Exposé écrit de la Chine

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186-20230725-WRI-21-00-EN
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
18852
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
CONSÉQUENCES JURIDIQUES DÉCOULANT DES POLITIQUES ET PRATIQUES D’ISRAËL DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ, Y COMPRIS JÉRUSALEM-EST (REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF)
EXPOSÉ ÉCRIT DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE
25 juillet 2023
[Traduction du Greffe]
INTRODUCTION
1. Le 30 décembre 2022, l’Assemblée générale des Nations Unies (ci-après l’« Assemblée générale » ou l’« Assemblée ») a adopté par vote la résolution 77/247, dans laquelle elle a décidé, conformément à l’article 96 de la Charte des Nations Unies, de demander à la Cour internationale de Justice (ci-après la « Cour ») de donner, en vertu de l’article 65 du Statut de la Cour, un avis consultatif sur les questions ci-après, compte tenu des règles et principes du droit international, dont la Charte des Nations Unies, le droit international humanitaire, le droit international des droits de l’homme, les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et du Conseil des droits de l’homme et les siennes propres, et l’avis consultatif donné par la Cour le 9 juillet 2004 :
a) Quelles sont les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et de son annexion prolongées du territoire palestinien occupé depuis 1967, notamment des mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem, et de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires connexes ?
b) Quelle incidence les politiques et pratiques d’Israël visées au paragraphe 18 a) ci-dessus ont-elles sur le statut juridique de l’occupation et quelles sont les conséquences juridiques qui en découlent pour tous les États et l’Organisation des Nations Unies ?
2. Par une ordonnance du 3 février 2023, la Cour a décidé que l’Organisation des Nations Unies et ses États Membres, ainsi que l’État observateur de Palestine, pouvaient lui présenter des exposés écrits. Par la suite, statuant sur des demandes de la Ligue des États arabes, de l’Organisation de la coopération islamique et de l’Union africaine, elle a autorisé chacune de ces organisations à participer à la procédure consultative.
3. La question de la Palestine est au coeur de la problématique du Moyen-Orient. Son contexte historique est complexe. Après la première guerre mondiale, cette question a pris une dimension internationale. En 1922, le Gouvernement britannique s’est vu confier le mandat pour la Palestine par la Société des Nations. En avril 1947, la première session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies a été convoquée à la demande du Royaume-Uni, la puissance mandataire pour la Palestine1. Le 29 novembre 1947, l’Assemblée générale a adopté la résolution 181 (II), intitulée « Gouvernement futur de la Palestine », dans laquelle elle « recommand[ait] » un plan de partage prévoyant la création en Palestine de deux États indépendants, l’un arabe et l’autre juif, ainsi qu’un régime international spécial pour la ville de Jérusalem. Le 14 mai 1948, le peuple juif a proclamé la création de l’État d’Israël sur la base de cette résolution. La population arabe de Palestine et les États arabes ont rejeté le plan de partage. Des conflits armés ont éclaté entre Israël et plusieurs États arabes en 1948, 1956, 1967 et 1973, et le plan de partage n’a pas été appliqué. Lors du conflit de 1967, connu sous le nom de « guerre des Six Jours », Israël a occupé l’ensemble des territoires qui, suivant la recommandation de la résolution 181 (II), devaient former l’État arabe2.
4. Depuis plus d’un demi-siècle, le peuple palestinien mène une lutte difficile pour faire reconnaître ses droits légitimes. Lors de sa dix-neuvième session extraordinaire, le 15 novembre
1 Nations Unies, Documents de l’Assemblée générale, lettre de la délégation du Royaume-Uni auprès de l’Organisation des Nations Unies en date du 2 avril 1947, doc. A/286, 3 avril 1947.
2 Voir Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (ci-après le « mur »), avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 165-166, par. 71 et 73.
