Exposé écrit d'Irlande

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186-20230725-WRI-23-00-EN
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
18878
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
CONSÉQUENCES JURIDIQUES DÉCOULANT DES POLITIQUES ET PRATIQUES D’ISRAËL DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ, Y COMPRIS JÉRUSALEM-EST (REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF)
EXPOSÉ ÉCRIT DE L’IRLANDE
Juillet 2023
[Traduction du Greffe]
INTRODUCTION
1. Le 30 décembre 2022, l’Assemblée générale des Nations Unies (ci-après l’« Assemblée générale ») a adopté la résolution 77/247 (ci-après la « résolution 77/247 (2022)»)1, intitulée « Pratiques israéliennes affectant les droits humains du peuple palestinien dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est ». Au paragraphe 18 de la résolution, l’Assemblée générale a décidé, conformément à l’article 96 de la Charte des Nations Unies (ci-après la « Charte »), de demander à la Cour internationale de Justice (ci-après la « Cour ») de donner un avis consultatif sur les questions ci-après :
a) Quelles sont les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et de son annexion prolongées du territoire palestinien occupé depuis 1967, notamment des mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem, et de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires connexes ?
b) Quelle incidence les politiques et pratiques d’Israël visées … ci-dessus ont-elles sur le statut juridique de l’occupation et quelles sont les conséquences juridiques qui en découlent pour tous les États et l’Organisation des Nations Unies ?
2. Par son ordonnance du 3 février 2023, la Cour a décidé, entre autres, que les États Membres de l’Organisation des Nations Unies étaient susceptibles de fournir des renseignements sur les questions qui lui sont soumises pour avis consultatif et a fixé au 25 juillet 2023 la date d’expiration du délai dans lequel ils pourraient présenter des exposés écrits sur ces questions. L’Irlande se prévaut donc de la possibilité qui lui est donnée de soumettre le présent exposé écrit sur les questions soulevées par l’Assemblée générale.
3. L’Irlande est favorable à un règlement global du conflit israélo-palestinien prévoyant deux États, tel qu’approuvé à l’unanimité par le Conseil de sécurité de l’ONU (ci-après le « Conseil de sécurité ») dans sa résolution 1515 du 19 novembre 20032. Depuis de nombreuses années, elle exprime son inquiétude grandissante quant aux activités d’implantation de colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, pratique qui va à l’encontre de la réalisation de cet objectif. Cette préoccupation est largement partagée au sein de la communauté internationale. Il y a sept ans, le Conseil de sécurité a ainsi adopté la résolution 2334, dans laquelle il réaffirmait sa conclusion selon laquelle la création de ces colonies de peuplement « constitu[ait] une violation flagrante » du droit international et « un obstacle majeur à la réalisation de la solution des deux États et à l’instauration d’une paix globale, juste et durable », et exigeait de nouveau d’Israël qu’il arrête immédiatement et complètement toutes ses activités de peuplement3.
4. Non seulement Israël a ignoré cette injonction du Conseil de sécurité, mais la construction de colonies de peuplement s’est, de fait, considérablement intensifiée depuis cette période. L’Irlande redoute de plus en plus que la construction continue de colonies et les activités qui y sont associées érodent encore davantage la confiance entre Palestiniens et Israéliens, pourtant essentielle à la négociation de tout accord futur. Le développement des colonies compromet la viabilité d’un futur État palestinien d’un seul tenant et, partant, l’espoir de parvenir à une paix juste, globale et durable.
1 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 77/247 du 30 décembre 2022, doc. A/RES/77/247.
2 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 1515 du 19 novembre 2003 (ci-après la « résolution 1515 (2003) »), doc. S/RES/1515 (2003).
3 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 2334 du 23 décembre 2016 (ci-après la « résolution 2334 (2016) »), doc. S/RES/2334 (2016).
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En l’absence de perspective immédiate d’une solution négociée entre les parties, l’Irlande a voté en faveur de la résolution 77/247 (2022) et estime que, à ce stade, une élucidation par la Cour des problèmes de droit international que pose l’occupation prolongée du Territoire palestinien occupé ne peut qu’aider à fournir une base stable sur laquelle bâtir un règlement juste de cet interminable conflit.
EXERCICE DE LA COMPÉTENCE DE LA COUR
5. Selon l’Irlande, la Cour a compétence pour donner un avis consultatif en la présente procédure et devrait exercer son pouvoir discrétionnaire à cet effet, et ce, pour les raisons exposées ci-après.
6. Premièrement, l’Assemblée générale est autorisée, en vertu du paragraphe 1 de l’article 96 de la Charte, à demander à la Cour un avis consultatif sur toute question juridique. L’Irlande considère que les questions sur lesquelles l’Assemblée générale sollicite l’avis de la Cour en l’espèce sont des questions juridiques ; elles ont été libellées en termes juridiques, soulèvent des problèmes de droit international et sont donc, par leur nature même, susceptibles de recevoir une réponse fondée en droit.
7. Deuxièmement, compte tenu de l’appréciation que la Cour a faite de la pratique de l’Assemblée générale4, l’Irlande estime que la demande d’avis consultatif formulée en l’espèce entre bien dans le champ de compétence de celle-ci. Quoique la situation au Moyen-Orient, y compris la question palestinienne, continue de figurer à son ordre du jour5, le Conseil de sécurité n’exerce pas actuellement, à cet égard, les fonctions qui lui sont assignées par la Charte, et il n’a, en réalité, pris aucune mesure relative à ladite situation depuis l’adoption de sa résolution 2334 en 2016.
8. Troisièmement, ainsi que cela ressort clairement de la jurisprudence de la Cour, le fait qu’une question juridique soumise à celle-ci en vue d’obtenir un avis consultatif puisse revêtir des aspects politiques ne prive pas la Cour de sa compétence de rendre cet avis6.
9. Quatrièmement, bien que la Cour, en vertu du paragraphe 1 de l’article 65 du Statut, jouisse du pouvoir discrétionnaire de ne pas donner d’avis consultatif, l’Irlande estime qu’il y a bel et bien lieu, en la présente procédure, qu’elle accède à la demande de l’Assemblée générale. En effet, que les autorités israéliennes ou palestiniennes concernées consentent ou non à ce qu’elle le fasse, la question du Territoire palestinien occupé intéresse directement l’ONU elle-même et s’inscrit dans un cadre bien plus large que celui d’un différend bilatéral, ce qui constitue un élément important dans la décision de la Cour d’exercer ou non sa compétence consultative.
10. Enfin, en ce qui concerne l’argument selon lequel un avis consultatif ferait obstacle à une solution politique négociée au conflit israélo-palestinien, l’Irlande considère que l’absence prolongée de toute perspective d’une telle solution, et ce pendant de nombreuses années, rend d’autant plus nécessaire le prononcé d’un avis à ce stade. Selon elle, une clarification faisant autorité sur les
4 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I) (ci-après « l’avis consultatif sur l’édification d’un mur »), p. 150, par. 28.
5 Voir le site Internet du Conseil de sécurité, accessible à l’adresse suivante : https://www.un.org/securitycouncil/ content/repertoire/middle-east.
6 Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 245, par. 41.
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problèmes juridiques importants soulevés dans la demande d’avis consultatif contribuerait à fournir une base essentielle pour une paix juste, durable et globale entre Israël et la Palestine.
11. Ainsi que la Cour elle-même l’a conclu dans son avis consultatif de 2004 sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (ci-après l’« avis consultatif sur l’édification d’un mur»), « seule la mise en oeuvre de bonne foi de toutes les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité … est susceptible de mettre un terme à cette situation tragique … en vue d’aboutir le plus tôt possible, sur la base du droit international, à une solution négociée des problèmes pendants et à la constitution d’un État palestinien vivant côte à côte avec Israël et ses autres voisins, et d’assurer à chacun dans la région paix et sécurité »7. Malheureusement, cet objectif n’a pas été atteint et, au cours des 19 années qui se sont écoulées depuis lors, la situation sur le terrain n’a cessé de se détériorer gravement.
OCCUPATION PROLONGÉE ET APPLICATION DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE ET DU DROIT INTERNATIONAL DES DROITS DE L’HOMME
12. Israël occupe le territoire palestinien en cause depuis 1967 et, en conséquence, est tenu de respecter le droit international humanitaire applicable, y compris le droit de l’occupation militaire et le droit international des droits de l’homme. Comme la Cour l’a déterminé dans l’avis consultatif sur l’édification d’un mur, ce corpus juridique comprend la section III du règlement de La Haye annexé à la convention de La Haye de 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre (ci-après le « règlement de La Haye »)8, les dispositions pertinentes de la convention de Genève de 1949 relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (ci-après la « quatrième convention de Genève »)9, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques10, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels11 et la convention de 1989 relative aux droits de l’enfant12.
