sur la sécurité de la région.
1.14. Par suite de la guerre arabo-israélienne de 1948, des centaines de milliers de Palestiniens ont été déplacés de force et n’ont, depuis, pas été autorisés par Israël à regagner leurs foyers. La Jordanie, qui a déclaré son indépendance en 1946, a accueilli une grande partie d’entre eux ; de nombreuses générations de réfugiés palestiniens se trouvent encore sur son territoire. Selon l’Office
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de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), plus de 2,2 millions de réfugiés vivent aujourd’hui en Jordanie10.
1.15. L’occupation continue, depuis 1967, du territoire palestinien, y compris Jérusalem-Est, par Israël et son déni des droits des réfugiés et de la Jordanie emportent violation directe du droit international. Plus précisément, les réfugiés palestiniens ont un droit au retour et un droit à une indemnisation pour les actions illicites d’Israël, conformément au droit international11. L’Assemblée générale et le Conseil de sécurité ont désigné les Palestiniens comme une catégorie de réfugiés en se référant à des faits historiques, et il s’agit aussi d’un groupe « ouvert » qui comprend les descendants des réfugiés de 1948 et de 1967.
1.16. La Jordanie, pour sa part, a droit à une indemnisation au titre du préjudice qu’elle a subi du fait du manquement, par Israël, aux obligations que lui impose le droit international. Elle a dû accueillir plusieurs milliers de Palestiniens expulsés par les forces israéliennes au cours du premier conflit et par la suite. Elle a été tenue d’acquitter les coûts afférents au maintien sur son territoire de nombre de réfugiés qui ont directement résulté du refus d’Israël de permettre le retour de la population déplacée. Dans cette entreprise en tant qu’État accueillant des réfugiés, la Jordanie a agi au nom de la communauté internationale. Son intérêt juridique a été reconnu dans le programme conjoint jordano-israélien de septembre 1993 et à l’article 8 du traité de paix conclu le 26 octobre 1994 entre la Jordanie et Israël (ci-après le « traité de paix de 1994 »)12.
1.17. L’occupation de durée indéterminée du territoire palestinien met à mal les efforts de la Jordanie visant à parvenir à un règlement juste, durable et global de la question palestinienne, sur le fondement des résolutions pertinentes de l’Organisation des Nations Unies, parmi lesquelles les résolutions 242 (1967)13, 338 (1973)14 et 2334 (2016) du Conseil de sécurité15. Un tel règlement est vital pour la sécurité de la région, Jordanie comprise.
1.18. Ce règlement doit mettre fin à l’occupation israélienne et faire aboutir la solution des deux États, permettant ainsi à la Palestine et à Israël de vivre côte à côte et à l’intérieur de frontières sûres et reconnues fondées sur les limites antérieures au 4 juin 1967. Il s’agit là d’une priorité d’intérêt national pour la Jordanie.
10 UNRWA, « Where We Work: Jordan » (accessible à l’adresse suivante : https://www.unrwa.org/where-we- work/jordan, consulté le 3 juillet 2023).
11 L’Assemblée générale a affirmé à plusieurs reprises le droit au retour des Palestiniens depuis qu’elle a adopté sa résolution 194 (III) du 11 décembre 1948. Au paragraphe 11, elle a décidé
« qu’il y a[vait] lieu de permettre aux réfugiés qui le désir[ai]ent … de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des indemnités d[evai]ent étre payées a titre de compensation pour les biens de ceux qui décid[ai]ent de ne pas rentrer dans leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé lorsque, en vertu des principes du droit international ou en équité, cette perte ou ce dommage d[eva]it être réparé par les Gouvernements ou autorités responsables ».
Le Conseil de sécurité a lui aussi entériné le droit au retour. Dans sa résolution 237 (1967), il a par exemple demandé à Israël de faciliter le retour des personnes déplacées et, dans sa résolution 242 (1967), il a affirmé qu’il était nécessaire de « réaliser un juste règlement du problème des réfugiés ».
12 Nations Unies, traité de paix entre l’État d’Israël et le Royaume hachémite de Jordanie, 26 octobre 1994, Recueil des traités (RTNU), vol. 2042, p. 351.
13 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 242 (1967) du 22 novembre 1967.
14 Ibid., résolution 338 (1973) du 22 octobre 1973.
15 Ibid., résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016.
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1.19. Depuis la conclusion du traité de paix de 1994, la Jordanie a déployé d’innombrables efforts diplomatiques pour mettre fin à l’occupation israélienne et réaliser les droits des Palestiniens, y compris leur droit à l’autodétermination16. Hélas, ces efforts ont constamment été sapés par Israël, qui a intensifié ses politiques illicites de colonisation dans le Territoire palestinien occupé, multipliant par quatre le nombre de colons israéliens en Cisjordanie depuis la conclusion des accords d’Oslo de 1993 et 199517.
1.20. Au regard des règles du droit international humanitaire, Israël est tenu de respecter les lois qui étaient en vigueur lorsqu’il a occupé le territoire palestinien, le 4 juin 1967, à savoir la législation jordanienne. Or, il a continué de violer le droit de la Jordanie dans les territoires qu’il a pris à celle-ci en 1967 par ses politiques de confiscation de terres, de destruction de biens palestiniens, d’expulsions, de construction de colonies, ainsi que par ses lois et mesures discriminatoires contre la population civile de ces territoires. Ces politiques ayant pour but de modifier le statut des territoires qu’il a occupés en juin 1967, Israël manque aux obligations qui découlent des règles de droit international applicables en matière d’occupation, notamment celle de respecter les lois en vigueur au moment où les territoires sont occupés.
1.21. Le rôle particulier de la Jordanie à l’égard des Lieux saints de Jérusalem-Est, en particulier la mosquée al-Haram al-Charif/al-Aqsa, a été reconnu par Israël à l’article 9 du traité de paix de 1994, qui lui impose de « respecte[r] le rôle spécifique … du Royaume hachémite de Jordanie dans les Lieux saints musulmans à Jérusalem ».
1.22. La direction jordanienne des Awqaf est l’entité gouvernementale chargée de maintenir et d’administrer le Haram al-Charif au regard du droit jordanien. Israël, en tant que puissance occupante à Jérusalem-Est, a l’obligation, conformément aux règles du droit international humanitaire, de respecter ledit ministère et de l’aider à s’acquitter de ses fonctions.
1.23. Israël a constamment manqué d’honorer les obligations que lui imposent les règles du droit international humanitaire et le traité de paix de 1994 en autorisant les incursions de colons et d’extrémistes dans la mosquée al-Haram al-Charif/al-Aqsa ; en laissant ses autorités attaquer continuellement les fidèles musulmans et en portant atteinte aux pouvoirs de la direction des Awqaf dans l’administration du Haram, y compris celui de réglementer l’accès au site.
1.24. Le rôle particulier de la Jordanie à l’égard des Lieux saints de Jérusalem-Est occupée trouve également son expression dans la tutelle hachémite des sites, confiée au roi du Royaume hachémite de Jordanie. Cette tutelle prévoit la protection juridique des Lieux saints et a été reconnue dans l’accord signé le 31 mars 2013 entre le roi Abdullah II de Jordanie et le président de la Palestine, M. Mahmoud Abbas18.
1.25. Les mesures israéliennes visant à modifier le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem constituent un affront direct au rôle particulier de la Jordanie à l’égard des Lieux saints de Jérusalem-Est occupée.
16 Voir, en dernier lieu, le communiqué commun d’Aqaba du 26 février 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.state.gov/aqaba-joint-communique/, consulté le 12 juillet 2023), et le communiqué commun de Charm el-Cheikh du 19 mars 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.state.gov/joint-communique-from-the- march-19-meeting-in-sharm-el-sheikh/, consulté le 12 juillet 2023).
17 Voir également par. 3.24-3.25 ci-après.
18 Pour de plus amples informations, voir la deuxième partie du présent exposé écrit.
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CHAPITRE 2 LA COUR A COMPÉTENCE POUR DONNER L’AVIS CONSULTATIF
2.1. Dans le présent chapitre, il sera démontré que la Cour a compétence pour donner l’avis consultatif demandé par l’Assemblée générale dans sa résolution 77/247 et qu’il n’existe aucune raison décisive pour laquelle elle devrait refuser de le faire.
2.2. La Cour tient sa compétence de donner un avis consultatif du paragraphe 1 de l’article 65 de son Statut, qui dispose ce qui suit : « La Cour peut donner un avis consultatif sur toute question juridique, à la demande de tout organe ou institution qui aura été autorisé par la Charte des Nations Unies ou conformément à ses dispositions à demander cet avis. »
2.3. Aux termes du paragraphe 1 de l’article 96 de la Charte des Nations Unies, « [l]’Assemblée générale ou le Conseil de sécurité peut demander à la Cour internationale de Justice un avis consultatif sur toute question juridique » (les italiques sont de nous).
2.4. Appliquant ces dispositions, la Cour a souligné que l’unique exigence à remplir pour qu’une demande de l’Assemblée générale relève de sa compétence était que l’avis consultatif sollicité porte sur une « question juridique »19. Elle a rappelé en plusieurs occasions que cela distinguait l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité d’autres organes habilités à lui demander un avis consultatif, ces derniers pouvant seulement lui soumettre des questions juridiques qui se posent dans le cadre de leurs activités20.
2.5. En outre, la Cour a précisé que rien n’empêchait l’Assemblée générale de solliciter un avis consultatif sur une question juridique relative à un point inscrit à l’ordre du jour du Conseil de sécurité au moment de la demande. En particulier, ni le libellé du paragraphe 1 de l’article 12 de la Charte ni la manière dont cette disposition a été interprétée et appliquée ne limitent la compétence de l’Assemblée générale à cet égard. La Cour l’a dit expressément dans son avis de 2004, au sujet de l’action du Conseil de sécurité concernant la situation au Moyen-Orient21.
2.6. Pour ce qui est de la nature de la question posée, la Cour a expressément indiqué qu’« une demande d’avis consultatif de l’Assemblée générale tendant à ce qu’elle examine une situation à l’aune du droit international concern[ait] une question juridique »22. Tel est manifestement le cas des
19 Voir, par exemple, Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 112-113, par. 55-62.
20 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 144, par. 14, faisant référence à Demande de réformation du jugement no 273 du Tribunal administratif des Nations Unies, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1982, p. 333-334, par. 21 (« pour qu[e la Cour] ait compétence, il faut que l’avis consultatif soit demandé par un organe dûment habilité à cet effet conformément à la Charte, qu’il porte sur une question juridique et que, sauf dans le cas de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité, cette question se pose dans le cadre de l’activité de cet organe ») (les italiques sont de nous).
21 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 148-150, par. 24-28, la Cour concluant au paragraphe 28 que « l’Assemblée générale, en adoptant la résolution ES-10/14 portant demande d’un avis consultatif de la Cour, n’a[vait] pas enfreint les dispositions du paragraphe 1 de l’article 12 de la Charte » et que, « en présentant la demande d’avis consultatif, l’Assemblée générale n’a[vait] pas outrepassé sa compétence ». Voir également Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 414, par. 24.
22 Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 112, par. 58.
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deux questions posées dans la présente demande, qui ont trait, premièrement, aux conséquences juridiques découlant de certaines politiques et pratiques israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et, deuxièmement, à l’incidence que ces politiques et pratiques ont sur le statut juridique de l’occupation, et aux conséquences juridiques qui en découlent pour tous les États et pour l’Organisation des Nations Unies. Dans les deux cas, il est demandé à la Cour de répondre à la question à l’aune du droit international ; l’Assemblée générale s’enquiert des « conséquences juridiques » de certaines pratiques et du « statut juridique » de l’occupation.
2.7. Le fait que les questions posées puissent également revêtir un caractère politique n’est pas pertinent aux fins de l’établissement de la compétence de la Cour pour répondre à la demande et ne saurait lui « enlever … une compétence qui lui est expressément conférée par son Statut »23. Comme la Cour l’a précisé en différentes occasions, le fait qu’une
« question revête … des aspects politiques … ne suffit pas à la priver de son caractère de « question juridique » … Quels que soient les aspects politiques de la question posée, la Cour ne saurait refuser un caractère juridique à une question qui l’invite à s’acquitter d’une tâche essentiellement judiciaire, à savoir l’appréciation de la licéité de la conduite éventuelle d’États au regard des obligations que le droit international leur impose. »24
2.8. De même, la nature politique des motifs qui pourraient avoir inspiré la demande ou les conséquences politiques que pourrait avoir l’avis de la Cour n’ont aucune incidence sur le fait que les questions sont qualifiées de juridiques25.
2.9. À la lumière de ce qui précède, la Jordanie soutient que les deux questions soumises à la Cour revêtent un caractère juridique et que la demande d’avis consultatif a été présentée conformément à la Charte. En conséquence, la Cour a compétence pour donner l’avis consultatif demandé par la résolution 77/247 de l’Assemblée générale.
2.10. Il est bien établi que, lorsqu’elle est saisie d’une demande d’avis consultatif qui relève de sa compétence, la Cour doit en principe y répondre, sauf s’il existe des « raisons décisives » de ne pas le faire. Si tel est le cas, c’est parce que, pour reprendre les termes de la Cour, « sa réponse à une demande d’avis consultatif “constitue [sa] participation … à l’action de l’Organisation [des
23 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 155, par. 41 ; Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 234, par. 13.
24 Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 415, par. 27 ; Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 155, par. 41 ; Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 234, par. 13.
25 Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 415, par. 27, faisant référence à Conditions de l’admission d’un État comme Membre des Nations Unies (article 4 de la Charte), avis consultatif, 1948, C.I.J. Recueil 1947-1948, p. 61, et Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 234, par. 13.
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Nations Unies] et, en principe, … ne devrait pas être refusée” »26. Il n’existe aucune raison de ce type dans la présente procédure.
2.11. Les faits qui se trouvent au coeur de la demande d’avis consultatif sont amplement attestés par des éléments versés au dossier27. Il est donc satisfait à la condition selon laquelle la Cour doit disposer de « renseignements et d’éléments de preuve suffisants pour être à même de porter un jugement sur toute question de fait contestée et qu’il lui faudrait établir pour se prononcer d’une manière conforme à son caractère judiciaire »28.
2.12. En outre, répondre à la demande de l’Assemblée générale n’aurait pas « pour effet de tourner le principe selon lequel un État n’est pas tenu de soumettre un différend au règlement judiciaire s’il n’est pas consentant »29.
2.13. Ainsi que cela a été rappelé dans l’avis de 2004,
« [l]e consentement des États parties à un différend est le fondement de la juridiction de la Cour en matière contentieuse. Il en est autrement en matière d’avis, alors même que la demande d’avis a trait à une question juridique actuellement pendante entre États. La réponse de la Cour n’a qu’un caractère consultatif : comme telle, elle ne saurait avoir d’effet obligatoire. Il en résulte qu’aucun État, Membre ou non membre des Nations Unies, n’a qualité pour empêcher que soit donné suite à une demande d’avis dont les Nations Unies, pour s’éclairer dans leur action propre, auraient reconnu l’opportunité. L’avis est donné par la Cour non aux États, mais à l’organe habilité pour le lui demander ; la réponse constitue une participation de la Cour, elle-même “organe des Nations Unies”, à l’action de l’Organisation et, en principe, elle ne devrait pas être refusée. »30
2.14. Conformément à ce qui précède, la Cour a souligné que le fait que deux ou plusieurs États aient des vues divergentes sur les questions qui lui sont posées n’est pas considéré en soi comme une raison décisive de ne pas répondre à une demande d’avis consultatif. Elle relève en effet que
26 Voir, en dernier lieu, Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 113, par. 65, faisant référence à Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 71 ; Différend relatif à l’immunité de juridiction d’un rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 78-79, par. 29 ; Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 416, par. 30 ; et Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 156, par. 44.
27 Voir, par exemple, les documents que le Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies a soumis à la Cour le 31 mai 2023.
28 Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 114, par. 71, faisant référence à Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 28-29, par. 46.
29 Voir Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 25, par. 33, précisant qu’il existerait une raison décisive, pour la Cour, de refuser de donner un avis consultatif lorsqu’une telle réponse « aurait pour effet de tourner le principe selon lequel un État n’est pas tenu de soumettre un différend au règlement judiciaire s’il n’est pas consentant ». Voir également, plus récemment, Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 117, par. 85.
30 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 157-158, par. 47 (les italiques sont de nous).
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« [p]resque toutes les procédures consultatives ont été marquées »
31 par des divergences de vues, et que le fait qu’elle puisse être amenée à se prononcer sur des questions juridiques au sujet desquelles des vues divergentes ont été exprimées ne signifie pas que, en répondant à la demande, la Cour se prononce sur un différend bilatéral.
2.15. Dans son avis de 2004, la Cour a énoncé un dictum des plus pertinents aux fins de la présente procédure consultative, à savoir :
« [L]a Cour n’estime pas que la question qui fait l’objet de la requête de l’Assemblée générale puisse être considérée seulement comme une question bilatérale entre Israël et la Palestine. Compte tenu des pouvoirs et responsabilités de l’Organisation des Nations Unies à l’égard des questions se rattachant au maintien de la paix et de la sécurité internationales, la Cour est d’avis que la construction du mur doit être regardée comme intéressant directement l’Organisation des Nations Unies. La responsabilité de l’Organisation à cet égard trouve également son origine dans le mandat et dans la résolution relative au plan de partage de la Palestine … Cette responsabilité a été décrite par l’Assemblée générale comme “une responsabilité permanente à assumer en ce qui concerne la question de Palestine jusqu’à ce qu’elle soit réglée sous tous ses aspects de manière satisfaisante et dans le respect de la légitimité internationale” (résolution 57/107 de l’Assemblée générale, en date du 3 décembre 2002). Dans le cadre institutionnel de l’Organisation, cette responsabilité s’est concrétisée par l’adoption de nombreuses résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale, ainsi que par la création de plusieurs organes subsidiaires spécifiquement établis pour oeuvrer à la réalisation des droits inaliénables du peuple palestinien.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’objet de la requête dont la Cour est saisie est d’obtenir de celle-ci un avis que l’Assemblée générale estime utile pour exercer comme il convient ses fonctions. L’avis est demandé à l’égard d’une question qui intéresse tout particulièrement les Nations Unies, et qui s’inscrit dans un cadre bien plus large que celui d’un différend bilatéral. Dans ces conditions, la Cour estime que rendre un avis n’aurait pas pour effet de tourner le principe du consentement au règlement judiciaire et qu’elle ne saurait dès lors, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, refuser de donner un avis pour ce motif. »32
Ce raisonnement s’applique également à la demande dont la Cour est actuellement saisie33.
2.16. La Cour n’a pas à déterminer si un avis donné par elle serait utile à l’Assemblée générale. Comme elle l’a précisé dans des avis précédents, « il n[e lui] appartient pas … de prétendre décider si l’Assemblée a ou non besoin d’un avis consultatif pour s’acquitter de ses fonctions. L’Assemblée
31 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 158, par. 48, faisant référence à Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 24, par. 34.
32 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 158-159, par. 49-50 (les italiques sont de nous).
33 Dans l’avis consultatif qu’elle a donné dans la procédure sur l’archipel des Chagos, la Cour a également conclu ceci : « le fait qu’elle puisse être amenée à se prononcer sur des questions juridiques au sujet desquelles des vues divergentes ont été exprimées par Maurice et le Royaume-Uni ne signifie pas que, en répondant à la demande, la Cour se prononce sur un différend bilatéral », les questions qui lui avaient été posées se rapportant au contexte plus large de la décolonisation de Maurice et des fonctions y afférentes de l’Assemblée générale. Voir Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 118, par. 91.
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générale est habilitée à décider elle-même de l’utilité d’un avis au regard de ses besoins propres », et la Cour « ne saurait refuser de répondre à la question posée au motif que son avis ne serait d’aucune utilité »
34.
2.17. En conclusion, il n’existe aucune « raison décisive » pour laquelle la Cour devrait refuser d’exercer la compétence qui lui a été conférée par le Statut et la Charte.
34 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 163, par. 61-62. Voir également Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un État dans un conflit armé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 237, par. 16.
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CHAPITRE 3 CONTEXTE FACTUEL
3.1. Le présent chapitre traite brièvement du contexte factuel dans lequel s’inscrivent les questions faisant l’objet de la demande d’avis consultatif. La section I décrit la zone couverte par l’expression « Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est ». La section II relate l’occupation prolongée, par Israël, dudit territoire au cours des 56 années qui se sont écoulées entre juin 1967 et aujourd’hui. La section III expose le manquement d’Israël, pendant bien des années, de négocier de bonne foi un règlement juste, durable et global de la question palestinienne. La seconde partie du présent exposé écrit fournit davantage de détails sur le rôle particulier de la Jordanie à l’égard des Lieux saints de Jérusalem-Est.
I. LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ, Y COMPRIS JÉRUSALEM-EST
3.2. Les deux questions que l’Assemblée générale a posées à la Cour dans sa résolution 77/247 ont trait aux politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et aux conséquences juridiques qui en découlent au regard du droit international. La présente section décrit brièvement le territoire en question, qui comprend la Cisjordanie, dont Jérusalem-Est, et Gaza35.
3.3. La Cour a analysé le statut du territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, dans son avis de 200436, rappelant en particulier que,
« [l]ors du conflit armé de 1967, les forces armées israéliennes occupèrent l’ensemble des territoires qui avaient constitué la Palestine sous mandat britannique (y compris les territoires désignés sous le nom de Cisjordanie situés à l’est de la Ligne verte »37.
3.4. La Cour a ensuite examiné le statut de Jérusalem-Est, rappelant notamment la résolution 478 (1980), dans laquelle le Conseil de sécurité avait
« précisé que l’adoption [par Israël] de [la] loi [fondamentale faisant de Jérusalem la capitale “entière et unifiée” d’Israël] constituait une violation du droit international et que “toutes les mesures et dispositions législatives et administratives prises par Israël, la puissance occupante, qui [avaie]nt modifié ou vis[ai]ent à modifier le caractère et le statut de la Ville sainte de Jérusalem … étaient nulles et non avenues”. Il a en outre décidé “de ne pas reconnaître la ‘loi fondamentale’ et les autres actions d’Israël qui, du fait de cette loi, cherchent à modifier le caractère et le statut de Jérusalem”. »38
3.5. La Cour a conclu ceci :
« Les territoires situés entre la Ligne verte … et l’ancienne frontière orientale de la Palestine sous mandat ont été occupés par Israël en 1967 au cours du conflit armé ayant opposé Israël à la Jordanie. Selon le droit international coutumier, il s’agissait
35 Les questions soumises à la Cour n’ont pas trait au plateau du Golan occupé (territoire syrien illicitement « annexé » par Israël), ni à Jérusalem-Ouest.
36 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 165-167, par. 70-78.
37 Ibid., p. 166, par. 73.
38 Ibid., p. 167, par. 75.
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donc de territoires occupés dans lesquels Israël avait la qualité de puissance occupante. Les événements survenus depuis lors dans ces territoires … n’ont rien changé à cette situation. L’ensemble de ces territoires (y compris Jérusalem-Est) demeurent des territoires occupés et Israël y a conservé la qualité de puissance occupante. »
39
3.6. Cette situation reste inchangée en 2023. La Jordanie répète qu’elle est fermement convaincue que la souveraineté sur la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et la bande de Gaza appartient au seul peuple palestinien, et qu’Israël ne peut émettre de revendication valable sur ces territoires.
3.7. La Cisjordanie est le nom généralement donné à la zone comprise entre la Ligne verte de 1967 et le Jourdain. Les organes compétents de l’Organisation des Nations Unies, parmi lesquels le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale, ont toujours reconnu qu’il s’agissait là de l’étendue territoriale de la Cisjordanie, bien qu’Israël s’en soit approprié de fait de vastes parties par ses colonies illicites et sa prétendue annexion. La Cisjordanie comprend Jérusalem-Est.
3.8. Jérusalem-Est, où se trouvent la mosquée al-Haram al-Charif/al-Aqsa et d’autres Lieux saints, est une région particulièrement sensible à l’intérieur de la Cisjordanie. Comme cela a été expliqué au chapitre 140, le Royaume hachémite de Jordanie joue un rôle particulier, reconnu dans le traité de paix conclu en 1994 avec Israël, à l’égard des Lieux saints. Ce dernier a prétendu annexer Jérusalem-Est via plusieurs mesures adoptées par son gouvernement au fil des ans, l’une des plus notables étant la « loi fondamentale : Jérusalem, capitale d’Israël » du 30 juillet 1980 (ci-après la « loi fondamentale de 1980 »), qui a désigné Jérusalem comme la capitale « entière et unifiée » d’Israël41. Pareilles actions ont toutefois été fermement rejetées par la communauté internationale42.
3.9. Gaza (la bande de Gaza et ses zones maritimes) fait partie intégrante du Territoire palestinien occupé depuis 1967, et ce, en dépit du « désengagement » d’Israël en 2005. En règle générale, les États n’admettent pas l’affirmation de celui-ci selon laquelle l’occupation de Gaza a pris fin avec ce « désengagement » : Israël continue d’exercer le contrôle sur Gaza, surtout aux points de passage terrestres, ainsi que sur l’espace aérien et les zones maritimes situées au large.
II. L’OCCUPATION PROLONGÉE, PAR ISRAËL, DU TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ, Y COMPRIS JÉRUSALEM-EST
3.10. La Cour connaît déjà les faits touchant à l’occupation prolongée, par Israël, du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, de 1967 à aujourd’hui (56 ans). Ces faits lui ont été amplement présentés au cours de la procédure consultative de 2004. Ils seront brièvement résumés dans la présente section, qui mettra l’accent sur les principaux développements intervenus depuis lors. En résumé, aucun progrès n’a été accompli depuis que la Cour a donné son avis précédent, et la situation s’est considérablement aggravée. Le Gouvernement israélien, notamment par l’intermédiaire de hauts représentants, a poursuivi et intensifié sa politique de colonies et de prétendue annexion au mépris du droit international et de la Cour. Les actes d’Israël constituent une grave violation du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, et mettent grandement en péril
39 Ibid., p. 167, par. 78.
40 Voir par. 1.13, 1.21-1.25 plus haut. Voir également la seconde partie du présent exposé écrit.
41 « Basic Law: Jerusalem, Capital of Israel », 30 juillet 1980, article premier.
42 Voir également par. 4.87-4.88 ci-après.
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la réalisation de la solution des deux États et l’instauration d’une paix juste, durable et globale au Moyen-Orient.
3.11. L’occupation par Israël du Territoire palestinien occupé a débuté après la guerre arabo-israélienne de juin 1967. Les forces israéliennes ont occupé des territoires qui avaient constitué la Palestine sous le mandat britannique, notamment la Cisjordanie, à l’est de la Ligne verte. En novembre de cette année-là, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 242 (1967), dans laquelle il a souligné l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la force et demandé à Israël de retirer ses forces armées des territoires qu’il occupait, ainsi que de cesser toutes assertions ou tous états de belligérance43.
3.12. Israël ne s’est pas conformé à la résolution 242 (1967). Au contraire, il a pris presque immédiatement des mesures visant à modifier de manière permanente le statut de la ville sainte de Jérusalem44. Cela a conduit le Conseil de sécurité à adopter la résolution 298 (1971), dans laquelle il a déterminé que
« toutes les dispositions législatives et administratives prises par Israël en vue de modifier le statut de la ville de Jérusalem, y compris l’expropriation de terres et de biens immeubles, le transfert de populations et la législation visant à incorporer la partie occupée, [étaie]nt totalement nulles et non avenues et ne p[ouvai]ent modifier le statut de la ville »45.
3.13. Le 30 juillet 1980, la Knesset israélienne a adopté la loi fondamentale de 1980, dont l’article premier entendait faire de Jérusalem la capitale « entière et unifiée » d’Israël. Le Conseil de sécurité a fermement rejeté cette action dans sa résolution 478 (1980), qui précisait que « toutes les mesures et dispositions législatives et administratives prises par Israël, la Puissance occupante, qui [avaie]nt modifié ou vis[ai]ent à modifier le caractère et le statut de la Ville sainte de Jérusalem … [étaie]nt nulles et non avenues »46.
3.14. Le traité de paix de 1994 a fixé la frontière entre les deux États « par référence au tracé de la frontière sous le Mandat tel qu’il ressort[ait] de l’Annexe I a …, sans préjudice du statut de tous territoires passés sous le contrôle du Gouvernement militaire israélien en 1967 ». Cette disposition visait à empêcher Israël d’affirmer que la conclusion du traité de paix modifierait d’une quelconque façon le statut du Territoire palestinien occupé.
3.15. Depuis 1993, Israël et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), qui représente le peuple palestinien, ont signé un certain nombre d’accords qui imposaient notamment à Israël de transférer aux autorités palestiniennes certains pouvoirs et responsabilités exercés par les autorités militaires et civiles israéliennes dans le Territoire palestinien occupé. Des événements ultérieurs ont toutefois fait obstacle à la mise en oeuvre pleine et entière de ces accords47.
43 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 242 (1967) du 22 novembre 1967, deuxième alinéa du préambule et par. 1.
44 Voir également chap. 4, sect. II, sous-sect. E, ci-après.
45 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 298 (1971) du 25 septembre 1971, par. 3.
46 Ibid., résolution 478 (1980) du 20 août 1980, par. 3.
47 Voir également sect. III ci-après.
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3.16. En 2002, Israël a décidé d’édifier un mur qui devait pénétrer profondément dans le territoire palestinien en plusieurs endroits, menaçant de placer loin derrière lui tous les grands blocs de colonies juifs dans le Territoire palestinien occupé. L’objectif principal de cette mesure était clair : le Gouvernement israélien entendait consolider les colonies et garantir leur présence permanente. Comme cela a été rappelé plus haut, la Cour a conclu dans son avis de 2004 que l’édification du mur était contraire au droit international, et qu’Israël avait l’obligation de mettre fin à ses actes. Or, le Gouvernement israélien a fait fi de la décision de la Cour et poursuivi l’édification du mur48.
3.17. Le Gouvernement israélien récemment formé a indiqué sans équivoque qu’il entendait perpétuer sa présence dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est. De fait, dans ses principes directeurs et accords de coalition de 2022, le 37e Gouvernement israélien, investi le 29 décembre de la même année, s’est engagé à ce que le peuple juif dispose d’un droit exclusif et inaliénable sur toutes les parties de ce qui est décrit comme « la Terre d’Israël », et à s’employer à promouvoir et développer la colonisation de toutes les parties de « la Terre d’Israël » — en Galilée, dans le Néguev et le Golan, en Judée et en Samarie49.
3.18. Dans le droit fil de ce qui précède, l’actuel Gouvernement israélien a adopté au sujet de la question palestinienne une approche agressive qui a entraîné la violence et la condamnation par la communauté internationale. Dans une déclaration faite le 20 février 2023 au nom du Conseil de sécurité, la présidente de celui-ci a notamment exprimé « sa profonde préoccupation et sa consternation face à l’annonce par Israël, le 12 février 2023, de la poursuite de la construction et de l’expansion de colonies de peuplement et de la “légalisation” des avant-postes de colonies », tout en réaffirmant « que la poursuite des activités de peuplement israéliennes met[tait] gravement en péril la viabilité de la solution des deux États fondée sur les frontières de 1967 »50.
3.19. Les actes récents d’Israël à l’égard du peuple palestinien et du Territoire palestinien occupé ne font que confirmer l’urgence de la situation et l’importance de la présente procédure. La Jordanie ne doute pas que l’avis consultatif qui sera donné par la Cour aidera l’Organisation des Nations Unies et les États à trouver une solution à la question palestinienne qui soit conforme au droit international.
III. LE MANQUEMENT D’ISRAËL, PENDANT BIEN DES ANNÉES, DE NÉGOCIER DE BONNE FOI UN RÈGLEMENT DÉFINITIF DU STATUT
3.20. Dans la présente section, il sera démontré que, pendant ses négociations avec les Palestiniens, Israël, bien qu’ayant parfois cherché à régler de manière permanente le conflit israélo-palestinien, a manqué de négocier de bonne foi un règlement qui aurait donné effet au droit du peuple palestinien à l’autodétermination d’une manière conforme au droit international. La communauté internationale a reconnu le droit que possède ledit peuple d’établir son propre État indépendant, viable et d’un seul tenant dans les territoires occupés par Israël en juin 1967 ; l’obligation qui incombe à ce dernier de se retirer de ces territoires, y compris de Jérusalem-Est
48 Le 15 septembre 2005, la Cour suprême israélienne a prescrit au Gouvernement israélien de modifier le tracé du mur, de manière que ses effets négatifs sur les Palestiniens soient réduits au minimum et proportionnels, mais a, de fait, rejeté l’avis de 2004, affirmant que la Cour internationale de Justice ne disposait pas d’éléments factuels suffisants, notamment pour ce qui était de la nécessité militaire qui aurait justifié l’édification du mur. Voir Zaharan Yunis Muhammad Mara’abe et al. v. Prime Minister of Israel et al., Cour suprême israélienne, arrêt du 15 septembre 2005 (accessible à l’adresse suivante : https://ihl-databases.icrc.org/en/national-practice/zaharan-yunis-muhammad-maraabe-et-al-v-prime- minister-israel-et-al-hcj-795704, consulté le 12 juillet 2023).
49 Accessible en anglais à l’adresse suivante : https://www.timesofisrael.com/judicial-reform-boosting-jewish- identity-the-new-coalitions-policy-guidelines/ (consulté le 12 juillet 2023).
50 Déclaration de la présidente du Conseil de sécurité du 20 février 2023, publiée sous la cote S/PRST/2023/1.
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occupée ; et la nécessité d’aboutir à une solution juste au problème des réfugiés palestiniens conformément au droit international. Or, la participation d’Israël aux négociations et son comportement y afférent, notamment l’accélération de ses activités de colonisation dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, depuis le début du processus de paix, mettent à mal la perspective de trouver un règlement conforme à cette position.
3.21. Les négociations de paix israélo-palestiniennes ont été lancées à la suite de la conférence de paix de Madrid, qui s’est tenue le 30 octobre 1991, avec pour objectif de permettre des négociations à plusieurs voies en vue d’un règlement global du conflit au Moyen-Orient51. Le mandat de Madrid — comme on allait l’appeler — fixe les paramètres aux fins d’un règlement de paix et a été énoncé dans la lettre commune adressée aux participants à la conférence par MM. Bush, président des États-Unis d’Amérique, et Gorbatchev, président de l’Union soviétique, le 18 octobre 199152.
3.22. Cette lettre, sur le fondement de laquelle Israël, la Jordanie, la Syrie, le Liban et les représentants de la Palestine ont pris part à la conférence, est considérée comme énonçant le mandat relatif au processus de paix au Moyen-Orient. En l’acceptant (« au plus tard le 23 octobre 1991 ») et en participant à la conférence, les parties sont convenues de ce mandat53, qui se lit comme suit :
le processus a pour objectif de parvenir à un règlement de paix juste, durable et global ;
il convient de parvenir à un tel règlement par des négociations directes selon deux voies : 1) entre les différents États arabes et Israël ; et 2) entre Israël et les Palestiniens ;
le règlement de paix et les négociations entre les parties doivent reposer sur les résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité ;
s’agissant de la voie palestino-israélienne, les négociations doivent être menées en plusieurs phases, qui seront consacrées tout d’abord à des arrangements intérimaires relatifs à l’autodétermination palestinienne, puis, pendant la période de transition, aux négociations du statut permanent. Ces dernières (de même que les négociations entre les États arabes et Israël) seront menées sur le fondement des résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité.
3.23. Le mandat de Madrid constitue une référence importante pour apprécier si Israël a satisfait à ses obligations de négocier et de conclure un règlement permanent sur le fondement des résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité, et de se conformer à l’objectif consistant à instaurer une paix juste, durable et globale, non seulement avec les États arabes invités à la conférence, mais aussi avec les Palestiniens.
3.24. Les négociations avec Israël ont été menées dans un premier temps par une délégation commune jordano-palestinienne, mais ont par la suite été conduites bilatéralement entre Israël et les
51 Voir « The Madrid Conference, 1991 », Office of the Historian, Foreign Service Institute, United States Department of State (accessible à l’adresse suivante : https://history.state.gov/milestones/1989-1992/madrid-conference, consulté le 12 juillet 2023).
52 Voir « Invitation to Madrid Middle East Peace Conference (« Madrid Principles » ) — US, USSR Letter (Non-UN Document) », 19 octobre 1991 (accessible à l’adresse suivante : https://www.un.org/unispal/document/ auto-insert-208112/, consulté le 12 juillet 2023).
53 Les États-Unis d’Amérique ont adressé des lettres d’assurances distinctes aux Palestiniens, à Israël, à la Jordanie et à la Syrie en amont de la conférence.
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Palestiniens, aboutissant à l’adoption de la déclaration de principes sur des arrangements intérimaires d’autonomie (qui sera également appelée l’« accord d’Oslo I »)
54.
3.25. La déclaration de principes sur des arrangements intérimaires d’autonomie, qui a conduit à la création de l’Autorité nationale palestinienne (ANP) et à un nouvel accord intérimaire (l’« accord d’Oslo II »)55, est un accord intérimaire qui demeure contraignant pour les deux parties, Israël et l’OLP. Elle établit une autorité d’autodétermination palestinienne intérimaire pour une période de transition de cinq ans pendant laquelle des négociations seront conduites par les deux parties, aboutissant à un règlement permanent fondé sur les résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité. Cette déclaration dispose aussi que les négociations concernant le statut permanent se traduiront par la mise en oeuvre de ces deux résolutions56.
3.26. La déclaration de principes sur des arrangements intérimaires d’autonomie est le premier instrument international dans lequel Israël a reconnu l’existence du peuple palestinien57. Elle prévoit en outre la reconnaissance des droits mutuels, légitimes et politiques des deux parties58.
3.27. L’article V de la déclaration de principes sur des arrangements intérimaires d’autonomie précise que, pendant la période de transition de cinq ans, les deux parties doivent entamer des négociations relatives au statut permanent couvrant : 1) Jérusalem ; 2) les réfugiés ; 3) les colonies israéliennes ; 4) des arrangements en matière de sécurité ; 5) les frontières ; 6) les relations et la coopération avec d’autres voisins ; et 7) d’autres questions d’intérêt commun59.
3.28. La déclaration de principes sur des arrangements intérimaires d’autonomie a été suivie un an plus tard par la conclusion du traité de paix de 1994, qui a mis fin à l’état de guerre entre la Jordanie et Israël, et instauré la paix entre eux.
3.29. Les espoirs de parvenir à un règlement permanent du conflit israélo-palestinien pendant la période de transition de cinq ans se sont amenuisés lorsque Yitzhak Rabin, le premier ministre
54 Voir lettre en date du 8 octobre 1993 adressée au Secrétaire général par les représentants permanents des États-Unis d’Amérique et de la Fédération de Russie auprès de l’Organisation des Nations Unies (A/48/486) et son annexe intitulée « Déclaration de principes sur des arrangements intérimaires d’autonomie ».
55 Voir lettre en date du 27 décembre 1995 adressée au Secrétaire général par les représentants permanents de la Fédération de Russie et des États-Unis d’Amérique auprès de l’Organisation des Nations Unies et son annexe intitulée « Accord intérimaire israélo-palestinien sur la Rive occidentale et la bande de Gaza » (accessible à l’adresse suivante : https://daccess-ods.un.org/access.nsf/Get?OpenAgent&DS=S/1997/357&Lang=F, consulté le 12 juillet 2023).
56 Voir l’accord d’Oslo I, art. premier.
57 Voir le préambule de l’accord d’Oslo I. Le Gouvernement israélien s’est néanmoins constamment abstenu d’employer l’expression « peuple palestinien », se référant en lieu et place aux « Palestiniens ». D’importants dirigeants et politiciens israéliens ont en outre nié l’existence du « peuple palestinien ». Voir, par exemple, Jewish News Syndicate, « Israeli finance minister denies existence of a Palestinian people in Paris speech », 20 mars 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.jns.org/israeli-finance-minister-denies-existence-of-a-palestinian-people-in-paris-speech/, consulté le 12 juillet 2023) (le ministre des finances, M. Smotrich, a déclaré ceci : « Il n’existe pas de Palestiniens — car il n’existe pas de peuple palestinien » ; « Nous devons dire la vérité sans nous plier aux mensonges et dénaturations historiques ni céder à l’hypocrisie du mouvement BDS et des organisations propalestiniennes »).
58 Accord d’Oslo I, préambule.
59 Ibid., art. V.
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israélien de l’époque, a été assassiné le 4 novembre 1995 par un extrémiste israélien opposé aux accords d’Oslo
60.
3.30. Depuis l’assassinat d’Yitzhak Rabin, les représentants d’Israël et de la Palestine ont mené différents cycles de négociations. Cependant, il est clairement apparu que l’objectif consistant à mettre fin à la période de transition de cinq ans et d’aboutir à un règlement définitif ne serait pas atteint. La mise en oeuvre de l’accord d’Oslo II, conclu le 28 décembre 1995 pour donner effet à plusieurs obligations relatives au redéploiement et aux arrangements en matière de sécurité, aux pouvoirs de l’ANP et à d’autres questions, s’est heurtée à des obstacles de taille. Le 23 octobre 1998, le mémorandum de Wye River a été signé pour garantir l’application des accords d’Oslo61. Au nombre des points convenus dans ce mémorandum figurait la reprise immédiate des négociations au sujet du statut permanent, l’objectif étant de parvenir à un règlement d’ici au 4 mai 199962.
3.31. Malheureusement, ce délai n’a pas été respecté, et les parties sont convenues, le 4 septembre 1999, de ce que l’on allait appeler le « mémorandum de Wye II », signé à Charm el-Cheikh (Égypte), qui a fixé un nouveau délai pour l’accord de règlement permanent, à savoir que celui-ci serait conclu avant le 13 septembre 200063.
3.32. Tandis que les négociations se poursuivaient, il est clairement apparu que les parties atteignaient une impasse s’agissant des questions essentielles relatives au statut permanent : Jérusalem, les réfugiés, la qualité d’État et les frontières, et les colonies. Le président des États-Unis de l’époque, Bill Clinton, a convoqué un sommet à Camp David du 11 au 25 juillet 2000, sommet auquel ont participé le président de la Palestine, Yasser Arafat, et le premier ministre d’Israël, Ehud Barak. En dépit des efforts et de la pression des États-Unis, le sommet de Camp David n’a toutefois pas permis aux deux parties de surmonter leurs divergences concernant les principaux points du statut permanent ni de parvenir à un règlement définitif. Israël n’a accepté de restituer que 91 % au maximum de la Cisjordanie, tout en en annexant 9 % pour satisfaire les colons64. Il ne transférerait au futur État palestinien qu’une zone d’une superficie équivalant à un neuvième de la partie annexée de son territoire, soit un échange territorial d’un rapport de 9 pour 1. En outre, selon un membre de la délégation américaine dépêchée au sommet de Camp David, Israël a seulement accepté que le futur État palestinien ait la souveraineté sur les quartiers arabes de Jérusalem-Est occupée et sur les quartiers musulmans et chrétiens de la vieille ville, et la garde du Haram al-Charif. En échange, les Palestiniens devaient convenir qu’Israël annexe le reste de Jérusalem-Est occupée et qu’il ait la souveraineté sur al-Haram, troisième Lieu saint de l’islam65. Les représentants palestiniens ont
60 Voir Associated Press, « 20 years later, little left of Yitzhak Rabin’s peace legacy », 30 octobre 2015 (accessible à l’adresse suivante : https://apnews.com/article/13da0be94ead4981b7e1dab1f6831f2b, consulté le 12 juillet 2023).
61 Wye River Memorandum, 23 octobre 1998 (accessible à l’adresse suivante : https://peacemaker.un.org/sites/ peacemaker.un.org/files/IL%20PS_981023_The%20Wye%20River%20Memorandum.pdf, consulté le 12 juillet 2023).
62 Ibid., art. IV.
63 Sharm el-Sheikh Memorandum on Implementation Timeline of Outstanding Commitments of Agreements Signed and the Resumption of Permanent Status Negotiations, 4 septembre 1999 (accessible à l’adresse suivante : https:// www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/etudes/join/2001/301889/DG-4-AFET_ET(2001)301889_EN.pdf, p. 102-105, consulté le 12 juillet 2023).
64 Voir PeaceNow, « Data: Lands » (accessible à l’adresse suivante : https://peacenow.org.il/en/settlements-watch/ settlements-data/lands, consulté le 12 juillet 2023). Les statistiques relatives à 2020 font apparaître une population de 554 289 personnes dans les colonies en Cisjordanie, auxquelles il convient d’ajouter plus de 220 000 personnes dans des colonies à Jérusalem-Est. Voir également Carnegie Endowment for International Peace, « Israeli settlement expansion in the West Bank is imperilling the viability of a two-state solution and destroying any chance for peace in the Middle East », 7 mars 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://carnegieendowment.org/sada/89215, consulté le 12 juillet 2023).
65 NY Times, « Fiction About The Failure At Camp David », 8 juillet 2001 (accessible à l’adresse suivante : https:// www.nytimes.com/2001/07/08/opinion/fictions-about-the-failure-at-camp-david.html, consulté le 12 juillet 2023).
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toutefois rapporté que, en réalité, ils ne s’étaient jamais vu proposer la souveraineté sur les quartiers arabes
66. S’agissant de la question des réfugiés, Israël a continué d’exiger que les Palestiniens renoncent au droit au retour tout en refusant d’assumer la moindre responsabilité pour le problème des réfugiés. Des idées ayant trait à un fonds international d’indemnisation ont été examinées67.
3.33. Israël a également insisté sur le maintien permanent d’un personnel de sécurité le long des frontières entre la Palestine et la Jordanie, ainsi que sur la démilitarisation de l’État palestinien68. Il a laissé entendre que ce futur État ne pourrait nouer des alliances avec d’autres États qu’avec son autorisation préalable, et que les ressources hydriques de la Cisjordanie devraient être partagées entre les parties, mais placées sous le contrôle israélien69.
3.34. Selon un commentateur, l’offre faite par Israël lors des négociations au sommet de Camp David
« néglige[ait] plusieurs éléments essentiels à tout règlement global, notamment la continuité de l’État palestinien en Cisjordanie, la souveraineté pleine et entière sur les parties arabes de Jérusalem-Est et une résolution de compromis sur le droit au retour des réfugiés palestiniens »70.
3.35. Le 28 septembre 2000, Ariel Sharon, alors chef de file de l’opposition du Likoud, est entré dans le Haram al-Charif sous escorte de la police israélienne, ce qui a entraîné dans tout le Territoire palestinien occupé une vague de protestations des Palestiniens à laquelle les autorités israéliennes ont répondu par un lourd déploiement de force. C’est ainsi qu’a débuté ce que l’on allait appeler la « seconde Intifada » dans le Territoire palestinien occupé71.
3.36. Malgré l’explosion des violences, l’OLP et Israël sont parvenus à reprendre les négociations, tenant des pourparlers pendant les quelques mois qui ont suivi, à Washington en décembre 2000 et à Taba (Égypte) en janvier 2001. Bien que certains progrès aient été réalisés, les positions continuaient de diverger sur les points essentiels, à savoir les frontières, les colonies, Jérusalem et les réfugiés72.
3.37. Les négociations ont cessé à la suite de l’élection d’Ariel Sharon comme premier ministre d’Israël le 7 mars 2001. Sharon, dont la visite au Haram al-Charif avait déclenché les événements
66 A. Hanieh, « The Camp David Papers », in Journal of Palestine Studies, vol. 30 (2001), p. 83-84.
67 J. Pressman, « Visions in Collision: What Happened at Camp David and Taba? », in Quarterly Journal: International Security, vol. 28, no 2 (2003), p. 32.
68 Ibid., p. 5-43.
69 A. Hanieh, « The Camp David Papers », in Journal of Palestine Studies, vol. 30 (2001), p. 82-83.
70 J. Pressman, « Visions in Collision: What Happened at Camp David and Taba? », in Quarterly Journal: International Security, vol. 28 (2003), p. 6.
71 Al Jazeera, « Palestinian Intifada: How Israel orchestrated a bloody takeover », 28 septembre 2020 (accessible à l’adresse suivante : https://www.aljazeera.com/news/2020/9/28/palestinian-intifada-20-years-later-israeli-occupation-continues, consulté le 12 juillet 2023).
72 Le Monde diplomatique, « Proche-Orient, la paix manquée », septembre 2001 (accessible à l’adresse suivante : https://mondediplo.com/2001/09/01middleeastleader, consulté le 12 juillet 2023).
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ayant conduit à la seconde Intifada, était vivement opposé aux négociations avec l’OLP
73. Pendant la durée de son mandat de premier ministre, qui a pris fin le 20 avril 2006, aucune négociation de paix n’a jamais eu lieu entre Israël et l’OLP. Israël s’est unilatéralement « désengagé » de la bande de Gaza le 11 septembre 2005, tout en continuant d’exercer le contrôle sur les postes-frontière entre Gaza et l’Égypte ainsi que sur les zones maritimes situées au large de la bande de Gaza dans la mer Méditerranée.
3.38. Ce n’est qu’avec le mandat du nouveau premier ministre israélien, Ehud Olmert, que les pourparlers de paix ont repris entre les deux parties. Ces discussions ont été menées entre décembre 2006 et septembre 200874.
3.39. Au cours de cette période, des responsables de l’OLP et d’Israël ont tenu des négociations relatives au règlement permanent. Le président de la Palestine, Mahmoud Abbas, et le premier ministre d’Israël de l’époque, Ehud Olmert, se sont rencontrés à plusieurs reprises, et il a été rapporté que, lors de leur entrevue du 6 août 2007, les deux dirigeants avaient trouvé d’« importants terrains d’entente » concernant certains aspects des points essentiels, notamment Jérusalem, les réfugiés et les frontières75.
3.40. À la conférence d’Annapolis, tenue le 27 novembre 2007, les deux parties ont affirmé, dans un « arrangement commun », « l’objectif de deux États, Israël et la Palestine, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité », leur accord en vue du « lancement immédiat » de négociations bilatérales aux fins de la conclusion d’un traité de paix et leur volonté de « tout mettre en oeuvre pour conclure un accord d’ici à la fin de l’année 2008 »76.
3.41. Le 16 septembre 2008, le premier ministre israélien, M. Olmert, aurait présenté au président palestinien, M. Abbas, un plan de paix comprenant les éléments essentiels suivants :
Israël annexerait environ 6,4 % de la Cisjordanie, notamment les principales colonies israéliennes. En échange, il transférerait des territoires israéliens d’une superficie correspondant à quelque 5,8 % qui seraient intégrés au futur État palestinien ;
les quartiers juifs de Jérusalem-Est occupée relèveraient de la souveraineté israélienne ;
ni Israël ni la Palestine n’aurait la souveraineté sur le bassin sacré, dont al-Haram al-Charif ; ce Lieu saint serait administré conjointement par la Jordanie, l’Arabie saoudite et les États-Unis d’Amérique ;
il n’y aurait pas de droit au retour pour les réfugiés palestiniens, mais Israël accepterait, « sur une base humanitaire », que 5 000 d’entre eux au total reviennent sur une période de cinq ans. Un fonds international serait créé pour indemniser les réfugiés. En outre, Israël n’assumerait
73 The Guardian, « “Man of peace”? Ariel Sharon was the champion of violent solutions », 13 janvier 2014, (accessible à l’adresse suivante : https://www.theguardian.com/commentisfree/2014/jan/13/ariel-sharon-no-man-of-peace-israel, consulté le 12 juillet 2023).
74 BBC, « History of Mid-East Peace talks », 9 juillet 2013 (accessible à l’adresse suivante : https://www.bbc.com/ news/world-middle-east-11103745, consulté le 12 juillet 2023).
75 The Guardian, « Olmert visits Jericho for Abbas talks », 6 août 2007, (accessible à l’adresse suivante : https:// www.theguardian.com/world/2007/aug/06/israel, consulté le 12 juillet 2023).
76 Joint Understanding Read by President Bush at the Annapolis Conference, 27 novembre 2007 (accessible à l’adresse suivante : https://www.un.org/unispal/document/auto-insert-205805/, consulté le 12 juillet 2023).
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aucune responsabilité pour le problème des réfugiés palestiniens, l’accord de règlement permanent devant reconnaître les « souffrances des juifs de pays arabes qui ont été contraints de quitter leurs foyers après 1948 ». L’accord concernant les réfugiés mettrait fin à toutes les réclamations découlant du problème des réfugiés palestiniens ; un État palestinien devrait être démilitarisé ;
Israël aurait le droit d’opposer son veto à toute alliance conclue par le futur État palestinien, de conduire des opérations militaires de sécurité à l’intérieur de ce dernier et d’utiliser librement l’espace aérien palestinien77.
Comme on le verra, même cette proposition n’aurait pas établi un État palestinien indépendant d’un seul tenant.
3.42. Les négociations ont échoué alors que le premier ministre Olmert était pris dans une tourmente politique en Israël, qui l’a finalement conduit à démissionner, et à la suite du lancement de l’opération militaire israélienne à Gaza en décembre 2008.
3.43. Avec l’élection de Benjamin Netanyahu comme premier ministre d’Israël, les États-Unis d’Amérique, sous l’administration Obama, ont tenu une série de rencontres entre les deux parties, qui ont débuté par des entrevues entre MM. Abbas et Netanyahu les 1er et 2 septembre 201078.
3.44. Les discussions directes se sont poursuivies à Charm el-Cheikh et à Jérusalem les 14 et 15 septembre 2010, mais les deux parties ne sont pas parvenues à avancer sur les questions principales, notamment les exigences d’Israël concernant la reconnaissance de sa souveraineté sur Jérusalem-Est occupée, l’étendue de son retrait de Cisjordanie et sa présence militaire dans la vallée du Jourdain en Cisjordanie79.
3.45. Au cours de discussions tenues à Amman (Jordanie) entre le 3 et le 25 janvier 2012, les négociateurs israéliens ont présenté une liste de 21 sujets à examiner aux fins de l’accord concernant un règlement définitif, qui, selon les responsables de la Palestine, visait à contraindre les Palestiniens à accepter un État palestinien qui ne soit pas d’un seul tenant80. Dans ce document, Israël exigeait également, en tant que condition préalable à la reprise des négociations sur les questions touchant au statut permanent, que les Palestiniens le reconnaissent comme « l’État du peuple juif »81 — question ayant une incidence juridique, non seulement sur les points liés au statut permanent, mais aussi sur les citoyens arabes d’Israël. Par ailleurs, ledit document ne précisait pas non plus que les négociations seraient fondées sur les limites antérieures à 1967 et sur des échanges territoriaux convenus d’un commun accord.
77 Jewish Virtual Library, « Ehud Olmert’s Peace Offer » (accessible à l’adresse suivante : https://www. jewishvirtuallibrary.org/ehud-olmert-s-peace-offer, consulté le 12 juillet 2023).
78 NY Times, « Leaders Call for Peace as Mideast Talks Begin », 1er septembre 2010 (accessible à l’adresse suivante : https://www.nytimes.com/2010/09/02/world/middleeast/02diplo.html, consulté le 12 juillet 2023).
79 NY Times, « Israel and Palestinian Leaders Extend Egypt Talks », 14 septembre 2010 (accessible à l’adresse suivante : https://www.nytimes.com/2010/09/15/world/middleeast/15mideast.html, consulté le 12 juillet 2023).
80 Haaretz, « Palestinian Negotiator : Israel Presented No Position or offer in Amman Talks », 24 février 2012 (accessible à l’adresse suivante : https://www.haaretz.com/2012-02-24/ty-article/palestinian-negotiator-israel-presented- no-position-or-offer-in-amman-talks/0000017f-e0ad-d9aa-afff-f9fd50720000, consulté le 12 juillet 2023).
81 Ibid.
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3.46. Tout au long des années 2013 et 2014, les États-Unis d’Amérique ont parrainé la reprise de discussions directes entre les responsables israéliens et palestiniens. Aucun progrès tangible n’a été accompli au coeur d’une période marquée par l’incapacité des deux parties à s’accorder sur un calendrier de négociations et le refus d’Israël de cesser ses activités de colonisation et d’expansion82.
3.47. Dans le cadre de sa campagne électorale de mars 2015, le premier ministre, Benjamin Netanyahu, a clairement indiqué que, tant qu’il exercerait ces fonctions, il n’y aurait pas d’État palestinien83. Frustrés par la politique des colonies de M. Netanyahu et d’Israël, les États-Unis ont décidé de ne pas opposer leur veto à l’adoption de la résolution 2334 (2016) du Conseil de sécurité, qui qualifiait les activités de colonisation d’Israël de violation flagrante du droit international dépourvue de validité juridique. La résolution exigeait en outre qu’Israël mette fin à ses activités et s’acquitte des obligations lui incombant, en tant que puissance occupante, au regard des règles pertinentes du droit international humanitaire84. Après son adoption, le secrétaire d’État américain, John Kerry, a prononcé, le 26 décembre 2016, un discours devant le département d’État, accusant M. Netanyahu de contrecarrer la paix au Moyen-Orient et ajoutant que le Gouvernement israélien réduisait à néant tout espoir d’une solution à deux États. M. Kerry a également précisé que le statu quo conduisait à un État unique et à une occupation perpétuelle, qualifiant les colonies israéliennes de menace pour la paix85.
3.48. L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis d’Amérique s’est traduite par un changement de la position américaine à l’égard du processus de paix au Moyen-Orient en général, et de sa position concernant les paramètres d’un règlement permanent et de la solution des deux États. Les États-Unis se sont activement employés à faciliter l’établissement de relations diplomatiques entre Israël et les États arabes, semblant chercher avant tout, dans leurs efforts et propositions, à mettre fin au conflit palestino-israélien sans nécessairement parvenir à un règlement négocié permanent.
3.49. S’agissant du conflit palestino-israélien, les États-Unis ont déclaré en décembre 2017 qu’ils reconnaissaient l’intégralité de Jérusalem comme la capitale d’Israël et qu’ils déplaceraient leur ambassade dans cet État de Tel-Aviv à Jérusalem86. Ils ont finalement ouvert leur ambassade à Jérusalem le 14 mai 2018.
3.50. Du fait du changement de politique des États-Unis, l’OLP a refusé de prendre part aux efforts déployés par l’administration Trump pour concevoir un plan de paix. Le plan proposé comprenait deux volets : le volet économique, rendu public en juin 2019 et lancé lors d’une
82 Voir I. Goldenberg, « Lessons From The 2013-2014 Israeli-Palestinian Final Status Negotiations », Center for a New American Security (2015), (accessible à l’adresse suivante : https://www.files.ethz.ch/isn/189778/CNAS_Final_ Status_Negotiation_web.pdf, consulté le 12 juillet 2023). Voir également Y. Mekelberg et G. Shapland, « Israeli-Palestinian Peacemaking What Can We Learn From Previous Efforts? », Chatham House (2018) (accessible à l’adresse suivante : https://www.chathamhouse.org/2018/07/israeli-palestinian-peacemaking/kerry-initiative-2013-14, consulté le 12 juillet 2023).
83 Reuters, « Netanyahu says no Palestinian state as long as he’s prime minister », 16 mars 2015 (accessible à l’adresse suivante : https://www.reuters.com/article/us-israel-election/netanyahu-says-no-palestinian-state-as-long-as-hes- prime-minister-idUSKBN0MC1I820150316, consulté le 12 juillet 2023).
84 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016, par. 1-2.
85 Reuters, « In parting shot at Israel, Kerry warns Middle East peace in jeopardy », 28 décembre 2016 (accessible à l’adresse suivante : https://www.reuters.com/article/uk-israel-palestinians-kerry-idUKKBN14H1E8, consulté le 12 juillet 2023).
86 Reuters, « Trump recognizes Jerusalem as Israel’s capital, reversing longtime U.S. policy », 6 décembre 2017 (accessible à l’adresse suivante : https://www.reuters.com/article/cnews-us-usa-trump-israel-idCAKBN1E01PS-OCATP, consulté le 12 juillet 2023).
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conférence tenue à Bahreïn
87, demandait aux États arabes de fournir aux Palestiniens une aide au développement d’un montant de 50 milliards de dollars des États-Unis. Le volet politique du plan a été annoncé le 28 janvier 2020 au cours d’une conférence de presse commune entre le président américain de l’époque, Donald Trump, et le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, à laquelle l’OLP n’était pas invitée. Le plan prévoyait notamment qu’Israël conserve 30 % de la Cisjordanie (à l’exclusion de Jérusalem-Est occupée), qui serait intégrée à son territoire ; qu’environ 97 % des colons israéliens soient incorporés à celui-ci, de même que les colonies dans lesquelles ils vivaient ; que 15 enclaves israéliennes — situées au coeur de la Cisjordanie — fassent partie d’Israël ; que toute la vallée du Jourdain relève de la souveraineté israélienne ; qu’il en aille de même de l’ensemble de Jérusalem, y compris Jérusalem-Est occupée ; qu’un État palestinien soit démilitarisé, et qu’Israël exerce sur lui un contrôle prédominant en matière de sécurité, ainsi que le contrôle sur son espace aérien et ses postes-frontière ; que les réfugiés ne puissent pas retourner en Israël, mais qu’ils aient trois possibilités : 1) l’absorption dans l’État de Palestine à certaines conditions et compte tenu, entre autres, d’arrangements convenus en matière de sécurité ; 2) l’intégration locale dans les pays hôtes actuels ; 3) l’admission de 5 000 réfugiés par an pendant un maximum de dix ans dans des pays membres de l’Organisation de coopération islamique, sous réserve de l’approbation de ces différents États88.
3.51. Lors de cette conférence de presse, le premier ministre Netanyahu a annoncé que le Gouvernement israélien annexerait immédiatement la vallée du Jourdain en Cisjordanie, tout en s’engageant à geler pendant quatre ans la construction de nouvelles colonies dans les zones devant être attribuées aux Palestiniens au titre du plan de paix américain89. Il a renoncé à son intention d’annexer sur-le-champ les colonies en raison de la pression que les États-Unis ont exercée sur Israël90.
3.52. Ce plan, qui s’écarte clairement des paramètres du processus de paix, a été rejeté par les dirigeants palestiniens91. Il déroge au principe de non-acquisition de territoire par la force et à l’obligation qui en découle pour Israël de se retirer des territoires qu’il a occupés en juin 1967 — deux principes essentiels de la résolution 242 (1967) du Conseil de sécurité qui sont à la base de nombre d’autres résolutions de l’Organisation des Nations Unies concernant la question palestinienne. Il est également incompatible avec le principe d’une paix juste, durable et globale énoncé dans les résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité, et avec le principe du règlement négocié du conflit palestino-israélien. De même, la solution proposée dans le plan au sujet du problème des réfugiés palestiniens aurait dérogé à l’obligation qui incombe à Israël de régler la question conformément au droit international92.
87 Al Jazeera, « US-led Bahrain meeting on Palestine: All the latest updates », 26 juin 2019 (accessible à l’adresse suivante : https://www.aljazeera.com/news/2019/6/26/us-led-bahrain-meeting-on-palestine-all-the-latest-updates, consulté le 12 juillet 2023).
88 « Peace to Prosperity: A Vision to Improve the Lives of the Palestinian and Israeli People », National Archives: Trump White House, janvier 2020, p. 31-33 (accessible à l’adresse suivante : https://trumpwhitehouse.archives.gov/wp- content/uploads/2020/01/Peace-to-Prosperity-0120.pdf, consulté le 12 juillet 2023).
89 Times of Israel, « As peace plan rolls out, Netanyahu says he will annex Jordan Valley, settlements », 28 janvier 2020 (accessible à l’adresse suivante : https://www.timesofisrael.com/as-peace-plan-rolls-out-netanyahu-says-he-will- annex-jordan-valley-settlements/, consulté le 12 juillet 2023).
90 Axios, « Trump says Netanyahu “never wanted peace” with the Palestinians », 13 décembre 2021 (accessible à l’adresse suivante : https://www.axios.com/2021/12/13/trump-middle-east-peace-netanyahu, consulté le 12 juillet 2023).
91 Associated Press, « Palestinians angrily reject Trump Mideast peace plan », 28 janvier 2020 (accessible à l’adresse suivante : https://apnews.com/article/israel-united-nations-donald-trump-ap-top-news-ramallah-0dcb0179faf41e 1870f35838058f4d18, consulté le 12 juillet 2023).
92 Voir également l’article 8 du traité de paix de 1994 et les paragraphes 1.14-1.16 plus haut.
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3.53. Depuis les derniers pourparlers de paix entre les Palestiniens et les Israéliens en 2014, aucun progrès n’a été accompli en vue d’un règlement permanent. Israël a continué de construire et d’étendre de nouvelles colonies et, depuis la conclusion de l’accord d’Oslo I, le nombre de colons s’est considérablement accru93.
3.54. Ces dernières années, les gouvernements et dirigeants israéliens qui se sont succédé se sont abstenus de mentionner une solution à deux États, sauf dans un seul cas, où elle a été évoquée par un premier ministre israélien sortant94.
3.55. Les gouvernements israéliens qui se sont succédé n’ont jamais admis la prémisse d’un État palestinien fondé sur les frontières antérieures à 1967. Toutes les propositions qu’ils ont avancées depuis la conclusion des accords d’Oslo partaient du principe que les négociateurs palestiniens devraient accepter les nouvelles « réalités » des colonies israéliennes construites depuis 1967, méconnaissant le fait que le transfert, par une puissance occupante, de parties de sa population dans un territoire occupé constitue une grave violation du droit international humanitaire, qui engage la responsabilité de la puissance en question et la responsabilité pénale individuelle de ses auteurs95.
3.56. Dans ses propositions et positions de négociation, Israël a constamment affirmé que Jérusalem dans son ensemble relevait de sa souveraineté. Les propositions consistant à restituer un nombre limité de quartiers arabes de Jérusalem-Est occupée au futur État palestinien exigeaient des Palestiniens qu’ils reconnaissent la souveraineté d’Israël sur la plus grande partie de ce territoire, qu’ils renoncent à tous droits à la souveraineté sur la mosquée al-Haram al-Charif/al-Aqsa et qu’ils consentent d’autres concessions de taille s’agissant des droits que le peuple palestinien tient du droit international.
3.57. Pour ce qui est des réfugiés, Israël n’a fait aucune proposition dans laquelle il aurait reconnu la responsabilité qui lui incombe au regard du droit international de régler ce problème ou d’apporter une solution juste conformément au droit international. Il n’a jamais reconnu les droits au retour et à une indemnisation, et toutes ses propositions auraient eu pour effet de compromettre les droits fondamentaux des réfugiés palestiniens à son égard96.
3.58. Selon ces propositions, les intérêts d’Israël en matière de sécurité, tels que déterminés par lui-même, priment sur le droit du peuple palestinien à l’autodétermination et à l’établissement de son propre État souverain. Le contrôle des frontières de l’État palestinien, de son espace aérien et de ses futures alliances, ainsi que sa démilitarisation, sur lesquels Israël insiste tant, ne sauraient guère être décrits comme des intérêts israéliens légitimes en matière de sécurité.
3.59. Les déclarations de certains premiers ministres et d’autres personnalités politiques et hauts responsables du Gouvernement israélien démontrent clairement qu’Israël n’a aucune intention de négocier de bonne foi un règlement définitif qui soit conforme aux règles du droit international,
93 Voir PeaceNow, « Data : Population » (accessible à l’adresse suivante : https://peacenow.org.il/en/settlements- watch/settlements-data/population, consulté le 12 juillet 2023). Ces chiffres ne tiennent pas compte des colonies de Jérusalem-Est occupée.
94 UN News, « Israeli Prime Minister Lapid backs two-State solution », 22 septembre 2022 (accessible à l’adresse suivante : https://news.un.org/en/story/2022/09/1127551, consulté le 12 juillet 2023).
95 Voir également chap. 4 ci-après.
96 Israël a constamment affirmé que tout accord sur les réfugiés devait déclarer que toute réclamation formulée contre lui était définitivement abandonnée.
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notamment au droit à l’autodétermination. Au nombre de celles-ci figurent notamment des déclarations des anciens premiers ministres Shamir et Netanyahu, qui ont soit rejeté purement et simplement la possibilité d’un État palestinien fondé sur les frontières de 1967, soit l’auraient envisagée uniquement à condition qu’elle soit dépourvue des attributs de la souveraineté
97. Le premier ministre Netanyahu a aussi contesté publiquement le droit au retour98 et la prétention de faire de Jérusalem-Est la capitale de la Palestine99. D’autres ministres ont fait des déclarations analogues, parmi lesquels le ministre des finances, M. Smotrich, qui a nié l’existence du peuple palestinien100, les ministres de la justice et de l’intérieur de l’époque, M. Sa’ar et Mme Shaked, et l’ancien premier ministre Bennett, qui se sont tous prononcés contre la création d’un État palestinien101.
3.60. Ces déclarations attestent elles aussi que — à quelques exceptions près —, depuis l’adoption des accords d’Oslo, Israël a entendu créer sur le terrain des faits nouveaux de nature à rendre impossible une paix juste, durable et globale. Elles indiquent également que son objectif est soit de parvenir à un règlement négocié qui viole les principes fondamentaux du processus de paix et du droit international, soit d’imposer un règlement unilatéral du conflit sans la création d’un État palestinien.
97 Voir CNN, « Netanyahu outlines vision for two-state solution — without Palestinian sovereignty », 1er février 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.cnn.com/2023/02/01/middleeast/netanyahu-palestinian-sovereignty- mime-intl/index.html, consulté le 12 juillet 2023) ; Jewish Telegraphic Agency, « Netanyahu says he supports a Palestinian “state-minus” controlled by Israeli security », 24 octobre 2018 (accessible à l’adresse suivante : https://www.jta.org/2018/ 10/24/israel/netanyahu-suggests-support-state-minus-palestinians, consulté le 12 juillet 2023) ; NY Times, « Netanyahu Says No to Statehood for Palestinians », 16 mars 2015) (accessible à l’adresse suivante : https://www.nytimes. com/2015/03/17/world/middleeast/benjamin-netanyahu-campaign-settlement.html, consulté le 12 juillet 2023) ; CNN, « Israel’s PM Netanyahu: No Palestinian state on my watch », 16 mars 2015) (accessible à l’adresse suivante : https://www. cnn.com/2015/03/16/middleeast/israel-netanyahu-palestinian-state/index.html, consulté le 12 juillet 2023) ; Times of Israel, « PM: Israel must have “security border” in Jordan Valley », 3 novembre 2013 (accessible à l’adresse suivante : https://www.timesofisrael.com/pm-israel-must-have-security-border-in-jordan-valley/, consulté le 12 juillet 2023) ; National Public Radio, « At White House, Netanyahu Calls '67 Border Lines “Indefensible” », 20 mai 2011 (accessible à l’adresse suivante : https://www.npr.org/sections/thetwo-way/2011/05/24/136500693/at-white-house-netanyahu-calls-67- border-lines-indefensible, consulté le 12 juillet 2023) ; LA Times « Palestinians “Alien Invaders,” Shamir Says », 6 février 1989 (accessible à l’adresse suivante : https://www.latimes.com/archives/la-xpm-1989-02-06-mn-1228-story.html, consulté le 12 juillet 2023).
98 The Jerusalem Post, « Netanyahu rejects Palestinian right of return to Israel », 28 octobre 2013 (accessible à l’adresse suivante : https://www.jpost.com/diplomacy-and-politics/netanyahu-rejects-palestinian-right-of-return-to-israel- 329895, consulté le 12 juillet 2023) ; Reuters, « We don’t want to “flood” Israel with Palestinian refugees: Abbas », 16 février 2014 (accessible à l’adresse suivante : https://www.reuters.com/article/us-palestinians-israel/we-dont-want-to- flood-israel-with-palestinian-refugees-abbas-idUSBREA1F0OE20140216, consulté le 12 juillet 2023).
99 American Rhetoric, « Binyamin Netanyahu — US Embassy in Jerusalem Dedication Speech », 14 mai 2018 (accessible à l’adresse suivante : https://www.americanrhetoric.com/speeches/benjaminnetanyahuusembassydedication. htm, consulté le 12 juillet 2023) ; The Jewish Chronicle, « Why the land of Israel has a border problem », 2 septembre 2009 (available at https://www.thejc.com/judaism/features/why-the-land-of-israel-has-a-border-problem-1.11065, consulté le 12 juillet 2023).
100 Voir Jewish News Syndicate, « Israeli finance minister denies existence of a Palestinian people in Paris speech », 20 mars 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.jns.org/israeli-finance-minister-denies-existence-of-a- palestinian-people-in-paris-speech/, consulté le 12 juillet 2023).
101 Voir Jerusalem Post, « Why is everyone opposing Lapid’s two-state solution speech? — editorial », 22 septembre 2022 (accessible à l’adresse suivante : https://www.jpost.com/opinion/article-717957, consulté le 12 juillet 2023).
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CHAPITRE 4 QUESTION A)
4.1. Après quelques observations introductives, la Jordanie traitera, dans le présent chapitre, la première des deux questions au sujet desquelles l’Assemblée générale a demandé un avis à la Cour (ci-après la « question a) »).
4.2. En répondant à ces deux questions, la Cour appliquera le droit international, la résolution 77/247 du 30 décembre 2022 indiquant en termes généraux les dispositions pertinentes que l’Assemblée générale avait à l’esprit. Le paragraphe 18 débute comme suit :
« Décide, conformément à l’Article 96 de la Charte des Nations Unies, de demander à la Cour internationale de Justice de donner, en vertu de l’Article 65 du Statut de la Cour, un avis consultatif sur les questions ci-après, compte tenu des règles et principes du droit international, dont la Charte des Nations Unies, le droit international humanitaire, le droit international des droits de l’homme, les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et du Conseil des droits de l’homme et les siennes propres, et l’avis consultatif donné par la Cour le 9 juillet 2004. » (Les italiques sont de nous.)
4.3. Il ressort de ce chapeau que tous les aspects du droit international (« compte tenu des règles et principes du droit international ») pourraient être pertinents. La liste qui y est énoncée n’est pas exhaustive (« dont »). Elle souligne l’importance que revêt le droit des Nations Unies pour les réponses aux questions (mentionnant expressément la Charte des Nations Unies, ainsi que les résolutions du Conseil de sécurité, de l’Assemblée générale et du Conseil des droits de l’homme). Le droit international humanitaire (qui comprend le droit de l’occupation) et le droit international des droits de l’homme sont également essentiels aux fins de ces questions. Enfin, il est fait mention de l’avis de 2004 de la Cour, lequel revêt clairement la plus haute importance.
4.4. Si ces différents domaines du droit international sont en grande partie traités séparément dans ce chapitre et au chapitre 5, certaines politiques et pratiques d’Israël en violent plusieurs simultanément ; à titre d’exemple, les colonies illicites d’Israël emportent violation du droit de l’occupation ainsi que du droit du peuple palestinien à l’autodétermination. Les règles primordiales du droit international qu’il convient d’appliquer sont le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, l’interdiction de l’emploi de la force et le principe corollaire de non-acquisition de territoire par la force, l’interdiction de la discrimination et l’interdiction des crimes contre l’humanité. Ces règles constituent des normes de jus cogens dont la violation entraîne des conséquences particulières pour Israël, les États tiers et l’Organisation des Nations Unies.
4.5. La question a) se lit comme suit :
« Quelles sont les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et de son annexion prolongées du territoire palestinien occupé depuis 1967, notamment des mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem, et de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires connexes ? »
4.6. La question se rapporte aux conséquences juridiques découlant de : la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination (section I) ; son occupation, sa colonisation et son annexion prolongées du Territoire palestinien occupé depuis 1967, notamment
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les mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem (section II) ; l’adoption par Israël de lois et mesures discriminatoires connexes (section III) ; et la commission de crimes contre l’humanité dans le Territoire palestinien occupé (section IV). Ces conséquences seront traitées successivement dans les quatre sections qui suivent, une dernière section étant consacrée à l’évaluation des conséquences juridiques qui découlent du comportement illicite d’Israël (section V).
I. LA VIOLATION PERSISTANTE PAR ISRAËL DU DROIT DU PEUPLE PALESTINIEN À L’AUTODÉTERMINATION
4.7. La Cour a souligné que le principe d’autodétermination des peuples était « [l]’un des principes essentiels du droit international contemporain »102. Il est aujourd’hui incontesté que le droit à l’autodétermination constitue une « règle coutumière ayant force obligatoire pour tous les États »103. Comme le précise expressément le paragraphe 1 de l’article 1 de la Charte des Nations Unies, l’un des buts de celle-ci est de « [d]évelopper entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde ».
4.8. Le principe de l’égalité des droits et de l’autodétermination des peuples a été réaffirmé par l’Assemblée générale dans la résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960104, ainsi que dans la déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies, annexée à la résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970105. En outre, le droit de tous les peuples à disposer d’eux-mêmes est expressément prévu à l’article premier commun au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Israël étant partie à l’un et à l’autre de ces instruments106. Le droit à l’autodétermination a été
102 Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 102, par. 29.
103 Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 131-133, par. 148, 151-152 et 155.
104 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960 (« Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux »).
105 Ibid., résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970 (« Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies »).