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1988, le Conseil national palestinien a adopté la déclaration d’indépendance, qui acceptait la résolution 181 (II) et proclamait la création de l’État de Palestine avec Jérusalem comme capitale. Depuis 1993, l’Organisation de libération de la Palestine et Israël ont signé plusieurs accords aux termes desquels ce dernier devait transférer aux autorités palestiniennes certains pouvoirs et responsabilités qu’il exerçait dans le Territoire palestinien occupé. Cela étant, à ce jour, pareils transferts demeurent partiels et limités
3. À la demande de l’Assemblée générale, la Cour a donné, en 2004, un avis consultatif sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (ci-après le « mur »), dans lequel elle a jugé que la construction du mur par Israël et le régime qui lui était associé étaient contraires au droit international4. Ce nonobstant, il n’a toujours pas été remédié à cette situation illicite5.
5. La question de la Palestine figure au programme de travail de l’Organisation des Nations Unies depuis plus de 70 ans et Israël occupe les territoires palestiniens depuis plus d’un demi-siècle. Et pourtant, les droits nationaux légitimes du peuple palestinien n’ont pas été rétablis alors que des générations de Palestiniens ont passé leur vie à attendre en vain qu’ils le soient. Aucun accord de paix définitif n’a été conclu entre la Palestine et Israël et le chemin à parcourir pour régler la question de la Palestine est encore long6. La justice s’est déjà fait attendre ; il ne faudrait pas qu’elle soit défaillante.
6. La question de la Palestine intéresse notamment la paix et la sécurité internationales, l’équité et la justice internationales, le conflit israélo-palestinien, l’interprétation et l’application du droit international, ainsi que le respect des obligations internationales. La Chine attache depuis toujours une grande importance à une solution globale, juste et durable de la question. Elle a d’ailleurs voté en faveur de l’adoption de la résolution 77/247 par l’Assemblée générale. Le Gouvernement chinois relève en outre que la Cour a traité certains points juridiques pertinents dans l’avis consultatif qu’elle a donné en 2004 sur le « mur » et souhaite préciser sa position quant aux questions juridiques soulevées dans la résolution de l’Assemblée afin d’aider la Cour à rendre son avis en l’espèce.
7. Dans le présent document, la Chine commencera par exposer ses vues sur l’exercice par la Cour de sa compétence consultative. Elle abordera ensuite les points de droit international en jeu dans cette procédure, notamment en ce qui concerne le droit international humanitaire, le droit international des droits de l’homme, le droit à l’autodétermination et la responsabilité de l’État avant de présenter les propositions du Gouvernement chinois pour régler la question de la Palestine.
3 Voir ibid., p. 167, par. 77.
4 Ibid., p. 201, par. 163, point 3) A du dispositif.
5 Voir Nations Unies, résolution 77/247 de l’Assemblée générale, soixante-dix-septième session, 56e séance plénière (reprise), 30 décembre 2022, doc. A/RES/77/247, et résolution 77/187 de l’Assemblée générale, soixante-dix-septième session, 53e séance plénière, 14 décembre 2022, doc. A/RES/77/187.
6 Voir Nations Unies, doc. A/RES/77/247, onzième alinéa du préambule.
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I. LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE A COMPÉTENCE À L’ÉGARD DES QUESTIONS POSÉES PAR L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES NATIONS UNIES, ET IL N’EXISTE PAS DE RAISON DÉCISIVE POUR QU’ELLE REFUSE D’EXERCER SA COMPÉTENCE CONSULTATIVE EN LA PRÉSENTE PROCÉDURE
8. La Cour tient sa compétence consultative de l’article 96 de la Charte des Nations Unies7 et de l’article 65 de son Statut8. Selon ces dispositions et les pratiques y afférentes, deux conditions fondamentales doivent être remplies pour que la Cour puisse donner un avis consultatif sur les questions qui lui sont soumises : premièrement, celles-ci doivent être posées par un organe habilité pour ce faire et agissant dans le cadre de sa compétence ; deuxièmement, il doit s’agir de questions juridiques.