13. Si Israël est en droit de se protéger et de protéger son peuple contre les attaques, toute mesure prise dans l’exercice de ce droit doit respecter les règles pertinentes du droit international. En conséquence, Israël — en tant que puissance occupante, et non souveraine, dans le Territoire palestinien occupé — doit veiller à ce que, pendant la durée de son occupation, son administration de ce territoire soit conforme à ses obligations au regard du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme, notamment en protégeant les droits de la population palestinienne13. Or, comme l’attestent maintes résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale14, il ne l’a pas fait, agissant de manière incompatible avec son statut de puissance occupante et en violation d’un grand nombre de ses obligations juridiques essentielles.
14. De fait, par sa pratique d’implantation et d’expansion de colonies de peuplement, Israël se livre de longue date à une pratique consistant à transférer une partie de sa propre population civile
7 Avis consultatif sur l’édification d’un mur, p. 201, par. 162.
8 Ibid., p. 185, par. 124.
9 Ibid., p. 177, par. 101.
10 Ibid., p. 180, par. 111.
11 Ibid., p. 180, par. 112.
12 Ibid., p. 181, par. 113.
13 Voir, par exemple, règlement de La Haye, art. 43 et 46 ; quatrième convention de Genève, art. 27.
14 Voir, par exemple, Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 2334 de 2016 ; et Assemblée générale, résolution 77/126 du 12 décembre 2022, doc. A/RES/77/126 (ci-après la « résolution 77/126 (2022) »).
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dans le Territoire palestinien occupé, en violation du sixième alinéa de l’article 49 de la quatrième convention de Genève, malgré la condamnation expresse et répétée de cette pratique par le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale — et les appels à y mettre fin —
15 et malgré la confirmation par la Cour de l’illicéité de cette pratique dans la procédure consultative sur l’édification d’un mur16. Dans cette procédure, la Cour a également jugé qu’Israël avait détruit et réquisitionné des biens palestiniens d’une manière qui ne pouvait se justifier par la nécessité militaire et en violation des articles 46 et 52 du règlement de La Haye et de l’article 53 de la quatrième convention de Genève17. Or, il ressort de rapports récents du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ci-après le « Secrétaire général ») et du haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme (ci-après le « haut-commissaire ») que, plutôt que de cesser ces violations, Israël a au contraire continué à détruire et à réquisitionner illicitement des biens dans tout le Territoire palestinien occupé, dans le cadre de sa politique d’encouragement et de facilitation de l’expansion des colonies18. La Cour a également jugé, dans son avis sur l’édification d’un mur, qu’Israël avait violé différents droits de l’homme des Palestiniens, y compris la liberté de circulation19 ; ces violations semblent cependant s’être poursuivies par suite de l’expansion rapide des colonies israéliennes et des infrastructures associées, y compris des routes qui relient les colonies entre elles, mais séparent et divisent les zones résidentielles palestiniennes20.
15. Certains rapports récents du Secrétaire général et du haut-commissaire démontrent aussi que les Palestiniens sont de plus en plus souvent la cible de graves actes de violence perpétrés par les colons israéliens, contre lesquels ils ne reçoivent pas de protection adéquate de la part des forces de sécurité israéliennes ; de fait, d’après ces rapports, les forces de sécurité facilitent souvent la violence et y participent21. Le Secrétaire général et le haut-commissaire ont conclu l’un et l’autre qu’Israël avait, en conséquence, manqué de protéger la population palestinienne conformément aux obligations qui lui incombent au regard de l’article 43 du règlement de La Haye et de l’article 27 de la quatrième convention de Genève22. Ils ont rapporté que ces actes de violence, ainsi que des violations du droit international telles que la réquisition et la destruction de biens palestiniens, avaient, dans certains cas, forcé les Palestiniens à quitter leur lieu de résidence, ce qui suscite de graves craintes que des transferts forcés aient eu lieu, en violation du paragraphe 1 de l’article 49 de la quatrième convention de Genève23.
16. En tant que puissance occupante, Israël est tenu d’administrer les biens publics et les ressources naturelles conformément aux règles de l’usufruit, comme le prévoit l’article 55 du règlement de La Haye, et de respecter le droit du peuple palestinien à la souveraineté permanente sur
15 Voir, par exemple, résolution 1515 (2003) ; résolution 2334 (2016) ; et résolution 77/126 (2022).
16 Avis consultatif sur l’édification d’un mur, p. 183-184, par. 120.
17 Ibid., p. 189, par. 132 ; p. 192, par. 135.
18 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé (ci-après « rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement ») du 3 octobre 2022, Nations Unies, doc. A/77/493, p. 6-10, par. 17-27 ; rapport du haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé (ci-après « rapport du haut-commissaire sur les colonies de peuplement ») du 15 mars 2023, Nations Unies, doc. A/HRC/52/76, p. 9, par. 25 ; p. 11, par. 34 ; voir également résolution 2334 (2016), quatrième alinéa du préambule.
19 Avis consultatif sur l’édification d’un mur, p. 191-194, par. 134, 136-137.
20 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 3 octobre 2022, Nations Unies, doc. A/77/493, p. 7-8, par. 21 ; p. 9-10, par. 27 ; et rapport du haut-commissaire sur les colonies de peuplement du 15 mars 2023, Nations Unies, doc. A/HRC/52/76, p. 4, par. 9 ; p. 19, par. 60.
21 Voir respectivement ibid., p. 10-13, par. 28-40 ; et ibid., p. 12-14, par. 36-43.
22 Voir respectivement ibid., p. 13, par. 38 ; p. 21, par. 73 ; et ibid., p. 19, par. 61.
23 Voir respectivement ibid., p. 13, par. 38 ; p. 16-20, par. 48-67 ; et ibid., p. 15-18, par. 49-55.
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ses ressources naturelles. Or, le Secrétaire général a indiqué dans ses rapports que les activités israéliennes de colonisation empêchaient le peuple palestinien de contrôler ses ressources naturelles et qu’Israël exploitait ces ressources au profit de sa propre population et au détriment des Palestiniens
24.
COLONIES
17. Le caractère illicite des colonies israéliennes dans le Territoire palestinien occupé est bien établi25, y compris par la Cour dans son avis consultatif sur l’édification d’un mur26. Comme cela a été exposé ci-dessus, l’Irlande elle-même a maintes fois appelé l’attention sur l’illicéité des colonies, notamment dans des déclarations récentes alors qu’elle siégeait en tant que membre élu au Conseil de sécurité27.
18. Il ressort clairement des rapports du Secrétaire général et d’autres sources faisant autorité que les colonies sont la caractéristique distinctive de la présence d’Israël dans le Territoire palestinien occupé. Celles-ci, ainsi que les infrastructures et activités qui leur sont associées, contribuent grandement aux violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme évoquées ci-dessus. L’Irlande examinera ci-après le développement et la nature des colonies elles-mêmes, y compris les régimes juridiques et administratifs qui y sont associés.
24 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 9 octobre 2013, Nations Unies, doc. A/68/513, p. 13-14, par. 38-41 ; rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 18 septembre 2012, Nations Unies, doc. A/67/375, p. 6-7 par. 13-14 ; et rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 6 novembre 2009, Nations Unies, doc. A/64/516, p. 13, par. 42. Voir également rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël du 14 septembre 2022, Nations Unies, doc. A/77/328, p. 13-14, par. 35-40.
25 Voir, par exemple, note du président du Conseil de sécurité, 17 novembre 1976, Nations Unies, doc. S/12233, dans laquelle le Conseil a indiqué ceci : « les mesures prises par Israël dans les territoires occupés qui en modifient la composition démographique ou le caractère géographique et, en particulier, la constitution de colonies de peuplement, sont en conséquence vivement déplorées. Ces mesures, qui n’ont aucune validité en droit et ne sauraient préjuger l’issue des efforts entrepris pour instaurer la paix, constituent un obstacle à celle-ci » ; résolution 465 du Conseil de sécurité du 1er mars 1980, Nations Unies, doc. S/RES/465 (1980), dans laquelle le Conseil a indiqué ceci : « toutes les mesures prises par Israël pour modifier le caractère physique, la composition démographique, la structure institutionnelle ou le statut des territoires palestiniens et des autres territoires arabes occupés depuis 1967, y compris Jérusalem, ou de toute partie de ceux-ci n’ont aucune validité en droit et que la politique et les pratiques d’Israël consistant à installer des éléments de sa population et de nouveaux immigrants dans ces territoires constituent une violation flagrante de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre » ; et résolution 2334 (2016), dans laquelle le Conseil a réaffirmé « que la création par Israël de colonies de peuplement dans le Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, n’a[vait] aucun fondement en droit et constitu[ait] une violation flagrante du droit international ».