106 L’article premier commun dispose ce qui suit :
« 1. Tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel.
2. Pour atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, sans préjudice des obligations qui découlent de la coopération économique internationale, fondée sur le principe de l’intérêt mutuel, et du droit international. En aucun cas, un peuple ne pourra être privé de ses propres moyens de subsistance.
3. Les États parties au présent Pacte, y compris ceux qui ont la responsabilité d’administrer des territoires non autonomes et des territoires sous tutelle, sont tenus de faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et de respecter ce droit, conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies. »
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confirmé dans une série d’importantes décisions de la Cour
107. Il s’agit d’une norme de jus cogens108, dont le respect constitue « une obligation erga omnes »109.
4.9. En vertu du droit à l’autodétermination, tous les peuples peuvent « détermine[r] librement leur statut politique et poursuiv[re] librement leur développement économique, social et culturel »110. Il est bien établi que le droit à l’autodétermination est étroitement lié à la souveraineté permanente de tous les peuples sur leurs richesses et leurs ressources naturelles111.
4.10. La Cour a expressément confirmé que « l’existence d’un “peuple palestinien” ne saurait plus faire débat » et que ce peuple avait droit à l’autodétermination112. En outre, son droit à la souveraineté permanente sur les ressources naturelles du territoire palestinien a été reconnu par l’Assemblée générale, le Conseil économique et social et le Conseil des droits de l’homme113. Ce droit appartient au peuple palestinien dans son ensemble.
107 Voir, notamment, Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 131-134, par. 146-157 ; Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 436, par. 79 ; Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 171-172, par. 88 ; Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 102, par. 29 ; Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 31-33, par. 54-59 ; Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 31, par. 52.
108 Voir également par. 4.18, 4.179-4.186 et 4.188 ci-après.
109 Voir, en dernier lieu, Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 139, par. 180, faisant référence à Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 102, par. 29. Voir également Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 199, par. 155-156.
110 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960, par. 2. Voir également le paragraphe 1 de l’article premier commun au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
111 Voir le paragraphe 2 de l’article premier commun au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que la résolution 1314 (XIII) de l’Assemblée générale des Nations Unies, 12 décembre 1958, premier alinéa du préambule (« Notant que le droit des peuples et des nations à disposer d’eux-mêmes, tel qu’il est proclamé dans les deux projets [à l’époque] de pactes …, comprend un “droit de souveraineté permanent sur leurs richesses et leurs ressources naturelles” »). Voir également Nations Unies, Assemblée générale, résolution 1803 (XVII) du 14 décembre 1962, intitulée « Souveraineté permanente sur les ressources naturelles », qui renvoie à la résolution 1314 (XIII) et reconnaît « la souveraineté des peuples et des nations sur leurs ressources naturelles ».
112 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 182-183, par. 118. Ainsi que la Cour l’a relevé, l’Assemblée générale l’a reconnu en maintes occasions. Le Conseil des droits de l’homme a, lui aussi, affirmé « le droit inaliénable, permanent et absolu du peuple palestinien à disposer de lui-même » Voir, en dernier lieu, résolution 49/28 du Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies, 1er avril 2022.
113 Voir, par exemple, Nations Unies, Assemblée générale, résolution 77/187 du 14 décembre 2022, « [r]éaffirmant le principe de la souveraineté permanente des peuples sous occupation étrangère sur leurs ressources naturelles » et « les droits inaliénables du peuple palestinien … sur [se]s ressources naturelles, notamment [se]s terres et les ressources en eau et en énergie » ; Nations Unies, Conseil économique et social, résolution 2022/22 du 22 juillet 2022, « [r]éaffirmant le principe de la souveraineté permanente des peuples sous occupation étrangère sur leurs ressources naturelles » ; Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, résolution 49/28 du 1er avril 2022, « confirm[ant] que le droit du peuple palestinien à la souveraineté permanente sur ses richesses et ressources naturelles d[eva]it être utilisé dans l’intérêt de son développement national et de son bien-être, et dans le cadre de la réalisation de son droit à l’autodétermination ».
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4.11. Bien que « [l]e droit à l’autodétermination, en droit international coutumier, n’impose pas un mécanisme particulier pour sa mise en oeuvre dans tous les cas »114, la manière dont il doit être mis en oeuvre dans le cas du peuple palestinien est aujourd’hui incontestable. Le peuple palestinien a exprimé sans équivoque, par ses représentants, son souhait et son droit de devenir un État indépendant, unique façon pour lui de réaliser son droit à l’autodétermination, en bénéficiant de la souveraineté entière et exclusive sur les ressources naturelles de son territoire. Et année après année, l’Assemblée générale a expressément réaffirmé « le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, y compris son droit à un État de Palestine indépendant »115.
4.12. La communauté internationale, en particulier par la voix de l’Assemblée générale, a réaffirmé à maintes reprises qu’elle appuyait, conformément au droit international, la solution des deux États, dans laquelle Israël et la Palestine vivraient côte à côte dans la paix et la sécurité, à l’intérieur de frontières reconnues, fondées sur celles antérieures à 1967116. Le droit du peuple palestinien « de vivre dans la liberté, la justice et la dignité, et son droit à l’État indépendant de Palestine », ont également été reconnus par le Conseil des droits de l’homme117. En 2012, la Palestine s’est vu accorder le statut d’État non membre observateur auprès de l’Organisation des Nations Unies118. En 2011, elle est devenue État membre de l’UNESCO119.
4.13. En 2016, le Conseil de sécurité a « [r]éitér[é] sa vision d’une région où deux États démocratiques, Israël et la Palestine, viv[rai]ent côte à côte, en paix, à l’intérieur de frontières sûres et reconnues ». Ainsi qu’il l’a souligné,
« le statu quo n’est pas viable et … des mesures importantes, compatibles avec le processus de transition prévu dans les accords antérieurs, doivent être prises de toute urgence en vue de i) stabiliser la situation et inverser les tendances négatives sur le terrain, qui ne cessent de fragiliser la solution des deux États et d’imposer dans les faits la réalité d’un seul État, et de ii) créer les conditions qui permettraient d’assurer le
114 Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 134, par. 158.
115 Voir, par exemple, sur les dix dernières années : Nations Unies, Assemblée générale, résolutions 77/208 du 15 décembre 2022 ; 76/150 du 16 décembre 2021 ; 75/172 du 16 décembre 2020 ; 74/139 du 18 décembre 2019 ; 73/158 du 17 décembre 2018 ; 72/160 du 19 décembre 2017 ; 71/184 du 19 décembre 2016 ; 70/141 du 17 décembre 2015 ; 69/165 du 18 décembre 2014 ; et 68/154 du18 décembre 2013.
116 Voir, par exemple, Nations Unies, Assemblée générale, résolutions 77/25 du 30 novembre 2022 ; 76/10 du 1er décembre 2021 ; 75/22 du 2 décembre 2020 ; 74/11 du 3 décembre 2019 ; 73/19 du 30 novembre 2018 ; 72/14 du 30 novembre 2017 ; 71/23 du 30 novembre 2016 ; 70/15 du 24 novembre 2015.
117 Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, résolution 49/28 du 1er avril 2022.
118 Dans sa résolution 67/19, en date du 4 décembre 2012, l’Assemblée générale a :
« 1. [r]éaffirm[é] le droit du peuple palestinien à l’autodétermination et à l’indépendance dans un État de Palestine situé sur le territoire palestinien occupé depuis 1967 ;
2. [d]écid[é] d’accorder à la Palestine le statut d’État non membre observateur auprès de l’Organisation des Nations Unies, sans préjudice des droits et privilèges acquis et du rôle de l’Organisation de libération de la Palestine auprès de l’Organisation des Nations Unies en sa qualité de représentante du peuple palestinien, conformément aux résolutions et à la pratique en la matière ;
3. [e]sp[éré] que le Conseil de sécurité donnera[it] une suite favorable à la demande d’admission en tant que membre à part entière de l’Organisation des Nations Unies présentée le 23 septembre 2011 par l’État de Palestine ».
119 Demande d’admission de la Palestine à l’UNESCO (187 EX/40), 30 novembre 2011.
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succès des négociations sur le statut final et de faire progresser la solution des deux États par la voie de négociations et sur le terrain »
120.
4.14. Le 20 février 2023, la présidente du Conseil de sécurité a fait au nom de celui-ci une déclaration dans laquelle elle a « réaffirmé son attachement indéfectible à la vision de la solution des deux États où deux États démocratiques, Israël et la Palestine, viv[rai]ent côte à côte, en paix, à l’intérieur de frontières sûres et reconnues, dans le respect du droit international et des résolutions pertinentes de l’Organisation des Nations Unies »121.
4.15. Mettre fin à l’occupation et concrétiser sur le terrain la solution des deux États, conformément aux résolutions pertinentes de l’Organisation des Nations Unies, du mandat de Madrid, notamment le principe de l’échange de territoires contre la paix, l’initiative de paix arabe et la feuille de route du quatuor pour un règlement permanent du conflit israélo-palestinien prévoyant deux États, est la seule solution permettant au peuple palestinien de réaliser pleinement son droit de disposer de lui-même. Comme l’a souligné la rapporteuse spéciale de l’ONU au sujet de la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, « [l]e fait pour le peuple palestinien de jouir du droit à l’autodétermination, dans le contexte d’un État politiquement indépendant s’étendant sur tout le Territoire palestinien occupé, est un critère minimal de justice pour celui-ci »122.
4.16. Cela cadre avec la reconnaissance par la Cour que, « [a]u cours de la seconde moitié du XXe siècle, le droit international, en matière d’autodétermination, a évolué pour donner naissance à un droit à l’indépendance au bénéfice des peuples … soumis à la subjugation, à la domination ou à l’exploitation étrangères »123, et qu’« un très grand nombre de nouveaux États sont nés par suite de l’exercice de ce droit »124. Le peuple palestinien, qui est oppressé et dominé par l’État d’Israël depuis plusieurs décennies, a droit à un État de Palestine indépendant, souverain et viable, à l’intérieur des limites du 4 juin 1967, ayant pour capitale Jérusalem-Est.
4.17. En 2004, la Cour a affirmé que « seule la mise en oeuvre de bonne foi de toutes les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, en particulier les résolutions 242 (1967) et 338 (1973), [étai]t susceptible de mettre un terme à [la ]situation tragique » dans le territoire palestinien occupé, et qu’il convenait d’encourager les efforts visant à engager des négociations à cet effet « en vue d’aboutir le plus tôt possible, sur la base du droit international, à une solution négociée des problèmes pendants et à la constitution d’un État palestinien vivant côte à côte avec Israël et ses autres voisins, et d’assurer à chacun dans la région paix et sécurité »125.
120 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016, dixième alinéa du préambule.
121 Déclaration de la présidente du Conseil de sécurité du 20 février 2023, publiée sous la cote S/PRST/2023/1.
122 Rapport de la rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, Francesca Albanese, 21 septembre 2022, Assemblée générale, publié sous la cote A/77/356, par. 12.
123 Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 436, par. 79, faisant référence à Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 31-32, par. 52-53 ; Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 102, par. 29 ; Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 171-172, par. 88.
124 Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 436, par. 79.
125 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 201, par. 162.
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4.18. Le droit à l’autodétermination est une norme impérative du droit international général (jus cogens)126, c’est-à-dire une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des États dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général ayant le même caractère127. Les normes du jus cogens reflètent et protègent des valeurs fondamentales de la communauté internationale. Ces normes sont universellement applicables et hiérarchiquement supérieures aux autres règles du droit international128.
4.19. Dans son avis de 2004, la Cour a conclu que l’édification du mur, « s’ajoutant aux mesures prises antérieurement, dress[ait] un obstacle grave à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination et viol[ait] de ce fait l’obligation incombant à Israël de respecter ce droit »129. La situation s’est considérablement aggravée depuis 2004, notamment ces derniers mois et semaines, comme cela a été décrit au chapitre 3 plus haut — non seulement Israël n’a pas démantelé le mur ni mis fin à ses autres politiques et pratiques illicites, mais il les a encore considérablement intensifiées.
4.20. En particulier, l’existence et l’expansion continues de colonies dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, a privé le peuple palestinien de toute perspective de réaliser son droit à l’autodétermination sous l’occupation actuelle130. Israël a même adopté une loi précisant que « [l]’État consid[érait] le développement des colonies juives comme une valeur nationale et agira[it] pour encourager et promouvoir leur création et leur consolidation »131. Très récemment, la présidente du Conseil de sécurité a fait au nom de celui-ci une déclaration dans laquelle elle a « exprim[é] sa profonde préoccupation et sa consternation face à l’annonce par Israël, le 12 février 2023, de la poursuite de la construction et de l’expansion de colonies de peuplement et de la “légalisation” des avant-postes de colonies »132.
4.21. Le 1er avril 2022, le Conseil des droits de l’homme s’est
« déclar[é] profondément préoccupé par la fragmentation du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et par les changements intervenus dans sa composition démographique en raison de la poursuite de la construction et de l’extension des colonies de peuplement, du transfert forcé de Palestiniens et de la construction du mur par Israël, [a] soulign[é] que cette fragmentation, qui compromet[tait] la possibilité pour le peuple palestinien de réaliser son droit à l’autodétermination, [étai]t incompatible avec les buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies, et [a] soulign[é] à cet égard la nécessité de respecter et de
126 Voir l’annexe de la conclusion 23 du projet de conclusions de la Commission du droit international (ci-après la « CDI ») sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens), devant être incluse dans l’Annuaire de la Commission du droit international, 2022, vol. II, deuxième partie (ci-après le « projet de conclusions sur les normes impératives du droit international général »), p. 89.
127 Ibid., p. 18, conclusion 2.
128 Ibid., p. 29-30, conclusion 4.
129 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 184, par. 122.
130 Voir également la section II ci-après.
131 Voir le principe fondamental 7 de la « loi fondamentale : Israël en tant qu’État-nation du peuple juif », 19 juillet 2018 (ci-après la « loi fondamentale de 2018 »).
132 Déclaration de la présidente du Conseil de sécurité du 20 février 2023, publiée sous la cote S/PRST/2023/1.
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préserver l’unité, la continuité et l’intégrité territoriales de tout le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est »
133.
4.22. Le 22 juillet 2022, le Conseil économique et social a souligné les menaces qui pesaient sur la souveraineté du peuple palestinien sur ses ressources naturelles, se déclarant « préoccupé par le fait qu’Israël, Puissance occupante, et les colons israéliens exploit[ai]ent, mett[ai]ent en péril et épuis[ai]ent les ressources naturelles dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est »134.
4.23. Dans le rapport qu’elle a transmis à l’Assemblée générale le 21 septembre 2022, la rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 a fait observer à cet égard que « [l]e contrôle exercé par Israël sur les ressources palestiniennes entrav[ait] la production et mena[çait] l’autosuffisance des Palestiniens, mettant particulièrement en danger la survie des Bédouins et des autres communautés pastorales palestiniennes » en Cisjordanie135. Elle a conclu dans son rapport que « [l]e “dé-développement” imposé par Israël au territoire palestinien occupé a[vait] causé d’irréparables dommages à l’économie palestinienne et [étai]t aux antipodes du principe d’autodétermination auquel [avaie]nt adhéré les Nations Unies dans leur rejet du colonialisme »136.
4.24. Dans la résolution sollicitant le présent avis consultatif, l’Assemblée générale s’est déclarée vivement préoccupée par l’intensification des pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple palestinien dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et a
« [e]xig[é] d’Israël, Puissance occupante, qu’il m[ît] fin à toutes ses activités d’implantation, à la construction du mur et à toute autre mesure visant à modifier le caractère, le statut ou la composition démographique du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est et son pourtour, qui [avaie]nt toutes des conséquences graves et préjudiciables, entre autres pour les droits humains du peuple palestinien, notamment son droit à l’autodétermination » (les italiques sont de nous).
4.25. En résumé, les pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, constituent une violation grave et persistante du droit du peuple palestinien à l’autodétermination.
II. L’OCCUPATION, LA COLONISATION ET L’ANNEXION PROLONGÉES PAR ISRAËL DU TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ DEPUIS 1967, Y COMPRIS LES MESURES VISANT À MODIFIER LA COMPOSITION DÉMOGRAPHIQUE, LE CARACTÈRE ET LE STATUT DE LA VILLE SAINTE DE JÉRUSALEM
4.26. La présente section traitera successivement de l’occupation prolongée, par Israël, du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est (A) ; des obligations qui incombent à Israël en tant que puissance occupante pendant la poursuite de l’occupation (B) ; des colonies et « avant-postes » israéliens dans le Territoire palestinien occupé (C) ; de la tentative d’Israël
133 Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, résolution 49/28 du 1er avril 2022 (les italiques sont de nous).
134 Nations Unies, Conseil économique et social, résolution 2022/22 du 22 juillet 2022.
135 Rapport de la rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, Francesca Albanese, 21 septembre 2022, Assemblée générale, publié sous la cote A/77/356, par. 49.
136 Ibid., par. 52 (les italiques sont de nous).
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d’annexer de vastes parties du Territoire palestinien occupé (D) ; et des mesures d’Israël visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem (E).
A. L’occupation prolongée, par Israël, du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est
4.27. L’occupation israélienne du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, a débuté en juin 1967 et dure depuis plus d’un demi-siècle (56 ans). C’est à la lumière de ces circonstances exceptionnelles qu’il est demandé à la Cour, dans la question a), de traiter le caractère prolongé de l’occupation et les conséquences juridiques qui en découlent.
4.28. Le droit international humanitaire demeure applicable, conjointement avec le droit international des droits de l’homme, dans les territoires occupés quelle que soit la durée de l’occupation137, et sans préjudice du caractère illicite de l’occupation israélienne en tant que telle. Cette question distincte fera l’objet du chapitre 5, consacré à la question b). La présente section se rapporte à la question spécifique de la durée de l’occupation.
4.29. Le droit international humanitaire est applicable au Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, depuis le début de son occupation par Israël. Ainsi que l’a relevé le juge Al-Khasawneh dans l’exposé de son opinion individuelle en 2004, « [i]l est peu de propositions du droit international dont on puisse dire qu’elles sont quasi universellement reçues et qu’elles s’appuient sur une longue, constante et cohérente opinio juris, comme c’est le cas pour la proposition selon laquelle la présence d’Israël dans le territoire palestinien de Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et à Gaza constitue une occupation militaire soumise au régime juridique international applicable à une occupation militaire »138.
4.30. Il convient tout d’abord de tenir compte de la convention (IV) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre de 1907 (ci-après la « quatrième convention de La Haye »), à laquelle est annexé le règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre (ci-après le « règlement de La Haye »). Bien qu’Israël ne soit pas partie à la quatrième convention de La Haye, comme la Cour l’a précisé, « les dispositions du règlement de La Haye de 1907 ont acquis un caractère coutumier »139. Est également applicable la convention (IV) relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre de 1949 (ci-après la « quatrième convention de Genève »), dont l’article 154 précise qu’elle « complétera les sections II et III du Règlement … de La Haye ». Tant la Jordanie qu’Israël sont parties à la quatrième convention de Genève depuis 1951. En 1982, la Palestine s’est engagée unilatéralement à appliquer cet instrument140, auquel elle a adhéré en 2014141.
137 Voir également la sous-section B ci-après.
138 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), opinion individuelle du juge Al-Khasawneh, p. 235-236, par. 2.
139 Ibid., p. 172, par. 89.
140 Ibid., p. 173, par. 91.
141 Voir notification dépositaire du 5 avril 2014.
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Dans son avis de 2004, la Cour a confirmé que la quatrième convention de Genève était applicable au territoire palestinien occupé
142.
4.31. Plusieurs résolutions des organes compétents de l’Organisation des Nations Unies ont également trait au Territoire palestinien occupé, ainsi qu’à la nécessité qu’Israël cesse de l’occuper. Dès 1967, le Conseil de sécurité a, par exemple, adopté la position ci-après dans sa résolution 242 (1967) :
« [L]’accomplissement des principes de la Charte exige l’instauration d’une paix juste et durable au Moyen-Orient qui devrait comprendre l’application des deux principes suivants :
i) Retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés lors du récent conflit ;
ii) Cessation de toutes assertions de belligérance ou de tous états de belligérance et respect et reconnaissance de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de chaque État de la région et de leur droit de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues à l’abri de menaces ou d’actes de force. »143
4.32. Par la suite, dans sa résolution 476 (1980), le Conseil de sécurité a réaffirmé « la nécessité impérieuse de mettre fin à l’occupation prolongée des territoires arabes occupés par Israël depuis 1967, y compris Jérusalem »144. Plus récemment, dans sa résolution 2334 (2016), il a
« [p]réconis[é] vivement … l’intensification et l’accélération des efforts diplomatiques entrepris et de l’appui apporté aux niveaux international et régional en vue de parvenir sans tarder à une paix globale, juste et durable au Moyen-Orient, sur la base des résolutions pertinentes de l’Organisation des Nations Unies, du mandat de la conférence de Madrid, y compris le principe de l’échange de territoires contre la paix, de l’Initiative de paix arabe et de la Feuille de route du Quatuor, et de mettre fin à l’occupation israélienne qui a[vait] commencé en 1967 »145.
4.33. L’Assemblée générale a adopté une position analogue. Dans sa résolution 77/22, elle a
« [n]ot[é] avec un profond regret que 55 ans s[‘étaie]nt écoulés depuis le début de l’occupation israélienne et 75 ans depuis l’adoption de la résolution 181 (II) du
142 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 175-177, par. 95-101. D’autres instruments complètent le droit de l’occupation tel qu’il trouve son expression dans les quatrièmes conventions de La Haye et de Genève : le protocole additionnel de 1977 aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (ci-après le « protocole additionnel I ») ; la convention de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé ; le protocole de 1954 relatif à la convention de La Haye pour la protection des biens culturels ; et la convention de 1970 concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels.
143 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 242 (1967) du 22 novembre 1967, par. 1.
144 Ibid., résolution 476 (1980) du 30 juin 1980, par. 1. Voir également ibid., résolution 471 (1980) du 5 juin 1980, par. 6 (« Réaffirme la nécessité primordiale de mettre fin à l’occupation prolongée des territoires arabes occupés par Israël depuis 1967, y compris Jérusalem »).
145 Ibid., résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016, par. 9.
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29 novembre 1947 et la Nakba, sans avancée tangible vers un règlement pacifique de la situation »
146.
De même, dans sa résolution 77/25, l’Assemblée a
« [d]emand[é] de nouveau qu’une paix globale, juste et durable [fû]t instaurée sans délai au Moyen-Orient sur le fondement des résolutions pertinentes de l’Organisation des Nations Unies … et qu’il [fû]t mis fin à l’occupation israélienne qui a[vait] commencé en 1967, y compris à Jérusalem-Est »147.
4.34. Le droit international humanitaire n’énonce pas de durée spécifique pour l’occupation militaire. Ce nonobstant, il est un principe fondamental de ce droit que l’occupation militaire est un régime d’administration territoriale temporaire148. De fait, le droit de l’occupation présuppose le retrait final de la puissance occupante et la restitution du contrôle à l’État dont le territoire a été occupé, et dont la souveraineté sur ce territoire n’a pas été affectée.
4.35. Le caractère temporaire de l’occupation militaire trouve son expression au paragraphe 3 de l’article 6149 et à l’article 47 de la quatrième convention de Genève150. Dans son commentaire, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) indique à cet égard que
« [l]’occupation de guerre … est un état de fait essentiellement provisoire, qui n’enlève à la Puissance occupée ni sa qualité d’État, ni sa souveraineté ; elle entrave seulement l’exercice de ses droits. Elle se distingue par-là de l’annexion, par laquelle la Puissance occupante acquiert tout ou partie du territoire occupé pour l’incorporer à son propre territoire. »151
4.36. Le caractère temporaire de l’occupation militaire résulte également de l’interprétation et de l’application des règles pertinentes du droit international humanitaire, associées à l’interdiction de l’emploi de la force telle que codifiée au paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies, y compris le principe corollaire de la non-acquisition de territoire par la force, le principe de l’intégrité territoriale, et le droit des peuples à l’autodétermination. En résumé, il doit être
146 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 77/22 du 30 novembre 2022, onzième alinéa du préambule.
147 Ibid., résolution 77/25 du 30 novembre 2022, par. 1. Voir également ibid., résolution 77/208 du 15 décembre 2022, huitième alinéa du préambule ; Conseil des droits de l’homme, résolution 49/29 du 1er avril 2022, par. 7 ; rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, Richard Falk, 13 janvier 2014, Assemblée générale, publié sous la cote A/HRC/25/67, par. 78.
148 Voir également A. Roberts, « Prolonged Military Occupation: The Israeli-Occupied Territories since 1967 », in American Journal of International Law, vol. 84(1) (1990), p. 47 ; E. Lieblich et E. Benvenisti, Occupation in International Law (OUP, 2022), p. 110.
149 Le paragraphe 3 de l’article 6 dispose que l’application de la convention « cessera un an après la fin générale des opérations militaires ; néanmoins, la Puissance occupante sera liée pour la durée de l’occupation — pour autant que cette Puissance exerce les fonctions de gouvernement dans le territoire en question — par les dispositions des articles suivants de la présente Convention : 1 à 12, 27, 29 à 34, 47, 49, 51, 52, 53, 59, 61 à 77 et 143 ».
150 L’article 47 (« Intangibilité des droits ») dispose ce qui suit :
« Les personnes protégées qui se trouvent dans un territoire occupé ne seront privées, en aucun cas ni d’aucune manière, du bénéfice de la présente Convention, soit en vertu d’un changement quelconque intervenu du fait de l’occupation dans les institutions ou le gouvernement du territoire en question, soit par un accord passé entre les autorités du territoire occupé et la Puissance occupante, soit encore en raison de l’annexion par cette dernière de tout ou partie du territoire occupé. »
151 Commentaire du CICR concernant la quatrième convention de Genève. Voir également E. Lieblich et E. Benvenisti, Occupation in International Law (OUP, 2022), p. 110 ; A. Roberts, « Prolonged Military Occupation: The Israeli-Occupied Territories since 1967 », in American Journal of International Law, vol. 84(1) (1990), p. 47.
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mis fin à toute occupation dans un délai raisonnable, le territoire en question devant à cette occasion être restitué à son souverain. Si l’occupation était autorisée pour une durée indéterminée, la distinction entre occupation et annexion disparaîtrait, ce qui irait à rebours des principes fondamentaux du droit international. En effet, admettre la proposition selon laquelle l’occupation est susceptible de durer indéfiniment pourrait aisément conduire à des abus et équivaloir à une annexion de fait
152. L’on ne saurait admettre l’assertion de la Haute Cour de justice israélienne selon laquelle une occupation pourrait être à la fois temporaire et d’une durée indéterminée153.
4.37. Les obligations qui incombent à Israël doivent être interprétées à l’aune du principe de nécessité militaire, qui impose des limites aux pouvoirs de la puissance occupante. Ce principe trouve son expression à l’article 42 du règlement de La Haye, aux termes duquel « [u]n territoire est considéré comme occupé lorsqu’il se trouve placé de fait sous l’autorité de l’armée ennemie ». L’administration d’un territoire occupé doit avoir un caractère essentiellement militaire, et non civil154. Il s’agit de faire en sorte que ledit territoire soit isolé de la politique de la puissance occupante, et ce, compte tenu du caractère temporaire qui sous-tend le droit de l’occupation. Cela est encore renforcé par le droit des peuples à l’autodétermination, que le droit de l’occupation vise à sauvegarder, et par les obligations de la puissance occupante au regard du droit international des droits de l’homme155.
4.38. Dans la présente espèce, la durée extraordinaire de l’occupation, par Israël, du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, traduit l’intention de cet État d’y rendre sa présence permanente, en violation de l’interdiction de l’acquisition de territoire par la force et du droit du peuple palestinien à l’autodétermination. Le 14 septembre 2022, la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël a soumis à l’Assemblée générale un rapport dans lequel elle a relevé
« l’existence de preuves crédibles qui indiquaient de manière convaincante qu’Israël n’avait aucune intention de mettre un terme à l’occupation, qu’il appliquait des politiques claires en vue de prendre le contrôle total du Territoire palestinien occupé et qu’il s’employait à en modifier la démographie en maintenant un environnement répressif pour les Palestiniens et un climat favorable aux colons israéliens »156.
La Commission a notamment conclu ce qui suit :
« Les mesures prises par Israël pour créer des faits irréversibles sur le terrain et pour étendre son contrôle sur le territoire constituent aussi bien des manifestations que des moteurs de son occupation permanente. L’entreprise de peuplement est le principal moyen par lequel ces résultats sont obtenus. Les déclarations des responsables israéliens
152 Voir également E. Lieblich et E. Benvenisti, Occupation in International Law (OUP, 2022), p. 27 ; Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), opinion individuelle du juge Koroma, p. 204, par. 2 (« L’occupation revêt par définition un caractère temporaire et doit respecter les intérêts de la population tout en satisfaisant les besoins de la puissance occupante sur le plan militaire. »).
153 Voir Jam’iat Iscan Al-Ma’almoun v. IDF Commander of Judea and Samaria, HCJ 393/82, Haute Cour de justice israélienne, arrêt du 28 décembre 1983, par. 12. Cela atteste l’intention d’Israël d’annexer le Territoire palestinien occupé, comme il sera exposé plus en détail au chapitre 5 ci-après.
154 Voir également E. Lieblich et E. Benvenisti, Occupation in International Law (OUP, 2022), p. 31 (« le droit de l’occupation suppose que le commandement militaire soit la plus haute autorité dans le territoire, et que tous les éléments civils y soient en dernière analyse assujettis »).
155 Voir également sect. B ci-après.
156 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 14 septembre 2022, Assemblée générale, publié sous la cote A/77/328, par. 3.
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constituent une preuve supplémentaire du fait qu’Israël a prévu que l’occupation sera permanente, tout comme l’absence de mesures visant à mettre fin à l’occupation, notamment en vue de la “solution des deux États” ou de toute autre solution. »
157
4.39. En conséquence, le refus d’Israël de se retirer du Territoire palestinien occupé constitue un manquement aux obligations qui lui incombent au regard du droit international. Au surplus, l’occupation israélienne prolongée doit être appréciée en tenant compte des multiples violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme qu’Israël a commises au fil des ans, notamment sa politique de colonies et de déplacement des Palestiniens. Cela sera traité plus en détail ci-après.
B. Les obligations incombant à Israël en tant que puissance occupante
4.40. Comme cela a été relevé plus haut, les règles et principes relatifs à l’occupation militaire continuent de s’appliquer dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, quelle que soit la durée de l’occupation par Israël, et sans préjudice de la licéité de cette occupation. Les règles pertinentes des quatrièmes conventions de La Haye et de Genève continuent donc en principe de s’appliquer dans un territoire occupé, indépendamment de la durée effective de l’occupation. Israël, en tant que puissance occupante, est tenu de respecter ces règles. Ainsi que l’a relevé le juge Elaraby en 2004, « [m]ême si une … occupation [prolongée], en mettant à l’épreuve les règles applicables, tend à les affaiblir, le droit relatif à l’occupation doit être pleinement respecté, quelle que soit la durée de l’occupation »158. De même, M. Greenwood a relevé ceci :
« rien n’indique que le droit international autorise une puissance occupante à méconnaître des dispositions du Règlement ou de la convention du seul fait qu’elle occupe un territoire de longue date, notamment parce qu’aucun corpus juridique ne pourrait plausiblement remplacer lesdites règles, et rien n’indique que la communauté internationale serait disposée à laisser carte blanche à l’occupant »159.
4.41. Cette section énonce plus en détail les obligations qui incombent à Israël au regard du droit international humanitaire en tant que puissance occupante, l’accent étant mis sur les plus pertinentes d’entre elles aux fins de la présente procédure consultative.
4.42. Le droit de l’occupation autorise la puissance occupante à prendre des mesures fondées sur une nécessité militaire, à condition qu’elle tienne toujours compte des autres règles et principes du droit international applicables, notamment ceux régissant l’emploi de la force militaire. Au nombre des principes pertinents figurent 1) le principe de distinction entre cibles militaires et civiles ; 2) l’exigence de proportionnalité (éviter les opérations militaires causant un préjudice disproportionné à des civils) ; 3) la liberté d’accès pour le personnel médical ; 4) l’obligation incombant à une puissance occupante en application de la quatrième convention de Genève de garantir un approvisionnement adéquat en nourriture et en soins, et de protéger la santé publique dans les zones occupées ; 5) la protection des civils de manière générale et dans des circonstances spécifiques (par exemple, le fait de ne pas associer des civils à des opérations militaires) ; 6) la protection des combattants blessés ; et 7) l’interdiction des sanctions collectives.
157 Ibid., par. 75.
158 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), opinion individuelle du juge Elaraby, p. 255.
159 C. Greenwood, « The Administration of Occupied Territory in International Law », in E. Playfair (sous la dir. de), International Law and the Administration of Occupied Territories (1992), p. 263.
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4.43. La nécessité militaire exige de ne lancer des attaques que contre des cibles qui constituent des objectifs militaires, tels qu’ils sont définis en droit international humanitaire, et en tenant compte de certaines interdictions spécifiques, telles que l’interdiction, valable en toutes circonstances, de prendre pour cible des personnes protégées, l’interdiction de détruire des biens civils à moins que ce ne soit absolument nécessaire ou l’interdiction de causer des souffrances inutiles. Le principe de proportionnalité exige que les pertes en vies humaines, les atteintes à la personne ou les dommages escomptés qui seront incidemment causés à des biens dans le cadre d’opérations militaires ne soient pas excessifs par rapport à l’avantage militaire concret et direct que l’on s’attend à obtenir. Le principe de discrimination ou de distinction exige de faire la différence entre combattants et non-combattants, et entre objectifs militaires et biens protégés, notamment les biens de caractère civil. L’interdiction des attaques sans discrimination reflète ce principe.
4.44. Le règlement de La Haye impose certaines limites à la puissance occupante. Ainsi que la Cour l’a précisé en 2004,
« [l]’article 43 donne à l’occupant le devoir de prendre “toutes les mesures qui dépendent de lui en vue de rétablir et d’assurer, autant qu’il est possible, l’ordre et la vie publics en respectant, sauf empêchement absolu, les lois en vigueur dans le pays”. L’article 46 ajoute que la propriété privée doit être “respecté[e]” et “ne peut pas être confisquée”. Enfin, l’article 52 autorise dans certaines limites les réquisitions en nature et des services pour les besoins de l’armée d’occupation. »160
4.45. L’article 49 de la quatrième convention de Genève interdit de déporter des personnes protégées d’un territoire occupé vers le territoire de la puissance occupante, pour quelque motif que ce soit. Il est expressément défendu à la puissance occupante de transférer des parties de sa propre population civile dans le territoire qu’elle occupe.
4.46. L’article 53 de la quatrième convention de Genève précise qu’
« [i]l est interdit à la Puissance occupante de détruire des biens mobiliers ou immobiliers, appartenant individuellement ou collectivement à des personnes privées, à l’État ou à des collectivités publiques, à des organisations sociales ou coopératives, sauf dans les cas où ces destructions seraient rendues absolument nécessaires par les opérations militaires ».
En 2004, la Cour a conclu que l’édification du mur en Cisjordanie « a[vait] entraîné la destruction … de propriétés dans des conditions contraires aux prescriptions des articles 46 et 52 du règlement de La Haye de 1907 et de l’article 53 de la quatrième convention de Genève »161. Elle n’a pas jugé qu’Israël était fondé à invoquer des exigences militaires, ou les exceptions au titre de ce qui pouvait être rendu absolument nécessaire par les opérations militaires ou être autorisé par le droit international des droits de l’homme162.
4.47. Les violations graves de la quatrième convention de Genève sont qualifiées de crimes de guerre et résumées à l’article 8 du Statut de la Cour pénale internationale (CPI). Le procureur de la CPI a ouvert une enquête sur certains actes israéliens dans le Territoire palestinien occupé.
160 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 185, par. 124.
161 Ibid., p. 189-192, par. 132-134.
162 Ibid., p. 192-194, par. 136-137.
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Constituent des violations graves des conventions de Genève, telles qu’elles sont définies à l’article 147 de la quatrième convention de Genève,
« l’un ou l’autre des actes suivants, s’ils sont commis contre des personnes ou des biens protégés par la Convention : l’homicide intentionnel, la torture ou les traitements inhumains, y compris les expériences biologiques, le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé, la déportation ou le transfert illégaux, la détention illégale, le fait de contraindre une personne protégée à servir dans les forces armées de la Puissance ennemie, ou celui de la priver de son droit d’être jugée régulièrement et impartialement selon les prescriptions de la présente Convention, la prise d’otages, la destruction et l’appropriation de biens non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire ».
4.48. Israël est également tenu de protéger les personnes qui sont présentes sur son territoire ou relèvent de sa juridiction et de leur permettre de jouir de leurs droits de l’homme, y compris dans le Territoire palestinien occupé.
4.49. Les droits protégés sont notamment ceux qui découlent de l’interdiction de la discrimination raciale, de l’interdiction de la discrimination en général, de l’interdiction de la torture, de l’interdiction du génocide, de l’interdiction des crimes contre l’humanité et de la protection des droits de l’homme dans leur ensemble, y compris le droit à l’autodétermination. Ces obligations sont énoncées dans des instruments auxquels Israël est partie et relèvent du droit international coutumier.
4.50. Israël a affirmé que les principaux traités auxquels il était partie ne lui imposaient pas d’obligation ni n’étendaient la protection contre la discrimination et d’autres violations des droits de l’homme en dehors de son propre territoire. Les organes de contrôle de l’application de traités par les États ont rejeté ces affirmations lorsqu’elles étaient formulées par rapport au comportement israélien dans le Territoire palestinien occupé163.
4.51. Dans son avis de 2004, la Cour a conclu que, hormis un seul article qu’Israël avait assorti d’une dérogation, les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et de la convention de 1989 relative aux droits de l’enfant trouvaient à s’appliquer pour ce qui était des actes accomplis par Israël dans l’exercice de sa juridiction dans le territoire palestinien occupé164.
4.52. La Cour a par ailleurs eu l’occasion de confirmer que la convention internationale de 1966 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ci-après la « CIEDR ») s’appliquait dans les territoires sous occupation militaire, et précisé les droits susceptibles de nécessiter une protection particulière ainsi que la nature des mesures requises. Premièrement, elle a jugé que la CIEDR ne prévoyait aucune restriction de son champ d’application territorial, qu’elle soit
163 La position d’Israël a été énoncée en 2015 au Comité contre la torture. Voir « Examen des rapports soumis par les États parties en vertu de l’article 19 de la Convention conformément à la procédure facultative ; cinquième rapport périodique des États parties attendus en 2013. Israël », 16 février 2015, document publié sous la cote CAT/C/ISR/5, par. 65-66. Elle a été répétée devant le Comité des droits de l’enfant et le Comité des droits des personnes handicapées en 2022. Voir également les observations finales concernant le rapport d’Israël valant dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques, 27 janvier 2020, Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, document publié sous la cote CERD/C/ISR/CO/17-19, par. 9.
164 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 177-181, par. 102-113.
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générale ou spécifiquement contenue aux articles 2 ou 5, et que ses dispositions s’appliquaient, « à l’instar d’autres dispositions d’instruments de même nature, … aux actes d’un État partie lorsque celui-ci agi[ssait] hors de son territoire »
165. Deuxièmement, elle a conclu que « des violations du droit à la sûreté des personnes et du droit à la protection de l’État contre les voies de fait ou les sévices … pourraient notamment se traduire par des pertes en vies humaines ou des atteintes à l’intégrité physique et donc causer un préjudice irréparable ». Troisièmement, la Cour a considéré que
« des violations du droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État … pourraient également causer un préjudice irréparable lorsque les personnes concernées [étaie]nt exposées à des privations, à un sort pénible et angoissant et même à des dangers pour leur vie et leur santé »166.
4.53. Le principe de non-discrimination est inhérent à la protection conférée par le droit. Aux termes de l’article 2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948,
« [c]hacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation »167.
Ledit principe a entre-temps été incorporé dans de multiples traités garantissant les droits de l’homme aux niveaux universel et régional, et a été développé sur le fond dans la jurisprudence de cours et de tribunaux, ainsi que dans la pratique d’organes de contrôle de l’application de traités.
4.54. Enfin, le droit applicable prévoit dans bien des cas, expressément ou implicitement, une obligation incombant aux États de prendre des mesures visant à faire en sorte qu’il ne soit pas commis d’infraction, que des enquêtes sur d’éventuelles violations soient menées comme il se doit et conformément aux normes internationales, que des poursuites soient engagées dès qu’il existe des éléments de preuve suffisants, que des sanctions appropriées soient imposées en cas de condamnation, et que des mesures soient prises pour remédier aux dysfonctionnements systémiques.
4.55. Comme cela sera démontré plus loin, depuis le début de l’occupation, Israël mène une politique consistant à établir progressivement des colonies dans le Territoire palestinien occupé tout en déplaçant la population palestinienne de ses terres. Cette politique a été associée à un régime discriminatoire qui a une incidence négative sur les droits des Palestiniens dans de nombreux aspects de leur vie, ainsi qu’à des crimes généralisés et systématiques commis contre eux. Ces politiques et mesures constituent de graves manquements aux obligations imposées à Israël par le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme.
165 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), mesures conservatoires, ordonnance du 15 octobre 2008, C.I.J. Recueil 2008, p. 386, par. 109.
166 Ibid., p. 396, par. 142.
167 Au second paragraphe de l’article 2, il est ajouté ceci : « De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté. »
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C. Les colonies et « avant-postes »
4.56. L’établissement de colonies israéliennes dans le Territoire palestinien occupé s’inscrit dans un plan global mis en oeuvre par Israël dans le cadre de son occupation prolongée en s’appuyant sur la menace ou l’emploi de la force. Ce plan consiste à établir un ensemble hétéroclite d’unités territoriales dans toute la Cisjordanie, créant ainsi un fait accompli qui équivaut à une annexion. En plus de rendre impossible tout État palestinien d’un seul tenant, la mise en place de ce système fragmenté permettrait à Israël de contrôler la population palestinienne par un régime fondé sur une différence de traitement en fonction de la race, de l’origine ethnique et de la religion168. Dans ce scénario, le tableau d’ensemble ne peut se dégager que d’une série d’événements interdépendants. Ce sont non seulement les nombreuses colonies (279, et ce chiffre continue d’augmenter) ou les nombreux colons (plus de 700 000, si l’on compte Jérusalem-Est)169 qui empiètent sur le territoire de la Palestine, mais aussi toute une série d’activités connexes qui, ensemble, « portent atteinte aux droits légitimes du peuple palestinien à l’autodétermination et à la souveraineté » et « restreignent systématiquement la possibilité d’établir un État palestinien d’un seul tenant, indépendant, viable et souverain »170.
4.57. Aucun État n’a le droit de faciliter, et encore moins d’organiser, l’installation de ses citoyens dans le territoire d’un autre État ou un territoire qui ne relève pas de sa souveraineté. Ce principe a été clairement énoncé par la Cour dans son avis de 2004171.
4.58. Comme cela a été expliqué au chapitre 3, les forces armées israéliennes ont intégralement occupé la Cisjordanie et Gaza en 1967. Cette même année, le Conseil de sécurité a adopté à l’unanimité la résolution 242 (1967), dans laquelle il a souligné l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par l’emploi de la force et demandé le retrait des forces armées israéliennes et la cessation de toutes assertions de belligérance ou de tous états de belligérance172.
4.59. En 2004, la Cour a conclu que le tracé du mur « a[vait] été fixé de manière à inclure … la plus grande partie des colonies de peuplement installées par Israël »173. Elle a relevé que, depuis 1977, celui-ci avait « mené une politique et développé des pratiques consistant à établir des colonies de peuplement dans le territoire palestinien occupé », ce qui était contraire au paragraphe 6 de l’article 49 de la quatrième convention de Genève, aux termes duquel « [l]a puissance occupante ne
168 Voir également la section III ci-après.
169 PBS NewsHour (Associated Press), « Israeli settler population in West Bank surpasses half a million », 2 février 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.pbs.org/newshour/world/israeli-settler-population-in-west-bank- surpasses-half-a-million, consulté le 12 juillet 2023) ; CBS News, « Jewish settler population in West Bank hits a landmark, and under Israel’s new government, it may soar », 2 février 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.cbsnews. com/news/israel-settlers-jewish-settlement-population-west-bank-netanyahu, consulté le 12 juillet 2023). Ce nombre, apparemment fondé sur des chiffres officiels, a montré que la population de colons était passée à 502 991 personnes au 1er janvier 2023, augmentant de plus de 2,5 % en 12 mois et de près de 16 % sur les cinq dernières années.
170 Rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016) du Conseil de sécurité, 14 décembre 2022, publié sous la cote S/2022/945, par. 68. Voir également la section I plus haut.
171 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 183-184, par. 120-122.
172 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 242 (1967) du 22 novembre 1967. Le Conseil a réaffirmé cette position fondamentale en différentes occasions. Voir, par exemple, les résolutions 298 (1971), 478 (1980) et les résolutions ultérieures, à lire conjointement avec le paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies ; voir également Nations Unies, Assemblée générale, résolution 2625 (XXV) et l’arrêt que la Cour a rendu en 1986 dans l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 14).
173 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 183, par. 119.
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pourra[it] procéder à la déportation ou au transfert d’une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle ». La Cour a conclu que les colonies avaient été établies en violation du droit international, et relevé la « crainte qu’Israël pourrait intégrer les colonies de peuplement et les voies de circulation les desservant »
174.
4.60. Le Conseil de sécurité a lui aussi considéré que cette politique n’avait aucune validité en droit, et demandé à Israël de « s’abstenir de toute mesure qui modifierait le statut juridique et le caractère géographique » des territoires palestiniens occupés « et influerait sensiblement sur leur composition démographique »175.
4.61. La colonisation du Territoire palestinien occupé constitue depuis longtemps l’un des objectifs de certaines forces politiques en Israël, et a des racines historiques remontant au XIXe siècle et au début du XXe siècle176. Loin de se retirer des territoires qu’il avait occupés pendant la guerre de 1967 comme l’exigeaient les résolutions de l’Organisation des Nations Unies, Israël a immédiatement commencé à élaborer un programme encourageant les colons israéliens à vivre en Cisjordanie. Peu après la cessation des hostilités, le ministre israélien du travail, Yigal Allon, a présenté au Gouvernement israélien un plan de colonisation, estimant que le territoire était le seul véritable garant de la sécurité177. En 1973, Gush Emunim (un mouvement politique israélien) a adopté son propre plan, plus extrême que le plan Allon et prévoyant la colonisation d’« Eretz Israël », c’est-à-dire de la terre comprenant Jérusalem-Est, la bande de Gaza, le plateau du Golan et la Cisjordanie178. Le plan de Gush Emunim a été, pour l’essentiel, adopté par Israël en tant que politique gouvernementale en 1977179.
4.62. Cette pratique tranche nettement avec ce qui est parfois décrit comme étant la position « officielle » d’Israël. Le Gouvernement a, par exemple, affirmé que le mur était une mesure temporaire ; que celle-ci ne revenait pas à une annexion ; qu’il était prêt à ajuster ou à démanteler le
174 Ibid., p. 183-184, par. 120-121.
175 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 446 (1979) du 22 mars 1979.
176 Voir annexe 1 de l’exposé écrit soumis par le Royaume hachémite de Jordanie dans la procédure consultative concernant les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, par. 38-45.
177 S. Hirsch-Hoefler et C. Mudde, The Israeli Settler Movement: Assessing and Explaining Social Movement Success (CUP, 2021), p. 45.
178 Les politiciens et colons désignent souvent cette dernière la « Judée-Samarie ».
179 S. Hirsch-Hoefler et C. Mudde, The Israeli Settler Movement: Assessing and Explaining Social Movement Success (CUP, 2021), p. 91-92. Les auteurs relèvent en outre que
« le mouvement des colons a deux objectifs à court terme : 1) assurer la plus importante colonisation possible (en ce qui concerne le nombre tant de colonies que de colons) ; et 2) assurer une colonisation stratégique, de manière à contrecarrer les efforts visant à conférer à la Palestine la qualité d’État et à empêcher la solution à deux États … [L]e mouvement des colons crée des “faits sur le terrain” avec ou sans l’appui de politiques gouvernementales. Les colonies qui avaient d’abord été créées de manière illicite, c’est-à-dire en tant qu’“avant-postes”, ont par la suite été légalisées par des mesures gouvernementales. Autrement dit, bien qu’une minorité de colonies n’aient pas trouvé leur origine dans de telles mesures, le gouvernement a en réalité appuyé le mouvement tant activement, par des politiques favorables aux colonies, que passivement, en ne mettant pas en oeuvre de politiques défavorables aux colonies, alors même que le Gouvernement avait officiellement annoncé qu’il entendait le faire » (ibid., p. 92).
Les auteurs ajoutent que « [l]a majorité des fonds du mouvement des colons provient du Gouvernement israélien et d’autorités locales dans les territoires. C’est ce financement par le Gouvernement qui atteste également que le mouvement a infiltré l’État » (ibid., p. 104-105).
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mur et à même de le faire ; que celui-ci ne constituait pas une frontière ; et qu’il ne modifiait en rien le statut du territoire
180. Or, les politiques et pratiques d’Israël montrent que c’est tout le contraire.
4.63. L’intention d’Israël d’annexer le Territoire palestinien occupé est manifeste depuis 56 ans. En atteste l’appui apporté aux colons, notamment le financement de l’infrastructure, de la construction, des écoles, de l’électricité, de l’eau, des emplois et de l’accès à des routes réservées aux Israéliens et interdites aux Palestiniens. Elle transparaît également dans la « protection » que les forces de défense d’Israël apportent aux Israéliens et refusent aux Palestiniens, et ressort implicitement de la non-démolition des structures de peuplement construites sans autorisation officielle (« avant-postes »), alors que sont régulièrement détruites et saisies des terres appartenant à des Palestiniens. Elle est encore confirmée par une multitude d’autres faits, de la suppression de la Ligne verte des manuels scolaires181 aux déclarations gouvernementales répétées concernant le caractère permanent des colonies et la souveraineté qu’Israël exercerait sur elles182.
4.64. En outre, le principe fondamental 1 a) de la loi fondamentale israélienne de 2018 prescrit que « [l]a terre d’Israël est la patrie historique du peuple juif, dans laquelle l’État d’Israël a été créé ». Le principe fondamental 7 déclare ensuite que « [l]’État considère le développement des colonies juives comme une valeur nationale et agira pour encourager et promouvoir leur création et leur consolidation »183.
4.65. En réalité, la véritable position du Gouvernement a été admise en maintes occasions par de hauts représentants d’Israël. Dans un discours qu’il a prononcé devant la Knesset en octobre 2003, l’ancien premier ministre Ariel Sharon a ainsi déclaré que les colonies continueraient de relever de la souveraineté israélienne tant que n’aurait pas été conclu un accord concernant un règlement définitif, et qu’il n’y avait aucune raison que les Juifs ne puissent pas vivre dans toutes les parties de la Terre d’Israël, y compris en Judée-Samarie. En 2019, le premier ministre actuel, Benjamin Netanyahu, a maintenu cette position, déclarant lors de l’inauguration d’une nouvelle promenade
180 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 182, par. 116.
181 R. Cohen, Ha’aretz, 11 juillet 2005, cité in S. Hirsch-Hoefler et C. Mudde, The Israeli Settler Movement: Assessing and Explaining Social Movement Success (CUP, 2021), p. 218 : « Ce n’est pas par hasard que tous les ministres de l’éducation des partis de droite ont supprimé la Ligne verte des cartes employées dans les écoles israéliennes. »
182 Rapport de la rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, Francesca Albanese, 21 septembre 2022, Assemblée générale, publié sous la cote A/77/356, par. 43, soulignant que la fragmentation stratégique,
« qui consiste notamment à limiter la liberté de circulation des Palestiniens à l’intérieur et à l’extérieur du territoire occupé, à les priver d’accès à de vastes étendues de terre et à installer de nombreux barrages routiers, points de contrôle et déviations ainsi qu’un mur de séparation, fait partie des méthodes employées par le pays pour contenir et contrôler le peuple palestinien ».
Dans sa résolution 49/4, adoptée le 31 mars 2022, le Conseil des droits de l’homme s’est déclaré préoccupé par la « fragmentation » du Territoire palestinien occupé du fait d’activités de colonisation et d’autres mesures qui équivalaient à une annexion de terres palestiniennes ; et, dans ses résolutions 49/28 et 49/29, adoptées le 1er avril 2022, le Conseil a engagé Israël à « lever » et à réparer (« reverse and redress ») sa politique de colonisation.
183 Loi fondamentale de 2018 : Israël — l’État-nation du peuple juif (accessible à l’adresse : https://m.knesset.gov. il/EN/activity/documents/BasicLawsPDF/BasicLawNationState.pdf, consulté le 12 juillet 2023).
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dans la colonie cisjordanienne d’Efrat le 31 juillet 2019 qu’« aucune colonie et aucun colon ne ser[ai]t déraciné. C’est terminé … ce que vous avez fait demeurera à jamais. »
184
4.66. Il apparaît clairement que le mouvement des colons et le Gouvernement israélien entendaient créer des faits irrémédiables sur le terrain afin de ne laisser aux Palestiniens d’autre choix que d’accepter l’accord concernant un statut définitif. Les actes d’Israël ont été accomplis sans le consentement des Palestiniens ou de l’Organisation des Nations Unies, qui a un intérêt juridique de longue date à trouver une solution et a déclaré qu’elle ne reconnaîtrait que les modifications des frontières du 4 juin 1967 dont les parties conviendraient par voie de négociations185.
4.67. Les colonies ont été largement et régulièrement condamnées par la communauté internationale, qui les a considérées comme illicites et dépourvues d’effet juridique. En 2016, le Conseil de sécurité a réaffirmé que « la création par Israël de colonies de peuplement dans le Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, n’a[vait] aucun fondement en droit et constitu[ait] une violation flagrante du droit international et un obstacle majeur à la réalisation de la solution des deux États et à l’instauration d’une paix globale, juste et durable »186.
4.68. Dans son rapport du 3 octobre 2022 concernant les colonies israéliennes, le Secrétaire général a appelé l’attention sur des projets de construction qui, s’ils étaient approuvés, « isoler[aie]nt davantage Jérusalem-Est occupée du reste de la Cisjordanie, rompr[aie]nt le lien entre le sud et le nord de la Cisjordanie et saper[aie]nt gravement toute possibilité d’un État palestinien viable et contigu »187.
4.69. Le Secrétaire général a relevé que les Palestiniens ne pouvaient toujours pas accéder aux terres évacuées en 2005, qui avaient été déclarées zone militaire fermée, alors même que les forces israéliennes n’avaient pas appliqué une telle interdiction aux colons et avaient même assuré la sécurité lors de manifestations de colons de grande ampleur. En outre, un autre terrain détenu par un particulier palestinien à Hébron, initialement réquisitionné par l’armée, était désormais « voué à devenir une nouvelle colonie juive ». La Haute Cour de justice a fait observer dans une décision du 28 février 2022 que « la présence civile juive fai[sai]t partie intégrante de la doctrine de sécurité régionale des Forces de défense israéliennes dans la zone »188.
184 Times of Israel, « Israel advances plans for over 2,300 settlement homes, most deep in West Bank », 6 août 2019 (accessible à l’adresse suivante : https://www.timesofisrael.com/israel-advances-plans-for-over-2300-settlement-homes- mostly-deep-in-west-bank/, consulté le 12 juillet 2023). Pour d’autres exemples, voir Nations Unies, rapport de la rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, Francesca Albanese, 21 septembre 2022, Assemblée générale, publié sous la cote A/77/356, par. 39.
185 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016, par. 3.
186 Ibid., par. 1.
187 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, 3 octobre 2022, Assemblée générale, publié sous la cote A/77/493, par. 4-6. Ce rapport fait le point sur les activités de colonisation israéliennes menées du 1er juin 2021 au 31 mai 2022, et « tire fondement des activités de suivi et de collecte d’informations menées directement par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) dans le Territoire palestinien occupé, et d’informations émanant de sources gouvernementales, d’autres entités des Nations Unies ainsi que d’organisations non gouvernementales » (par. 1).
188 Ibid., par. 8-9.
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4.70. Le Gouvernement israélien a continué de « consolider les blocs de colonies avec des réseaux de routes de contournement et avec le mur »189. Le Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés a fourni davantage de détails sur une « accumulation contiguë » et la création d’une « contiguïté territoriale » entre certaines entités israéliennes, qui isoleront de fait les villages palestiniens et mettront en échec la possibilité de voir se constituer un État palestinien viable190.
4.71. Dans son rapport du 3 octobre 2022, le Comité spécial a également appelé l’attention sur une « politique générale » d’Israël consistant à
« utiliser des zones militaires d’accès réglementé … pour justifier la confiscation et la démolition de terres et de maisons palestiniennes, dans certains cas pour faciliter l’établissement et l’expansion de colonies. Des cas avérés de transferts depuis des terres situées dans des zones de tir vers les colonies ont aggravé ces préoccupations. »191
Il a exprimé des préoccupations analogues concernant la désignation de vastes étendues de terre comme étant des « réserves naturelles », que les propriétaires ne peuvent cultiver sans l’autorisation d’un agent israélien192, et le déploiement stratégique d’avant-postes agricoles, appuyé par les autorités même quand il est illicite, comme moyens de limiter les pâturages palestiniens193.
4.72. La politique de colonisation et la pratique y afférente sont, en toutes circonstances, sous-tendues par la menace et l’emploi de la force, que ce soit par le Gouvernement, par les colons ou par une combinaison des deux. Le Secrétaire général a appelé attention sur le nombre croissant d’incidents dans lesquels « les forces de sécurité israéliennes apport[ai]ent leur soutien actif ou particip[ai]ent aux attaques des colons contre les Palestiniens », s’appuyant, à titre de preuve, sur des enregistrements vidéo qui montraient des membres de ces forces « se tenant à l’écart » pendant des
189 Ibid., par. 13. Le Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés a relevé que la séparation des populations par des formes de contrôle urbain telles que les réseaux routiers était une caractéristique fondamentale des régimes d’urbanisme en Afrique australe sous l’apartheid. Voir rapport du Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés, 3 octobre 2022, Assemblée générale, publié sous la cote A/77/501, par. 28.
190 Rapport du Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés, 3 octobre 2022, Assemblée générale, publié sous la cote A/77/501, par. 18-19.
191 Ibid., par. 13. Il ressort du procès-verbal de réunions entre des responsables du Gouvernement qu’« Israël a établi des zones militaires pour des raisons non militaires, notamment en vue de l’établissement et de l’expansion de colonies ». Il a notamment été proposé de créer une zone de tir dans les collines du sud d’Hébron dans l’objectif exprès de contrer l’expansion des villageois arabes vers le désert. Voir rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 14 septembre 2022, Assemblée générale, publié sous la cote A/77/328, par. 32.
192 Rapport du Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés, 3 octobre 2022, Assemblée générale, publié sous la cote A/77/501, par. 33. Selon le Secrétaire général, au 31 mai 2022, Israël avait déclaré 48 réserves naturelles d’une superficie totale de quelque 38 500 hectares (soit environ 7 % de la Cisjordanie), rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, 3 octobre 2022, Assemblée générale, publié sous la cote A/77/493, par. 14.
193 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, 3 octobre 2022, Assemblée générale, publié sous la cote A/77/493, par. 48 et 76.
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violences déclenchées par les colons, et mentionnant une impunité généralisée lorsqu’il était fait un usage excessif de la force
194.
4.73. Le Comité spécial a fait état de « niveaux sans précédent de violence des colons », souvent appuyés par des « coordonnateurs de la sécurité civile [qui] sont payés, formés et armés par les forces de sécurité israéliennes, se voient accorder certains pouvoirs de police et sont soumis au système de la discipline militaire. À ces titres, ce sont des agents de l’État »195. Le Comité spécial a eu connaissance de nombreux cas dans lesquels les attaques perpétrées par des colons avaient été directement facilitées par les troupes israéliennes, qui « agissa[ie]nt souvent comme une force de réserve de facto, lourdement armée, protégée et très mobile, en cas de résistance palestinienne ». Il a été consterné par les multiples informations portant à sa connaissance une augmentation de la participation et de la complicité d’officiers et de soldats, qui exprimaient souvent ouvertement leur appui aux colons196.
4.74. Dans ce contexte, l’Assemblée générale a
« [s]oulign[é] qu’il import[ait], en particulier, de mettre immédiatement fin à toutes les activités d’implantation de colonies de peuplement, à la confiscation de terres et aux démolitions de maisons, de rechercher des mesures visant à assurer la responsabilité, de libérer les prisonniers et de mettre fin aux arrestations et aux détentions arbitraires ;
[s]oulign[é] également qu’il fa[llai]t respecter et préserver l’unité, la continuité et l’intégrité de tout le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est »197.
4.75. Le 12 décembre 2022, l’Assemblée générale a adopté la résolution 77/126, dans laquelle elle a réaffirmé l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la force et l’illicéité des colonies, souligné que l’occupation était « un état de fait provisoire, par lequel la Puissance occupante ne p[ouvai]t ni revendiquer la possession de ce territoire ni exercer sa souveraineté sur le territoire qu’elle occup[ait] », et s’est dite gravement préoccupée par les déclarations récentes au sujet de l’annexion par Israël de secteurs dans le Territoire palestinien occupé198.
4.76. En résumé, les colonies et avant-postes israéliens dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, emportent violation non seulement du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, mais aussi du droit de l’occupation. La politique israélienne des colonies est également contraire à l’interdiction de l’acquisition de territoire par la force, comme cela sera expliqué plus en détail ci-après.
194 Ibid., par. 35, 45-46. Dans ses conclusions, le Secrétaire général a relevé que « [l]’incapacité à obliger les auteurs d’assassinats manifestement illégaux de Palestiniens à rendre des comptes [étai]t presque systématique, y compris dans les cas dont il [étai]t à craindre qu’il s’ag[ît] d’exécutions extrajudiciaires et d’homicides volontaires » (par. 74).
195 Rapport du Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés, 3 octobre 2022, Assemblée générale, publié sous la cote A/77/501, par. 23.
196 Ibid., par. 24-25.
197 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 77/[2]5 du 30 novembre 2022, par. 7-8.
198 Ibid., résolution 77/126 du 12 décembre 2022, par. 7.
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D. Annexion
4.77. L’acquisition de territoire par la menace ou l’emploi de la force est interdite par le paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies et le droit international coutumier. Comme cela a été confirmé dans la déclaration relative aux relations amicales, « [l]e territoire d’un État ne peut faire l’objet d’une acquisition par un autre État à la suite du recours à la menace ou à l’emploi de la force. Nulle acquisition territoriale obtenue par la menace ou l’emploi de la force ne sera reconnue comme légale. »199 Cette interdiction constitue une norme impérative du droit international général (jus cogens).
4.78. Comme cela a été indiqué dans la sous-section A plus haut, l’occupation militaire, en tant que régime provisoire d’administration territoriale qu’il convient d’appliquer en tenant compte de l’interdiction de l’emploi de la force et du principe corollaire de non-acquisition de territoire par la force, n’a pas d’incidence sur le statut du territoire occupé. L’article 47 de la quatrième convention de Genève dispose que « [l]es personnes protégées qui se trouvent dans un territoire occupé ne seront privées, en aucun cas ni d’aucune manière, du bénéfice de la présente Convention … en raison de l’annexion par [la Puissance occupante] de tout ou partie du territoire occupé ». L’article 4 du protocole additionnel I dispose en outre que l’application des conventions de Genève et du protocole « n’aur[a] pas d’effet sur le statut juridique des parties au conflit. Ni l’occupation d’un territoire ni l’application des Conventions et du présent Protocole n’affecteront le statut juridique du territoire en question ».
4.79. L’annexion, en tout ou en partie, de jure ou de facto, d’un territoire occupé par la puissance occupante est absolument interdite. Il s’agit là d’un principe fondamental du droit de l’occupation qui s’applique à l’occupation israélienne du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est. Toute mesure adoptée par Israël en vue d’annexer ce territoire constitue donc une grave violation du droit international humanitaire, ainsi que de l’interdiction de l’acquisition de territoire par la force.
4.80. En dépit de la clarté des règles énoncées plus haut, Israël a adopté plusieurs politiques et mesures visant précisément à annexer le Territoire palestinien occupé. L’exemple le plus évident est l’édification du mur qui a fait l’objet de l’avis donné en 2004 par la Cour, dont Israël a fait fi. Comme l’a précisé la Cour :
« Tout en notant l’assurance donnée par Israël que la construction du mur n’équivaut pas à une annexion et que le mur est de nature temporaire …, la Cour ne saurait pour autant rester indifférente à certaines craintes exprimées devant elle d’après lesquelles le tracé du mur préjugerait la frontière future entre Israël et la Palestine, et à la crainte qu’Israël pourrait intégrer les colonies de peuplement et les voies de circulation les desservant. La Cour estime que la construction du mur et le régime qui lui est associé créent sur le terrain un “fait accompli” qui pourrait fort bien devenir permanent, auquel cas, et nonobstant la description officielle qu’Israël donne du mur, la construction de celui-ci équivaudrait à une annexion de facto. »200
199 Voir également Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 171, par. 87 (« Comme la Cour l’a dit dans l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), les principes énoncés dans la Charte au sujet de l’usage de la force reflètent le droit international coutumier … ; cela vaut également pour ce qui en est le corollaire, l’illicéité de toute acquisition de territoire résultant de la menace ou de l’emploi de la force ») ; voir également Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 267 (1969) du 3 juillet 1969.
200 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 184, par. 121.
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L’on pourrait en dire autant des colonies et avant-postes illicites d’Israël, comme cela a été expliqué dans la section précédente.
4.81. Les organes compétents de l’Organisation des Nations Unies ont également traité en plusieurs occasions les problèmes découlant des tentatives d’Israël d’annexer le Territoire palestinien occupé. Dans sa résolution 2334 (2016), le Conseil de sécurité a ainsi précisé qu’il « ne reconnaîtra[it] aucune modification aux frontières du 4 juin 1967, y compris en ce qui concerne Jérusalem, autres que celles convenues par les parties par la voie de négociations », et demandé à tous les États de « faire une distinction, dans leurs échanges en la matière, entre le territoire de l’État d’Israël et les territoires occupés depuis 1967 »201. Cela cadre avec de précédentes résolutions du Conseil de sécurité rappelant qu’un territoire ne peut pas être acquis par la force, et qu’Israël doit se retirer du Territoire palestinien occupé202.
4.82. De même, dans sa résolution 77/126, l’Assemblée générale a souligné que « l’occupation d’un territoire d[eva]it être un état de fait provisoire, par lequel la Puissance occupante ne p[ouvai]t ni revendiquer la possession de ce territoire ni exercer sa souveraineté sur le territoire qu’elle occup[ait] », tout en rappelant « le principe de l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la force et donc le caractère illégal de l’annexion de toute partie du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est », et en se disant « gravement préoccupée par les déclarations récentes au sujet de l’annexion par Israël de secteurs dans le Territoire palestinien occupé »203. Le Conseil des droits de l’homme a également réaffirmé « le principe de l’inadmissibilité de l’acquisition d’un territoire par la force », tout en se déclarant profondément préoccupé « par la fragmentation du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, du fait d’activités de colonisation et d’autres mesures qui équival[ai]ent à une annexion de facto de terres palestiniennes »204.
201 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016, par. 3 et 5.
202 Voir, par exemple, ibid., résolutions 267 (1969) du 3 juillet 1969 ; et 242 (1967) du 22 novembre 1967.
203 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 77/126 du 12 décembre 2022, par. 7. Voir également ibid., résolution 77/25 du 30 novembre 2022, par. 6
(« Demande à Israël, Puissance occupante, de s’acquitter rigoureusement des obligations qui lui incombent en vertu du droit international et de rapporter toutes les mesures contraires au droit international, y compris toutes les activités unilatérales menées dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, qui visent à modifier la nature, le statut et la composition démographique du Territoire et qui préjugent de l’issue finale des négociations de paix, et rappelle à cet égard le principe de l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la force et par conséquent l’illégalité de l’annexion d’une partie du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, qui constitue une violation du droit international, compromet la viabilité de la solution des deux États et remet en cause les perspectives de parvenir à un règlement pacifique et à une paix juste, durable et globale »).
204 Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, résolution 49/4 du 31 mars 2022, quatorzième alinéa du préambule. Voir également ibid., résolution 52/35 du 4 avril 202[3], treizième alinéa du préambule (« Exprimant également sa vive inquiétude devant les appels lancés par des responsables israéliens en faveur de l’annexion de tout ou partie du Territoire palestinien, et rappelant que de telles mesures sont internationalement illicites et ne doivent être ni reconnues ni aidées, ni favorisées ») ; rapport de la Commission d’enquête sur les droits de l’homme établie en application de la résolution S-5/1 de la Commission en date du 19 octobre 2000, Conseil économique et social, publié sous la cote E/CN.4/2001/121, 16 mars 2001, par. 68
(« Depuis 1967, Israël s’occupe d’établir, de financer et de protéger des colonies juives en Cisjordanie et à Gaza. À l’origine, Israël justifiait ce programme d’annexion rampante qui consiste à réquisitionner et à occuper des terres palestiniennes en invoquant des raisons de sécurité. Il a renoncé à cet argument depuis longtemps. En fait, Yitshak Rabin, alors qu’il était Premier Ministre et Ministre de la défense, a reconnu que … la plupart des colonies n’ajoutaient rien à la sécurité et représentaient plutôt une charge pour l’armée. La plupart sont aujourd’hui habitées par des colons civils motivés par l’idéologie de l’expansion sioniste ou par le confort de la vie de banlieue, pour laquelle ils reçoivent des subventions du Gouvernement israélien. Du point de vue du Gouvernement, les colonies engendrent des situations de fait sur le terrain qui lui permet[tent] d’exercer un contrôle politique sur les territoires palestiniens occupés. »).
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4.83. Les mesures et politiques israéliennes visant à annexer le Territoire palestinien occupé sont mises en oeuvre par un processus continu et graduel qui atteste l’intention d’Israël de rester présent en permanence sur les terres des Palestiniens et de chercher à revendiquer, sur le fondement d’un fait accompli, la souveraineté sur tout ou partie du territoire occupé, ce qui est contraire au droit de l’occupation. Les actes d’Israël visant à procéder à une annexion de jure ou de facto sont notamment les suivants :
la poursuite de l’édification du mur en Cisjordanie, au mépris de l’avis donné en 2004 par la Cour ;
l’ampleur, l’infrastructure et l’emplacement des colonies israéliennes en Cisjordanie à ce jour, qui visent à les pérenniser, à contrôler les ressources et à créer une continuité territoriale entre elles et Israël, comme cela a été expliqué dans la sous-section C plus haut205 ;
les projets d’établissement et d’expansion de colonies menés par Israël depuis le début de l’occupation, y compris ceux qui figurent dans les lignes directrices de 2022 du Gouvernement israélien récemment formé206, ainsi que la loi fondamentale de 2018, qui précise que les colonies constituent une valeur nationale et que le Gouvernement agira pour encourager et promouvoir leur création et leur consolidation ;
le « plan de désengagement » de 2004 pour Gaza, dans lequel Israël a déclaré qu’« il [étai]t clair que certaines régions de la Cisjordanie fer[aie]nt partie de l’État d’Israël, y compris des villes et des villages, des zones et installations de sécurité, et d’autres lieux revêtant un intérêt particulier pour Israël » ;
le régime juridique, double et discriminatoire, appliqué par Israël au Territoire palestinien occupé, qui profite aux colons israéliens et porte préjudice aux Palestiniens en vue de les déplacer de leurs terres, ainsi que cela sera exposé plus en détail dans la section III ci-après ;
les nombreuses déclarations publiques faites par de hauts responsables israéliens, qui confirment que les colonies et le régime qui y est associé procèdent d’une politique délibérée visant à acquérir une présence permanente dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et à l’annexer207 ;
le transfert de pouvoirs d’administration du Territoire palestinien occupé au Gouvernement israélien, et l’expansion de l’autorité juridique civile directe ;
l’annexion de jure de Jérusalem par l’adoption de la loi fondamentale de 1980208.
4.84. En conclusion, Israël a adopté des mesures visant à annexer, de jure et de facto, le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est. Cela constitue une grave violation du droit international humanitaire, ainsi que de l’interdiction de l’acquisition de territoire par l’emploi de la force.
Voir également rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 14 septembre 2022, Assemblée générale, publié sous la cote A/77/328.
205 Voir par. 4.56-4.76 plus haut.
206 Voir par. 3.17 plus haut.
207 Voir, en particulier, par. 3.59 et 4.65 plus haut.
208 Voir par. 3.8 et 3.13 plus haut. Voir également par. 4.87-4.89 ci-après.
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E. Les mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem
4.85. Les violations du droit international commises par Israël et décrites dans les sections précédentes se sont révélées particulièrement graves dans la ville sainte de Jérusalem. Dans la présente section, il sera brièvement expliqué comment Israël a adopté nombre de mesures visant spécifiquement à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de Jérusalem et allant à l’encontre notamment du droit international humanitaire, du droit international des droits de l’homme et des résolutions pertinentes adoptées par les organes compétents de l’Organisation des Nations Unies. La seconde partie du présent exposé écrit développera cette question, en mettant l’accent sur les actes d’Israël liés aux Lieux saints de Jérusalem-Est et à la garde hachémite sur ceux-ci.
4.86. Jérusalem jouit d’un statut particulier au regard du droit international. Le plan de partage de 1947 prévoyait que cette ville « sera[it] constituée en corpus separatum sous un régime international spécial et … administrée par les Nations Unies »209. Ce statut particulier, fondé notamment sur les dimensions spirituelles, religieuses et culturelles uniques des Lieux saints de la ville, a par la suite été réaffirmé par le Conseil de sécurité, l’Assemblée générale et le Conseil des droits de l’homme, notamment en réaction aux mesures d’Israël concernant Jérusalem. L’Organisation des Nations Unies a constamment défendu la position selon laquelle le respect du statut particulier de Jérusalem était essentiel aux fins de parvenir à une paix juste, durable et globale au Moyen-Orient.
4.87. La violation du droit international la plus évidente et la plus lourde de conséquence commise par Israël en ce qui concerne Jérusalem est sa tentative d’annexer la ville sainte par l’adoption de la loi fondamentale de 1980, déjà mentionnée plus haut210. Cette prétendue annexion a été fermement rejetée par la communauté internationale. Dans sa résolution 478 (1980), le Conseil de sécurité a par exemple
« 1. [c]ensur[é] dans les termes les plus énergiques l’adoption par Israël de la “loi fondamentale” sur Jérusalem et son refus de se conformer aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité ;
2. [a]ffirm[é] que l’adoption de la “loi fondamentale” par Israël constitu[ait] une violation du droit international et n’affect[ait] pas le maintien en application de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949, dans les territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés depuis juin 1967, y compris Jérusalem ;
3. [c]onsid[éré] que toutes les mesures et dispositions législatives et administratives prises par Israël, la Puissance occupante, qui [avaie]nt modifié ou vis[ai]ent à modifier le caractère et le statut de la Ville sainte de Jérusalem, et en particulier la récente “loi fondamentale” sur Jérusalem, [étaie]nt nulles et non avenues et d[evai]ent être rapportées immédiatement ;
4. [a]ffirm[é] également que cette action fai[sai]t gravement obstacle à l’instauration d’une paix d’ensemble, juste et durable au Moyen-Orient ;
209 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 181 (II) du 29 novembre 1947, plan de partage avec union économique, troisième partie, sect. A. Voir également ibid., résolution 194 (III) du 11 décembre 1948, par. 8.
210 Voir par. 3.8, 3.13 et 4.83 plus haut.
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5. [d]écid[é] de ne pas reconnaître la “loi fondamentale” et les autres actions d’Israël qui, du fait de cette loi, cherch[ai]ent à modifier le caractère et le statut de Jérusalem et demand[é] :
a) [à] tous les États Membres d’accepter cette décision ;
b) [a]ux États qui [avaie]nt établi des missions diplomatiques à Jérusalem de retirer ces missions de la Ville sainte »211.
4.88. De même, l’Assemblée générale, dans sa résolution 36/120E, a
« 1. [c]onsid[éré] une fois de plus que toutes les mesures et dispositions législatives et administratives prises par Israël, Puissance occupante, qui [avaie]nt modifié ou vis[ai]ent à modifier le caractère et le statut de la Ville sainte de Jérusalem et, en particulier, la prétendue “loi fondamentale” sur Jérusalem et la proclamation de Jérusalem capitale d’Israël [étaie]nt nulles et non avenues et d[evai]ent être rapportées immédiatement ;
2. [a]ffirm[é] que de telles actions f[aisaie]nt gravement obstacle à l’instauration d’une paix d’ensemble juste et durable au Moyen-Orient et constitu[ai]ent une menace contre la paix et la sécurité internationales ;
3. [r]éaffirm[é] sa détermination de ne pas reconnaître la “loi fondamentale” et toutes autres mesures prises par Israël qui, du fait de cette loi, cherch[ai]ent à modifier le caractère et le statut de Jérusalem [et] demand[é] à tous les États, institutions spécialisées et autres organisations internationales de se conformer à la présente résolution et aux autres résolutions pertinentes »212.