A. La Cour internationale de Justice a compétence pour se prononcer en l’espèce
9. Les conditions fondamentales pour établir la compétence consultative de la Cour sont remplies en l’espèce. L’Assemblée générale est habilitée à demander un avis consultatif à la Cour, comme cela est précisé dans la Charte des Nations Unies, et elle n’a pas outrepassé sa compétence en formulant une telle demande. La Cour, dans son avis consultatif sur le « mur »9, a confirmé que l’Assemblée générale était compétente pour traiter la question de la Palestine. Par ailleurs, les questions concernant les conséquences juridiques des politiques et pratiques d’Israël dans le contexte de sa violation persistante du droit du peuple palestinien à l’autodétermination et de son occupation des territoires palestiniens, telles que posées dans la résolution 77/247 de l’Assemblée, nécessitent l’interprétation et l’application des règles et principes du droit international. Il s’agit donc bien là de questions juridiques.
B. Il n’existe pas de raison décisive pour que la Cour refuse d’exercer sa compétence en la présente procédure
10. L’article 65 du Statut de la Cour dispose que celle-ci « peut donner un avis consultatif sur toute question juridique » (les italiques sont de nous). La Cour a donc le pouvoir discrétionnaire de décider de rendre ou non un tel avis. Comme elle l’a régulièrement affirmé, répondre à une demande d’avis consultatif constitue pour elle, en sa qualité d’organe judiciaire principal de l’Organisation des
7 L’article 96 de la Charte des Nations Unies est ainsi libellé :
« 1. L’Assemblée générale ou le Conseil de sécurité peut demander à la Cour internationale de Justice un avis consultatif sur toute question juridique.
2. Tous autres organes de l’Organisation et institutions spécialisées qui peuvent, à un moment quelconque, recevoir de l’Assemblée générale une autorisation à cet effet ont également le droit de demander à la Cour des avis consultatifs sur des questions juridiques qui se poseraient dans le cadre de leur activité. »
8 L’article 65 du Statut de la Cour internationale de Justice est ainsi libellé :
« 1. La Cour peut donner un avis consultatif sur toute question juridique, à la demande de tout organe ou institution qui aura été autorisé par la Charte des Nations Unies ou conformément à ses dispositions à demander cet avis.
2. Les questions sur lesquelles l’avis consultatif de la Cour est demandé sont exposées à la Cour par une requête écrite qui formule, en termes précis, la question sur laquelle l’avis de la Cour est demandé. Il y est joint tout document pouvant servir à élucider la question. »
9 Voir l’avis consultatif sur le « mur », C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 148-150, par. 24-28.
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Nations Unies, un moyen important de participer à l’action de l’Organisation. La Cour a souligné qu’elle « ne devrait pas en principe refuser de donner un avis consultatif »
10.
11. Pour décider d’exercer sa compétence consultative, la Cour prend en considération une série de facteurs. Sa jurisprudence en la matière est constante : seules des «raisons décisives» devraient la conduire à refuser de donner son avis11. L’un des éléments essentiels à cet égard est de savoir si le fait d’émettre pareil avis tournerait le principe selon lequel un État n’est pas tenu de soumettre un différend au règlement judiciaire s’il n’est pas consentant12. Dans l’avis consultatif qu’elle a donné en 1975 au sujet du Sahara occidental, la Cour a observé que « le défaut de consentement pou[v]ait l’amener à ne pas émettre d’avis si, dans les circonstances d’une espèce donnée, des considérations tenant à son caractère judiciaire imposaient un refus de répondre »13.
12. Dans le cas présent, la Cour, en donnant un avis consultatif, ne tournerait pas le principe du consentement. La question de la Palestine, bien qu’impliquant à la fois cette dernière et Israël, intéresse également la paix et la sécurité internationales et concerne de près les responsabilités de l’Organisation des Nations Unies. Dans son avis consultatif sur le « mur », la Cour « n’[a pas] estim[é] que la question qui fai[sai]t l’objet de la requête de l’Assemblée générale p[ouvait] être considérée seulement comme une question bilatérale entre Israël et la Palestine », jugeant qu’elle « s’inscri[vai]t dans un cadre bien plus large que celui d’un différend bilatéral »14.