26 Avis consultatif sur l’édification d’un mur, p. 183-184, par. 120.
27 Voir, par exemple, « Statement by Minister Coveney at UNSC Debate on the Middle East, Including the Palestinian Question », Security Council Statement, 26 janvier 2021, accessible à l’adresse suivante : https://www.dfa.ie/our-role-policies/international-priorities/our-international-partners/united-nations/unsecuritycouncilstatements/statementarchive/statement-by-minister-coveney-at-unsc-debate-on-the-middle-east-including-the-palestinian- question.php ; « Statement by Minister Coveney at UNSC Meeting on the Middle East, Including the Palestinian Question », Security Council Statement, 16 mai 2021, accessible à l’adresse suivante : https://www.dfa.ie/pmun/newyork/ news-and-speeches/securitycouncilstatements/statementsarchive/statement-by-minister-coveney-at-unsc-meeting-on-the-middle-east-including-the-palestinian-question.html ; et « Statement at UNSC briefing on the Middle East, Incl. the Palestinian Question », Security Council Statement, 19 décembre 2022, accessible à l’adresse suivante : https://www.dfa.ie/pmun/newyork/news-and-speeches/securitycouncilstatements/statementsarchive/statement-at-unsc-briefing-on-the-middle-east-incl-the-palestinian-question.html.
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Contrôle des terres
19. Des colonies israéliennes ont été construites dans le Territoire palestinien occupé sous chaque gouvernement israélien depuis 196728. Dans un rapport publié en 2013, le Secrétaire général a examiné les différentes méthodes auxquelles Israël avait eu recours depuis lors pour saisir des terres aux fins de la colonisation29. Il a observé que ces méthodes comprenaient la réquisition de terres au motif que cela était « nécessaire pour des besoins militaires essentiels et urgents », le fait de déclarer des terres « domaine de l’État » (y compris des terres appartenant à des Palestiniens)30 et les « expropriations [de terres palestiniennes] “dans l’intérêt de la population” »31. En 2014, le Secrétaire général a souligné que « le procédé consistant à proclamer certaines terres domaines de l’État était incompatible avec les normes internationales en matière de régularité de la procédure et portait atteinte au droit des Palestiniens à un recours effectif. Elle semble également être une mesure du Gouvernement israélien visant à favoriser l’extension des colonies ou la création de nouvelles »32. Ce nonobstant, des rapports fiables attestent qu’Israël continue d’employer ces méthodes pour réquisitionner des terres33. Le Secrétaire général, se fondant sur des « pratiques antérieures », a ainsi indiqué que, une fois que la « proclamation de “domaine de l’État” [était] avalisée, les terres [étaient] en toute probabilité affectées à des implantations israéliennes »34. En 2013, Israël avait, en recourant à différentes méthodes, « saisi » des terres couvrant environ la moitié de la Cisjordanie35 à des fins de colonisation.
20. Le Secrétaire général, dans ses rapports annuels sur les colonies de peuplement, a décrit comment la « régularisation d’avant-postes » contribuait à la consolidation des colonies de peuplement36. Bien que ces « avant-postes » soient établis sans l’approbation de l’État israélien et soient illégaux au regard du droit interne israélien, leur régularisation est facilitée par le Gouvernement israélien37 selon un processus qui « revient en fait à récompenser les colons qui accaparent des terres en Cisjordanie »38. Le haut-commissaire, quant à lui, a rapporté que les fermes servant d’avant-postes, en particulier, permettaient aux colons de « s’approprier de très grandes superficies de terres en peu de temps » ; ces fermes constituent un « outil plus efficace que les
28 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 5 novembre 2008, Nations Unies, doc. A/63/519, p. 4, par. 7.
29 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 9 octobre 2013, Nations Unies, doc. A/68/513, p. 7, par. 17.
30 Ibid., p. 8, par. 20.
31 Ibid., p. 8-9, par. 21.
32 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 25 août 2014, Nations Unies, doc. A/69/348, p. 9, par. 21.
33 Voir, par exemple, rapport du haut-commissaire sur les colonies de peuplement du 28 avril 2022, Nations Unies, doc. A/HRC/49/85, p. 3-4, par. 8 ; et rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 3 octobre 2022, Nations Unies, doc. A/77/493, p. 3, par. 7.
34 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 25 août 2014, Nations Unies, doc. A/69/348, p. 8-9, par. 20.
35 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 9 octobre 2013, Nations Unies, doc. A/68/513, p. 7-8, par. 17.
36 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 5 octobre 2018, Nations Unies, doc. A/73/410 ; du 20 septembre 2019, doc. A/74/357 ; du 1er octobre 2020, doc. A/75/376 ; du 23 septembre 2021, doc. A/76/336 ; et du 3 octobre 2022, doc. A/77/493.
37 Voir, par exemple, rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 3 novembre 2022, Nations Unies, doc. A/77/493, p. 6, par. 16 ; du 23 septembre 2021, doc. A/76/336, p. 5, par. 14 ; du 20 septembre 2019, doc. A/74/357, p. 4, par. 14 ; et du 5 octobre 2018, doc. A/73/410, p. 5, par. 12.
38 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 31 août 2015, Nations Unies, doc. A/70/351, p. 5, par. 15.
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colonies pour s’emparer des terres »
39. Le Secrétaire général a précisé que la régularisation des avant-postes se traduisait généralement par leur incorporation dans des colonies existantes, ce qui permettait à Israël « d’éviter l’implantation officielle de nouvelles colonies et, de ce fait, le regard de la communauté internationale »40. Cela conduit à « consolider la position de colonies jusqu’alors isolées et [à] renforcer leurs liens avec des “blocs de colonies”. Relier ces différents points permet de créer progressivement, grâce aux colonies, de nouvelles zones de terres contiguës »41.
21. Le Secrétaire général et le haut-commissaire ont en outre estimé que la désignation de terres comme zones fermées à des fins militaires (en particulier comme zones de tir militaires)42, aux fins de projets agricoles43, de réserves naturelles44 ou encore de fouilles archéologiques,45 constituait autant de modalités employées par Israël pour prendre le contrôle direct des terres dans le Territoire palestinien occupé. De cette manière, Israël exerce un contrôle direct sur une zone beaucoup plus vaste de celui-ci que celle utilisée à la seule fin des colonies46. Parfois, les terres en question sont ultérieurement utilisées pour l’implantation de colonies47.
22. Des rapports fiables indiquent que la violence des colons contre les Palestiniens a atteint le niveau le plus élevé jamais enregistré depuis que les actes de ce type ont commencé à être recensés en 200548. Les mesures d’établissement des responsabilités pour les actes de violence perpétrés par les colons et les forces de sécurité contre les Palestiniens ont été qualifiées de « trop insuffisantes » par le haut-commissaire, qui a relevé que cette violence semblait s’inscrire « dans le cadre d’un effort calculé et systématique visant à étendre le contrôle d’Israël au-delà des colonies »49.
39 Rapport du haut-commissaire sur les colonies de peuplement du 15 mars 2023, Nations Unies, doc. A/HRC/52/76, p. 5, par. 12. Voir également rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 25 août 2014, Nations Unies, doc. A/69/348, p. 11, par. 28.
40 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 24 août 2016, Nations Unies, doc. A/71/355, p. 4-5, par. 11.
41 Ibid., p. 4-5, par. 11.
42 Rapport du haut-commissaire sur les colonies de peuplement du 15 mars 2023, Nations Unies, doc. A/HRC/52/76, p. 6-7, par. 16-19.
43 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 25 août 2014, Nations Unies, doc. A/69/348, p. 11, par. 28 ; et Rapport du haut-commissaire sur les colonies de peuplement du 15 mars 2023, Nations Unies, doc. A/HRC/52/76, p. 5, par. 12.