4.89. En dépit de ces condamnations sans équivoque de la communauté internationale, la loi fondamentale de 1980 demeure en vigueur à ce jour.
4.90. Outre la loi fondamentale de 1980, le Gouvernement israélien a adopté maintes autres mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de Jérusalem.
4.91. Premièrement, Israël a adopté des mesures visant à exproprier des biens détenus par des Palestiniens à Jérusalem-Est, notamment par l’intermédiaire de la loi de 1950 sur les biens des absents et de la loi de 1973 sur les biens des absents (indemnisation), qui ont privé de fait nombre de Palestiniens de leurs biens sans que leur soit versée une indemnisation213. Le Conseil de sécurité a souvent condamné les mesures visant à exproprier les biens des Palestiniens214.
4.92. Deuxièmement, au fil des ans, Israël s’est notamment employé à établir des colonies dans la ville sainte, à détruire des habitations et autres infrastructures palestiniennes, et à déplacer des Palestiniens de Jérusalem, en violation des règles du droit international humanitaire. Ces actes se poursuivent jusqu’à ce jour, et l’on assiste à une intensification des mesures visant à expulser de
211 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolutions 478 (1980) du 20 août 1980 et 476 (1980) du 30 juin 1980.
212 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 36/120E du 10 décembre 1981.
213 Voir également par. 4.111 ci-après.
214 Voir, par exemple, Nations Unies, Conseil de sécurité, résolutions 298 (1971) du 25 septembre 1971, par. 3 ; 267 (1969) du 3 juillet 1969, par. 4 ; et 252 (1968) du 21 mai 1968, par. 2.
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leurs foyers les habitants arabes de Jérusalem et à les remplacer par des colons juifs. En 2021 encore, l’Assemblée générale déplorait
« la construction et l’extension par Israël des colonies dans Jérusalem-Est et alentour, dont les mesures se rapportant au plan dit E-1, la construction du mur, la démolition d’habitations palestiniennes et d’autres infrastructures civiles, l’expulsion et le déplacement de nombreuses familles palestiniennes, y compris de familles bédouines, les restrictions à l’accès et à la résidence des Palestiniens à Jérusalem-Est, dont la révocation du droit de résidence, et la coupure de plus en plus marquée entre la ville et le reste du Territoire palestinien occupé ».
Elle se déclarait aussi vivement préoccupée « par la persistance de la fermeture des institutions palestiniennes dans la ville ainsi que par les actes de provocation et d’incitation commis entre autres par des colons israéliens, notamment contre des lieux saints ». L’Assemblée générale réaffirmait à cet égard avoir
« déterminé que toute mesure prise par Israël, Puissance occupante, en vue d’imposer ses lois, sa juridiction et son administration à la Ville sainte de Jérusalem était illégale et, de ce fait, nulle et non avenue et sans validité aucune, et demand[ait] à Israël de renoncer immédiatement à toutes ces mesures illégales et unilatérales »215.
4.93. Troisièmement, Israël a cherché à étendre les limites de Jérusalem, notamment en en modifiant les frontières municipales216. Cela va catégoriquement à l’encontre de l’obligation qui lui incombe de respecter le régime particulier applicable à cette ville et de maintenir le statu quo, conformément aux résolutions pertinentes adoptées par les organes compétents de l’Organisation des Nations Unies.
4.94. Enfin, comme cela sera montré plus en détail dans la seconde partie du présent exposé écrit, Israël a empêché l’accès aux Lieux saints de Jérusalem-Est, ce qui est contraire à ses obligations au regard du droit international. Le Conseil de sécurité lui a demandé de garantir l’accès aux Lieux saints depuis 1948217, mais en vain. Plus récemment, l’Assemblée générale a relevé que « la communauté internationale s’intéress[ait] légitimement, par l’intermédiaire de l’Organisation des
215 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 76/12 du 1er décembre 2021, huitième alinéa du préambule et par. 1. Voir également Conseil de sécurité, résolution 298 (1971) du 25 septembre 1971, par. 3.
216 Voir, par exemple, rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits chargée d’étudier les effets des colonies de peuplement israéliennes sur les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des Palestiniens dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, 7 février 2013, Assemblée générale, publié sous la cote A/HRC/22/63, par. 25
(« En juin 1967, Israël a annexé illégalement 70 kilomètres carrés de terres et incorporé Jérusalem-Est et un certain nombre de villages palestiniens voisins dans les limites élargies de la municipalité israélienne de Jérusalem. Il y a rapidement construit 12 “quartiers” israéliens entourant les quartiers et villages palestiniens voisins. Une couche extérieure de colonies de peuplement a ensuite été construite au-delà des frontières municipales, rompant ainsi la continuité géographique entre cette ville et le reste de la Cisjordanie. Depuis les années 1970, la municipalité israélienne de Jérusalem mène ouvertement une politique d’“équilibre démographique”, tout récemment illustrée par le plan directeur de la ville, également appelé “Jérusalem 2000”. Ce plan directeur préconise un équilibre démographique de 60/40 en faveur des résidents juifs. »).
Voir également par. 61
(« La mission s’inquiète de ce que les politiques et les actes visant à modifier la composition de Jérusalem et d’Hébron en effaçant le patrimoine culturel en fonction de l’appartenance religieuse, ainsi qu’en redessinant les limites municipales, sont menés avec la participation du Gouvernement israélien et ont des effets néfastes. Elle constate en outre avec préoccupation que le droit des Palestiniens à la liberté de religion est limité par l’existence des colonies de peuplement. »).
217 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolutions 54 (1948) du 15 juillet 1948 et 50 (1948) du 29 mai 1948.
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Nations Unies, à la question de la ville de Jérusalem et à la protection de ses particularités spirituelles, religieuses et culturelles », tout en réaffirmant « l’obligation de respecter le statu quo historique, la signification particulière des Lieux saints et l’importance de la ville de Jérusalem pour les trois religions monothéistes »
218. Dans son avis de 2004, la Cour elle-même a conclu qu’Israël « d[eva]it assurer la liberté d’accès aux Lieux saints passés sous son contrôle à la suite du conflit de 1967 »219.
III. LOIS ET MESURES DISCRIMINATOIRES D’ISRAËL
4.95. L’occupation prolongée par Israël du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, s’accompagne de quantité de lois et pratiques discriminatoires qui ont de graves incidences sur les conditions de vie des Palestiniens. La politique discriminatoire à laquelle Israël soumet ces derniers constitue un manquement grave à ses obligations conventionnelles, notamment au titre de la CIEDR, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et de la convention relative aux droits de l’enfant. Par cette politique, Israël contrevient également aux obligations que lui impose le droit international coutumier.
A. L’obligation d’Israël de ne pas discriminer les Palestiniens
1) L’interdiction de la discrimination raciale
4.96. Il est largement admis que la discrimination raciale est interdite en droit international coutumier, et que cette interdiction est une norme du jus cogens220. La Cour a précisé que les obligations des États découlant « des principes et des règles concernant les droits fondamentaux de la personne humaine, y compris la protection contre … la discrimination raciale » étaient des obligations erga omnes221.
4.97. Qui plus est, la discrimination raciale est expressément interdite par la CIEDR, à laquelle Israël est partie222. Comme l’a souligné la Cour, « la CIEDR ne prévoit aucune limitation générale de son champ d’application territorial »223. Le Comité de la CIEDR a reconnu que les obligations,
218 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 77/247 du 30 décembre 2022. Voir également Conseil de sécurité, résolutions 446 (1979) du 22 mars 1979 et 452 (1970) du 20 juillet 1970. Le Conseil de sécurité a également condamné les actes de profanation des Lieux saints, y compris la mosquée al-Aqsa, commis par Israël. Voir, par exemple, Conseil de sécurité, résolution 271 (1969) du 15 septembre 1969.
219 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 197, par. 149.
220 Voir les commentaires de l’article 26 et de l’article 40 du « Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite » de la CDI, Annuaire de la Commission du droit international, 2001, vol. II, deuxième partie (ci-après le « Projet d’articles de la CDI sur la responsabilité de l’État »), p. 85, par. 5, et p. 112, par. 4. Voir également Conclusion 23 (et annexe) du Projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens) de la CDI, Annuaire de la Commission du droit international, 2022, vol. II, deuxième partie, p. 85-90.
221 Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited (nouvelle requête : 1962) (Belgique c. Espagne), deuxième phase, arrêt, C.I.J. Recueil 1970, p. 32, par. 34.
222 Israël a ratifié la CIEDR le 3 janvier 1979 et la convention est entrée en vigueur le 2 février 1979. Le texte intégral de la convention est accessible à l’adresse suivante : https://www.ohchr.org/en/instruments-mechanisms/ instruments/international-convention-elimination-all-forms-racial, consulté le 12 juillet 2023).
223 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), mesures conservatoires, ordonnance du 15 octobre 2008, C.I.J. Recueil 2008, p. 386, par. 109. S’agissant en particulier des articles 2 et 5, la Cour a observé que ces dispositions, « à l’instar d’autres dispositions d’instruments de même nature, paraissent généralement applicables aux actes d’un État partie lorsque celui-ci agit hors de son territoire » (les italiques sont de nous).
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prévues par la Convention, s’appliquaient à Israël dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est
224.
4.98. Le paragraphe 1 de l’article premier de la CIEDR définit la discrimination raciale comme suit :
« Dans la présente Convention, l’expression “discrimination racialeˮ vise toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, dans des conditions d’égalité, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique. »
La Cour a relevé que la « CIEDR impose aux États parties un certain nombre d’obligations en ce qui concerne l’élimination de la discrimination raciale sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations »225.
4.99. Le paragraphe 1 de l’article 2 de la CIEDR « établit une obligation générale de poursuivre par tous les moyens appropriés une politique tendant à éliminer la discrimination raciale, ainsi qu’une obligation de ne se livrer à aucun acte ou pratique de discrimination raciale contre des personnes, groupes de personnes ou institutions »226.
4.100. Conformément à l’article 4 de la convention, les États parties « condamnent toute propagande et toutes organisations » qui justifient ou encouragent la discrimination raciale, et « s’engagent à adopter immédiatement des mesures positives destinées à éliminer toute incitation à une telle discrimination, ou tous actes de discrimination ».
4.101. L’article 5 impose aux États « d’interdire et d’éliminer la discrimination raciale, et de garantir le droit de chacun à l’égalité devant la loi, notamment dans la jouissance des droits qui y sont mentionnés, dont les droits politiques, civils, économiques, sociaux et culturels »227.
4.102. L’article 6 prévoit que les États parties « assureront à toute personne soumise à leur juridiction une protection et une voie de recours effectives … contre tous actes de discrimination
224 Voir, par exemple, les observations finales concernant le rapport d’Israël valant dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques » datées du 27 janvier 2020, Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, Nations Unies, document publié sous la cote CERD/C/ISR/CO/17-19, par. 9, qui indique que
« le Comité demeure préoccupé par le fait que l’État partie estime que la Convention n’est pas applicable à tous les territoires placés sous son contrôle effectif, qui comprennent non seulement Israël proprement dit, mais aussi la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, la bande de Gaza et le Golan arabe syrien occupé. Le Comité réaffirme (voir Nations Unies, document publié sous la cote CERD/C/ISR/CO/14-16, par. 10) qu’une telle position n’est pas conforme à la lettre et à l’esprit de la Convention, ni au droit international, comme l’a également affirmé la Cour internationale de Justice (art. 2) ».
225 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Qatar c. Émirats arabes unis), mesures conservatoires, ordonnance du 23 juillet 2018, C.I.J. Recueil 2018 (II), p. 423, par. 50.
226 Voir Application de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Ukraine c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J Recueil 2019 (II), p. 595, par. 95, dans lequel la Cour a résumé le contenu des articles 2 et 5 de la CIEDR.
227 Ibid., p. 595, par. 96. La Cour a précisé que la liste des droits figurant à l’article 5 n’est pas exhaustive.
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raciale », ainsi que « le droit de demander [aux] tribunaux [nationaux compétents] satisfaction ou réparation juste et adéquate pour tout dommage dont elle pourrait être victime par suite d’une telle discrimination ».
4.103. Enfin, aux termes de l’article 7, « [l]es États parties s’engagent à prendre des mesures immédiates et efficaces, notamment dans les domaines de l’enseignement, de l’éducation, de la culture et de l’information, pour lutter contre les préjugés conduisant à la discrimination raciale et favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre nations et groupes raciaux ou ethniques ».
4.104. La Cour a précisé que :
« la CIEDR a été élaborée alors que se développait le mouvement des années 1960 en faveur de la décolonisation, dont la résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960 a constitué un moment décisif … En effet, en mettant l’accent sur le fait que “toute doctrine de supériorité fondée sur la différenciation entre les races est scientifiquement fausse, moralement condamnable et socialement injuste et dangereuse et que rien ne saurait justifier, où que ce soit, la discrimination raciale, ni en théorie ni en pratiqueˮ, le préambule de la convention a clairement formulé l’objet et le but de celle-ci, qui consiste à mettre un terme à toutes les pratiques qui cherchent à instaurer des hiérarchies entre des groupes sociaux, définis par des caractéristiques qui leur sont inhérentes, ou à imposer un système de discrimination ou de ségrégation raciales. La convention se fixe ainsi pour objectif l’élimination de toutes les formes et de toutes les manifestations de discrimination raciale visant les personnes humaines en raison de leurs caractéristiques, réelles ou supposées, à l’origine, soit à la naissance »228.
4.105. Les obligations qui incombent à Israël au titre de la CIEDR s’appliquent aux Palestiniens, qui sont victimes de discrimination fondée sur leur ascendance palestinienne et leur origine nationale ou ethnique229.
2) L’interdiction de la discrimination fondée sur d’autres motifs
4.106. Indépendamment des obligations mises à sa charge par la CIEDR, qui interdit la discrimination raciale, Israël est tenu par un certain nombre d’autres dispositions conventionnelles interdisant la discrimination fondée sur d’autres motifs.
4.107. En particulier, conformément au paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques :
« Les États parties au présent Pacte s’engagent à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits
228 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Qatar c. Émirats arabes unis), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2021, p. 99, par. 86. La convention, « dont la vocation universelle est attestée par le fait que 182 États y sont parties, condamne toute tentative de légitimer la discrimination raciale par l’invocation de la supériorité d’un groupe social par rapport à un autre » (ibid., p. 99, par. 87).
229 La Jordanie note, par exemple, la déclaration du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale dans ses observations finales sur les quatorzième à seizième rapports périodiques d’Israël, 9 mars 2012, Nations Unies, document publié sous la cote CERD/C/ISR/CO/14-16, par. 4, selon laquelle « les colonies israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, notamment en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, non seulement sont illégales en droit international mais entravent également la jouissance des droits de l’homme par tous sans distinction fondée sur l’origine nationale ou ethnique » (les italiques sont de nous).
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reconnus dans le présent Pacte, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. »
4.108. De plus, le paragraphe 2 de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dispose que :
« Les États parties au présent Pacte s’engagent à garantir que les droits qui y sont énoncés seront exercés sans discrimination aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »
4.109. Qui plus est, conformément à l’article 2 de la convention relative aux droits de l’enfant :
« 1. Les États parties s’engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou autre de l’enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation.
2. Les États parties prennent toutes les mesures appropriées pour que l'enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique, les activités, les opinions déclarées ou les convictions de ses parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille. »
4.110. Tel que mentionné ci-dessus, la Cour a expressément indiqué dans son avis consultatif de 2004 que, à l’exception d’un article auquel il avait dérogé, Israël était tenu, dans le territoire palestinien occupé, par les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et de la convention relative aux droits de l’enfant230. Les dispositions susmentionnées s’appliquent au traitement des Palestiniens par Israël, qui subissent une discrimination fondée sur, entre autres, leur langue, leur religion et leur naissance.
B. Pratiques discriminatoires d’Israël dans le Territoire palestinien occupé
4.111. La discrimination à l’égard des Palestiniens est antérieure à la guerre de 1967. Elle a débuté avec la loi de 1950 sur les biens des absents, la loi de 1953 sur l’acquisition de terres (validation des actes et compensation), et la loi de 1953 sur la nationalité.
4.112. L’adoption de lois et mesures discriminatoires par Israël s’est intensifiée après 1967. La législation israélienne relative aux biens des réfugiés palestiniens est emblématique du système de discrimination institutionnalisée dont sont victimes les Palestiniens : en 1973, la loi sur les biens (compensation) des absents a été adoptée, une loi qui, conjuguée à la loi sur les biens des absents, a eu pour effet discriminatoire d’exproprier massivement les Palestiniens, en transférant leurs
230 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 177-181, par. 103-113.
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logements au dépositaire israélien, tout en les privant du droit de réclamer une indemnité
231. Qui plus est, comme il est expliqué ci-dessous, toute une série de mesures législatives connexes sont entrées en vigueur par l’adoption d’ordonnances militaires qui permettent, et nécessitent souvent, de discriminer les hommes, femmes et enfants palestiniens.
4.113. La loi fondamentale de 2018 prévoit que « [l]a réalisation du droit à l’autodétermination nationale dans l’État d’Israël est réservée au seul peuple juif ». Cette loi dispose également que « [l]’État considère le développement des localités juives comme une valeur nationale et agira pour encourager et promouvoir leur création et leur consolidation ». En 2022, le Comité des droits de l’homme a réaffirmé la position du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale et du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, recommandant à Israël de réexaminer et de modifier la loi fondamentale de 2018, « en vue d’éliminer l’effet discriminatoire qu’elle a sur les non-Juifs et d’assurer une égalité de traitement de toutes les personnes se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction, conformément au Pacte »232.
4.114. En plus d’être soumis à une législation discriminatoire, les hommes, femmes et enfants palestiniens sont régulièrement victimes, de la part des forces israéliennes et des colons israéliens, de discriminations, d’homicides, d’atteintes à l’intégrité corporelle, de traitements inhumains, de déni d’exercice et de jouissance de leurs droits civils, économiques, sociaux et culturels, et de déni systématique de justice et d’autres voies de recours.
4.115. Le texte qui suit met en lumière certains aspects de ces lois et pratiques discriminatoires israéliennes. Il y sera montré qu’Israël a mis en place un climat coercitif généralisé auquel il soumet les Palestiniens, contrevenant ainsi à ses obligations internationales.
1) Discrimination par le droit militaire
4.116. Par la proclamation militaire no 1, adoptée le 7 juin 1967, les forces israéliennes ont annoncé qu’elles occupaient la Cisjordanie et la bande de Gaza et qu’elles en avaient pris le contrôle « dans l’intérêt de la sécurité et de l’ordre public »233. Depuis, plus de 1 800 ordonnances et règlements militaires ont été promulgués sur des points ayant souvent un rapport très lointain, voire aucun rapport, avec la sécurité et l’ordre public, qui ont un effet discriminatoire disproportionné sur les Palestiniens.
231 Voir, en particulier, la loi israélienne sur les biens (Compensation) des absents, 5733-1973, sect. 18. La loi de 1973 sur les biens (Compensation) des absents, qui est entrée en vigueur le 1er juillet 1973, prévoit le paiement d’une indemnité relativement à certains biens immobiliers dévolus au dépositaire. Au-delà des dispositions restreintes de cette loi, c’est l’article 18 qui tire davantage à conséquence. Celui-ci porte sur l’abrogation du droit de réclamation à l’égard du dépositaire ; il y est prévu qu’aucune réclamation ne sera prise en compte, si ce n’est conformément à cette loi. Étant donné qu’elle est circonscrite aux réclamations des résidents, cette loi a pour effet de finaliser le processus d’expropriation sans indemnisation des biens dont les propriétaires ont été contraints de quitter le territoire de la Palestine désormais occupé par Israël, sans être autorisés à y revenir.
232 Observations finales concernant le cinquième rapport périodique d’Israël, 5 mai 2022, Nations Unies, Comité des droits de l’homme, document publié sous la cote CCPR/C/ISR/CO/5, par. 11.
233 Les proclamations militaires no 1 et 2 du 7 juin 1967 ont conféré l’ensemble des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires au commandant du territoire. La proclamation militaire no 3, non datée, traite de « sécurité » et prévoit que « les tribunaux militaires et leurs responsables appliquent les dispositions des Conventions de Genève du 12 août 1949 relatives à la protection des personnes civiles en temps de guerre et à toutes les questions se rapportant à la procédure judiciaire. En cas de contradiction entre cet ordre et la convention susmentionnée, les dispositions de cette dernière s’appliquent ». En pratique, la quatrième convention de Genève n’a aucune portée juridique et Israël refuse d’en reconnaître l’applicabilité.
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4.117. Ainsi, des ordonnances ont été promulguées sur l’aménagement du territoire urbain et rural qui limitent la hauteur des bâtiments à Ramallah, autorisent les autorités israéliennes à construire des routes dans des réserves naturelles ou des parcs publics ou à ériger des bâtiments, fixent les prix des demandes de permis de construire, restreignent les constructions sur les terrains expropriés pour des raisons de sécurité, exproprient des terres pour y construire des routes, donnent à un responsable israélien le contrôle total sur les ressources en eau (dont le pouvoir d’annuler des différends précédemment réglés), ou interdisent quiconque de détenir toute infrastructure utilisée pour extraire des ressources en eaux de surface ou souterraines sans permis (lequel peut être refusé sans explication)234.
4.118. Le rôle que jouent ces ordonnances dans le traitement discriminatoire réservé aux Palestiniens dans pratiquement chaque aspect de leur vie quotidienne, y compris dans leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, ne peut être sous-estimé. Il est amplement démontré par les rapports émanant d’organes des Nations Unies et d’organisations non gouvernementales qui, collectivement, confirment eux aussi l’existence d’un climat coercitif sciemment créé et maintenu dans l’objectif d’assujettir le peuple palestinien.
2) Régime d’aménagement discriminatoire
4.119. Dans la zone C (qui couvre plus de 60 % de la Cisjordanie), le régime d’aménagement empêche les Palestiniens d’avoir accès à une protection de base, aux ressources, à un logement, à un travail et aux services essentiels, dont l’éducation et les soins de santé.
4.120. Rendant compte en 2021 des démolitions et déplacements, le Secrétaire général a relevé que le Bureau de la coordination des affaires humanitaires avait enregistré un nombre de démolitions sans précédent depuis que celui-ci avait commencé à compiler des statistiques en 2009235. De nombreux autres foyers palestiniens à Jérusalem-Est et dans d’autres communautés de Cisjordanie restaient menacés d’expulsion imminente, souvent par suite d’actions intentées par des organisations de colons. Les communautés de Bédouins et d’éleveurs étaient particulièrement à risque, à l’intérieur et aux alentours de Jérusalem-Est, dans la vallée du Jourdain et sur les terres désignées par Israël comme des zones militaires fermées. Près de 30 % des terres de la zone C ont été désignées comme des « zones de tir militaires », dans lesquelles le pâturage du bétail est restreint et où les autorités
234 Diverses ordonnances militaires émises entre le 7 juin 1967 et la fin de décembre 1967 établissent des tribunaux militaires, déterminent des lieux de détention, rendent les transactions commerciales relatives à des terrains et des logements illégales lorsqu’elles ne sont pas autorisées par les autorités militaires, permettent de désigner des zones fermées et d’exiger un permis pour y entrer, désignent des zones de formation militaires et des réserves naturelles, élargissent dans les faits les dispositions relatives aux biens des absents, confient tous les biens de l’État au dépositaire des biens publics, restreignent les activités politiques, interdisent l’usage de certains ouvrages dans les écoles, nécessitent une autorisation pour importer ou publier un journal, et régulent les opérations commerciales de vente ou autre. Voir Jerusalem Media & Communication Centre, Israeli Military Orders in the Occupied Palestinian West Bank, 1967-1992 (1993), p. 1-27 (accessible à l’adresse suivante : http://www.jmcc.org/documents/JMCCIsraeli_military_orders.pdf, consulté le 12 juillet 2023).
235 Voir le rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, 28 avril 2022, Assemblée générale, publié sous la cote A/HRC/49/85, par. 24-25 : Les autorités israéliennes ont démoli 967 structures appartenant à des Palestiniens en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, provoquant le déplacement de 1 190 Palestiniens (majoritairement des enfants). Parmi les structures, 243 avaient été financées par des donateurs et fournies au titre de l’aide humanitaire, 86 étaient des infrastructures liées à l’eau, l’assainissement et l’hygiène, et deux étaient des écoles, touchant 643 enfants. Les autorités israéliennes ont démoli 70 structures en application de l’ordonnance militaire no 1797, qui autorise l’enlèvement de nouvelles structures dans la zone C dans un délai de 96 heures. À Jérusalem-Est, les Palestiniens ont été de plus en plus souvent contraints de démolir leurs propres structures, à cause de l’imposition de lourdes amendes et charges si la municipalité doit procéder à leur place aux démolitions. Voir également le rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, 23 septembre 2021, Assemblée générale, publié sous la cote A/76/336, par. 37-41.
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israéliennes procèdent fréquemment à des démolitions et à la confiscation des biens et du bétail des Palestiniens.
4.121. Le Secrétaire général a indiqué qu’il ressortait de documents militaires obtenus par les médias que des soldats israéliens se livraient à des pratiques discriminatoires à l’égard de bergers palestiniens qu’ils expulsaient de ces zones de tir, tout en permettant à des colons d’y rester et même d’y construire des avant-postes et des infrastructures. Il a relevé que « [l]es cas avérés d’application discriminatoire de la loi entre les communautés palestiniennes et les fermes de colons dans les zones de tir suggèrent qu’Israël se sert de la législation relative à ces zones pour mettre la main sur les terres palestiniennes et étendre les colonies, objectif servi par la présence des exploitations agricoles »236.
4.122. Ainsi que l’a observé le Secrétaire général il y a dix ans :
« Les Palestiniens ne sont pas en mesure de fournir une contribution quelconque en matière de zonage, d’établissement de plans et d’approbation de projets de construction pour leur communauté. Ils n’ont conservé que la possibilité de présenter des objections aux plans … En revanche, les colonies de peuplement reçoivent des terres qui leur sont attribuées et bénéficient de plans d’urbanisme détaillés et du raccordement à des infrastructures de haute qualité. Les colons sont pleinement représentés lors du processus d’aménagement »237.
4.123. Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a estimé que la politique d’urbanisme et d’aménagement d’Israël « porte gravement atteinte à un certain nombre de droits fondamentaux énoncés dans la Convention »238. Dans ses observations finales concernant le cinquième rapport périodique d’Israël, le Comité des droits de l’homme a également regretté que :
236 Voir le rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, 23 septembre 2021, Assemblée générale, publié sous la cote A/76/336, par. 43. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires, entre janvier et juin 2022, Israël a saisi ou démoli 312 structures (dont 57 structures fondées par des donateurs) en Cisjordanie, conduisant à l’expulsion de 84 foyers. Au cours de la même période, 22 % de toutes les structures prises pour cible dans la zone C ont été saisies plutôt que démolies. Les saisies sont principalement mises en oeuvre par le jeu d’ordonnances militaires diverses et près de la moitié de toutes les structures saisies dans la zone C l’ont été sans qu’un préavis suffisant, voire aucun préavis, ne soit signifié aux occupants, les privant ainsi de toute possibilité de contestation juridique et limitant leur accès aux voies de recours internes. Dans 40 % des cas de démolitions à Jérusalem-Est, ce sont les personnes qui avaient elles-mêmes érigé la structure qui ont procèdé à la démolition, au titre de l’amendement 116 de la loi relative à la planification et à la construction et son règlement complémentaire sur les amendes pour infractions administratives, qui imposent des sanctions draconiennes à ceux qui se livrent à des constructions « illégales ». Voir Protection Cluster, « Occupied Palestinian Territory (oPt): West Bank. Protection Analysis Update », août 2022 (accessible à l’adresse suivante : https://www.globalprotectioncluster.org/sites/default/files/2022-08/ opt_protection_analysis_update_westbank_aug2022.pdf, consulté le 12 juillet 2023), p. 12.
237 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, 9 octobre 2013, Assemblée générale, publié sous la cote A/68/513, par. 30-34 (les italiques sont de nous).
238 Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale : Israël, 3 avril 2012, Nations Unies, document publié sous la cote CERD/C/ISR/CO/14-16, par. 25. Aux paragraphes 21-22 de ses observations finales de 2020, en date du 27 janvier 2020, document publié sous la cote CERD/C/ISR/CO/17-19, le Comité s’est redit préoccupé
« par la persistance de la ségrégation en Israël, où il existe encore des secteurs juifs et des secteurs non juifs, et notamment deux systèmes éducatifs dans lesquels les conditions d’enseignement ne sont pas les mêmes, ainsi que deux types de municipalités, à savoir les municipalités juives et les municipalités dites “des minoritésˮ, ce qui soulève des questions au regard de l’article 3 de la Convention ».
Il a noté en outre
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« les Palestiniens soient depuis des décennies systématiquement privés de leurs droits à la terre et au logement, qu’il leur est quasi impossible d’obtenir un permis de construire, à cause du régime restrictif de zonage et d’aménagement en Cisjordanie, et qu’ils n’ont de ce fait d’autre choix que de construire illégalement et risquer la démolition et l’expulsion. À cet égard, le Comité exprime sa profonde préoccupation quant au fait que la pratique systématique de démolitions et d’expulsions, fondée sur des politiques discriminatoires, a conduit à la séparation des communautés juives et palestiniennes dans le Territoire palestinien occupé, qui est constitutive de ségrégation raciale »239.
4.124. Le rapport « Protection Analysis Update » d’août 2022 a relevé que « [l]a menace de destruction de logements et de sources de subsistance, du fait du régime de planification discriminatoire, constitue un élément central du climat coercitif », lequel contribue, quant à lui, à pousser les Palestiniens à quitter leur lieu de résidence habituel240. Cette constatation fait écho à la conclusion de 2021 du Secrétaire général selon laquelle les nombreuses violations des droits de l’homme pourraient mener à des transferts forcés contraires aux articles 49 et 147 de la quatrième convention de Genève et aux articles 46 et 56 du règlement de La Haye de 1907241.
4.125. De plus, la menace et l’emploi de la force qui contribuent au climat coercitif privent de fait les Palestiniens de la possibilité, bien naturelle pourtant, de contester les démolitions242.
3) Répression militaire
4.126. La fréquence et la disposition croissantes des forces israéliennes à réagir, souvent par le recours à la force létale, face aux contestations des Palestiniens dont le logement a été saisi ou endommagé dans le cadre d’une politique d’aménagement contraire au droit et à la déontologie et de leurs soutiens, contribuent au climat coercitif auquel sont soumis les Palestiniens. La situation est exacerbée par les pratiques discriminatoires des forces de l’ordre, par l’impunité apparente de ceux qui se livrent à des violences contre les Palestiniens et par la politique délibérée des forces militaires
« l’existence [dans le Territoire palestinien occupé] de deux systèmes juridiques et institutionnels totalement distincts, dont l’un est conçu pour les communautés juives vivant dans les implantations illégales, d’une part, et l’autre pour les populations palestiniennes habitant dans les villes et les villages palestiniens, d’autre part. Le Comité est consterné par le caractère hermétique de la séparation entre ces deux groupes, qui vivent sur le même territoire mais ne sont pas sur un pied d’égalité pour ce qui est de l’utilisation du réseau routier et des infrastructures, et de l’accès aux services de base et aux ressources en eau. Cette séparation se manifeste concrètement par l’existence d’un ensemble complexe de restrictions à la liberté de circulation découlant de la présence du Mur, des implantations, des barrages routiers et des postes de contrôle militaires, ainsi que de l’obligation d’utiliser des routes distinctes et de l’application d’un régime de permis qui a des conséquences préjudiciables pour la population palestinienne. »
239 Observations finales concernant le cinquième rapport périodique d’Israël, 5 mai 2022, Nations Unies, Comité des droits de l’homme, document publié sous la cote CCPR/C/ISR/CO/5, par. 42-43.
240 Protection Cluster, « Occupied Palestinian Territory (oPt): West Bank. Protection Analysis Update », août 2022 (accessible à l’adresse suivante : https://www.globalprotectioncluster.org/sites/default/files/2022-08/opt_protection_ analysis_update_westbank_aug2022.pdf, consulté le 12 juillet 2023), p. 11.
241 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, 23 septembre 2021, Assemblée générale, publié sous la cote A/76/336, par. 3, 37, 39-40 et 57.
242 Dans un rapport de décembre 2019, Human Rights Watch a relevé que l’ordonnance militaire no 101, promulguée en 1967, sanctionne la participation à un rassemblement non autorisé de plus de dix personnes sur tout sujet « qui pourrait être interprété comme politique » d’une peine pouvant aller jusqu’à dix ans d’emprisonnement. Il interdit par ailleurs la publication de documents « ayant une portée politique », à moins d’avoir obtenu l’autorisation des forces armées. Voir Human Rights Watch, « Born Without Civil Rights: Israel’s Use of Draconian Military Orders to Repress Palestinians in the West Bank », 17 décembre 2019 (accessible à l’adresse suivante : https://www.hrw.org/report/2019/12/17/born- without-civil-rights/israels-use-draconian-military-orders-repress, consulté le 12 juillet 2022).
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— tenues d’assurer protection à la population du territoire occupé en vertu du droit en matière d’occupation — qui consiste à laisser faire sans intervenir lorsque des colons israéliens attaquent des Palestiniens et détruisent leurs logements, propriétés, cultures, terres et biens ; ou lorsque des officiers israéliens et les forces sous leur commandement et leur contrôle s’expriment en faveur de telles activités, quand ils n’y participent pas directement.
i) Usage discriminatoire et excessif de la force par les forces israéliennes contre les Palestiniens
4.127. Au cours de la période allant de janvier 2022 à mai 2023, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires a recensé 265 accidents mortels parmi les Palestiniens en Cisjordanie, dont 258 victimes de tirs de balles réelles (202 hommes, 54 garçons et 7 femmes). Au cours de la même période, il a enregistré 14 276 cas de blessures parmi les Palestiniens, dont 9 734 étaient dues à l’inhalation de gaz lacrymogène, 1 817 à des tirs de balles souples, 1 190 à des tirs de balles réelles et 536 à des violences physiques243.
4.128. En 2022 et 2023, Israël a eu maintes fois recours à la force armée contre des manifestants, des militants des droits de l’homme et des journalistes qui protestaient pacifiquement contre les colonies de peuplement et les activités relatives à celles-ci. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a recensé de « nombreux exemples d’application discriminatoire de la loi » et d’usage excessif de la force, y compris le recours à la force létale comme moyen de contrôle des foules244. Dans certains cas, l’usage excessif de la force est allé jusqu’à la « privation arbitraire de la vie, y compris l’exécution extrajudiciaire », et « ne semblait pas conforme aux critères de légalité, de nécessité et de proportionnalité »245. De plus, la force létale est souvent employée en premier, et non pas en dernier ressort246.
ii) Détention arbitraire d’hommes, de femmes et d’enfants palestiniens
4.129. Un grand nombre de Palestiniens sont détenus dans des prisons israéliennes où des cas de négligences médicales et de torture auraient été signalés, et où la détention administrative est appliquée comme une « mesure arbitraire, coercitive et punitive »247. Dans son rapport de 2022 sur « Les enfants et les conflits armés », le Secrétaire général a noté que l’ONU avait confirmé que plus de 600 enfants palestiniens avaient été placés en détention pour atteinte présumée à la sécurité en Cisjordanie ; parmi eux, 85 avaient fait état de mauvais traitements et de violations de la procédure régulière par les forces israéliennes pendant leur détention, et 75 % d’entre eux avaient indiqué avoir subi des violences physiques248. Les forces israéliennes ont continué d’arrêter et de placer en
243 Bureau de la coordination des affaires humanitaires, « Data on casualties », 3 juin 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.ochaopt.org/data/casualties, consulté le 12 juillet 2023). Les chiffres montrent le nombre de Palestiniens et d’Israéliens tués ou blessés depuis 2008 dans le Territoire palestinien occupé et à Israël dans le contexte de l’occupation et du conflit.
244 Rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, 28 avril 2022, Assemblée générale, publié sous la cote A/HRC/49/85, par. 30-31 et 55.
245 Rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et sur l’obligation de garantir les principes de responsabilité et de justice, 23 février 2022, Assemblée générale, publié sous la cote A/HRC/49/25, par. 4 et 18.
246 Rapport du Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés, 3 octobre 2022, Assemblée générale, publié sous la cote A/77/501, par. 10.
247 Ibid., par. 43. Le nombre de détenus est établi à 4 700.
248 Rapport du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés, 23 juin 2022, Assemblée générale et Conseil de sécurité, publié sous la cote A/76/871-S/2022/493, par. 86 et 94. Le rapport couvre la période allant de janvier à décembre 2021.
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détention des enfants palestiniens de manière arbitraire, dont 428 ont été arrêtés entre janvier et mai 2022
249. Dans un rapport de 2023, l’UNICEF a conclu que le mauvais traitement des enfants palestiniens dans le système de détention militaire israélien semble être « généralisé, systématique et institutionnalisé »250.
4.130. En 2013, le Comité des droits de l’enfant a constaté avec vive inquiétude que des enfants continuaient d’être arrêtés au milieu de la nuit et emmenés, mains liées et yeux bandés, vers une destination inconnue, qu’ils étaient soumis à des violences, des humiliations, des techniques consistant à les immobiliser par des moyens de contrainte ou à les cagouler, à des menaces de mort, à des violences physiques et à des agressions sexuelles, tout en ayant un accès restreint aux sanitaires, à la nourriture et à l’eau, et qu’ils étaient souvent maintenus à l’isolement251. Dans son rapport « Protection Analysis Update » de 2022, le réseau Protection Cluster a également fait part de l’inquiétude que lui inspiraient ces mêmes faits252.
iii) Attaques contre des hôpitaux et des établissements de santé
4.131. En outre, des hôpitaux, des établissements de santé, du personnel paramédical et des ambulances sont la cible d’attaques de la part des forces israéliennes253, lesquelles restreignent par ailleurs l’accès du peuple palestinien aux soins de santé. Dans un rapport du 8 mai 2023, l’Organisation mondiale de la Santé a recensé 187 attaques contre les services de santé en 2022, 105 agents de santé ayant été blessés et 108 ambulances ayant été empêchées de circuler, endommagées, fouillées ou arrêtées254. Un autre rapport publié le même jour, « Palestinian Voices
249 Protection Cluster, « Occupied Palestinian Territory (oPt): West Bank. Protection Analysis Update », août 2022 (accessible à l’adresse suivante : https://www.globalprotectioncluster.org/sites/default/files/2022-08/opt_protection_ analysis_update_westbank_aug2022.pdf, consulté le 12 juillet 2023), p. 20. Au 31 mai 2022, 170 enfants palestiniens étaient détenus dans des prisons israéliennes, en violation de l’article 76 de la quatrième convention de Genève, et un enfant était en détention administrative.
250 Ibid., p. 20. Des inquiétudes ont également été exprimées concernant le jugement d’enfants devant des tribunaux militaires, ou tout tribunal qui ne garantit pas le droit à un procès équitable et ne respecte pas les normes en matière d’administration de la justice pour mineurs. En 2013, le Comité des droits de l’enfant a exhorté Israël à veiller à ce que les enfants vivant dans les territoires palestiniens occupés soient considérés comme des enfants jusqu’à l’âge de 18 ans, et qu’ils bénéficient de la pleine protection au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant. Voir les observations finales concernant les deuxième, troisième et quatrième rapports périodiques d’Israël, 4 juillet 2013, Nations Unies, Comité des droits de l’enfant, document publié sous la cote CRC/C/ISR/CO/2-4, par. 19-20. Voir également, Save the Children, « Isolated: The impact of family separation on Palestinian children in military detention », (2022) (accessible à l’adresse suivante : https://resourcecentre.savethechildren.net/document/isolated-the-impact-of-family-separation-on-palestinian- children-in-military-detention/, consulté le 12 juillet 2023) ; UNICEF, « Children in Israeli Military Detention. Observations and Recommendations » (2013).
251 Voir les observations finales concernant les deuxième, troisième et quatrième rapports périodiques d’Israël, 4 juillet 2013, Nations Unies, Comité des droits de l’enfant, document publié sous la cote CRC/C/ISR/CO/2-4, par. 35.
252 Protection Cluster, « Occupied Palestinian Territory (oPt): West Bank. Protection Analysis Update », août 2022 (accessible à l’adresse suivante : https://www.globalprotectioncluster.org/sites/default/files/2022-08/opt_protection_ analysis_update_westbank_aug2022.pdf, consulté le 12 juillet 2023), p. 18.
253 Rapport du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés, 23 juin 2022, Assemblée générale et Conseil de sécurité, publié sous la cote A/76/871-S/2022/493, par. 89.
254 OMS, « Health Attacks oPt 2022 » (accessible à l’adresse suivante : https://www.un.org/unispal/document/ health-attacks-opt-2022-who-infographic, consulté le 12 juillet 2023). Voir également, Palestine Red Crescent, « Occupation Forces Commit Blatant IHL Violations in Aqabat Jaber Refugee Camp », 5 mars 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.palestinercs.org/en/Article/11295/Occupation-Forces-Commit-Blatant-IHL-Violations-in-Aqabat- Jaber-Refugee-Camp, consulté le 12 juillet 2023).
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2022–2023 », recense les expériences de patients attendant de recevoir l’autorisation des autorités pour pouvoir accéder aux soins dont ils ont besoin
255.
iv) Autres effets discriminatoires indirects de la répression militaire
4.132. La réalité de la violence découlant de l’occupation, de même que des dépossessions, démolitions et déplacements, et les risques incessants qu’elle représente ont été désignés comme « les causes principales des problèmes de santé mentale parmi les adultes et les enfants en Cisjordanie ». Ces facteurs, associés à « la fragmentation géographique et administrative … caractérisée par une multitude de restrictions à la circulation sous la forme de postes de contrôle, de barrières, de murs … entravent gravement la capacité des Palestiniens à se déplacer, à travailler, à se marier, à étudier, à pratiquer leur religion, et à se réunir en famille. Toutes ces mesures … ont des répercussions directes sur le bien-être psychosocial des Palestiniens en leur ôtant le sentiment d’appartenance, de sécurité, de cohésion communautaire et d’identité culturelle »256.
4) Impunité en matière de violences commises par des colons
4.133. Indépendamment de la violence systémique à laquelle se livre l’État d’Israël, les Palestiniens doivent aujourd’hui affronter un système qui non seulement ne les protège pas, mais ne tient pas non plus les colons responsables des violences qu’ils commettent. Le HCDH a constaté « l’application de systèmes juridiques différents aux colons et aux Palestiniens, l’absence persistante et généralisée d’enquêtes approfondies et impartiales, un faible taux d’inculpations et de condamnations, des procédures fréquemment retardées, et des chefs d’inculpation indulgents »257. Les attaques et les intimidations de la part des colons, lesquels ont de plus en plus recours aux armes à feu, ont considérablement augmenté avec l’établissement par les colons d’avant-postes agricoles, et ont occasionné des homicides, des blessures et des dommages matériels, contribuant au climat coercitif258.
4.134. La résistance aux attaques des colons est souvent contrée par les forces israéliennes par des gaz lacrymogènes, des balles en caoutchouc (qui sont souvent fatales lorsqu’elles sont utilisées contre des enfants) ou des tirs à balles réelles259. Les cas de violence, suivis par le HCDH, émanant d’avant-postes de colons dans les zones de tir comprennent « des violences physiques, des tirs à balles réelles, l’incendie de champs et de bétail, le vol et la vandalisation de biens, d’arbres et de récoltes, le jet de pierres et une intimidation acharnée à l’égard des éleveurs et de leur famille »260.
255 OMS, « Palestinian Voices 2022–2023 » (accessible à l’adresse suivante : https://www.un.org/unispal/ document/right-to-health-palestinian-voices-2022-to-2023-who-publication/, consulté le 12 juillet 2023).
256 Protection Cluster, « Occupied Palestinian Territory (oPt): West Bank. Protection Analysis Update », août 2022 (accessible à l’adresse suivante : https://www.globalprotectioncluster.org/sites/default/files/2022-08/opt_protection_ analysis_update_westbank_aug2022.pdf, consulté le 12 juillet 2023), p. 14-15.
257 Rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, 28 avril 2022, Assemblée générale, publié sous la cote A/HRC/49/85, par. 23.
258 Protection Cluster, « Occupied Palestinian Territory (oPt): West Bank. Protection Analysis Update », août 2022 (accessible à l’adresse suivante : https://www.globalprotectioncluster.org/sites/default/files/2022-08/opt_protection_ analysis_update_westbank_aug2022.pdf, consulté le 12 juillet 2023), p. 12.
259 Rapport du Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés, 3 octobre 2022, Assemblée générale, publié sous la cote A/77/501, par. 24.
260 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, 23 septembre 2021, Assemblée générale, publié sous la cote A/76/336, par. 44.
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4.135. L’impunité des auteurs de violences contre les Palestiniens a été relevée ci-dessus, qu’il s’agisse des forces policières et militaires israéliennes, ou des colons qui bénéficient de l’aval ou de l’appui de sources officielles. Qui plus est, l’impunité s’accompagne d’une application discriminatoire de la loi, dont de nombreux exemples ont été recensés261. De surcroît, les
« cas avérés d’application discriminatoire de la loi entre les communautés palestiniennes et les fermes de colons dans les zones de tir suggèrent qu’Israël se sert de la législation relative à ces zones pour mettre la main sur les terres palestiniennes et étendre les colonies, objectif servi par la présence des exploitations agricoles »262.
Dans plusieurs cas documentés, les forces israéliennes « sont restées passives, ne prenant aucune initiative » pour empêcher les violences, ordonnant au contraire aux Palestiniens de quitter la zone263. Dans d’autres cas, les politiques et pratiques israéliennes ont porté atteinte aux droits de l’homme des Palestiniens en leur réservant un traitement discriminatoire par rapport à celui réservé aux citoyens israéliens vivant dans la même zone, ainsi que lorsque les forces israéliennes n’ont pas fait respecter certaines interdictions faites aux colons mais ont assuré, en revanche, la sécurité des marches de colons264.
4.136. L’impunité est également de mise dans le cas d’allégations d’usage excessif ou disproportionné de la force hors du cadre des hostilités. Le HCDH a relevé que, s’agissant de quelque 428 Palestiniens tués entre 2017 et 2021, il a été informé de l’ouverture de seulement 82 enquêtes judiciaires en lien avec ces décès, dont au moins 13 ont été classées sans suite, 5 ont donné lieu à des mises en accusation et à peine 3 ont abouti à des condamnations. Le HCDH a relevé que
« [c]es chiffres semblent en totale contradiction avec la politique d’Israël en matière d’enquête, en vigueur depuis 2011, selon laquelle les Forces de défense israéliennes sont tenues d’ouvrir immédiatement une enquête sur les opérations en Cisjordanie qui ont entraîné la mort d’une personne, sauf s’il s’agit d’un “combat réelˮ »265.
4.137. Dans son rapport sur les colonies israéliennes de la même année, le HCDH a fait référence au « climat général » d’impunité, malgré la gravité accrue des attaques. Selon lui, les facteurs à l’origine de ces défaillances sont multiples, parmi lesquels
« l’application de systèmes juridiques différents aux colons et aux Palestiniens, l’absence persistante et généralisée d’enquêtes approfondies et impartiales, un faible taux d’inculpations et de condamnations, des procédures fréquemment retardées, et des chefs d’inculpation indulgents. Dans l’ensemble, ces défaillances entretiennent le climat
261 Rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, 28 avril 2022, publié sous la cote A/HRC/49/85, par. 30, 31 et 55.
262 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, 23 septembre 2021, Assemblée générale, publié sous la cote A/76/33, par. 43.
263 Ibid., par. 44.
264 Rapport du Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés, 3 octobre 2022, Assemblée générale, publié sous la cote A/77/501, par. 8 et 20. S’agissant de l’accès discriminatoire à la justice, voir par. 30-32.
265 Rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et obligation de garantir les principes de responsabilité et de justice, 23 février 2022, Assemblée générale, publié sous la cote A/HRC/49/25, par. 17.
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d’impunité dont jouissent les auteurs de ces actes, ce qui incite à poursuivre les agressions »
266.
Le rapport « Protection Analysis Update » d’août 2022 a déterminé que l’impunité était un facteur supplémentaire du climat coercitif qui expose les Palestiniens aux déplacements et aux transferts forcés267. Selon l’organisation Yesh Din, 72 % des plaintes déposées en 2019-2020 contre les forces de l’ordre pour violences dans le cadre de leurs fonctions contre les Palestiniens et leurs biens ont été classées sans suite268.
C. Conclusions
4.138. Le but et l’effet de la législation adoptée par Israël dans le Territoire palestinien occupé sont sans équivoques : maintenir le peuple palestinien dans une position d’infériorité et limiter fortement sa jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines civil, politique, économique, social, culturel, et tout autre domaine de la vie publique.
4.139. Ce climat coercitif créé et perpétué par une législation discriminatoire continue d’exposer les Palestiniens aux transferts et aux réinstallations, en violation des dispositions du droit international humanitaire. Il encourage également l’usage disproportionné de la force à des fins illicites, à savoir la fragmentation du Territoire palestinien occupé, la ségrégation de la population, et sa sujétion à un gouvernement étranger. D’innombrables Palestiniens ont perdu la vie ou ont été blessés du fait d’un tel usage de la force et, à ce jour, ceci reste un obstacle à la paix.
4.140. Les enfants palestiniens sont particulièrement touchés par ces pratiques discriminatoires. Outre les arrestations et les détentions, les confrontations avec les forces israéliennes et les colons, qui sont autant de sources de souffrance et de traumatisme émotionnel, il convient de souligner les attaques contre les établissements scolaires, le personnel et les élèves, ainsi que d’autres entraves au fonctionnement normal des écoles et à l’accès des enfants à l’éducation269.
266 Rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, 28 avril 2022, Assemblée générale, publié sous la cote A/HRC/49/85, par. 20 et 23.
267 Protection Cluster, « Occupied Palestinian Territory (oPt): West Bank. Protection Analysis Update », août 2022 (accessible à l’adresse suivante : https://www.globalprotectioncluster.org/sites/default/files/2022-08/opt_protection_ analysis_update_westbank_aug2022.pdf, consulté le 12 juillet 2023), p. 12.
268 Ibid., p. 6-7, faisant référence aux données recensées par Yesh Din, décembre 2021 (accessible à l’adresse suivante : https://www.yesh-din.org/en/data-sheet-december-2021-law-enforcement-on-israeli-civilians-in-the-west-bank- settler-violence/, consulté le 12 juillet 2023). Yesh Din — Volunteers for Human Rights est une organisation israélienne à but non lucratif.
269 Dans son rapport de 2021 sur les enfants et les conflits armés, le Secrétaire général a relevé que l’ONU avait confirmé que 22 attaques avaient été perpétrées contre des écoles, attribuables le plus souvent à des forces israéliennes qui avaient tiré « sur des écoles ou à proximité d’écoles … et fermé des points de contrôle ou empêché les enseignants et les élèves de franchir des points de contrôle ». Voir également le rapport du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés, 23 juin 2022, Assemblée générale et Conseil de sécurité, publié sous la cote A/76/871-S/2022/493, par. 89. En août 2022, il a été signalé que
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4.141. De telles lois et mesures discriminatoires constituent un grave manquement de la part d’Israël aux obligations qu’elle a expressément assumées au titre de la CIEDR, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et de la convention relative aux droits de l’enfant, et sont contraires à l’interdiction de la discrimination en droit international coutumier.
IV. CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ
4.142. L’occupation prolongée par Israël du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, se caractérise par la commission d’un grand nombre de crimes contre l’humanité et par le fait qu’Israël a totalement manqué à ses obligations de prévenir et punir de tels crimes. Israël a également manqué à son obligation de ne pas se livrer à des actes constitutifs de crimes contre l’humanité.
4.143. Il est largement accepté270 qu’on entend par « crime contre l’humanité » l’un quelconque des actes ci-après lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque : meurtre ; extermination ; réduction en esclavage ; déportation ou transfert forcé de population ; emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international ; torture ; viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable ; persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste, ou en fonction d’autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ; disparitions forcées de personnes ; crimes d’apartheid ; autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale.
4.144. Cette définition est inscrite dans le Statut de Rome, au paragraphe 1 de l’article 7, auquel 123 États — dont la Jordanie et l’État de Palestine — sont parties. Elle a également été adoptée par la Commission du droit international (CDI) dans son Projet d’articles sur la prévention
« la Cisjordanie enregistrait en moyenne 10 attaques par mois sur ses établissements d’enseignement. Sur la période visée de 30 mois, l’analyse des données émanant de diverses sources ont montré que 296 attaques avaient été menées contre des établissements scolaires par les forces israéliennes ou par des colons ou des gardes de sécurité privés des colonies. Nablus et Hebron étaient en première ligne de ces attaques et dans les trois quarts des cas, les attaques étaient menées par les forces israéliennes. Dans 37 % d’entre elles, il s’agissait de harcèlement, d’intimidation et de menaces ou d’usage de la force contre des élèves et du personnel enseignant, dont 10 attaques durant lesquelles les forces israéliennes s’en sont pris physiquement aux élèves » (voir Protection Cluster, « Occupied Palestinian Territory. Occupied Palestinian Territory (oPt): West Bank. Protection Analysis Update », août 2022, p. 19).
270 Voir, par exemple, Bureau de la prévention du génocide et de la responsabilité de protéger, où il est indiqué que le Statut de Rome est « l’expression la plus récente du consensus de la communauté internationale sur cette question » (accessible à l’adresse suivante : https://www.un.org/fr/genocideprevention/crimes-against-humanity.shtml, consulté le 12 juillet 2023).
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et la répression des crimes contre l’humanité
271. De plus, un nombre croissant d’États l’ont incorporée dans leurs lois nationales272.
4.145. Qui plus est, il est également accepté que par « attaque lancée contre une population civile », au sens de la définition ci-dessus, on entend « le comportement qui consiste en la commission multiple d’actes visés [ci-dessus] à l’encontre d’une population civile quelconque, en application ou dans la poursuite d’un État ou d’une organisation ayant pour but une telle attaque »273.
4.146. Il est indéniable que des actes peuvent être constitutifs de crimes contre l’humanité en droit international « qu’ils soient ou non commis en temps de conflit armé et qu’ils soient ou non incriminés dans la législation nationale »274, mais surtout, comme l’a relevé la CDI, « aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour justifier les crimes contre l’humanité »275.
4.147. Les crimes contre l’humanité sont considérés comme des crimes internationaux graves, où qu’ils se produisent276. Dans son Projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, la CDI a reconnu à juste titre que ces crimes « heurtent profondément la conscience humaine », qu’ils « menacent la paix, la sécurité et le bien-être du monde » et que ces
271 Voir le paragraphe 1 de l’article 2 du Projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité de la CDI, avec commentaires, à insérer dans l’Annuaire de la Commission du droit international, 2019, vol. II, deuxième partie (ci-après le « Projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité »).
272 Commentaire de l’article 2 du Projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, p. 30, par. 8. La Jordanie note l’affirmation d’Israël selon laquelle « la définition des crimes contre l’humanité dans le Projet d’articles est loin de faire consensus » (voir Sixth Committee, Statement by Ms. Sarah Weiss Ma’udi, Legal Adviser, Permanent Mission of Israel to the United Nations, 28 October 2019 (accessible à l’adresse suivante : https://www.un.org/ en/ga/sixth/74/pdfs/statements/ilc/israel_1.pdf, consulté le 12 juillet 2023). Cependant, Israël n’a pas proposé d’autre définition à cet égard, et les débats au sein de la Sixième Commission sur le projet d’article 2 (définition des crimes contre l’humanité) se sont concentrés exclusivement sur les éléments suivants :
« Concernant le projet d’article 2 (Définition des crimes contre l’humanité), des éclaircissements ont été demandés au sujet des alinéas h) et g) du paragraphe 1. Il a été proposé également de définir le crime de traite des personnes comme un crime distinct de celui de “réduction en esclavageˮ visé au paragraphe 2 c), d’inclure les personnes transgenres dans la définition de la “grossesse forcéeˮ donnée au paragraphe 2 f), et d’élargir la définition de la “disparition forcée de personnesˮ visée au paragraphe 2 i). Plusieurs délégations se sont félicitées de la décision de la Commission de ne pas définir le terme “sexeˮ afin de tenir compte de l’évolution de sa définition. D’autres délégations ont critiqué cette approche. Plusieurs se sont félicitées de l’inclusion du paragraphe 3, qui soulevait cependant des préoccupations en matière de sécurité juridique. Il a été proposé que le paragraphe 3 adopte une formulation plus dynamique de façon à tenir compte des modifications apportées au Statut de Rome. »
Voir le résumé thématique des débats tenus par la Sixième Commission de l’Assemblée générale à sa soixante-quatorzième session, établi par le Secrétariat, 12 février 2020, publié sous la cote A/CN.4/734, par. 134.
273 Voir le paragraphe 1 de l’article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Voir également l’article 2 du Projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.
274 Voir le commentaire de l’article 3 du Projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, p. 51-53, par. 14-19, dans lequel il est conclu que « [l]a pratique conventionnelle, la jurisprudence, et l’acceptation par les États, qui est bien établie, posent que les crimes contre l’humanité sont des crimes relevant du droit international qui doivent être prévenus et punis, qu’ils soient ou non commis en temps de conflit armé et qu’ils soient ou non incriminés dans la législation nationale ». Il convient de noter que, en tout état de cause, les crimes commis en Palestine constitueraient des crimes contre l’humanité même si un lien avec un conflit armé en cours était un critère à remplir.
275 Voir le commentaire de l’article 3 du Projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, p. 53, par. 20.
276 Voir le commentaire de l’article 1 du Projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, p. 27, par. 2.
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crimes particulièrement graves « touchent l’ensemble de la communauté internationale » et « doivent être prévenus en conformité avec le droit international »
277.
4.148. La position de la Jordanie est que l’interdiction des crimes contre l’humanité est une norme du jus cogens, comme l’a d’ailleurs reconnu la CDI278.
4.149. La CDI a déterminé les obligations générales qui incombent aux États relativement aux crimes contre l’humanité dans les termes suivants :
« 1. Tout État a l’obligation de ne pas se livrer à des actes constitutifs de crimes contre l’humanité.
2. Les États s’engagent à prévenir et à punir les crimes contre l’humanité, qui sont des crimes au regard du droit international, qu’ils soient ou non commis en temps de conflit armé.
3. Aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse, entre autres, de conflit armé, d’instabilité politique intérieure ou d’un autre état d’exception, ne peut être invoquée pour justifier les crimes contre l’humanité. »279
4.150. Pour la Jordanie, il ne fait aucun doute que ces obligations reflètent le droit international coutumier actuel. Il est tout aussi clair qu’Israël a manqué à ses obligations s’agissant des crimes contre l’humanité dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est.
A. Des crimes contre l’humanité sont commis dans le Territoire palestinien occupé
4.151. Les faits décrits dans le présent exposé établissent que plusieurs actes pouvant constituer des crimes contre l’humanité ont été, ou sont, régulièrement commis contre la population palestinienne dans le Territoire palestinien occupé. Il s’agit notamment, sans s’y limiter, de meurtres, de déportations ou de transferts forcés de population, d’emprisonnements ou autres formes de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international, de tortures, de persécutions, et d’autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale.
4.152. Il ressort d’innombrables rapports que la situation se détériore à un rythme inquiétant, de nouveaux crimes étant commis chaque jour contre le peuple palestinien. Dans une allocution prononcée le 28 octobre 2022 devant le Conseil de sécurité, le coordonnateur spécial des
277 Voir le préambule du Projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.
278 Voir l’article 26 du Projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, p. 24-26. Voir également la conclusion 23 du « Projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens) » de la CDI, p. 85-90.
279 Voir l’article 3 (« Obligations générales ») du Projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, p. 13. La Jordanie constate qu’Israël n’a pas objecté à l’affirmation, dans ce qui était alors le projet d’article 4, paragraphe 2, selon laquelle « Aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse, entre autres, de conflit armé, d’instabilité politique intérieure ou d’un autre état d’exception, ne peut être invoquée pour justifier les crimes contre l’humanité ». Voir State of Israel, « ILC Draft articles on Crimes against humanity – Israel’s initial comments and observations », 30 novembre 2018 (accessible à l’adresse suivante : https://legal.un.org/ilc/sessions/ 71/pdfs/english/cah_israel.pdf, consulté le 12 juillet 2023).
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Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient a indiqué que l’année 2022 était « en passe de devenir l’année la plus meurtrière pour les Palestiniens de Cisjordanie depuis que le Bureau de la coordination des affaires humanitaires a commencé à recenser systématiquement les décès de Palestiniens en 2005 ». Cette prévision a par la suite été confirmée
280. Plus tôt cette année, le coordonnateur spécial a déclaré que « les tendances dominantes des derniers mois de 2022 continuent de faire des ravages humains », ajoutant que les « activités de colonisation s’étaient malheureusement poursuivies dans le Territoire palestinien occupé, et qu’une recrudescence de la violence avait été observée »281.
4.153. Des signalements font état d’une moyenne de trois attaques de colons israéliens contre des Palestiniens par jour depuis le début de 2023, comparativement à deux par jour en 2022 et une par jour en 2021, causant la mort à un nombre croissant de Palestiniens282. Dans son vingt-cinquième rapport sur l’application de la résolution 2334 (2016), qui couvre la période allant du 8 décembre 2022 au 13 mars 2023, le Secrétaire général s’est dit « profondément alarmé par l’intensification du cycle de violence qui menace de plonger les Palestiniens et les Israéliens dans une crise meurtrière, tout en érodant encore davantage tout espoir d’une solution politique ». Il a ajouté que « [l]es opérations des forces de sécurité israéliennes en Cisjordanie occupée et les affrontements qui ont suivi ont fait un nombre très élevé de morts et de blessés parmi les Palestiniens », et qu’il était « profondément préoccupé par l’augmentation du niveau des violences impliquant des colons en Cisjordanie occupée, parfois à proximité des forces de sécurité israéliennes »283. Le Secrétaire général a fait part à nouveau de ses préoccupations dans son vingt-sixième rapport couvrant la période allant du 14 mars au 14 juin 2023, qui met en lumière « le nombre élevé d’actes de violence commis par les colons, y compris les cas signalés de colons armés menant des attaques à l’intérieur de communautés palestiniennes, parfois tout près des forces de sécurité israéliennes ou avec leur appui »284.
4.154. Selon les organisations de défense des droits de l’homme, les autorités israéliennes ont de plus en plus fréquemment recours à la détention administrative, ce à quoi des centaines de détenus ont répondu par un boycottage massif des tribunaux militaires israéliens285. Des actes de torture et d’autres mauvais traitements continuent d’être signalés286.
280 UN Meeting coverage, Security Council, 9174th meeting, « 2022 Among Deadliest Years for Palestinians in West Bank, Middle East Peace Process Coordinator Tells Security Council », 28 octobre 2022 (accessible à l’adresse suivante : https://press.un.org/en/2022/sc15086.doc.htm#:~:text=, consulté le 12 juillet 2023).
281 Communiqué de presse (SC/15179), « With 2022 Deadliest Year in Israel-Palestine Conflict, Reversing Violent Trends Must Be International Priority, Middle East Coordinator Tells Security Council », 18 janvier 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.un.org/unispal/document/with-2022-deadliest-year-in-israel-palestine-conflict-reversing- violent-trends-must-be-international-priority-middle-east-coordinator-tells-security-council-press-release-cs-15179/, consulté le 12 juillet 2023).
282 Al Jazeera, « Israeli settler attacks against Palestinians by the numbers », 3 mars 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.aljazeera.com/news/2023/3/3/israeli-settler-attacks-against-palestinians-by-the-numbers, consulté le 12 juillet 2023).
283 Nations Unies, Conseil de sécurité, procès-verbal de la 9290e séance, 22 mars 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.securitycouncilreport.org/atf/cf/%7B65BFCF9B-6D27-4E9C-8CD3-CF6E4FF96FF9%7D/2023. 03.22%20S_PV.9290.pdf, consulté le 12 juillet 2023).
284 Rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016) du Conseil de sécurité, 21 juin 2023, publié sous la cote S/2023/458, par. 69.
285 Voir, par exemple, Amnesty International, « Israël et territoires palestiniens occupés, 2022 » (accessible à l’adresse suivante : https://www.amnesty.org/fr/location/middle-east-and-north-africa/israel-and-occupied-palestinian- territories/report-israel-and-occupied-palestinian-territories/#endnote-5, consulté le 12 juillet 2023).
286 Ibid.
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4.155. Tous les actes décrits satisfont aux éléments communs aux crimes contre l’humanité, à savoir :
l’acte criminel en question a été commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre la population civile palestinienne ; et
les auteurs avaient connaissance de l’attaque287.
4.156. En particulier, les crimes ont eu lieu dans un contexte de discrimination systématique, d’oppression institutionnalisée, de violations des droits de l’homme et d’hostilité contre le peuple palestinien. Comme il a été montré ci-dessus, des attaques contre le peuple palestinien ont été perpétrées par des colons israéliens avec l’appui des forces de sécurité israéliennes288. Israël a instauré une politique gouvernementale de discrimination systématique contre le peuple palestinien au moyen de mesures législatives, de pratiques policières et judiciaires discriminatoires et d’actions militaires ciblées.
4.157. Compte tenu de la manière dont les colons israéliens et/ou les forces israéliennes s’en prennent aux hommes, femmes et enfants palestiniens par tous les moyens imaginables — qu’il s’agisse notamment de meurtres et d’exécutions extrajudiciaires, d’arrestations et de détentions arbitraires, d’usage excessif de la force et de torture, d’expulsion des familles hors de leurs logements, de passages à tabac et de mauvais traitements — et de l’ampleur de ces actes, ces attaques menées contre les Palestiniens ne peuvent être qualifiées que de « généralisées et systématiques »289.
4.158. Le fait que les crimes commis contre les Palestiniens l’ont été en application ou dans la poursuite de la politique d’un État ou d’une organisation ayant pour but une telle attaque est également étayé par les déclarations des responsables gouvernementaux qui encouragent l’expansion des colonies et par la culture d’impunité des auteurs de violences contre les Palestiniens.
4.159. Qui plus est, les attaques sont clairement lancées contre une population civile lorsque des familles sont expulsées de leurs logements et déplacés290, que des enfants d’à peine 12 ans sont arrêtés et détenus de manière arbitraire291, que des défenseurs des droits de l’homme et des
287 Voir le paragraphe 1 de l’article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale ; l’article 2 du Projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.
288 Voir par. 4.153 ci-dessus.
289 Il convient de noter que le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a estimé qu’il « exist[ait] à première vue suffisamment d’éléments de preuve d’une politique et d’une pratique généralisées touchant à des questions de fond relevant de la Convention », renforçant ainsi la conclusion selon laquelle l’attaque contre la population palestinienne est généralisée et systématique. Voir Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, communication interétatique soumise par l’État de Palestine contre Israël : décision sur la recevabilité, 20 mai 2021, publiée sous la cote CERD/C/103/4, par. 64. Le Comité a considéré que, puisque « les allégations du demandeur concernent des mesures qui s’inscrivent dans le cadre d’une politique décidée et coordonnée aux plus hauts niveaux du défendeur et sont donc susceptibles de participer d’une politique et d’une pratique généralisées à l’égard de diverses questions couvertes par la Convention », l’exigence de l’épuisement des recours internes au moment du dépôt d’une communication interétatique au titre de la CIEDR ne s’appliquait pas.
290 Voir, en particulier, rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2334 (2016) du Conseil de sécurité, 14 décembre 2022, publié sous la cote S/2022/945, par. 4-10 ; Nations Unies, Assemblée générale, résolution 76/12 du 1er décembre 2021.
291 Rapport de la rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, Francesca Albanese, 21 septembre 2022, Assemblée générale, publié sous la cote A/77/356, par. 59.
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journalistes sont pris pour cible
292, et lorsque la privation économique et l’insécurité alimentaire sont utilisées pour assujettir un peuple293.
4.160. Enfin, compte tenu du contexte et de la nature des attaques, il ne fait aucun doute que l’ensemble de la population d’Israël et du Territoire palestinien occupé a connaissance de la nature généralisée et systématique des attaques menées contre la population palestinienne. Par conséquent, tous les éléments constitutifs des crimes contre l’humanité sont réunis.
4.161. La rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 a insisté sur la nécessité de
« la tenue d’une enquête approfondie, indépendante et transparente sur toutes les violations du droit international des droits humains et du droit international humanitaire commises dans le territoire palestinien occupé, notamment celles qui constituent des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre potentiels ou qui se rapportent au crime d’agression »294.
Plusieurs organisations de défense des droits de l’homme ont appelé à l’ouverture d’une enquête sur les crimes contre l’humanité qui seraient commis dans le Territoire palestinien occupé295. Le Secrétaire général de l’ONU a insisté, lui aussi, sur la nécessité de prendre des mesures face à la violence, en indiquant que « tous les responsables doivent répondre de leurs actes »296.
B. Israël a manqué à ses obligations de prévenir et de punir les crimes contre l’humanité dans le Territoire palestinien occupé
4.162. Il ressort d’une étude menée par la CDI que l’obligation de prévenir les crimes va de pair avec l’interdiction des crimes en droit international. Comme l’a souligné la CDI, l’obligation de prendre des mesures préventives est consacrée, depuis les années 1960, par la plupart des traités
292 UN Special Rapporteurs, « Israeli annexation of parts of the Palestinian West Bank would break international law — UN experts call on the international community to ensure accountability », 16 juin 2020 (accessible à l’adresse suivante : https://www.ohchr.org/en/news/2020/06/israeli-annexation-parts-palestinian-west-bank-would-break- international-law-un, consulté le 12 juillet 2023).
293 Ibid.
294 Rapport de la rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, Francesca Albanese, 21 septembre 2022, Assemblée générale, publié sous la cote A/77/356, par. 78 c) (les italiques sont de nous). Il convient de noter que se sont joints à son appel le rapporteur spécial sur le droit à un logement convenable et la rapporteuse spéciale sur les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays, qui ont considéré « qu’il était grand temps que les instances judiciaires internationales déterminent la nature de l’occupation israélienne et s’assurent que justice soit rendue et que les auteurs de tous les crimes commis dans le Territoire palestinien occupé rendent des comptes » (voir https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/02/un-experts-say-israel- should-be-held-accountable-acts-domicide, consulté le 12 juillet 2023). Des appels à l’ouverture d’enquêtes sur les éventuels crimes contre l’humanité avaient déjà été lancés par le passé, par exemple par la Commission d’enquête internationale indépendante de l’ONU sur les manifestations de 2018 dans le Territoire palestinien occupé : voir son rapport daté du 25 février 2019, Assemblée générale, publié sous la cote A/HRC/40/74.
295 Voir, par exemple, Open Letter to the Prosecutor of the International Criminal Court, datée du 23 novembre 2022, cosignée par 198 organisations de la société civile (accessible à l’adresse suivante : https://www.hrw.org/news/2022/ 11/23/open-letter-prosecutor-international-criminal-court, consulté le 12 juillet 2023).
296 Nations Unies, Conseil de sécurité, procès-verbal de la 9290e séance, 22 mars 2023 (accessible à l’adresse suivante : https://www.securitycouncilreport.org/atf/cf/%7B65BFCF9B-6D27-4E9C-8CD3-CF6E4FF96FF9%7D/2023. 03.22%20S_PV.9290.pdf, consulté le 12 juillet 2023).
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multilatéraux relatifs à la lutte contre les crimes
297, et les obligations de prévenir et de réprimer les violations des droits de l’homme sont également prévues par de nombreux traités multilatéraux des droits de l’homme298.
4.163. La Jordanie considère que le droit international coutumier impose aux États l’obligation de prévenir et de punir les actes qui constituent les crimes internationaux les plus graves, tels que les crimes contre l’humanité. Israël lui-même a exprimé « son engagement continu envers la prévention et la répression des crimes internationaux graves qui touchent la communauté internationale tout entière, dont les crimes contre l’humanité »299.
4.164. Il y a peu de précédents directement pertinents pour définir le contenu de l’obligation faite aux États de prévenir les crimes contre l’humanité. La Jordanie affirme que ce contenu peut être déduit du contenu de l’obligation de prévenir d’autres crimes internationaux, tels que les crimes de torture300 et de génocide301. Dans son Projet d’articles, la CDI a proposé de définir l’obligation de prévention et de répression comme suit :
« Tout État s’engage à prévenir les crimes contre l’humanité, en conformité avec le droit international, notamment au moyen de :
a) Mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces de prévention dans tout territoire sous sa juridiction ; et
b) La coopération avec les autres États, les organisations intergouvernementales pertinentes et, selon qu’il convient, d’autres organisations. »
297 Voir le commentaire de l’article 4 du Projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, p. 54-56, par. 3. La CDI renvoie aux exemples suivants : la convention de 1971 pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile ; la convention de 1973 sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale, y compris les agents diplomatiques ; la convention internationale de 1973 sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid ; la convention internationale de 1979 contre la prise d’otages ; la convention de 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; la convention interaméricaine de 1985 pour la prévention et la répression de la torture ; la convention interaméricaine de 1994 sur la disparition forcée des personnes ; la convention de 1994 sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé ; la convention internationale de 1997 pour la répression des attentats terroristes à l’explosif ; la convention des Nations Unies de 2000 contre la criminalité transnationale organisée ; le protocole additionnel de 2000 à la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants ; le protocole de 2000 contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée ; le protocole de 2001 contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée ; le protocole facultatif de 2002 se rapportant à la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; la convention des Nations Unies de 2003 contre la corruption ; et la convention internationale de 2006 pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.
298 Voir le commentaire de l’article 4 du Projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, p. 56-57, par. 4. La CDI renvoie aux exemples suivants : la convention internationale de 1966 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ; la convention de 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ; et la convention du Conseil de l’Europe de 2011 sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.
299 Sixth Committee, Statement by Ms. Sarah Weiss Ma’udi, Legal Adviser, Permanent Mission of Israel to the United Nations, 28 octobre 2019 (accessible à l’adresse suivante : https://www.un.org/en/ga/sixth/74/pdfs/statements/ilc/ israel_1.pdf, consulté le 12 juillet 2023).
300 À cet égard, voir Comité contre la torture, observation générale no 2, application de l’article 2 par les États parties, 24 janvier 2008, document publié sous la cote CAT/C/GC/2.
301 À ce sujet, voir O. Ben-Naftali, « The Obligations to Prevent and to Punish Genocide », in The UN Genocide Convention: A commentary (OUP, 2009). Voir également Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, résolution 28/34 sur la prévention du génocide du 27 mars 2015.
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4.165. Quel que soit le contenu précis de l’obligation de droit international coutumier de prévenir les crimes contre l’humanité, il ne fait aucun doute qu’Israël a manqué à son obligation de prévention de tels crimes, ne satisfaisant pas même au seuil minima exigé à cet égard. Non seulement Israël n’a pris aucune mesure préventive à quelque niveau gouvernemental que ce soit, mais les responsables israéliens — dont les membres du Gouvernement ainsi que les forces de police et de défense — encouragent activement la commission de crimes contre les Palestiniens, allant même parfois jusqu’à y participer directement302.
4.166. De surcroît, la culture d’impunité que dénoncent les victimes sur le terrain ainsi que les experts et organes de l’ONU illustre elle aussi le manquement d’Israël aux obligations de prévenir et de punir les crimes. En particulier, le Secrétaire général a dénoncé « l’incapacité à obliger les auteurs d’assassinats manifestement illégaux de Palestiniens à rendre des comptes [qui] est presque systématique, y compris dans les cas dont il est à craindre qu’il s’agisse d’exécutions extrajudiciaires et d’homicides volontaires »303. L’Assemblée générale a souligné qu’il incombait à Israël « d’enquêter sur tous les actes de violence perpétrés par des colons contre des civils palestiniens et leurs biens, de veiller à ce que les auteurs de ces actes soient traduits en justice et de mettre fin à l’impunité qui règne à cet égard »304.
4.167. S’intéressant en particulier aux défenseurs des droits de l’homme palestiniens, la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël « a recensé de nombreux cas de colons ayant agressé des défenseurs des droits humains en toute impunité »305. Elle a ajouté que « l’impunité généralisée dont jouissent les colons [était] exacerbée par le fait que les forces de sécurité et la police israéliennes traitent les défenseurs des droits humains comme des criminels, même en présence de preuves sérieuses indiquant que ces derniers sont les victimes »306.
4.168. Si le fait de mettre un terme à l’impunité des auteurs de crimes peut concourir à la prévention307, Israël, en manquant à son obligation de punir les crimes contre l’humanité commis dans le Territoire palestinien occupé, manque de manière encore plus fautive à son obligation de prévenir de tels crimes.
302 Voir, en particulier, par. 4.72-4.73 et 4.153.
303 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé, 3 octobre 2022, Assemblée générale, publié sous la cote A/77/493, par. 74.