13. La responsabilité de l’Organisation des Nations Unies à l’égard de la question de la Palestine découle du système des « mandats » de la Société des Nations15. Cette question a toujours occupé une place importante dans l’activité de l’Organisation depuis sa création. Depuis plus de 70 ans, celle-ci l’envisage sous l’angle de la paix et de la sécurité internationales16. Le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale ont adopté de nombreuses résolutions à ce sujet17, l’Assemblée ayant en outre réaffirmé que « l’Organisation des Nations Unies a[vait] une responsabilité permanente à assumer en ce qui concerne la question de Palestine jusqu’à ce que celle-ci [fût] réglée sous tous ses aspects, dans le respect du droit international et des résolutions pertinentes »18. La Cour a quant à elle noté dans son avis consultatif sur le « mur », « [c]ompte tenu des pouvoirs et responsabilités de l’Organisation des Nations Unies à l’égard des questions se rattachant au maintien de la paix et de la sécurité internationales », la question concernant la Palestine au sujet de laquelle
10 Ibid., p. 156, par. 44.
11 Ibid.
12 Voir Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 117, par. 85.
13 Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 25, par. 32.
14 Voir l’avis consultatif sur le « mur », C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 158-159, par. 49-50.
15 Pour un examen du fondement juridique de cette « succession », par l’Organisation des Nations Unies, à la responsabilité qui incombait à la Société des Nations en vertu du système des mandats qu’elle avait instauré, voir Statut international du Sud-Ouest africain, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 137.
16 Parmi les premières résolutions sur le sujet figurent les résolutions 42 (1948) du 5 mars 1948, 43 (1948) et 44 (1948) du 1er avril 1948, et 46 (1948), du 17 avril 1948, du Conseil de sécurité ; dans sa résolution 181 (II), l’Assemblée générale demande « [q]ue le Conseil de sécurité détermine … si la situation en Palestine représente une menace contre la paix », deuxième session, 128e séance plénière, 29 novembre 1947, doc. A/RES/181 (II).
17 Voir le site Internet des Nations Unies sur la question de la Palestine, accessible aux adresses suivantes : https://www.un.org/unispal/fr/data-collection/security-council/ et https://www.un.org/unispal/fr/data-collection/general-assembly/.
18 Nations Unies, résolution 66/17 de l’Assemblée générale, soixante-sixième session, 69e séance plénière, 30 novembre 2011, doc. A/RES/66/17. Voir aussi, notamment, Assemblée générale, résolutions 57/107 du 3 décembre 2002, doc. A/RES/57/107 ; et ES-10/15 du 20 juillet 2004, doc. A/RES/ES-10/15.
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il lui était demandé de rendre un avis consultatif « d[eva]it être regardée comme intéressant directement l’Organisation des Nations Unies »
19.
14. En rendant en l’espèce, en sa qualité d’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies, un avis consultatif sur les questions juridiques pertinentes, la Cour ne statuerait pas sur des différends bilatéraux opposant la Palestine et Israël mais participerait, conformément à son mandat et à sa compétence, à un aspect particulier et essentiel de l’action de l’Organisation20.
15. Compte tenu des considérations exposées ci-dessus, la Cour a compétence pour donner un avis consultatif, et il n’existe pas de raison décisive pour qu’elle refuse d’exercer cette compétence en l’espèce. Ainsi que le lui a demandé l’Assemblée générale dans sa résolution 77/247, elle devrait s’attacher aux questions de droit, de manière à offrir à l’Organisation des Nations Unies des conseils juridiques pour l’aider à traiter la question de la Palestine et à apporter son concours à la recherche d’une solution appropriée à la question.