44 Rapport du haut-commissaire sur les colonies de peuplement du 15 mars 2023, Nations Unies, doc. A/HRC/52/76, p. 7, par. 20 ; et rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 1er octobre 2020, Nations Unies, doc. A/75/376, p. 4, par. 11.
45 Rapport du haut-commissaire sur les colonies de peuplement du 15 mars 2023, Nations Unies, doc. A/HRC/52/76, p. 7-8, par. 21 ; et rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 25 août 2014, Nations Unies, doc. A/69/348, p. 13, par. 33.
46 Rapport du haut-commissaire sur les colonies de peuplement du 15 mars 2023, Nations Unies, doc. A/HRC/52/76, p. 3-4, par. 7.
47 Ibid., p. 7, par. 19, p. 7-8, par. 21.
48 Rapport du haut-commissaire sur les colonies de peuplement du 15 mars 2023, Nations Unies, doc. A/HRC/52/76, p. 12, par. 38 ; et bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, « Palestinians resisting forcible transfer in Masaffer Yatta », 24 mars 2022, accessible à l’adresse suivante : https://www.ochaopt.org/content/palestinians-resisting-forcible-transfer-masaffer-yatta#ftn_ref5.
49 Rapport du haut-commissaire sur les colonies de peuplement du 15 mars 2023, Nations Unies, doc. A/HRC/52/76, p. 14-15, par. 46 ; p. 12, par. 37.
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Mise en place d’infrastructures permanentes
23. Il ressort des rapports du Secrétaire général et du haut-commissaire que, une fois que les autorités israéliennes contrôlent des terres dans le Territoire palestinien occupé et décident d’y construire des colonies de peuplement ou des infrastructures auxiliaires, cela est fait d’une manière indiquant fortement la permanence. En témoignent les investissements financiers importants du Gouvernement israélien dans l’infrastructure50, notamment les réseaux d’eau et d’égouts, les systèmes de communication et d’alimentation électrique et la mise en place de systèmes de sécurité, de soins de santé et d’enseignement51.
24. En particulier, Israël a investi massivement dans des « routes de contournement »52, dont la majorité « forme[] un réseau qui relie entre elles les différentes colonies et qui relient celles-ci à Israël même »53, tout en interrompant la continuité géographique du territoire palestinien54. Israël aurait ainsi récemment consacré une large part du budget de son programme de transport quinquennal au développement de routes de contournement dans le Territoire palestinien occupé55.
Croissance démographique dans les colonies
25. Le nombre de personnes vivant dans les colonies implantées dans le Territoire palestinien occupé a augmenté de façon régulière, à un rythme plus élevé que celui de la population israélienne dans son ensemble56. La population y est passée de 520 000 colons en 2012 à presque 700 000 en 202257, soit une augmentation de plus d’un tiers. Des articles de presse indiquent que le ministre israélien des finances a, en mai 2023, présenté des plans visant à augmenter le nombre de colons de
50 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 25 août 2014, Nations Unies, doc. A/69/348, p. 4, par. 9.
51 Rapport du haut-commissaire sur les colonies de peuplement du 15 mars 2023, Nations Unies, doc. A/HRC/52/76, p. 4-5, par. 10.
52 Ibid., p. 4, par. 9.
53 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 5 novembre 2008, Nations Unies, doc. A/63/519, p. 10-11, par. 28.
54 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 18 septembre 2012, Nations Unies, doc. A/67/375, p. 6, par. 11.
55 « Minister Regev: NIS 50 billion for the development of transportation in Israel », Statement of the Minister for Transport, 18 avril 2023, accessible à l’adresse suivante : https://www.gov.il/he/departments/news/18-04-2023#:~:text=% D7%94%D7%99%D7%A9%D7%92%20%D7%97%D7%A1%D7%A8%20%D7%AA%D7%A7%D7%93%D7%99%D7%9D%20%D7%9C%D7%A9%D7%A8%D7%AA%20%D7%94%D7%AA%D7%97%D7%91%D7%95%D7%A8%D7%94,%D7%91%D7%99%D7%95%D7%AA%D7%A8%20%D7%91%D7%99%D7%A9%D7%A8%D7%90%D7%9C%2C%20%D7%9C%D7%97%D7%9E%D7%A9%20%D7%94%D7%A9%D7%A0%D7%99%D7%9D%20%D7%94%D7%A7%D7%A8%D7%95%D7%91%D7%95%D7%AA. Voir également « Israel to Divert Funding From Sustainable Transport to Intercity Highways », Haaretz, 20 avril 2023, accessible à l’adresse suivante : https://www.haaretz.com/israel-news/2023-04-20/ty-article/.premium/israel-to-divert-funding-from-sustainable-transport- to-intercity-highways/00000187-9ae0-d50b-a78f-fff194260000.
56 Entre 2003 et 2012, la population des colonies a augmenté à un rythme presque trois fois supérieur au taux d’augmentation de la population israélienne dans son ensemble. Voir rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 9 octobre 2013, Nations Unies, doc. A/68/513, p. 5, par. 10.
57 Rapport du haut-commissaire sur les colonies de peuplement du 15 mars 2023, Nations Unies, doc. A/HRC/52/76, p. 3, par. 5.
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500 000 d’ici à 2030
58. Le Secrétaire général a confirmé que les colons israéliens avaient « modifi[é] la démographie de la Cisjordanie » d’une manière qui « menace » la présence démographique et territoriale du peuple palestinien59.
26. La croissance démographique résulte principalement de la construction de colonies, approuvée par le Gouvernement israélien, et d’avant-postes illégaux, mais facilités par le Gouvernement israélien, comme on l’a vu plus haut60. En outre, Israël soutient l’accroissement de la population des colonies en mettant en place des mesures visant à inciter les Israéliens à s’y installer, telles que la réduction du coût des logements, des prêts hypothécaires subventionnés, et des avantages en matière de fiscalité, d’éducation, d’agriculture et en ce qui concerne les entreprises61.
27. En 2015, le Secrétaire général, relevant que « [l]’interdiction expresse de transférer la population de la Puissance occupante dans un territoire occupé vis[ait] à déjouer les tentatives d’annexion de fait », a appelé l’attention sur le fait que les activités israéliennes de colonisation revenaient « à annexer lentement mais sûrement le Territoire palestinien occupé »62.
Extension de l’application du droit interne israélien
28. L’Irlande juge préoccupantes les informations selon lesquelles Israël aurait étendu, au moyen de réglementations d’urgence, l’application de certaines parties de sa législation interne aux colonies implantées dans le Territoire palestinien occupé63.
29. Le Secrétaire général a en outre indiqué que le Parlement israélien recourait également à la « pratique » consistant à « promulguer des lois d’application directe en Cisjordanie », ce qu’il a décrit comme « [f]aisant craindre une “annexion de facto” »64, préoccupation que partage l’Irlande. Ainsi, en 2017, le Secrétaire général a signalé l’adoption d’une loi légalisant rétroactivement des
58 Voir, par exemple, « Far-right Israeli Minister Lays Groundwork for Doubling West Bank Settler Population », Haaretz, 18 mai 2023, accessible à l’adresse suivante : https://www.haaretz.com/israel-news/2023-05-18/ty-article/. premium/far-right-israeli-minister-lays-groundwork-for-doubling-west-bank-settler-population/00000188-2de6-d6e4-ab9d-ede74a3e0000 ; « Amid signs of expansion, Israel assures US it’s not planning to double settler numbers », The Times of Israel, 23 mai 2023, accessible à l’adresse suivante : https://www.timesofisrael.com/amid-signs-of-expansion-israel- assures-us-its-not-planning-to-double-settler-numbers/ ; et « Israel’s Push to Expand West Bank Settlements, Explained », The New York Times, 29 juin 2023, accessible à l’adresse suivante : https://www.nytimes.com /2023/06/29/world/ middleeast/israel-west-bank-settlements-expansion.html.
59 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 18 septembre 2012, Nations Unies, doc. A/67/375, p. 6, par. 12.
60 Voir, par exemple, rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 3 novembre 2022, Nations Unies, doc. A/77/493, p. 6, par. 16 ; du 23 septembre 2021, doc. A/76/336, p. 5, par. 14 ; du 20 septembre 2019, doc. A/74/357, p. 4, par. 14 ; et du 5 octobre 2018, doc. A/73/410, p. 5, par. 12.
61 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 24 août 2016, Nations Unies, doc. A/71/355, p. 2-3, par. 4.
62 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 31 août 2015, Nations Unies, doc. A/70/351, p. 6, par. 17.