304 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 77/126 du 12 décembre 2022.
305 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 9 mai 2023, publié sous la cote A/HRC/53/22, par. 20.
306 Ibid., par. 21.
307 Voir le commentaire du préambule du Projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, p. 26, par. 7. Il convient aussi de noter que la relation entre la prévention et la répression a été reconnue en lien avec la responsabilité pénale individuelle des supérieurs ou commandants au titre de leur devoir d’empêcher les crimes internationaux ou d’en réprimer l’exécution. Voir, par exemple, Cour pénale internationale (CPI), Le Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo, ICC-01/05-01/08-424, décision rendue en application des alinéas a) et b) de l’article 61‐7 du Statut de Rome, relativement aux charges portées par le procureur à l’encontre de Jean‐Pierre Bemba Gombo, Chambre préliminaire II, 15 juin 2009, par. 424 :
« lorsqu’un supérieur manque à ses devoirs pendant et après les crimes, ce comportement peut avoir un lien de cause à effet avec la commission de nouveaux crimes. La punition faisant partie intégrante de la prévention de la criminalité, le fait qu’un chef ait omis par le passé de punir des crimes tend à augmenter le risque de commission de nouveaux crimes. »
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4.169. Enfin, le mépris total pour les droits des victimes, y compris leur droit d’avoir accès aux tribunaux et d’obtenir réparation, est une autre manifestation de plus du manquement d’Israël à ses obligations en matière de crimes contre l’humanité308.
C. Israël manque à son obligation de ne pas se livrer à des actes constitutifs de crimes contre l’humanité
4.170. La Jordanie considère que le droit international coutumier impose aux États de ne pas se livrer à des actes constitutifs de crimes contre l’humanité309. En plus de manquer à son obligation de prévenir et punir les crimes contre l’humanité dans le Territoire palestinien occupé, Israël se livre directement à des actes constitutifs de tels crimes, manquant ainsi à son obligation de s’abstenir de commettre des actes constitutifs de crimes contre l’humanité.
4.171. S’agissant du crime de génocide, la Cour a expressément relevé que l’obligation d’un État de ne pas se livrer à des actes constitutifs de crimes en droit international résulte de la qualification du crime en tant que tel et que, « en acceptant cette qualification », les États « s’engagent logiquement à ne pas commettre l’acte ainsi qualifié »310. La Jordanie estime que c’est également vrai des crimes contre l’humanité. Elle relève de plus qu’Israël ne conteste pas l’existence et la qualification des crimes contre l’humanité en tant que tels. Au contraire, Israël « s’est réjoui des travaux de la CDI sur le thème des “crimes contre l’humanitéˮ » et a fait savoir qu’il estimait « qu’il est dans l’intérêt de la communauté internationale de donner un cadre général à la prohibition des crimes contre l’humanité »311.
4.172. Comme la souligné la CDI, « [d]ans le cas de crimes de droit international commis par des agents de l’État, il arrivera souvent que ce soit l’État lui-même qui soit responsable pour avoir commis les faits en cause ou pour ne pas les avoir empêchés ou réprimés »312. Dans le cas d’Israël, tel qu’indiqué ci-dessus, un certain nombre de crimes constitutifs de crimes contre l’humanité ont
308 La CDI a relevé le droit des victimes à porter plainte devant les autorités compétentes, de prendre part à la procédure pénale et d’obtenir réparation. Voir le commentaire du préambule du Projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, p. 26, par. 10. Voir également le projet d’article 12 sur le contenu et la portée des droits des victimes, des témoins et autres personnes, et les obligations correspondantes de l’État. Israël n’a fait aucun commentaire à ce sujet dans ses commentaires et observations soumis à la CDI le 30 novembre 2018 (voir State of Israel, « ILC Draft articles on Crimes against humanity — Israel’s initial comments and observations », 30 novembre 2018 (accessible à l’adresse suivante : https://legal.un.org/ilc/sessions/71/pdfs/english/cah_israel.pdf, consulté le 12 juillet 2023). Il a toutefois noté qu’il convenait de « tenir dûment compte » « des intérêts des victimes » (voir le paragraphe 10 des commentaires d’Israël). Le climat d’impunité dont il est question ci-dessus va clairement à l’encontre des intérêts des victimes et constitue une violation de leurs droits.
309 Comme l’a relevé la CDI, « si les crimes sont commis non par l’État lui-même, mais par des personnes, les actes qui les constituent peuvent néanmoins être attribuables à l’État au titre des règles régissant la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite », auquel cas il doit être établi que l’État a manqué à son obligation de ne pas se livrer à des actes qui constituent des crimes contre l’humanité. Voir le commentaire de l’article 3 du Projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, p. 48, par. 2.
310 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 113, par. 166.
311 State of Israel, « ILC Draft articles on Crimes against humanity — Israel’s initial comments and observations », 30 novembre 2018. Israël a de nouveau fait part de cette position devant la Sixième Commission au cours des débats qui ont suivi l’adoption de la seconde lecture du Projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité : voir Sixth Committee, Statement by Ms. Sarah Weiss Ma’udi, Legal Adviser, Permanent Mission of Israel to the United Nations, 28 octobre 2019 (accessible à l’adresse suivante : https://www.un.org/en/ga/sixth/74/pdfs/statements/ilc/israel_ 1.pdf, consulté le 12 juillet 2023).
312 Voir le commentaire de l’article 3 du Projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité, p. 49, par. 5.
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été commis par des membres de la police israélienne ou des forces de sécurité israéliennes elles-mêmes, et sont donc directement imputables à l’État.
4.173. En conséquence, Israël a également manqué à son obligation de ne pas se livrer à des actes constitutifs de crimes contre l’humanité.
V. LES CONSÉQUENCES JURIDIQUES DES VIOLATIONS DU DROIT INTERNATIONAL PAR ISRAËL
4.174. Les violations du droit international dont il a été question dans les sections précédentes de ce chapitre engagent la responsabilité d’Israël. Les conséquences juridiques du comportement illicite d’Israël concernent Israël lui-même, la Palestine, les États tiers et les Nations Unies, et doivent être déterminées en tenant compte de la nature grave et systématique des politiques et pratiques israéliennes, ainsi que de la nature erga omnes et jus cogens des obligations en cause.
4.175. La Jordanie rappelle que, dans l’avis consultatif rendu en 2004, la Cour avait déjà déclaré ce qui suit, au sujet de la construction du mur dans le territoire palestinien occupé :
« La Cour note qu’Israël est tout d’abord tenu de respecter les obligations internationales auxquelles il a contrevenu par la construction du mur en territoire palestinien occupé … En conséquence, Israël doit observer l’obligation qui lui incombe de respecter le droit à l’autodétermination du peuple palestinien et les obligations auxquelles il est tenu en vertu du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits de l’homme. Par ailleurs, il doit assurer la liberté d’accès aux Lieux saints passés sous son contrôle à la suite du conflit de 1967 …»
La Cour observe qu’Israël a également l’obligation de mettre un terme à la violation de ses obligations internationales, telle qu’elle résulte de la construction du mur en territoire palestinien occupé …
Israël a en conséquence l’obligation de cesser immédiatement les travaux d’édification du mur qu’il est en train de construire dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est. Par ailleurs, la Cour ayant indiqué plus haut … que les violations par Israël de ses obligations internationales résultaient de l’édification du mur et du régime juridique qui lui est associé, la cessation de ces violations implique le démantèlement immédiat des portions de cet ouvrage situées dans le territoire palestinien occupé, y compris a l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est. L’ensemble des actes législatifs et réglementaires adoptés en vue de son édification et de la mise en place du régime qui lui est associé doivent immédiatement être abrogés ou privés d’effet, sauf dans la mesure ou de tels actes, en ayant ouvert droit à indemnisation ou à d’autres formes de réparation au profit de la population palestinienne, demeurent pertinents dans le contexte du respect, par Israël, des obligations …
Au demeurant, la construction du mur dans le territoire palestinien occupé ayant notamment nécessité la réquisition et la destruction d’habitations, de commerces ainsi que d’exploitations agricoles, la Cour constate aussi qu’Israël a l’obligation de réparer tous les dommages causés à toutes les personnes physiques ou morales concernées …
Israël est en conséquence tenu de restituer les terres, les vergers, les oliveraies et les autres biens immobiliers saisis à toute personne physique ou morale en vue de l’édification du mur dans le territoire palestinien occupé. Au cas où une telle restitution
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s’avérerait matériellement impossible, Israël serait tenu de procéder à l’indemnisation des personnes en question pour le préjudice subi par elles. De l’avis de la Cour, Israël est également tenu d’indemniser, conformément aux règles du droit international applicables en la matière, toutes les personnes physiques ou morales qui auraient subi un préjudice matériel quelconque du fait de la construction de ce mur. »
313
4.176. Il en va de même de l’ensemble des politiques et pratiques d’Israël en cause en l’espèce. La première conséquence, et la plus élémentaire, découlant des faits internationalement illicites d’Israël est que celui-ci est tenu de cesser ces actes et de respecter ses obligations. En conséquence, Israël doit mettre un terme à toutes les politiques et pratiques qui violent : 1) le droit du peuple palestinien à l’autodétermination ; 2) le droit de l’occupation militaire, y compris l’interdiction d’établir des colonies et des « avant-postes » et l’interdiction de l’annexion des territoires occupés ; 3) le principe y afférent de la non-acquisition de territoire par la force ; 4) l’interdiction de toutes formes de discrimination ; 5) le droit international relatif aux réfugiés ; et 6) l’obligation de ne pas se livrer à des actes constitutifs de crimes contre l’humanité, et de prévenir et punir de tels crimes. Qui plus est, Israël doit garantir la liberté d’accès aux Lieux saints passés sous son contrôle à la suite du conflit de 1967 et ne pas porter atteinte au pouvoir de la direction jordanienne des Awqaf en matière de gestion de la mosquée al-Haram al-Charif/al-Aqsa, y compris l’entretien et la régulation de l’accès.
4.177. Israël est tenu de réparer intégralement le préjudice causé par ses faits internationalement illicites, que ce soit sous forme de restitution, d’indemnisation ou de satisfaction, séparément ou conjointement, réparation qu’il conviendra d’établir à la lumière de l’obligation à laquelle il a été contrevenu et des faits y afférents.
4.178. De plus, et conformément aux résolutions adoptées par les organes compétents des Nations Unies, toutes les mesures prises en violation du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, y compris celles prises en vertu du droit israélien afin de modifier le caractère et le statut juridiques, géographiques et démographiques de Jérusalem et du Territoire palestinien occupé dans son ensemble, sont nulles et non avenues et n’ont aucune validité juridique314.
4.179. Le manquement persistant d’Israël à ses obligations en droit international entraîne également des conséquences juridiques pour tous les États et pour les Nations Unies. Comme il a été souligné ci-dessus, il s’agit d’obligations erga omnes qui, pour la plupart, constituent des normes du jus cogens.
4.180. Le caractère jus cogens du droit à l’autodétermination, du principe de la non-acquisition de territoire par la force, de l’interdiction de la discrimination et de l’interdiction des crimes contre l’humanité entraîne des conséquences juridiques particulièrement importantes. Les violations graves des normes du jus cogens donnent lieu à une obligation faite à tous les États de coopérer pour mettre
313 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 197-198, par. 149-153.
314 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 478 (1980) du 20 août 1980 ; Assemblée générale, résolution 36/120 du 10 décembre 1980.
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fin, par des moyens licites, à ces violations, de ne pas reconnaître comme licite une situation créée par ces violations graves, ni prêter aide ou assistance au maintien de cette situation
315.
4.181. Un manquement à une obligation découlant d’une norme du jus cogens est grave « si elle dénote de la part de l’État responsable un manquement flagrant ou systématique à l’exécution de l’obligation »316. Comme l’a indiqué la CDI :
« Pour être considérée comme systématique, une violation doit avoir été commise de façon organisée et délibérée. En revanche, le terme “flagranteˮ renvoie à l’intensité de la violation ou de ses effets ; il dénote des violations manifestes qui représentent une attaque directe contre les valeurs protégées par la règle … Au nombre des facteurs pouvant déterminer la gravité d’une violation, on citera l’intention de violer la norme ; l’étendue et le nombre des violations en cause et la gravité de leurs conséquences pour les victimes. »317
4.182. Les faits décrits dans le présent exposé démontrent le manquement flagrant ou systématique d’Israël à son obligation de respecter le droit à l’autodétermination du peuple palestinien, le principe de la non-acquisition de territoire par la force, l’interdiction de la discrimination sous toutes ses formes, y compris la discrimination raciale, et l’interdiction des crimes contre l’humanité. En effet, derrière le prétexte savamment orchestré d’une occupation militaire, Israël se livre de façon régulière, directement et indirectement, à un usage disproportionné de la force contre les Palestiniens, à l’application discriminatoire de restrictions à la liberté de circulation et à l’exercice d’autres droits protégés. Il continue de ne tenir aucun compte non seulement des limites des activités autorisées prévues par la quatrième convention de La Haye, mais aussi des obligations mises à sa charge par la quatrième convention de Genève qui lui imposent d’assumer la responsabilité active du bien-être de la population sous son contrôle. En maintenant un climat d’impunité pour tous les crimes commis contre les Palestiniens, Israël manque de façon délibérée et flagrante à ses obligations en matière de crimes contre l’humanité.
4.183. Qui plus est, comme il a été montré précédemment dans ce chapitre, Israël cherche, dans les faits, à annexer les terres palestiniennes en recourant à l’expropriation, notamment de terres agricoles, en confisquant des maisons et des puits, en déniant aux Palestiniens le droit d’accéder à leur terre par un système de permis et de points d’accès fréquemment fermés, en faisant la promotion du développement favorable de colonies de peuplement israéliennes, en faisant usage de la force militaire pour protéger les colons tout en privant les Palestiniens de protection, en opposant un refus préjudiciable aux demandes de permis de construire des Palestiniens puis en démolissant les biens supposément construits sans permis, en désignant de larges zones de Cisjordanie comme des zones de tir militaires ou des « réserves naturelles » qui deviennent ainsi interdites d’accès aux Palestiniens, y compris à des fins de construction ou d’exploitation agricole. Par ces actes, et par bien d’autres, Israël continue de réprimer activement l’ensemble des droits civils et politiques du peuple de Palestine qui lui permettraient d’exercer son droit à l’autodétermination.
4.184. Ces violations graves de normes du jus cogens donnent lieu à une obligation faite à tous les États de coopérer pour y mettre fin, par des moyens licites, et de ne pas reconnaître comme licite
315 Voir l’article 41 du Projet d’articles de la CDI sur la responsabilité de l’État, p. 113-116. Voir également conclusion 19 du Projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens) de la CDI, p. 70-79.
316 Voir l’article 40 du Projet d’articles de la CDI sur la responsabilité de l’État, p. 112.
317 Voir l’article 40 du Projet d’articles de la CDI sur la responsabilité de l’État, p. 113, par. 8.
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une situation créée par ces violations graves, ni prêter aide ou assistance au maintien de cette situation
318.
4.185. S’agissant notamment du droit à l’autodétermination, la Cour a rappelé dans son avis de 2004 qu’
« aux termes de la résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale, … “[t]out État a le devoir de favoriser, conjointement avec d’autres États ou séparément, la réalisation du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, conformément aux dispositions de la Charte, et d’aider l’Organisation des Nations Unies à s’acquitter des responsabilités que lui a conférées la Charte en ce qui concerne l’application de ce principeˮ »319.
La Cour a ajouté que, en conséquence :
« tous les États sont dans l’obligation de ne pas reconnaître la situation illicite découlant de la construction du mur dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est. Ils sont également dans l’obligation de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par cette construction. II appartient par ailleurs à tous les États de veiller, dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international, à ce qu’il soit mis fin aux entraves, résultant de la construction du mur, à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination. »320
4.186. Ces obligations continuent de s’appliquer aujourd’hui, puisque le mur n’a jamais été démantelé. Qui plus est, tous les États sont tenus de satisfaire aux obligations correspondantes à l’égard de l’ensemble des politiques et pratiques d’Israël menées en violation du droit du peuple palestinien à l’autodétermination. De plus, tous les États parties au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques ont l’obligation concrète de « faciliter la réalisation de ce droit », conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies321. Cela implique une coordination avec l’OLP, qui est le seul représentant légitime du peuple palestinien.
4.187. Outre l’État lésé, les États qui ne sont pas eux-mêmes lésés sont aussi en droit d’invoquer la responsabilité d’un État qui viole une obligation erga omnes322. Il en découle que tous les États sont en droit d’invoquer la responsabilité d’Israël pour ses violations systématiques du droit du peuple palestinien à l’autodétermination ; des principes fondamentaux du droit de l’occupation militaire et du principe de la non-acquisition de territoire par la force ; de l’interdiction de la discrimination raciale ; et de l’interdiction des crimes contre l’humanité. Tout État peut demander la cessation de ces violations et des assurances et garanties de non-répétition et le respect de l’obligation de réparation intégrale dans l’intérêt de la Palestine et de la population palestinienne. En outre, tous les États parties à la quatrième convention de Genève relative à la protection des personnes civiles
318 Voir l’article 41 du Projet d’articles de la CDI sur la responsabilité de l’État, p. 113-114.
319 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 199, par. 156.
320 Ibid., p. 200, par. 159.
321 Conformément au paragraphe 3 de l’article premier commun aux deux Pactes, tous les États parties « sont tenus de faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et de respecter ce droit, conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies ».
322 Voir l’article 48 du Projet d’articles de la CDI sur la responsabilité de l’État, et le commentaire correspondant, p. 126-128.
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en temps de guerre, du 12 août 1949, ont l’obligation, dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international, de faire respecter par Israël le droit international humanitaire incorporé dans cette convention.
4.188. Enfin, les organisations internationales et régionales ont le droit d’invoquer la responsabilité d’Israël pour manquement à ses obligations erga omnes et pour violations de normes du jus cogens. Elles sont en droit de prendre des mesures licites pour mettre un terme à ces violations et pour amener Israël à s’acquitter desdites obligations.
4.189. Tout comme en 2004, l’Organisation des Nations Unies, et spécialement l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité, doit examiner quelles nouvelles mesures doivent être prises afin de mettre un terme à la situation illicite découlant de la violation persistante par Israël du droit à l’autodétermination du peuple palestinien323 et prendre les mesures nécessaires afin d’assurer l’application de leurs résolutions pertinentes sans plus tarder, en conformité avec le droit international. Il en va de même de tous les autres manquements d’Israël aux obligations découlant des normes impératives du droit international. Tous les États Membres des Nations Unies sont tenus de coopérer avec l’Organisation à cet égard324.
4.190. Comme il a été souligné dans le présent exposé écrit, la seule manière de s’assurer du respect du droit à l’autodétermination du peuple palestinien et de mettre un terme à toutes les autres violations d’Israël est de parvenir à une solution à deux États fondée sur les frontières de 1967. Celle-ci permettra au peuple palestinien de déterminer librement son statut politique et de poursuivre librement son développement économique, social et culturel, et assurera une paix juste, durable et globale pour tous les peuples de la région.
323 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 202, par. 163, point 3), al. E : « L’Organisation des Nations Unies, et spécialement l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité, doit, en tenant dûment compte du présent avis consultatif, examiner quelles nouvelles mesures doivent être prises afin de mettre un terme à la situation illicite découlant de la construction du mur et du régime qui lui est associé. »
324 Voir Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 139, par. 180, pour une conclusion similaire.
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CHAPITRE 5 QUESTION b)
5.1. La seconde question au sujet de laquelle l’Assemblée générale sollicite un avis de la Cour se lit comme suit :
« Quelle incidence les politiques et pratiques d’Israël visées [dans la question] a) ci-dessus ont-elles sur le statut juridique de l’occupation et quelles sont les conséquences juridiques qui en découlent pour tous les États et l’Organisation des Nations Unies ? »
5.2. Le point central soulevé par la question b) est celui de savoir si l’occupation par Israël du Territoire palestinien occupé, en tant que telle, est illicite au vu notamment des politiques et pratiques israéliennes traitées dans le chapitre 4 ci-dessus. Cela va au-delà de la question de la détermination des violations particulières du droit international qu’Israël a commises au fil des ans en ce qui concerne le Territoire palestinien occupé.
5.3. Les politiques et pratiques d’Israël traitées dans le chapitre 4, qui constituent des violations graves et systématiques du droit à l’autodétermination, du droit international humanitaire et de l’interdiction de la discrimination raciale, ne laissent aucun doute quant au fait que l’occupation du territoire palestinien est illicite dans son ensemble. Ces politiques et pratiques, qui équivalent à une occupation de durée indéterminée maintenue en vue d’une annexion, vont totalement à l’encontre des règles du droit international de l’occupation et sont incompatibles avec les buts essentiels de celui-ci325.
5.4. Les pratiques et politiques israéliennes montrent que, en réalité, Israël n’agit pas en tant que puissance occupante temporaire conformément au droit international humanitaire. Il cherche au contraire à annexer de manière permanente de vastes parties du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, au détriment du peuple palestinien. La Jordanie estime que, si elles sont considérées dans leur ensemble, les politiques et pratiques illicites d’Israël attestent que celui-ci entend déplacer et remplacer le peuple palestinien, et acquérir le territoire en question par la force. Il apparaît clairement que telle est la raison d’être de l’occupation israélienne ; en tant que telle, celle-ci constitue une violation flagrante du droit international326. Israël a donc l’obligation de se retirer dans les plus brefs délais de l’ensemble du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est.
5.5. Dans la question b), il est demandé à la Cour d’examiner deux points. Premièrement, il lui faut déterminer l’incidence des politiques et pratiques d’Israël sur « le statut juridique de l’occupation » du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est (section I). Deuxièmement,
325 Comme l’ont récemment relevé Lieblich et Benvenisti,
« le droit de l’occupation vise à sauvegarder les principes d’autodétermination et d’intégrité territoriale contre les annexions, tout en protégeant les droits fondamentaux des personnes. En distinguant les pouvoirs de l’occupant de ceux du souverain, il entend préserver la distinction entre l’occupation et la conquête, entre l’administration et l’annexion. »
Voir E. Lieblich et E. Benvenisti, Occupation in International Law (OUP, 2022), p. 11.
326 Voir également rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 14 septembre 2022, Assemblée générale, publié sous la cote A/77/328, par. 75-76 ; rapport de la rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, Francesca Albanese, 21 septembre 2022, Assemblée générale, publié sous la cote A/77/356, par. 9.
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elle est priée d’indiquer quelles sont « les conséquences juridiques » qui découlent de ce statut pour tous les États et l’Organisation des Nations Unies (section II). Chacun de ces deux points sera traité ci-après.
I. L’INCIDENCE DES POLITIQUES ET PRATIQUES D’ISRAËL SUR LE STATUT JURIDIQUE DE L’OCCUPATION
5.6. Pour les raisons énoncées dans la présente section, les politiques et pratiques d’Israël décrites au chapitre 4 ont sur le statut de l’occupation des territoires palestiniens occupés, y compris Jérusalem-Est, une incidence telle que cette occupation doit être considérée comme illicite dans son ensemble327. Ces politiques et pratiques contreviennent de la manière la plus fondamentale aux principes élémentaires du droit international moderne de l’occupation. Comme cela a été exposé dans la section II du chapitre 4 plus haut328 :
par sa nature même, l’occupation est une situation temporaire. Elle ne doit pas avoir une durée indéterminée ni devenir permanente ;
la puissance occupante ne peut acquérir la souveraineté sur le territoire occupé, que ce soit par annexion ou par tout autre moyen. Un tel dessein serait contraire aux principes les plus fondamentaux du droit international, notamment l’interdiction de l’emploi de la force et le principe corollaire de non-acquisition de territoire par la force, tels qu’ils sont consacrés par la résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale (déclaration relative aux relations amicales) ;
la puissance occupante a le devoir sacré de respecter le droit à l’autodétermination du peuple vivant dans le territoire, ainsi que les droits de l’homme qui y sont applicables.
5.7. Les politiques et pratiques israéliennes violent les principes susmentionnés de multiples façons.
5.8. Premièrement, Israël n’a jamais formellement admis le droit du peuple palestinien à l’autodétermination et, dans la pratique, empêche constamment ledit peuple de l’exercer. Comme cela a été démontré dans la section I du chapitre 4 plus haut, Israël a systématiquement violé ce principe fondamental du droit international, qui constitue une norme de jus cogens, et les conséquences juridiques en ont été énoncées. Le comportement d’Israël va donc à l’encontre d’un des buts fondamentaux du droit de l’occupation, qui, comme cela a déjà été indiqué, vise précisément à sauvegarder le droit des peuples à l’autodétermination pendant toute la durée d’une occupation.
5.9. Deuxièmement, la pratique israélienne illicite d’implantation de colonies de peuplement et le régime associé à celles-ci, notamment le transfert de colons israéliens et le déplacement forcé de communautés palestiniennes, attestent qu’Israël entend manifestement annexer un territoire qui appartient au peuple palestinien. Comme cela a été exposé dans les sections II et III du chapitre 4, la colonisation, le confinement et la fragmentation du Territoire palestinien occupé, y compris
327 Cela est distinct de la question de l’illicéité ab initio de l’occupation, qui résultait du fait qu’Israël avait employé illicitement la force en juin 1967, en violation du jus ad bellum (le principe de non-emploi de la force reflété au paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies), point que la Cour n’a pas à traiter pour répondre à la question b). L’illicéité ab initio de l’occupation a été rappelée par l’Assemblée générale des Nations Unies en plusieurs occasions. Voir, par exemple, résolutions 3414 (XXX) du 5 décembre 1975, par. 1-2 ; 31/61 du 9 décembre 1976, par. 2 ; 32/20 du 26 novembre 1977, par. 1 ; 33/29 du 7 décembre 1978, par. 1 ; 34/70 du 6 décembre 1979, par. 1 ; et 35/207 du 16 décembre 1980, par. 1.
328 Voir par. 4.26-4.94 plus haut.
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Jérusalem-Est, ne sauraient être considérés comme compatibles avec le droit de l’occupation
329. Celui-ci, considéré conjointement avec le principe de non-acquisition de territoire par la force, interdit l’annexion d’un territoire occupé, et la puissance occupante doit toujours agir conformément à ce principe fondamental, auquel la politique de colonisation et d’annexion menée par Israël constitue un affront direct et persistant.
5.10. Troisièmement, les lois et mesures discriminatoires d’Israël, que celui-ci applique systématiquement dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, en violation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, de la CIEDR et de la convention relative aux droits de l’enfant, ainsi que de la norme impérative interdisant la discrimination, montrent qu’il n’agit pas dans l’intérêt du peuple palestinien. Non seulement cela constitue une violation des obligations que le droit de l’occupation et le droit international des droits de l’homme imposent à Israël, mais cela atteste encore que l’objectif de ce dernier est de déplacer progressivement la population palestinienne de sa propre terre.
5.11. Quatrièmement, il n’existe aucune préoccupation en matière de sécurité ni préoccupation militaire qu’Israël pourrait raisonnablement invoquer pour justifier les mesures en question. De fait, même si celui-ci s’est occasionnellement appuyé sur des menaces terroristes pour expliquer ses actes, cela ne saurait être regardé comme une justification objective et proportionnelle dans le cadre du droit international humanitaire 56 ans après le début de l’occupation. Il n’existe aucune menace terroriste susceptible de justifier la violation persistante, par Israël, du droit du peuple palestinien à l’autodétermination ; l’expansion continue des colonies israéliennes sur la terre des Palestiniens ; l’annexion du Territoire palestinien occupé en violation du principe de non-acquisition de territoire par la force ; ou l’adoption par les autorités israéliennes d’une odieuse politique de discrimination raciale visant les Palestiniens.
5.12. Cinquièmement, comme cela a été exposé dans la section III du chapitre 3, tout en prenant l’ensemble des mesures susmentionnées, Israël a manqué d’engager de manière constructive des négociations relatives à un règlement définitif, conformément aux résolutions adoptées par les organes compétents de l’Organisation des Nations Unies et aux engagements qu’il a contractés en maintes occasions. Ce manquement atteste lui aussi la mauvaise foi dont fait preuve Israël en détenant le territoire en question : son intention est manifestement d’annexer le Territoire palestinien occupé, ce qui irait à l’encontre des buts du droit de l’occupation, du droit des Palestiniens à l’autodétermination et du principe de non-acquisition de territoire par la force330.
5.13. En conclusion, l’occupation israélienne du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, se traduit non seulement par des violations systématiques de plusieurs règles de droit
329 Voir également le commentaire de 1958 de l’article 49 (« Déportations, transferts, évacuations ») de la quatrième convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre de 1949, dans lequel le CICR a précisé ceci :
« Cette clause [le paragraphe 6], ajoutée, après quelques hésitations, par la XVIIe Conférence internationale de la Croix-Rouge, s’oppose à des transferts de population tels qu’en ont pratiqué, pendant la [seconde] guerre mondiale, certaines Puissances qui, pour des raisons politico-raciales ou dites colonisatrices, ont transféré des éléments de leur propre population dans des territoires occupés. Ces déplacements ont eu pour effet d’aggraver la situation économique de la population autochtone et de mettre en danger son identité ethnique » (p. 283).
330 Voir également E. Lieblich et E. Benvenisti, Occupation in International Law (OUP, 2022), p. 34 (« il ne détient pas le territoire pour des raisons légitimes en matière de sécurité, mais cherche à le conserver dans d’autres buts, tels qu’une annexion de fait … si les conditions posées par l’occupant aux fins d’un règlement pacifique ne sont pas motivées par des “intérêts raisonnables en matière de sécurité”, la poursuite de l’occupation est internationalement illicite »).
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international, notamment des normes de jus cogens, mais est aussi contraire aux principes fondamentaux du droit de l’occupation et, partant, est illicite dans son ensemble. L’occupation s’est muée en instrument de répression du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, devenant impossible à distinguer de régimes illicites tels que la domination coloniale ou l’apartheid.
II. LES CONSÉQUENCES JURIDIQUES POUR TOUS LES ÉTATS ET L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES QUI DÉCOULENT DU STATUT JURIDIQUE DE L’OCCUPATION
5.14. L’une des principales conséquences juridiques découlant de l’occupation illicite du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, est qu’Israël a l’obligation de se retirer, dans les plus brefs délais, de l’ensemble du territoire en question. En outre, cet État doit réparer intégralement ses faits internationalement illicites.
5.15. Dans son avis consultatif sur la Namibie, la Cour a indiqué ce qui suit :
« L’Afrique du Sud, à laquelle incombe la responsabilité d’avoir créé et prolongé une situation qui, selon la Cour, a été valablement déclarée illégale, est tenue d’y mettre fin. Elle a donc l’obligation de retirer son administration du territoire de la Namibie. Tant qu’elle laisse subsister cette situation illégale et occupe le territoire sans titre, l’Afrique du Sud encourt des responsabilités internationales pour violation persistante d’une obligation internationale. Elle demeure aussi responsable de toute violation de ses obligations internationales ou des droits du peuple namibien. Le fait que l’Afrique du Sud n’a plus aucun titre juridique l’habilitant à administrer le territoire ne la libère pas des obligations et responsabilités que le droit international lui impose envers d’autres États et qui sont liées à l’exercice de ses pouvoirs dans ce territoire. C’est l’autorité effective sur un territoire, et non la souveraineté ou la légitimité du titre, qui constitue le fondement de la responsabilité de 1’Etat en raison d’actes concernant d’autres États. »331
5.16. La Cour a également traité de l’obligation qui incombe à un État de se retirer d’un territoire occupé de manière illicite dans son avis consultatif sur les Chagos, dans le contexte de la décolonisation. Elle a indiqué que « le Royaume-Uni [étai]t tenu, dans les plus brefs délais, de mettre fin à son administration de l’archipel des Chagos, ce qui permettra[it] à Maurice d’achever la décolonisation de son territoire dans le respect du droit des peuples à l’autodétermination »332. Comme cela a été précisé dans la section V du chapitre 4, l’obligation faite à Israël, en tant que puissance occupante, de se retirer du Territoire palestinien occupé est renforcée par l’obligation analogue qui lui impose de se retirer de ce territoire au vu de la violation persistante du droit du peuple palestinien à l’autodétermination.
5.17. Le fait que l’occupation par Israël soit illicite ne signifie pas que les obligations mises à la charge de celui-ci par le droit de l’occupation de guerre, tant en application du droit international humanitaire que du droit international des droits de l’homme, cessent de s’appliquer333. Au regard de ces deux branches du droit, Israël reste tenu de respecter les droits de l’homme des personnes vivant dans le Territoire palestinien occupé conformément aux instruments pertinents auxquels il est
331 Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 54, par. 118.
332 Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 139, par. 178.
333 Voir également A. Roberts, « Prolonged Military Occupation: The Israeli-Occupied Territories since 1967 », in American Journal of International Law, vol. 84(1) (1990), p. 51.
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partie, tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la CIEDR, ainsi qu’au droit international coutumier. Ces personnes continueront de relever de la compétence d’Israël aux fins de ces obligations tant que celui-ci ne se sera pas totalement retiré des territoires occupés.
5.18. Conformément aux règles du droit international concernant la responsabilité de l’État, Israël doit réparer intégralement ses faits internationalement illicites. Il doit être pleinement remédié au préjudice causé au peuple palestinien, ainsi qu’à d’autres États, dont la Jordanie.
5.19. S’agissant des conséquences juridiques pour les autres États et l’Organisation des Nations Unies qui découlent du statut illicite de l’occupation, il convient de les déterminer en tenant compte de la nature des obligations mises à la charge d’Israël par le droit de l’occupation de guerre, ainsi que des conséquences juridiques découlant des violations connexes, commises par Israël, du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, du principe de non-acquisition de territoire par la force et de l’interdiction de la discrimination raciale.
5.20. Ainsi qu’elle l’a précisé dans son avis de 2004,
« [e]n ce qui concerne le droit international humanitaire, la Cour rappellera que, dans son avis consultatif sur la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, elle a indiqué qu’“un grand nombre de règles du droit humanitaire applicable dans les conflits armés sont si fondamentales pour le respect de la personne humaine et pour des ‘considérations élémentaires d’humanité’ …”, qu’elles “s’imposent … à tous les États, qu’ils aient ou non ratifié les instruments conventionnels qui les expriment, parce qu’elles constituent des principes intransgressibles du droit international coutumier” … De l’avis de la Cour, les règles en question incorporent des obligations revêtant par essence un caractère erga omnes. »334
5.21. Il s’ensuit que tous les États « ont l’obligation, dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international, de faire respecter par Israël le droit international humanitaire »335. Plus précisément, ils sont tenus de veiller à ce qu’Israël se retire du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, compte tenu du fait que l’occupation est illicite.
5.22. L’Organisation des Nations Unies, et en particulier l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité, devrait rechercher quelle mesure supplémentaire est requise pour mettre fin à la situation illicite résultant de l’occupation illicite, par Israël, du Territoire palestinien occupé, en tenant dûment compte de l’avis consultatif devant être donné par la Cour336.
334 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 199, par. 157.
335 Ibid., p. 200, par. 159.
336 Ibid., p. 200, par. 160.
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CONCLUSIONS
Pour les raisons énoncées dans les première et seconde parties du présent exposé écrit, le Royaume hachémite de Jordanie prie respectueusement la Cour :
1) de dire qu’elle a compétence pour donner l’avis consultatif sollicité dans la résolution 77/247 de l’Assemblée générale, et de donner suite à la demande ;
2) de répondre à la question a) comme suit :
a) les politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, emportent violation du droit du peuple palestinien à l’autodétermination ; du droit de l’occupation ; de l’interdiction de l’acquisition de territoire par la force ; du droit international des droits de l’homme, notamment l’interdiction de la discrimination ; du droit international des réfugiés ; et d’autres règles de droit international, y compris celles concernant les Lieux saints de Jérusalem-Est et celles qui ont trait à l’interdiction des crimes contre l’humanité ;
b) les conséquences juridiques de ces violations pour Israël, pour les États tiers et pour l’Organisation des Nations Unies et d’autres organisations internationales sont celles prévues par le droit international de la responsabilité pour fait internationalement illicite ;
c) en particulier :
i) Israël est dans l’obligation de cesser ses faits internationalement illicites, et notamment ses violations du droit international applicable à l’entretien, à la préservation et à l’administration des Lieux saints de Jérusalem-Est ainsi qu’à la liberté d’accès à ces derniers ;
ii) toutes les mesures prises en violation du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, y compris celles prises en vertu du droit israélien afin de modifier le caractère et le statut juridiques, géographiques et démographiques de Jérusalem et du Territoire palestinien occupé dans son ensemble, sont nulles et non avenues et n’ont aucune validité juridique ;
iii) Israël est dans l’obligation de réparer intégralement l’ensemble des préjudices causés par ses faits internationalement illicites ;
iv) tous les États sont dans l’obligation de ne pas reconnaître comme licite la situation créée par les faits internationalement illicites d’Israël, et de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de cette situation ;
v) tous les États sont dans l’obligation de reconnaître le droit à l’autodétermination du peuple palestinien, et notamment l’exercice de ce droit au sein d’un État de Palestine viable et indépendant ;
vi) tous les États sont dans l’obligation de coopérer, notamment avec l’Organisation des Nations Unies, afin de mettre fin aux faits internationalement illicites d’Israël ;
vii) l’Organisation des Nations Unies, et spécialement l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité, doit, en tenant dûment compte de l’avis consultatif, examiner quelles nouvelles mesures doivent être prises afin de mettre un terme aux faits internationalement illicites d’Israël ;
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3) de répondre à la question b) comme suit :
a) l’occupation par Israël du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, est illicite ;
b) Israël est dans l’obligation de mettre fin à l’occupation dans les plus brefs délais ;
c) tous les États sont dans l’obligation de ne pas reconnaître la situation illicite résultant de l’occupation illicite du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et de ne pas prêter aide et assistance au maintien de la situation créée par l’occupation ;
d) tous les États parties à la quatrième convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949, ont en outre l’obligation, dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international, de faire respecter par Israël le droit international humanitaire incorporé dans cette convention ;
e) l’Organisation des Nations Unies, et spécialement l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité, doit, en tenant dûment compte de l’avis consultatif, examiner quelles nouvelles mesures doivent être prises afin de mettre un terme à l’occupation illicite.
___________
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
CONSÉQUENCES JURIDIQUES DÉCOULANT DES POLITIQUES ET PRATIQUES D’ISRAËL DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ, Y COMPRIS JÉRUSALEM-EST (REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF)
EXPOSÉ ÉCRIT DU ROYAUME HACHÉMITE DE JORDANIE
DEUXIÈME PARTIE
25 juillet 2023
[Traduction du Greffe]
TABLE DES MATIÈRES
Page
Chapitre 1 - Résumé et glossaire ........................................................................................................ 1
I. Résumé ..................................................................................................................................... 1
II. Glossaire .................................................................................................................................. 3
Chapitre 2 - Lieux saints et tutelle confiée aux rois hachémites ........................................................ 4
I. Les Lieux saints musulmans et les Lieux saints chrétiens dans le territoire occupé ................ 4
A. Les Lieux saints musulmans ............................................................................................... 4
La mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif ............................................................................... 4
La mosquée Nabi Dawoud (y compris le Cénacle) .......................................................... 10
Le cimetière Bab al-Rahmah ............................................................................................ 10
Ribat al-Kurd .................................................................................................................... 10
B. Les Lieux saints chrétiens ................................................................................................. 11
L’église du Saint-Sépulcre ................................................................................................ 12
L’église Sainte-Marie-des-Germains ................................................................................ 12
L’église Sainte-Marie-la-Neuve (ou église Néa) .............................................................. 13
II. Le statu quo historique et la tutelle confiée aux rois hachémites .......................................... 13
A. Le statu quo ...................................................................................................................... 13
B. La tutelle des rois hachémites sur les Lieux saints musulmans ........................................ 16
C. La tutelle des rois hachémites sur les Lieux saints chrétiens ............................................ 20
D. La reconnaissance internationale de la tutelle des rois hachémites sur les Lieux saints musulmans et chrétiens ........................................................................................... 23
Chapitre 3 - Catégories de violations commises par Israël contre la mosquée al-Aqsa/ Haram al-Charif et d’autres Lieux saints .................................................................................... 24
I. Destructions ........................................................................................................................... 24
A. Démolition injustifiée et illicite du quartier Maghrébin historique .................................. 25
B. La rampe d’accès à la porte des Maghrébins / la montée des Maghrébins ....................... 27
C. Percement de tunnels — Extension et intégrité — Travaux d’excavation dangereux dans, autour et sous la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif ............................................... 31
D. Attaques militaires contre la mosquée al-Qibli ................................................................. 38
- ii -
E. Défaut de prévention d’un grave incendie criminel dans la mosquée al-Qibli ................. 40
II. Entraves à l’accès des fidèles (et attaques contre ces derniers) ............................................. 41
A. Agressions physiques de fidèles et de personnalités religieuses ....................................... 41
B. Interdiction d’entrée pour les fidèles ou les personnalités religieuses .............................. 42
C. Fermeture de certains Lieux saints ................................................................................... 45
III. Entraves aux travaux de restauration ou d’entretien ............................................................. 46
IV. Modifications ........................................................................................................................ 47
A. Défaut de prévention des tentatives provocatrices de poser la première pierre du « troisième Temple » ........................................................................................................ 47
B. Projets de construction ...................................................................................................... 48
C. Utilisation trompeuse de la signalisation officielle ........................................................... 53
D. Utilisation trompeuse de cartes touristiques officielles .................................................... 54
E. Confiscations ou saisies de terres ..................................................................................... 54
V. Actes et incursions relevant de l’agression ou de la provocation (ou incapacité ou refus de prendre des mesures efficaces pour protéger les Lieux saints et les fidèles) ................... 56
VI. Mesures administratives arbitraires ...................................................................................... 80
VII. Exposé synthétique des faits ................................................................................................ 80
Chapitre 4 - Les obligations incombant à Israël au regard du droit international applicable ........... 82
I. La responsabilité des États ..................................................................................................... 82
II. Le droit international applicable tel que confirmé par la Cour dans son avis consultatif sur le mur ............................................................................................................................... 83
A. Le statut de Jérusalem-Est en droit international et celui d’Israël à l’égard de celle-ci .......................................................................................................................... 84
B. Applicabilité du droit international humanitaire ............................................................... 85
C. Applicabilité du droit international des droits de l’homme .............................................. 86
III. Le droit international humanitaire ......................................................................................... 87
A. La quatrième convention de Genève ................................................................................ 87
B. Le règlement de La Haye de 1907 .................................................................................... 93
C. La convention sur les biens culturels et ses premier et deuxième protocoles ................... 94
IV. Le droit international des droits de l’homme ........................................................................ 96
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A. La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 .............................................. 97
B. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 ................................ 97
C. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 ....... 99
D. La convention internationale de 1969 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ...................................................................................................... 100
E. La déclaration de 1981 sur l’élimination de toutes formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction .................................................. 101
F. La résolution 73/176 de l’Assemblée générale des Nations Unies du17 décembre 2018 ................................................................................................................................ 102
G. La résolution 73/285 de l’Assemblée générale des Nations Unies du 2 avril 2019 ........ 103
V. Le droit international relatif au patrimoine .......................................................................... 103
La convention de 1972 concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel ....................................................................................................................... 103
VI. Israël est tenu de respecter les « garanties particulières » ................................................... 104
VII. Israël est tenu de respecter pleinement la tutelle confiée aux rois hachémites .................. 104
Chapitre 5 - L’Organisation des Nations Unies et ses États Membres ont toujours reconnu que le comportement d’Israël à l’égard des Lieux saints emportait violation du droit international applicable ............................................................................................................. 106
I. L’Assemblée générale et le Conseil de sécurité de l’ONU .................................................. 106
II. Le Conseil des droits de l’homme........................................................................................ 107
III. L’UNESCO .......................................................................................................................... 107
IV. Le Secrétaire général de l’ONU .......................................................................................... 109
V. L’Organisation de la coopération islamique ........................................................................ 113
VI. La Ligue des États arabes ................................................................................................... 113
VII. Les violations continues commises par Israël contre les Lieux saints à Jérusalem-Est contreviennent au droit international applicable .................................................................. 114
VIII.Observations finales .......................................................................................................... 115
IX. Conclusions ......................................................................................................................... 116
CHAPITRE 1 RÉSUMÉ ET GLOSSAIRE
I. RÉSUMÉ
1. La présente partie de l’exposé écrit traite des obligations de droit international incombant à Israël, notamment en tant que puissance occupante, à l’égard des Lieux saints (ce qui inclut les Lieux saints musulmans et les Lieux saints chrétiens) dans le territoire occupé, de la manière dont Israël a contrevenu à ces obligations et des conséquences qui en découlent. Les renvois aux pièces relatives à cette partie de l’exposé écrit sur les Lieux saints sont indiqués comme suit : [HP Exhibit xx/numéro de page].
2. La Jordanie fait respectueusement valoir que, à toutes les époques pertinentes depuis leur occupation illicite de Jérusalem-Est en juin 1967 et le maintien de cette occupation, les autorités israéliennes ont agi en violation flagrante d’obligations de droit international.
3. Pire encore, depuis le début de l’occupation en juin 1967, les autorités israéliennes n’ont cessé de prendre des mesures visant délibérément à porter atteinte à l’intégrité structurelle des Lieux saints musulmans, en en démolissant ou détruisant des parties anciennes sans aucun motif légitime. Ainsi que cela sera précisé ci-après, ces actes et omissions ne peuvent se justifier en invoquant des « nécessités militaires » et encore moins « la sécurité et l’ordre publics ». Ce sont des mesures prises par un occupant illicite qui s’efforce de modifier la situation sur le terrain.
4. En outre, les autorités israéliennes ont montré qu’elles ne pouvaient ou ne voulaient pas garantir le respect effectif de la liberté de culte des chrétiens et des musulmans.
5. De surcroît, depuis 2000, par leurs omissions ou actes délibérés, les autorités israéliennes entravent de plus en plus l’accès aux Lieux saints chrétiens et musulmans, non seulement des fidèles mais aussi des autorités chargées d’assurer le maintien et la conservation de ces lieux.
6. Les autorités israéliennes ont en outre facilité des actions hautement provocatrices menées par des extrémistes juifs sur les Lieux saints, ou montré qu’elles ne pouvaient ou ne voulaient pas les empêcher, ces actions étant souvent accomplies sous l’oeil vigilant et en présence de membres lourdement armés de la police ou de l’armée israélienne.
7. Ainsi que cela sera exposé en détail ci-après, les actes et omissions d’Israël constituent des violations flagrantes du droit international (et, dans certains cas, des violations graves constitutives de crimes de guerre), ce d’autant plus si l’on tient compte de l’intention manifeste qui les sous-tend, à savoir de « modifier la situation sur le terrain » au moyen d’une occupation illicite prolongée et d’un comportement illicite persistant. Un semblant de légitimité ne saurait profiter à l’illicéité, a fortiori lorsque celle-ci est flagrante, prolongée et dénoncée.
8. Dans ce contexte, par ses actes et omissions, Israël a manqué, entre autres, aux obligations que lui imposent, en tant que puissance occupante, diverses dispositions du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits de l’homme, parmi lesquelles :
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l’article 53 de la quatrième convention de Genève (1949), du fait de la destruction de biens privés ou publics ou de la non-protection de biens consacrés à des fins religieuses, caritatives ou pédagogiques, en particulier le quartier Maghrébin, qui comprend des immeubles d’habitation, en juin 1967 ;
l’article 27 de la quatrième convention de Genève (1949), du fait du non-respect ou de la non-protection effective des convictions et pratiques religieuses des musulmans et des chrétiens ;
l’article 43 de la section III du règlement de La Haye (1907), pour avoir entravé l’administration du waqf islamique de Jérusalem et fait obstacle aux mesures nécessaires au maintien et à la sauvegarde des Lieux saints ;
l’article 46 de la section III du règlement de La Haye (1907), pour avoir délibérément bafoué ou manqué de respecter ou de protéger de manière effective les convictions religieuses des musulmans et des chrétiens ;
les articles premier et 2 de la convention pour la protection des biens culturels (1954), pour avoir détruit ou autorisé la destruction de biens culturels et religieux, ou avoir manqué de prendre des mesures efficaces pour empêcher la destruction de ces biens, lesquels incluent les Lieux saints et les structures qui s’y rattachent (tels que définis dans la présente section), en particulier la rampe d’accès à la porte des Maghrébins qui a été détruite en 2008 et remplacée par une passerelle en bois et acier de style militaire ;
l’article 5 de la convention pour la protection des biens culturels (1954), pour avoir empêché ou entravé, ou manqué de soutenir par des mesures efficaces, les efforts des autorités jordaniennes compétentes et des personnes travaillant avec elles à l’effet d’assurer la sauvegarde et la conservation de biens culturels et religieux, y compris des Lieux saints (tels que définis dans la présente section) ;
les articles 18 et 27 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948), du fait des restrictions et entraves au culte religieux des musulmans et des chrétiens et à la possibilité pour ceux-ci de prendre part à la vie culturelle de leur communauté ;
les paragraphes 1 et 3 de l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966) et l’article premier de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1969), pour avoir restreint ou entravé le droit à la liberté de religion des musulmans et des chrétiens, ou avoir manqué de prendre des mesures efficaces aux fins de la protection de ce droit ;
les articles 2 et 3 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966), du fait des discriminations fondées sur la religion visant les musulmans et les chrétiens, ou pour avoir manqué de prendre des mesures efficaces pour prévenir les discriminations fondées sur la religion ou avoir manqué de protéger le droit des musulmans et des chrétiens à la diversité culturelle et religieuse.
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II. GLOSSAIRE
9. Le tableau ci-après contient un glossaire des termes essentiels :
Terme
Définition
Adhān
L’appel à la prière chez les musulmans
Al-Isrāʾ
Le voyage nocturne du prophète Mahomet (que la paix soit avec lui) depuis la grande mosquée de La Mecque jusqu’à la mosquée al-Aqsa à Jérusalem ; c’est aussi le nom de la sourate 17 du Coran
Al-Mi’raj
L’Ascension, soit le moment où le prophète Mahomet (que la paix soit avec lui) monte aux cieux depuis la mosquée al-Aqsa pendant le voyage nocturne sacré Al-Isrāʾ
Al-Qiyama
Nom arabe donnée à l’église du Saint-Sépulcre
Al-Qods al-Charif (parfois uniquement appelé Al-Qods)
Nom arabe donnée à Jérusalem
firman
Édit ou décret pris par un souverain ottoman ou du Moyen-Orient
khalife/calife
Dirigeant musulman civil ou religieux considéré comme un représentant d’Allah sur Terre
minbar
Chaire d’une mosquée d’où l’imam prononce les sermons
mistabah
Plate-forme
muezzin
Personne chargée de lancer l’appel à la prière cinq fois par jour
Qubbat al-Miraj
Nom arabe donnée au dôme de l’Ascension
Qubbat al-Sakhrah
Nom arabe donnée au dôme du Rocher
sebil
Fontaine publique d’eau potable
ṣalāt
Prière islamique
waqf (ou awqaf au pluriel)
Biens donnés, légués ou acquis afin d’être détenus en fiducie perpétuelle en faveur de causes caritatives générales ou spécifiques d’intérêt social
N.B. : terme également utilisé pour désigner la direction générale jordanienne des Awqaf de Jérusalem et des affaires de la mosquée al-Aqsa, appelée également « direction des Awqaf »
zaouïa
Établissement religieux, souvent associé au soufisme
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CHAPITRE 2 LIEUX SAINTS ET TUTELLE CONFIÉE AUX ROIS HACHÉMITES
I. LES LIEUX SAINTS MUSULMANS ET LES LIEUX SAINTS CHRÉTIENS DANS LE TERRITOIRE OCCUPÉ
10. Le territoire occupé, en particulier la ville de Jérusalem, compte de nombreux lieux ayant une signification profonde pour les musulmans et les chrétiens. Par souci de concision, la Jordanie n’a pas souhaité se livrer à un examen exhaustif de chaque mosquée, église ou autre lieu d’intérêt pour les deux religions. Aux fins des questions posées dans la demande d’avis consultatif soumise à la Cour internationale de Justice, elle s’attachera aux lieux revêtant une importance toute particulière qui ont été l’objet de violations flagrantes et répétées commises par Israël durant l’occupation. Le comportement d’Israël à cet égard reflète son attitude générale envers les Lieux saints chrétiens et musulmans dans le territoire occupé.
11. Dans les développements qui suivent, les lieux situés dans le territoire occupé qui sont considérés comme des lieux de culte ou ayant quelque autre importance religieuse pour les musulmans sont dénommés les « Lieux saints musulmans », les lieux de culte ou ayant quelque autre importance religieuse pour les chrétiens étant dénommés les « Lieux saints chrétiens ». En tant que de besoin, ils seront dénommés collectivement les « Lieux saints ».
A. Les Lieux saints musulmans
La mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif1
1 Islamiclandmarks.com, Masjid Al-Aqsa infographic, the Hashemite Fund for the Restoration of Al-Aqsa Mosque, PASSIA and the Jerusalem Awqaf Administration [HP Exhibit 359/p. 3402].
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12. La mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif constitue pour les musulmans l’un des trois lieux les plus sacrés au monde. Il s’agit de l’espace et du terrain (constructions incluses) d’une superficie totale de plus de 144 dounams2 entourés de quatre murs mesurant 491 mètres de long à l’ouest, 462 mètres à l’est, 310 mètres au nord et 280 mètres au sud. Ce lieu comprend la mosquée al-Qibli, la mosquée Marwani, le dôme du Rocher, la mosquée al-Bouraq, l’ancienne Aqsa, et Bab al-Rahmah. Il inclut l’ensemble des terrains, salles de prière, écoles, bibliothèques, zaouïas soufies, bureaux, bains rituels, sebils, corridors, mistabahs, citernes d’eau, voies d’eau et tout ce qui se trouve au-dessus et au-dessous de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif. Il comprend également toutes les routes et passerelles menant à ses portes ainsi que les murs eux-mêmes, dont le mur al-Bouraq. Sont aussi compris les biens waqf qui se rattachent à ce lieu et à ses environs. En outre, la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif englobe aussi les structures que les autorités israéliennes ont délibérément endommagées ou détruites dès 1967, notamment le quartier Maghrébin, rasé en 1967 afin d’aménager un espace plus important au niveau du Mur occidental pour la prière juive, ainsi que la rampe d’accès à la porte des Maghrébins, détruite en 2008 (remplacée par une passerelle en bois et métal pouvant permettre à un plus grand nombre de véhicules et de militaires d’accéder à la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif).
Définition
13. Ainsi que cela est précisé ci-après, les termes « mosquée al-Aqsa » et « Haram al-Charif » sont utilisés indifféremment comme synonymes.
14. Le terme « mosquée al-Aqsa » est la traduction française de deux expressions différentes en arabe : al-Masjid al-Aqṣā ( ٱلْمَسْجِد ٱلْأَقْصَىٰ ).
15. L’expression arabe al-Masjid al-Aqṣā apparaît dans Al-Isrāʾ, le dix-septième chapitre (ou sourate) du Coran. Al-Isrāʾ relate la première partie du « voyage nocturne » durant laquelle le prophète Mahomet (que la paix soit avec lui) s’est rendu sur son coursier dénommé Bouraq de la grande mosquée de La Mecque à « la mosquée la plus lointaine » (al-Masjid al-Aqṣā), puis, ayant guidé d’autres prophètes (notamment Abraham, Jésus et Moïse) dans la prière, est monté aux cieux (dans Al-Mi’raj, qui raconte la deuxième partie du « voyage nocturne »). Il a de tout temps été considéré que al-Masjid al-Aqṣā faisait référence à l’intégralité du complexe de 144 000 mètres carrés (ou 144 dounams) qui, pendant les périodes mamelouke et ottomane, fut communément appelé al-Ḥaram ash-Sharīf ( الَْحَرَم الشَّرِیْف ) ou « Haram al-Charif »38F
3.
16. L’expression arabe Jāmiʿ al-Aqṣā renvoie au bâtiment situé à l’extrémité sud du Haram al-Charif qui comprend la mosquée al-Qibli (Muṣallā al-Qiblī).
17. Les autorités israéliennes et certains fidèles de confession juive appellent de plus en plus le « Haram al-Charif » le « mont du Temple », reprenant la traduction française de l’appellation hébraïque Har haBayīt. La raison avancée est que cette zone fut le site du premier temple juif détruit
2 1 dounam = 1 000 m2.
3 Voir, par exemple, Palmer EH, ‘History of the Haram Es Sherif: Compiled from the Arabic Historians’ in Palestine Exploration Quarterly, Vol. 3(3) (1871), p. 122-132, accessible à l’adresse : https://doi.org/ 10.1179%Fpeq.1871.012. ISSN 0031-0328 : « EXCURSUS SUR LE NOM MASJID EL AKSA. Afin de comprendre les récits autochtones de la zone sacrée de Jérusalem, il est indispensable de garder à l’esprit la bonne application des différents noms qu’on lui donne. Lorsqu’il est question de Masjid el Aksa, ce nom renverrait en général à la célèbre mosquée située au sud du Haram, mais ce n’est pas véritablement le cas. Cet édifice porte le nom de El Jámʻi el Aksa, ou simplement El Aksa, et les soubassements s’appellent El Aksa el Kadímeh (l’ancienne Aksa), tandis que l’appellation El Masjid el Aksa s’applique à l’intégralité du sanctuaire » [HP Exhibit 256/p. 2105].
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par l’Empire néo-babylonien en 957 AEC puis du second temple détruit par l’Empire romain en 70 EC, et que c’est là que le troisième et dernier temple devrait être construit au retour du messie. Certains fidèles de confession juive sont considérés comme des extrémistes (y compris par certains Juifs) parce qu’ils ont la conviction qu’il ne faut pas attendre le retour du messie et qu’il faut accomplir la volonté de Dieu sur Terre en détruisant la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif pour y construire un « troisième temple ».
18. En outre, dans un nouvel acte de provocation délibéré, le ministère israélien des affaires étrangères s’emploierait, depuis novembre 2014, à imposer sa propre représentation erronée de la « mosquée al-Aqsa » qui tente d’en réduire la définition et de limiter le « Haram al-Charif » à la seule mosquée al-Qibli4 — sans nul doute pour chercher de manière illégitime à brouiller la perception de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, ainsi que la nature et l’étendue du rôle et de la responsabilité des musulmans à l’égard de ce lieu, et pour compromettre la tutelle hachémite sur cette mosquée (comme le montre très clairement l’image ci-dessous, publiée sur le site Internet du ministère israélien des affaires étrangères le 10 septembre 2015) :
5
19. De telles tentatives de la part d’Israël ont immédiatement été contestées par la Jordanie, qui oeuvre pour qu’une définition correcte de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif soit maintenue sur le plan international, notamment dans les documents de l’UNESCO relatifs à la vieille ville de Jérusalem. Le 4 mars 2015, la Jordanie a ainsi diffusé auprès de l’ensemble de ses missions diplomatiques une note verbale exposant clairement sa position6.
20. Nonobstant les efforts déployés par les autorités israéliennes pour semer la confusion, la définition établie et acceptée de la « mosquée al-Aqsa » est celle qui inclut l’intégralité du complexe
4 Jordanian-Palestinian Status Report, The State of Conservation of the Old City of Jerusalem and its Walls (15 April 2019), p. 18 [HP Exhibit 8/p. 217].
5 Website of Israel’s Ministry of Foreign Affairs, The Temple Mount: Background (10 September 2015) [HP Exhibit 285/p. 2229].
6 Note Verbale from Jordan’s Ministry of Foreign Affairs to all Jordanian diplomatic missions (4 March 2015) [HP Exhibit 137/p. 1366-1370].
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du « Haram al-Charif », ces termes étant synonymes. Il sera donc ici fait référence conjointement à la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif.
Histoire de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif
21. En 638 EC, Sophrone, le patriarche de Jérusalem, céda pacifiquement Jérusalem au second calife Omar bin Al-Khattab, qui donna l’ordre de construire la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif sur le site du « voyage nocturne ». Conformément aux modalités prévues à la prise de Jérusalem, le pacte d’Umar indiquait ce qui suit :
« Au nom d’Allah, clément et miséricordieux.
Voici ce que le serviteur d’Allah, Omar bin Al-Khattab, commandeur des croyants, offre aux habitants de Jérusalem : il leur garantit sécurité et protection pour eux-mêmes, leurs biens, leurs églises, leurs enfants, les faibles et les innocents parmi eux ainsi que pour le reste de leur communauté. Leurs églises ne seront ni investies ni détruites, rien ne sera endommagé ni dénigré, ni les croix, ni les biens ; ils ne seront pas convertis de force et nul d’entre eux ne sera opprimé. »7
22. Durant la période omeyyade, la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif fut reconstruite avec une extension en or, le dôme du Rocher, dont la construction s’est achevée en 691 EC8.
23. Sous les dynasties successives des Abbassides et des Fatimides, Jérusalem devint un centre important pour la vie académique spirituelle et religieuse des musulmans de tout l’Empire islamique ; de nouveaux travaux de rénovation furent menés à bien pour entretenir la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif9.
24. Après être tombée aux mains des Européens à l’issue de la première croisade en 1099, Jérusalem fut reconquise par Salah al-Din Yusuf ibn Ayyub (plus connu sous le nom de Saladin) en 118710. Sous le règne de ce dernier, les chrétiens indigènes furent autorisés à rester à Jérusalem et les Juifs expulsés à y revenir ; d’importants travaux de restauration de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif et de l’église du Saint-Sépulcre furent entrepris11.
25. Pendant la période mamelouke, nombre d’écoles, d’hôtels, de fontaines et de marchés que l’on trouve encore aujourd’hui à l’intérieur et aux alentours de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif furent reconstruits12. Ainsi que cela est démontré ci-après, même ces bâtiments ont été la cible de violations par Israël, notamment la confiscation de l’école Tankaziyyah.
7 The Royal Aal Al-Bayt Institute for Islamic Thought, The Hashemite Custodianship of Jerusalem’s Islamic and Christian Holy Sites 1917-2020 CE: White Paper (2020) (“White Paper”), p. 14-16, où sont reproduites des photographies du pacte d’Umar conservé au patriarcat grec-orthodoxe de Jérusalem et signé par Muhammad Ali Al-Khalidi (juge de la Charia à Jérusalem à l’époque du règne du sultan ottoman Mahmoud II) [HP Exhibit 9/p. 361-363].
8 White Paper, p. 14, par. 17 [HP Exhibit 9/p. 361].
9 White Paper, p. 17, par. 18 [HP Exhibit 9/p. 364].
10 White Paper, p. 17, par. 20-21 [HP Exhibit 9/p. 364-365].
11 White Paper, p. 17-18, par. 20-22 [HP Exhibit 9/p. 364-365].
12 White Paper, p. 18, par. 22 [HP Exhibit 9/p. 365].
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26. Pendant la période ottomane, le dôme du Rocher fut restauré sous le règne du sultan Soliman le Magnifique, qui renforça aussi l’enceinte de la vieille ville13.
14
Topographie de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif
27. La mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif compte trois niveaux :
27.1. Le niveau souterrain englobe les citernes, les canaux et les bâtiments. Il inclut la mosquée Marwani, la salle de prière al-Bouraq et la salle de prière Bab al-Rahmah ;
27.2. Le premier niveau comprend la mosquée al-Qibli et la cour principale qui inclut arches, corridors, plate-formes, puits, fontaines publiques et autres structures ;
27.3. Le niveau supérieur (qui s’élève légèrement au-dessus de la surface du sol) inclut le dôme du Rocher et ses environs.
28. La mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif comprend de multiples mosquées, écoles, portes, salles, cimetières et monuments qui ont une importance capitale pour les musulmans du monde entier. Par souci de concision, la Jordanie n’a pas souhaité décrire ici de manière exhaustive chacun
13 White Paper, p. 18, par. 23-24 [HP Exhibit 9/p. 365].
14 Compte tenu du nombre de lieux et sites importants dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, cette légende, qui recense 136 sites, est difficile à lire. Une version plus lisible que l’on peut agrandir se trouve à l’adresse suivante : https://haramalaqsa.com.
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des éléments de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, certains d’entre eux étant toutefois présentés brièvement ci-après afin de fournir un certain contexte à l’examen des agressions israéliennes commises contre la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif15 :
28.1. Le dôme du Rocher (Qubbat al-Sakhrah) est un sanctuaire musulman comportant des ornements et une coupole dorée visible depuis la majeure partie de la ville de Jérusalem. Il s’agit du plus ancien monument d’architecture islamique encore existant. Érigé par le calife omeyyade Abd al-Malik ibn Marwan, il marque l’endroit d’où le prophète Mahomet (que la paix soit avec lui) est monté aux cieux. Le dôme se trouve sur une plate-forme surélevée située dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif. Le dôme de l’Ascension (Qubbat al-Miraj) est un petit dôme musulman indépendant, construit par les Omeyyades juste au nord-ouest du dôme du Rocher. Il rappelle l’endroit d’où le prophète Mahomet (que la paix soit avec lui) est monté au paradis ;
28.2. La mosquée al-Qibli a été la première structure édifiée par des musulmans dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif. Le bâtiment actuel fut construit par le calife omeyyade Walid bin Abdul Malik bin Marwan au début du VIIIe siècle en tant que mosquée congréganiste ou salle de prière dans la partie sud de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif ;
28.3. La porte de Damas (Bab al-Amoud) est la plus grande des sept portes de la vieille ville de Jérusalem. Elle se situe dans la partie nord de la vieille ville, à peu près au milieu du mur qui historiquement encercle celle-ci. La porte est devenue un symbole culturel pour les Palestiniens, car elle constitue un point d’accès au site entourant la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif ;
28.4. Le mur al-Bouraq (aussi connu sous le nom de Mur occidental et appelé par les juifs Mur des lamentations) est le lieu où le prophète Mahomet (que la paix soit avec lui) attacha son coursier, Bouraq, après le voyage nocturne avant de monter au paradis. Selon la tradition juive et la pratique courante, les juifs ne devraient pas se rendre dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif pour ne pas violer le site présumé du Saint des Saints (là où Dieu a manifesté sa présence). Par conséquent, le mur al-Bouraq est le lieu le plus proche de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif où les juifs peuvent se rendre sans fouler des lieux sanctifiés et c’est pour cette raison qu’il est important pour les fidèles juifs. Il demeure toutefois un bien waqf et fait partie intégrante de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif ;
28.5. La mosquée Marwani, qui date de la période omeyyade (661-750 EC.), est la plus grande structure de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif (avec une capacité d’accueil de 6 000 fidèles) ;
28.6. La porte de la Chaîne, qui date de la période ayyoubide, est aujourd’hui l’une des principales entrées à la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif. Elle se situe dans la partie sud du mur ouest de celle-ci ;
15 En 2022, le fonds hachémite, la direction des Awqaf et la société académique palestinienne pour l’étude des affaires internationales (PASSIA) ont publié un nouveau guide sur la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif qui s’intitule « A Guide to Al-Aqsa Mosque Al-Haram Ash-Sharif » et contient des informations détaillées sur chacun des éléments historiques du complexe [HP Exhibit 10/p. 464-529].
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28.7. La porte des Maghrébins est une porte datant de la période mamelouke située dans le mur al-Bouraq. Elle mène au quartier Maghrébin (quartier ainsi dénommé après que des immigrés marocains sont venus s’y installer en 909 EC et qui, comme il est indiqué plus loin, a été démoli par Israël après le début de l’occupation en 1967). Ainsi que cela est expliqué ci-après, Israël a confisqué les clefs de la porte des Maghrébins en 1967 et a par la suite démoli la rampe d’accès à cette porte pour la remplacer par une passerelle en métal en 2008 ou aux alentours de cette date ;
28.8. Les vestiges des palais omeyyades se trouvent au sud-ouest de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif. Ces palais, construits aux VIIe et VIIIe siècles, forment de vastes complexes qui servaient anciennement de quartier général aux gardiens (la maison de l’émirat) de la mosquée. Lesdits vestiges ont fait l’objet de travaux de fouilles, de creusement de tunnels et de projets de judaïsation parmi les plus éhontés entrepris par les autorités israéliennes et contre lesquels la Jordanie et la Palestine ont maintes fois protesté auprès d’Israël et de l’UNESCO16.
La mosquée Nabi Dawoud (y compris le Cénacle)
29. Cette mosquée est sacrée, car elle renfermerait le tombeau du prophète Dawoud (qui correspond à David en arabe). Dawoud est connu chez les fidèles juifs et chrétiens comme étant le roi David (qui combattit et tua le géant Goliath). La mosquée se situe sur le mont Sion. Sa partie supérieure, appelée le « Cénacle » par les chrétiens, est considérée traditionnellement comme étant le lieu où Jésus prit son dernier repas avec les apôtres et où l’Esprit saint descendit sur les 11 apôtres à la Pentecôte.
Le cimetière Bab al-Rahmah
30. Bab al-Rahmah est un cimetière musulman sacré qui longe le mur est de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif. Ces dernières années, les autorités israéliennes y ont commis plusieurs violations, notamment en interdisant les enterrements musulmans dans certaines parties du cimetière et en autorisant l’extension importante d’un cimetière juif situé à proximité, au détriment du cimetière Bab al-Rahmah17.
Ribat al-Kurd
31. Le site du Ribat al-Kurd est un bien waqf qui remonte à la période mamelouke. Il se trouve au nord de Bab al-Hadid, l’une des portes de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif. Il comprend une petite place, une allée et des maisons appartenant à la famille al-Shihabi (une famille palestinienne). Les autorités israéliennes ont pris des mesures pour transformer ce lieu en un espace de prière pour les juifs. Un poste de contrôle israélien y a été établi à titre permanent et des caméras de surveillance ont été installées à l’entrée du Ribat al-Kurd. Les autorités israéliennes ont placé des inscriptions sur lesquelles on peut lire « Petit Mur des lamentations ». En outre, les tunnels creusés par Israël sous le Ribat al-Kurd ont provoqué des fissures dans les murs qui sont des biens waqf18. La direction des
16 Jordanian-Palestinian UNESCO Protest Note (25 April 2022) [HP Exhibit 43/p. 790-791] / Jordanian-Palestinian UNESCO Protest Note (10 March 2023) [HP Exhibit 46/p. 796-797] / Awqaf Protest Note (4 February 2016) [HP Exhibit 19/p. 569-570].
17 Jordanian-Palestinian Status Report, The State of Conservation of the Old City of Jerusalem and its Walls (15 April 2019), p. 58-62 [HP Exhibit 8/p. 257-261].
18 The Hashemite Fund, Israeli Violations Against the Holy Places and the Historic Character of the Old City of Jerusalem (August 2016), p. 10 [HP Exhibit 6/p. 87].
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Awqaf n’a pas été autorisée par les autorités israéliennes à effectuer des travaux de rénovation ni à réparer les fissures19.
B. Les Lieux saints chrétiens
20
Sites chrétiens dans la vieille ville de Jérusalem et aux alentours
32. Les chrétiens vénèrent chacune des étapes du voyage de Jésus, en particulier celles effectuées les deux derniers jours à Jérusalem avant sa mort (événement qui est pour eux de la plus haute importance). La ville de Jérusalem compte donc, outre les sites décrits ci-après, de nombreux endroits associés à la vie et à la mort de Jésus qui sont fondamentaux pour le christianisme21.
19 Jordanian-Palestinian Status Report, The State of Conservation of the Old City of Jerusalem and its Walls (16 March 2015), p. 9 and 30 [HP Exhibit 5/p. 52 and 73] / Jordanian-Palestinian Status Report, The State of Conservation of the Old City of Jerusalem and its Walls (28 April 2017), p. 24 and 73-74 [HP Exhibit 7/p. 134 and 183-184] / Jordanian-Palestinian Status Report, The State of Conservation of the Old City of Jerusalem and its Walls (15 April 2019), p. 133-134 [HP Exhibit 8/p. 332-333].
20 Compte tenu du nombre de Lieux saints chrétiens importants à Jérusalem-Est, il est difficile de lire la légende. Une version plus lisible que l’on peut agrandir est disponible à l’adresse suivante : http://passia.org/media/filer_public/82/ b1/82b15ff3-a47c-406a-a127-84918b2e845c/christian_sites_in_and_around_the_old_city_of_jerusalem_english.pdf et dans le document White Paper, p. 89 [HP Exhibit 9/p. 436].
21 Pour une description détaillée de chacun de ces lieux, voir le document intitulé White Paper, p. 60-63 [HP Exhibit 9/p. 407-410].
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L’église du Saint-Sépulcre
À gauche : Église du Saint-Sépulcre, À droite : Tombeau de Jésus
33. L’église du Saint-Sépulcre se trouve dans le quartier nord-ouest de la vieille ville. Elle a été construite à l’endroit où, d’après la tradition, Jésus a été crucifié et inhumé. Selon les Écritures chrétiennes, le tombeau de Jésus se trouvait près du lieu de crucifixion ; l’église a donc été conçue pour englober les deux sites : la croix et le tombeau. Il a toujours été admis, depuis le IVe siècle, que c’est là que Jésus était mort, avait été enterré puis avait ressuscité. C’est aussi à cet endroit qu’est célébrée depuis des millénaires la cérémonie orthodoxe du Feu sacré qui commémore la résurrection de Jésus. Cette cérémonie, qui a lieu tous les ans le samedi précédant la Pâque orthodoxe, rassemble des milliers de pèlerins et de résidents.
34. L’église du Saint-Sépulcre a fait l’objet de violations répétées, notamment sous la forme de profanations, de l’interdiction pour les fidèles et ecclésiastiques d’accéder à l’église certains jours religieux particulièrement importants (comme la cérémonie du Feu sacré à Pâques) et de mesures administratives arbitraires (la plus marquante étant l’imposition de taxes et factures sur l’eau qui ont contraint l’église à fermer temporairement en 2018). Les autorités israéliennes soit ont montré qu’elles ne pouvaient ou ne voulaient pas empêcher pareilles violations, soit ont activement facilité celles-ci ou y ont pris part.
L’église Sainte-Marie-des-Germains
35. L’église Sainte-Marie-des-Germains est une église catholique en ruine située sur la pente nord-est du mont Sion dans la vieille ville de Jérusalem. Un rouleau de parchemin contenant des prières juives (appelé mézouza) est accroché à son entrée (ce qui indique que le site est utilisé pour la prière juive) et des célébrations religieuses juives sont organisées sur le site22.
22 Jordanian-Palestinian Status Report, The State of Conservation of the Old City of Jerusalem and its Walls (28 April 2017), p. 86 [HP Exhibit 7/p. 196] / Jordanian-Palestinian Status Report, The State of Conservation of the Old City of Jerusalem and its Walls (15 April 2019), p. 83 [HP Exhibit 8/p. 282].
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L’église Sainte-Marie-la-Neuve (ou église Néa)
36. L’église Néa, construite au VIe siècle sous les auspices de l’empereur byzantin Justinien Ier, se trouve à l’extrémité sud du quartier juif. Un parc de stationnement pour ce quartier a été construit sur les vestiges de cette église23.
37. Un rapport établi par Emek Shaveh fait état de ce qui suit :
« Malgré son importance sur le plan historique et archéologique, l’église a été abandonnée et oubliée. D’autres sites découverts lors des fouilles archéologiques effectuées dans le quartier juif après la prise de la vieille ville ont été conservés et mis en valeur pour en faire d’importants sites touristiques. En revanche, l’église Néa n’a pas fait l’objet de véritables travaux de rénovation. Le porte qui mène aux salles immenses est fermée à clef. Pour visiter l’église, il faut prendre un rendez-vous préalable avec la Société pour la reconstruction et le développement du quartier juif de Jérusalem. Les demandes sont généralement refusées. »24
II. LE STATU QUO HISTORIQUE ET LA TUTELLE CONFIÉE AUX ROIS HACHÉMITES
A. Le statu quo
38. Selon le droit islamique, un waqf est une donation inaliénable consacrée à des fins religieuses ou caritatives (en common law, l’équivalent le plus proche serait la fiducie caritative perpétuelle). Compte tenu notamment de sa nature, c’est-à-dire un lieu de culte musulman, la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif est administré comme un bien waqf depuis des siècles.
39. Des firmans concernant des titres de possession sur les Lieux saints du christianisme revendiqués par des communautés religieuses ont été émis par les souverains ottomans en 1757, 1852 et 185325. Ces édits ont été reconnus à l’échelle internationale dans le traité de Paris de 1856 et le traité de Berlin de 187826, lesquels ont défini la situation de l’époque comme étant le statu quo (ci-après le « statu quo »). Celui-ci a permis de confirmer une nouvelle fois l’interdiction pour les non-musulmans de pénétrer dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif et le droit pour les juifs d’utiliser le Mur occidental pour la prière. L’article 62 du traité de Berlin se lit comme suit :
« La Sublime Porte ayant exprimé la volonté de maintenir le principe de la liberté religieuse, en y donnant l’extension la plus large, les parties contractantes prennent acte de cette déclaration spontanée.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
23 Jordanian-Palestinian Status Report, The State of Conservation of the Old City of Jerusalem and its Walls (28 April 2017), p. 85 [HP Exhibit 7/p. 195] / Jordanian-Palestinian Status Report, The State of Conservation of the Old City of Jerusalem and its Walls (16 March 2015), p. 29 [HP Exhibit 5/p. 72] / Jordanian-Palestinian Status Report, The State of Conservation of the Old City of Jerusalem and its Walls (15 April 2019), p. 82 [HP Exhibit 8/p. 281].