II. LES RÈGLES DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE QUI RÉGISSENT L’OCCUPATION DE GUERRE SONT APPLICABLES DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ ET, PAR SES POLITIQUES ET PRATIQUES EN CAUSE, ISRAËL CONTREVIENT AUX OBLIGATIONS QUE CES RÈGLES LUI IMPOSENT EN TANT QUE PUISSANCE OCCUPANTE
16. Il existe un conflit armé international dans le Territoire palestinien occupé depuis 1967. Lors de son déclenchement en 1967, Israël et la Jordanie étaient tous deux parties à la convention de Genève de 1949 relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (ci-après la « quatrième convention de Genève »)21. L’État de Palestine a adhéré aux quatre conventions de Genève le 2 avril 2014. Or, tout conflit armé, quelle qu’en soit la forme, opposant des parties à la convention, qu’elles aient ou non reconnu l’état de guerre, constitue un conflit armé international auquel s’appliquent les règles du droit international humanitaire, dont la quatrième convention de Genève22.
17. Israël occupant Jérusalem-Est et d’autres territoires palestiniens depuis le conflit armé de 1967, les règles du droit international humanitaire qui régissent l’occupation de guerre s’appliquent23. Dans son avis consultatif sur le « mur », la Cour a jugé qu’Israël était la puissance occupante, que
19 Voir l’avis consultatif sur le « mur », C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 159, par. 49.
20 Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 71.
21 Voir l’avis consultatif sur le « mur », C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 177, par. 101.
22 Le paragraphe 1 de l’article 2 commun aux quatre conventions de Genève de1949 est ainsi libellé :
« En dehors des dispositions qui doivent entrer en vigueur dès le temps de paix, la présente convention s’appliquera en cas de guerre déclarée ou de tout autre conflit armé surgissant entre deux ou plusieurs des Hautes Parties contractantes même si l’état de guerre n’est pas reconnu par l’une d’elles. »
Le paragraphe 2 se lit comme suit : « La convention s’appliquera également dans tous les cas d’occupation de tout ou partie du territoire d’une Haute Partie contractante, même si cette occupation ne rencontre aucune résistance militaire. »
La Cour a par conséquent jugé que la quatrième convention de Genève de 1949 était applicable dès lors que deux conditions étaient remplies : « existence d’un conflit armé (que l’état de guerre ait ou non été reconnu) ; survenance de ce conflit entre deux parties contractantes. Si ces deux conditions sont réunies, la convention s’applique en particulier dans tout territoire occupé au cours d’un tel conflit par l’une des parties contractantes ». Voir Voir l’avis consultatif sur le « mur », C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 174-175, par. 95.
23 Voir ibid., p. 167, par. 78, et p. 177, par. 101.
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les territoires occupés se composaient des « territoires palestiniens qui étaient avant le conflit à l’est de la Ligne verte, et qui [avaie]nt à l’occasion de ce conflit été occupés par Israël »
24, et que la quatrième convention de Genève était applicable dans ces territoires25. Dans leurs résolutions  notamment la résolution 465 (1980) du Conseil de sécurité , ce dernier et l’Assemblée générale ont également affirmé à maintes reprises que la quatrième convention de Genève « [étai]t applicable aux territoires arabes occupés par Israël depuis 1967, y compris Jérusalem »26.
A. Les règles du droit international humanitaire qui régissent l’occupation de guerre sont applicables dans le Territoire palestinien occupé
18. Le droit régissant l’occupation de guerre tient une place importante dans le droit international humanitaire. Les règles de l’occupation de guerre sont apparues pour la première fois dans le règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre annexé à la convention (II) de 1899 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, sur la base duquel a été par la suite établi le règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre annexé à la convention (IV) de 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre. Ces règles ont été enrichies et développées par la quatrième convention de Genève de 194927 et forment un régime juridique de l’occupation de guerre assez complet.
19. L’article 42 du règlement de 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre donne une définition de l’occupation faisant autorité, selon laquelle « [u]n territoire est considéré comme occupé lorsqu’il se trouve placé de fait sous l’autorité de l’armée ennemie. L’occupation ne s’étend qu’aux territoires où cette autorité est établie et en mesure de s’exercer »28. Elle est considérée comme avérée si les éléments pertinents sont réunis, que les parties intéressées aient ou non reconnu son existence. Dans l’arrêt qu’elle a rendu en 2005 en l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), la Cour a précisé que, pour déterminer s’il y avait ou non occupation, elle devait examiner « s’il exist[ait] des éléments de preuve suffisants démontrant que ladite autorité se trouvait effectivement établie et exercée dans les zones en question par l’État auteur de l’intervention »29.