63 L’Israeli Democracy Institute explique que, depuis 1967, Israël a appliqué certaines lois israéliennes aux colons installés dans le Territoire palestinien occupé, leur conférant « à la fois des obligations (taxes, service militaire, octroi d’agrément pour diverses professions : juristes, professions médicales, etc.) et des droits (assurance et sécurité sociale israéliennes) » comme s’ils vivaient en Israël, sur la base de lois d’urgence introduites en 1967 et renouvelées périodiquement, intitulées « Law to Extend the Emergency Regulations (Judea and Samaria — Jurisdiction and Legal Aid 5727-1967) » : « The Judea and Samaria Regulations Law: An Explainer ». Israeli Democracy Institute, 7 juin 2022, accessible à l’adresse suivante : https://en.idi.org.il/articles/39012.
64 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 1er novembre 2017, Nations Unies, doc. A/72/564, p. 4, par. 13.
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avant-postes illégaux
65. Bien que cette mesure ait par la suite été jugée anticonstitutionnelle par la Haute Cour de justice israélienne66, c’était là la première fois, selon le rapport en question, que le Parlement israélien faisait valoir une compétence législative sur des questions relatives aux terres et aux biens (et en particulier aux biens palestiniens) dans le Territoire palestinien occupé67. Peu de temps après, le procureur général d’Israël et le conseiller juridique du Parlement israélien ont publié des directives selon lesquelles tous les nouveaux projets de loi devraient comporter un examen de leur applicabilité dans les colonies68. Le Secrétaire général a par ailleurs indiqué que la législation israélienne relative à l’enseignement supérieur69 et au logement locatif70 avait également été étendue au Territoire palestinien occupé et que la compétence des juridictions inférieures israéliennes avait été étendue aux demandes concernant la planification et la construction dans ce territoire71. Il a jugé que ce dernier élément « brouillerait encore plus les distinctions entre Israël et le Territoire palestinien occupé »72.
Transfert de l’administration du territoire d’un contrôle militaire à un contrôle civil
30. L’article 42 du règlement de La Haye dispose qu’un territoire est « considéré comme occupé lorsqu’il se trouve placé de fait sous l’autorité de l’armée ennemie » et que « [l]’occupation ne s’étend qu’aux territoires où cette autorité [militaire] est établie et en mesure de s’exercer ». Le fait qu’une puissance occupante transfère les pouvoirs sur un territoire occupé du commandement militaire à un ministère ou à un organisme civil fait craindre que cette puissance entend absorber le territoire en question dans son propre territoire, violant ainsi l’interdiction d’acquérir un territoire par la menace ou l’emploi de la force prévue par le droit international.
31. Le Territoire palestinien occupé se trouve sous l’autorité de l’unité militaire de la coordination des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT) depuis que celle-ci a été établie en 1967 pour administrer les questions civiles et de sécurité dans ledit territoire. La COGAT relève du ministère israélien de la défense. L’« administration civile » israélienne a été créée ultérieurement, en 1981, comme partie intégrante de la COGAT par le commandant des forces de
65 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 1er novembre 2017, Nations Unies, doc. A/72/564, p. 5, par. 15.
66 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 23 septembre 2021, Nations Unies, doc. A/76/336, p. 4, par. 14.
67 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 1er novembre 2017, Nations Unies, doc. A/72/564, p. 4, par. 13.
68 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 5 octobre 2018, Nations Unies, doc. A/73/410, p. 5, par. 11. Voir également : « New Laws Should Also Consider Settlers in West Bank, Says Israeli Attorney General », Haaretz, 31 décembre 2017, accessible à l’adresse suivante : https://www.haaretz.com/israel-news/2017-12-31/ ty-article/.premium/new-draft-laws-must-also-consider-settlers-in-west-bank-says-israeli-ag/0000017f-f671-d318-afff-f7 737f7e0000.
69 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 5 octobre 2018, Nations Unies, doc. A/73/410, p. 4-5, par. 10.
70 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 3 octobre 2022, Nations Unies, doc. A/77/493, p. 6, par. 16.
71 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 5 octobre 2018, Nations Unies, doc. A/73/410, p. 4-5, par. 10. Voir également : « Israel Passes New Law Limiting Palestinians’ Access to Court », Haaretz, 17 juillet 2018, accessible à l’adresse suivante : https://www.haaretz.com/israel-news/2018-07-17/ty-article/.premium/knesset- advances-bill-barring-palestinians-from-petitioning-high-court/0000017f-e21b-d568-ad7f-f37bac270000.
72 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 5 octobre 2018, Nations Unies, doc. A/73/410, p. 4-5, par. 10. Voir également : « Israel Passes New Law Limiting Palestinians’ Access to Court », Haaretz, 17 juillet 2018, accessible à l’adresse suivante : https://www.haaretz.com/israel-news/2018-07-17/ty-article/.premium/ knesset-advances-bill-barring-palestinians-from-petitioning-high-court/0000017f-e21b-d568-ad7f-f37bac270000.
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défense israéliennes (FDI) dans le territoire (en application de l’ordonnance militaire 947)
73. Elle était chargée d’administrer les affaires civiles du territoire conformément aux directives énoncées dans l’ordonnance, certaines responsabilités administratives relatives aux futures zones A et B ayant cependant été par la suite transférées à l’Autorité palestinienne après la conclusion des accords d’Oslo en 1993. Le chef actuel de l’ « administration civile » est un général de brigade des FDI.
32. Bien que des mesures aient déjà été prises auparavant pour transférer aux autorités civiles israéliennes des pouvoirs relatifs à certains aspects de l’administration du territoire (ce que le haut-commissaire a considéré comme une « extension de la compétence des autorités israéliennes au territoire occupé … incompatible avec le droit international humanitaire »74), l’Irlande est préoccupée par les informations faisant état d’une augmentation importante de tels transferts depuis l’arrivée au pouvoir du 37e Gouvernement israélien en décembre 2022.
33. Au mois de décembre dernier, le Parlement israélien a ainsi créé un nouveau poste ministériel au sein du ministère de la défense75 et, en février de cette année, il a été annoncé qu’un accord avait été trouvé au sein du Gouvernement israélien concernant le partage des responsabilités entre le ministre de la défense et ce nouveau ministre76. Aux termes de cet accord, une série de pouvoirs relatifs au Territoire palestinien occupé, précédemment détenus par l’« administration civile » dirigée par l’armée, doivent être transférés au nouveau ministre ; un adjoint civil au chef militaire de l’« administration civile » doit être désigné ; et une nouvelle direction des colonies doit être créée en vue de conduire une réforme pour une « citoyenneté égale » dans le Territoire palestinien occupé77.
34. Au mois de février également, le Gouvernement aurait transféré certaines responsabilités relatives aux avant-postes illégaux (qu’il désigne par les expressions « jeunes implantations » ou « implantations israéliennes irrégulières ») de l’armée au ministère du développement du Néguev et de la Galilée, et de la résilience nationale78. En juin, le Gouvernement a modifié le processus de
73 Jerusalem Media & Communication Centre, “Israeli Military Orders in the Occupied Palestinian West Bank 1967-1992”, Second Edition 1995, accessible à l’adresse suivante : http://www.jmcc.org/documents/JMCCIsraeli_ military_orders.pdf.
74 Par exemple, la responsabilité des sites archéologiques de la zone C a été transférée de l’« administration civile » israélienne à l’autorité des antiquités d’Israël du ministère israélien de la culture. Voir rapport du haut-commissaire sur les colonies de peuplement du 15 mars 2023, Nations Unies, doc. A/HRC/52/76, p. 8, par. 22.
75 Amendment No. 11 to the Basic Law: The Government, 27 décembre 2022.
76 « The Prime Minister, the Defense Minister and the Additional Defense Minister Sign a Memorandum of Understanding on the Division of Responsibility in the Ministry of Defense », Prime Minister’s Office Press Release 23 février 2023, accessible à l’adresse suivante : https://www.gov.il/he/departments/news/event-understanding230223.
77 « Document of Understanding and Division of Responsibilities and Powers between the Minister of Defense and the Additional Minister in the Ministry of Defense », 23 février 2023, accessible à l’adresse suivante : https://ynet-pic1.yit.co.il/picserver5/wcm_upload_files/2023/02/23/SkylTh4As/______________________.pdf. Voir également « Israeli pro-settler minister formally gains West Bank powers », Reuters, 23 février 2023, accessible à l’adresse suivante : https://www.reuters.com/world/middle-east/israeli-pro-settler-minister-formally-gains-west-bank-powers-2023 -02-23/ ; et, pour une explication de ladite « citoyenneté égale », « What is Bezalel Smotrich’s plan for West Bank settlements? – analysis », The Jerusalem Post, 2 mars 2023, accessible à l’adresse suivante : https://www.jpost.com/ israel-news/article-733141.