24 Emek Shaveh, The Nea Church (February 2019), p. 3 [HP Exhibit 74/p. 1053].
25 White Paper, p. 18 [HP Exhibit 9/p. 365].
26 Au lendemain de la victoire de la Russie contre l’Empire ottoman dans le cadre de la guerre russo-turque de 1877-1878, la Grande-Bretagne, l’Allemagne/Prusse, l’Autriche-Hongrie, la France, l’Italie, la Russie et l’Empire ottoman ont signé le traité de Berlin, qui est entré en vigueur le 13 juillet 1878.
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La liberté et la pratique extérieure de tous les cultes sont assurées à tous et aucune entrave ne pourra être apportée soit à l’organisation hiérarchique des différentes communions, soit à leurs rapports avec leurs chefs spirituels.
Les ecclésiastiques, les pèlerins et les moines de toutes les nationalités voyageant dans la Turquie d’Europe ou la Turquie d’Asie jouiront des mêmes droits, avantages et privilèges.
Le droit de protection officielle est reconnu aux agents diplomatiques et consulaires des Puissances en Turquie, tant à l’égard des personnes susmentionnées que de leurs établissements religieux, de bienfaisance et autres dans les Lieux saints et ailleurs.
Les droits acquis à la France sont expressément réservés, et il est bien entendu qu’aucune atteinte ne saurait être portée au statu quo dans les Lieux saints.
Les moines du Mont Athos, quel que soit leur pays d’origine, seront maintenus dans leurs possessions et avantages antérieurs et jouiront, sans aucune exception, d’une entière égalité de droits et prérogatives. »27 (Les italiques sont de nous.)
40. Les gouvernements successifs de Palestine et le mandat britannique28 ont maintenu le statu quo. L’article 9 du mandat pour la Palestine daté du 24 juillet 1922 était ainsi libellé :
« Le respect du statut personnel des diverses populations et communautés et de leurs intérêts d’ordre religieux sera entièrement garanti. En particulier, le Mandataire exercera le contrôle de l’administration des Wakoufs, en parfaite conformité avec les lois religieuses et la volonté des fondateurs. »29
41. L’article 13 disposait ce qui suit :
« Tout en maintenant l’ordre et la bienséance publics, le Mandataire assume toute responsabilité au sujet des Lieux saints, des édifices et des sites religieux en Palestine, y compris celle de préserver les droits existants, d’assurer le libre accès des Lieux saints, des édifices et des sites religieux, et le libre exercice du culte. [R]ien dans le présent mandat ne pourra être interprété comme l’autorisant à toucher aux immeubles ou à intervenir dans l’administration des sanctuaires purement musulmans, dont les privilèges sont garantis. »30
42. Dans la procédure relative aux Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif du 9 juillet 2004, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 136
27 Article 62 du traité de Berlin (1878) [HP Exhibit 90/p. 1146].
28 Après que l’Empire ottoman les eut concédés à l’issue de la première guerre mondiale, les territoires de Palestine et de Transjordanie ont été administrés par la Grande-Bretagne dans le cadre du système des « mandats » mis en place par la Société des Nations en application de l’article 22 du Pacte de la Société des Nations. La Transjordanie a été ajoutée à ce mandat après la conférence du Caire tenue en 1921, au cours de laquelle il a été décidé que Sa Majesté le roi Abdallah Ier administrerait le territoire.
29 Article 9 du mandat pour la Palestine (1922) [HP Exhibit 91/p. 1149].
30 Article 13 du mandat pour la Palestine (1922) [HP Exhibit 91/p. 1150]. Les termes ou expressions « sanctuaires » et « Lieux saints » ont été utilisés indifféremment comme synonymes à toutes les époques pertinentes.
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(ci-après l’« avis sur le mur »)3132, la Cour a qualifié (au paragraphe 129) l’article 62 du traité de Berlin de 1878 et l’article 13 du mandat pour la Palestine de « garanties particulières d’accès dans le cas des Lieux saints chrétiens, juifs et musulmans » dont il doit être tenu compte33.
43. En décembre 1930, un rapport a été publié par la commission établie par les autorités du mandat britannique pour déterminer les droits et titres des musulmans et des juifs sur le Mur occidental. Cette « commission du Mur occidental », dont la constitution avait été approuvée par la Société des Nations, avait pour membres Eliel Löfgren (ancien ministre suédois des affaires étrangères et ancien ministre de la justice), Charles Barde et Carel Joseph van Kempen, et pour secrétaire Stig Sahlin. Après avoir rassemblé des éléments de preuve, recueilli des témoignages et examiné la situation de manière approfondie, elle a, dans ses conclusions, réitéré que la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, y compris le Mur occidental qui en fait « partie intégrante », était un bien waqf appartenant exclusivement aux musulmans. Par conséquent, il a été conclu dans le rapport que le statu quo se traduisait notamment dans les faits suivants :
« A. Les musulmans sont les seuls propriétaires du Mur occidental, sur lequel ils ont des droits exclusifs, vu que celui-ci forme une partie intégrante de la zone de Haram-al-Charif, qui est propriété du waqf.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Aux musulmans appartient également le pavage qui se trouve devant le quartier Marocain, en face du Mur, dans la mesure où ce quartier est propriété du waqf au regard de la charia, étant voué à des oeuvres caritatives.
Le droit de culte qui peut être reconnu aux juifs à un emplacement situé à proximité du Mur, soit conformément à la présente décision, soit par accord survenu entre les parties, ne peut en aucun cas être présumé leur conférer, ou avoir pour conséquence de leur conférer, un quelconque droit de propriété sur le Mur ou sur le pavage adjacent.
En revanche, les musulmans doivent, dans toute la mesure du possible, s’abstenir de construire, de démolir ou de réparer quelque bâtiment au sein de la propriété du waqf (la zone du Haram et le quartier Marocain adjacent au Mur) qui pourrait empiéter sur le pavage, entraver l’accès au Mur par les juifs ou perturber la pratique du culte à cet endroit. »34
44. En 1931, le Gouvernement britannique a publié à l’intention du Conseil de la Société des Nations un rapport sur l’administration de la Palestine et de la Transjordanie pour l’année 1931, dans lequel il est indiqué (au paragraphe 43) ce qui suit :
« Le rapport de la commission du Mur des lamentations a été présenté en décembre 1930 et publié en tant que publication du Colonial Office. Copie de ce document a été communiquée par le Gouvernement de Sa Majesté au Conseil de la Société des Nations. Les conclusions formulées dans cette publication sont entrées en vigueur en juin 1931 au moyen d’un décret en conseil sur la Palestine (Mur occidental
Référence 31 omise
Référence 32 omise
33 [HP Exhibit 341/p. 2916].
34 Report of the Commission appointed by HMG, with the approval of the Council of the League of Nations, to determine the rights and claims of Moslems and Jews in connection with the Western or Wailing Wall at Jerusalem (December 1930) [HP Exhibit 92/p. 1180-1181].
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ou Mur des lamentations), dont le texte figure à l’appendice 1 du présent rapport. Lesdites conclusions ont été accueillies sans enthousiasme par les musulmans comme par les juifs, mais, à l’exception de protestations dûment consignées du conseil suprême musulman et de discussions au congrès musulman, il n’y a pas eu de réaction publique majeure, défavorable ou autre. Aucune véritable difficulté n’a été rencontrée pour administrer les règles prescrites dans le décret en conseil.
Conformément aux conclusions formulées par la commission, les grands rabbins de Jérusalem ont nommé un représentant pour traiter des questions relatives au Mur.
Un poste de police est installé près du Mur sous la responsabilité d’un officier britannique et d’agents de police britanniques et palestiniens. »35
L’annexe 1 du décret en conseil susmentionné reproduit le passage précité du rapport établi par la commission du Mur occidental en décembre 193036. Cet instrument fournissait une base juridique, sinon législative, au rapport de ladite commission, au regard du droit anglais ou du droit des mandats.
45. Conformément au rapport de la commission du Mur occidental, pendant toute la période où la Jordanie avait le contrôle du territoire comprenant Jérusalem-Est (1948-juin 1967), le statu quo a été maintenu, à quelques exceptions près.
46. Le statu quo a été reconnu et continue d’être mentionné dans de récents documents du Conseil de sécurité de l’ONU37.
47. Ainsi que cela est précisé ci-après, Israël a le devoir, en tant que puissance occupante, de maintenir le statu quo qui existait immédiatement avant le début de l’occupation.
B. La tutelle des rois hachémites sur les Lieux saints musulmans
48. En 1922, le rôle historique des Hachémites pour la sauvegarde et la protection de la ville sainte de Jérusalem a été établi par Sharif Hussein bin Ali (ci-après « Sharif Hussein »), l’arrière-arrière-grand-père paternel de S. M. le roi Abdallah II, l’actuel roi de Jordanie.
49. En mars 1924, une délégation officielle palestinienne a déclaré sa pleine allégeance à Sharif Hussein en tant que seul calife musulman pouvant protéger la population et maintenir et rénover les sites de la ville sainte38. Ce rôle (ci-après dénommé la « tutelle » ou le « rôle de gardien ») comprend les responsabilités suivantes :
49.1. Restaurer et entretenir la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif ;
49.2. Maintenir la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif en tant que lieu de prière pour les musulmans ;
35 Report by HMG on the Administration of Palestine and Trans-Jordan for the Year 1931 [HP Exhibit 93/p. 1209].
36 Report by HMG on the Administration of Palestine and Trans-Jordan for the Year 1931, Appendix I [HP Exhibit 93/p. 1225-1226].
37 Voir, par exemple, Security Council Press Statement on Situation in Jerusalem (17 September 2015) [HP Exhibit 156/p. 1418].
38 White Paper, p. 33-35 [HP Exhibit 9/p. 380-382].
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49.3. Maintenir les autres infrastructures de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, notamment le musée islamique ;
49.4. Verser les salaires de tous les employés de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif ;
49.5. S’occuper des activités de financement et de collecte de fonds pour la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif ;
49.6. Assurer la protection de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif.
50. Il ne saurait être sérieusement contesté que les rois hachémites de Jordanie jouent ce rôle de gardien depuis 1924 et qu’ils ont continué de l’assumer après l’occupation par Israël, malgré l’obstruction de plus en plus forte des autorités israéliennes. Ils ont, par exemple, restauré le minbar de Saladin (en grande partie détruit dans l’incendie criminel du 21 août 1969 — voir ci-après), pour un coût de 9 millions de dollars des États-Unis pris en charge par le Trésor jordanien39, et restauré la couche d’or recouvrant le dôme du Rocher, processus qui a pris fin en 1994. En 2016, il a été rapporté que la famille hachémite avait dépensé plus de 2,1 milliards de dollars des États-Unis depuis 1922 en projets de restauration de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif40. La famille hachémite a en outre constamment souligné, sur le plan international41, l’importance du maintien du statu quo et la nécessité de conserver la tutelle42.
51. Le 31 juillet 1988, aux seules fins de faciliter les discussions sur le statut final entre Israël et l’autorité palestinienne, S. M. le roi Hussein a officiellement annoncé le « désengagement » de la Jordanie en Cisjordanie43. La direction des Awqaf et la tutelle des Lieux saints n’étaient cependant ni concernées ni touchées par ce « désengagement » de la Jordanie.
39 Site Internet de kinghussein.gov.jo, Hashemite Restorations of the Islamic Holy Places in Jerusalem (http://www.kinghussein.gov.jo/islam_restoration.html) [HP Exhibit 258/p. 2127-2129].
40 Arab News, The restoration projects that keep Jerusalem’s Al-Aqsa in good repair (13 March 2021) [HP Exhibit 304/p. 2305].
41 Notamment lors de la soixante-dix-septième session de l’Assemblée générale des Nations Unies le 20 septembre 2022, dans le cadre de laquelle S. M. le roi Abdallah II a déclaré ce qui suit :
« L’avenir de Jérusalem est aujourd’hui une préoccupation urgente. La ville est sacrée pour des milliards de musulmans, de chrétiens et de juifs dans le monde. La remise en cause du statu quo historique et juridique de Jérusalem déclenche des tensions mondiales et creuse un peu plus les clivages religieux. La Ville sainte ne doit pas être un lieu de haine et de division. En notre qualité de gardien des Lieux saints musulmans et chrétiens situés à Jérusalem, nous sommes déterminés à protéger leur statu quo historique et juridique, ainsi que leur sécurité et leur avenir. En tant que dirigeant musulman, qu’il me soit permis d’affirmer clairement que nous sommes déterminés à défendre les droits, l’héritage précieux et l’identité historique du peuple chrétien dans notre région. C’est d’une importance capitale, à Jérusalem plus qu’ailleurs. Aujourd’hui, le christianisme dans la Ville sainte est mis à mal. Les droits des Églises de Jérusalem sont menacés. Cela ne peut pas durer. Le christianisme est vital pour le passé et le présent de notre région et de la Terre sainte. Il doit continuer de faire partie intégrante de notre avenir. » [HP Exhibit 185/p. 1572].
42 Voir, par exemple, les comptes rendus des récents entretiens de S. M. le roi Abdallah II avec : 1) le président des États-Unis d’Amérique le 2 février 2023 [HP Exhibit 17/p. 549-551] ; 2) le premier ministre du Canada le 27 janvier 2023 [HP Exhibit 16/p. 545-548] ; 3) le premier ministre d’Israël le 24 janvier 2023 [HP Exhibit 15/p. 543-544] ; 4) le président de la République française le 21 décembre 2022 [HP Exhibit 14/p. 539-542] ; 5) le premier ministre du Royaume-Uni le 11 novembre 2022 [HP Exhibit 13/p. 536-538] ; 6) S. S. le pape François le 10 novembre 2022 [HP Exhibit 12/p. 533-535] ; et 7) le ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie le 3 novembre 2022 [HP Exhibit 11/p. 530-532].
43 HM King Hussein’s Address to the Nation (31 July 1988) [HP Exhibit 2/p. 36-39].
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52. Le 25 juillet 1994, la tutelle a expressément été reconnue dans la déclaration de Washington signée par Israël et la Jordanie (en présence des États-Unis d’Amérique). Le paragraphe 3) de l’article B de la déclaration de Washington prévoit ce qui suit :
« Israël respecte le rôle spécial actuel du Royaume hachémite de Jordanie dans les Lieux saints musulmans à Jérusalem. Lorsque se dérouleront les négociations sur le statut permanent, Israël accordera une haute priorité au rôle historique de la Jordanie dans ces Lieux saints. »44
53. Dans l’allocution qu’il a prononcée à l’occasion de la signature de la déclaration de Washington, le président des États-Unis d’Amérique, Bill Clinton, s’est adressé comme suit à Sa Majesté le roi Hussein :
« [Votre Majesté],
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dans la déclaration que vous vous apprêtez à signer, votre rôle de gardien des Lieux saints musulmans de Jérusalem, dont la mosquée al-Aqsa fait partie, a été maintenu. Israël a accepté d’accorder une haute priorité au rôle historique de la Jordanie à l’égard de ces Lieux saints dans les négociations sur le statut final »45.
54. Le 3 août 1994, le premier ministre israélien, s’exprimant devant la Knesset au sujet de la déclaration de Washington, a déclaré ce qui suit :
« Il est normal que le paragraphe relatif aux lieux de Jérusalem qui sont sacrés pour les musulmans suscite un vif intérêt.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ce paragraphe vise à encadrer une situation préexistante dans laquelle les Jordaniens, durant les 27 années qui ont suivi la guerre des Six Jours — sous tous les gouvernements d’Israël — ont effectivement joué un rôle dans l’administration des Lieux saints musulmans à Jérusalem. »46
55. Le 26 octobre 1994, la Jordanie et Israël ont conclu un traité de paix, dont l’article 9, qui reflète la position communément admise, prévoit ce qui suit :
« Article 9 Lieux d’intérêt historique et religieux et relations interconfessionnelles
1. Chaque Partie assurera la liberté d’accès aux lieux d’intérêt historique et religieux.
2. À cet égard, conformément à la Déclaration de Washington, Israël respecte le rôle spécifique actuel du Royaume hachémite de Jordanie dans les Lieux saints musulmans à Jérusalem. Lorsque se dérouleront les négociations sur le statut
44 [HP Exhibit 94/p. 1234].
45 Remarks by President Clinton, King Hussein and PM Rabin at the Signing Ceremony of the Washington Declaration [HP Exhibit 95/p. 1239].
46 Statement in the Knesset by PM Rabin on the Washington Declaration [HP Exhibit 96/p. 1248-1249].
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permanent, Israël accordera une haute priorité au rôle historique de la Jordanie dans ces Lieux saints.
3. Les Parties agiront de concert pour promouvoir les relations interconfessionnelles entre les trois religions monothéistes, en vue d’oeuvrer à l’entente religieuse, au sens des valeurs, à la liberté du culte, à la tolérance et à la paix. »47
56. Le 16 avril 2007, S. M. le roi Abdallah II bin Al-Hussein a mis en place le fonds hachémite pour la restauration de la mosquée al-Aqsa et du dôme du Rocher48 (ci-après le « fonds hachémite »). Ce fonds agit sur place et par le biais d’institutions et d’enceintes internationales, juridiques et gouvernementales. Il vise à promouvoir, superviser et financer la conservation de l’identité historique et de l’intégrité structurelle de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif ; il est chargé de produire des publications pour informer le public des divers projets concernant la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif et de tenir à jour un site Internet où sont répertoriées et documentées, au moyen d’enregistrements vidéo et de photographies, les violations commises par Israël sur ce lieu49. Le fonds hachémite a notamment entrepris les travaux de conservation suivants : 1) entre 2008 et 2016, il a, avec la direction des Awqaf, lancé un projet de restauration des mosaïques et des stucs ornant le dôme du Rocher50 ; 2) entre 2014 et 2016, là encore avec la direction des Awqaf, il a mis sur pied un projet visant à rénover les mosaïques ornant l’intérieur de la mosquée al-Qibli51 ; 3) il est en charge du centre des manuscrits de la mosquée al-Aqsa situé dans le complexe de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif52.
57. Le 31 mars 2013, un accord a été conclu entre la Jordanie et la Palestine reconnaissant expressément la tutelle à l’égard de la totalité des 144 000 m2 de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif53.
57.1. Le nom officiel de cet accord est le suivant :
« Accord entre Sa Majesté le roi Abdallah II ibn Al Hussein, gardien des Lieux saints de Jérusalem, et Son Excellence M. Mahmoud Abbas, président de l’État de Palestine, chef de l’Organisation de libération de la Palestine, et président de l’Autorité nationale palestinienne. » (Les italiques sont de nous.)
57.2. L’article 2 de l’accord dispose que
2.1 Sa Majesté le roi Abdallah II, en tant que gardien des Lieux saints de Jérusalem, ne ménage aucun effort pour préserver lesdits lieux, en particulier le Haram
47 Traité de Paix entre l’État d’Israël et le Royaume hachémite de Jordanie (1994) [HP Exhibit 97/p. 1256].
48 Webpage of the Hashemite Fund of Al-Aqsa Mosque and the Dome of the Rock, ‘About the Hashemite Fund of Al-Aqsa Mosque’ (https://haramalaqsa.com/about-the-hashemite-fund).
49 En raison du caractère de plus en plus violent et répété des violations, la direction des Awqaf s’est efforcée, dès 2014-2015 et chaque fois que cela était possible, de prendre des photographies des violations commises par Israël à la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif.
50 Jordanian-Palestinian Status Report, The State of Conservation of the Old City of Jerusalem and its Walls (28 April 2017), p. 34 [HP Exhibit 7/p. 144].
51 Jordanian-Palestinian Status Report, The State of Conservation of the Old City of Jerusalem and its Walls (28 April 2017), p. 34 [HP Exhibit 7/p. 144].
52 Jordanian-Palestinian Status Report, The State of Conservation of the Old City of Jerusalem and its Walls (28 April 2017), p. 35-36 [HP Exhibit 7/p. 145-146].
53 Une copie de l’accord figure à l’appendice IV du document intitulé White Paper [HP Exhibit 9/p. 439-441].
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al-Charif, défini à l’alinéa c) du préambule du présent accord, et pour défendre leurs intérêts, de sorte à :
a) assurer le respect des Lieux saints de Jérusalem ;
b) garantir que tous les musulmans, aujourd’hui et demain, puissent, conformément à la liberté de culte, se rendre dans les Lieux saints musulmans pour y exercer leur culte et en revenir ;
c) administrer les Lieux saints musulmans et assurer leur maintien afin de i) respecter et préserver leur signification et leur statut religieux ; ii) réaffirmer leur identité et leur caractère sacré ; et iii) respecter et préserver leur importance historique, culturelle et artistique ainsi que leur structure physique ;
d) défendre les intérêts des Lieux saints dans les enceintes internationales pertinentes et devant les organisations internationales compétentes par les moyens juridiques opportuns ;
e) superviser et administrer l’institution du Waqf de Jérusalem et ses biens conformément à la législation du Royaume hachémite de Jordanie ».
58. Ainsi, la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif et les Lieux saints musulmans demeurent bien sous la tutelle de S. M. le roi Abdallah II ibn Al-Hussein de Jordanie, dans la continuité du statu quo qui existait avant l’occupation de Jérusalem par Israël.
C. La tutelle des rois hachémites sur les Lieux saints chrétiens
59. Outre les Lieux saints musulmans (comme indiqué ci-dessus), le rôle de gardien s’exerce aussi à l’égard des Lieux saints chrétiens de Jérusalem.
60. En 1924, les chefs des Églises de Jérusalem ont prêté allégeance à Sharif Hussein, réaffirmant le rôle historique des Hachémites dans la sauvegarde et la protection des Lieux saints de Jérusalem54. Les rois hachémites de Jordanie assument ce rôle depuis lors55.
61. Le 5 janvier 1951, S. M. le roi Abdallah Ier a émis un décret royal par lequel il nommait Raghib Basha Al-Nashashibi surintendant de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif et grand gardien des Lieux saints de Jérusalem. Par ce décret, le roi chargeait le surintendant de :
« consolider la tutelle et la protection de l’ensemble des confessions et pèlerins religieux sous [son] autorité ; [s’]efforcer de préserver leurs sécurité, liberté, rites et lieux de culte avec la plus grande détermination ; régler chaque question comme il convient et veiller à ce que tout droit reconnu soit conforme au statu quo concernant les différentes confessions, les mosquées, les églises et les synagogues, afin que chacun puisse trouver sérénité, paix et harmonie à travers les enseignements des grands prophètes ; que les croyances divines se manifestent par la fraternité humaine dans un pays arabe sacré exalté par les religions, où règnent la prière, les supplications et la bonne volonté. Pour ce faire, le chemin du pacte d’Umar et de la tradition perpétuée devra être suivi… Tous
54 White Paper, p. 66 [HP Exhibit 9/p. 413].
55 White Paper, p. 75-76 [HP Exhibit 9/p. 422-423].
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les firmans des sultans se trouvant entre les mains des Patriarches devront être pris en considération. »56
62. Les chefs chrétiens de Jérusalem ont régulièrement renouvelé leur allégeance aux rois hachémites dans les années qui ont suivi, soulignant l’importance de la tutelle. À titre d’exemples, 1) l’église évangélique luthérienne de Jordanie et de Terre sainte57 ; 2) le patriarcat grec-orthodoxe58 ; 3) l’église évangélique épiscopale de Jérusalem et du Moyen-Orient59 ; 4) le patriarcat syrien orthodoxe d’Antioche60 ; 4) le patriarcat arménien orthodoxe61 ; 5) l’église copte62 ; et 6) l’église et centre syriaque orthodoxe Saint-Éphrem63, ainsi que 7) la commission islamo-chrétienne pour le soutien de Jérusalem64.
63. En outre, la tutelle des Lieux saints chrétiens a été officiellement reconnue par la papauté. Le 24 mai 2013, S. S. le pape François a ainsi écrit à S. M. le roi Abdallah II :
« Je rappelle les propos de mon prédécesseur, Sa Sainteté Benoît XVI, qui a tenu, en repartant du Royaume hachémite en mai 2009, à exprimer sa reconnaissance à Votre Majesté pour son engagement à promouvoir le dialogue interconfessionnel … J’ai parfaitement conscience que, compte tenu du rôle internationalement reconnu de Votre Majesté en tant que gardienne des Lieux saints de Jérusalem, la protection de ces lieux a toujours revêtu la plus haute importance pour la famille royale hachémite et le Royaume de Jordanie. »65 (Les italiques sont de nous.)
64. Le 30 janvier 2020, 13 patriarches et chefs des Églises de Jérusalem66 ont publié un document intitulé « Déclaration des patriarches et chefs des Églises de Terre sainte sur le “Deal du
56 White Paper, p. 66-67 [HP Exhibit 9/p. 413-414].
57 Letter from Evangelical Lutheran Church in Jordan and the Holy Land to Royal Hashemite Court (2 April 2013) [HP Exhibit 48/p. 800-801].
58 White Paper, p. 68 [HP Exhibit 9/p. 415]. Voir aussi Letter from Greek Orthodox Patriarchate to HM King Abdullah II (1 October 2015) [HP Exhibit 50/p. 806-807] / Ammon News, “Patriarch Theophilos emphasizes Muslims’ exclusive right over Haram Al-Sharif” (19 July 2021) [HP Exhibit 305/p. 2314].
59 Letter from Episcopal Evangelical Church in Jerusalem and the Middle East to HM King Abdullah II (1 October 2015) [HP Exhibit 51/p. 808].
60 White Paper, p. 69 [HP Exhibit 9/p. 416]. Voir aussi Letter from Syrian Orthodox Patriarchate of Antioch in Jerusalem, Jordan & The Holy Land to HM King Abdullah II (1 October 2015) [HP Exhibit 52/p. 809].
61 Letter from Armenian Orthodox Patriarchate to HM King Abdullah II (12 September 2018) [HP Exhibit 54/p. 812-813].
62 Letter from Coptic Orthodox Patriarchate to HRH Prince Ghazi bin Muhammad (January 2019) [HP Exhibit 55/p. 814].
63 Letter from Saint Afram Church & Center for Syrian Orthodox to HM King Abdullah II (18 December 2017) [HP Exhibit 53/p. 810-811].
64 Jordan Times, “Islamic Christian commission reaffirms Hashemite Custodianship” (13 December 2020) [HP Exhibit 303/p. 2303].
65 Letter from HH Pope Francis to HM King Abdullah II (24 May 2013) [HP Exhibit 49/p. 802-805].
66 À savoir : 1) patriarche Theophilos III, patriarcat grec-orthodoxe ; 2) patriarche Nourhan Manougian, patriarcat apostolique arménien orthodoxe ; 3) archevêque Pierbattista Pizzaballa, administrateur apostolique, patriarcat latin ; 4) père Francesco Patton, ofm, custode de Terre sainte ; 5) archevêque Anba Antonious, patriarcat copte orthodoxe, Jérusalem ; 6) archevêque Gabriel Daho, patriarcat syrien orthodoxe ; 7) archevêque Aba Embakob, patriarcat éthiopien orthodoxe ; 8) archevêque Yaser Al-Ayash, patriarcat grec-melkite-catholique ; 9) archevêque Mosa El-Hage, exarchat patriarcal maronite ; 10) archevêque Suheil Dawani, église épiscopale de Jérusalem et du Moyen-Orient ; 11) évêque Ibrahim Sani Azar, église évangélique luthérienne de Jordanie et de Terre sainte ; 12) évêque Pierre Malki, exarchat patriarcal syrien catholique ; 13) révérend Krikor-Okosdinos Coussa, exarchat patriarcal arménien catholique.
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siècleˮ »67, dans lequel ils ont réaffirmé la tutelle des Lieux saints chrétiens confiée aux rois hachémites :
« Le plan de paix américain qui a été annoncé hier à la Maison Blanche en présence des Israéliens et en l’absence des Palestiniens, nous invite à demander à l’administration américaine ainsi qu’à la communauté internationale de s’appuyer sur la vision de deux États et de la développer conformément à la légitimité internationale, en plus d’ouvrir un canal de communication politique avec l’Organisation de libération de la Palestine, seul représentant du peuple palestinien reconnu internationalement, pour faire en sorte que ses aspirations nationales légitimes soient également satisfaites dans le cadre d’un plan de paix global et durable qui devra être accepté par toutes les parties concernées. En ce qui concerne Jérusalem, nous nous référons à nouveau à notre déclaration adressée au président Donald Trump le 6 décembre 2017 et rappelons notre vision d’une ville sainte ouverte et partagée par les deux peuples, palestinien et israélien, et par les trois religions monothéistes, ainsi que notre confirmation de maintenir la tutelle de la Jordanie sur les Lieux saints. La résurrection de notre Seigneur de Jérusalem nous rappelle à tous les sacrifices consentis pour assurer la justice et la paix en Terre sainte. Nous appelons également tous les partis politiques, factions et dirigeants palestiniens à se réunir pour discuter de tous les différends, mettre fin à l’état de conflit interne, mettre fin à la division et adopter une position unifiée en vue de la conclusion de la construction de l’État sur la base de la pluralité et des valeurs démocratiques. »68 (Les italiques sont de nous.)
67 L’« accord du siècle » est le terme familier donné par les défenseurs du document de 118 pages publié par l’administration du président américain Donald Trump en janvier 2020 intitulé « Peace to Prosperity: A Vision to Improve the Lives of the Palestinian and Israeli People ». Ce plan a été largement rejeté en raison des concessions très limitées demandées à Israël. Pour ne citer qu’un exemple, la déclaration de l’administration Trump indiquait ce qui suit (à la page 16) [HP Exhibit 251/p. 2081] au sujet des Lieux saints de Jérusalem :
« Après la guerre des Six Jours en 1967, lorsqu’il a pris le contrôle de tout Jérusalem, l’État d’Israël a assumé la responsabilité de protéger l’intégralité des Lieux saints de la ville. Ceux-ci incluent notamment, le Mont du Temple/Haram al-Charif, le Mur occidental, les sanctuaires sacrés musulmans, l’église Sainte-Anne, la Via Dolorosa (le chemin de croix), l’église du Saint-Sépulcre, l’église Viri Galilaei, la basilique Saint-Étienne, l’abbaye de la Dormition, le tombeau de la Vierge Marie, le Cénacle, l’église de l’Ascension-Augusta Victoria, le jardin de Gethsémané, l’église Sainte-Marie-Madeleine, l’église Dominus Flevit, l’église du Pater Noster, l’église Saint-Pierre en Gallicante, l’église de l’Ascension, l’église orthodoxe russe, le Secours Catholique “Maison d’Abraham”, le Mont Scopus, la synagogue Hourva, le monument d’Absalom, le tombeau de Zacharie, le chemin de pèlerinage au second Temple, la tombe des prophètes Aggée, Zacharie et Malachie, la source de Gihon, la cité de David, le Mont des Oliviers, le cimetière juif Samboski et le bassin de Siloé.
Contrairement à de nombreuses puissances qui ont gouverné Jérusalem et ont détruit les Lieux saints d’autres religions, l’État d’Israël doit être salué pour avoir sauvegardé les sites religieux de toutes confessions et maintenu un statu quo religieux.
Au vu de ce bilan louable de plus d’un demi-siècle et du caractère extrêmement délicat de certains Lieux saints de Jérusalem, nous estimons que cette pratique doit être prolongée et que tous les Lieux saints de Jérusalem doivent être soumis aux mêmes systèmes de gouvernance que ceux actuellement en place. En particulier, le statu quo au Mont du Temple/Haram al-Charif doit se poursuivre sans interruption.
Les Lieux saints de Jérusalem doivent rester ouverts et accessibles aux fidèles et touristes pacifiques de toutes confessions. Les peuples de toutes confessions doivent être autorisés à prier sur le Mont du Temple/Haram al-Charif, dans le plein respect de leur religion, en tenant compte des heures de prière et fêtes de chacune des religions, ainsi que d’autres éléments religieux. » (Les italiques sont de nous.)
68 Patriarches et chefs des Églises de Jérusalem, Déclaration des Patriarches et Chefs des Églises de Terre sainte sur le « Deal du siècle » (30 janvier 2020) [HP Exhibit 56/p. 815].
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D. La reconnaissance internationale de la tutelle des rois hachémites sur les Lieux saints musulmans et chrétiens
65. La tutelle des rois hachémites sur les Lieux saints musulmans et chrétiens a fait l’objet de fréquentes discussions sur le plan international, et a été largement reconnue par la communauté internationale, notamment l’Organisation de la coopération islamique (OCI)69, la Ligue des États arabes70, l’Union européenne71, le Secrétaire général de l’ONU72, les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU73 et l’UNESCO.
69 Voir, pour ne citer qu’un exemple, la déclaration faite par le Koweït (au nom de l’OCI) à l’occasion de la 7540e séance du Conseil de sécurité de l’ONU tenue le 22 octobre 2015, selon laquelle « [l]’Organisation de la coopération islamique réitère l’importance qu’il y a à préserver le statut de Gardien des Lieux saints musulmans et chrétiens à Jérusalem, y compris le Haram al-Charif, accordé au Royaume hachémite de Jordanie et exercé par Sa Majesté le roi Abdullah II Ibn Al Hussein » [HP Exhibit 157/p. 1435].
70 Voir, pour ne citer qu’un exemple, un passage du communiqué publié par la Ligue des États arabes le 5 avril 2023, dans lequel le Conseil a (au paragraphe 4) « [s]oulign[é] l’importance de la tutelle historique jordanienne hachémite sur les Lieux saints musulmans et chrétiens de la ville de Jérusalem et son rôle dans la protection de ces Lieux saints et la préservation du statut juridique et historique existant et réaffirm[é] que l’administration jordanienne des Awqaf de Jérusalem et des affaires de la mosquée Al-Aqsa [était] la seule entité autorisée à gérer l’ensemble des affaires de la sainte mosquée Al-Aqsa/Haram el-Charif » [HP Exhibit 147/p. 1398].
71 Voir, pour ne citer qu’un exemple, un passage du discours prononcé par la haute-représentante Federica Mogherini lors d’une conférence de presse organisée le 17 juin 2019 à l’issue du 13e Conseil d’association UE-Jordanie :
« J’aimerais saisir cette occasion pour saluer une fois encore comme nous le faisons toujours Sa Majesté [le roi Abdallah II] et le Royaume hachémite de Jordanie pour leur rôle spécial de gardien des Lieux saints. Ce rôle est particulièrement important pour l’Union européenne et nous soutenons la Jordanie dans cette responsabilité essentielle qui revient à Sa Majesté. » [HP Exhibit 254/p. 2088.]
72 Voir, pour ne citer qu’un exemple, le 24e rapport trimestriel du Secrétaire général daté du 14 décembre 2022 sur l’application de la résolution 2334 (2016) du Conseil de sécurité de l’ONU (au paragraphe 84) : « Je demande de nouveau avec force aux parties de respecter et de maintenir le statu quo dans les Lieux saints, en tenant compte du rôle particulier et historique que joue la Jordanie en tant que gardienne des Lieux saints musulmans et chrétiens à Jérusalem. » [HP Exhibit 249/p. 2069.]
73 Voir, par exemple, Readout of President Biden’s meeting with HM King Abdullah II of Jordan (13 May 2022) [HP Exhibit 252/p. 2085] / Readout of Vice President Kamala Harris’s Meeting with His Majesty King Abdullah II of Jordan (2 February 2023) [HP Exhibit 253/p. 2086] / The Status Quo governing Jerusalem’s holy sites preserves peace: UK statement at the Security Council (5 January 2023) [HP Exhibit 159/p. 1462].
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CHAPITRE 3 CATÉGORIES DE VIOLATIONS COMMISES PAR ISRAËL CONTRE LA MOSQUÉE AL-AQSA/HARAM AL-CHARIF ET D’AUTRES LIEUX SAINTS
66. Israël a commis les premières violations contre la ville sainte de Jérusalem pendant la guerre de 1967, entre le 4 et le 10 juin 1967, alors qu’il occupait la Cisjordanie (y compris Jérusalem-Est)74.
67. Des actes et omissions constitutifs de violations du droit international attribuables à Israël ont manifestement été commis contre les Lieux saints dès les premiers jours de l’occupation. Israël ne manquera certainement pas de nier ces faits, de les ignorer, de les minimiser ou de tenter de s’en justifier, comme il l’a fait par le passé lorsqu’il s’est trouvé confronté à des éléments de preuve.
68. Le présent exposé écrit n’a pas vocation à recenser de manière exhaustive les violations de cette nature qui ont été commises par Israël. La Jordanie se contentera de présenter ci-après les exemples les plus marquants qui entrent dans l’une des catégories suivantes : 1) destructions ; 2) entraves à l’accès des fidèles (y compris attaques contre ces derniers) ; 3) entraves aux travaux de restauration ou d’entretien ; 4) modifications ; 5) actes et incursions relevant de l’agression ou de la provocation (ou incapacité ou refus de prendre des mesures efficaces pour protéger les Lieux saints et les fidèles).
I. DESTRUCTIONS
69. Dès les tout premiers jours de l’occupation et jusqu’à aujourd’hui, les autorités et organismes publics israéliens ont soutenu ou commis eux-mêmes des actes de destruction dans des Lieux saints et contre eux, ou n’en ont pas empêché la commission.
74 Comme l’a dit la Cour internationale de Justice dans son avis consultatif sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (par. 74), « [l]e 22 novembre 1967, le Conseil de sécurité adopta à l’unanimité la résolution 242 (1967) qui soulignait l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la guerre et appelait au “retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés lors du récent conflit”, et à la “cessation de toutes assertions de belligérance ou de tous états de belligérance” » [HP Exhibit 341/p. 2894].
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A. Démolition injustifiée et illicite du quartier Maghrébin historique
75
Légende :
The Maghribi Quarter before and after destruction
=
Le quartier Maghrébin avant et après sa destruction
70. Juste après le début de l’occupation, au soir du 10 juin 1967, Israël a entamé la démolition du quartier Maghrébin historique (qui comprenait environ 153 habitations et la mosquée al-Bouraq) à l’aide de bulldozers et a procédé à l’expulsion de ses résidents. Les clés de la porte des Maghrébins ont été confisquées de force à la direction des Awqaf par les autorités israéliennes, ce qui symbolisait
75 The Hashemite Fund, Israeli Violations Against the Holy Places and the Historic Character of the Old City of Jerusalem (August 2016), p. 3 [HP Exhibit 6/p. 80].
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une tentative de prise de contrôle. La « restitution » récente de la clé d’origine, le 14 mai 2023, par un ancien officier de l’armée israélienne, Yair Barak, n’est (au mieux) qu’un geste futile76. Aucun motif licite ne justifiait la destruction de la mosquée al-Bouraq, vieille de plusieurs siècles, ni de ces habitations civiles. Le véritable but était de dégager, de manière illégitime et permanente, un espace plus important devant le Mur occidental de sorte que les juifs puissent y prier. Le 26 août 1967, le cheikh Abd al-Hamid al-Sayeh et 13 autres personnalités arabes ont écrit ce qui suit au représentant personnel du Secrétaire général :
« les soussignés, parmi lesquels figur[e]nt des musulmans et des chrétiens, ont l’honneur d’appeler votre attention sur les faits suivants :
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
les autorités israéliennes ont pris un grand nombre de mesures arbitraires et provocatrices dont l’énumération suivante, bien qu’incomplète, peut donner une idée :
1. La destruction complète de tout le quartier Maghrébin, dans la Vieille Ville, où se trouvaient 153 maisons et où habitaient 650 personnes qui n’ont même pas pu récupérer leurs meubles car elles n’ont pas été averties assez longtemps à l’avance, et la destruction de deux petites mosquées dans le même quartier.
2. L’expulsion et la mise à la rue des 3 000 personnes qui habitaient le quartier Sharif, sous prétexte que des Juifs avaient habité dans ce quartier dans le passé, en dépit du fait que la plupart des maisons du quartier avaient été habitées constamment par des Arabes et étaient la propriété du Waqf musulman.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
7. Elles ont profané les sanctuaires musulmans et chrétiens, contraignant ainsi le gardien des Lieux saints à fermer certaines des églises. De plus, le général Goren, rabbin général de l’armée israélienne, accompagné de quelques personnes, a prononcé une prière dans Haram Al-Sharif (Sainte-Mosquée), heurtant impudemment la susceptibilité des musulmans et violant leurs droits établis, tandis que le Ministre israélien pour les affaires religieuses annonçait que la mosquée musulmane était propriété juive et que tôt ou tard, les juifs reconstruiraient leur temple à l’emplacement qu’elle occupait. Enfin, le Ministre pour les affaires religieuses a annoncé qu’il avait l’intention de prolonger de nouveau le Mur des lamentations en détruisant certains des bâtiments musulmans qui l’entourent, et de construire là une synagogue, en violation du statu quo et au mépris flagrant des droits des musulmans et du Waqf musulman. »77
71. Le même jour, le maire jordanien de Jérusalem a soumis un mémorandum au représentant personnel du Secrétaire général, dans lequel il constatait ce qui suit :
« d) Affaires relatives aux Lieux saints :
À la suite des profanations réitérées des Lieux saints chrétiens[,] le Custode de Terre sainte a ordonné la fermeture de certaines églises de la Custodie en zone arabe et
76 Jordan News, « Ex-Israeli soldiers returns Al-Aqsa Mosque key he stole 56 years ago » (20 May 2023) [HP Exhibit 313/p. 2334-2335].
77 Lettre émanant du cheikh Abd al-Hamid al-Sayeh et de treize autres personnalités, reçue le 26 août 1967 par le représentant spécial, annexée au rapport du Secrétaire général de l’ONU en date du 12 septembre 1967 présenté en application de la résolution 2254 (ES-V) [HP Exhibit 243/p. 1984-1987].
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en a refusé l’entrée aux visiteurs. Parmi ces Lieux saints, l’église de Gethsémani ou église des Nations, l’église de Béthanie et celle de la Prison du Christ de la Via Dolorosa. »78
72. Comme il sera exposé plus en détail ci-après, le quartier Maghrébin, en raison des démolitions, des transformations et des projets de construction dont les autorités israéliennes sont responsables, a été illicitement transformé en une zone de prière juive substantiellement agrandie devant le Mur occidental, dans le cadre d’une campagne plus large de judaïsation de la vieille ville de Jérusalem.
B. La rampe d’accès à la porte des Maghrébins / la montée des Maghrébins
Figure 81 Démolitions systématiques des salles et des murs et poursuite des travaux d’excavation et de construction autour de la rampe d’accès à la porte des Maghrébins entre 2004 et 201779
73. Il existait auparavant une rampe en terre ancienne qui permettait aux non-musulmans d’accéder à la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif par la porte des Maghrébins, située sur le Mur occidental. Cette rampe sera ci-après dénommée « rampe d’accès à la porte des Maghrébins » (ou plus simplement, « rampe des Maghrébins »).
78 Mémorandum sur les mesures prises par Israël sur la ville de Jérusalem présenté par M. Raudi El-Khatib le 26 août 1967, annexé au rapport du Secrétaire général de l’ONU en date du 12 septembre 1967 présenté en application de la résolution 2254 (ES-V) [HP Exhibit 243/p. 1992].
79 Jordanian-Palestinian Status Report, The State of Conservation of the Old City of Jerusalem and its Walls (15 April 2019), p. 99 [HP Exhibit 8/p. 298].
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74. En raison des actes commis par les autorités israéliennes, qui ont mené à la destruction du quartier Maghrébin (comme il a été exposé ci-dessus), la rampe des Maghrébins s’est trouvée surélevée par rapport au sol, ce qui a exposé ses côtés aux éléments. En février 2004, «fragilisé par les fortes pluies et la neige, le mur de soutènement nord de la rampe s’est effondré, rendant risqué le passage par cette voie. L’effondrement de ce mur a exposé les voûtes des structures sous-jacentes »80. Des photographies de la rampe avant et après l’effondrement figurent dans un rapport établi par l’autorité des antiquités d’Israël en juillet 200781.
75. Non contentes d’avoir laissé cette situation se produire, les autorités israéliennes ont semblé déterminées à remplacer la rampe des Maghrébins par une structure que l’on peut qualifier de « rampe d’accès militaire » menant à la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif. En juillet 2005, elles ont fait construire un pont de bois provisoire permettant d’accéder à la porte des Maghrébins82. Le 16 janvier 2008, Haaretz a rapporté que la commission d’urbanisme et de construction du district de Jérusalem avait approuvé un projet de restauration du pont des Maghrébins et un élargissement de la partie de la place du Mur occidental réservée aux femmes83. Cette activité de destruction a été entreprise en vue d’étendre illicitement l’espace prévu pour accueillir les pèlerins juifs au détriment de l’intégrité de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif. En 2011, l’ingénieur municipal de Jérusalem a déclaré le pont de bois dangereux84. En 2014, ce pont a été renforcé avec une base en acier85 dans le cadre d’un projet financé par la fondation du patrimoine du Mur occidental86, et ce, sans l’approbation de l’UNESCO, du Gouvernement jordanien ou de la direction des Awqaf. Dans un rapport établi en 2015, Emek Shaveh constatait ce qui suit :
« [s]elon des personnes ayant participé à l’approbation de ce projet, la construction du pont vis[ait] à faciliter la rénovation de la structure d’origine. Nous sommes toutefois d’avis que le but de cet édifice est de créer une situation de fait accompli sur place, en vue de l’extension de l’espace réservé à la prière devant le Mur occidental, tout en contournant le problème de l’obtention d’une autorisation pour la construction d’un nouveau pont. »87
76. En outre, depuis 2004, les autorités israéliennes mènent des travaux d’excavation et d’évacuation des vestiges de la rampe des Maghrébins afin d’agrandir l’espace prévu pour les pèlerins juifs au pied du Mur occidental88. La direction des Awqaf a été empêchée de prendre des mesures d’urgence pour restaurer et stabiliser les vestiges omeyyades, mamelouks et ottomans du
80 Rapport de la mission technique dépêchée par l’UNESCO dans la vieille ville de Jérusalem du 27 février au 2 mars 2007 (12 mars 2007), par. 12 [HP Exhibit 201/p. 1692].
81 Israeli Antiquities Authority, The Mughrabi Ascent Excavation (July 2007) [HP Exhibit 83/p. 1068-1093].
82 Rapport de la mission technique dépêchée par l’UNESCO dans la vieille ville de Jérusalem du 27 février au 2 mars 2007 (12 mars 2007), par. 13 [HP Exhibit 201/p. 1692].
83 Haaretz, « Jerusalem approves controversial Mughrabi bridge project » (16 January 2008) [HP Exhibit 263/p. 2161-2162].
84 UPI, « Engineer says Temple Mount bridge to close » (8 December 2011) [HP Exhibit 268/p. 2173].
85 The Algemeiner, « Western Wall Authority Begins Work on At-Risk Mughrabi Bridge » (30 August 2021) [HP Exhibit 306/p. 2315-2316].
86 Établie en octobre 1988 par le ministère israélien des services religieux, la fondation du patrimoine du Mur occidental est rattachée au cabinet du premier ministre d’Israël. Aujourd’hui, elle propose sur son site Internet (https://thekotel.org/en/) des visites des tunnels creusés sous le Mur occidental et offre aux visiteurs juifs la possibilité d’y organiser une bar-mitsvah ou bat-mitsvah.
87 Emek Shaveh, Archaeological Activities in Politically Sensitive Areas in Jerusalem’s Historic Basin (September 2015), p. 11 [HP Exhibit 70/p. 1012].
88 Jordanian-Palestinian Status Report, The State of Conservation of the Old City of Jerusalem and its Walls (15 April 2019), p. 56 [HP Exhibit 8/p. 255].
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site de la rampe89. Israël a également refusé de respecter les décisions de l’UNESCO lui enjoignant de permettre à ladite direction de mettre à exécution son projet pour cette rampe90. À plusieurs reprises, la Jordanie a protesté auprès d’Israël contre les activités d’excavation sur ce site, notamment le 14 février 200691 et le 5 juillet 200692. Elle a également protesté auprès du directeur général de l’UNESCO le 18 février 200793 et du secrétaire général du Conseil de l’Union européenne, le 20 août 200894.
77. En janvier 2007, le premier ministre israélien a autorisé de nouvelles fouilles « archéologiques » sur le site de la rampe des Maghrébins95. Selon un rapport de l’autorité des antiquités d’Israël datant de cette époque,
« [l]es fouilles sur le site de la montée des Maghrébins ont commencé le 11 février 2007, après l’élimination, par procédé mécanique, d’une couche de ciment qui recouvrait la rampe restée en usage jusqu’à l’hiver 2004. L’ouverture de la zone de fouilles a été supervisée par les inspecteurs de l’autorité des antiquités d’Israël chargés de la région de Jérusalem.
Dans la partie nord de la montée des Maghrébins, les travaux ont atteint la place du Mur occidental. »96
78. La direction des Awqaf a publié un communiqué ainsi libellé :
« Au matin du 6 février 2007, les Palestiniens, le monde arabe et islamique et le reste de l’humanité ont découvert les tristes images des bulldozers israéliens, accompagnés d’une lourde présence militaire israélienne, traversant la porte des immondices pour rejoindre le quartier Maghrébin afin d’y détruire la rampe d’accès historique reliant ce quartier à l’ensemble architectural comprenant la mosquée al-Aqsa. Ces images montraient l’anéantissement du quartier Maghrébin (« mughrabi »). »97
Le 7 février 2007, la Jordanie a informé Israël qu’elle « condamn[ait] fermement … les travaux d’excavation menés par [lui] sur le site de la voie d’accès détériorée à la porte des Maghrébins, contre lesquels elle protest[ait] »98. Le 8 février 2007, le directeur général de l’UNESCO a publiquement exprimé « son extrême inquiétude face aux travaux initiés par les autorités israéliennes sur le site de
89 Jordanian-Palestinian Status Report, The State of Conservation of the Old City of Jerusalem and its Walls (15 April 2019), p. 98 [HP Exhibit 8/p. 297].
90 Ibid.
91 Note Verbale from Jordan to Israel (14 February 2006) [HP Exhibit 117/p. 1317].
92 Note Verbale from Jordan to Israel (5 July 2006) [HP Exhibit 118/p. 1318].
93 Letter from Jordan National Commission for Education Culture & Science to UNESCO Director General (18 February 2007) [HP Exhibit 34/p. 769-770].
94 Letter from Jordan to EU Council Secretary-General (20 August 2008) [HP Exhibit 123/p. 1326-1327].
95 Report of the Technical Mission to the Old City of Jerusalem 27 February-2 March 2007 (12 March 2007), par. 15 [HP Exhibit 201/p. 1692].
96 Israel Antiquities Authority, Excavation at the Mughrabi Gate Ascent – Jerusalem: Report on the Archaeological Work - January to July 2007 (2007) [HP Exhibit 84/p. 1098].
97 Awqaf, Communiqué Regarding the Obliteration of Mughrabi Gate Access Pathway (2007) [HP Exhibit 4/p. 42-43].
98 Note Verbale from Jordan to Israel (7 February 2007) [HP Exhibit 119/p. 1319].
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la Vieille ville de Jérusalem »99. L’OCI100 et le Groupe des États arabes101 ont également condamné cet acte.
79. La Jordanie affirme respectueusement que le comportement d’Israël contredit manifestement, depuis longtemps, les affirmations de ce dernier selon lesquelles il veille à ce que ses travaux d’excavation ne heurtent pas les susceptibilités religieuses.
80. Entre le 27 février et le 2 mars 2007, une mission technique internationale conduite par M. Francesco Bandarin (alors directeur du centre du patrimoine mondial de l’UNESCO) et comprenant M. Mounir Bouchenaki (alors directeur général du centre international d’études pour la conservation et la restauration des biens culturels (ci-après l’« ICCROM ») et M. Michael Petzet (alors président du conseil international des monuments et des sites (ci-après l’« ICOMOS ») a été dépêchée dans la vieille ville de Jérusalem. Elle a établi un rapport daté du 12 mars 2007, dans lequel elle formulait (aux paragraphes 48 à 52) une série de « recommandations finales » libellées comme suit :
« 48. Le Gouvernement israélien devrait être invité à se conformer à ses obligations concernant les fouilles archéologiques et la conservation du patrimoine sur les sites inscrits sur la Liste du patrimoine mondial tels que la vieille ville de Jérusalem, et en particulier à la décision 30 COM 7A.34 adoptée à ce sujet par le Comité du patrimoine mondial à Vilnius en juillet 2006.
49. Le Gouvernement israélien devrait être invité à mettre immédiatement un terme aux fouilles archéologiques, étant donné que les fouilles entreprises ont été jugées suffisantes pour permettre d’évaluer l’état des structures de la rampe d’accès.
50. Le Gouvernement israélien devrait ensuite définir clairement la conception finale de la structure d’accès, qui devrait viser essentiellement à restaurer la rampe d’accès à la porte des Maghrébins sans en modifier de façon majeure la structure et la forme, afin de préserver l’authenticité et l’intégrité du site. Un plan d’opérations précis devrait donc être communiqué au Comité du patrimoine mondial dans les plus brefs délais.
51. Le Gouvernement israélien devrait être invité à engager immédiatement des consultations avec toutes les parties concernées, en particulier les responsables du Waqf et les autorités jordaniennes, ces dernières ayant signé un accord de paix le 26 octobre 1994, et de convenir d’un plan d’opérations avant de prendre toute nouvelle mesure ou décision à ce sujet.
52. Ce processus devrait être supervisé par une équipe internationale d’experts coordonnée par l’UNESCO et à laquelle participeraient des ingénieurs du génie civil spécialisés dans les travaux de consolidation de sites archéologiques, de façon à garantir
99 UNESCO, Le directeur général de l’UNESCO se dit alarmé face au regain de tension dans la Vieille Ville de Jérusalem (8 février 2007) [HP Exhibit 202/p. 1697].
100 Lettre adressée au Secrétaire général par le représentant permanent de l’Azerbaïdjan auprès de l’ONU (9 février 2007) [HP Exhibit 120/p. 1320-1321] / Lettre adressée au Secrétaire général par le représentant permanent du Pakistan auprès de l’ONU (17 octobre 2007) [HP Exhibit 122/p. 1324-1325].
101 Lettre adressée au Secrétaire général par le représentant permanent du Koweït auprès de l’ONU (9 février 2007) [HP Exhibit 121/p. 1322-1323].
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que la solution la plus appropriée sera mise en oeuvre pour la restauration de la rampe d’accès à la Porte des Maghrébins. »102
81. Sans surprise, puisqu’elles sont susceptibles de menacer l’intégrité structurelle d’un lieu saint d’une importance exceptionnelle, les excavations auxquelles a procédé Israël autour de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif pourraient fort bien avoir un effet (voire un but) provocateur. Dans son rapport en date du 20 septembre 2007 intitulé « Règlement pacifique de la question de Palestine », le Secrétaire général a relevé que « [l]es excavations israéliennes autour d’un nouveau passage reliant la porte Mughrabi au Haram al-Sharif (Mont du Temple) dans la vieille ville de Jérusalem [avaient] provoqué des troubles civils et des tensions sur place et dans la région »103.
82. Après plusieurs visites sur le site de la rampe des Maghrébins le 23 mai, le 8 août et le 28 novembre 2010, des experts jordaniens ont noté que
« [d]es pierres s’étaient visiblement détachées du mur ottoman dans la partie nord de la montée et que des travaux de stabilisation devaient être entrepris de toute urgence. Dans leur rapport, les autorités jordaniennes font référence à la convention de La Haye de 1954 et à la convention du patrimoine mondial de 1972, au statu quo et aux décisions du Conseil exécutif et du Comité du patrimoine mondial. Elles y rappellent leur intention de “soumettre au centre du patrimoine mondial et de mettre en oeuvre un projet permettant de préserver l’intégrité, l’authenticité et le patrimoine culturel de la rampe d’accès à la porte des Maghrébins”. »104
C. Percement de tunnels — Extension et intégrité — Travaux d’excavation dangereux dans, autour et sous la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif
83. Les autorités israéliennes creusent des tunnels sous la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif et ses environs depuis plusieurs décennies105, ce qui a toujours suscité des protestations. Outre les travaux réalisés en lien avec la rampe des Maghrébins (comme il a été exposé ci-dessus), Israël a procédé au percement de tunnels dans, autour et sous la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, de manière à la fois étendue et intensive, sous le prétexte de réaliser des « fouilles archéologiques ». En réalité, il a creusé d’importantes cavités qui ont notamment servi de lieu de prière aux pèlerins juifs et de lieu de réunion pour son conseil des ministres, et (conclusion presque inévitable) ont permis de porter atteinte à l’intégrité de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif.
102 Rapport de la mission technique dépêchée par l’UNESCO dans la vieille ville de Jérusalem du 27 février au 2 mars 2007 (12 mars 2007) [HP Exhibit 201/p. 1696].
103 Rapport du Secrétaire général sur le « Règlement pacifique de la question de Palestine » (20 septembre 2007), par. 14 [HP Exhibit 244/p. 2044].
104 World Heritage Committee, Ninth Reinforced Monitoring Report (February 2011), par. 5 [HP Exhibit 207/p. 1716].
105 « La première conférence archéologique à Jérusalem après la guerre des Six Jours s’est tenue en septembre 1967 … À cet égard, des travaux d’excavation ont été entrepris cinq mois seulement après la tenue de la conférence, dans la parcelle adjacente à l’angle sud-ouest de [la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif], laquelle était presque vide. » (Greenberg R, « Extreme Exposure : Archaeology in Jerusalem 1967-2007 » in Conservation and MGMT of Arch. Sites, vol. 11, Nos 3-4, août 2009, p. 262-81 [HP Exhibit 257/p. 2112]).
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106
Légende :
EL HARAM ESHARIF – ISRAELI EXCAVATIONS AROUND IT AND UNDER EL-AQSA MOSQUE 1968-1974
=
EXCAVATIONS ISRAÉLIENNES AUTOUR DU HARAM AL-CHARIF ET SOUS LA MOSQUÉE AL-AQSA 1968-1974
1. al-Marwani Mosque Tunnel (1967-68)
=
1. Tunnel de la mosquée al-Marwani (1967-1968)
2. Southern Corner of Western Wall (1967-1969)
=
2. Angle sud du Mur occidental (1967-1969)
3. Western Wall Tunnels (70-present)
=
3. Tunnels du Mur occidental (1970 à aujourd’hui)
4. Under Mihrab al-Aqsa (1970-1974)
4. Sous le mihrab al-Aqsa (1970-1974)
5. Under the Omar Mosque (1971-1974)
5. Sous la mosquée Omar (1971-1974)
6. Tunnel of the Triple Gate (1970’s)
6. Tunnel de la Triple porte (années 1970)
7. Golden Gate (1975-?)
7. Porte dorée (1975-?)
8. Western Wall Plaza Tunnels (1967-1977)
8. Tunnels de l’esplanade du Mur occidental (1967-1977)
9. Bab al-Qataneen Tunnel (1980-present)
9. Tunnel de la porte des Cotonniers (Bab al-Qatanin) (1980 à aujourd’hui)
10. Bab al-Ghawanmeh Tunneling
10. Porte de Bani Ghanim
11. The Magharbeh Gate Tunnel (2000-present)
11. Tunnel de la porte des Maghrébins (2000 à aujourd’hui)
12. Ohel Yitzhak Tunnels (2000-present)
12. Tunnels de Ohel Yitzhak (2000 à aujourd’hui)
13. Western Wall underground Synagogue (2009-present)
13. Synagogue souterraine sous le Mur occidental (2009 à aujourd’hui)
106 https://whc.unesco.org/document/127758, p. 31.
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84. Pendant plusieurs années, la Jordanie et la Palestine ont présenté au centre du patrimoine mondial de l’UNESCO des rapports sur l’état de conservation de la vieille ville de Jérusalem et ses remparts107. Au vu de l’importance de la vieille ville de Jérusalem et ses remparts, et compte tenu des préoccupations internationales exprimées à propos du comportement d’Israël, le centre du patrimoine mondial a produit des rapports de suivi renforcé à ce sujet pendant plusieurs années108.
85. Les cartes reproduites ci-après (dont l’une provient de la société universitaire palestinienne pour l’étude des affaires internationales (PASSIA) et l’autre d’Emek Shaveh) montrent l’emplacement et l’étendue des principaux sites où des tunnels et des excavations ont été creusés autour de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif :
109
107 Voir, par exemple, Jordanian-Palestinian Status Report, The State of Conservation of the Old City of Jerusalem and its Walls (16 March 2015) [HP Exhibit 5/p. 44-77] / Jordanian-Palestinian Status Report, The State of Conservation of the Old City of Jerusalem and its Walls (28 April 2017) [HP Exhibit 7/p. 111-199] / Jordanian-Palestinian Status Report, The State of Conservation of the Old City of Jerusalem and its Walls (15 April 2019) [HP Exhibit 8/p. 200-345].
108 Voir, par exemple, World Heritage Centre, Fourth Reinforced Monitoring Report (June 2008) [HP Exhibit 203/p. 1698-1701] / World Heritage Centre, Seventh Reinforced Monitoring Report (February 2010) [HP Exhibit 204/p. 1702-1704] / World Heritage Centre, Ninth Reinforced Monitoring Report (February 2011) [HP Exhibit 207/p. 1715-1716] / World Heritage Centre, Tenth Reinforced Monitoring Report (December 2011) [HP Exhibit 210/p. 1726-1735] / World Heritage Centre, Eleventh Reinforced Monitoring Report (March 2012) [HP Exhibit 211/p. 1736-1738] / World Heritage Centre, Twelfth Reinforced Monitoring Report (February 2013) [HP Exhibit 215/p. 1753-1755] / World Heritage Centre, Thirteenth Reinforced Monitoring Report (March 2014) [HP Exhibit 218/p. 1766-1784].
109 PASSIA, Settlement Activity in the Old City Map [HP Exhibit 358/p. 3401.
- 34 -
Légende :
Area expropriated for the reconstitution of an extended Jewish Quarter, 1968
=
Zone expropriée pour la reconstitution d’un quartier juif élargi, 1968
Properties taken over by Israeli settlers
=
Biens récupérés par des colons israéliens
Major religious and public buildings
=
Principaux bâtiments religieux et publics
Structurally damaged building
=
Bâtiment dont la structure a été endommagée
Existing Israeli Tunnel
=
Tunnel israélien existant
Planned/Under Construction Israeli Tunnel
=
Tunnel israélien prévu/en train d’être creusé
110
Légende :
Main Archeological Sites in Jerusalem’s Historical Basin
=
Principaux sites archéologiques du bassin historique de Jérusalem
Main Ancient Sites on the Temple Mount/Al-Haram al-Sharif and its surrounding
=
Principaux sites historiques sur le Mont du Temple/Haram al-Charif et dans les environs
1.TAU excavation
=
1. Travaux d’excavation menés par l’Université de Tel Aviv
1. Al-Aqsa Mosque
=
1. Mosquée al-Aqsa
2.Giv’ati Parking Lot
=
2. Parc de stationnement de Giv’ati
2. Dome of the Rock
=
2. Dôme du Rocher
3. Underground Excavation
=
3. Excavation
3. Dome of the Chain
=
3. Dôme de la Chaîne
4. Bet Hamaayan/Spring House
=
4. Thermes/Bet Hamaayan
4. Dome of the prophet
=
4. Dôme du Prophète
110 Emek Shaveh, The Temple Mount/Haram al-Sharif-Archaeology in a Political Context (March 2017, p. 20 [HP Exhibit 72/p. 1041].
- 35 -
5. Between Warren’s Shaft and Spring House
=
5. Zone entre le puits de Warren et les thermes
5. Dome of the Ascension
=
5. Dôme de l’Ascension
6. Ophel Excavation
=
6. Excavation de l’Ophel
6. Al-Kas
=
6. Al-Kas
7. Mughrabi Ramp
=
7. Rampe des Maghrébins
7. Al-Marwani Mosque
=
7. Mosquée al-Marwani
8. Beit Haïba
=
8. Beit Haïba
8. Mughrabi Gate
=
8. Porte des Maghrébins
9. Western Wall Plaza
=
9. Esplanade du Mur occidental
9. Al-Mahkama -al-Madrasa al-Tankiziyya
=
9. Al-Mahkama -al-Madrasa al-Tankiziyya
10. Old City and Sitwan Tunnels
=
10. Vieille ville et tunnels de Silwan
10. The Iron Gate
=
10. Porte de Fer (Bab al-Hadid)
11. Little Western Wall
=
11. Petit Mur occidental
11. Western Wall Plaza
=
11. Esplanade du Mur occidental
12. Burj-al-Laqlaq (Herod’s Gate)
=
12. Burj-al-Laqlaq (porte d’Hérode)
12. Western Wall tunnels
=
12. Tunnels du Mur occidental
13. Bab al-Rahma
=
13. Bab al-Rahmah
13. Underground spaces of the Western Wall tunnels
=
13. Espaces souterrains des tunnels du Mur occidental
14. Zedekdah’s Cave (Solomon’s Quarries)
=
14. Grotte de Sédécias (carrière de Salomon)
14. Huldah gates
=
14. Portes de Houldah
Tunnel
Tunnel
15. the Ophel excavations/Davidson center
=
15. Excavations de l’Ophel/ centre Davidson
Excavation Site
Chantier d’excavation
16. Givati parking lot excavation/Kedem Compound
=
16. Excavation du parc de stationnement Givati/complexe Kedem
Ancient sites and old excavations
Sites historiques et excavations anciennes
17. City of David visitor center
=
17. Centre d’accueil des visiteurs de la Cité de David
Old City Walls
Remparts de la vieille ville
Underground spaces
=
Espaces souterrains
Underground excavations
=
Excavations
Open-air excavations
=
Excavations à ciel ouvert
86. Comme l’a conclu Emek Shaveh dans l’un de ses rapports,
« [e]n 1969, des tunnels que l’on appelle aujourd’hui les “tunnels du Mur occidental”, ont commencé à être creusés de la place du Mur occidental vers le nord et le long de la muraille qui entoure [la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif]. Les travaux d’excavation réalisés par le ministère de la religion n’ont pas été conduits de manière scientifique et n’ont pas bénéficié d’un suivi archéologique approprié. Ils ont créé une nouvelle zone souterraine sous [la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif] ; même à l’époque, ils étaient considérés comme une menace pour les droits des musulmans sur [la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif]. »111
87. En août 1977, la commission royale jordanienne pour les affaires touchant à Jérusalem a rédigé une note détaillée intitulée « conditions d’ensemble dans la Jérusalem occupée », dans laquelle on pouvait notamment lire ce qui suit :
111 Emek Shaveh, Archaeology in a Political Context over the Temple Mount/Haram al-Sharif (January 2015), p. 12 [HP Exhibit 68/p. 989].
- 36 -
« La destruction des biens arabes à l’intérieur des remparts de la ville de Jérusalem :
Elle découle des travaux d’excavation auxquels Israël a procédé pour effectuer de prétendues fouilles archéologiques. Les autorités militaires d’occupation ont creusé de nombreuses excavations dans la zone du Mur des lamentations, au sud et à l’ouest du Haram al-Charif, sous prétexte de rechercher les vestiges du temple de Salomon, en raison de son importance dans l’histoire juive. Ces excavations ont contribué à ébranler les fondations de nombreux biens waqf islamiques, dont des bâtiments résidentiels et des établissements d’enseignement religieux et culturel, conduisant à leur effondrement et à leur destruction, et à l’évacuation d’autres habitants arabes. Ces excavations ont également entraîné la détérioration de l’al-Zawia al-Fakhria et de 14 bâtiments adjacents, ainsi que la destruction d’une autre zawia ou angle connu sous le nom de Rabat al-Kurd et de l’école islamique (madrasa) al-Jawharia. Elles ont atteint les fondations de la muraille sud du Haram al-Charif et celles des mosquées al-Aqsa et Omar, ainsi que les fondations sud-est de la mosquée al-Awsa [sic] et ont menacé celles de la mosquée al-Aqsa elle-même. L’UNESCO a eu beau fermement condamner la poursuite de ces travaux d’excavation par les autorités militaires d’occupation et demander qu’ils cessent, menaçant d’arrêter de fournir une assistance culturelle et financière à Israël si les Israéliens continuaient de faire fi de ses protestations, les travaux se sont néanmoins poursuivis. »112
88. Le 26 mars 1984, l’escalier de l’entrée principale du conseil supérieur islamique s’est effondré à cause des travaux d’excavation menés par Israël sous la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif et d’autres bâtiments religieux et biens waqf à Jérusalem, incident dont le représentant permanent de la Jordanie s’est plaint auprès du directeur général de l’UNESCO, dans une lettre datée du 1er juin 1984113.
89. Pour protester contre les activités de percement de tunnels entre l’école Tankaziyyah et la porte de Bani Ghanim, la direction des Awqaf a publié, en juillet 1988, une déclaration précisant que la zone en question relevait du waqf et que, « en creusant un tunnel près de la porte de Bani Ghanim, sur une voie d’accès islamique privée [lui] appartenant …, l’objectif [était] manifestement de prendre le contrôle de l’une des portes menant à la mosquée al-Aqsa », et ajoutant qu’elle « refus[ait] explicitement qu’un tunnel soit percé et exige[ait] que la zone soit remise dans son état d’origine »114.
90. Le 23 septembre 1996, les autorités israéliennes, dans le cadre de leurs travaux d’excavation, ont ouvert un tunnel de près de 500 mètres parallèlement au Mur occidental115. Cet acte a été à l’origine de sérieux affrontements entre les autorités israéliennes et la population palestinienne. Parmi les actes ayant porté atteinte à l’intégrité de la mosquée al-Aqsa/Haram al-
112 Royal Committee for Jerusalem Affairs, General Conditions in Occupied Jerusalem (August 1977), p. 5-6 [HP Exhibit 1/p. 23-24].
113 Voir la lettre adressée au directeur général de l’UNESCO par le délégué permanent de la Jordanie (1er juin 1984), à laquelle il est fait référence dans le rapport du directeur général relatif au patrimoine culturel de Jérusalem (27 août 1981) [HP Exhibit 200/p. 1680-1681].
114 Statement from Higher Moslem Council (July 1988) [HP Exhibit 3/p. 40-41].
115 Dans un rapport, Emek Shaveh estime qu’il s’agit, après la destruction du quartier Maghrébin, de la « plus importante transformation » et relève que « certains groupes juifs cherchent à convertir cette zone en un lieu de prière pour les juifs. Encouragés par l’orientation politique du gouvernement actuel, ces groupes sont incités à intensifier leurs efforts en vue d’accroître la présence juive dans [la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif] » (Emek Shaveh, The Temple Mount/Haram al-Sharif-Archaeology in a Political Context (mars 2017) [HP Exhibit 72/p. 1040]). C’est en effet ce qui s’est produit depuis.
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Charif et des bâtiments qui en font partie, il s’agit de l’un des plus caractéristiques et des plus marquants qu’Israël ait commis. Aucun motif légitime ne justifiait le creusement de ce tunnel. Les autorités israéliennes ont initialement prétendu mener des fouilles archéologiques. Or cet endroit est aujourd’hui un lieu de culte pour les juifs. Le 24 septembre 1996, l’observateur permanent de la Palestine auprès de l’ONU a écrit ce qui suit au Secrétaire général :
« Israël, la puissance occupante, a commis encore une nouvelle et dangereuse violation des obligations qui lui incombent en vertu du droit international, du droit international humanitaire et des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Dans la soirée du lundi 23 septembre 1996, les autorités d’occupation israéliennes, sous la protection d’unités de l’armée, ont percé l’entrée d’un tunnel à proximité d’Al-Haram Al-Sharif, dans la partie occupée de Jérusalem-Est. Ce tunnel, d’une longueur d’environ 500 mètres, est parallèle au mur ouest de la mosquée Al-Aqsa. Il va du coin sud-ouest du mur d’Al-Aqsa jusqu’à Bal Al-Gawanimeh au coin nord-ouest, puis se poursuit vers l’est et le nord en direction de la mosquée Al-Aqsa. L’endroit où la terre a été creusée pour l’ouverture du tunnel est situé à proximité de l’escalier qui conduit à l’école Al-Rawda, qui appartient au Waqf islamique et se trouve au nord de la mosquée Al-Aqsa. En conséquence, le percement de cette entrée et toute utilisation de ce tunnel menacent la sécurité et l’intégrité de la mosquée Al-Aqsa et les fondations des édifices islamiques qui se trouvent au-dessus du tunnel. »116
91. Le 16 octobre 2017, l’autorité des antiquités d’Israël a publié, sur sa page YouTube officielle, une astucieuse vidéo de propagande intitulée « nouvelles découvertes dans les tunnels du Mur occidental » montrant l’ampleur considérable des travaux d’excavation qui ont été réalisés autour de l’arche de Wilson (reliée au Mur occidental), sous laquelle une synagogue a été construite en 1967. La vidéo montre également que des groupes de jeunes Israéliens ont été invités à participer aux travaux (et ont même visiblement manié la pioche à cette occasion)117.
92. Aujourd’hui, les excavations ont pris de telles proportions que divers organismes israéliens et juifs, privés ou financés par l’État, organisent des visites des tunnels creusés sous le Mur occidental, et proposent même aux pèlerins juifs de participer aux travaux118.
93. La direction des Awqaf continue de protester contre les travaux d’excavation israéliens à proximité de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif. Le 25 juin 2022, elle s’est élevée publiquement
116 Lettre adressée au Secrétaire général par l’observateur permanent de la Palestine auprès de l’ONU (24 septembre 1996) [HP Exhibit 112/p. 1308].
117 Israeli Antiquities Authority Official YouTube Channel, New Discoveries at the Western Wall Tunnels (16 October 2017) [HP Exhibit 355] (https://www.youtube.com/watch?v=29kVDSYA4hY).
118 Outre la fondation du patrimoine du Mur occidental (mentionnée plus haut), ces organismes sont notamment : 1) « City of David », qui propose une visite appelée « La pierre angulaire du Mur occidental » et promet aux visiteurs qu’ils pourront « explorer les profondeurs d’un tunnel qui remonte à la période du Second temple … La visite se termine par une sortie proche des fondations du Mur occidental, dont les pierres sont vieilles de deux millénaires » (https://cityofdavid.org.il/en/product/tour-corner-western-wall-eng/) [HP Exhibit 86/p. 1105-1109], 2) « The Official Jerusalem Travel Site », qui propose aux visiteurs de « PARTICIPER AU PROJET DE TAMISAGE DU MONT DU TEMPLE » et de « DÉCOUVRIR LES SECRETS ENFOUIS DE JÉRUSALEM », et affirme mensongèrement que « [t]out a commencé en 1999, lorsque des travaux de construction illicites ont été entrepris par le Waqf islamique sur le Mont du Temple. Pour préserver le patrimoine historique contenu dans le sol, d’immenses quantités de terre recelant des vestiges archéologiques du temple ont été excavées et transportées dans la vallée du Cédron. Puisqu’il est impossible d’accéder au Mont du Temple pour y effectuer des fouilles archéologiques, le tamisage de la terre qui en provient offre une occasion unique de découvrir les trésors archéologiques qui y étaient enfouis. » (https://www.itraveljerusalem.com/evt/experience-archaeology-first-hand-sifting-jerusalems-temple-mount-soil/) [HP Exhibit 88/p. 1119-1121], et 3) « The Temple Mount Sifting Project », qui propose une activité de deux heures durant laquelle les visiteurs peuvent tamiser la terre extraite de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif(https://tmsifting.org/en/fr/) [HP Exhibit 87/p. 1110-1118].
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contre les excavations « suspectes » menées par Israël aux alentours de ce lieu saint, déclarant qu’« un groupe d’ouvriers, à l’aide de bulldozers et de matériel d’excavation, s’affair[ait] avec une hâte suspecte dans cette zone ». Ces activités ont créé des cavités dans les murs vers la partie sud de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif119.
D. Attaques militaires contre la mosquée al-Qibli
94. Comme il a été exposé plus haut, la mosquée al-Qibli fait partie des édifices de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif les plus importants pour les musulmans. Elle a pourtant subi des violations répétées, y compris des attaques de grande ampleur de l’armée et de la police israéliennes.
95. Le 13 octobre 2014, Moshe Feiglin a pénétré dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif en compagnie de soldats et de policiers israéliens. Des affrontements avec les fidèles palestiniens s’en sont suivis, au cours desquels des soldats israéliens ont lancé des grenades étourdissantes dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, y causant des dégâts matériels120.
96. Le 10 mai 2021, les forces de sécurité israéliennes ont pris d’assaut la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif et lancé une attaque à l’aide de grenades étourdissantes, de gaz lacrymogène et de balles d’acier enrobées de caoutchouc. La mosquée al-Qibli a subi d’importants dommages : des vitraux anciens ont notamment été brisés sous l’impact des grenades. Des vidéos ont été filmées à l’intérieur de la mosquée pendant cette attaque et publiées sur YouTube montrent la violence dont peuvent être victimes les fidèles musulmans de la part des autorités israéliennes lorsqu’ils prient dans la mosquée al-Qibli121.