20. Selon le droit international humanitaire, durant un état de belligérance, la puissance occupante exerce une autorité provisoire sur le territoire occupé. L’occupation de guerre n’emporte pas transfert de la souveraineté territoriale que l’État occupé possède sur son territoire. Aux termes de l’article 43 du règlement de 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre,
24 Ibid., p. 177, par. 101. La convention d’armistice entre Israël et la Jordanie a été signée à Rhodes le 3 avril 1949. Les articles V et VI de cette convention fixaient la ligne de démarcation entre les forces israéliennes et les forces arabes (ligne souvent appelée par la suite « Ligne verte » du fait de la couleur retenue pour la tracer sur les cartes, et qui sera ainsi dénommée ci-après). Voir ibid., p. 166, par. 72.
25 Voir ibid., p. 177, par. 101.
26 Des expressions analogues figurent notamment dans les résolutions du Conseil de sécurité 237 (1967) du 14 juin 1967, 271 (1969) du 15 septembre 1969, 446 (1979) du 22 mars 1979, 681 (1990) du 20 décembre 1990, 799 (1992) du 18 décembre 1992 et 904 (1994) du 18 mars 1994 ; et dans celles de l’Assemblée générale 56/60 du 10 décembre 2001, ES-10/13 du 21 octobre 2003, 58/97 du 9 décembre 2003 et ES-10/15 du 20 juillet 2004.
27 Selon l’article 154 de la quatrième convention de Genève de 1949, celle-ci complète les sections II et III du règlement de La Haye de 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre (section III intitulée « De l’autorité militaire sur le territoire de l’État ennemi »). Les obligations de la puissance occupante doivent donc être examinées au regard à la fois du règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et de la quatrième convention de Genève.
28 Article appliqué dans la demande d’avis consultatif sur le « mur », C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 167, par. 78 ; Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 229, par. 172.
29 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 230, par. 173.
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« [l]’autorité du pouvoir légal ayant passé de fait entre les mains de l’occupant, celui-ci prendra toutes les mesures qui dépendent de lui en vue de rétablir et d’assurer, autant qu’il est possible, l’ordre et la vie publics en respectant, sauf empêchement absolu, les lois en vigueur dans le pays ». La puissance occupante est tenue d’assurer l’ordre public et de protéger la vie des civils dans le territoire occupé, conformément à deux séries de règles : celles de l’administration militaire, d’une part, et celles visant la protection des personnes civiles et des biens, d’autre part.
21. S’agissant des règles de l’administration militaire, en vertu, notamment, des articles 44 à 56 du règlement de 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et des dispositions mentionnées au paragraphe 3 de l’article 6 de la quatrième convention de Genève de 194930, la puissance occupante peut exercer l’autorité sur le territoire occupé, y compris pour ce qui est de certains aspects de la sécurité publique, de l’approvisionnement en biens, des soins médicaux, des finances, de la fiscalité, de l’éducation, et des domaines législatif et judiciaire.
22. S’agissant des règles relatives à la protection des personnes civiles et des biens, selon, entre autres, les articles 44 à 56 du règlement de 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et les articles 27 à 34 et 47 à 78 de la quatrième convention de Genève de 1949, la puissance occupante est tenue de veiller au bien-être de la population civile présente dans le territoire occupé, notamment en respectant son statut juridique, en garantissant ses droits fondamentaux et en protégeant les biens tant publics que privés.