78 Décision gouvernementale no 109 du 5 février 2023, accessible à l’adresse suivante : https://www.gov.il/ he/departments/policies/dec109-2023.
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planification des implantations
79 en abaissant, semble-t-il, le nombre et le niveau des autorisations requises pour certains types de projets de construction — accélérant ainsi la planification et l’approbation des implantations —, et transféré les pouvoirs d’autorisation en matière d’expansion des colonies au nouveau ministre au sein du ministère de la défense80.
Résumé en ce qui concerne la nature et l’étendue des colonies
35. Au vu de ce qui précède, l’Irlande conclut que les politiques et pratiques d’Israël relatives aux colonies dans le Territoire palestinien occupé sont en contradiction totale avec l’administration temporaire de territoires conformément au droit de l’occupation militaire. Pour résumer :
 Israël utilise différents moyens pour prendre et exercer le contrôle, à des fins non militaires, sur le maximum de terres possible dans le Territoire palestinien occupé ;
 après en avoir pris le contrôle, Israël entreprend des travaux de construction à caractère permanent sur ces terres, notamment pour développer les colonies et les infrastructures associées ou en encourager le développement ;
 Israël transfère un grand nombre de ses propres citoyens dans le Territoire palestinien occupé, auxquels il fournit des logements dans ces colonies permanentes ;
 Israël encourage et incite la croissance de la population israélienne dans les colonies, ce qui a pour effet de modifier progressivement et profondément la démographie du Territoire palestinien occupé ;
 Israël étend l’application de son droit interne aux habitants des colonies, brouillant ainsi la distinction entre Israël et le Territoire palestinien occupé ; et
 Israël transfère l’exercice de certains pouvoirs relatifs au Territoire palestinien occupé du commandement militaire à des ministères et à des organismes civils, intégrant ainsi l’administration dudit territoire à celle de son État.
ANNEXION
36. Dans son avis consultatif sur l’édification d’un mur, la Cour a confirmé l’illicéité de toute acquisition de territoire résultant de la menace ou de l’emploi de la force81. Il lui était demandé de se prononcer sur la licéité de la construction alors en cours, par Israël, d’un mur dont le tracé s’écartait de la ligne d’armistice de 1949 et qui aurait pour effet, une fois achevé, qu’approximativement 975 kilomètres carrés du Territoire palestinien occupé se retrouveraient du côté israélien du mur82. Israël soutenait que le mur avait pour seul but de lutter contre les attentats terroristes en provenance
79 Décision gouvernementale no 657 du 18 juin, modifiant la décision gouvernementale no 150 du 2 août 1996, accessible à l’adresse suivante : https://www.gov.il/he/departments/policies/dec657-2023. Voir également « Statement attributable to the Spokesperson for the Secretary-General - on Israel and the Occupied Palestinian Territory », Statement, 19 juin 2023, accessible à l’adresse suivante : https://www.un.org/sg/en/content/sg/statement/2023-06-19/ statement-attributable-the-spokesperson-for-the-secretary-general-israel-and-the-occupied-palestinian-territory.
80 Voir « Statement on Israeli Cabinet Decision to Expedite West Bank Settlement Expansion », Israel Policy Forum Press Release, 19 juin 2023, accessible à l’adresse suivante : https://israelpolicyforum.org/2023/06/19/statement-on- israeli-cabinet-decision-to-expedite-west-bank-settlement-expansion/ ; et « The United States is Deeply Troubled with Israeli Settlement Announcement », Press Statement United States Department of State, 18 juin 2023, accessible à l’adresse suivante : https://www.state.gov/the-united-states-is-deeply-troubled-with-israeli-settlement-announcement/.
81 Avis consultatif sur l’édification d’un mur, p. 171, par. 87.
82 Ibid., p. 170, par. 84.
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dudit territoire et qu’il s’agissait d’une mesure à caractère temporaire
83. La Cour a cependant estimé que le tracé du mur était susceptible de « préjug[er] la frontière future entre Israël et la Palestine » en intégrant les colonies de peuplement situées d’un côté du mur, ainsi que les voies de circulation les desservant, dans le propre territoire d’Israël, et que « la construction du mur et le régime qui lui [était] associé cré[ai]ent sur le terrain un “fait accompli” qui pourrait fort bien devenir permanent, auquel cas, et nonobstant la description officielle qu’Israël donn[ait] du mur, la construction de celui-ci équivaudrait à une annexion de facto »84. En outre, la Cour a constaté que la construction du mur « risqu[ait] également de conduire à de nouvelles modifications dans la composition démographique du territoire palestinien occupé »85.
37. En dépit de la conclusion de la Cour, qui avait jugé que la construction du mur était contraire au droit international et qu’Israël était tenu de cesser immédiatement les travaux d’édification du mur et d’en démanteler les portions déjà achevées, la construction s’est poursuivie après le prononcé de l’avis consultatif. À ce jour, le mur reste inachevé, mais les travaux d’entretien et de construction se poursuivent de façon continue86. L’Irlande estime que la situation envisagée par la Cour est ainsi devenue une réalité, démontrée de façon évidente par la permanence du mur, presque 20 ans plus tard : le mur et le régime qui lui est associé ont créé une situation d’annexion de facto sur les parties du Territoire palestinien occupé qui sont situées entre le mur et Israël.
38. L’Irlande considère que la situation d’annexion créée par le mur s’inscrit dans un processus plus large d’annexion de terres par Israël à l’intérieur du Territoire palestinien occupé, comme en témoignent notamment les colonies de peuplement et le régime qui leur est associé. Ainsi que cela a été indiqué plus haut, les colonies — dont l’expansion s’intensifie — sont manifestement conçues pour être permanentes. Cette regrettable conclusion repose sur les changements démographiques importants engendrés par les colonies et les investissements considérables de l’État israélien dans leur construction et dans le développement d’infrastructures auxiliaires. Elle repose en outre sur les mesures législatives et administratives décrites ci-dessus, qui étendent l’application du droit interne israélien au Territoire palestinien occupé et l’administration civile à l’intérieur de celui-ci, et rendent de plus en plus floue la distinction entre les colonies et Israël. Selon l’Irlande, ces facteurs mettent clairement en évidence un processus d’annexion, qui a été reconnu comme tel par la Chambre basse du Parlement irlandais dans une résolution approuvée par le Gouvernement irlandais87. Les préoccupations de l’Irlande sont encore accentuées par les directives politiques émises par le nouveau Gouvernement israélien de coalition qui, entre autres, engagent le Gouvernement à « renforcer et développer la colonisation de toutes les parties des « terres d’Israël » — en Galilée, dans le Néguev, dans le Golan et en Judée et Samarie » (ces dernières désignant le Territoire palestinien occupé)88.
83 Ibid., p. 182, par. 116.
84 Ibid., p. 184, par. 121.
85 Ibid., p. 184, par. 122.
86 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 25 août 2014, Nations Unies, doc. A/69/348, p. 4-5, par. 10.
87 « Annexation of Palestine », Dáil Éireann Debate, 26 mai 2021, vol. 1007, no 6, accessible à l’adresse suivante : https://www.oireachtas.ie/en/debates/debate/dail/2021-05-26/17/.
88 Voir la page du site Internet du Parlement israélien concernant le 37e Gouvernement israélien, sur laquelle figurent des liens vers les accords de coalition et les directives de ce gouvernement. Les directives politiques sont annexées aux accords de coalition. Accessible à l’adresse suivante : https://main.knesset.gov.il/mk/government/pages/ governments.aspx?govid=37.
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39. L’annexion de jure de Jérusalem-Est par Israël au moyen de l’adoption de sa « loi fondamentale » de 198089 avait fait suite à un processus d’annexion de facto de ce territoire, qui s’était déroulé sur de nombreuses années. L’Irlande est d’avis que les informations exposées ci-dessus, ainsi que les nombreux éléments supplémentaires contenus dans les multiples rapports du Secrétaire général et du haut-commissaire, entre autres documents soumis à la Cour, démontrent qu’un processus d’annexion a également aujourd’hui atteint un stade avancé dans le Territoire palestinien occupé au sens large.