97. En avril 2022, pendant le ramadan, de très graves affrontements ont eu lieu à la suite de violations et de provocations commises par Israël contre les fidèles musulmans et la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif. Au cours d’une intrusion violente dans la mosquée al-Qibli, des militaires israéliens armés y ont causé des dommages injustifiés. Plusieurs dizaines de vitraux anciens ont été détruits sous l’impact des grenades et des balles tirées dans la mosquée par les soldats ou les policiers israéliens, et le tapis et le minbar ont été gravement endommagés122 :
119 The National, « Islamic religious authorities warn of ‘suspicious’ Israeli excavation at Al Aqsa Mosque » (25 June 2022) [HP Exhibit 310/p. 2327-2328].
120 Lettre adressée au Secrétaire général et à la présidente du Conseil de sécurité par l’observateur permanent de la Palestine auprès de l’ONU (14 octobre 2014) [HP Exhibit 134/p. 1358-1360].
121 Al Jazeera Arabic, شاھد| قوات الاحتلال تھاجم المصلین في المسجد القبلي بالقنابل والغاز المسیل للدموع (Où l’on voit les
forces d’occupation attaquer les fidèles dans la mosquée al-Qibli avec des bombes et du gaz lacrymogène)
(https://www.youtube.com/watch?v=Y2claq68J7w&t=9s) [HP Exhibit 356].
122 Lettres adressées au Secrétaire général, au président de l’Assemblée générale et à la présidente du Conseil de sécurité par l’observateur permanent de la Palestine auprès de l’ONU (15 avril 2022) [HP Exhibit 140/p. 1379-1381] / Lettre adressée au Secrétaire général par le représentant permanent de l’Algérie auprès de l’ONU, communiquant une lettre du président de l’Algérie (18 avril 2022) [HP Exhibit 141/p. 1382-1383] / Lettres adressées au Secrétaire général et à la présidente du Conseil de sécurité par le représentant permanent d’Israël auprès de l’ONU (21 avril 2022) [HP Exhibit 142/p. 1384-1386] / Lettre adressée au Secrétaire général par le représentant permanent de la Malaisie auprès de l’ONU, communiquant une lettre du ministre malaisien des affaires étrangères (21 avril 2022) [HP Exhibit 143/p. 1387-1388].
- 39 -
(La photographie ci-dessus (à gauche) était jointe à la lettre de protestation en date du 12 avril 2022 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf123, laquelle l’avait ainsi légendée : « Les forces spéciales israéliennes ont brisé la paroi de verre du minbar de Saladin avec des tirs de balles en caoutchouc. »)
(La photographie ci-dessus (à droite) était jointe à la lettre de protestation en date du 12 avril 2022 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf124, laquelle l’avait ainsi légendée : « Les forces spéciales israéliennes ont brisé 29 vitraux dans la mosquée al-Qibli, y compris les 11 doubles vitraux colorés du Mur occidental, près de la toiture. »)
98. Le 6 avril 2023, les forces israéliennes sont montées sur la toiture de la mosquée al-Qibli et ont fracassé les vitraux colorés :
123 [HP Exhibit 30/p. 693].
124 [HP Exhibit 30/p. 705].
- 40 -
Légende :
The violation : Israeli police forces storms the Roof of Al-Qibli Mosque at Al-Aqsa Mosque/Al-Haram Al-Sharif and breaks its decorated windows
=
Violation : la police israélienne, ayant fait irruption sur le toit de la mosquée al-Qibli (al-Aqsa/Haram al-Charif), brise des vitraux
Location : roof of al-Qibli Mosque
=
Lieu : toit de la mosquée al-Qibli
Date: 6 April 2023
=
Date : 6 avril 2023
Source: Jerusalem Awqaf and Al-Aqsa Mosque Affairs Department
=
Source : Direction des Awqaf de Jérusalem et des affaires relatives à la mosquée al-Aqsa
(La photographie ci-dessus était jointe à la lettre de protestation en date du 3 mai 2023 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf125.)
E. Défaut de prévention d’un grave incendie criminel dans la mosquée al-Qibli
99. Le 21 août 1969, la principale salle de prière de la mosquée al-Qibli a été incendiée par Denis Michael Rohan, ressortissant australien qui se trouvait à Jérusalem depuis six mois. Il s’agissait apparemment de sa deuxième tentative d’incendie dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, où il est cette fois parvenu à apporter, à l’intérieur même de la mosquée al-Qibli, sous les marches du minbar de Saladin qui date du XIIe siècle, … Au procès, il a été jugé dément et placé dans un établissement psychiatrique126 ; il a été extradé vers l’Australie le 14 mai 1974. Depuis le début de l’occupation, les forces israéliennes ont toujours posté des hommes à tous les points d’accès externes.
125 [HP Exhibit 33/p. 753].
126 ABC News, « The Australian shearer who torched Al Aqsa Mosque in a bid to bring on the apocalypse » (23 August 2019) [HP Exhibit 299/p. 2287-2294].
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Il n’est pas exagéré de dire qu’Israël a sérieusement manqué à l’obligation qui lui incombe, en tant que puissance occupante, de protéger la mosquée al-Aqsa ou Haram al-Charif127.
II. ENTRAVES À L’ACCÈS DES FIDÈLES (ET ATTAQUES CONTRE CES DERNIERS)
100. Les autorités israéliennes ont commis à maintes reprises des actes qui ont eu pour effet d’entraver l’accès des fidèles aux Lieux saints, notamment en prenant des mesures telles que 1) la clôture des points d’entrée et la mise en place de barrières physiques ; ii) la limitation du nombre de fidèles et de leurs horaires d’accès ; iii) l’interdiction d’entrée aux fidèles (individuellement ou collectivement) et aux personnalités religieuses ; iv) la clôture complète de certains Lieux saints (parfois à des dates importantes sur le plan religieux).
101. Il est fort malheureux (et même honteux) que figurent parmi ces mesures des agressions physiques (parfois létales) contre des fidèles et des personnalités religieuses (que les autorités israéliennes n’ont pas su empêcher), commises par des extrémistes juifs ou par l’armée ou la police israélienne elle-même.
A. Agressions physiques de fidèles et de personnalités religieuses
102. Le 15 janvier 1988, des soldats israéliens ont ouvert le feu et tiré des grenades lacrymogènes sur des fidèles réunis pour la prière du vendredi dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif128. Le président du Conseil islamique suprême, le cheikh Saadeddine Al-Alami, a rédigé un message (transmis au Secrétaire général) dans lequel il soulignait que « le monde entier [était] appelé à s’opposer résolument à ces violations barbares et contraires aux règles et usages internationaux ».
103. Le 4 octobre 2009, des Palestiniens qui tentaient d’organiser une manifestation assise pour défendre la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif contre les incursions répétées des extrémistes juifs ont été attaqués par les forces israéliennes129.
104. Les patriarches et chefs des Églises de Jérusalem ont publié le 14 décembre 2021 un communiqué dans lequel ils soulignaient, entre autres, que les groupes et organismes dont Israël était responsable avaient manqué de prendre des mesures efficaces pour réduire la fréquence des agressions contre les chrétiens :
« Partout en Terre sainte, les chrétiens sont devenus la cible d’attaques fréquentes et renouvelées de la part de groupes radicaux marginaux. Depuis 2012, on ne compte plus les cas d’agressions physiques et verbales contre des prêtres et d’autres membres du clergé, d’attaques contre des églises chrétiennes, régulièrement accompagnées de
127 Le 15 septembre 1969, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté la résolution 271 (1969), dans laquelle il se disait « [a]ffligé par les importants dommages qu’un incendie criminel a[vait] causés à la sainte mosquée Al Aqsa à Jérusalem, le 21 août 1969, sous l’occupation militaire d’Israël » et « [c]onstat[ait] que l’acte exécrable de violation et de profanation de la sainte mosquée Al Aqsa soulign[ait] l’immédiate nécessité pour Israël de renoncer à agir en violation des résolutions [antérieures du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale] et de rapporter immédiatement toutes les mesures et dispositions prises par lui qui tend[ai]ent à altérer le statut de Jérusalem » [HP Exhibit 150/p. 1409].
128 Lettre datée du 20 janvier 1988, adressée au Secrétaire général par le représentant permanent du Koweït auprès de l’ONU, transmettant le texte du communiqué adopté par l’OCI (15 janvier 1988) [HP Exhibit 106/p. 1297-1299] / Lettre datée du 18 janvier 1988, adressée au Secrétaire général par le représentant permanent du Koweït auprès de l’ONU, communiquant une lettre du président du Conseil islamique suprême (16 janvier 1988) [HP Exhibit 105/p. 1294-1296].
129 Lettres adressées au Secrétaire général et au président du Conseil de sécurité par le chargé d’affaires par intérim de la mission permanente d’observation de la Palestine auprès de l’ONU (5 octobre 2009) [HP Exhibit 125/p. 1332-1333].
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vandalisme et de profanation des Lieux saints, et d’intimidations constantes contre la population chrétienne locale, alors que celle-ci cherche simplement à pratiquer sa foi librement et à vaquer à ses occupations quotidiennes. En recourant systématiquement à cette tactique, ces groupes cherchent à chasser la communauté chrétienne de Jérusalem et d’autres parties de la Terre sainte. »130
105. Les 4 et 5 avril 2023, pendant le ramadan, de nombreux fidèles palestiniens passaient la nuit dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif pour prier, comme le veut la tradition. Avant l’aube, les forces israéliennes ont fait irruption dans la mosquée, attaquant les fidèles avec des matraques, des grenades étourdissantes et du gaz lacrymogène. Au cours de cette incursion violente, des lustres et plusieurs portes de la mosquée al-Qibli ont été endommagés131.
106. En avril 2022, pendant le ramadan, de très graves affrontements ont eu lieu en raison de violations et de provocations commises par Israël contre des fidèles musulmans et la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif. Le drapeau israélien a été hissé dans l’enceinte de ce lieu saint, où les forces israéliennes ont fait une incursion pendant les prières de l’aube et ont attaqué les fidèles palestiniens avec des balles en caoutchouc, des grenades étourdissantes et du gaz lacrymogène, blessant plus de 150 personnes. Plus de 400 arrestations ont eu lieu à cette occasion132.
B. Interdiction d’entrée pour les fidèles ou les personnalités religieuses
107. En 2022, la police israélienne a commencé à prendre des mesures pour empêcher les fidèles, prêtres, religieuses et organisateurs de participer aux cérémonies pascales à l’église du Saint-Sépulcre, ce qu’elle a continué de faire les années suivantes. Des personnalités et institutions chrétiennes se sont élevées contre ces mesures à maintes reprises133.
108. Le 4 septembre 2013, à la veille du Nouvel An juif, une quarantaine d’extrémistes juifs, accompagnés de forces israéliennes, ont pénétré dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, ce qui a donné lieu à des protestations de la part des fidèles palestiniens. Par provocation, les forces israéliennes ont pris d’assaut la mosquée et y ont dispersé du gaz poivre, blessant trois personnes. Le
130 Patriarchs and Heads of Local Churches of Jerusalem, Statement on the Current Threat to the Christian Presence in the Holy Land (13 December 2021) [HP Exhibit 57/p. 816-818].
131 Lettres adressées au Secrétaire général, au président de l’Assemblée générale et au président du Conseil de sécurité par l’observateur permanent de la Palestine auprès de l’ONU (5 avril 2023) [HP Exhibit 145/p. 1392-1394] / Lettre adressée au président du Conseil de sécurité par le représentant permanent de la Jordanie auprès de l’ONU (10 avril 2023) [HP Exhibit 146/p. 1395-1396] / Jordanian-Palestinian Protest to UNESCO Director-General (11 avril 2023) [HP Exhibit 47/p. 798-799].
132 Lettres adressées au Secrétaire général, au président de l’Assemblée générale et au président du Conseil de sécurité par l’observateur permanent de la Palestine auprès de l’ONU (15 avril 2022) [HP Exhibit 140/p. 1379-1381] / Lettre adressée au Secrétaire général par le représentant permanent de l’Algérie auprès de l’ONU (18 avril 2022) [HP Exhibit 141/p. 1382-1383] / Lettres adressées au Secrétaire général et à la présidente du Conseil de sécurité par le représentant permanent d’Israël auprès de l’ONU (21 avril 2022) [HP Exhibit 142/p. 1384-1386] / Lettre adressée au Secrétaire général par le représentant permanent de la Malaisie auprès de l’ONU, communiquant une lettre du ministre malaisien des affaires étrangères (21 avril 2022) [HP Exhibit 143/p. 1387-1388].
133 Jordanian-Palestinian Status Report, The State of Conservation of the Old City of Jerusalem and its Walls (15 April 2019), p. 69 [HP Exhibit 8/p. 268] / Protecting Holy Land Christians, Statement by the Orthodox Patriarchate of Jerusalem for Easter 2022 (11 April 2022) [HP Exhibit 59/p. 820-821] / Protecting Holy Land Christians, Statement by the Jerusalem Patriarch Rejecting the Proposed Restrictions on the Holy Fire Ceremonies (21 April 2022) [HP Exhibit 60/p. 822-823] / Protecting Holy Land Christians, Patriarchs and Heads of the Churches in Jerusalem Easter Message — 2023 (31 March 2023) [HP Exhibit 62/p. 826-828] / Protecting Holy Land Christians, Celebration of One of Christianity’s Most Important Religious Ceremonies To Be Unreasonably Restricted by Israeli Police (12 April 2023) [HP Exhibit 63/p. 829-830].
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grand mufti de Jérusalem134, ainsi que d’autres personnalités palestiniennes, notamment religieuses, se sont vu refuser l’accès à la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif135, qui a été fermée aux fidèles musulmans âgés de moins de 50 ans. Les autorités israéliennes privent régulièrement les fidèles de l’accès à ce lieu saint. Une telle mesure, quand bien même serait-elle prise pour des raisons touchant à la sécurité, est intrinsèquement provocatrice tant par sa nature que par son effet.
109. Le 16 avril 2014, empruntant la rampe de bois et d’acier menant à la porte des Maghrébins, plus d’un millier de membres des forces israéliennes, appartenant notamment à la « police des frontières », aux « unités spéciales » et au corps des tireurs de précision ont pénétré dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, ce qui a entraîné des affrontements avec les fidèles musulmans. Les forces israéliennes se sont ensuite postées à toutes les portes du lieu saint, y interdisant l’entrée aux hommes palestiniens de moins de 50 ans136.
110. Le 27 mai 2014, des milliers d’extrémistes juifs, emmenés par 30 rabbins, ont traversé la vieille ville de Jérusalem, accompagnés par les forces israéliennes qui ont tiré des grenades étourdissantes et des balles en caoutchouc sur les fidèles palestiniens, auxquels on a alors temporairement interdit l’accès à la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif137.
111. Depuis de nombreuses années, la police israélienne impose des restrictions supplémentaires pendant le mois du ramadan, en particulier le vendredi (jour extrêmement important pour les musulmans) ; par exemple, des barrages routiers sont mis en place et il est interdit aux hommes musulmans en dessous d’un certain âge (parfois 40 ans, parfois 50 ou 55) d’entrer dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif. En mars 2023, des musulmans désirant pénétrer dans ce lieu saint en ont été empêchés par des policiers israéliens lourdement armés138. De tels actes, systématiquement commis au moment le plus délicat pour les fidèles musulmans, ne peuvent qu’être considérés comme une provocation. La seule autre explication (tout aussi illégitime) serait la volonté d’infliger aux Palestiniens une forme de sanction collective pour les protestations et autres réactions contre l’occupation illicite.
112. Plus récemment, le 31 mars 2023, les patriarches et chefs des Églises de Jérusalem ont publié le message suivant à l’occasion des fêtes de Pâques :
134 Le cheikh Mohammed Hussein, grand mufti de Jérusalem, avait déjà été arrêté en mai 2013 par la police israélienne, qui l’avait interrogé pendant environ six heures avant de le libérer sans inculpation. Le porte-parole de la police israélienne, M. Micky Rosenfeld, aurait déclaré que le mufti avait été arrêté pour répondre à des questions portant sur des « troubles à l’ordre public » aux environ de la mosquée al-Aqsa ou Haram al-Charif. Le mufti aurait affirmé ce qui suit : « [i]ls m’ont arrêté chez moi à huit heures du matin, et m’ont accusé d’incitation à la violence … Je n’incite à rien. Je protège la mosquée al-Aqsa : c’est en cela que consiste mon travail. » Reuters, « Israel police hold Jerusalem Muslim cleric for six hours » (8 mai 2013) [HP Exhibit 272/p. 2183-2186]).
135 Lettres adressées au Secrétaire général, au président de l’Assemblée générale et au président du Conseil de sécurité par l’observateur permanent de la Palestine auprès de l’ONU (20 septembre 2013) [HP Exhibit 129/p. 1343-1346] / déclaration de l’observateur permanent de la Palestine à la 57e séance plénière de la soixante-huitième session de l’Assemblée générale au titre du point de l’ordre du jour intitulé « Question de Palestine » (25 novembre 2013) [HP Exhibit 183/p. 1543].
136 Lettres adressées au Secrétaire général et à la présidente du Conseil de sécurité par l’observateur permanent de la Palestine auprès de l’ONU (16 avril 2014) [HP Exhibit 132/p. 1353-1354].
137 Lettres adressées au Secrétaire général, au président de l’Assemblée générale et au président du Conseil de sécurité par le chargé d’affaires par intérim de la Palestine auprès de l’ONU (29 mai 2014) [HP Exhibit 133/p. 1355-1357].
138 Middle East Eye, « Israeli forces restrict access to Al-Aqsa during first Friday prayers of Ramadan » (24 March 2023) [HP Exhibit 311/p. 2329-2331].
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« Depuis plus d’un an, certaines de nos églises et de nos processions funéraires et certains de nos lieux de rassemblement publics ont été la cible d’attaques ; certains de nos Lieux saints et cimetières ont été profanés ; et certaines de nos liturgies, telles que la procession du dimanche des Rameaux et la cérémonie du Feu sacré, ont été interdites à des milliers de fidèles, et ce, en dépit de notre volonté de coopérer avec les autorités en place et d’accéder à toute demande raisonnable qu’elles pourraient nous soumettre. »139
113. Le 12 avril 2023, il a été rapporté que les autorités israéliennes avaient décidé de limiter à seulement 1 800 (contre 10 000 l’année précédente) le nombre de personnes autorisées à participer à la cérémonie du Feu sacré à l’église du Saint-Sépulcre140. Les églises arméniennes, catholiques et grecques orthodoxes de Jérusalem ont publié la déclaration suivante :
« Cette semaine — la semaine sainte — est la plus sacrée pour la chrétienté. Nous commémorons les événements qui ont mené à la crucifixion de Jésus Christ, notre seigneur et notre sauveur, et nous nous souvenons de sa glorieuse résurrection.
La cérémonie du Feu sacré est un grand moment qui unit les fidèles à la lumière de Jésus Christ et qui, chaque année depuis près de 2 000 ans, attire des chrétiens du monde entier à l’église du Saint-Sépulcre.
Chaque année, les églises concertent cette cérémonie avec les autorités, de sorte qu’elle puisse se dérouler sans incident. Il est à noter que, l’an dernier, les autorités israéliennes ont imposé dans la vieille ville l’installation de barrières qui ont empêché les pèlerins de nos communautés chrétiennes locales de participer à la cérémonie du Feu sacré dans l’église du Saint-Sépulcre, entravant leur liberté de culte et leur capacité d’assister au miracle de la résurrection.
Cette année, bien que nous ayons multiplié les tentatives avec bonne volonté, nous n’avons pas pu coordonner la cérémonie avec les autorités israéliennes, qui imposent des restrictions déraisonnables et inédites à l’accès au Saint-Sépulcre, encore plus que l’an dernier. Ces restrictions sévères limiteront l’accès à l’église du Saint-Sépulcre et à la cérémonie du Feu sacré.
La police exige, de manière injuste et inappropriée, que les églises envoient des invitations, tout en leur imposant des restrictions déraisonnables qui empêcheront les fidèles, en particulier ceux issus de nos communautés locales, d’assister à la cérémonie. Dans ces conditions, il nous est difficile de concerter cet événement avec la police.
Nous, le patriarcat grec orthodoxe, la custodie franciscaine de Terre sainte et le patriarcat arménien, l’avons déjà clairement exposé dans nos diverses déclarations : nous continuerons de respecter les traditions du statu quo, et la cérémonie sera organisée comme elle l’a toujours été depuis deux millénaires ; tous ceux qui le souhaitent sont invités à se recueillir avec nous. Cela étant clairement dit, nous laissons les autorités libres d’agir à leur guise. Les églises pratiqueront leur culte librement et en paix. »141 (Les italiques sont de nous.)
139 Protecting Holy Land Christians, Patriarchs and Heads of the Churches in Jerusalem Easter Message — 2023 (31 March 2023) [HP Exhibit 62/p. 826-828].
140 BBC News, « Jerusalem holy site clashes fuel fears of return to war » (22 April 2022) [HP Exhibit 308/p. 2321-2325] / BBC News video concerning attacks on Christians in Jerusalem [HP Exhibit 357].
141 Jordan Times, « Jerusalem churches condemn ‘unreasonable’ Israeli restrictions for Holy Light ceremony » (13 April 2023) [HP Exhibit 312/p. 2332-2333].
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C. Fermeture de certains Lieux saints
114. Les 29 et 30 octobre 2014, les autorités israéliennes ont pris la décision inédite de fermer la totalité de l’ensemble architectural de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif (pour la première fois depuis 1967). Les fidèles palestiniens et les étudiants dont les établissements se trouvent dans l’enceinte de ce lieu saint ne pouvaient plus y accéder. Le muezzin n’a pas pu appeler les musulmans de Jérusalem à la prière. La tentative d’assassinat contre Yehuda Glick (partisan acharné de l’augmentation du nombre des visiteurs juifs à la mosquée al-Aqsa ou Haram al-Charif, membre de la Knesset israélienne de 2016 à 2019 et candidat aux élections présidentielles israéliennes en 2021) a servi de prétexte à cette mesure142. Elle a eu lieu au centre du patrimoine Menachem Begin à Jérusalem-Ouest143, soit à une distance de près de deux kilomètres de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif. Le ministre israélien de la sécurité publique, Yitzhak Aharonovich, et le chef de la police de Jérusalem, Moshe Edri, auraient décidé de fermer le lieu saint « sur la base d’évaluations établies par le renseignement et de préoccupations touchant à la sécurité du site »144. De telles déclarations générales ne sont qu’un écran de fumée devant les violations commises par Israël à cet égard145.
115. Autre exemple d’acte de provocation (voire de sanction collective illicite) commis par Israël à l’égard de la population palestinienne : la nouvelle fermeture complète de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif par les autorités israéliennes, le 5 novembre 2014146. Sous un prétexte quelconque, en l’espace de quelques jours, Israël a prétendu « repousser les limites » du statu quo ou de la tutelle sur les Lieux saints en affirmant que cette dernière ne s’appliquait qu’à la mosquée al-Qibli, et non à la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif (déclaration immédiatement contestée par la Jordanie).
116. Du 17 au 19 août 2018, après une attaque au couteau, la police israélienne a fermé la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif et en a expulsé les fidèles musulmans et le personnel de la direction des Awqaf147.
142 Lettres adressées au Secrétaire général, au président de l’Assemblée générale et à la présidente du Conseil de sécurité par l’observateur permanent de la Palestine auprès de l’ONU (30 octobre 2014) [HP Exhibit 135/p. 1361-1362] / The Jerusalem Post, « Jerusalem’s Temple Mount closes to all visitors after shooting of Yehuda Glick » (30 octobre 2014) [HP Exhibit 276/p. 2193-2200] / BBC News, « Jerusalem holy site closure ‘declaration of war’ — Abbas » (30 October 2014) [HP Exhibit 277/p. 2201-2206] / The Guardian, « Israel closes Al-Aqsa mosque compound to all visitors » (30 October 2014) [HP Exhibit 278/p. 2207-2209].
143 The Jerusalem Post, « Police and Shin Bet kill suspect in shooting of right-wing activist Yehuda Glick » (30 October 2014) [HP Exhibit 279/p. 2210-2217].
144 The Jerusalem Post, « Jerusalem’s Temple Mount closes to all visitors after shooting of Yehuda Glick » (30 October 2014) [HP Exhibit 276/p. 2193-2200].
145 Comme le concluait Emek Shaveh dans un rapport de juin 2015, « [l]es données montrent que lorsqu’il existe des tensions sur les plans politique et de la sécurité à Jérusalem, le statu quo [concernant la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif] est remis en cause. Par exemple, en 2014, la police israélienne a imposé des restrictions aux fidèles en fonction de leur âge à 41 reprises, ce qui représente près de 15 % de l’année. Ce chiffre montre que le sentiment qu’ont les Palestiniens qu’Israël revient sur le statu quo dans cette zone est confirmé par les données policières, même si ces restrictions sont imposées en raison de circonstances atténuantes, comme la tentative d’assassinat contre Yehuda Glick » (Emek Shaveh, Denial of Access and Worship on the Temple Mount / Haram al-Sharif in 2012-2014 (juin 2015), p. 6 [HP Exhibit 69/p. 1001]).
146 Lettres adressées au Secrétaire général et à la présidente du Conseil de sécurité par l’observateur permanent de la Palestine auprès de l’ONU (5 novembre 2014) [HP Exhibit 136/p. 1363-1365].
147 Jordan Times, « Jordan condemns closure of Al Aqsa Mosque Friday » (19 August 2018) [HP Exhibit 296/p. 2282].
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117. Le 18 février 2019, après des manifestations au cours desquelles des Palestiniens avaient tenté de forcer le cordon formé autour du bâtiment du Bab al-Rahmah par la police israélienne, celle-ci a fermé la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif148.
III. ENTRAVES AUX TRAVAUX DE RESTAURATION OU D’ENTRETIEN
118. Il est de plus en plus fréquent que les autorités israéliennes gênent, empêchent ou entravent la réalisation d’importants travaux de restauration, de réparation et d’entretien des Lieux saints, notamment ceux dont la direction des Awqaf est responsable. Les membres du personnel de cette direction se sont souvent vu refuser l’accès aux bâtiments et aux espaces où ils travaillent (c’est-à-dire dans l’enceinte de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif).
119. Le 26 juillet 2005, la Jordanie s’est plainte auprès d’Israël, exigeant qu’elle lui fournisse « une explication immédiate du traitement illicite réservé au personnel administratif jordanien chargé des Awqaf et des affaires islamiques, à qui la police israélienne a[vait] notamment fait subir des sévices physiques et a[vait] refusé l’accès à la mosquée al-Aqsa »149.
120. Le 15 avril 2015, Uri Ariel, ministre israélien de la construction, a demandé au premier ministre d’Israël d’ordonner à la police israélienne de faire cesser les travaux de rénovation entrepris par la direction des Awqaf dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif150. Indépendamment des directives données par ce haut responsable, Israël a trouvé de nombreux autres moyens de retarder et d’entraver les travaux de restauration et d’entretien menés par ladite direction dans ce lieu saint.
121. Depuis 2003, les autorités israéliennes empêchent la direction des Awqaf d’accéder au Bab al-Rahmah, dans l’enceinte de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, au motif que ce bâtiment aurait été utilisé par une organisation terroriste appelée « association pour le patrimoine ». Le 10 mars 2016151 et le 27 février 2017152, la direction a fait valoir auxdites autorités, entre autres, 1) que nulle « association pour le patrimoine » n’était présente dans l’enceinte de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif depuis 2003 ; 2) qu’il n’existait aucune organisation terroriste dans ce lieu saint ; 3) qu’il était illicite de leur part de s’ingérer dans les affaires de la mosquée en continuant de lui interdire de mener des travaux de restauration dans le Bab al-Rahmah.
122. Le 23 juillet 2018, une grosse pierre s’est détachée de la paroi ancienne de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif et s’est écrasée sur la place al-Bouraq. Les autorités israéliennes ont refusé que la direction des Awqaf examine la pierre et répare les dommages causés153. Elles ont ensuite transféré la pierre vers un autre site, ce contre quoi la Jordanie et la Palestine ont protesté auprès de la directrice générale de l’UNESCO, le 5 septembre 2018154.
148 Jordan Times, « Jordan strongly condemns Israels closure of Al Aqsa Mosque » (18 February 2019) [HP Exhibit 298/p. 2285-2286].
149 Note Verbale from Jordan to Israel (26 July 2005) [HP Exhibit 116/p. 1316].
150 Daily Sabah, « Israeli minister demands to halt Al-Aqsa renovations » (14 April 2015) [HP Exhibit 283/p. 2223-2224].
151 Awqaf Protest Note (10 March 2016) [HP Exhibit 21/p. 590-591].
152 Awqaf Protest Note (27 February 2017) [HP Exhibit 24/p. 602-617].
153 Awqaf Protest Note (5 September 2018) [HP Exhibit 28/p. 682-683].
154 Jordanian-Palestinian Protest to UNESCO Director-General (5 September 2018) [HP Exhibit 37/p. 778-779].
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123. Le 10 mai 2022, le ministère jordanien des Awqaf a publié une déclaration dans laquelle il indiquait avoir « recruté plus de 70 gardes depuis 2016, mais [que] les mesures et les restrictions adoptées par la police israélienne sur le terrain f[aisaient] obstacle au travail des gardes et des employés »155.
IV. MODIFICATIONS
124. Les autorités israéliennes ont adopté ou encouragé, de manière constante, un comportement visant à modifier la nature, le statut, la fonction et l’objet des Lieux saints et de leurs environs, ou n’ont rien fait pour empêcher de telles modifications.
A. Défaut de prévention des tentatives provocatrices de poser la première pierre du « troisième Temple »
125. Le 8 octobre 1990, des soldats israéliens ont mené une attaque d’ampleur contre un large groupe de musulmans (tuant 22 d’entre eux) qui s’étaient rassemblés pour empêcher une tentative de poser « la première pierre » du « troisième Temple », ce qui a déclenché de violents affrontements. Le même jour, l’observateur permanent de la Palestine, État observateur, auprès de l’ONU a adressé une lettre au Secrétaire général, libellée comme suit :
« Israël a commis aujourd’hui, 8 octobre 1990, un autre crime de génocide ; à 8 heures (heure de New York), on dénombrait 22 civils palestiniens non armés tués et près de 200 autres blessés. Les troupes d’occupation israéliennes empêchent actuellement les Palestiniens qui veulent donner du sang aux blessés de se rendre dans les hôpitaux.
Selon des informations parvenues tôt dans la matinée, un groupe d’Israéliens avait tenté de pénétrer dans l’enceinte du Haram al-Sharif (mosquée al-Aqsa) de Jérusalem pour y poser la “première pierre” du “troisième Temple”. Lorsque ce groupe s’est approché du portail sud de la mosquée, les habitants de Jérusalem avaient déjà pris position dans le secteur pour empêcher cet acte d’agression contre l’un des lieux les plus sacrés de l’islam. Des éléments de l’armée israélienne, en uniforme, ont alors ouvert le feu, utilisant des munitions de guerre et des grenades lacrymogènes. D’autres militaires israéliens ont tiré des coups de feu à partir d’hélicoptères qui survolaient le secteur. »156
126. D’autres tentatives des soi-disant « fidèles du Mont du Temple »157 de pénétrer dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif pour y prier ont eu lieu en 1990158, après que la Cour suprême
155 Ammon News, « Awqaf Ministry says appointing Al Aqsa guards is within its mandate » (10 May 2022) [HP Exhibit 309/p. 2326].
156 Lettre adressée au Secrétaire général par l’observateur permanent de la Palestine auprès de l’ONU (8 octobre 1990) [HP Exhibit 108/p. 1302-1303].
157Aujourd’hui, les « fidèles du Mont du Temple » déclarent sur leur site Internet que leurs « objectifs à court terme » sont notamment « d’acquérir une maison dans la vieille ville (la Jérusalem biblique) près du Mont du Temple pour y établir un centre spirituel et pédagogique ouvert à tous, où la pierre angulaire de quatre tonnes sera conservée et exposée. Cette première pierre du troisième Temple sera bientôt posée. » ; leurs « objectifs à long terme » sont entre autres de « libérer le Mont du Temple de l’occupation arabe (islamique). Le dôme du Rocher et la mosquée al-Aqsa ont été placés sur ce lieu saint juif ou biblique pour bien marquer la conquête et la domination islamiques. Le Mont du Temple ne pourra jamais être consacré à Dieu si ces lieux de culte païens y demeurent. Il a été proposé qu’ils soient démantelés pour être reconstruits à La Mecque. » [HP Exhibit 89/p. 1122-1123].
158 Lettre adressée au président du Conseil de sécurité par le représentant permanent de la Jordanie auprès de l’ONU (13 décembre 1990) [HP Exhibit 109/p. 1304] / Lettre adressée au Secrétaire général par l’observateur permanent de la Palestine auprès de l’ONU (14 décembre 1990) [HP Exhibit 110/p. 1305-1306].
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israélienne eut décidé en 1988 que des groupes de ce type, pourtant généralement considérés comme extrémistes, étaient autorisés à prier aux environs de ce lieu saint159.
127. En juillet 2001, un groupe extrémiste a également tenté de poser la « première pierre » d’un nouveau « Temple » dans l’enceinte de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif160.
B. Projets de construction
128. En décembre 1991, plusieurs haut-parleurs ont été installés sur le mur al-Bouraq et orientés dans la direction de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, acte de provocation à l’égard des fidèles musulmans que ce matériel pouvait empêcher de prier en paix161.
129. En 2008, la fondation du patrimoine du Mur occidental a présenté des plans pour l’agrandissement du « Beit Strauss », bâtiment de construction israélienne situé du côté nord de la place al-Bouraq. Ces plans prévoyaient la confiscation d’une zone de 360 mètres carrés pour aménager des toilettes, un poste de police, une « salle des visiteurs de Jérusalem » et d’autres installations162. D’importants travaux de démolition ont été menés entre 2013 et 2016 pour faciliter la construction du Beit Strauss :
Démolitions pour la construction du Beit Strauss sur un terrain waqf musulman, 2013-2016
159 Lettre adressée au Secrétaire général par le représentant permanent de la Jordanie auprès de l’ONU (4 avril 1988) transmettant une lettre du ministre jordanien des Awqaf et des affaires islamiques (3 avril 1988) [HP Exhibit 107/p. 1300-1301].
160 Lettre adressée au Secrétaire général par le représentant permanent du Qatar auprès de l’ONU (30 juillet 2001) [HP Exhibit 115/p. 1314-1315].
161 Letter from Jordan to UN Secretary-General (11 December 1991) [HP Exhibit 111/p. 1307].
162 The Hashemite Fund, Israeli Violations Against the Holy Places and the Historic Character of the Old City of Jerusalem (August 2016), p. 10 [HP Exhibit 6/p. 87].
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130. Le « Beit Haliba » est un gigantesque centre polyvalent dont la fondation du patrimoine du Mur occidental a entrepris la construction dans la partie ouest de la place, où se trouvait le quartier Maghrébin. Des travaux d’excavation couverts ont été menés dans cette zone par l’autorité des antiquités d’Israël entre 2005 et 2009163. Comme l’a conclu Emek Shaveh dans l’un de ses rapports, « le fait que la construction d’un bâtiment devant modifier la ligne d’horizon du coeur de la vieille ville ait été autorisée n’a pas été pris en compte pendant les fouilles archéologiques »164.
Le projet de Beit Haliba sur le site du quartier Maghrébin historique
131. Les vestiges des palais omeyyades ont été soumis aux pires transformations jamais opérées par Israël dans les Lieux saints depuis 2000165. Le musée du centre Davidson a été placé à l’entrée de ces palais166. De grandes plates-formes de bois et de métal ont été installées par les autorités israéliennes pour élargir l’espace dont disposent les fidèles juifs pour prier. Ces autorités ayant décidé d’agrandir encore ces plates-formes167, le 4 février 2016, la direction des Awqaf a protesté auprès de la police israélienne, exigeant notamment des autorités israéliennes qu’elles 1) cessent toute activité d’excavation, d’extraction et de transfert illicites de vestiges du patrimoine arabe et islamique des palais omeyyades ; 2) procèdent à la dépose de l’auvent métallique installé au centre du site des palais omeyyades ; 3) procèdent à la dépose de l’ensemble des plates-formes de bois et de métal destinées à la prière récemment installées le long du Mur occidental ; 4) annulent la décision d’agrandir ces plates-formes de prière dans les espaces relevant du waqf ; 5) procèdent à la dépose des panneaux fixés dans cette zone pour imposer des noms juifs à des lieux islamiques168.
163 The Hashemite Fund, Israeli Violations Against the Holy Places and the Historic Character of the Old City of Jerusalem (August 2016), p. 12 [HP Exhibit 6/p. 89].
164 Emek Shaveh, “Beit Haliba” and the Givati Parking Lot: Archeological Excavations and their Effect on the Status Quo in the Old City of Jerusalem and in Silwan (2012), p. 9 [HP Exhibit 64/p. 839].
165 The Hashemite Fund, Israeli Violations Against the Holy Places and the Historic Character of the Old City of Jerusalem (August 2016), p. 15 [HP Exhibit 6/p. 92].
166 À la suite d’un différend au sein des autorités israéliennes, qui n’ont tenu aucun compte du fait que cette zone relevait du waqf, d’importants droits concernant le centre Davidson ont été accordés à l’organisation de colons extrémiste Elad en 2013 (The Hashemite Fund, Israeli Violations Against the Holy Places and the Historic Character of the Old City of Jerusalem (août 2016), p. 16 [HP Exhibit 6/p. 93]).
167 Emek Shaveh, Update — Archaeological and Political Damage Caused by Expansion of the Western Wall Prayer Area into the Archaeological Park (2 February 2016) [HP Exhibit 71/p. 1018-1021].
168 Awqaf Protest Note (4 February 2016) [HP Exhibit 19/p. 569-570].
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Exemples de travaux d’excavation et de percement de tunnels illicites et préjudiciables menés sur le site des palais omeyyades169
132. Emek Shaveh a décrit le site des palais omeyyades comme suit :
« le plus grand site d’excavations contiguës de la vieille ville … Ces excavations s’étendent sur toute la longueur de la muraille sud de [la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif], et sur une grande partie de sa muraille ouest. … L’endroit a été classé parc national à la fin des années 1990 et, quelques années plus tard, un peu avant 2010, le centre Davidson a été construit et le site a été transformé en musée ouvert au public. … Si l’on peut considérer que la façon dont ces travaux d’excavation sont présentés n’est qu’un moyen de faire connaître l’histoire de Jérusalem à travers les âges, il ressort d’un examen des éléments découverts que ce sont les vestiges liés à l’histoire juive qui sont particulièrement mis en valeur »170.
133. En août 2022, les employés de la direction des Awqaf ont réussi à photographier et à filmer des ouvriers engagés par les autorités israéliennes en train de détruire des pierres provenant des palais omeyyades à l’aide de massues et de marteaux-piqueurs électriques :
169 The Hashemite Fund, Israeli Violations Against the Holy Places and the Historic Character of the Old City of Jerusalem (August 2016), p. 15 [HP Exhibit 6/p. 92].
170 Emek Shaveh, From Silwan to the Temple Mount: Archaeological Excavations as a Means of Control in the Village of Silwan and in Jerusalem’s Old City – Developments in 2012 (February 2013), p. 17 [HP Exhibit 65/p. 861].
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Légende :
The Violation : workers employed by Israeli Institutions and associations destroy boulders and relics dating back to Islamic periods using hammers at the Umayyad Palaces area.
=
Violation : des ouvriers engagés par des institutions et associations israéliennes en train de détruire, à la massue, des pierres et des vestiges datant des périodes islamiques, sur le site des palais omeyyades
The Violation : workers employed by Israeli Institutions and associations destroy historic boulders and Islamic relics at the Umayyad Palaces area using an electric breaker.
=
Violation : Des ouvriers engagés par des institutions et associations israéliennes en train de détruire, au marteau-piqueur électrique, des pierres et des vestiges datant des périodes islamiques, sur le site des palais omeyyades
Location : Umayyad Palaces Area, adjacent to Al-Aqsa Mosque/ Al-Haram Al-Sharif’s Southern Wall
=
Lieu : site des palais omeyyades, à proximité de la muraille sud de la mosquée al-Aqsa/ Haram al-Charif
Location : Umayyad Palaces Area, adjacent to Al-Aqsa Mosque/ Al-Haram Al-Sharif’s Southern Wall
=
Lieu : Site des palais omeyyades, à proximité de la muraille sud de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif
Date: 10 August 2022
=
Date : 10 août 2022
Date: 9 August 2022
=
Date : 9 août 2022
Source: Jerusalem Awqaf and Al-Aqsa Mosque Affairs Department
Source : direction des Awqaf de Jérusalem et des affaires relatives à la mosquée al-Aqsa
Source: Jerusalem Awqaf and Al-Aqsa Mosque Affairs Department
Source : Direction des Awqaf de Jérusalem et des affaires relatives à la mosquée al-Aqsa
(La photographie ci-dessus (à gauche) était jointe à une lettre de protestation en date du 3 mai 2023 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf171.)
(La photographie ci-dessus (à droite) était jointe à une lettre de protestation en date du 3 mai 2023 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf172.)
171 [HP Exhibit 33/p. 759].
172 [HP Exhibit 33/p. 760].
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134. En juillet 2020, les autorités israéliennes, encore enhardies, ont révélé qu’elles projetaient la construction d’un ascenseur et l’excavation de tunnels menant au mur al-Bouraq, qui fait partie intégrante de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, dans une zone de 2 000 mètres carrés à l’intérieur de la vieille ville de Jérusalem173.
135. En 2018, Israël prévoyait de construire et d’exploiter (à l’horizon 2021) une ligne de téléphérique qui s’étendrait sur 1,4 kilomètre au-dessus de la vieille ville de Jérusalem pour rejoindre la porte des Maghrébins. Il semble que rien ne justifie, en droit international ou à quelque autre titre, qu’Israël, en tant que puissance occupante, mette en oeuvre un tel projet. La Jordanie et la Palestine ont écrit à la directrice générale de l’UNESCO pour protester contre ce projet à plusieurs reprises, notamment le 3 décembre 2018174, le 27 février 2019175 et le 20 juin 2022176. Dans le rapport sur l’état de conservation qu’elles ont rendu à l’UNESCO en 2019, elles ont par exemple signalé ce qui suit :
« Le projet de ligne téléphérique a rencontré l’opposition de nombreuses missions internationales, d’experts, de l’État palestinien et de la direction jordanienne des Awqaf de Jérusalem, et ce, pour les raisons suivantes :
1. Elle modifiera la ligne d’horizon et l’aspect général de la vieille ville de Jérusalem et de ses environs vus du sud et de l’est.
2. Les cabines du téléphérique, prévues pour transporter des milliers de touristes et de visiteurs à Jérusalem, nécessitent l’implantation d’un grand nombre d’énormes poteaux sur les sites d’importants vestiges historiques.
3. La plupart de ces poteaux seront construits sur des terrains waqf ; or, la direction jordanienne des Awqaf de Jérusalem exige des autorités israéliennes qu’elles cessent de porter atteinte à ses terrains et ses biens, immobiliers et autres.
4. La ligne de téléphérique surplombera des Lieux saints et des cimetières, à la profanation desquels la communauté religieuse est largement opposée.
5. La vieille ville de Jérusalem est un site du Patrimoine mondial de l’UNESCO, dont l’avis et l’approbation doivent être sollicités pour un projet d’une telle ampleur.
6. Dans les précédents rapports sur l’état de conservation, il était question d’un projet de construction d’une ligne téléphérique au cours des deux dernières années. L’approbation de 2017 devait faciliter le projet d’origine en le divisant en phases. Le nouveau projet ne prévoit plus d’arrêt au Mont des oliviers ; Silwan sera le terminus de la ligne. On suppose que, à l’avenir, le gouvernement cherchera à revenir au projet d’origine et à prolonger la ligne jusqu’au Mont des oliviers.
La station de Silwan sera très probablement construite au niveau du centre Kedem. Le téléphérique et les tunnels, dont l’excavation se poursuit continuellement, menacent les résidents de Silwan d’évacuation. Une partie du projet prévoit la création d’un point d’entrée touristique très animé en amont et en aval du village de Silwan.
173 Jordanian-Palestinian Protest to UNESCO Director-General (10 July 2020) [HP Exhibit 41/p. 786-787].
174 Jordanian-Palestinian Protest to UNESCO Director-General (3 December 2018) [HP Exhibit 39/p. 782-783].
175 Jordanian-Palestinian Protest to UNESCO Director-General (27 February 2019) [HP Exhibit 40/p. 784-785].
176 Jordanian-Palestinian Protest to UNESCO Director-General (20 June 2022) [HP Exhibit 44/p. 792-793].
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7. L’arrivée de centaines de milliers de touristes dans la vieille ville par téléphérique et par tunnel facilitera une forme de contrôle inhabituel du parcours touristique. Au lieu de découvrir un environnement urbain hétérogène et authentique, les touristes seront orientés vers des sites qui portent un discours “étriqué” raconté du point de vue religieux et nationaliste israélien. Ils entendront un récit fort tendancieux, passant sous silence les périodes qui ne concernent pas l’histoire supposément authentique de Jérusalem. La présence des Palestiniens sera effacée au profit d’une histoire judaïsée, narrée dans les airs et sous la terre.
8. La Jordanie et l’État de Palestine ont protesté par principe contre ce projet qui compromet les perspectives de paix, puisque cette ligne de téléphérique reliera Jérusalem-Ouest à Jérusalem-Est occupée, que la communauté internationale et l’ONU reconnaissent comme la capitale du futur État de Palestine. »177
136. Le projet de téléphérique a été approuvé par les autorités israéliennes en novembre 2019178, et un recours juridique contre celui-ci aurait été rejeté par la Haute Cour d’Israël en mai 2022179.
C. Utilisation trompeuse de la signalisation officielle
137. Comme il a été mentionné plus haut, les autorités israéliennes ont installé une signalisation qui désigne le Ribat al-Kurd sous le nom de « petit Mur des lamentations », dans le cadre de sa campagne actuelle de modification ou de judaïsation des environs de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif180.
177 Jordanian-Palestinian Status Report, The State of Conservation of the Old City of Jerusalem and its Walls (15 April 2019), p. 136-137 [HP Exhibit 8/p. 335-336].
178 BBC News, « Jerusalem: Israel approves controversial Old City cable car plan » (6 November 2019) [HP Exhibit 300/p. 2295-2297].
179 Emek Shaveh, Alert - High Court Green Lights Jerusalem Cable Car Plan Condemning Historic City to Irreversible Damage (6 June 2022) [HP Exhibit 76/p. 1056-1057].
180 The Hashemite Fund, Israeli Violations Against the Holy Places and the Historic Character of the Old City of Jerusalem (August 2016), p. 10 [HP Exhibit 6/p. 87].
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Ribat al-Kurd, 2013-2016181
138. Le 11 février 2015, la municipalité de Jérusalem a accroché un panneau sur lequel on lisait « Temple Mount » (Mont du Temple) à l’extérieur de la porte al-Nather qui mène à la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif. Il s’agissait de la première tentative de renommer ouvertement une partie de ce lieu saint au moyen d’une signalisation dans ses environs. Bien qu’il ait initialement été enlevé par la population palestinienne, ce panneau a été réinstallé et reste à sa place, sous la garde de policiers182.
D. Utilisation trompeuse de cartes touristiques officielles
139. En juin et octobre 2016, le ministère du tourisme israélien a publié une carte officielle qui désignait la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif uniquement sous le nom de « Mont du Temple ». Il a été contraint de rectifier cette carte en raison des protestations qu’elle a suscitées183.
E. Confiscations ou saisies de terres
140. En 1967, l’école Tankaziyyah, située dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, a été confisquée par les autorités israéliennes, qui l’utilisent aujourd’hui en partie comme poste de police. Entre 2013 et 2014, son hall principal a partiellement été converti en synagogue184.
141. La mosquée Nabi Daoud a été attaquée et vandalisée à plusieurs reprises, ses carreaux de céramique décoratifs datant de l’époque ottomane et mamelouke ayant notamment été brisés et retirés. Des symboles et des décors religieux juifs ont été installés dans cette mosquée dans le but de modifier sa nature et sa fonction. Les environs du Cénacle et le rez-de-chaussée (mosquée Nabi Daoud) ont été convertis en synagogue185. Le mihrab de la mosquée a été dissimulé derrière une bibliothèque. Des étoiles de David ont été disposées dans toute la mosquée et dans le Cénacle. Comme l’a constaté Emek Shaveh dans un rapport d’avril 2014186,
181 The Hashemite Fund, Israeli Violations Against the Holy Places and the Historic Character of the Old City of Jerusalem (August 2016), p. 10 [HP Exhibit 6/p. 87].
182 Qudsnet News Agency, « Occupation places a sign near Al-Aqsa bearing the name Temple Mount » (11 February 2015) [HP Exhibit 280/p. 2218-2219].
183 Al Jazeera, « Israel removes key sites from Jerusalem’s Old City Map » (12 June 2016) [HP Exhibit 290/p. 2247-2255] / Haaretz, « Israel Corrects Jerusalem Tourism Map That Omitted Al-Aqsa Mosque, non-Jewish Sites » (6 October 2016) [HP Exhibit 291/2256-2259] / Jordanian-Palestinian Status Report, The State of Conservation of the Old City of Jerusalem and its Walls (28 April 2017), p. 70 [HP Exhibit 7/p. 180] / Jordanian-Palestinian Status Report, The State of Conservation of the Old City of Jerusalem and its Walls (15 April 2019), p. 125 [HP Exhibit 8/p. 324] / Al Jazeera, « Israeli tourism maps aim to shape Jerusalem narrative » (28 December 2016) [HP Exhibit 292/p. 2260-2265].
184 The Hashemite Fund, Israeli Violations Against the Holy Places and the Historic Character of the Old City of Jerusalem (August 2016), p. 25 [HP Exhibit 6/p. 102].
185 The Hashemite Fund, Israeli Violations Against the Holy Places and the Historic Character of the Old City of Jerusalem (August 2016), p. 27-29 [HP Exhibit 6/p. 104-106] / Jordanian-Palestinian Status Report, The State of Conservation of the Old City of Jerusalem and its Walls (28 April 2017), p. 78 [HP Exhibit 7/p. 188] / Jordanian-Palestinian Status Report, The State of Conservation of the Old City of Jerusalem and its Walls (16 March 2015), p. 31 [HP Exhibit 5/p. 74] / Jordanian-Palestinian Status Report, The State of Conservation of the Old City of Jerusalem and its Walls (15 April 2019), p. 140 [HP Exhibit 8/p. 339].
186 Emek Shaveh est une ONG israélienne qui s’attache à « défendre les droits relatifs au patrimoine culturel et à protéger les sites historiques en tant que biens publics appartenant aux membres de l’ensemble des communautés, fois et peuples » et qui s’oppose « à l’instrumentalisation politique des vestiges du passé dans le cadre du conflit israélo-palestinien et s’efforce de contester l’utilisation des sites archéologiques pour déposséder des communautés déjà privées de leurs droits » (https://emekshaveh.org/en/about-us/).
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« [l]e tombeau de David n’étant pas au coeur d’un conflit politique … on pourrait s’attendre à ce qu’Israël respecte l’obligation qui lui incombe de protéger cet édifice des actes de vandalisme commis par des éléments extrémistes. Cependant, les autorités ont échoué dans cette mission, ce qui donne à penser que la situation arrange le gouvernement, ou en tout cas que les autorités sont résignées à accepter les dommages causés à ce site. »187
188 189
Légende :
Mihrab (Niche): upper plaza of the Mosque
=
Mihrab (niche) : place supérieure de la mosquée
Installing Jewish symbols are major steps to Judaize the Nabi Dawood Mosque and the Jesus Last Supper Room at the compound
=
L’installation de symboles juifs est une étape importante de la judaïsation de la mosquée Nabi Daoud et de la salle de la Cène, qui font partie de l’ensemble architectural
Jewish vandals remove old Islamic design ceramic to change identity of the Mosque indoor and outdoor, 2013-2015
=
Des vandales juifs ont retiré les anciens carreaux de céramique pour modifier l’identité de la mosquée, à l’intérieur et à l’extérieur, 2013-2015
Mihrab of the Mosque hidden behind bookshelves of alleged synagogue
=
Mihrab de la mosquée dissimulé derrière une bibliothèque dans la prétendue synagogue
142. Le 27 décembre 2022, un terrain du Wadi Hilweh à Silwan appartenant au patriarcat grec orthodoxe de Jérusalem a été occupé par un groupe radical israélien accompagné par la police israélienne190. Cette action a été critiquée par les missions de l’Union européenne à Jérusalem et à Ramallah, qui ont estimé que
187 Emek Shaveh, David’s Tomb on Mt. Zion (April 2014), p. 16 [HP Exhibit 67/p. 981].
188 Jordanian-Palestinian Status Report, The State of Conservation of the Old City of Jerusalem and its Walls (15 April 2019), p. 142 [HP Exhibit 8/p. 341].
189 Jordanian-Palestinian Status Report, The State of Conservation of the Old City of Jerusalem and its Walls (15 April 2019), p. 143 [HP Exhibit 8/p. 342].
190 Jerusalem Patriarchate, « A Statement by the Greek Orthodox Patriarchate of Jerusalem Regarding the Illegal Take Over of Church Land in Silwan by an Israeli Radical Group » (28 December 2022) [HP Exhibit 61/p. 824-825] / Higher Presidential Committee of Churches Affairs in Palestine, The Supreme Presidency for Church Affairs “The settlement movements’ continued encroachment on church property is a continuation of the Israeli Judaization plans in Jerusalem.” (27 December 2022) [HP Exhibit 58/p. 819].
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« [l]es tentatives d’appropriation des biens des églises chrétiennes [devaient] être arrêtées, car elles compromett[ai]ent sérieusement la coexistence pacifique des trois religions monothéistes à Jérusalem.
L’Union européenne appelle à protéger le statu quo et les Lieux saints, notamment chrétiens. Le statut et le caractère particuliers de Jérusalem et de sa vieille ville doivent être préservés et respectés par tous. »191
V. ACTES ET INCURSIONS RELEVANT DE L’AGRESSION OU DE LA PROVOCATION (OU INCAPACITÉ OU REFUS DE PRENDRE DES MESURES EFFICACES POUR PROTÉGER LES LIEUX SAINTS ET LES FIDÈLES)
143. Le 7 juin 1967, le ministre israélien de la défense, Moshe Dayan, a fait une déclaration devant le Mur occidental dans laquelle il affirmait qu’Israël entendait occuper Jérusalem de façon permanente :
« Ce matin, les forces de défense israéliennes ont libéré Jérusalem. Nous avons réunifié Jérusalem, capitale divisée d’Israël. Nous avons retrouvé le plus sacré de nos Lieux saints, pour ne plus jamais nous en défaire.
À nos voisins arabes, à présent — j’insiste sur le “à présent” —, nous offrons notre main tendue en signe de paix. Et à nos concitoyens chrétiens et musulmans, nous promettons solennellement le droit à une totale liberté de culte. Nous ne sommes pas venus à Jérusalem pour y prendre les Lieux saints d’autres peuples, ou pour nous ingérer dans les affaires des fidèles d’autres religions, mais pour la préserver intégralement, et y vivre ensemble, unis. »192
144. Bien que cette déclaration ait eu pour objet de donner l’assurance que le statu quo serait préservé193, les événements qui se sont déroulés parallèlement — et, en particulier, la destruction du quartier Maghrébin pour agrandir l’espace destiné à la prière des juifs devant le Mur occidental — ont montré que tel n’était pas le cas.
145. Le 7 juin 1967 également, le premier ministre israélien, Levi Eshkol, a prononcé un discours devant les responsables des communautés de Jérusalem dans lequel il déclarait qu’Israël prévoyait déjà d’assumer la gestion administrative des questions relatives au mur al-Bouraq :
« Soyez sûrs qu’aucun préjudice ne sera infligé aux lieux sacrés de toutes les religions. J’ai prié le ministre des affaires religieuses de prendre attache avec les responsables religieux de la vieille ville pour s’assurer que ceux-ci communiquent
191 Office of the European Union Representative (West Bank and Gaza Strip, UNRWA), Local EU Statement on the situation of Christian properties in East Jerusalem (30 December 2022) [HP Exhibit 255/p. 2093-2094].
192 Statement by Israel’s Defence Minister at the Western Wall (7 June 1967) [HP Exhibit 77/p. 1058].
193 Moshe Dayan a également tenu une réunion, le 17 juin 1967, avec les membres du haut conseil musulman et, comme l’a rapporté IR Amim/Keshev dans un rapport de 2013, il a convenu que « les soldats des forces armées israéliennes quitteraient le Mont, autour duquel ils se déploieraient, permettant au Waqf d’en poursuivre la gestion interne tout en plaçant sa sécurité externe sous la houlette des forces de sécurité israéliennes. L’interdiction faite aux juifs de prier sur le Mont a été acceptée par un comité ministériel pour la protection des Lieux saints ; en témoignent tacitement l’interruption des activités du rabbin Goren sur le Mont et l’ordre donné aux forces de sécurité de chasser les fidèles juifs qui cherchaient à y prier. Cet arrangement a satisfait le Waqf et le rabbinat orthodoxe. L’« ambiguïté constructive » qui a permis l’établissement du statu quo de 1967 laisse aujourd’hui la porte ouverte à une révision de l’arrangement trouvé à l’époque. » (Ir Amim and Keshev, Dangerous Liaison: The Dynamics of the Rise of the Temple Movements and Their Implications (1er mars 2013), p. 12 [HP Exhibit 66/p. 896]).
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régulièrement avec nos forces, afin de veiller à ce qu’ils puissent poursuivre leurs activités spirituelles sans entraves.
Comme suite à ma demande, le ministre des affaires religieuses a donné les consignes suivantes :
a) les dispositions relatives au Mur occidental seront prises par les grands rabbins d’Israël ;
b) les dispositions relatives aux Lieux saints musulmans seront prises par un conseil d’ecclésiastiques musulmans ;
c) les dispositions relatives aux Lieux saints chrétiens seront prises par un conseil d’ecclésiastiques chrétiens »194.
146. Le 27 juin 1967, d’une manière qui peut être considérée comme une reconnaissance de ses obligations en tant que puissance occupante à l’égard des Lieux saints situés dans les territoires occupés, la Knesset a adopté la loi de 1967 relative à la protection des Lieux saints, qui disposait notamment ce qui suit : « 1. Les Lieux saints sont protégés de la profanation et de toute autre violation, ainsi que de tout acte de nature à porter atteinte au libre accès des fidèles des diverses religions aux lieux qu’ils jugent sacrés ou que leurs croyances tiennent pour sacrés »195.
147. La loi relative à la protection des Lieux saints était censée assurer la liberté d’accès à ces lieux et leur protection contre toute profanation ou violation. Or, au fil des décennies, l’accès à ces Lieux saints a été restreint (voire interdit) et ils ont été soumis à des profanations, des modifications progressives, et des actes de destruction.
148. Le 15 août 1967, commettant ce qui ne peut qu’être considéré comme un acte de provocation délibérée, Shlomo Goren, grand-rabbin des forces armées israéliennes, à la tête d’un contingent de soldats israéliens, a pénétré dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif par la porte des Maghrébins196. Cette visite a suscité de vives protestations de la part des Palestiniens et de la Jordanie. À cette occasion, conformément au statu quo, les autorités israéliennes n’avaient autorisé la prière juive que devant le Mur occidental, et non dans la mosquée al-Aqsa ou Haram al-Charif197. Le 26 août 1967, le maire jordanien de Jérusalem a soumis au représentant personnel du Secrétaire général un mémorandum décrivant les mesures prises par Israël dès le début de l’occupation, dans lequel il indiquait que
« [l]e général Goren, grand-rabbin de l’armée israélienne, accompagné de son escorte et d’autres juifs, s’[était] rendu le 15 août 1967, en habit de cérémonie et muni de livres de prières, au dôme du Rocher, où il a[vait] prononcé une prière qui a[vait]
194 Address given by Israel’s Prime Minister to community leaders in Jerusalem (7 June 1967) [HP Exhibit 78/p. 1059-1061].
195 Protection of Holy Places Law 1967 [HP Exhibit 79/p. 1062-1063].
196 Le rabbin Goren avait déjà prononcé une première prière juive devant le Mur occidental après l’occupation. Le 7 juin 1967, entouré de soldats des forces armées israéliennes, il a sonné le chophar (instrument religieux juif) et a invité les soldats à prier devant le Mur occidental. Il est ensuite devenu le troisième grand-rabbin ashkénaze d’Israël. En 1997, il aurait prononcé un discours diffusé à la radio militaire israélienne dans lequel il aurait dit, à propos de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, « [n]ous aurions certainement dû la faire sauter. Il est tragique que nous ne l’ayons pas fait. » (MER, Israel’s Chief Rabbi – “Blow Up The Dome of the Rock” (1er janvier 1998) [HP Exhibit 261/p. 2135-2136]).
197 The New Yorker, « Forcing the End » (20 July 1998) [HP Exhibit 262/p. 2148].
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duré deux heures dans l’enceinte de la mosquée Omar, portant atteinte à l’inviolabilité d’un Lieu saint vénéré dans l’Islam tout entier. »198
149. Parmi les mesures prises par Israël contre la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif figurent des mesures prétendument judiciaires. Le 28 janvier 1976, la juge Ruth Orr, magistrate israélienne, a ainsi rendu une décision reconnaissant aux juifs le droit de prier dans l’enceinte de ce lieu saint199.
150. À plusieurs reprises en 1982, des attaques armées ont été menées par des juifs contre la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, notamment le 12 avril 1982, date à laquelle un soldat israélien a tué deux gardes de la direction des Awqaf et ouvert le feu sur le dôme du Rocher200. Cet incident a entraîné des affrontements qui ont fait neuf morts et 136 blessés201.
151. Exprimant son inquiétude et sa frustration grandissantes face aux violations continuelles contre la mosquée al-Aqsa ou Haram al-Charif, le représentant permanent de la Jordanie auprès de l’ONU a adressé au Secrétaire général, le 14 mars 1983,
« une récapitulation des attaques d’Israël contre la sainte mosquée Al-Aqsa à Jérusalem depuis le mois de juin 1967 jusqu’au 11 mars 1983, date à laquelle la série d’agressions israéliennes contre les Lieux saints islamiques a[vait] atteint son paroxysme, Israël ayant commis un acte de profanation contre Al-Haram al-Charif ».
Cette récapitulation était ainsi libellée :
« Attaques d’Israël contre Al-Haram al-Charif de juin 1967 à mars 1983
Le complot israélien contre Al-Haram al-Charif, esplanade sacrée de la mosquée Al-Aqsa et la Coupole du Rocher, qui vise la destruction du complexe et l’établissement du Temple sur ses ruines, a commencé à la fin de 1967, moins d’une semaine après l’occupation de la ville.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
On a indiqué ci-après les assauts les plus flagrants auxquels Al-Haram al-Charif a été exposé depuis l’occupation israélienne en juin 1967.
I. INCENDIES
L’acte criminel de mettre le feu à la sainte mosquée Al-Aqsa a été la première des tentatives flagrantes visant à détruire et démolir ce lieu saint islamique. Cela s’est produit le 21 août 1969, lorsqu’un sioniste de nationalité australienne, Michael Rohan,
198 Memorandum concerning the measures taken by Israel with respect to the City of Jerusalem, submitted by Mr. Rauhi El-Khatib on 26 August 1967 [HP Exhibit 243/p. 1992].
199 Letter from Libya to UNSC President (1er March 1976) conveying a report from the PLO [HP Exhibit 98/p. 1273-1276] / Lettre adressée au président du Conseil de sécurité par les représentants permanents de la République arabe libyenne et du Pakistan auprès de l’ONU (19 mars 1976) [HP Exhibit 99/p. 1277-1278].
200 L’auteur de cette attaque, Alan Harry Goodman, était né aux États-Unis d’Amérique et avait émigré en Israël deux ans auparavant. Condamné à la réclusion à perpétuité le 8 avril 1983, il a été incarcéré dans une prison israélienne pendant seulement 15 ans et 6 mois avant d’être libéré et déporté aux États-Unis le 26 octobre 1997 (New York Times, « Soldier Gets Life Term In Dome of Rock Death » (8 avril 1983) [HP Exhibit 259/p. 2130-2131] / The Baltimore Sun, « Israel releases Baltimorean who killed at mosque » (27 October 1997) [HP Exhibit 260/p. 2132-2134]).
201 Lettre adressée au Secrétaire général par le représentant permanent de la Jordanie auprès de l’ONU (14 mars 1983) [HP Exhibit 100/p. 1279-1283].
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a mis le feu à la mosquée. C’est ainsi que le minbar de Saladin a brûlé entièrement ainsi que la partie sud-est du toit de la mosquée. Les autorités d’occupation n’ont fait qu’arrêter le criminel et le soumettre à un procès de pure forme à l’issue duquel, prétendant qu’il était fou, elles l’ont acquitté et libéré.
II. EXCAVATIONS
Le but des excavations qui ont été effectuées autour et au-dessous de la mosquée Al-Aqsa à partir de l’ouest et du sud était de détruire la mosquée et d’en fissurer les murs. … L’objectif de ces excavations est également de prendre possession d’Al-Haram al-Charif, de le détruire et de construire le Temple sur le site actuel de la mosquée Al-Aqsa et de la Coupole du Rocher.
Les excavations israéliennes autour de la mosquée Al-Aqsa ont commencé à la fin de l’année 1967 et se sont poursuivies jusqu’à l’heure actuelle en neuf étapes, la plus récente étant le creusement du tunnel allant du mur Al-Buraq jusqu’à la Coupole du Rocher et Al-Haram al-Charif. C’est par hasard que le service des biens waqf musulmans a découvert, le 17 août 1981, que l’on creusait ce tunnel. Il l’a fait fermer le 2 septembre 1981, après d’importants affrontements entre ouvriers et techniciens musulmans d’une part, et extrémistes juifs de l’autre.
III. TENTATIVES RÉPÉTÉES DE PRIER DANS LA MOSQUÉE AL-AQSA
Les tentatives israéliennes de pénétrer dans la mosquée Al-Aqsa et son esplanade extérieure ont commencé sous le prétexte d’y faire les prières de l’aurore. Moins de trois jours après l’incendie de la mosquée Al-Aqsa, qui a eu lieu le 18 août 1969 … [Les incursions se sont par la suite répétées,] la plus notable étant la tentative du rabbin Meir Kahane, en mai 1980, de faire sauter la Coupole du Rocher. Le 11 mai 1980, les forces de sécurité israéliennes ont découvert, près de la mosquée Al-Aqsa, une cache d’explosifs préparée par Meir Kahane et son groupe.
Depuis cette époque, Kahane ne cesse de proclamer qu’il est résolu à faire sauter la mosquée Al-Aqsa. C’est ainsi qu’il a déclaré explicitement, dans une interview publiée par le journal israélien Yedioth Aharnoth le 21 janvier, qu’il n’aurait pas de cesse qu’il ne réussisse à faire sauter la mosquée Al-Aqsa.
IV. INCURSIONS ARMÉES ET TIRS D’ARMES À FEU CONTRE DES MUSULMANS
L’incursion du soldat israélien Eli Goth[man] le 11 avril 1982 est significative des tentatives visant à pénétrer dans la mosquée Al-Aqsa et à la faire sauter. Ce soldat a réussi à arriver jusqu’à la Coupole du Rocher et à s’y introduire après avoir tiré sur les gardes de la mosquée et tué deux d’entre eux. À la suite de cette irruption, de nombreux coups de feu ont été tirés sur la Coupole et les murs de la mosquée, occasionnant d’importants dommages matériels. Les affrontements qui ont eu lieu entre musulmans et juifs ont fait neuf martyrs et 136 blessés.
V. TENTATIVE LA PLUS RÉCENTE DE FAIRE SAUTER LA MOSQUÉE AL-AQSA
La dernière tentative d’incursion dans Al-Hatam Al-Charif, qui a eu lieu le 11 mars 1983, a été menée par environ 45 colons appartenant au mouvement extrémiste raciste Kach. La plupart d’entre eux vivent à Kiryat Arba, près d’Al-Khalil. Ces colons étaient déterminés à atteindre la mosquée Al-Aqsa par un tunnel dont l’existence n’était pas connue, munis de quantités importantes d’armes et d’explosifs dans le but de faire sauter la mosquée Al-Ikqsa et d’implanter sur ses ruines une colonie juive. Toutefois, cette tentative s’est soldée par un échec et les membres du groupe ont été arrêtés. Ils ont
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avoué que l’opération avait été planifiée par un certain nombre de dirigeants religieux juifs, y compris Meir Kahane, Moshe Levinger et Israël Ariel, que ces dirigeants avaient tenu des réunions à Kiryat Arba avec les membres du groupe, qui avait été chargé de faire sauter la mosquée Al-Aqsa202.
Une récapitulation rapide des tentatives faites jusque-là pour s’introduire dans la mosquée Al-Aqsa et ses esplanades et des déclarations dans lesquelles des dirigeants religieux juifs extrémistes annoncent leur intention de continuer à s’efforcer de faire sauter la mosquée Al-Aqsa et de construire le Temple sur ses ruines indique les intentions véritables des juifs à l’encontre de cette mosquée et des autres Lieux saints islamiques et chrétiens de Jérusalem et d’autres endroits de la rive occidentale. La tentative de faire exploser une bombe à l’intérieur de la mosquée Qazzazin à Al-Khalil il y a quelques jours n’est qu’un autre indice du degré de gravité de la situation dans les territoires occupés et des dangers qui menacent les citoyens et la présence culturelle arabe et islamique dans ces territoires. »203
152. En janvier 1986, Ariel Sharon (alors ministre israélien de l’industrie) et un important groupe de membres de la Knesset israélienne ont pénétré de force dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, provoquant des affrontements qui ont conduit de nombreux policiers israéliens à prendre d’assaut ce lieu saint et à attaquer des fidèles musulmans et des gardes de la direction des Awqaf204.
153. En septembre 2000, M. Sharon, alors dirigeant du parti du Likoud (opposition), était considéré par les Palestiniens comme une personnalité extrêmement controversée. Il avait été démis de ses fonctions de ministre de la défense après qu’une enquête officielle avait déterminé qu’il était « personnellement responsable » du massacre de Sabra et Chatila en 1982205. Le 28 septembre 2000, s’efforçant de façon cynique, selon certains, d’améliorer ses chances d’être élu, M. Sharon a conduit une incursion de grande ampleur dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, accompagné d’un important contingent de militaires et de policiers israéliens. Une tentative de hisser le drapeau israélien au-dessus de ce lieu saint a été empêchée par des gardes de la direction des Awqaf. Les actes de M. Sharon étaient clairement délibérés et extrêmement provocateurs. Il est généralement considéré qu’ils sont à l’origine de la « deuxième Intifada », soulèvement massif des Palestiniens contre Israël en tant que puissance occupante, qui a fait des milliers de morts. Le 29 septembre 2000, l’observateur permanent de la Palestine auprès de l’ONU a écrit ce qui suit au Secrétaire général :
« Hier, le 28 septembre 2000, M. Ariel Sharon, membre du Parlement israélien et chef du parti du Likoud, a pris la tête d’un groupe de personnes qui ont effectué une visite dangereuse et provocatrice à Al-Haram Al-Sharif, dans Jérusalem-Est occupée. L’objet de cette visite, selon M. Sharon, était de mettre en vedette la souveraineté israélienne illégale sur le lieu en question. Des centaines de membres des forces de
202 Bien que les arrestations aient été effectuées par la police israélienne, c’est grâce au travail de la seule direction des Awqaf que l’existence d’un complot et la présence d’explosifs ont été découvertes.
203 Lettre adressée au Secrétaire général par le représentant permanent de la Jordanie auprès de l’ONU (14 mars 1983) [HP Exhibit 100/p. 1279-1283].
204 Lettre adressée au Secrétaire général par le représentant permanent de la Jordanie auprès de l’ONU (9 janvier 1986) [HP Exhibit 101/p. 1284-1285] / Lettre adressée au Secrétaire général par le représentant permanent des Émirats arabes unis auprès de l’ONU, transmettant une lettre de l’observateur permanent de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) auprès de l’ONU (10 janvier 1986) [HP Exhibit 102/p. 1286-1288] / Note verbale adressée au Secrétaire général par la mission permanente du Maroc auprès de l’ONU, transmettant une résolution de l’OCI (23 janvier 1986) [HP Exhibit 103/p. 1289-1291] / Lettre adressée au Secrétaire général par le représentant permanent du Maroc auprès de l’ONU (27 janvier 1986) [HP Exhibit 104/p. 1292-1293].
205 Massacre au cours duquel jusqu’à 3 500 civils ont été tués par une milice qui avait reçu l’ordre des forces de défense israéliennes de chasser les membres de l’OLP du quartier de Sabra et du camp de réfugiés adjacent de Chatila, à Beyrouth-Ouest.
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sécurité israéliennes ont accompagné M. Sharon, ce qui a contribué à aggraver les tensions et a mené à des affrontements entre civils palestiniens et forces de sécurité israéliennes, tant à Al-Haram Al-Sharif que dans le reste de Jérusalem-Est.
Aujourd’hui, 29 septembre 2000, au lendemain du culte du vendredi, les forces de sécurité israéliennes ont pris d’assaut Al-Haram Al-Sharif en utilisant des balles en caoutchouc et des munitions réelles contre les fidèles, faisant cinq tués et environ 200 blessés parmi les civils palestiniens. Un chef de la police israélienne a admis que des tireurs isolés avaient également été déployés et qu’ils avaient tiré cinq cartouches, ce qui faisait que la mort des civils en question résultait bien de la volonté de tuer. Les affrontements et les actes de répression israélienne dirigés contre les civils palestiniens se sont ensuite produits dans d’autres lieux, y compris le reste de Jérusalem-Est, Bethléem, Ramallah et Gaza. »206
154. Les agissements de M. Sharon ont été condamnés sur le plan international, et le Conseil de sécurité, dans sa résolution 1322 (2000), a déploré ce qu’il a qualifié d’« acte de provocation »207. M. Sharon a néanmoins été élu premier ministre d’Israël lors des élections de 2001 (avec 62 % des voix, contre 38 % pour le candidat sortant, Ehud Barak).
155. Le 27 septembre 2009, plus de 150 extrémistes juifs ont pénétré dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif en présence de la police israélienne, ce qui a mené à des affrontements avec les fidèles musulmans. Utilisant du gaz lacrymogène, des balles d’acier recouvertes de caoutchouc et des matraques, les forces israéliennes ont blessé 40 civils palestiniens et ont procédé à cinq arrestations. Parmi les blessés figurait Mohamad Al-Julani, 73 ans, qui avait reçu une balle dans l’oeil208.
156. Le 25 octobre 2009, après que le groupe religieux extrémiste israélien « Eretz Israel Shelanu » eut appelé ses adeptes à « proprement gravir le Mont du Temple », des civils palestiniens se sont rassemblés pour protéger la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif. Les forces israéliennes ont pris d’assaut ce lieu saint et attaqué les fidèles palestiniens avec des balles d’acier enrobées de caoutchouc, du gaz lacrymogène et des grenades étourdissantes, blessant 30 civils et procédant à 20 arrestations. Un certain nombre de membres de la Knesset et de rabbins radicaux (notamment Moshe Feiglin, Hillel Weiss, Yehuda Glick et Dov Lior) ont tenu un événement lors duquel ils ont appelé les juifs à prendre le contrôle de la mosquée al-Aqsa ou Haram al-Charif209.
157. Le 5 mars 2010, les forces israéliennes ont pris d’assaut la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif pendant les prières du vendredi et attaqué les fidèles musulmans à l’aide de balles d’acier recouvertes de caoutchouc, de gaz lacrymogène et de grenades étourdissantes, ce qui a conduit à des
206 Lettre adressée au Secrétaire général par l’observateur permanent de la Palestine auprès de l’ONU (29 septembre 2000) [HP Exhibit 113/p. 1310-1311]. Voir aussi lettre adressée au Secrétaire général par le président du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien (2 octobre 2000) [HP Exhibit 114/p. 1312-1313].
207 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 1322 (2000) [HP Exhibit 155/p. 1415-1416].
208 Lettres adressées au Secrétaire général et au président du Conseil de sécurité par l’observateur permanent de la Palestine auprès de l’ONU (28 septembre 2009) [HP Exhibit 124/p. 1328-1331] / Rapport de la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur l’application des résolutions S-9/1 et S-12/1 du Conseil des droits de l’homme (17 mars 2010) [HP Exhibit 187/p. 1593-1594] / Al Jazeera, « Palestinians injured in Aqsa clash » (27 September 2009) [HP Exhibit 265/p. 2166-2167].