23. L’occupation de guerre ne doit pas aboutir à une annexion, à savoir l’acquisition de la souveraineté sur le territoire d’un autre État par des moyens illicites, comme la menace ou l’emploi de la force. Dans le cadre du jus ad bellum, le paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies interdit le recours à la menace ou à l’emploi de la force pour acquérir un territoire et toute acquisition de territoire par de telles méthodes est illicite. Parallèlement, dans le cadre du jus in bello, l’occupation de guerre se borne, pour la puissance occupante, à l’administration provisoire du territoire d’un autre État et ne confère pas à celle-ci la souveraineté sur le territoire occupé. Il est donc illicite pour une puissance occupante d’outrepasser son autorité provisoire et de s’emparer de la souveraineté sur le territoire occupé de quelque manière ou par quelque moyen qui conduirait à une annexion de facto ou de jure31.
B. Par ses politiques et pratiques en cause, Israël contrevient aux obligations qui lui incombent en tant que puissance occupante
24. En tant que puissance occupante, Israël est tenu de respecter les règles du droit international humanitaire qui régissent l’occupation de guerre, notamment l’obligation de s’acquitter de bonne foi de ses obligations administratives en matière militaire et de protéger les personnes civiles et les biens. Dans l’avis consultatif qu’elle a donné sur le « mur », la Cour a jugé que, par la construction du mur et le régime qui lui était associé, Israël avait violé les obligations qui lui incombaient en tant que
30 Le paragraphe 3 de l’article 6 de la quatrième convention de Genève de 1949 renvoie à des dispositions spécifiques : « la Puissance occupante sera liée pour la durée de l’occupation  pour autant que cette Puissance exerce les fonctions de gouvernement dans le territoire en question  par les dispositions des articles suivants de la présente Convention : 1 à 12, 27, 29 à 34, 47, 49, 51, 52, 53, 59, 61 à 77 et 143 ».
31 Voir l’avis consultatif sur le « mur », C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 171, par. 87 ; Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 98-101, par. 187-190.
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puissance occupante
32, comme celles de rétablir et d’assurer l’ordre et la vie publics33, de ne pas priver « [l]es personnes protégées qui se trouvent dans un territoire occupé … du bénéfice » de la quatrième convention de Genève34, de respecter la législation du territoire35, de protéger les biens situés sur le territoire occupé36, de ne pas réclamer des réquisitions en nature et des services excessifs37, de protéger les intérêts des travailleurs38, de n’effectuer aucun transfert forcé ni aucune déportation de civils39, et de faciliter le secours humanitaire40.
25. La Chine note les tensions persistantes entre Israël, puissance occupante, et la population civile dans le Territoire palestinien occupé. Que les tensions ou problèmes surviennent dans le cadre de mesures de police israéliennes contre des civils dans le Territoire palestinien occupé, ou d’un conflit armé entre Israël et la Palestine, les règles pertinentes du droit international humanitaire s’appliquent. Israël doit ainsi, notamment, s’abstenir d’attaquer délibérément des personnes et des biens civils et d’infliger aux civils des dommages collatéraux disproportionnés.
C. Les politiques et pratiques en cause d’Israël sont suspectées de constituer une annexion
26. Comme l’a maintes fois souligné le Conseil de sécurité, Israël doit se garder d’annexer le Territoire palestinien occupé. Ainsi, dans sa résolution 242, adoptée à l’unanimité à l’issue du conflit armé de 1967, le Conseil a expressément souligné « l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la guerre ». Dans sa résolution 298 (1971), il a réaffirmé le « principe que l’acquisition d’un territoire par une conquête militaire [étai]t inadmissible ». Et, dans sa résolution 2334 (2016), il a rappelé que « l’acquisition de territoire par la force [étai]t inadmissible ».
27. La Chine note que le Conseil de sécurité a jugé nulle et non avenue la revendication par Israël de Jérusalem comme sa capitale au moyen d’une législation interne modifiant le caractère et le statut de la ville41. Le Conseil a également appelé à la réalisation d’une solution permettant aux
32 Voir l’avis consultatif sur le « mur », C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 185-187, par. 124-126, et p. 189-192, par. 132-134.