40. Lorsque le Gouvernement israélien a fait une annonce en avril 202090 concernant une proposition d’annexion de certaines parties du Territoire palestinien occupé, celle-ci a suscité de nombreuses critiques et une très large opposition de la communauté internationale91. Au vu de cette expérience, il est peu probable, à ce stade, qu’Israël fasse une déclaration expresse d’annexion de jure de quelques terres que ce soit. L’Irlande estime qu’Israël est pourtant déjà en train d’annexer des terres palestiniennes. Il le fait de facto, dans le cadre de sa politique d’encouragement du changement démographique dans le Territoire palestinien occupé par des transferts de population et le développement et le maintien continus de colonies et d’infrastructures permanentes. L’Irlande craint qu’il ne soit également en train de le faire de jure, dans une certaine mesure, en étendant de plus en plus l’application du droit interne israélien et de l’administration civile aux colonies situées dans le Territoire palestinien occupé, les intégrant ainsi dans son propre territoire et gommant les différences législatives entre les deux territoires.
41. Qu’il se produise de facto, de jure, ou de l’une et l’autre manière, ce processus d’annexion viole clairement l’interdiction en droit international de l’acquisition de territoire par la menace ou l’emploi de la force. De l’avis de l’Irlande, tout argument tendant à dire que cette interdiction n’a pas été violée parce qu’Israël n’a pas encore formellement déclaré son annexion du Territoire palestinien occupé reviendrait à en nier l’effet. Cela reviendrait à accepter qu’Israël puisse acquérir des terres simplement en refusant de déclarer formellement ce qu’il tente en réalité d’accomplir.
AUTODÉTERMINATION
42. Le droit à l’autodétermination est une norme impérative du droit international général92 et, comme l’a confirmé la Cour dans l’avis consultatif de 2004, « un droit opposable erga omnes »93.
89 Basic Law: Jerusalem the Capital of Israel, 5740-1980, accessible à l’adresse suivante : https://main.knesset.gov.il/EN/activity/documents/BasicLawsPDF/BasicLawJerusalem.pdf.
90 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 1er octobre 2020, Nations Unies, doc. A/75/376, p. 4-5, par. 12.
91 Voir, par exemple, « Annexing Parts of the West Bank Will “Grievously Harm” Two-State Solution, Secretary-General Says, Addressing Security Council on Israeli Palestinian Conflict », Press Release, 24 juin 2020, SC/14225 ; « Israel: Statement by the High Representative Josep Borrell on the formation of a new government », Statement, 18 mai 2020, accessible à l’adresse suivante : https://www.eeas.europa.eu/eeas/israel-statement- high-representative-josep-borrell_en ; « Statement by Tánaiste on developments in Israel », Statement, 23 avril 2020, accessible à l’adresse suivante : https://dfa.ie/news-and-media/press-releases/press-release-archive/2020/april/ statement-by-tanaiste-on-developments-in-israel.php ; et « Urging a negotiated two-state solution between Israelis and Palestinians », Statement by UK Foreign Minister at the Security Council Briefing on the Middle East Peace Process, 23 juin 2020, accessible à l’adresse suivante : https://www.gov.uk/government/speeches/urging-a-negotiated- two-state-solution-between-israelis-and-palestinians.
92 Voir, par exemple, Commission du droit international), « Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs », 2001 (ci-après « projet d’articles sur la responsabilité de l’État »), où la CDI explique, au paragraphe 5 du commentaire de l’article 26, que « [l]es normes impératives qui sont clairement acceptées et reconnues sont … ainsi que le droit à l’autodétermination ».
93 Avis consultatif sur l’édification d’un mur, p. 172, par. 88, citant Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 102, par. 29 ; voir également Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 139, par. 180.
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L’article premier commun au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels réaffirme ce droit, en vertu duquel les peuples « déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel » et peuvent « disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles ». Dans son avis consultatif sur l’édification d’un mur, la Cour a jugé que la construction du mur et le régime qui lui était associé dressaient un obstacle grave à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination et violaient de ce fait l’obligation incombant à Israël de respecter ce droit, compte tenu des conséquences néfastes que le mur entraînait — ou pourrait entraîner — pour la présence des Palestiniens sur les terres situées dans le Territoire palestinien occupé et leur utilisation de celles-ci
94.
43. En 2015, le Secrétaire général a estimé que « la création et le maintien de colonies de peuplement rev[enaient] à annexer lentement mais sûrement le Territoire palestinien occupé », ce qui « prive les Palestiniens du droit à disposer d’eux-mêmes »95. Aujourd’hui, Israël continue plus que jamais à manquer à son obligation de respecter le droit des Palestiniens à l’autodétermination en maintenant et en étendant le mur (qui existe maintenant depuis plus de 20 ans), en annexant formellement Jérusalem-Est et en intensifiant ses activités de colonisation, comme exposé ci-dessus, que ces activités soient ou non considérées comme équivalant à un processus d’annexion. Cette intensification de la colonisation fragmente encore davantage la présence palestinienne dans le territoire occupé et restreint l’utilisation par les Palestiniens des terres et des ressources naturelles qui s'y trouvent. La nature et l’ampleur de la colonisation sont telles que celle-ci empêche totalement le peuple palestinien d’exercer son droit à l’autodétermination ; le peuple palestinien ne pourra exercer ce droit tant que ces activités de colonisation n’auront pas été annulées.
CONCLUSIONS RELATIVES AUX OBLIGATIONS JURIDIQUES D’ISRAËL
44. Comme indiqué plus haut, il est évident qu’Israël agit de manière incompatible avec son statut juridique en tant que puissance occupante et en violation de nombre des obligations qui lui incombent au regard du droit international humanitaire et du droit des droits de l’homme. Loin d’administrer le Territoire palestinien occupé de façon temporaire, conformément au droit de l’occupation militaire, Israël intensifie ses activités illicites de colonisation, qui sont assimilables à un processus d’annexion et constituent une violation grave de son obligation de respecter le droit à l’autodétermination du peuple palestinien. L’Irlande est au regret de conclure que les pratiques de colonisation d’Israël équivalent à une tentative de transformer une occupation temporaire, bien que prolongée, en un exercice d’acquisition permanente de territoire, selon un processus d’annexion progressif.
45. Selon l’Irlande, il ne peut y avoir aucune justification juridique pour une telle conduite. Même si Israël était confronté à une agression armée l’autorisant à exercer son droit de légitime défense, ses activités de colonisation ne sauraient se justifier à ce titre. Comme cela a été précisé ci-dessus, l’Irlande n’a eu d’autre choix que de conclure — à regret — que ces activités étaient assimilables à un processus d’annexion et constituaient une grave violation du droit à l’autodétermination — norme impérative du droit international général — qui ne saurait être justifiée au titre de la légitime défense. Même si les activités de colonisation d’Israël n’équivalaient pas à une annexion ou ne violaient pas le droit à l’autodétermination, elles ne pourraient en aucun cas être justifiées au motif de la légitime défense parce qu’elles ne constitueraient en aucun cas une mesure
94 Avis consultatif sur l’édification d’un mur, p. 184, par. 122.
95 Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement du 31 août 2015, Nations Unies, doc. A/70/351, p. 6, par. 17.
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nécessaire ou proportionnée (ce que requiert le droit international pour toute mesure prise dans ce cadre).
46. L’illicéité de ces activités ne peut pas non plus être exclue par l’état de nécessité au sens du droit international (tel que reflété aux articles 25 et 26 du projet d’articles de la Commission du droit internationalCDI sur la responsabilité de l’État (ci-après le « projet d’articles sur la responsabilité de l’État »)) ; l’état de nécessité ne saurait exclure l’illicéité d’une violation d’une norme impérative96. De plus, même si les activités illicites de colonisation menées par Israël ne constituaient pas une violation d’une telle norme, leur illicéité ne pourrait être exclue sur le fondement de l’état de nécessité, ne serait-ce que parce qu’elles ne sont pas, à l’évidence, le seul moyen pour Israël de protéger un intérêt essentiel contre un « péril grave et imminent »97.
CONSÉQUENCES JURIDIQUES
47. Les violations du droit international par Israël entraînent des conséquences juridiques non seulement pour Israël, mais aussi pour tous les autres États.