209 The Guardian, « Palestinians clash with Israeli troops at al-Aqsa mosque in Jerusalem » (25 October 2009) [HP Exhibit 267/p. 2171-2172] / Global Issues, « MIDEAST: Muslims See Victory at Al-Aqsa » (11 October 2009) [HP Exhibit 266/p. 2168-2170] / Lettre adressée au Secrétaire général par l’observateur permanent de la Palestine auprès de l’ONU (26 octobre 2009) [HP Exhibit 126/p. 1334-1336].
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affrontements dans ce lieu saint et ailleurs dans la vieille ville210. Les autorités israéliennes justifieront sans doute ces actes en invoquant la nécessité d’éviter toute violence potentielle ou réelle. Néanmoins, comme on peut le constater, la plupart des incursions israéliennes ont lieu le jour le plus saint du calendrier musulman (le vendredi), où se réunit le plus grand nombre de fidèles, non pas pour manifester, mais pour prier en paix. Le fait que des protestations s’ensuivent, et prennent malheureusement parfois une tournure violente, n’est peut-être pas étonnant étant donné la présence (peut-être délibérément) provocatrice de militaires israéliens lourdement armés.
158. Le 24 février 2012, en signe de protestation contre plusieurs déclarations selon lesquelles des extrémistes juifs tenteraient de pénétrer dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, des fidèles palestiniens ont entamé une manifestation. Les forces israéliennes ont pris d’assaut ce lieu saint pendant les prières du vendredi midi, attaquant les manifestants avec des balles de caoutchouc, du gaz lacrymogène, des bombes assourdissantes et des grenades étourdissantes, blessant 30 personnes et procédant à 13 arrestations au moins211.
159. Comme il a été exposé plus haut, le 4 septembre 2013, à la veille du Nouvel An juif, une quarantaine d’extrémistes juifs ont pénétré dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, ce qui a conduit à des protestations de la part des fidèles palestiniens, contre lesquels les forces israéliennes ont fait usage de gaz poivre, blessant trois personnes. La mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif a été fermée aux fidèles musulmans de moins de 50 ans.
160. Le 9 septembre 2013, le cheikh Azzam al-Khatib, directeur des Awqaf de Jérusalem et des affaires relatives à la mosquée al-Aqsa, a signalé que 150 extrémistes juifs avaient pénétré dans le complexe en présence de la police israélienne212.
161. Le 19 février 2014, Moshe Feiglin, vice-président de la Knesset israélienne, étant entré dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif en compagnie d’une large escorte militaire, aurait déclaré : « la mosquée al-Aqsa appartient aux juifs »213.
210 Letter from Palestine to UN Secretary-General and UNSC President (5 March 2010) [HP Exhibit 127/p. 1337-1339].
211 Letter from Palestine to UN Secretary-General and UNSC President (24 February 2012) [HP Exhibit 128/p. 1340-1342].
212 Lettres adressées au Secrétaire général, au président de l’Assemblée générale et au président du Conseil de sécurité par l’observateur permanent de l’État de Palestine auprès de l’ONU (20 septembre 2013) [HP Exhibit 129/p. 1343-1346].
213 Ammon News, « Right-wing Israeli MK enters Aqsa compound » (19 February 2014) [HP Exhibit 274/p. 2191]. Nombreux sont ceux qui estiment que M. Feiglin a des opinions extrémistes dangereuses. En 2008, la ministre de l’intérieur britannique a décidé de lui interdire l’entrée sur le territoire du Royaume-Uni au motif que sa présence « ne serait pas dans l’intérêt général », car elle avait estimé que ses activités « encourag[ai]ent ou justifi[ai]ent la commission d’actes de violence terroristes au nom de certaines croyances ; vis[ai]ent à inciter d’autres personnes à commettre des actes terroristes ; encourag[ai]ent la pratique d’autres activités criminelles graves ou vis[ai]ent à inciter d’autres personnes à commettre des actes criminels graves ; et incit[ai]ent à la haine, ce qui pourrait entraîner des violences entre communautés au Royaume-Uni » (Haaretz, « Britain Bans Likud’s Moshe Feiglin From Entering Country » (11 March 2008) [HP Exhibit 264/p. 2163-2165]). En 2013, l’Attorney-General d’Israël a interdit à M. Feiglin de se rendre à la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif au motif que sa visite pourrait « mettre en danger la sécurité d’Israël » (The Times of Israel, « Likud lawmaker banned from ascending Temple Mount » (29 avril 2013) [HP Exhibit 271/p. 2181-2182]). En 2015, en perspective de la visite de M. Feiglin en Australie, 11 organisations juives et sionistes d’Australie ont affirmé dans une déclaration publique que « les opinions de Moshe Feiglin sur les femmes, l’homosexualité et les citoyens palestiniens d’Israël n’[étaient] pas conformes aux valeurs juives » (New Israel Fund Australia, « Statement on Moshe Feiglin’s Visit to Australia » (9 octobre 2015) [HP Exhibit 286/p. 2231-2237]).
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162. Le 25 février 2014, les forces israéliennes ont pris d’assaut la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif et attaqué les fidèles palestiniens avec des tirs de balles d’acier enrobées de caoutchouc et de grenades lacrymogènes, et ont procédé à plusieurs arrestations (sans doute pour justifier leurs actes)214.
163. Le 20 mars 2014, Moshe Feiglin est encore entré dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, avec d’autres personnalités politiques israéliennes, en compagnie d’une large escorte militaire215.
164. Le 7 avril 2014, Moshe Feiglin, en présence de policiers israéliens, a de nouveau pénétré dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, avec plus d’une cinquantaine d’extrémistes juifs. Les fidèles musulmans se sont vu interdire l’accès à ce lieu saint pendant la durée de la visite de M. Feiglin et de ses adeptes216.
165. Le 16 avril 2014, les forces israéliennes ont déployé la rampe d’acier qui avait remplacé l’ancienne rampe des Maghrébins (vieille de plusieurs siècles) afin de permettre à plus d’un millier de membres armés des forces israéliennes, appartenant notamment à la « police des frontières », aux « unités spéciales » et au corps des tireurs de précision de pénétrer dans la mosquée al-Aqsa/ Haram al-Charif, ce qui a entraîné des affrontements avec les fidèles musulmans. Les forces israéliennes se sont ensuite postées à toutes les portes du Lieu saint, y interdisant l’entrée aux hommes palestiniens de moins de 50 ans217.
166. Le 27 mai 2014, des milliers d’extrémistes juifs, emmenés par 30 rabbins, ont traversé la vieille ville de Jérusalem, accompagnés par les forces israéliennes qui ont tiré des grenades étourdissantes et des balles enrobées de caoutchouc sur les fidèles palestiniens, auxquels on a alors temporairement interdit l’accès à la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif218.
167. Le 13 octobre 2014, Moshe Feiglin est entré une fois de plus dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif en compagnie de l’armée et de la police israéliennes. Des affrontements avec les fidèles palestiniens s’en sont suivis, au cours desquels des militaires israéliens ont lancé des grenades étourdissantes dans ce lieu saint, causant des dégâts matériels219.
214 Letter from Palestine to UN Secretary-General and UNSC President (25 February 2014) [HP Exhibit 130/p. 1347-1349].
215 New Jewish Resistance, Al-Aqsa clashes as MKs tour compound (20 March 2014) [HP Exhibit 275/p. 2192] / Voir aussi la frise chronologique animée disponible à l’adresse suivante : https://www.aljazeera.com/news/ 2017/7/27/timeline-al-aqsa-mosque.
216 Voir la frise chronologique animée disponible à l’adresse suivante : https://www.aljazeera.com/news/2017/7/27 /timeline-al-aqsa-mosque / Letter from Palestine to UN Secretary-General and UNSC President (9 April 2014) [HP Exhibit 131/p. 1350-1352].
217 Lettres adressées au Secrétaire général et à la présidente du Conseil de sécurité par l’observateur permanent de la Palestine auprès de l’ONU (16 avril 2014) [HP Exhibit 132/p. 1353-1354].
218 Lettres adressées au Secrétaire général, au président de l’Assemblée générale et au président du Conseil de sécurité par le chargé d’affaires par intérim de la Palestine auprès de l’ONU (29 mai 2014) [HP Exhibit 133/p. 1355-1357].
219 Lettre adressée au Secrétaire général et à la présidente du Conseil de sécurité par l’observateur permanent de la Palestine auprès de l’ONU (14 octobre 2014) [HP Exhibit 134/p. 1358-1360].
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168. Le 19 février 2015, une soixantaine d’extrémistes juifs sont entrés dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif en présence de la police israélienne220.
169. Le 23 mars 2015, plus de 120 extrémistes juifs ont tenté d’accomplir des rituels talmudiques dans l’enceinte de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif221.
170. En mars, avril, mai et juin 2015, des groupes plus ou moins importants d’extrémistes juifs sont, presque quotidiennement, entrés dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif en présence de militaires et de policiers israéliens. Le 8 avril 2015, il a été rapporté que plus de 1 400 juifs et 120 soldats israéliens avaient pénétré dans ce lieu saint pendant le seul mois de mars, alors que l’accès avait été refusé à 42 Palestiniens. Lors de ces incursions, les fidèles palestiniens se trouvant dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif sont souvent attaqués s’ils protestent.
171. Le 27 juillet 2015, environ 70 extrémistes juifs, sous escorte policière israélienne, ont pénétré dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif par la porte des Maghrébins, ce qui a conduit à des affrontements avec les fidèles palestiniens et les gardes de la direction des Awqaf qui ont été attaqués avec des balles enrobées de caoutchouc, des matraques et du gaz lacrymogène222.
172. Le 13 septembre 2015, Uri Ariel, alors ministre de l’agriculture d’Israël, et plus de 30 extrémistes juifs sont entrés dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif en compagnie d’une large escorte militaire israélienne223.
173. Au cours des mois de novembre et décembre 2015, des policiers israéliens lourdement armés ont escorté des extrémistes juifs dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif224. Les photographies ci-dessous ont été jointes aux lettres de protestation en date du 19 décembre 2015 adressées à la police israélienne par la direction des Awqaf :
220 International Middle East Media Center, « 60 Settlers Raid Al Aqsa Mosque » (20 February 2015) [HP Exhibit 281/p. 2220].
221 Al Manar, « Dozens of Israeli Settlers Storm Al-Aqsa Compound » (23 March 2015) [HP Exhibit 282/p. 2221-2222].
222 Voir la frise chronologique animée disponible à l’adresse suivante : https://www.aljazeera.com/news/2017/7/27/ timeline-al-aqsa-mosque / Letter from Palestine to UN Secretary-General and UNSC President (28 July 2015) [HP Exhibit 138/p. 1371-1375].
223 Letter from Palestine to UN Secretary-General and UNSC President (14 September 2015) [HP Exhibit 139/p. 1376-1378].
224 Awqaf Protest Note (19 December 2015) [HP Exhibit 18/p. 552-553].
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(La photographie ci-dessus (à gauche) était jointe à la lettre de protestation en date du 19 décembre 2015 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf225, laquelle l’avait ainsi légendée : « Violation : incursion de membres armés des forces spéciales israéliennes, escortant des extrémistes sur les esplanades de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif. Lieu : esplanade de la mosquée al-Qibli, près de la porte des Maghrébins. Date : 8/12/2015, 8 h 51. Source : archives des violations conservées par la direction des Awqaf de Jérusalem et des affaires relatives à la mosquée al-Aqsa. »)
(La photographie ci-dessus (à droite) était jointe à la lettre de protestation en date du 19 décembre 2015 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf226, laquelle l’avait ainsi légendée : « Violation : incursion de membres armés des forces spéciales israéliennes sur les esplanades de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif. Lieu : à proximité de la porte des Cotonniers (Bab al-Qatanin), au pied de l’escalier menant au dôme du Rocher. Date : 14/12/2015, 9 h 32. Source : archives des violations conservées par la direction des Awqaf de Jérusalem et des affaires relatives à la mosquée al-Aqsa. » N. B. : le lieu indiqué en arabe était inexact.)
174. Au cours du mois de février 2016, des groupes d’extrémistes juifs ont été autorisés à circuler librement, de manière provocatrice, dans l’enceinte de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, accompagnés de policiers et de militaires israéliens lourdement armés :
(La photographie ci-dessus (à gauche) était jointe à la lettre de protestation en date du 21 février 2016 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf227, laquelle l’avait ainsi légendée : « Violation : incursion de colons extrémistes en habit religieux, escortés par des membres armés des forces spéciales, dans la mosquée al-Aqs/Haram al-Charif. Lieu : à proximité de la mosquée al-Qibli.
225 [HP Exhibit 18/p. 560].
226 [HP Exhibit 18/p. 556].
227 [HP Exhibit 20/p. 576].
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Date : 4/2/2016, 8 h 35. Source : archives des violations conservées par la direction des Awqaf de Jérusalem et des affaires relatives à la mosquée al-Aqsa. »)
(La photographie ci-dessus (à droite) était jointe à la lettre de protestation en date du 21 février 2016 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf228, laquelle l’avait ainsi légendée : « Violation : la police israélienne permet à des extrémistes en habit religieux, escortés par les forces spéciales, de s’introduire de force dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif. Lieu : à proximité de la mosquée al-Qibli. Date : 4/2/2016, 9 h 30. Source : archives des violations conservées par la direction des Awqaf de Jérusalem et des affaires relatives à la mosquée al-Aqsa. »)
(La photographie ci-dessus (à gauche) était jointe à la lettre de protestation en date du 21 février 2016 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf229, laquelle l’avait ainsi légendée : « Violation : la police israélienne permet à des extrémistes juifs en habit religieux, escortés par les forces spéciales, de s’introduire de force dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif. Lieu : en face de la porte des Cotonniers (Bab al-Qatanin). Date : 8/2/2016, 9 h 10. Source : archives des violations conservées par la direction des Awqaf de Jérusalem et des affaires relatives à la mosquée al-Aqsa. »)
(La photographie ci-dessus (à droite) était jointe à la lettre de protestation en date du 21 février 2016 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf230, laquelle l’avait ainsi légendée : « Violation : la police israélienne permet à des extrémistes juifs en habit religieux, escortés par les forces spéciales, de s’introduire de force dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif. Lieu : à proximité de la mosquée al-Qibli. Date : 14/2/2016, 8 h 35. Source : archives des violations conservées par la direction des Awqaf de Jérusalem et des affaires relatives à la mosquée al-Aqsa. »)
(La photographie ci-dessus (à gauche) était jointe à la lettre de protestation en date du 21 février 2016 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf231, laquelle l’avait ainsi légendée :
228 [HP Exhibit 20/p. 577].
229 [HP Exhibit 20/p. 581].
230 [HP Exhibit 20/p. 582].
231 [HP Exhibit 20/p. 585].
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« Violation : la police israélienne permet à des extrémistes juifs en habit religieux, escortés par les forces spéciales, de s’introduire de force dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif. Lieu : en face de la porte des Cotonniers (Bab al-Qatanin). Date : 17/2/2016, 9 h 11. Source : archives des violations conservées par la direction des Awqaf de Jérusalem et des affaires relatives à la mosquée al-Aqsa. »)
(La photographie ci-dessus (à droite) était jointe à la lettre de protestation en date du 21 février 2016 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf232, laquelle l’avait ainsi légendée : « Violation : des policiers israéliens lourdement armés marchent dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif. Lieu : à proximité de la mosquée al-Qibli. Date : 14/2/2016. Source : archives des violations conservées par la direction des Awqaf de Jérusalem et des affaires relatives à la mosquée al-Aqsa. »)
(La photographie ci-dessus était jointe à la lettre de protestation en date du 21 février 2016 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf233, laquelle l’avait ainsi légendée : « Violation : des policiers israéliens lourdement armés marchent dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif. Lieu : à proximité de la mosquée al-Qibli. Date : 14/2/2016. Source : photographe de la direction des Awqaf de Jérusalem. »)
175. Au cours des mois de décembre 2016 et janvier 2017, plusieurs groupes d’extrémistes juifs ont été escortés dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif par des policiers israéliens armés pour réciter des prières et accomplir des rituels juifs. La police israélienne, par ses propres actes ou omissions, a autorisé l’utilisation de la porte des Maghrébins comme point d’entrée pour de plus amples incursions, et a commencé à garer un véhicule de police dans l’enceinte de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif.
176. Au cours du mois d’avril 2017, de nouveaux groupes d’extrémistes juifs ont été escortés dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif par la police et l’armée israéliennes :
232 [HP Exhibit 20/p. 587].
233 [HP Exhibit 20/p. 588].
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(La photographie ci-dessus (à gauche) était jointe à la lettre de protestation en date du 19 avril 2017 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf234, laquelle l’avait ainsi légendée : « Les autorités d’occupation et la police israéliennes ont permis à un groupe d’extrémistes juifs, les pieds nus, certains vêtus d’habit religieux et d’autres portant l’uniforme militaire, de réciter des prières talmudiques dans l’escalier menant à la mosquée Marwani, dans l’enceinte de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, à 10 h 5 le 9/4/2017. »)
(La photographie ci-dessus (à droite) était jointe à la lettre de protestation en date du 19 avril 2017 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf235, laquelle l’avait ainsi légendée : « Les autorités d’occupation et la police israéliennes ont permis à de larges groupes des forces spéciales de s’introduire de force dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif pour protéger les extrémistes présents dans ce lieu saint, comme le prouve la photographie prise à proximité de la porte de la Chaîne (Bab al-Silsileh), à 11 heures le 12/4/2017. »)
177. Au mois de mai 2017, les incursions d’extrémistes juifs, sous couvert de la présence de la police et de l’armée israéliennes, se sont poursuivies. S’il ne fait aucun doute qu’Israël prétendra que des raisons touchant à la sécurité justifiaient la présence de ses soldats et policiers, le comportement de ces derniers montre qu’ils ont facilité ces actes de provocation délibérée, voire y ont apporté leur soutien ou y ont participé. Il n’est pas étonnant que des troubles s’en soient suivis, et que les fidèles musulmans en aient été exaspérés :
(La photographie ci-dessus (à gauche) était jointe à la lettre de protestation en date du 4 mai 2017 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf236, laquelle l’avait ainsi légendée : « Les autorités d’occupation israéliennes permettent à des extrémistes juifs, vêtus de leur habit religieux et les pieds nus, de faire irruption dans la mosquée al-Aqsa, ou ne les en empêchent pas, et les laissent en outre réciter des prières juives publiquement, sous l’oeil attentif de la police israélienne, à 9 h 50 le 2/5/2017. »)
(La photographie ci-dessus (à droite) était jointe à la lettre de protestation en date du 4 mai 2017 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf237, laquelle l’avait ainsi légendée : « Les autorités d’occupation israéliennes permettent à un groupe d’intrus juifs, vêtus d’uniformes militaires, de faire irruption dans la mosquée al-Aqsa, ou ne les en empêchent pas, et les laissent faire un salut en se tenant derrière d’autres extrémistes juifs se livrant à des rituels talmudiques, le tout face au dôme du Rocher, dans une posture très provocatrice, à 8 h 50 le 2/5/2017. »)
234 [HP Exhibit 25/p. 632].
235 [HP Exhibit 25/p. 636].
236 [HP Exhibit 26/p. 640].
237 [HP Exhibit 26/p. 641].
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(La photographie ci-dessus (à gauche) était jointe à la lettre de protestation en date du 29 mai 2017 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf238, laquelle l’avait ainsi légendée : « Les autorités d’occupation israéliennes permettent à un groupe d’extrémistes juifs, en habit religieux et les pieds nus, de faire irruption dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, sous la protection des forces spéciales israéliennes, à proximité de la porte de la Chaîne (Bab al-Silsileh), à 8 h 17 le 24/5/2017. »)
(La photographie ci-dessus (à droite) était jointe à la lettre de protestation en date du 29 mai 2017 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf239, laquelle l’avait ainsi légendée : « Les autorités d’occupation israéliennes permettent à un large groupe d’extrémistes juifs, en habit religieux et les pieds nus, de faire irruption dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif et de s’y livrer à des rites religieux et talmudiques à l’entrée de la mosquée al-Qibli, à 9 h 9 le mercredi 24 mai 2017. »)
(La photographie ci-dessus (à gauche) était jointe à la lettre de protestation en date du 29 mai 2017 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf240, laquelle l’avait ainsi légendée : « Un grand nombre de membres armés des forces spéciales israéliennes prennent d’assaut la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif pour protéger des extrémistes juifs et terroriser les fidèles, à proximité de la porte de la Chaîne (Bab al-Silsileh), à 11 heures le mercredi 24 mai 2017. »)
(La photographie ci-dessus (à droite) était jointe à la lettre de protestation en date du 29 mai 2017 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf241, laquelle l’avait ainsi légendée : « Les forces spéciales israéliennes en train de frapper Nidal Al-Wa’ri, garde de la mosquée al-Aqsa, tandis qu’un membre de ces forces menace les autres gardes et les fidèles de ses armes, à proximité de la porte de la Chaîne (Bab al-Silsileh), à 11 heures le mercredi 24 mai 2017. »)
238 [HP Exhibit 27/p. 651].
239 [HP Exhibit 27/p. 653].
240 [HP Exhibit 27/p. 656].
241 [HP Exhibit 27/p. 657].
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(La photographie ci-dessus (à gauche) était jointe à la lettre de protestation en date du 29 mai 2017 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf242, laquelle l’avait ainsi légendée : « Les forces spéciales israéliennes en train de frapper sans raison des gardes de la mosquée al-Aqsa et des fidèles, à proximité de la porte de la Chaîne (Bab al-Silsileh), à 11 heures le mercredi 24 mai 2017. »)
(La photographie ci-dessus (à droite) était jointe à la lettre de protestation en date du 29 mai 2017 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf243, laquelle l’avait ainsi légendée : « Les forces spéciales israéliennes en train de frapper sans raison Raed Zghayir, employé de la mosquée al-Aqsa, à proximité de la porte de la Chaîne (Bab al-Silsileh), à 11 heures le mercredi 24 mai 2017. »)
(La photographie ci-dessus (à gauche) était jointe à la lettre de protestation en date du 29 mai 2017 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf244, laquelle l’avait ainsi légendée : « Les forces spéciales israéliennes en train de frapper Nidal Al-Wa’ri, garde de la mosquée al-Aqsa, qu’elles arrêtent sans raison, à proximité de la porte de la Chaîne (Bab al-Silsileh), à 11 heures le mercredi 24 mai 2017. »)
(La photographie ci-dessus (à droite) était jointe à la lettre de protestation en date du 29 mai 2017 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf245, laquelle l’avait ainsi légendée : « Les forces spéciales israéliennes en train de frapper Khalil At-Tarhouni, garde de la mosquée al-Aqsa, qu’elles arrêtent sans raison, à proximité de la porte de la Chaîne (Bab al-Silsileh), à 11 heures le mercredi 24 mai 2017. »)
178. Le 28 mai 2017, dans un acte de provocation visant à asseoir la souveraineté d’Israël sur la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, le conseil des ministres israélien a tenu l’une de ses réunions
242 [HP Exhibit 27/p. 658].
243 [HP Exhibit 27/p. 659].
244 [HP Exhibit 27/p. 660].
245 [HP Exhibit 27/p. 661].
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hebdomadaires dans les tunnels creusés sous le Mur occidental, prétendument pour « marquer le cinquantième anniversaire de la réunification de Jérusalem »246.
247
179. En juillet 2018, le premier ministre israélien a annoncé la levée de l’interdiction faite depuis 2015 aux ministres du Gouvernement israélien et aux membres de la Knesset de visiter la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif. Comme l’a relevé Ir Amim dans un rapport,
« [l]a semaine dernière, le premier ministre Netanyahu a annoncé qu’il lèverait l’interdiction faite depuis 2015 aux ministres du Gouvernement israélien et aux membres de la Knesset de gravir le Mont, ce qui a conduit d’importantes personnalités de droite à s’y rendre immédiatement. Ces “visites” sont la manifestation à court terme des idées radicales que défendent les militants du “mouvement du Temple”, dont le but est de transformer fondamentalement la gestion de ce lieu saint et, à long terme, de parvenir à la construction du troisième Temple. »248
180. Au cours des mois d’août et de septembre 2018, les incursions répétées et provocatrices d’extrémistes juifs, notamment de groupes emmenés par d’éminents membres du Gouvernement israélien comme Uri Ariel, ainsi que des personnalités radicales comme Yehuda Glick, se sont poursuivies :
(La photographie ci-dessus (à gauche) était jointe à la lettre de protestation en date du 30 octobre 2018 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf249, laquelle l’avait ainsi légendée : « Le 18 septembre 2018, des membres de la police et des forces spéciales israéliennes ont agressé physiquement un employé de la direction des Awqaf à l’intérieur de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif. »)
246 Jewish Telegraphic Agency, « Israeli Cabinet meets in Western Wall tunnels, approves Old City elevator » (28 May 2017) [HP Exhibit 293/p. 2266-2267].
247 Haaretz, « Netanyahu Returns to the Western Wall Tunnels, the Bedrock of His Political Existence » (28 May 2017) [HP Exhibit 294/pages 2268-2276].
248 Ir Amim, Circumventing Red Lines: The Paradigmatic Shift in Israel’s Policy on Jerusalem (19 July 2018) [HP Exhibit 73/p. 1044-1050].
249 [HP Exhibit 29/p. 675].
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(La photographie ci-dessus (à droite) était jointe à la lettre de protestation en date du 30 octobre 2018 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf250, laquelle l’avait ainsi légendée : « Le 18 septembre 2018, un large groupe de policiers et de membres des forces spéciales israéliennes ont battu un fidèle à l’intérieur de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, à proximité de la porte du roi Faisal (Bab al-Attim). »)
(La photographie ci-dessus (à gauche) était jointe à la lettre de protestation en date du 30 octobre 2018 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf251, laquelle l’avait ainsi légendée : « Le 27 septembre 2018, un grand nombre de membres armés des forces spéciales parcourent les esplanades de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, transformant ce lieu saint en une garnison militaire. »)
(La photographie ci-dessus (à droite) était jointe à la lettre de protestation en date du 30 octobre 2018 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf252, laquelle l’avait ainsi légendée : « Le 9 septembre 2018, Uri Ariel, ministre israélien de l’agriculture et membre de la Knesset, fait irruption dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif sous la protection d’un important groupe de membres armés de la police et des forces spéciales israéliennes. Sur les esplanades de ce lieu saint, il appelle à l’expulsion du personnel de la direction des Awqaf de la mosquée et préconise qu’il soit mis fin à la tutelle de Sa Majesté. »)
(La photographie ci-dessus était jointe à la lettre de protestation en date du 30 octobre 2018 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf253, laquelle l’avait ainsi légendée : « Le 5 septembre 2018, Yehuda Glick, membre de la Knesset, fait irruption dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif sous la protection d’un grand nombre de membres armés de la police et des forces spéciales israéliennes. De façon provocatrice, il récite des prières juives et salue des touristes étrangers, avec qui il prend des photos. »)
250 [HP Exhibit 29/p. 676].
251 [HP Exhibit 29/p. 680].
252 [HP Exhibit 29/p. 682].
253 [HP Exhibit 29/p. 683].
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181. Le 18 septembre 2018, des centaines d’extrémistes juifs sont entrés, en présence de l’armée et de la police israéliennes, dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, où ils ont accompli des rituels juifs, perturbant les prières musulmanes. La Jordanie et la Palestine ont protesté par écrit contre cet acte auprès de la directrice générale de l’UNESCO, le 14 novembre 2018254.
182. Le 16 septembre 2021, le rabbin Yehuda Etzion, qui faisait partie du groupe ayant comploté la destruction de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif avec des explosifs en 1982, est entré dans ce lieu saint à la tête d’un groupe d’extrémistes juifs qu’il a invités à la prière, en présence de policiers israéliens armés255.
183. Comme il a été exposé plus haut, en avril 2022, pendant le ramadan, de graves affrontements ont eu lieu à la suite d’actes de violation et de provocation commis par Israël contre les fidèles musulmans et la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif. D’importants dégâts matériels ont été causés à l’intérieur de la mosquée al-Qibli. Le drapeau israélien a été hissé dans l’enceinte de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, où les forces israéliennes, pendant les prières de l’aube, ont attaqué les fidèles palestiniens avec des tirs de balles en caoutchouc, des grenades étourdissantes et du gaz lacrymogène, blessant plus de 150 personnes et procédant à plus de 400 arrestations256 :
254 Jordanian-Palestinian Protest to UNESCO Director-General (14 November 2018) [HP Exhibit 38/p. 780-781].
255 Haramalaqsa.com, Terrorist leader Yehuda Etzion lead Jewish rituals in al-Aqsa (16 September 2021) [HP Exhibit 307/p. 2317-2320].
256 Lettres adressées au Secrétaire général, au président de l’Assemblée générale et à la présidente du Conseil de sécurité par l’observateur permanent de la Palestine auprès de l’ONU (15 avril 2022) [HP Exhibit 140/p. 1379-1381] / Lettre adressée au Secrétaire général par le représentant permanent de l’Algérie auprès de l’ONU, communiquant une lettre du président de l’Algérie (18 avril 2022) [HP Exhibit 141/p. 1382-1383] / Lettres adressées au Secrétaire général et à la présidente du Conseil de sécurité par le représentant permanent d’Israël auprès de l’ONU (21 avril 2022) [HP Exhibit 142/p. 1384-1386] / Lettre datée du 21 avril 2022, adressée au Secrétaire général par le représentant permanent de la Malaisie auprès de l’ONU, communiquant une lettre du ministre malaisien des affaires étrangères (22 avril 2022) [HP Exhibit 143/p. 1387-1388].
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(La photographie ci-dessus (à gauche) était jointe à la lettre de protestation en date du 12 mai 2022 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf257, laquelle l’avait ainsi légendée : « La police israélienne autorisant Itamar Ben-Gvir, membre de la Knesset, à s’introduire de force dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif et à y faire des déclarations provocatrices, la veille du ramadan. »)
(La photographie ci-dessus (à [droite]) était jointe à la lettre de protestation en date du 12 mai 2022 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf258, laquelle l’avait ainsi légendée : « La police israélienne a autorisé des juifs extrémistes à s’introduire de force dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, à l’intérieur de laquelle ils ont hissé le drapeau israélien. »)
257 [HP Exhibit 31/p. 710].
258 [HP Exhibit 31/p. 714].
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(La photographie ci-dessus (à gauche) était jointe à la lettre de protestation en date du 12 mai 2022 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf259, laquelle l’avait ainsi légendée : « Des membres armés de la police et des forces spéciales israéliennes ont fait irruption dans la mosquée al-Qibli, chaussures aux pieds, ont ligoté une quarantaine de fidèles, face contre terre, et ont arrêté plus de 400 personnes après les avoir attaquées avec des balles de caoutchouc et des grenades lacrymogènes. »)
(La photographie ci-dessus (à droite) était jointe à la lettre de protestation en date du 12 mai 2022 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf260, laquelle l’avait ainsi légendée : « Les forces israéliennes ont pris d’assaut et saccagé la mosquée al-Qibli, y agressant les fidèles et ligotant plus de 40 jeunes auxquels ils ont fait le terrible affront de les mettre, de force, face contre le tapis de prière. »)
(La photographie ci-dessus (à gauche) était jointe à la lettre de protestation en date du 12 mai 2022 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf261, laquelle l’avait ainsi légendée : « Un policier israélien enfonce sa matraque dans le dos d’une femme pour la pousser hors de la mosquée al-Aqsa. »)
(La photographie ci-dessus (à droite) était jointe à la lettre de protestation en date du 12 mai 2022 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf262, laquelle l’avait ainsi légendée : « La police israélienne battant à coups de matraque, sans raison, un fidèle musulman innocent. »)
259 [HP Exhibit 31/p. 716].
260 [HP Exhibit 31/p. 717].
261 [HP Exhibit 31/p. 720].
262 [HP Exhibit 31/p. 721].
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(La photographie ci-dessus (à gauche) était jointe à la lettre de protestation en date du 12 mai 2022 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf263, laquelle l’avait ainsi légendée : « Les forces israéliennes ont tiré des balles en caoutchouc sur un employé de la direction des Awqaf de Jérusalem chargé de la restauration des bâtiments, le blessant grièvement à la tête. »)
(La photographie ci-dessus (à droite) était jointe à la lettre de protestation en date du 1er juin 2022 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf264, laquelle l’avait ainsi légendée : « La police israélienne permettant à un certain nombre d’extrémistes juifs de faire irruption dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif et d’y hisser le drapeau israélien, commettant un acte de violation provocateur dans ce lieu saint. »)
(La photographie ci-dessus était jointe à la lettre de protestation en date du 1er juin 2022 adressée à la police israélienne par la direction des Awqaf265, laquelle l’avait ainsi légendée : « La police israélienne causant de graves dommages aux portes de la mosquée al-Qibli en essayant de les verrouiller. »)
184. Le 3 janvier 2023, Itamar Ben-Gvir, ministre israélien de la sécurité nationale, condamné au pénal pour incitation au racisme et soutien au groupe terroriste Kach, partisan de l’expulsion hors d’Israël des Arabes qui ne lui sont pas loyaux, s’est introduit de force dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, accompagné de la police israélienne266.
185. Comme il a été exposé plus haut, le 4 et le 5 avril 2023, pendant le ramadan, de nombreux fidèles palestiniens passaient la nuit dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif pour prier, comme le veut la tradition. Avant l’aube, les forces israéliennes ont fait irruption dans la mosquée, attaquant
263 [HP Exhibit 31/p. 724].
264 [HP Exhibit 32/p. 731].
265 [HP Exhibit 32/p. 733].
266 Letter from Palestine to UN Secretary-General, UNGA President and UNSC President (3 January 2023) [HP Exhibit 144/p. 1389-1391].
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les fidèles avec des matraques, des grenades étourdissantes et du gaz lacrymogène pour les forcer à sortir. Plus de 500 Palestiniens ont été arrêtés.
186. Le 21 mai 2023, Itamar Ben-Gvir, ministre israélien de la sécurité nationale, s’est de nouveau introduit de force dans la mosquée al-Aqsa ou Haram al-Charif, accompagné de la police israélienne, et a prié près du Bab al-Rahma pendant 30 minutes. Il aurait alors déclaré : « Nous sommes les propriétaires du bâtiment qui coiffe le Mont du Temple, c’est à nous et à personne d’autre qu’appartient ce lieu, qui est important pour tous »267. Cet acte a été condamné par la communauté internationale, notamment par les États-Unis d’Amérique268, la France269, la Türkiye270 et l’OCI271.
187. Le 21 mai 2023, dans un acte de provocation visant à asseoir la souveraineté d’Israël sur la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, le conseil des ministres israélien a tenu (pour la deuxième fois) l’une de ses réunions hebdomadaires dans les tunnels creusés sous le Mur occidental.272.
Le conseil des ministres israélien tenant une réunion sous la mosquée al-Aqsa à Jérusalem, le 21 mai 2023 [@IsraeliPM/Twitter]273
188. Cela fait longtemps que les Lieux saints chrétiens subissent des attaques directes, notamment des actes de vandalisme commis par des personnes et des organisations extrémistes contre lesquelles les autorités israéliennes n’ont pris aucune sanction appropriée. En 2012 et 2013, notamment, le monastère de la Croix (administré par l’Église grecque orthodoxe), l’église baptiste « Narkis Street Congregation » de Jérusalem, le monastère de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs,
267 Arab News, « Saudi Arabia, Arab nations condemn Israeli security minister’s Al-Aqsa visit » (21 May 2023) [HP Exhibit 314/p. 2336-2339].
268 Anadolu Agency, « US 'concerned' by Ben-Gvir's storming of Jerusalem’s Al-Aqsa complex » (23 May 2023) [HP Exhibit 318/p. 2348-2349].
269 Mission permanente de la France auprès des Nations Unies à New York, Israël/Territoires palestiniens : la France est préoccupée par les mesures unilatérales (24 mai 2023) [HP Exhibit 319/p. 2350].
270 Turkiye News, « Ankara slams Israeli minister’s raid on Haram al-Sharif » (21 May 2023) [HP Exhibit 315/p. 2340-2341].
271 Final Communiqué adopted by the Open-ended Extraordinary Meeting of the Executive Committee of the Organisation of Islamic Cooperation to Discuss the Ongoing Israeli Attacks on Al-Aqsa Mosque (24 May 2023) [HP Exhibit 149/p. 1406].
272 Anadolu Agency, Palestinians decry Israeli gov’t meeting inside Al-Buraq Wall tunnels of Jerusalem’s Al-Aqsa (22 May 2023) [HP Exhibit 316/p. 2342-2343]. / Office of the Prime Minister of Israel, Press Release: Due to the Importance of the Western Wall, the Cabinet has Approved PM Netanyahu’s Proposal to Increase the Five-Year Plan by Approximately NIS 60 Million (21 May 2023) [HP Exhibit 85/p. 1104].
273 Middle East Monitor, « Israel: cabinet holds meeting beneath Al-Aqsa Mosque » (22 May 2023) [HP Exhibit 317/p. 2344-2347].
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l’église de la Dormition, l’église Saint-George (église roumaine orthodoxe), l’église baptiste du Calvaire, et le cimetière protestant du Mont Sion ont tous été la cible de telles attaques. En 2016, le monastère bénédictin (abbaye de la Dormition) du Mont Sion et l’église Jasmine (près de l’église du Saint-Sépulcre), parmi d’autres, ont été l’objet de violations. En 2020, on a tenté d’incendier l’église de Toutes-les-Nations (église de Gehtsémani).
189. Le 3 octobre 2012, l’église de la Dormition, sur le Mont Sion, a été vandalisée et couverte de graffitis avec des slogans tels que « Jésus, fils de pute, prix à payer »274. Ce type de discours, insultant tant pour les chrétiens que pour les musulmans, fait partie d’une succession d’actes commis par des extrémistes en Israël auxquels les autorités publiques israéliennes semblent ne vouloir opposer aucune mesure efficace en vue de les prévenir ou de les punir.
190. Le 10 octobre 2013, plusieurs sépultures historiques du cimetière protestant du Mont Sion ont été vandalisées. Quatre colons juifs (dont deux mineurs) détenus dans le cadre de l’enquête sur cette attaque ont été libérés sans inculpation dans l’attente d’interrogatoires complémentaires, en dépit de leurs liens apparents avec le mouvement des « jeunes des collines » qui s’en prend aux mosquées et aux sites chrétiens275.
191. Le 18 juin 2015, l’église bénédictine de la Multiplication, à Tabgha, sur la mer de Galilée, a été incendiée et vandalisée avec l’inscription « Les idoles disparaîtront » (citation d’une prière juive). Seize jeunes israéliens ont été détenus brièvement avant d’être libérés276. La photographie ci-dessous montre le patriarche latin H. B. Fouad Twal examinant les dommages causés à l’église :
192. Le 17 janvier 2016, le monastère bénédictin (abbaye de la Dormition) du Mont Sion a été vandalisé par des extrémistes juifs avec des slogans tels que « Les chrétiens en enfer », « Mort aux barbares chrétiens, ennemis d’Israël » et « Puisse son nom être effacé » à côté d’une étoile de
274 Haaretz, « Another Israeli Church Defaced With ‘Price Tag’ Graffiti » (3 October 2012) [HP Exhibit 269/p. 2174-2177]. Dans ce contexte, l’expression « prix à payer » désigne les attaques commises par des jeunes juifs israéliens pour « faire payer » les Palestiniens qui, dans un lieu donné, se sont opposés à des activités de colonisation.
275 The Times of Israel, « Attack on Jerusalem graves unnerves Christians » (10 October 2013) [HP Exhibit 273/p. 2187-2190].
276 The Times of Israel, « 16 arrested, then released, in church torching » (18 June 2015) [HP Exhibit 284/p. 2225-2227].
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David277. Bien qu’il semble que trois jeunes juifs aient été inculpés devant le tribunal du district de Jérusalem à la suite de cette attaque278, on ignore si les poursuites ont abouti, si une (quelconque) condamnation a été prononcée, et quelles mesures ont été prises (le cas échéant) par les autorités israéliennes pour réparer les dommages et restaurer l’église.
193. Le 4 décembre 2020, des extrémistes juifs ont tenté d’incendier l’église de Toutes-les-Nations (église de Gethsémani). Il semblerait que les autorités israéliennes n’aient pas condamné cette attaque279.
194. Les personnalités chrétiennes de Jérusalem ont publiquement protesté contre de tels actes de violence et d’autres mesures israéliennes limitant l’accès aux Lieux saints chrétiens. Comme il a été exposé plus haut, plus récemment, le 31 mars 2023, les patriarches et chefs des Églises de Jérusalem ont publié le message suivant à l’occasion des fêtes de Pâques :
« Ces mots nous donnent courage et force en ces temps difficiles, alors que notre foi continue d’être mise à l’épreuve. Comme nous l’avons tous constaté ces derniers mois, une violence croissante se déchaîne en Terre sainte. Les chrétiens en particulier y subissent de plus en plus souvent des malheurs similaires à ceux décrits par saint Pierre.
Depuis plus d’un an, certaines de nos églises et de nos processions funéraires et certains de nos lieux de rassemblement publics ont été la cible d’attaques ; certains de nos Lieux saints et cimetières ont été profanés ; et certaines de nos liturgies, telles que la procession du dimanche des Rameaux et la cérémonie du Feu sacré, ont été interdites à des milliers de fidèles, et ce en dépit de notre volonté de coopérer avec les autorités en place et d’accéder à toute demande raisonnable qu’elles pourraient nous soumettre.
Nous continuerons à faire preuve de bonne volonté, et nous prions les responsables concernés de collaborer et de coopérer avec nous, tandis que nous appelons la communauté internationale et les résidents bien intentionnés à plaider en notre faveur, afin de contribuer à garantir la sécurité et la liberté d’accès et de religion de la communauté chrétienne locale et des millions de pèlerins chrétiens qui visitent chaque année la Terre sainte, ainsi que le maintien du statu quo religieux. »
277 Religion News Service, « Hebrew graffiti at Jerusalem monastery threatens Christians » (17 January 2016) [HP Exhibit 287/p. 2238-2240] / Al Jazeera, « Christian holy site in Jerusalem vandalised » (17 January 2016) [HP Exhibit 288/p. 2241-2243].
278 The Times of Israel, « Israeli teens arrested for defacing church with anti-Christian graffiti » (20 January 2016) [HP Exhibit 289/p. 2244-2246].
279 Arab News, « Attack on Jerusalem church no isolated incident » (10 December 2020) [HP Exhibit 302/p. 2300-2302] / Palestine News & Info Agency, « Jordan decries attempted arson attack on Gethsemane Church in Jerusalem » (5 December 2020) [HP Exhibit 301/p. 2298-2299].
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VI. MESURES ADMINISTRATIVES ARBITRAIRES
195. Depuis l’époque ottomane, il est entendu que l’église du Saint-Sépulcre est exonérée du paiement des services publics et des impôts locaux. Or, le 2 novembre 2012, le compte bancaire de l’église a été gelé à la demande du Hagihon280, au motif que celle-ci aurait manqué de régler une facture d’eau de 2,3 millions de dollars des États-Unis dont elle se serait soudainement trouvée redevable pour la période allant de 1967 à 2012281. Il est étonnant qu’on la mette en demeure de payer une telle facture alors même qu’aucune demande à cet effet ne lui a jamais été adressée auparavant, puisqu’il était entendu qu’elle était exemptée du paiement des services publics.
196. En signe de protestation contre une annonce du maire de Jérusalem, qui avait affirmé que la municipalité entendait prélever 650 millions de shekels (soit 186 millions de dollars) d’arriérés d’impôts dus par des églises et d’autres organismes internationaux possédant des biens immobiliers en ville, l’église du Saint-Sépulcre a fermé ses portes le 25 février 2018282. Sous la pression internationale, Israël a suspendu son projet de réglementation fiscale et l’église du Saint-Sépulcre a rouvert le 27 février 2018. Dans une communication en date du 6 mars 2018, la Jordanie et la Palestine ont protesté conjointement contre les mesures israéliennes qui ont conduit à la fermeture de l’église283.
VII. EXPOSÉ SYNTHÉTIQUE DES FAITS
197. Comme il a été exposé plus haut, des actes et des omissions constitutifs de violations du droit international, attribuables à Israël et à ses autorités, ont été commis contre les Lieux saints et leurs fidèles depuis les premiers jours de l’occupation, en juin 1967. En outre, à la suite de l’incursion extrêmement provocatrice menée par M. Sharon le 28 septembre 2000, le nombre et la gravité des agressions israéliennes contre les Lieux saints musulmans, notamment la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, et les Lieux saints chrétiens se sont considérablement accrus. En 2014, les violations israéliennes commises contre la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif et d’autres Lieux saints musulmans et chrétiens étaient devenues monnaie courante. Il est choquant de constater que ces violations sont aujourd’hui devenues encore plus fréquentes et plus graves284.
198. Les violations israéliennes commises contre la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif sont aujourd’hui presque quotidiennes, et comprennent des actes qui ne peuvent qu’être interprétés comme des revendications de souveraineté par Israël — qui cherche à transformer de manière irréversible « la réalité sur le terrain » —, notamment la tenue provocatrice de réunions du conseil des ministres israélien dans les tunnels illicitement creusés sous ce lieu saint.
280 Hagihon Ltd est une société fondée par la municipalité de Jérusalem pour fournir des services d’approvisionnement en eau et de gestion des eaux usées dans la ville de Jérusalem.
281 BBC News, « Church of the Holy Sepulchre in row over water bill » (2 November 2012) [HP Exhibit 270/p. 2178-2180].
282 Haaretz, « Jerusalem’s Church of Holy Sepulchre Closes in Protest Amid Row With Israel » (25 February 2018) [HP Exhibit 295/p. 2277-2281] / Jordanian-Palestinian Status Report, The State of Conservation of the Old City of Jerusalem and its Walls (15 April 2019), p. 85-86 [HP Exhibit 8/p. 284-285].
283 Jordanian-Palestinian UNESCO Protest Note (6 March 2018) [HP Exhibit 35/p. 771].
284 Ainsi, la direction des Awqaf a enregistré « une nette augmentation du nombre d’intrusions extrémistes, qui est passé de 11 524 en 2014 à 11 645 en 2015 et à 14 806 en 2016 (soit environ 3 000 intrusions de plus que l’année précédente) » : voir Jordanian-Palestinian Status Report, The State of Conservation of the Old City of Jerusalem and its Walls (28 April 2017), p. 11 [HP Exhibit 7/p. 121].
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199. D’une manière générale, les violations commises par Israël contre les Lieux saints musulmans et les Lieux saints chrétiens semblent se caractériser principalement par :
199.1. Des actes (dont des attaques violentes) ou des omissions ayant pour effet d’empêcher les fidèles d’accéder à leurs Lieux saints pour y pratiquer leur culte en paix ;
199.2 Des actes ou des omissions ayant pour effet d’empêcher les organismes qui en ont la charge (dont la direction des Awqaf) de réaliser les travaux de restauration ou de réparation nécessaires dans les Lieux saints ;
199.3. Des actes visant à modifier la nature, les caractéristiques et les fonctions inhérentes des Lieux saints ;
199.4. Des actes ou des omissions (notamment l’absence de toute mesure appropriée ou efficace) ayant pour effet de détruire ou de laisser détruire les Lieux saints ou d’en compromettre l’intégrité ;
199.5. Des actes ou des omissions (notamment l’absence de toute mesure de prévention ou de sanction efficace) à l’égard d’incursions dans les Lieux saints revêtant un caractère agressif, provocateur et destructeur, conçues pour heurter la sensibilité des musulmans et des chrétiens dans les territoires occupés.
200. La Jordanie soutient respectueusement que la Cour internationale de Justice dispose ainsi hélas d’un nombre plus que suffisant d’éléments pour étayer la conclusion selon laquelle Israël a, par ses actes et omissions à l’égard des Lieux saints, commis des violations des droits de l’homme et de graves manquements au droit international humanitaire contraires aux obligations qui lui incombent, notamment en tant que puissante occupante, lesquelles sont décrites de manière plus détaillée dans la section suivante.
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CHAPITRE 4 LES OBLIGATIONS INCOMBANT À ISRAËL AU REGARD DU DROIT INTERNATIONAL APPLICABLE
201. S’agissant des Lieux saints, Israël est tenu, au regard du droit international applicable, 1) de garantir la liberté d’expression religieuse sans entrave des personnes protégées ; 2) de ne pas détruire les biens des personnes protégées ou en autoriser la destruction ; et 3) de protéger les biens culturels.
202. Les éléments de preuve recensés ci-dessus montrent de manière claire, crédible et convaincante que les autorités israéliennes sont animées de l’intention d’entraver ou de compromettre sérieusement la capacité des chrétiens et des musulmans de pratiquer leur culte dans les Lieux saints de Jérusalem ou qu’elles ont manqué de prendre des mesures efficaces pour veiller au respect et à la protection du culte, et qu’elles ont, par leurs actes ou omissions, cherché à détruire, modifier et ébranler la structure, l’intégrité et le statut des Lieux saints d’une manière incompatible avec les obligations et responsabilités que le droit international impose à Israël, notamment en tant que puissance occupante.
203. Dans le présent chapitre sont exposés les dispositions et principes de droit international applicables.
I. LA RESPONSABILITÉ DES ÉTATS
204. Les principes du droit international régissant la responsabilité des États sont bien connus de la Cour, qui les a notamment appliqués dans l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique)285 et dans celle des Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda)286.
205. Il ne fait aucun doute qu’Israël tentera de prendre ses distances par rapport aux actes commis par des organisations juives extrémistes ou d’autres groupes ou individus extrémistes juifs, mais cela est voué à l’échec. De fait, Israël a montré qu’il ne pouvait (au mieux) ou ne voulait pas agir face aux actes illicites et provocateurs perpétrés par des extrémistes israéliens, y compris par les personnes (communément appelées « colons ») qu’il a transférées de manière illicite dans les territoires palestiniens occupés en violation de l’article 49 de la quatrième convention de Genève — et dont les actes doivent en conséquence lui être imputés. Qui plus est, Israël ne peut de toute évidence pas se distancier de tels actes étant donné qu’il y a fourni une protection armée suffisante pour que sa propre complicité soit avérée. À cet égard, il convient de rappeler que, aux fins de la responsabilité des États,
« le comportement de certaines institutions assumant des fonctions publiques et exerçant des prérogatives de puissance publique (comme la police) est attribué à l’État même si, en droit interne, elles sont réputées être autonomes et indépendantes du pouvoir exécutif »287.
285 [HP Exhibit 337/p. 2582-2721].
286 [HP Exhibit 347/p. 2974-3092].
287 Commentaire de la CDI sur le projet d’articles sur la responsabilité de l’État (p. 40, par. 6)) [HP Exhibit 339/p. 2751].
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II. LE DROIT INTERNATIONAL APPLICABLE TEL QUE CONFIRMÉ PAR LA COUR DANS SON AVIS CONSULTATIF SUR LE MUR
206. Le 9 juillet 2004, la Cour a donné son avis consultatif dans la procédure relative au mur sur la question suivante soumise par l’Assemblée générale des Nations Unies :
« Quelles sont en droit les conséquences de l’édification du mur qu’Israël, puissance occupante, est en train de construire dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, selon ce qui est exposé dans le rapport du Secrétaire général, compte tenu des règles et des principes du droit international, notamment la quatrième convention de Genève de 1949 et les résolutions consacrées à la question par le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale ? »
207. Ainsi qu’il est exposé en détail ci-après, l’avis sur le mur comprend une analyse approfondie du droit international qui est pertinente aux fins de la présente espèce.
208. En résumé, dans son avis sur le mur, la Cour a notamment :
208.1. Déterminé les règles et principes du droit international pertinents pour répondre à la question posée, parmi lesquels :
208.1.1. Les principes coutumiers énoncés au paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies et dans la résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale des Nations Unies interdisant la menace et l’emploi de la force et soulignant l’illicéité de l’acquisition de territoire par le recours à ces moyens ;
208.1.2. Le droit international humanitaire ; et
208.1.3. Le droit international des droits de l’homme ;
208.2. Conclu que la construction du « mur de séparation » créait un fait accompli sur le terrain qui pourrait devenir permanent et équivaloir à une annexion de facto ;
208.3. Dit que le « mur de séparation » entraînait des modifications dans la composition démographique du Territoire palestinien occupé ;
208.4. Dit que la construction du « mur de séparation » dressait un obstacle grave à l’exercice par les Palestiniens de leur droit à l’autodétermination ;
208.5. Conclu que le « mur de séparation » était contraire au droit international humanitaire, en ce qu’il entravait la liberté de circulation des habitants du territoire ainsi que leurs droits au travail, à la santé, à l’éducation et à un niveau de vie suffisant ;
208.6. Dit que les exceptions ou réserves relatives aux impératifs militaires ou aux nécessités de sécurité nationale ou d’ordre public ne s’appliquaient pas en l’espèce ;
208.7. Conclu qu’Israël ne pouvait se prévaloir du droit de légitime défense ou de l’état de nécessité, comme excluant l’illicéité de la construction du « mur de séparation » ;
208.8. Dit que, en conséquence, Israël devait cesser les travaux d’édification du « mur de séparation » et était tenu de réparer les dommages causés aux personnes physiques ou morales affectées par la construction du mur ;
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208.9. Conclu que tous les États étaient dans l’obligation de ne pas reconnaître la situation illicite découlant de la construction du « mur de séparation ».
209. Non seulement Israël a manifestement manqué de se conformer à l’avis sur le mur, mais il en a fait fi. Le 11 juillet 2004, le premier ministre israélien de l’époque, M. Sharon, a ainsi ouvert une séance du cabinet en tenant les propos suivants :
« Il y a moins d’une heure, une Israélienne a été tuée par des terroristes palestiniens, et d’autres citoyens ont été blessés. Nous prions tous pour leur prompt rétablissement. Le meurtre de ce matin est le premier qui survient sous le patronage de l’avis donné par la Cour internationale de Justice de La Haye. Vendredi, le droit sacré de la guerre contre le terrorisme a essuyé un camouflet de la part de la Cour internationale de Justice de La Haye, qui a estimé que l’édification de la clôture de sécurité visant à prévenir le terrorisme était un fait illicite et qu’Israël devait démanteler cet ouvrage.
Pour que les choses soient claires : l’État d’Israël rejette catégoriquement l’avis de la Cour internationale de Justice de La Haye. Cet avis est partial et fondé uniquement sur des considérations politiques. Il ne tient nullement compte de la raison sous-tendant la construction de la clôture de sécurité, à savoir le terrorisme palestinien meurtrier. Il ne se préoccupe que de la réaction israélienne, c’est-à-dire l’édification de la clôture, laquelle constitue la mesure la plus raisonnable face à cette terreur pernicieuse.
Or, ce que les juges de la Cour ont refusé de voir a rapidement été illustré ce matin lorsque les Palestiniens ont tué et blessé d’innocents civils. Si les Palestiniens s’opposent à la construction de la clôture, c’est parce qu’ils savent parfaitement qu’il leur sera bien plus difficile de continuer à commettre des meurtres une fois cette clôture terminée.
L’avis envoie un message mortifère qui, d’un côté, encourage le terrorisme et, de l’autre, affaiblit les pays qui s’efforcent de se protéger de ce fléau. Quiconque s’inquiète de la propagation du terrorisme doit, aujourd’hui, soutenir Israël lorsqu’il demande la révocation de cet avis immoral et dangereux. Toute personne cultivée pour qui la lutte contre le terrorisme est importante doit se tenir aux côtés d’Israël et contester l’avis et ses funestes conséquences. »288 (Les italiques sont de nous.)
A. Le statut de Jérusalem-Est en droit international et celui d’Israël à l’égard de celle-ci
210. Ainsi que la Cour l’a rappelé dans son avis sur le mur (au paragraphe 78), Jérusalem-Est a, en droit international, le statut d’un territoire occupé, dont Israël est la puissance occupante :
« Les territoires situés entre la Ligne verte (voir paragraphe 72 ci-dessus) et l’ancienne frontière orientale de la Palestine sous mandat ont été occupés par Israël en 1967 au cours du conflit armé ayant opposé Israël à la Jordanie. Selon le droit international coutumier, il s’agissait donc de territoires occupés dans lesquels Israël avait la qualité de puissance occupante. Les événements survenus depuis lors dans ces territoires tels que rapportés aux paragraphes 75 à 77 ci-dessus n’ont rien changé à cette situation. L’ensemble de ces territoires (y compris Jérusalem-Est) demeurent des
288 Office of the Prime Minister of Israel, PM’s Statement Regarding the Opinion of the International Court of Justice at The Hague (11 July 2004) [HP Exhibit 81/p. 1065-1066].
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territoires occupés et Israël y a conservé la qualité de puissance occupante. »289 (Les italiques sont de nous.)
B. Applicabilité du droit international humanitaire
211. Dans son avis sur le mur, la Cour a recherché quels étaient les règles et principes du droit international applicables dans le territoire occupé, et examiné les arguments avancés par Israël concernant le caractère prétendument inapplicable de certaines règles du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme. Elle a conclu ce qui suit (au paragraphe 86) : « Ces règles et principes figurent dans la Charte des Nations Unies et certains autres traités, dans le droit international coutumier et dans les résolutions pertinentes adoptées en vertu de la Charte par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité. »290
212. S’agissant de l’applicabilité du droit international humanitaire, la Cour a indiqué ceci (au paragraphe 89) :
« Pour ce qui concerne le droit international humanitaire, la Cour relèvera en premier lieu qu’Israël n’est pas partie à la quatrième convention de La Haye de 1907 à laquelle le règlement est annexé. La Cour observera qu’aux termes de la convention ce règlement avait pour objet de “reviser les lois et coutumes générales de la guerreˮ telles qu’elles existaient à l’époque. Depuis lors cependant, le Tribunal militaire international de Nuremberg a jugé que les “règles définies dans la convention étaient reconnues par toutes les nations civilisées et étaient considérées comme une formulation des lois et coutumes de guerreˮ (jugement du Tribunal militaire international de Nuremberg du 30 septembre et 1er octobre 1946, p. 65). La Cour elle-même a abouti à la même conclusion en examinant les droits et devoirs des belligérants dans la conduite des opérations militaires (Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif du 8 juillet 1996, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 256, par. 75). La Cour estime que les dispositions du règlement de La Haye de 1907 ont acquis un caractère coutumier, comme d’ailleurs tous les participants à la procédure devant la Cour le reconnaissent. »291 (Les italiques sont de nous.)
213. Ces passages ont ultérieurement été invoqués dans l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda) (au paragraphe 172) et ont permis à la Cour de parvenir (au paragraphe 178) à la conclusion selon laquelle
« l’Ouganda était une puissance occupante dans le district de l’Ituri à l’époque pertinente. En tant que tel, il se trouvait dans l’obligation, énoncée à l’article 43 du règlement de La Haye de 1907, de prendre toutes les mesures qui dépendaient de lui en vue de rétablir et d’assurer, autant qu’il était possible, l’ordre public et la sécurité dans le territoire occupé en respectant, sauf empêchement absolu, les lois en vigueur en RDC. Cette obligation comprend le devoir de veiller au respect des règles applicables du droit international relatif aux droits de l’homme et du droit international humanitaire, de protéger les habitants du territoire occupé contre les actes de violence et de ne pas tolérer de tels actes de la part d’une quelconque tierce partie. »292
289 [HP Exhibit 341/p. 2895].
290 [HP Exhibit 341/p. 2899].
291 [HP Exhibit 341/p. 2900].
292 [HP Exhibit 347/p. 3038-3040].
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214. Par conséquent, les dispositions du règlement de La Haye de 1907 s’appliquent au Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, en ce qu’elles sont l’expression du droit international coutumier.
215. S’agissant de l’applicabilité de la quatrième convention de Genève, la Cour a considéré (aux paragraphes 90-101), lorsqu’elle a rejeté l’argument d’Israël selon lequel cet instrument n’était pas applicable au Territoire palestinien occupé au motif que « le territoire n’était pas reconnu comme souverain avant son annexion par la Jordanie et l’Égypte » et que, en conséquence, « il ne s’agi[ssait] pas d’un territoire d’une Haute Partie contractante au regard de la convention »293, que l’applicabilité de la quatrième convention de Genève avait été confirmée par la conférence des États parties à ladite convention, les autorités israéliennes elles-mêmes, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité et la Cour suprême d’Israël. Aussi la Cour a-t-elle conclu (au paragraphe 101) que la quatrième convention de Genève était « applicable dans les territoires palestiniens qui étaient avant le conflit à l’est de la Ligne verte, et qui ont à l’occasion de ce conflit été occupés par Israël, sans qu’il y ait lieu de rechercher quel était auparavant le statut exact de ces territoires »294.
216. Les règles et principes du droit international humanitaire sont donc applicables à Israël en tant que puissance occupante295.
C. Applicabilité du droit international des droits de l’homme
217. Dans l’avis sur le mur, la Cour a confirmé (aux paragraphes 111-113) l’applicabilité dans les territoires palestiniens occupés du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et de la convention relative aux droits de l’enfant :
« 111. En définitive, la Cour estime que le pacte international relatif aux droits civils et politiques est applicable aux actes d’un État agissant dans l’exercice de sa compétence en dehors de son propre territoire.
112. … Pour les motifs développés au paragraphe 106 ci-dessus, la Cour ne saurait souscrire à la thèse d’Israël. Elle observe aussi que les territoires occupés par Israël sont soumis depuis plus de trente-sept ans à la juridiction territoriale d’Israël en tant que puissance occupante. Dans l’exercice des compétences dont il dispose à ce titre, Israël est tenu par les dispositions du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. En outre, il est tenu de ne pas faire obstacle à l’exercice de tels droits dans les domaines où compétence a été transférée à des autorités palestiniennes.
113. Quant à la convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989, elle comporte un article 2 en vertu duquel “[l]es États parties s’engagent à respecter les
293 [HP Exhibit 341/p. 2901-2905].
294 [HP Exhibit 341/p. 2905].
295 Voir aussi Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), opinion individuelle du juge Koroma, p. 205, par. 6 [HP Exhibit 342/p. 2933] ; opinion individuelle de la juge Higgins, p. 212 et suiv., par. 21 et suiv. [HP Exhibit 343/p. 2940] ; opinion individuelle du juge Kooijmans, p. 227-228, par. 29 [HP Exhibit 344/p. 2955-2956] ; opinion individuelle du juge Al-Khasawneh, p. 235-237, par. 2-7 [HP Exhibit 345/p. 2963-2965] ; déclaration du juge Buergenthal, p. 240, par. 2 [HP Exhibit 346/p. 2968].
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droits qui sont énoncés dans la … convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction…ˮ. Elle est donc applicable dans le territoire palestinien occupé. »296
218. Ainsi qu’il est indiqué plus haut, dans l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), la Cour a réaffirmé (au paragraphe 178) que la puissance occupante avait le devoir de veiller au respect du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire.
III. LE DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE
A. La quatrième convention de Genève
219. Israël a ratifié la quatrième convention de Genève le 6 juillet 1951, devenant ainsi partie à cet instrument. La Jordanie est, elle, aussi partie à la convention depuis le 29 mai 1951. Quant à la Palestine, elle a pris, par sa déclaration du 7 juin 1982, l’engagement unilatéral d’appliquer cet instrument.
220. Israël n’est cependant pas partie aux protocoles additionnels aux conventions de Genève ni aux conventions de La Haye de 1907, auxquelles le règlement de La Haye de 1907 est annexé. Néanmoins, comme il a été précisé plus haut, la quatrième convention de Genève et le règlement de La Haye de 1907 s’appliquent incontestablement à l’occupation israélienne, que ce soit au regard du droit international coutumier ou d’une autre manière.
221. Les principales dispositions pertinentes de la quatrième convention de Genève sont énoncées ci-après.
222. L’article 1 de cet instrument porte sur le « Respect de la Convention » et dispose expressément que « [l]es Hautes Parties contractantes s’engagent à respecter et à faire respecter la présente Convention en toutes circonstances »297 (les italiques sont de nous).
223. Le commentaire du CICR de l’article 1 de la quatrième convention de Genève précise clairement que
« les mots “en toutes circonstances” signifient qu’aussitôt qu’existe l’une des conditions d’application prévues par l’article 2, une Partie contractante ne peut se donner aucun prétexte valable, d’ordre juridique ou autre, à ne pas respecter la Convention dans son ensemble »298.
224. L’article 2 de la quatrième convention de Genève concerne l’« Application de la Convention » et se lit comme suit :
« En dehors des dispositions qui doivent entrer en vigueur dès le temps de paix, la présente convention s’appliquera en cas de guerre déclarée ou de tout autre conflit
296 [HP Exhibit 341/p. 2908-2909].
297 [HP Exhibit 322/p. 2389].
298 [HP Exhibit 323/p. 2453].
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armé surgissant entre deux ou plusieurs des Hautes Parties contractantes même si l’état de guerre n’est pas reconnu par l’une d’elles.
La convention s’appliquera également dans tous les cas d’occupation de tout ou partie du territoire d’une Haute Partie contractante, même si cette occupation ne rencontre aucune résistance militaire.
Si l’une des puissances en conflit n’est pas partie à la présente convention, les puissances parties à celle-ci resteront néanmoins liées par elle dans leurs rapports réciproques. Elles seront liées en outre par la convention envers ladite puissance, si celle-ci en accepte et en applique les dispositions. »299
225. L’article 4 de la quatrième convention de Genève s’intitule « Définition des personnes protégées » et prévoit (dans sa partie pertinente) ce qui suit :
« Sont protégées par la Convention les personnes qui, à un moment quelconque et de quelque manière que ce soit, se trouvent, en cas de conflit ou d’occupation, au pouvoir d’une Partie au conflit ou d’une Puissance occupante dont elles ne sont pas ressortissantes.
Les ressortissants d’un État qui n’est pas lié par la Convention ne sont pas protégés par elle. Les ressortissants d’un État neutre se trouvant sur le territoire d’un État belligérant et les ressortissants d’un État co-belligérant ne seront pas considérés comme des personnes protégées aussi longtemps que l’État dont ils sont ressortissants aura une représentation diplomatique normale auprès de l’État au pouvoir duquel ils se trouvent.
Les dispositions du Titre II ont toutefois un champ d’application plus étendu, défini à l’article 13. »300
226. L’article 5 de la quatrième convention de Genève a trait aux « Dérogations » et est ainsi libellé (dans sa partie pertinente) :
« Si, sur le territoire d’une Partie au conflit, celle-ci a de sérieuses raisons de considérer qu’une personne protégée par la présente Convention fait individuellement l’objet d’une suspicion légitime de se livrer à une activité préjudiciable à la sécurité de l’État ou s’il est établi qu’elle se livre en fait à cette activité, ladite personne ne pourra se prévaloir des droits et privilèges conférés par la présente Convention qui, s’ils étaient exercés en sa faveur, pourraient porter préjudice à la sécurité de l’État.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Dans chacun de ces cas, les personnes visées par les alinéas précédents seront toutefois traitées avec humanité et, en cas de poursuites, ne seront pas privées de leur droit à un procès équitable et régulier tel qu’il est prévu par la présente Convention. Elles recouvreront également le bénéfice de tous les droits et privilèges d’une personne protégée, au sens de la présente Convention, à la date la plus proche possible eu égard à la sécurité de l’État ou de la Puissance occupante, suivant le cas. »301
299 [HP Exhibit 322/p. 2389].
300 [HP Exhibit 322/p. 2390-2391].
301 [HP Exhibit 322/p. 2391].
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227. Il est fait une distinction, dans la quatrième convention de Genève, entre les dispositions applicables durant des opérations militaires devant aboutir à l’occupation et celles qui restent applicables tout au long de la période d’occupation. Ainsi, aux termes du troisième alinéa de l’article 6,
« [e]n territoire occupé, l’application de la présente Convention cessera un an après la fin générale des opérations militaires ; néanmoins, la Puissance occupante sera liée pour la durée de l’occupation — pour autant que cette Puissance exerce les fonctions de gouvernement dans le territoire en question — par les dispositions des articles suivants de la présente Convention : 1er à 12, 27, 29 à 34, 47, 49, 51, 52, 53, 59, 61 à 77 et 143 »302 (les italiques sont de nous).
228. L’article 27 de la quatrième convention de Genève énonce les « Généralités » relatives au traitement des personnes protégées, et dispose ce qui suit :
« Les personnes protégées ont droit, en toutes circonstances, au respect de leur personne, de leur honneur, de leurs droits familiaux, de leurs convictions et pratiques religieuses, de leurs habitudes et de leurs coutumes. Elles seront traitées, en tout temps, avec humanité et protégées notamment contre tout acte de violence ou d’intimidation, contre les insultes et la curiosité publique.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Compte tenu des dispositions relatives à l’état de santé, à l’âge et au sexe, les personnes protégées seront toutes traitées par la Partie au conflit au pouvoir de laquelle elles se trouvent, avec les mêmes égards, sans aucune distinction défavorable, notamment de race, de religion ou d’opinions politiques.
Toutefois, les Parties au conflit pourront prendre, à l’égard des personnes protégées, les mesures de contrôle ou de sécurité qui seront nécessaires du fait de la guerre. »303
229. Dans son commentaire de l’article 27 de la quatrième convention de Genève, le CICR précise ceci :
« À la liberté religieuse est intimement liée la liberté de manifester sa religion, par les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites. Ainsi, les personnes protégées se trouvant sur le territoire d’une Partie au conflit ou sur un territoire occupé doivent pouvoir pratiquer librement leur religion, et cela sans autres restrictions que celles imposées par la nécessité de maintenir l’ordre public et la morale. Tel est l’objet des articles 38, chap. 3, et 58 de la Convention, qui assurent l’assistance spirituelle par les ministres du culte. »304
230. S’agissant de la réserve relative aux mesures de sécurité envisagée au quatrième alinéa de l’article 27, le CICR indique ce qui suit :
« Ainsi, les Parties au conflit ont un large pouvoir d’appréciation quant au choix des moyens. Ce qui est essentiel, c’est que les mesures de rigueur ne portent pas atteinte
302 [HP Exhibit 322/p. 2391].
303 [HP Exhibit 322/p. 2399].
304 [HP Exhibit 324/p. 2458].
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aux droits fondamentaux accordés aux personnes, droits qui, nous l’avons vu, doivent être respectés, même au cas où des mesures de rigueur seraient justifiées. »305
231. L’article 33 de la quatrième convention de Genève concerne la « Responsabilité individuelle, peines collectives, pillage, représailles ». Sa partie pertinente est ainsi libellée :
« Aucune personne protégée ne peut être punie pour une infraction qu’elle n’a pas commise personnellement. Les peines collectives, de même que toute mesure d’intimidation ou de terrorisme, sont interdites.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les mesures de représailles à l’égard des personnes protégées et de leurs biens sont interdites. »306
232. L’article 47 de la quatrième convention de Genève concerne l’« Intangibilité des droits » des personnes protégées en territoire occupé et se lit comme suit :
« Les personnes protégées qui se trouvent dans un territoire occupé ne seront privées, en aucun cas ni d’aucune manière, du bénéfice de la présente Convention, soit en vertu d’un changement quelconque intervenu du fait de l’occupation dans les institutions ou le gouvernement du territoire en question, soit par un accord passé entre les autorités du territoire occupé et la Puissance occupante, soit encore en raison de l’annexion par cette dernière de tout ou partie du territoire occupé. »307
233. Dans son commentaire de l’article 47, le CICR indique que « la présente disposition a … pour but d’éviter que les mesures prises par la Puissance occupante en vue de rétablir et d’assurer l’ordre et la vie publics ne portent préjudice aux personnes protégées »308.
234. L’article 49 de la quatrième convention de Genève s’intitule « Déportations, transferts, évacuations » et prévoit ce qui suit :
« Les transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les déportations de personnes protégées hors du territoire occupé dans le territoire de la Puissance occupante ou dans celui de tout autre État, occupé ou non, sont interdits, quel qu’en soit le motif.
Toutefois, la Puissance occupante pourra procéder à l’évacuation totale ou partielle d’une région occupée déterminée, si la sécurité de la population ou d’impérieuses raisons militaires l’exigent. Les évacuations ne pourront entraîner le déplacement de personnes protégées qu’à l’intérieur du territoire occupé, sauf en cas d’impossibilité matérielle. La population ainsi évacuée sera ramenée dans ses foyers aussitôt que les hostilités dans ce secteur auront pris fin.
305 [HP Exhibit 324/p. 2462].
306 [HP Exhibit 322/p. 2400].
307 [HP Exhibit 322/p. 2405].
308 [HP Exhibit 325/p. 2466].
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La Puissance occupante, en procédant à ces transferts ou à ces évacuations, devra faire en sorte, dans toute la mesure du possible, que les personnes protégées soient accueillies dans des installations convenables, que les déplacements soient effectués dans des conditions satisfaisantes de salubrité, d’hygiène, de sécurité et d’alimentation et que les membres d’une même famille ne soient pas séparés les uns des autres.
La Puissance protectrice sera informée des transferts et évacuations dès qu’ils auront eu lieu.
La Puissance occupante ne pourra retenir les personnes protégées dans une région particulièrement exposée aux dangers de la guerre, sauf si la sécurité de la population ou d’impérieuses raisons militaires l’exigent.
La Puissance occupante ne pourra procéder à la déportation ou au transfert d’une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle. »309 (Les italiques sont de nous.)
235. Le commentaire du CICR sur le sixième alinéa de l’article 49 de la quatrième convention de Genève se lit comme suit :
« Cette clause … s’oppose à des transferts de population tels qu’en ont pratiqué, pendant la seconde guerre mondiale, certaines Puissances qui, pour des raisons politico-raciales ou dites colonisatrices, ont transféré des éléments de leur propre population dans des territoires occupés. Ces déplacements ont eu pour effet d’aggraver la situation économique de la population autochtone et de mettre en danger son identité ethnique. »310
236. L’article 53 de la quatrième convention de Genève concerne les « Destructions interdites » et est ainsi libellé :
« Il est interdit à la Puissance occupante de détruire des biens mobiliers ou immobiliers, appartenant individuellement ou collectivement à des personnes privées, à l’État ou à des collectivités publiques, à des organisations sociales ou coopératives, sauf dans les cas où ces destructions seraient rendues absolument nécessaires par les opérations militaires. »311
237. Dans son commentaire de l’article 53, le CICR sur cet article 53 précise ce qui suit :
« Dans la conception très large de cet article, l’interdiction de destruction couvre l’ensemble de la propriété (biens mobiliers ou immobiliers), qu’il s’agisse de la propriété privée des personnes protégées (biens individuels ou collectifs), de propriétés de l’État, de collectivités publiques (communes, municipalités, provinces, etc.), ou d’organisations coopératives. L’extension de cette protection à la propriété publique et aux biens collectifs renforce le principe du respect de la propriété privée et des biens appartenant aux communes, aux établissements consacrés aux cultes, à la charité et à l’instruction, aux arts et aux sciences, proclamé déjà aux articles 46 et 56 du règlement de La Haye.
309 [HP Exhibit 322/p. 2405].
310 [HP Exhibit 326/p. 2474].
311 [HP Exhibit 322/p. 2407].
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Remarquons toutefois que cette interdiction ne vise que la “destructionˮ. On sait, en effet, que les règles du droit international reconnaissent à l’occupant, sous certaines conditions, un pouvoir de disposition sur les biens se trouvant dans un territoire occupé, à savoir le droit de réquisition de la propriété privée, le droit de saisie sur toute propriété mobilière de l’État de nature à servir aux opérations de la guerre, ainsi que le droit d’administration et d’usufruit sur la propriété immobilière de l’État occupé. »312
238. Comme on peut le constater, l’interdiction de la destruction des biens est assortie d’une réserve importante, celle des impératifs militaires. Cependant, cette réserve est elle-même limitée par le critère de la nécessité absolue des opérations militaires. Les impératifs militaires ne justifient donc pas le comportement dans le territoire occupé de manière générale, mais uniquement dans le cadre des dispositions précises du droit international humanitaire. Le caractère nécessaire doit découler des « opérations militaires », ce qui est différent de l’« occupation militaire », et il doit être « absolu ». Il n’est pas question d’une « balance des avantages et inconvénients » : il ne doit y avoir aucune autre possibilité hormis la destruction des biens.
239. L’article 16 du protocole additionnel II aux conventions de Genève s’intitule « Protection des biens culturels et des lieux de culte » et dispose ce qui suit :
« Sous réserve des dispositions de la Convention de La Haye du 14 mai 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, il est interdit de commettre tout acte d’hostilité dirigé contre les monuments historiques, les oeuvres d’art ou les lieux de culte qui constituent le patrimoine culturel ou spirituel des peuples et de les utiliser à l’appui de l’effort militaire. »313
240. En résumé, la quatrième convention de Genève impose donc notamment à Israël les obligations suivantes :
240.1. Respecter les dispositions de la quatrième convention de Genève et veiller à leur respect en toutes circonstances ;
240.2. Respecter les personnes protégées et leurs convictions et pratiques religieuses, veiller à ce qu’elles soient protégées contre des actes de violence ou d’intimidation, s’assurer qu’elles ne font pas l’objet de discrimination ou ne sont pas traitées de manière défavorable pour des raisons ethniques ou religieuses, excepté dans les cas rendus strictement nécessaires du fait de la guerre ;
240.3. Ne pas autoriser les peines collectives et les mesures de représailles contre la population du territoire occupé ;
240.4. Ne pas autoriser le transfert d’une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé. À cet égard, la Jordanie fait respectueusement valoir que la puissance occupante engage sa pleine responsabilité étatique à raison des actes illicites commis sur le territoire occupé par toute personne qui y a été transférée illégalement ; et
240.5. Ne pas détruire des biens mobiliers ou immobiliers dans le territoire occupé, sauf dans les cas où ces destructions sont rendues absolument nécessaires par les opérations militaires.
312 [HP Exhibit 327/p. 2477-2478].
313 [HP Exhibit 335/p. 2576].
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241. Ainsi qu’il est indiqué plus haut, par ses actes et omissions dans le Territoire palestinien occupé (et les transferts de parties de sa population), Israël a manifestement manqué de respecter ou de veiller au respect des dispositions de la quatrième convention de Genève. Les personnes protégées dans le Territoire palestinien occupé sont victimes d’actes de violence (et d’intimidation) abjects commis par les autorités étatiques israéliennes, notamment à l’intérieur de lieux de culte sacrés. Les autorités israéliennes sont responsables de destructions généralisées de biens mobiliers et immobiliers, notamment la destruction du quartier Maghrébin. Les fidèles musulmans sont soumis à une forme de peine collective lorsque les autorités israéliennes décident de fermer l’intégralité de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif en réponse à des signes d’hostilité ou d’insatisfaction affichés par les personnes protégées dans les territoires palestiniens occupés.
B. Le règlement de La Haye de 1907
242. La quatrième convention de Genève doit être lue conjointement avec le règlement de La Haye de 1907. Ainsi qu’il a été indiqué ci-dessus, les dispositions du règlement de La Haye de 1907 (annexé à la convention (IV) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, adoptée à La Haye le 18 octobre 1907) sont applicables dans les territoires palestiniens occupés, que ce soit au regard du droit international coutumier ou d’une autre manière. La section III du règlement de La Haye de 1907 s’intitule « De l’autorité militaire sur le territoire de l’État ennemi ». Les dispositions qui présentent un intérêt particulier pour la protection du statu quo historique des Lieux saints musulmans et chrétiens sont les articles 43, 46 et 56 de la section III.
243. L’article 43 fait obligation à la puissance occupante de prendre « toutes les mesures qui dépendent d[’elle] en vue de rétablir et d’assurer, autant qu’il est possible, l’ordre et la vie publics »314. L’autorité de la puissance occupante étant purement transitoire, elle doit être exercée en respectant l’économie, l’administration, le système juridique et la vie quotidienne de la communauté occupée. Par conséquent, la puissance occupante est tenue de préserver et de respecter le statut juridique et historique des Lieux saints dans le territoire occupé, dont la Jordanie fait respectueusement valoir qu’ils font partie intégrante de la vie quotidienne de la communauté occupée et revêtent une grande importance pour celle-ci, et à l’égard desquels seules des « altérations minimes » « déterminées par les restrictions et changements dûment imposés pour la sécurité des forces armées et de l’administration civile de l’occupant » sont permises315. En outre, la puissance occupante ne doit pas entraver l’administration du waqf islamique de Jérusalem, qui est du ressort de la direction des Awqaf, et doit permettre à celle-ci d’exécuter ses fonctions, notamment pour ce qui est du contrôle de la sécurité à l’intérieur de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif et de l’accès au complexe.
244. L’article 46 de la section III du règlement de La Haye de 1907 prévoit que les convictions religieuses « doivent être respectées » et que la propriété privée ne peut pas « être confisquée »316.
245. L’article 55 dispose que la puissance occupante « ne se considérera que comme administrateur et usufruitier des édifices publics [et] devra sauvegarder le fonds de ces propriétés et les administrer conformément aux règles de l’usufruit »317.
314 [HP Exhibit 320/p. 2371].
315 Lord McNair, The Legal Effects of War (Cambridge, CUP 1966), p. 370 [HP Exhibit 332/p. 2544].
316 [HP Exhibit 320/p. 2371].
317 [HP Exhibit 320/p. 2373].
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246. L’article 56 prévoit quant à lui que les biens des communes, notamment des « établissements consacrés aux cultes … seront traités comme la propriété privée », et que « [t]oute saisie, destruction ou dégradation intentionnelle de semblables établissements, de monuments historiques, d’oeuvres d’art et de science, est interdite et doit être poursuivie »318.
C. La convention sur les biens culturels et ses premier et deuxième protocoles
247. Des obligations similaires sont énoncées dans la convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé (ci-après la « convention sur les biens culturels »), que la Jordanie et Israël ont respectivement ratifiée les 2 et 3 octobre 1957, et à laquelle la Palestine a adhéré le 22 mars 2012.
248. Aux termes de son article 18, la convention sur les biens culturels s’applique comme suit :
« 1. En dehors des dispositions qui doivent entrer en vigueur dès le temps de paix, la présente Convention s’appliquera en cas de guerre déclarée ou de tout autre conflit armé surgissant entre deux ou plusieurs des Hautes Parties contractantes, même si l’état de guerre n’est pas reconnu par une ou plusieurs d’entre elles.
2. La Convention s’appliquera également dans tous les cas d’occupation de tout ou partie du territoire d’une Haute Partie contractante, même si cette occupation ne rencontre aucune résistance militaire.
3. Si l’une des Puissances en conflit n’est pas partie à la présente Convention, les Puissances parties à celle-ci resteront néanmoins liées par elle dans leurs rapports réciproques. Elles seront liées en outre par la Convention envers ladite Puissance, si celle-ci a déclaré en accepter les dispositions et tant qu’elle les applique. »319
249. L’article premier de ladite convention s’intitule « Définition des biens culturels » et indique que ces derniers incluent, entre autres,
« les biens, meubles ou immeubles, qui présentent une grande importance pour le patrimoine culturel des peuples, tels que les monuments d’architecture, d’art ou d’histoire, religieux ou laïques, les sites archéologiques, les ensembles de constructions qui, en tant que tels, présentent un intérêt historique ou artistique »320.
250. S’agissant du membre de phrase « des peuples » figurant à l’article premier, il a été précisé ce qui suit :
« L’expression “biens culturels” mentionnée à l’article premier de la convention sur les biens culturels renvoie aux biens meubles ou immeubles qui présentent une grande importance pour le patrimoine culturel national de chacune des parties. Cela découle de l’alinéa du préambule selon lequel les « atteintes portées aux biens culturels, à quelque peuple qu’ils appartiennent, constituent des atteintes au patrimoine culturel de l’humanité entière, étant donné que chaque peuple apporte sa contribution à la culture mondiale », et en particulier des termes « quelque peuple » et « chaque peuple » et de leur utilisation par opposition à « l’humanité entière » (et non à « des peuples »). La
318 [HP Exhibit 320/p. 2373].
319 [HP Exhibit 328/p. 2487].
320 [HP Exhibit 328/p. 2481].
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pratique de nombreuses parties vient corroborer cette interprétation, ainsi que le montrent les rapports sur la mise en oeuvre [de la convention]. »321
251. Il ne saurait être sérieusement contesté que la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, l’église du Saint-Sépulcre et les autres Lieux saints décrits dans le présent exposé relèvent de la définition des « biens culturels » au sens de la convention sur les biens culturels.
252. L’article 2 de ladite convention a trait à la « Protection des biens culturels » et dispose que celle-ci « comporte la sauvegarde et le respect de ces biens »322 (les italiques sont de nous).
253. L’article 4 s’intitule « Respect des biens culturels ». Il y est énoncé ce qu’on entend par « respect » aux fins de la convention sur les biens culturels :
« 1. Les Hautes Parties contractantes s’engagent à respecter les biens culturels situés tant sur leur propre territoire que sur celui des autres Hautes Parties contractantes en s’interdisant l’utilisation de ces biens, celle de leurs dispositifs de protection et celle de leurs abords immédiats à des fins qui pourraient exposer ces biens à une destruction ou à une détérioration en cas de conflit armé, et en s’abstenant de tout acte d’hostilité à leur égard.
2. Il ne peut être dérogé aux obligations définies au paragraphe premier du présent article que dans les cas où une nécessité militaire exige, d’une manière impérative, une telle dérogation.
3. Les Hautes Parties contractantes s’engagent en outre à interdire, à prévenir et, au besoin, à faire cesser tout acte de vol, de pillage ou de détournement de biens culturels, pratiqué sous quelque forme que ce soit, ainsi que tout acte de vandalisme à l’égard desdits biens. Elles s’interdisent de réquisitionner les biens culturels meubles situés sur le territoire d’une autre Haute Partie contractante.
4. Elles s’interdisent toute mesure de représailles à l’encontre des biens culturels.
5. Une Haute Partie contractante ne peut se dégager des obligations stipulées au présent article, à l’égard d’une autre Haute Partie contractante, en se fondant sur le motif que cette dernière n’a pas appliqué les mesures de sauvegarde prescrites à l’article 3. »323 (Les italiques sont de nous.)
254. Si la convention sur les biens culturels vise principalement à empêcher les dommages matériels ou la destruction, les sites culturels tirent toutefois une grande partie de leur valeur du sens émotionnel, moral et spirituel qu’ils revêtent pour diverses communautés. Il s’ensuit donc que la sauvegarde d’un site culturel doit inclure la préservation à la fois de l’intégrité physique et de la valeur culturelle du site. Par conséquent, toute tentative de perturber inutilement les Lieux saints de Jérusalem, lorsqu’ils ne présentent autrement aucun risque spécifique d’être endommagés ou détruits, réduit la valeur culturelle des sites, porte atteinte au droit du peuple palestinien à l’autodétermination et emporte violation de la convention sur les biens culturels.
321 O’Keefe R, ‘Protection of Cultural Property’ in Fleck D (ed), The Handbook of International Humanitarian Law (3rd ed, 2013), p. 429, par. 2 [HP Exhibit 351/p. 3320].
322 [HP Exhibit 328/p. 2481].
323 [HP Exhibit 328/p. 2481-2482].
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255. L’article 5 de la convention s’intitule « Occupation » et est ainsi libellé :
« 1. Les Hautes Parties contractantes occupant totalement ou partiellement le territoire d’une autre Haute Partie contractante doivent, dans la mesure du possible, soutenir les efforts des autorités nationales compétentes du territoire occupé à l’effet d’assurer la sauvegarde et la conservation de ses biens culturels.
2. Si une intervention urgente est nécessaire pour la conservation des biens culturels situés en territoire occupé et endommagés par des opérations militaires, et si les autorités nationales compétentes ne peuvent pas s’en charger, la Puissance occupante prend, autant que possible, les mesures conservatoires les plus nécessaires en étroite collaboration avec ces autorités.
3. Toute Haute Partie contractante dont le gouvernement est considéré par les membres d’un mouvement de résistance comme leur gouvernement légitime, attirera si possible l’attention de ces membres sur l’obligation d’observer celles des dispositions de la Convention qui ont trait au respect des biens culturels. »324
256. Israël a adhéré au premier protocole pour la protection des biens culturels le 1er avril 1958 ; la Jordanie a ratifié cet instrument le 2 octobre 1957 et la Palestine y a adhéré le 22 mars 2012. Aux termes du premier protocole, les États parties se sont engagés, entre autres, « à empêcher l’exportation de biens culturels d’un territoire occupé par [eux] lors d’un conflit armé, ces biens culturels étant définis à l’article premier de la [convention sur les biens culturels] »325.
257. Si la Jordanie et la Palestine ont adhéré au deuxième protocole relatif à la convention sur les biens culturels326 le 5 mai 2009 et le 22 mars 2012 respectivement, tel n’est cependant pas le cas d’Israël.
258. Ce nonobstant, il est évident qu’Israël, en tant que puissance occupante et État partie à la convention sur les biens culturels, doit pleinement appliquer les dispositions pertinentes de ladite convention et respecter et sauvegarder la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, l’église du Saint-Sépulcre et les autres Lieux saints situés dans les territoires palestiniens occupés, y compris à Jérusalem-Est. En particulier, s’agissant de son obligation de respecter et de sauvegarder ces lieux, Israël doit s’abstenir de tout acte pouvant porter atteinte aux Lieux saints musulmans ou chrétiens, notamment de les endommager ou de permettre qu’ils subissent des dommages ou des profanations et d’empêcher les réparations ou restaurations nécessaires à leur sauvegarde. Ainsi qu’il a été dit plus haut, la police ou l’armée s’en prennent à présent régulièrement à la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, notamment à la mosquée al-Qibli, en violation des obligations que la convention sur les biens culturels impose à Israël. Celui-ci tentera sans nul doute (dans le droit fil de la position qui a été la sienne à ce jour) de justifier ses actes en invoquant des nécessités militaires, mais la Jordanie affirme respectueusement que cette réserve ne trouve pas à s’appliquer pas en l’espèce.
IV. LE DROIT INTERNATIONAL DES DROITS DE L’HOMME
259. Outre qu’il lui faut, ainsi que cela vient d’être exposé, pleinement respecter et appliquer les règles du droit international humanitaire, notamment la quatrième convention de Genève, le règlement de La Haye de 1907et la convention sur les biens culturels, la puissance occupante a
324 [HP Exhibit 328/p. 2482].
325 [HP Exhibit 329/p. 2504].
326 [HP Exhibit 338/p. 2722-2741].
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l’obligation de se conformer aux règles du droit international des droits de l’homme. Dans l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), la Cour, se référant à son avis sur le mur, a réaffirmé (au paragraphe 216) que les instruments relatifs au droit humanitaire et au droit international des droits de l’homme étaient « applicables “aux actes d’un État agissant dans l’exercice de sa compétence en dehors de son propre territoire”, particulièrement dans les territoires occupés »327.
A. La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948
260. Ainsi que le regretté Ian Brownlie l’a précisé, la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 (DUDH) « n’est pas un traité, mais bon nombre de ses dispositions reflètent des principes généraux du droit ou des considérations élémentaires d’humanité, et la [DUDH] répertorie une série de droits dont la protection deviendra l’objet d’instruments à venir »328.
261. L’article 18 de la DUDH dispose ce qui suit :
« Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites. »329
262. En outre, le paragraphe 1 de l’article 27 de la DUDH prévoit que « [t]oute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté »330.
B. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966
263. Dans son avis sur le mur, la Cour a confirmé (aux paragraphes 102-110) que les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 (PIDCP), qu’Israël a signé le 19 décembre 1966 et ratifié le 3 octobre 1991, étaient applicables aux actes commis par Israël dans le territoire occupé331.
264. Aux termes du paragraphe 1 de l’article 2 du PIDCP :
« 1. Les États parties au présent Pacte s’engagent à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le présent Pacte, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. »
265. L’article 4 dudit Pacte énonce les circonstances bien précises dans lesquelles les États parties peuvent déroger aux obligations prévues par cet instrument :
327 [HP Exhibit 347/p. 3051-3052].
328 Crawford (ed), Brownlie’s Principles of International Law (8th ed, 2012), p. 636 [HP Exhibit 350/p. 3313].
329 [HP Exhibit 321/p. 2377].
330 [HP Exhibit 321/p. 2379].
331 [HP Exhibit 341/p. 2905-2908].
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« 1. Dans le cas où un danger public exceptionnel menace l’existence de la nation et est proclamé par un acte officiel, les États parties au présent Pacte peuvent prendre, dans la stricte mesure où la situation l’exige, des mesures dérogeant aux obligations prévues dans le présent Pacte, sous réserve que ces mesures ne soient pas incompatibles avec les autres obligations que leur impose le droit international et qu’elles n’entraînent pas une discrimination fondée uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l’origine sociale.
2. La disposition précédente n’autorise aucune dérogation aux articles 6, 7, 8 (par. 1 et 2), 11, 15, 16 et 18.
3. Les États parties au présent Pacte qui usent du droit de dérogation doivent, par l’entremise du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, signaler aussitôt aux autres États parties les dispositions auxquelles ils ont dérogé ainsi que les motifs qui ont provoqué cette dérogation. Une nouvelle communication sera faite par la même entremise, à la date à laquelle ils ont mis fin à ces dérogations. »332 (Les italiques sont de nous.)
266. Les paragraphes 1 et 3 de l’article 18 du PIDCP sont ainsi libellés :
« 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction de son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu’en privé, par le culte et l’accomplissement des rites, les pratiques et l’enseignement.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l’ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d’autrui. »333 (Les italiques sont de nous.)
267. Il ressort clairement de ce qui précède que l’article 18 du PIDCP prévoit que la liberté générale de manifester sa religion est un droit universel garanti à tous. Le fait de se rendre dans les Lieux saints est un élément essentiel de la foi tant chrétienne que musulmane qui devrait être protégé au titre du PIDCP en tant que manifestation du culte religieux, de l’accomplissement des rites et des pratiques. Le libre accès, sans entrave, aux Lieux saints pour tous, chrétiens, juifs et musulmans, doit faire partie du droit de ceux-ci d’exercer leur liberté de culte et d’accomplir des rites et les pratiques.
268. Le droit des droits de l’homme a établi un double critère pour déterminer la validité des restrictions imposées à ces droits, lequel est énoncé au paragraphe 3 de l’article 18 du PIDCP. Premièrement, les restrictions doivent être « prévues par la loi » et, deuxièmement, elles doivent être « nécessaires » ou justifiées par l’une des quatre exceptions reconnues, à savoir : i) la nécessité de protéger la sécurité publique ; ii) la nécessité de protéger l’ordre public ; iii) la nécessité de protéger la santé publique ou la morale ; iv) et, enfin, la nécessité de protéger les libertés et droits fondamentaux d’autrui. En outre, ainsi que la Cour l’a fait observer dans son avis sur le mur (au paragraphe 136),
332 [HP Exhibit 330/p. 2510].
333 [HP Exhibit 330/p. 2517].
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« ces restrictions doivent non seulement servir les buts autorisés, mais encore être nécessaires pour atteindre ces buts. Pour reprendre la formulation retenue par le Comité des droits de l’homme, elles “doivent être conformes au principe de la proportionnalitéˮ et “doivent constituer le moyen le moins perturbateur parmi ceux qui pourraient permettre d’obtenir le résultat recherchéˮ (CCPR/C/21/Rev.1/add.9, observation générale no 27, par. 14)) »334.
269. Ainsi, le fait de prendre des mesures de sécurité « nécessaires » conformément au paragraphe 3 de l’article 18 du PIDCP ne justifie pas de commettre des violations graves des principes de droit international. Les mesures de sécurité doivent être proportionnelles et adaptées à la nécessité et doivent toujours faire appel à des moyens légitimes. Autrement dit, l’applicabilité des règles du droit international des droits de l’homme ne saurait être mise à mal sous prétexte de sécurité publique.
270. L’article 27 du PIDCP protège également le droit des minorités ethniques et religieuses de pratiquer leur religion :
« Dans les États où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit d’avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ou d’employer leur propre langue. »335
C. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966
271. Israël a signé le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 (PIDESC) le 19 décembre 1966 et l’a ratifié le 3 octobre 1991. La Jordanie a signé cet instrument le 30 juin 1972 et l’a ratifié le 28 mai 1975.
272. Dans son avis sur le mur, la Cour a confirmé (au paragraphe 112) qu’Israël était tenu par les dispositions du PIDESC et que celui-ci était applicable dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est336.
273. Le paragraphe 1 de l’article 15 du PIDESC, auquel Israël est partie, dispose que « [l]es États parties au présent Pacte reconnaissent à chacun le droit … de participer à la vie culturelle »337.
274. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies a, dans son observation générale no 21 sur l’article 15, indiqué (au paragraphe 32) ce qui suit :
« De l’avis du Comité, le paragraphe 1 a) de l’article 15 du Pacte porte aussi sur le droit des minorités et des personnes appartenant à des minorités de participer à la vie culturelle de la société et de préserver, promouvoir et développer leur propre culture. De ce droit découle l’obligation pour les États parties de reconnaître, de respecter et de
334 [HP Exhibit 341/p. 2920-2921].
335 [HP Exhibit 330/p. 2521].
336 [HP Exhibit 341/p. 2908-2909].
337 [HP Exhibit 331/p. 2538].
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protéger les cultures minoritaires en tant que composantes essentielles de l’identité des États eux-mêmes. En conséquence, les minorités ont le droit de jouir de leur diversité culturelle, de leurs traditions, de leurs coutumes, de leur religion, de leurs formes d’éducation, de leurs langues, de leurs moyens de communication (presse, radio, télévision, Internet, etc.) et de toutes les manifestations particulières de leur identité et de leur appartenance culturelle. »338 (Les italiques sont de nous.)
275. Il s’ensuit donc que la religion et d’autres traditions et coutumes, parmi lesquelles les pèlerinages et les visites de lieux religieux, constituent une part intrinsèque importante de l’identité culturelle d’un peuple et doivent être protégées en tant que telles.
276. Le paragraphe 2 de l’article 2 et l’article 3 du PIDESC interdisent, dans l’exercice de « tous les droits économiques, sociaux et culturels », toute discrimination fondée « sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation »339. Il en résulte donc que le droit de l’ensemble des communautés religieuses et nationales d’accéder aux Lieux saints de Jérusalem doit être respecté, étant donné que cet accès fait partie intégrante de la vie culturelle de ces communautés.
277. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a reconnu qu’il pouvait être nécessaire, dans certaines circonstances, de restreindre le droit de participer à la vie culturelle, notamment dans les cas de pratiques, liées à des coutumes et traditions, qui portent atteinte à d’autres droits de l’homme. Cependant, toute restriction à la jouissance des droits culturels dus aux Palestiniens vivant dans le territoire occupé par Israël doit être imposée « exclusivement en vue de favoriser le bien-être général dans une société démocratique »340. De telles restrictions doivent donc être proportionnées, ce qui signifie que c’est la mesure la moins restrictive qui doit être adoptée lorsque plusieurs types de limitations sont possibles341.
D. La convention internationale de 1969 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
278. Israël a signé la convention internationale de 1969 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CIEDR) le 7 mars 1966 et l’a ratifiée le 3 janvier 1979. La Jordanie a adhéré à cet instrument le 30 mai 1974.
279. La Cour, lorsqu’elle a examiné la portée extraterritoriale de la CIEDR dans l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), a conclu (au paragraphe 183) que cet instrument n’était pas territorialement limité, mais s’appliquait à un État « où que celui-ci se trouve agir ou en mesure d’agir »342.
338 [HP Exhibit 349/p. 3301-3302].
339 [HP Exhibit 331/p. 2535].
340 Article 4 du PIDESC [HP Exhibit 331/p. 2535].
341 Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, observation générale no 21 sur l’article 15, par. 19 [HP Exhibit 349/p. 3299].
342 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 43, par. 183 [HP Exhibit 348/p. 3173].
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280. L’article premier de la CIEDR définit la « discrimination raciale » comme étant
« toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, dans des conditions d’égalité, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique »343.
281. L’article 5 de la convention énumère lesdites libertés fondamentales politiques, économiques, sociales et culturelles, qui comprennent « le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion » et « le droit de prendre part, dans des conditions d’égalité, aux activités culturelles »344. Conformément à l’article 5, les États parties doivent garantir « l’égalité devant la loi …, notamment dans la jouissance des droits suivants ». En outre, l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article 2 fait obligation aux États d’« annuler toute loi ou disposition réglementaire ayant pour effet de créer la discrimination raciale ou de la perpétuer là où elle existe »345. L’article 6, quant à lui, garantit une « protection effective » contre la discrimination et des voies de recours au moyen de l’égalité d’accès à des tribunaux compétents et impartiaux, d’enquêtes et de poursuites rapides suivies d’une « satisfaction ou réparation » juste et adéquate346.
282. Dans l’affaire relative à l’Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Arménie c. Azerbaïdjan), la Cour a jugé plausible que les faits répétés de destruction, de modification et de profanation du patrimoine culturel et des sites religieux arméniens dans des territoires contrôlés par l’Azerbaïdjan soient constitutifs de « discrimination raciale », en violation potentielle des articles 2 et 5 de la CIEDR347, confirmant ainsi l’application de la CIEDR à la protection du patrimoine culturel.
E. La déclaration de 1981 sur l’élimination de toutes formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction
283. La liberté de religion est également consacrée dans la déclaration de 1981 sur l’élimination de toutes formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction (ci-après la « déclaration de 1981 »). Le paragraphe 1 de l’article premier de ce texte dispose que « [t]oute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté … de manifester sa religion ou sa conviction … par le culte et l’accomplissement des rites, les pratiques et l’enseignement »348.
284. Aux termes du paragraphe 2 de l’article 4 de la déclaration de 1981,
« [t]ous les États s’efforceront d’adopter des mesures législatives ou de rapporter celles qui sont en vigueur, selon le cas, à l’effet d’interdire toute discrimination de ce genre,
343 [HP Exhibit 333/p. 2546].
344 [HP Exhibit 333/p. 2547-2548].
345 [HP Exhibit 333/p. 2546].
346 [HP Exhibit 333/p. 2548].
347 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Arménie c. Azerbaïdjan), mesures conservatoires, ordonnance du 7 décembre 2021, C.I.J. Recueil 2021, p. 361, par. 50, 61 et 67 [HP Exhibit 354/p. 3380-3388].
348 [HP Exhibit 336/p. 2579].
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et de prendre toutes mesures appropriées pour combattre l’intolérance fondée sur la religion ou la conviction en la matière »349 (les italiques sont de nous).
F. La résolution 73/176 de l’Assemblée générale des Nations Unies du17 décembre 2018
285. Le 17 décembre 2018, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la résolution 73/176, dans laquelle elle s’est dite
« [p]rofondément préoccupée par toutes les attaques perpétrées contre des Lieux saints, des lieux de culte et des sanctuaires en violation du droit international, en particulier du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire, y compris la destruction délibérée de reliques et de monuments, notamment celles qui sont commises dans le but d’inciter à la haine nationale, raciale ou religieuse »350.
286. Dans ladite résolution, il est « soulign[é] que toute personne jouit du droit à la liberté de … religion ou de conviction, droit qui implique la liberté … de manifester [une religion ou une conviction], par les pratiques, le culte et l’accomplissement de rites »351.
287. Il y est en outre
« [s]oulign[é] que, comme l’a affirmé le Comité des droits de l’homme, la liberté de manifester sa religion ou sa conviction ne peut faire l’objet que des seules restrictions prévues par la loi, qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l’ordre, de la santé ou de la morale publics et des libertés et droits fondamentaux d’autrui, non discriminatoires et appliquées sans porter atteinte à la liberté de pensée, de conscience et de religion ou de conviction »352.
288. Qui plus est, dans cette même résolution, l’Assemblée générale des Nations Unies a
« [d]emand[é] instamment aux États de redoubler d’efforts pour protéger et promouvoir la liberté de pensée, de conscience et de religion ou de conviction et, à cette fin :
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
h) De garantir en particulier le droit de toute personne de pratiquer un culte, de tenir des réunions ou de dispenser un enseignement se rapportant à une religion ou une conviction, d’établir et d’entretenir des lieux à ces fins, ainsi que de rechercher, recevoir et diffuser des informations et idées dans ces domaines ;
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
j) De faire en sorte que, dans l’exercice de leurs fonctions, tous les représentants de l’État et agents de la fonction publique, notamment les membres des forces de l’ordre, le personnel des établissements pénitentiaires, les militaires et les
349 [HP Exhibit 336/p. 2580].
350 [HP Exhibit 352/p. 3354].
351 [HP Exhibit 352/p. 3354-3355].
352 [HP Exhibit 352/p. 3356].
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enseignants, respectent la liberté de religion ou de conviction et n’exercent pas de discrimination pour des raisons liées à la religion ou à la conviction, et qu’ils reçoivent l’éducation et la formation nécessaires et appropriées à cet effet et soient sensibilisés à ces questions »353.
G. La résolution 73/285 de l’Assemblée générale des Nations Unies du 2 avril 2019
289. Immédiatement après l’attaque terroriste largement médiatisée commise le 15 mars 2019 contre des fidèles musulmans en Nouvelle-Zélande, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté, le 2 avril 2019, la résolution 73/285, dans laquelle elle a vivement déploré
« tous les actes de violence visant des personnes en raison de leur religion ou de leur conviction, et ceux visant leurs … lieux de culte, de même que tous les attentats perpétrés, en violation du droit international, contre et dans des lieux de culte, des sites religieux et des sanctuaires »354.
V. LE DROIT INTERNATIONAL RELATIF AU PATRIMOINE
La convention de 1972 concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel
290. La convention de 1972 concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel (ci-après la « convention sur le patrimoine mondial ») impose d’autres obligations, en plus de celles énoncées précédemment. Israël a adhéré à cette convention le 6 octobre 1999 ; la Jordanie l’a ratifiée le 5 mai 1975, et la Palestine, le 8 décembre 2011.
291. Aux termes du paragraphe 1 de l’article 6, « les États parties à la présente convention reconnaissent qu[e le patrimoine culturel et naturel] constitue un patrimoine universel pour la protection duquel la communauté internationale tout entière a le devoir de coopérer »355. Étant donné que les Lieux saints de Jérusalem intéressent différentes communautés culturelles et religieuses, il est de la plus haute importance que toutes les parties concernées engagent un dialogue ouvert et constructif avant que des modifications ou des travaux de restauration soient effectués.
292. Le paragraphe 3 de l’article 6 de la convention sur le patrimoine mondial énonce l’obligation pour les États de ne « prendre délibérément aucune mesure susceptible d’endommager directement ou indirectement le patrimoine culturel et naturel … qui est situé sur le territoire d’autres États parties à cette convention »356.
293. D’autres indications relatives à la portée des obligations faites à Israël de protéger les Lieux saints de Jérusalem figurent dans la déclaration de 2003 concernant la destruction intentionnelle du patrimoine culturel (ci-après la « déclaration de 2003 »). L’article III de ce texte prévoit une obligation universelle, à savoir que « [l]es États devraient prendre toutes les mesures
353 [HP Exhibit 352/p. 3356-3357].
354 [HP Exhibit 353/p. 3360].
355 [HP Exhibit 334/p. 2558].
356 [HP Exhibit 334/p. 2558].
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appropriées pour prévenir, éviter, faire cesser et réprimer les actes de destruction intentionnelle du patrimoine culturel, où que ce patrimoine soit situé »357.
294. L’article V de la déclaration de 2003 dispose en outre ce qui suit :
« Lorsqu’ils sont impliqués dans un conflit armé, que celui-ci présente un caractère international ou non, y compris le cas d’occupation, les États devraient prendre toutes les mesures appropriées pour mener leurs activités de manière à protéger le patrimoine culturel, dans le respect du droit international coutumier ainsi que des principes et objectifs des instruments internationaux et recommandations de l’UNESCO concernant la protection de ce patrimoine en période d’hostilités. »358
VI. ISRAËL EST TENU DE RESPECTER LES « GARANTIES PARTICULIÈRES »
295. Ainsi que la Cour l’a précisé dans son avis sur le mur (au paragraphe 129), « [a]ux garanties générales fournies par l’article 12 du pacte international relatif aux droits civils et politiques en ce qui concerne la liberté de circulation s’ajoutent des garanties particulières d’accès dans le cas des Lieux saints chrétiens, juifs et musulmans »359. Après avoir rappelé les dispositions de l’article 62 du traité de Berlin de 1878 et l’article 13 du mandat pour la Palestine de 1922, elle a formulé la conclusion suivante :
« au lendemain du conflit armé de 1948, la convention générale d’armistice de 1949 entre la Jordanie et Israël prévit, en son article VIII, la constitution d’un comité spécial “chargé d’établir des plans et arrangements concernant les questions que l’une ou l’autre partie pourra[it] lui soumettre” en vue d’étendre la portée de la convention et d’en améliorer la mise en oeuvre. Parmi ces questions, sur lesquelles un accord de principe avait déjà été réalisé, figurait “la liberté d’accès aux Lieux saints”.
L’engagement ainsi pris concernait pour l’essentiel les Lieux saints situés à l’est de la Ligne verte. Toutefois, certains Lieux saints se trouvaient à l’ouest de la même ligne. Il en était ainsi, sur le mont Sion, du Cénacle et du tombeau de David. Israël, comme la Jordanie, s’était donc engagé, en concluant la convention générale d’armistice, à assurer la liberté d’accès aux Lieux saints. La Cour considère que cet engagement d’Israël est demeuré valable pour les Lieux saints passés sous son contrôle en 1967. Ledit engagement a en outre été confirmé par le paragraphe 1er de l’article 9 du traité de Paix de 1994 entre Israël et la Jordanie, selon lequel, de manière plus générale, “[c]hacune des deux parties contractantes donnera la liberté d’accès aux sites ayant une signification religieuse et historique”. »360
VII. ISRAËL EST TENU DE RESPECTER PLEINEMENT LA TUTELLE CONFIÉE AUX ROIS HACHÉMITES
296. Conformément à ses obligations conventionnelles, aux principes de droit international applicables et à la position largement admise par la communauté internationale, Israël ne saurait se contenter de souscrire pour la forme à la tutelle confiée aux rois hachémites s’agissant des Lieux saints chrétiens et musulmans situés dans Jérusalem-Est occupé. Malheureusement, les actes et
357 [HP Exhibit 340/p. 2857-2858].
358 [HP Exhibit 340/p. 2858-2859].
359 [HP Exhibit 341/p. 2916].
360 [HP Exhibit 341/p. 2916].
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omissions mis en exergue ci-dessus révèlent que les autorités israéliennes cherchent intentionnellement à « modifier la situation sur le terrain », c’est-à-dire, en substance, à saper, nier et remplacer le statu quo.
297. Non seulement il s’agit là d’une violation du droit international tel qu’exposé plus haut, mais cela envoie hélas aussi aux chrétiens et musulmans du monde entier un signal dangereusement provocateur qui alimente le cycle infernal de la violence et engendre l’intolérance religieuse. Tout cela est inadmissible et impardonnable.
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CHAPITRE 5 L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES ET SES ÉTATS MEMBRES ONT TOUJOURS RECONNU QUE LE COMPORTEMENT D’ISRAËL À L’ÉGARD DES LIEUX SAINTS EMPORTAIT VIOLATION DU DROIT INTERNATIONAL APPLICABLE
298. Les divers organes des Nations Unies, les organisations régionales compétentes et les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU ont maintes fois et invariablement condamné les actes d’Israël à l’égard des Lieux saints et jugé que ceux-ci constituaient des violations du droit international.
I. L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ET LE CONSEIL DE SÉCURITÉ DE L’ONU
299. Le comportement d’Israël à l’égard des Lieux saints situés dans le territoire occupé a constamment été dénoncé dans des résolutions adoptées par l’Assemblée générale des Nations Unies (ci-après les « résolutions de l’Assemblée générale »)361 ou par le Conseil de sécurité de l’ONU (ci-après les « résolutions du Conseil de sécurité »)362 comme emportant violation du droit international applicable. Dans ces résolutions, lesdits organes 1) se sont dits préoccupés par les travaux d’excavation entrepris par Israël dans la vieille ville de Jérusalem363, et ont considéré que les fouilles transformant les sites historiques, culturels et religieux de Jérusalem constituaient une violation flagrante de la quatrième convention de Genève364 ; 2) se sont déclarés alarmés par les actes de violence commis par les forces israéliennes dans et autour de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif et ont condamné ces actes365 ; 3) ont appelé à la cessation de l’ouverture par Israël d’un accès à un tunnel à proximité de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif et demandé le rétablissement de la situation antérieure366 ; 4) ont déploré l’acte de provocation du 28 septembre 2000 qu’a constitué la visite de M. Sharon à la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif367 ; 5) ont déploré les actes de provocation
361 Voir Nations Unies, Assemblée générale, résolutions A/RES/35/169 E du 15 décembre 1980 [HP Exhibit 160/p. 1464-1467] ; A/RES/36/15 du 28 octobre 1981 [HP Exhibit 161/p. 1468] ; A/RES/36/120 E du 10 décembre 1981 [HP Exhibit 162/p. 1469-1472] ; A/RES/37/123 C du 16 décembre 1982 [HP Exhibit 163/p. 1473-1476] ; A/RES/38/180 C du 19 décembre 1983 [HP Exhibit 164/p. 1477-1480] ; A/RES/39/146 C du 14 décembre 1984 [HP Exhibit 165/p. 1481-1484] ; A/RES/40/168 C du 16 décembre 1985 [HP Exhibit 166/p. 1485-1488] ; A/RES/41/162 C du 4 décembre 1986 [HP Exhibit 167/p. 1489-1492] ; A/RES/42/209 D du 11 décembre 1987 [HP Exhibit 168/p. 1493-1497] ; A/RES/43/54 C du 6 décembre 1988 [HP Exhibit 169/p. 1498-1501] ; A/RES/44/40 C du 4 décembre 1989 [HP Exhibit 170/p. 1502-1505] ; A/RES/45/83 C du 13 décembre 1990 [HP Exhibit 171/p. 1506-1509] ; A/RES/46/82 B du 16 décembre 1991 [HP Exhibit 172/p. 1510-1511] ; A/RES/47/63 B du 11 décembre 1992 [HP Exhibit 173/p. 1512-1513] ; A/RES/48/59 A du 14 décembre 1993 [HP Exhibit 174/p. 1516-1519] ; A/RES/49/87 A du 16 décembre 1994 [HP Exhibit 175/p. 1520-1522] ; A/RES/50/22 A du 4 décembre 1995 [HP Exhibit 176/p. 1523-1524] ; A/RES/51/27 du 4 décembre 1996 [HP Exhibit 177/p. 1525-1526] ; A/RES/52/53 du 9 décembre 1997 [HP Exhibit 178/p. 1527-1528] ; A/RES/53/37 du 2 décembre 1998 [HP Exhibit 179/p. 1529-1530] ; A/RES/54/37 du 1er décembre 1999 [HP Exhibit 180/p. 1531-1532] ; A/RES/55/50 du 1er décembre 2000 [HP Exhibit 181/p. 1533-1534] ; A/RES/56/31 du 18 décembre 2001 [HP Exhibit 182/p. 1535-1536] ; et A/RES/76/12 du 1er décembre 2021 [HP Exhibit 184/p. 1566-1568].
362 Voir Nations Unies, Conseil de sécurité, résolutions S/RES/271 (1969) [HP Exhibit 150/p. 1409], S/RES/476 (1980) [HP Exhibit 151/p. 1410], S/RES/478 (1980) [HP Exhibit 152/p. 1411], S/RES/672 (1990) [HP Exhibit 153/p. 1412], S/RES/1073 (1996) [HP Exhibit 154/p. 1413-1414], S/RES/1322 (2000) [HP Exhibit 155/p. 1415-1416], S/RES/2334 (2016) [HP Exhibit 158/p. 1458-1460].
363 Voir Nations Unies, Assemblée générale, résolution A/RES/76/12 du 1er décembre 2021 [HP Exhibit 184/p. 1566-1568].
364 Ibid., résolution A/RES/36/15 du 28 octobre 1981 (par. 1) [HP Exhibit 161/p. 1468].
365 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution S/RES/672 (1990) (par. 1-2) [HP Exhibit 153/p. 1412].
366 Ibid., résolution S/RES/1073 (1996) (par. 1) [HP Exhibit 154/p. 1413-1414].
367 Ibid., résolution S/RES/1322 (2000) (par. 1) [HP Exhibit 155/p. 1415-1416].
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et d’incitation commis par des colons juifs contre des Lieux saints368 ; et 6) ont appelé au respect du statu quo historique369.
II. LE CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME
300. Le comportement d’Israël à l’égard des Lieux saints a fait l’objet de multiples résolutions et décisions du Conseil des droits de l’homme, dans lesquelles celui-ci a constamment : 1) condamné les politiques et mesures prises par Israël limitant l’accès aux Lieux saints sur la base de l’origine nationale, de la religion, du sexe, de l’âge ou de tout autre critère discriminatoire370 ; 2) condamné les travaux de fouille et d’excavation susceptibles de porter atteinte à la structure ou aux fondations des Lieux saints musulmans et chrétiens, y compris à la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, ou d’en changer la nature371 ; et 3) s’est déclaré profondément préoccupé par les tensions croissantes dans Jérusalem-Est qui résultaient des tentatives visant à modifier illicitement « le statu quo des Lieux saints »372.
III. L’UNESCO
301. Au vu du comportement des autorités israéliennes, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a décidé, sur les instances de la Jordanie aux fins d’un contrôle accru et dans l’espoir (aussi mince soit-il) qu’Israël cesserait ses actions si la communauté internationale portait une attention accrue à la situation, d’inscrire la « vieille ville de Jérusalem et ses remparts » sur la liste du Patrimoine mondial en 1981, et sur la liste du Patrimoine mondial en péril en 1982. D’importants efforts ont été déployés dans le cadre des activités de l’UNESCO pour documenter et examiner les différentes actions menées constamment par les autorités israéliennes pour porter atteinte aux Lieux saints de Jérusalem.
302. Ainsi qu’il a été dit plus haut, en tant que puissance occupante, Israël est tenu de respecter le droit international relatif au patrimoine dans le territoire occupé.
368 Nations Unies, Assemblée générale, résolution A/RES/76/12 du 1er décembre 2021 [HP Exhibit 184/p. 1566-1568].
369 Ibid.
370 Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, résolutions A/HRC/RES/S-12/1 A du 21 octobre 2009 (par. 1) [HP Exhibit 186/p. 1573-1577] ; A/HRC/RES/25/29 du 28 mars 2014 (par. 21 a)) [HP Exhibit 190/p. 1608-1613] ; A/HRC/RES/28/27 du 27 mars 2015 (par. 24 a)) [HP Exhibit 191/p. 1614-1620] ; A/HRC/RES/31/34 du 24 mars 2016 (par. 26 a)) [HP Exhibit 192/p. 1621-1628] ; A/HRC/RES/34/30 du 24 mars 2017 (par. 26 a)) [HP Exhibit 193/p. 1629-1636] ; A/HRC/RES/37/35 du 23 mars 2018 (par. 11) [HP Exhibit 194/p. 1637-1643] ; A/HRC/RES/40/23 du 22 mars 2019 (par. 11) [HP Exhibit 195/p. 1644-1650] ; A/HRC/RES/43/32 du 22 juin 2020 (par. 11) [HP Exhibit 196/p. 1651-1657] ; A/HRC/RES/46/3 du 23 mars 2021 (par. 8) [HP Exhibit 197/p. 1658-1663] ; A/HRC/RES/49/4 du 31 mars 2022 (par. 9) [HP Exhibit 198/p. 1664-1669] ; et A/HRC/RES/52/3 du 3 avril 2023 (par. 10) [HP Exhibit 199/p. 1670-1675].
371 Ibid., résolutions A/HRC/RES/S-12/1 A du 21 octobre 2009 (par. 2 et 4) [HP Exhibit 186/p. 1573-1577] ; A/HRC/RES/13/8 du 24 mars 2010 (par. 7) [HP Exhibit 188/p. 1601-1603] ; A/HRC/RES/16/29 du 25 mars 2011 (par. 8) [HP Exhibit 189/p. 1604-1607] ; A/HRC/RES/37/35 du 23 mars 2018 (par. 10) [HP Exhibit 194/p. 1637-1643] ; A/HRC/RES/40/23 du 22 mars 2019 (par. 10) [HP Exhibit 195/p. 1644-1650] ; A/HRC/RES/43/32 du 22 juin 2020 (par. 10) [HP Exhibit 196/p. 1651-1657] ; A/HRC/RES/46/3 du 23 mars 2021 (par. 5) [HP Exhibit 197/p. 1658-1663] ; A/HRC/RES/49/4 du 31 mars 2022 (par. 6) [HP Exhibit 198/p. 1664-1669] ; et A/HRC/RES/52/3 du 3 avril 2023 (par. 7) [HP Exhibit 199/p. 1670-1675].
372 Ibid., résolutions A/HRC/RES/25/29 du 24 mars 2014 (par. 21(b)) [HP Exhibit 190/p. 1608-1613] ; A/HRC/RES/28/27 du 27 mars 2015 (par. 24 b)) [HP Exhibit 191/p. 1614-1620] ; A/HRC/RES/31/34 du 24 mars 2016 (par. 26 b)) [HP Exhibit 192/p. 1621-1628] ; et A/HRC/RES/34/30 du 24 mars 2017 (par. 26 b)) [HP Exhibit 193/p. 1629-1636].
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303. Les actions d’Israël à l’égard de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif et d’autres Lieux saints de Jérusalem, notamment les fouilles généralisées et étendues qui y ont été effectuées, ont maintes fois été condamnées dans des décisions du Comité du patrimoine mondial et du Conseil exécutif de l’UNESCO373. Ainsi, dans la décision qu’il a adoptée à l’issue de sa 215e session en 2022374, le Comité exécutif de l’UNESCO s’est référé à pas moins de 22 décisions antérieures et 11 décisions du Comité du patrimoine mondial (remontant à 2010) et a dit regretter
« que les autorités d’occupation israéliennes n’aient pas mis un terme aux fouilles, creusements de tunnels, travaux et projets constamment menés dans Jérusalem-Est, en particulier à l’intérieur et aux alentours de la Vieille Ville, qui ont un caractère illégal au regard du droit international, et [a] demand[é] de nouveau à Israël, la Puissance occupante, de mettre un terme à toutes les violations qui sont contraires aux dispositions des conventions, résolutions et décisions pertinentes de l’UNESCO ».
Le non-respect par Israël des décisions de l’UNESCO est délibéré et dure depuis longtemps.
304. De fait, Israël a suspendu son adhésion à l’UNESCO en 2016 et s’est retiré officiellement de l’Organisation en octobre 2017375. Le Conseil exécutif de l’UNESCO, à l’issue de sa 200e session en 2016, a adopté une décision dans laquelle, entre autres, il « regrett[ait] profondément le refus d’Israël de mettre en oeuvre les précédentes décisions de l’UNESCO concernant Jérusalem », et condamnait fermement les agressions israéliennes commises contre la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, parmi lesquelles :
304.1. L’intrusion par la force dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif de responsables des autorités israéliennes des « antiquités » ;
304.2. Le refus d’accorder des visas à des représentants de l’UNESCO ;
304.3. Les dommages causés par les forces israéliennes aux portes et fenêtres historiques de la mosquée al-Qibli ;
373 Voir les décisions suivantes : 34COM 7A.20 (25 juillet-3 août 2010) [HP Exhibit 205/p. 1705-1707], 185EX/Décision 14 (19 novembre 2010) [HP Exhibit 206/p. 1708-1714], 35COM/7A.22 (19-29 juin 2011) [HP Exhibit 208/p. 1717-1719], 187EX/Décision 11 (30 novembre 2011) [HP Exhibit 209/p. 1720-1725], 189EX/Décision 8 (9 avril 2012) [HP Exhibit 212/p. 1739-1743], 36COM/&A.23.II (22 juin-6 juillet 2012) [HP Exhibit 213/p. 1744-1745], 190EX/Décision 13 (18 novembre 2012) [HP Exhibit 214/p. 1746-1752], 37COM/7A.26 (16-27 juin 2013) [HP Exhibit 216/p. 1756-1759], 192EX/Décision 11 (13 janvier 2014) [HP Exhibit 217/p. 1760-1765], 194EX/Décision 5.I.D (15 mai 2014) [HP Exhibit 219/p. 1785-1792], 38COM/7A.4 (15-25 juin 2014) [HP Exhibit 220/p. 1793-1795], 195EX/Décision 9 (28 novembre 2014) [HP Exhibit 221/p. 1796-1804], 196EX/Décision 26 (22 mai 2015) [HP Exhibit 222/p. 1805-1813], 39COM/7A.27 (28 juin-8 juillet 2015) [HP Exhibit 223/p. 1814-1814], 197EX/Décision 32 (23 novembre 2015) [HP Exhibit 224/p. 1818-1826], 199EX/Décision 19.I (16 mai 2016) [HP Exhibit 225/p. 1827-1834], 40COM/7A.13 (10-20 juillet 2016) [HP Exhibit 226/p. 1835-1837], 200EX/Décision 25 (18 novembre 2016) [HP Exhibit 227/p. 1838-1846], 201EX/Décision 30 (5 juin 2017) [HP Exhibit 228/p. 1847-1853], 41COM/7A.36 (2-17 juillet 2017) [HP Exhibit 229/p. 1854-1855], 202EX/Décision 38 (18 novembre 2017) [HP Exhibit 230/p. 1856-1862], 204EX/Décision 25 (17 mai 2018) [HP Exhibit 231/p. 1863-1869], 42COM/7A.21 (24 juin-4 juillet 2018) [HP Exhibit 232/p. 1870-1878], 205EX/Décision 28 (16 novembre 2018) [HP Exhibit 233/p. 1879-1886], 206EX/Décision 32 (17 mai 2019) [HP Exhibit 234/p. 1887-1893], 43COM/7A.22 (30 juin-10 juillet 2019) [HP Exhibit 235/p. 1894-1901], 207EX/Décision 38 (23 novembre 2019) [HP Exhibit 236/p. 1902-1909], 209EX/Décision 24 (10 août 2020) [HP Exhibit 237/p. 1910-1917], 210EX/Décision 36 (26 février 2021) [HP Exhibit 238/p. 1918-1925], 211EX/Décision 33 (21 mai 2021) [HP Exhibit 239/p. 1926-1933], 44COM/7A.10 (16-31 juillet 2021) [HP Exhibit 240/p. 1934-1938], 214EX/Décision 22 (13 mai 2022) [HP Exhibit 241/p. 1939-1944], 215EX/Décision 36 (18 novembre 2022) [HP Exhibit 242/p. 1945-1951].
374 215EX/Décision 36 (18 novembre 2022) [HP Exhibit 242/p. 1945-1951].
375 Jewish Telegraphic Agency, Israel officially withdraws from UNESCO (1 January 2019) [HP Exhibit 297/p. 2283-2284].
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304.4. L’obstruction d’Israël à la rénovation de la porte al-Rahma de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif ;
304.5. L’obstruction d’Israël à l’exécution de 18 projets de restauration de la direction des Awqaf autour de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif 376 ;
304.6. L’approbation par Israël de multiples projets de judaïsation, notamment ceux concernant le téléphérique, la « maison Liba », le « centre Kedem », le « bâtiment Strauss » et le projet d’ascenseur sur la place al-Bouraq ;
304.7. La réalisation de plusieurs installations au niveau de la montée des Maghrébins et le déplacement des vestiges islamiques présents sur le site ; et
304.8. Les démolitions illicites de vestiges omeyyades, ottomans et mamelouks autour de la rampe des Maghrébins.
305. Dans les faits cependant, même avant de suspendre son adhésion et de se retirer officiellement de l’UNESCO, Israël avait fait obstruction aux efforts de l’UNESCO à Jérusalem. Dans de nombreuses résolutions, celle-ci avait
« [r]egrett[é] profondément le refus d’Israël d’accorder des visas aux experts de l’UNESCO chargés du projet de l’Organisation au Centre pour la restauration des manuscrits islamiques de la mosquée al-Aqsa/al-Haram Al-Sharif, et demand[é] à Israël de délivrer des visas aux experts de l’UNESCO sans restriction »377.
IV. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ONU
306. Le Secrétaire général de l’ONU a été, dès les premiers jours de l’occupation, étroitement associé aux enquêtes et aux comptes rendus sur les agressions israéliennes commises dans le territoire occupé, y compris contre les Lieux saints.
307. En 1967, le représentant personnel du Secrétaire général de l’ONU, M. Thalmann, a été chargé de recueillir des informations dans le territoire occupé. Le Secrétaire général a communiqué les conclusions de M. Thalmann au Conseil de sécurité de l’ONU le 12 septembre 1967, indiquant notamment ce qui suit :
« Profanation des Lieux saints musulmans et autres agissements
La plupart des Arabes interrogés par le représentant personnel ont déclaré que la population musulmane avait été outrée par certains actes commis par Israël qui profanaient la sainteté des lieux sacrés musulmans. On a considéré comme un geste particulièrement provocant le fait que le grand-rabbin de l’armée israélienne, accompagné de personnes de sa confession, soit allé dire des prières près du Haram
376 UNESCO, Conseil exécutif, 200EX/Décision 25.I.A.1 (18 novembre 2016), par. 7 : « Prie instamment Israël, la Puissance occupante, de permettre le rétablissement du statu quo historique qui prévalait jusqu’en septembre 2000, selon lequel le Département jordanien du Waqf (fondation religieuse) exerçait une autorité exclusive sur la mosquée al-Aqsa/al-Haram Al-Sharif et était doté d’un mandat étendu à toutes les affaires en rapport avec la libre administration de la mosquée al-Aqsa/al-Haram Al-Sharif, y compris la maintenance, la restauration et la réglementation de l’accès au site » [HP Exhibit 227/p. 1843].
377 Voir les décisions suivantes du Conseil exécutif de l’UNESCO : 197EX/Décision 32 (23 novembre 2015) (par. 11) [HP Exhibit 224/p. 1818-1826], 199EX/Décision 19.1 (16 mai 2016) (par. 12) [HP Exhibit 225/p. 1827-1834], 200EX/Décision 25 (18 novembre 2016) (par. 12) [HP Exhibit 227/p. 1838-1846].
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Al-Sharif (le Gouvernement israélien a entre-temps mis un terme aux prières dites par des juifs près de la mosquée sainte).
Les déclarations que des représentants officiels israéliens et des personnalités juives avaient faites au sujet des prétentions et des desseins que les juifs nourrissent à l’égard du Temple avaient eu un effet alarmant.
Le dynamitage et le nivellement de 135 maisons du quartier Maghrébin (en face du Mur des lamentations) avaient également suscité de vives réactions. Cette décision avait entraîné l’expulsion de 660 musulmans pauvres et pieux des logements qu’ils occupaient dans le voisinage immédiat de la mosquée d’Omar et de la mosquée El Aksa. Ces immeubles, au milieu desquels se trouvaient également deux petites mosquées, appartenaient pour partie au waqf et pour partie à des particuliers arabes.
On s’est également plaint de ce que les autorités israéliennes avaient pris possession du quartier connu sous le nom de quartier juif et en avaient chassé 3 000 résidents en ne leur laissant qu’un préavis très court pour évacuer les lieux.
On a aussi fait observer que les autorités israéliennes avaient choisi une école publique de jeunes filles située près de la mosquée El Aksa comme siège du tribunal rabbinique, sans consulter le waqf.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Le représentant personnel a été informé que les autorités israéliennes prétendaient étendre leur juridiction sur les tribunaux religieux musulmans et exercer un droit de regard sur les sermons prêchés de la mosquée El Aksa, prétentions qui étaient rejetées comme étant contraires aux préceptes de la loi coranique et de la théologie musulmane.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Tous les représentants des diverses communautés religieuses que le représentant [personnel] a rencontrés ont été d’accord pour reconnaître que les Lieux saints devaient bénéficier d’une protection spéciale et qu’il importait d’en garantir le libre accès aux fidèles. Ils ont estimé que la paix et la stabilité politique étaient à cet égard des conditions primordiales. Ils voulaient pouvoir s’acquitter en paix de leurs devoirs spirituels, sans avoir constamment à redouter que des conflits internationaux ou l’ingérence de l’État gênent l’accomplissement de leurs tâches traditionnelles. »378
308. Depuis lors, le Secrétaire général et ses représentants ont régulièrement tenu le Conseil de sécurité informé de la situation dans le territoire occupé. En outre, au cours des visites qu’ils ont effectuées dans la région du Moyen-Orient, le Secrétaire général et ses représentants ont maintes fois fait part de leurs préoccupations quant au comportement d’Israël et ont exhorté celui-ci à trouver des solutions pacifiques, soulignant l’importance de la tutelle confiée aux rois hachémites.
309. Le 21 octobre 2014, pendant la 7281e séance du Conseil de sécurité, le Secrétaire général a pris note des « assurances que lui a[vait] données en personne à Jérusalem le premier ministre israélien, M. Netanyahou, de s’abstenir de modifier les politiques à l’égard des Lieux saints, qui sont
378 Rapport du Secrétaire général présenté en application de la résolution 2254 (ES-V) de l’Assemblée générale relative à Jérusalem (12 septembre 1967), p. 21 et suiv. [HP Exhibit 243/p. 1974-1978].
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en vigueur depuis de nombreuses décennies »379. Ces assurances personnelles se sont malheureusement révélées dépourvues de contenu concret.
310. Le 20 octobre 2015, le Secrétaire général a tenu une conférence de presse avec le premier ministre israélien, au cours de laquelle il a indiqué ce qui suit concernant la tutelle hachémite :
« J’exhorte le Gouvernement israélien à faire tout son possible pour aider à restaurer le calme. Je salue les récentes déclarations que vous-même, M. le premier ministre, ainsi que des membres de votre gouvernement et d’importants rabbins avez faites pour exprimer l’importance attachée par Israël à ce que soit préservé le statu quo historique au mont du Temple/Haram al Charif. Je me félicite de pouvoir discuter avec vous de la manière de maintenir le statu quo, conformément aux accords conclus entre Israël et la Jordanie et en tenant compte du rôle spécial de cette dernière en tant que gardienne des Lieux saints. Je vous invite, M. le premier ministre, à communiquer directement avec le roi de Jordanie. »380
311. Le 20 octobre 2015 également, une rencontre entre le Secrétaire général et les membres de la Knesset Isaac Herzog (l’actuel président d’Israël) et Tzipi Livni, qui dirigeaient alors le parti israélien de l’Union sioniste, a donné lieu à la publication d’un communiqué où l’on pouvait lire ceci :
« Le Secrétaire général a indiqué qu’il était particulièrement préoccupé par la situation au Haram al Charif/mont du Temple et par le conflit religieux dont ce lieu est l’objet, qui a de graves répercussions non seulement sur Israël et la Palestine, mais aussi sur la région dans son ensemble. Il a souligné l’importance d’un dialogue direct entre Israël et la Jordanie, dans le droit fil des accords antérieurs conclus entre les deux pays, et compte tenu du rôle spécial de la Jordanie. »381
312. Prenant la parole devant le Conseil de sécurité le 22 octobre 2015, le vice-secrétaire général a déclaré ce qui suit :
« Le Secrétaire général salue les assurances répétées données par le premier ministre M. Netanyahou, et encore récemment durant sa visite, selon lesquelles Israël n’a pas l’intention de modifier le statu quo historique du Haram al Sharif/mont du Temple. Cependant, cet engagement ne sera tenu que si des mesures sont prises rapidement sur le terrain pour lui donner effet. À cet égard, nous nous félicitons de la décision du premier ministre d’interdire aux religieux et membres de la Knesset de se rendre dans les Lieux saints.
Le Secrétaire général encourage Israël et la Jordanie, compte tenu du rôle spécial de celle-ci en tant que gardienne des Lieux saints, à agir conjointement et à prendre les mesures nécessaires de manière coordonnée, conformément à leurs engagements antérieurs visant à veiller au respect du statu quo historique. »382
379 UN, Secretary-General’s remarks to Security Council briefing on the Situation in the Middle East (21 October 2014) [HP Exhibit 245/p. 2048-2051].
380 UN, Remarks at press encounter with Prime Minister Benjamin Netanyahu of Israel (20 October 2015) [HP Exhibit 247/p. 2053-2054].
381 UN, Readout of the Secretary-General’s meeting with MK Isaac Herzog, leader of the Zionist Union party in Israel, and MK Tzipi Livni (20 October 2015) [HP Exhibit 246/p. 2052].
382 Briefing to the UN by the Deputy Secretary General (22 October 2015) [HP Exhibit 248/p. 2056-2057].
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313. En 2022, le Secrétaire général de l’ONU a publié son vingt-quatrième rapport trimestriel sur l’application de la résolution 2334 (2016) du Conseil de sécurité, dans lequel il a indiqué (aux paragraphes 48, 52 et 84) ce qui suit :
« 48. La situation est demeurée tendue dans les Lieux saints de la vieille ville de Jérusalem et alentour, le nombre de visiteurs israéliens ayant augmenté à l’occasion des grandes fêtes juives d’octobre. Avant les fêtes, les autorités israéliennes avaient imposé des mesures de sécurité strictes autour des sites et arrêté des dizaines de Palestiniens. La police israélienne a également arrêté plusieurs militants israéliens qui entendaient prier dans un cimetière adjacent aux Lieux saints, invoquant le risque que de tels actes donnent lieu à des violences. Des affrontements ont éclaté de façon sporadique entre les forces de sécurité israéliennes et des Palestiniens dans cette zone, mais aucune flambée de violence majeure n’a été signalée.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
52. … Un autre député a appelé à la remise en cause du statu quo dans les Lieux saints de Jérusalem, déclarant qu’“[ils] allaient revenir à l’époque où le mont du Temple était vraiment entre [leurs] mains”.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
84. Je demande de nouveau avec force aux parties de respecter et de maintenir le statu quo dans les Lieux saints, en tenant compte du rôle particulier et historique que joue la Jordanie en tant que gardienne des Lieux saints musulmans et chrétiens à Jérusalem. »383
314. Le 5 avril 2023, à l’occasion d’un point presse, le porte-parole du Secrétaire général a fait la déclaration suivante :
« Pour en venir au Moyen-Orient, je peux vous assurer que le Secrétaire général est choqué et horrifié par les images qu’il a vues ce matin montrant des actes de violence et de passages à tabac par des forces de sécurité israéliennes à l’intérieur de la mosquée al-Qibli à Jérusalem. Alors que nous sommes à un moment du calendrier qui est sacré pour les juifs, les chrétiens et les musulmans, l’heure devrait être à la paix et non à la violence. Les lieux de culte devraient uniquement servir aux pratiques religieuses pacifiques.
Comme vous avez pu le constater, le coordonnateur spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient, M. Tor Wennesland, a également fait une déclaration qui a été publiée plus tôt dans la matinée. Il s’est lui aussi dit choqué par les images d’actes de violence commis à l’intérieur de la mosquée al-Qibli et préoccupé par les mauvais traitements infligés aux Palestiniens par les forces de sécurité israéliennes et par le grand nombre d’arrestations. »384
383 Vingt-quatrième rapport trimestriel du Secrétaire général de l’ONU sur l’application de la résolution 2334 (2016) du Conseil de sécurité [HP Exhibit 249/p. 2064-2069].
384 UN, Secretary-General Shocked and Appalled by the Violence and Beating by Israeli Security Forces inside Al-Qibli Mosque in Jerusalem (5 April 2023) [HP Exhibit 250/p. 2071-2074].
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V. L’ORGANISATION DE LA COOPÉRATION ISLAMIQUE
315. L’Organisation de la coopération islamique (anciennement Organisation de la Conférence islamique) (OCI) a été créée en 1969 en tant qu’organisation intergouvernementale porte-voix du monde musulman. Elle compte actuellement 57 États membres. L’incendie criminel de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif en août 1969 a servi de catalyseur direct pour la création de l’organisation.
316. L’OCI n’a eu de cesse, dans ses résolutions et communiqués finaux, de condamner le comportement d’Israël dans le territoire occupé, y compris à l’égard des Lieux saints musulmans et chrétiens. Ainsi, le 25 avril 2022, dans la déclaration finale adoptée à l’issue de la réunion extraordinaire du Comité exécutif pour discuter des attaques israéliennes continues contre la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, l’organisation a
« condamn[é] la poursuite des attaques et des incursions de l’armée d’occupation et des colons extrémistes contre les fidèles accomplissant la prière ou en retraite spirituelle dans la Mosquée bénie d’Al Aqsa / Al-Haram Al-Qodsi Al-Sharif », « soulign[é] le rôle de la tutelle hachémite historique assumée par Sa Majesté le Roi Abdallah II ben Al Hussein, roi du Royaume hachémite de Jordanie, dans la protection des Lieux saints islamiques et chrétiens à Jérusalem, ainsi que la situation historique et juridique [de la ville] » et « exhort[é] la communauté internationale à contraindre Israël, la Puissance d’occupation illégale, à annuler sa décision illégale d’annexer la ville d’Al Qods »385.
VI. LA LIGUE DES ÉTATS ARABES
317. La Ligue des États arabes a été créée en 1945 dans le but de coordonner la collaboration entre ses membres, de sauvegarder leur indépendance et leur souveraineté et de promouvoir les intérêts des pays arabes. Elle compte aujourd’hui 22 États membres.
318. La Ligue des États arabes a constamment condamné le comportement d’Israël dans le territoire occupé, y compris à l’égard des Lieux saints musulmans et chrétiens, et a adopté des résolutions à cet effet lors des vingt et unième à trente-deuxième sessions de son conseil (2009-2023).
319. En outre, la Ligue des États arabes a clairement fait savoir sur la scène internationale qu’elle considérait le comportement d’Israël dans le territoire occupé comme étant illicite en droit international. Ainsi, dans le communiqué final publié à l’issue de la session extraordinaire tenue le 5 avril 2023, le Conseil de la Ligue a
« 1. [c]ondamn[é] fermement les crimes commis par les forces d’occupation israéliennes contre des fidèles musulmans sans défense à la mosquée Al-Aqsa, qui se sont intensifiés de manière dangereuse durant le mois sacré du ramadan, fait des centaines de blessés et entraîné des arrestations parmi les fidèles qui étaient en retraite spirituelle à la mosquée, ainsi que les intrusions dans la mosquée Al-Aqsa et sa profanation délibérée par des responsables et colons extrémistes israéliens sous la protection des forces d’occupation israéliennes ;
2. [r]ejet[é] et condamn[é] toutes les formes d’atteintes israéliennes aux Lieux saints musulmans et chrétiens, en particulier les tentatives de modifier le statu quo
385 Déclaration finale adoptée à la réunion extraordinaire à composition non limitée du Comité exécutif de l’Organisation de la coopération islamique (25 avril 2022) [HP Exhibit 148/p. 1400-1404].
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historique et juridique de la sainte mosquée Al-Aqsa, d’y établir une division dans le temps et l’espace, de compromettre la liberté des fidèles musulmans d’y prier et de les en refouler, de prendre le contrôle de l’administration jordanienne des Awqaf de Jérusalem occupée et de s’attaquer aux membres de son personnel, les empêchant d’exercer leur travail, et d’imposer la loi israélienne à la mosquée Al-Aqsa/Haram el-Charif, et réaffirme le droit des musulmans et des chrétiens à un accès sûr et sans restriction à leurs lieux de culte pour accomplir librement leurs devoirs religieux dans la sainte mosquée Al-Aqsa et les Églises de Jérusalem occupée ;
3. [tenu] Israël, Puissance occupante, responsable des conséquences de ces crimes et actes qui portent atteinte à la liberté de culte dans les Lieux saints musulmans et chrétiens de la ville de Jérusalem et en particulier à la sainte mosquée Al-Aqsa et constituent des violations flagrantes des résolutions des organes de l’ONU, du droit international et du droit international humanitaire, et prévient que ces attaques et crimes constituent une provocation flagrante à l’égard des sentiments religieux des croyants du monde entier et menacent d’enclencher un cycle de violence, qui mettrait en péril la sécurité et la stabilité dans la région et dans le monde ;
4. [s]oulign[é] l’importance de la tutelle historique jordanienne hachémite sur les Lieux saints musulmans et chrétiens de la ville de Jérusalem et son rôle dans la protection de ces Lieux saints et la préservation du statut juridique et historique existant et réaffirme que l’administration jordanienne des Awqaf de Jérusalem et des affaires de la mosquée Al-Aqsa est la seule entité autorisée à gérer l’ensemble des affaires de la sainte mosquée Al-Aqsa/Haram el-Charif »386 (les italiques sont de nous).
VII. LES VIOLATIONS CONTINUES COMMISES PAR ISRAËL CONTRE LES LIEUX SAINTS À JÉRUSALEM-EST CONTREVIENNENT AU DROIT INTERNATIONAL APPLICABLE
320. En l’espèce, le comportement d’Israël (les actes et omissions de celui-ci) emporte manquement aux obligations qui lui incombent en tant que puissance occupante à bien des égards.
321. Les actes et omissions d’Israël, à commencer par la démolition du quartier Maghrébin, la destruction de la rampe des Maghrébins, les tunnels creusés sous la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif et les infractions continuelles causant des dommages physiques à celle-ci et à d’autres Lieux saints musulmans, ainsi qu’à l’église du Saint-Sépulcre et autres Lieux saints chrétiens, constituent une violation de l’article 53 de la quatrième convention de Genève qui interdit à la puissance occupante de détruire des biens mobiliers ou immobiliers dans le territoire occupé.
322. Les infractions continuelles commises par Israël contre la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif et d’autres Lieux saints musulmans et chrétiens, ainsi que l’obstruction aux travaux nécessaires au maintien de ces lieux, emportent manquement aux obligations imposées à Israël par l’article 46 du règlement de La Haye de 1907 de respecter la liberté de religion, de ne pas confisquer la propriété privée et de sauvegarder le fonds des édifices publics dans le territoire occupé.
323. En outre, les infractions continuelles commises par Israël contre la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif et d’autres Lieux saints musulmans et chrétiens emportent manquement
386 Communiqué du Conseil de la Ligue des États arabes (5 avril 2023) [HP Exhibit 147/p. 1398].
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aux obligations imposées par la convention sur les biens culturels de sauvegarder et de respecter les biens culturels dans le territoire occupé et de s’abstenir de tout acte d’hostilité contre ces biens.
324. Les infractions continuelles commises par Israël contre la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, d’autres Lieux saints musulmans et chrétiens et les fidèles musulmans et chrétiens qui se rendent dans ces lieux aux fins du culte, emportent manquement aux obligations que la DUDH, le PIDCP, le PIDESC, la CIEDR, la déclaration de 1981 ainsi que des résolutions internationales pertinentes imposent à Israël.
325. Le fait qu’Israël persiste à ne pas agir conformément aux nombreuses décisions de l’UNESCO et du Comité du patrimoine mondial, ainsi que les actes continus d’agression causant des dommages physiques à la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif emportent manquement aux obligations qui lui incombent 1) de ne prendre délibérément aucune mesure susceptible d’endommager directement ou indirectement le patrimoine culturel et naturel situé sur le territoire d’autres États Parties ; 2) de prendre toutes les mesures appropriées pour prévenir, éviter, faire cesser et réprimer les actes de destruction intentionnelle du patrimoine culturel, où que ce patrimoine soit situé ; et 3) de prendre toutes les mesures appropriées pour mener ses activités de manière à protéger le patrimoine culturel, dans le respect du droit international coutumier ainsi que des principes et objectifs des instruments internationaux et recommandations de l’UNESCO concernant la protection de ce patrimoine en période d’hostilités.
VIII. OBSERVATIONS FINALES
326. Les faits recensés sommairement ci-dessus témoignent d’un comportement systématique et continu de la part d’Israël depuis 1967. Ce comportement s’est accentué pour se généraliser et devenir encore plus flagrant ces dernières années — sans nul doute parce qu’Israël partait du principe qu’il n’existait aucune enceinte où puisse être mise en cause sa responsabilité.
327. Les autorités israéliennes ont délibérément cherché à porter irréversiblement atteinte à l’intégrité structurelle de la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, notamment en creusant des tunnels sous ce complexe, en rasant le quartier Maghrébin quelques jours après le début de l’occupation en 1967 et en détruisant l’ancienne rampe des Maghrébins pour la remplacer par une passerelle en acier et en bois que les véhicules de police peuvent emprunter pour entrer dans la mosquée et en violer le caractère sacré. Dans le plus profond mépris de la liberté de culte, les autorités israéliennes ont violemment pénétré dans la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif, qu’elles ont ainsi profanée, ont détruit d’importantes structures anciennes dans le complexe et ses dépendances, et ont maintes fois empêché des fidèles musulmans de prendre part à la pratique la plus sacrée : prier dans la paix. Des membres de l’armée israélienne, lourdement armés, ont par ailleurs escorté des extrémistes (et continuent aujourd’hui de le faire presque quotidiennement) jusqu’à la mosquée al-Aqsa/Haram al-Charif d’une manière qui, si elle n’était pas calculée pour inciter à la colère, a de toute évidence eu cet effet précis.
328. Ainsi qu’il a été précisé ci-dessus, Israël agit en violation flagrante des principes fondamentaux du droit international public, qui lui imposent des obligations inaliénables, notamment :
328.1. L’obligation de ne pas détruire des biens mobiliers ou immobiliers ou autoriser de toute autre manière la destruction de tels biens dans le Territoire palestinien occupé ;
328.2. L’obligation de respecter la liberté de religion, de ne pas confisquer la propriété privée et de sauvegarder le fonds des édifices publics dans le Territoire palestinien occupé ;
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328.3. L’obligation de sauvegarder et de respecter les biens culturels dans le Territoire palestinien occupé et de s’abstenir de tout acte d’hostilité contre ces biens ;
328.4. L’obligation de respecter le droit de la population du Territoire palestinien occupé à la liberté de pensée, de conscience et de religion (notamment la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites) et son droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté ;
328.5. L’obligation de respecter et de garantir les droits que tous les individus dans le Territoire palestinien occupé, sans distinction aucune, tiennent du PIDCP et du PIDESC ;
328.6. L’obligation de garantir l’égalité devant la loi et de prendre des mesures efficaces pour combattre la discrimination raciale, y compris les destructions, modifications et profanations répétées du patrimoine culturel et des sites religieux ;
328.7. Les obligations a) de ne prendre délibérément aucune mesure susceptible d’endommager directement ou indirectement le patrimoine culturel et naturel, b) de prendre toutes les mesures appropriées pour prévenir, éviter, faire cesser et réprimer les actes de destruction intentionnelle du patrimoine culturel, où que celui-ci soit situé, et c) de prendre toutes les mesures appropriées pour mener ses activités de manière à protéger le patrimoine culturel, dans le respect du droit international coutumier ainsi que des principes et objectifs des instruments internationaux et recommandations de l’UNESCO concernant la protection de ce patrimoine en période d’hostilités.
IX. CONCLUSIONS
Pour les raisons énoncées dans les première et seconde parties du présent exposé écrit, le Royaume hachémite de Jordanie prie respectueusement la Cour :
1) de dire qu’elle a compétence pour donner l’avis consultatif sollicité dans la résolution 77/247 de l’Assemblée générale, et de donner suite à la demande ;
2) de répondre à la question a) comme suit :
a) les politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, emportent violation du droit du peuple palestinien à l’autodétermination ; du droit de l’occupation ; de l’interdiction de l’acquisition de territoire par la force ; du droit international des droits de l’homme, notamment l’interdiction de la discrimination ; du droit international des réfugiés ; et d’autres règles de droit international, y compris celles concernant les Lieux saints de Jérusalem-Est et celles qui ont trait à l’interdiction des crimes contre l’humanité ;
b) les conséquences juridiques de ces violations pour Israël, pour les États tiers et pour l’Organisation des Nations Unies et d’autres organisations internationales sont celles prévues par le droit international de la responsabilité pour fait internationalement illicite ;
c) en particulier :
i) Israël est dans l’obligation de cesser ses faits internationalement illicites, et notamment ses violations du droit international applicable à l’entretien, à la préservation et à l’administration des Lieux saints de Jérusalem-Est ainsi qu’à la liberté d’accès à ces derniers ;
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ii) toutes les mesures prises en violation du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, y compris celles prises en vertu du droit israélien afin de modifier le caractère et le statut juridiques, géographiques et démographiques de Jérusalem et du Territoire palestinien occupé dans son ensemble, sont nulles et non avenues et n’ont aucune validité juridique ;
iii) Israël est dans l’obligation de réparer intégralement l’ensemble des préjudices causés par ses faits internationalement illicites ;
iv) tous les États sont dans l’obligation de ne pas reconnaître comme licite la situation créée par les faits internationalement illicites d’Israël, et de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de cette situation ;
v) tous les États sont dans l’obligation de reconnaître le droit à l’autodétermination du peuple palestinien, et notamment l’exercice de ce droit au sein d’un État de Palestine viable et indépendant ;
vi) tous les États sont dans l’obligation de coopérer, notamment avec l’Organisation des Nations Unies, afin de mettre fin aux faits internationalement illicites d’Israël ;
vii) l’Organisation des Nations Unies, et spécialement l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité, doit, en tenant dûment compte de l’avis consultatif, examiner quelles nouvelles mesures doivent être prises afin de mettre un terme aux faits internationalement illicites d’Israël ;
3) de répondre à la question b) comme suit :
a) l’occupation par Israël du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, est illicite ;
b) Israël est dans l’obligation de mettre fin à l’occupation dans les plus brefs délais ;
c) tous les États sont dans l’obligation de ne pas reconnaître la situation illicite résultant de l’occupation illicite du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et de ne pas prêter aide et assistance au maintien de la situation créée par l’occupation ;
d) tous les États parties à la quatrième convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949, ont en outre l’obligation, dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international, de faire respecter par Israël le droit international humanitaire incorporé dans cette convention ;
e) l’Organisation des Nations Unies, et spécialement l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité, doit, en tenant dûment compte de l’avis consultatif, examiner quelles nouvelles mesures doivent être prises afin de mettre un terme à l’occupation illicite.
Les pièces annexées au présent exposé écrit font partie intégrante de celui-ci.
Le 25 juillet 2023.
Le ministre de la justice,
représentant du Royaume hachémite de Jordanie,
M. Ahmad ZIADAT.
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Exposé écrit de la Jordanie