Israël
48. Dans son avis consultatif sur l’édification d’un mur, la Cour a constaté qu’Israël avait l’obligation de mettre un terme à la violation de ses obligations juridiques, notamment les obligations auxquelles il est tenu au regard du droit international humanitaire et l’obligation qui lui incombe de respecter le droit à l’autodétermination du peuple palestinien, ainsi que de réparer tous les dommages causés par ces violations98. Dans la présente procédure, le droit international coutumier oblige également Israël à cesser ses violations, y compris en faisant machine arrière sur ses activités de colonisation, et à fournir réparation à raison des dommages causés par ces violations par voie de restitution et d’indemnisation, selon qu’il convient.
Autres États
49. Dans l’avis consultatif sur l’édification d’un mur, la Cour a observé qu’Israël avait violé son obligation de respecter le droit du peuple palestinien à l’autodétermination ainsi que certaines des obligations qui sont les siennes en vertu du droit international humanitaire, et conclu ce qui suit : « Vu la nature et l’importance des droits et obligations en cause, la Cour est d’avis que tous les États sont dans l’obligation de ne pas reconnaître la situation illicite découlant de la construction du mur » ; tous les États sont « dans l’obligation de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par cette construction » ; et « Il appartient par ailleurs à tous les États de veiller … à ce qu’il soit mis fin aux entraves, résultant de la construction du mur, à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination. »99
50. L’article 41 du projet d’articles sur la responsabilité de l’État, qui reflète le droit international coutumier, prévoit que, lorsqu’un État commet une violation grave d’une obligation découlant d’une norme impérative du droit international général (à savoir une violation qui dénote un manquement flagrant ou systématique à l’exécution de l’obligation), les autres États doivent
96 Projet d’articles sur la responsabilité de l’État, art. 26.
97 Voir avis consultatif sur l’édification d’un mur, p. 195, par. 140 ; projet d’articles sur la responsabilité de l’État, art. 25.
98 Avis consultatif sur l’édification d’un mur, p. 197-198, par. 149-153.
99 Ibid., p. 200, par. 159.
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coopérer pour mettre fin, par des moyens licites, à la violation, ne doivent pas reconnaître comme licite la situation créée par la violation, et ne doivent pas prêter aide ou assistance au maintien de cette situation.
51. Les violations persistantes d’Israël comprennent la violation grave de son obligation de respecter le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, qui est une obligation découlant d’une norme impérative du droit international général et une obligation erga omnes (voir le paragraphe 42 ci-dessus). Il s’agit là incontestablement d’une sérieuse violation, étant donné sa gravité et la manière systématique dont elle est commise, de façon organisée et délibérée, depuis de nombreuses années. Ainsi que cela a été démontré ci-dessus, non seulement Israël n’a pas mis fin à cette violation après la conclusion énoncée par la Cour à cet égard dans l’avis consultatif sur l’édification d’un mur, mais il persiste à manquer gravement à l’obligation en cause.
52. Les États sont tenus de coopérer pour faire cesser la grave violation, par Israël, de son obligation de respecter le droit du peuple palestinien à l’autodétermination100 ou, comme l’a dit la Cour dans l’avis consultatif sur l’édification d’un mur, de veiller à ce qu’il soit mis fin aux entraves à l’exercice de ce droit, y compris par l’intermédiaire des organes de l’Organisation des Nations Unies (voir le paragraphe 57 ci-dessous) et, le cas échéant, d’autres organisations internationales, dont l’Union européenne.
53. Le droit international coutumier, tel qu’il est reflété à l’article 41 du projet d’articles sur la responsabilité de l’État fait également obligation aux États de ne pas reconnaître comme licite la situation créée par cette violation101, ni officiellement ni par des actes qui impliqueraient une telle reconnaissance102. Dans l’avis consultatif qu’elle a donné sur les Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie, la Cour a précisé les types d’actes qui auraient impliqué une reconnaissance inadmissible de la situation illicite dans ladite procédure (à savoir la présence de l’Afrique du Sud dans l’ancien territoire sous mandat de la Namibie, après la cessation du mandat) et jugé que le devoir de non-reconnaissance imposait aux États, entre autres, l’obligation « de ne pas entretenir avec l’Afrique du Sud … des rapports ou des relations de caractère économique ou autre qui seraient de nature à affermir l’autorité de l’Afrique du Sud dans le territoire [de la Namibie] »103.
54. L’Assemblée générale et le Conseil de sécurité ont appelé à la non-reconnaissance des situations créées par l’annexion ou par le déni du droit à l’autodétermination, notamment au sujet de l’annexion de la Crimée en 2014, l’Assemblée générale ayant demandé à « tous les États, organisations internationales et institutions spécialisées de ne reconnaître aucune modification du statut de la République autonome de Crimée et de la ville de Sébastopol … et de s’abstenir de tout acte ou contact susceptible d’être interprété comme valant reconnaissance d’une telle modification de statut »104. L’Union européenne a réagi à l’annexion de la Crimée en prenant une série de mesures
100 Projet d’articles sur la responsabilité de l’État, art. 41, p. 398, par. 1.
101 Ibid., par. 2 ; avis consultatif sur l’édification d’un mur, p. 200, par. 159.
102 Projet d’articles sur la responsabilité de l’État, commentaire de l’article 41, p. 309, par. 5.
103 Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 55-56, par. 121-124. Au paragraphe 125, la Cour a également apporté l’éclaircissement important selon lequel, « [d]’une manière générale, la non-reconnaissance de l’administration sud-africaine dans le territoire ne devrait pas avoir pour conséquence de priver le peuple namibien des avantages qu’il peut tirer de la coopération internationale ».
104 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 68/262 du 27 mars 2014, doc. A/RES/68/262, p. 2, par. 6. Voir également, par exemple, Nations Unies, Conseil de sécurité, résolutions 439 du 13 novembre 1978, doc. S/RES/439 (1978), par. 1, 3 ; et 448 du 30 avril 1979, doc. S/RES/448 (1979), p. 14, par. 3.
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diplomatiques, économiques et autres, qui visaient à exclure toute reconnaissance implicite de l’annexion et comprenaient une interdiction des importations de biens en provenance du territoire annexé et une interdiction d’y faire des investissements
105.
55. De la même manière, les États sont tenus de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par la violation, par Israël, de son obligation de respecter le droit du peuple palestinien à l’autodétermination106. L’Assemblée générale et le Conseil de sécurité ont d’ailleurs, par le passé, appelé tous les États à ne pas accorder quelque assistance au maintien de situations de déni du droit à l’autodétermination107.
56. L’Irlande considère que ces obligations imposent à tous les États, ainsi qu’aux organisations internationales compétentes dans le domaine du commerce extérieur (c’est-à-dire, dans le cas de l’Irlande, l’Union européenne), de réexaminer leurs relations commerciales avec les colonies de peuplement dans le Territoire palestinien occupé et de prendre des mesures pour empêcher les activités commerciales qui aident au maintien de la situation créée par les activités de colonisation, qui reconnaissent implicitement la colonisation ou l’annexion de ce territoire par Israël, ou qui contribuent à les consolider.
57. Enfin, les États sont tenus de coopérer pour mettre fin à la grave violation susvisée, y compris collectivement au Conseil de sécurité et à l’Assemblée générale.
CONCLUSION
58. L’Irlande estime que, sans respect du droit international, il ne pourra y avoir de solution juste — et donc durable — au conflit israélo-palestinien. En conséquence, elle encourage la Cour à fournir à l’Assemblée générale, ainsi que celle-ci le lui a demandé, une clarification faisant autorité sur les questions juridiques soulevées.
59. L’Irlande demeure attachée à la réalisation de la solution à deux États approuvée par le Conseil de sécurité : un État d’Israël vivant dans la sûreté et la sécurité et un État palestinien d’un seul tenant, indépendant, démocratique, souverain et viable, vivant côte à côte en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues fondées sur celles de 1967, avec Jérusalem pour capitale des deux États.
Dublin, le 25 juillet 2023.
___________
105 « The EU non-recognition policy for Crimea and Sevastopol », Fact Sheet, mars 2016, accessible à l’adresse suivante : https://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2014_2019/documents/d-ru/dv/dru_dua_20161214_07/dru_dua_ 20161214_07en.pdf.
106 Projet d’articles sur la responsabilité de l’État, art. 41, p. 308, par. 2 ; avis consultatif sur l’édification d’un mur, p. 200, par. 159.
107 Voir, par exemple, Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 218 du 23 novembre 1965, doc. S/RES/218 (1965), par. 4 et 6 ; et Assemblée générale, résolution 2022 (XX) du 5 novembre 1965, doc. A/RES/2022 (XX), par. 5-6.

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