33 Règlement de 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, art. 43.
34 Quatrième convention de Genève de 1949, art. 47.
35 L’article 43 du règlement de 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre impose le « respect[], sauf empêchement absolu, [d]es lois en vigueur dans le pays ». L’article 64 de la quatrième convention de Genève de 1949 précise le sens de l’expression « sauf empêchement absolu » en prévoyant que « [l]a législation pénale du territoire occupé demeurera en vigueur, sauf dans la mesure où elle pourra être abrogée ou suspendue par la Puissance occupante si cette législation constitue une menace pour la sécurité de cette Puissance ou un obstacle à l’application de la présente Convention ».
36 Règlement de 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, art. 46, et quatrième convention de Genève de 1949, art. 53.
37 Règlement de 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, art. 52.
38 Quatrième convention de Genève de 1949, art. 52.
39 Ibid., art. 49.
40 Ibid., art. 59.
41 Voir, par exemple, Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 298 (1971) du 25 septembre 1971, doc. S/RES/298 (1971), dans laquelle le Conseil « [c]onfirme de la façon la plus explicite que toutes les dispositions législatives et administratives prises par Israël en vue de modifier le statut de la ville de Jérusalem … et la législation visant à incorporer la partie occupée, sont totalement nulles et non avenues et ne peuvent modifier le statut de la ville » ; résolution 478 (1980) du 20 août 1980, doc. S/RES/478 (1980), dans laquelle le Conseil « [c]onsidère que toutes les mesures et dispositions législatives et administratives prises par Israël, la Puissance occupante, qui ont modifié ou visent à modifier le caractère et le statut de la Ville sainte de Jérusalem, et en particulier la récente “loi fondamentale” sur Jérusalem, sont nulles et non avenues et doivent être rapportées immédiatement ».
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deux États, Israël et la Palestine, de vivre côte à côte dans la paix et la sécurité et dans le respect des frontières de 1967
42.
28. La Chine relève que, dans l’avis consultatif qu’elle a donné en 2004 sur le « mur », la Cour a constaté que les colonies de peuplement avaient été installées par Israël en violation du droit international humanitaire43. Elle a en outre observé que « la construction du mur [par Israël] et le régime qui lui [étai]t associé cré[ai]ent sur le terrain un “fait accompli” qui pou[v]ait fort bien devenir permanent, auquel cas …, la construction [du mur] équivaudrait à une annexion de facto »44.
29. Selon la Chine, il convient que la Cour établisse plus clairement si, par son occupation prolongée et ses politiques et pratiques en cause, Israël a modifié le caractère des territoires occupés, et si pareil comportement est conforme aux buts du régime de l’occupation de guerre.
III. LE DROIT INTERNATIONAL RELATIF AUX DROITS DE L’HOMME EST APPLICABLE DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ ET, PAR SES POLITIQUES ET PRATIQUES EN CAUSE, ISRAËL CONTREVIENT AUX OBLIGATIONS QUI LUI INCOMBENT AU REGARD DES CONVENTIONS INTERNATIONALES RELATIVES AUX DROITS DE L’HOMME
30. En principe, le droit international relatif aux droits de l’homme s’applique dans le territoire occupé. Israël étant Membre de l’Organisation des Nations Unies et partie à de nombreuses conventions internationales relatives aux droits de l’homme45, celles-ci sont applicables dans le Territoire palestinien occupé. La Cour a également confirmé, dans son avis consultatif sur le « mur », que le droit international relatif aux droits de l’homme demeurait applicable durant les conflits armés46.
A. Les conventions internationales relatives aux droits de l’homme auxquelles Israël est partie sont applicables dans le Territoire palestinien occupé
31. Selon les dispositions contenues dans un certain nombre de conventions internationales relatives aux droits de l’homme auxquelles Israël est partie et qui en définissent le champ d’application, ces instruments sont applicables dans le Territoire palestinien occupé. Le paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte international de 1966 relatif aux droits civils et politiques dispose ainsi que, pour les États parties au Pacte, celui-ci s’applique à « tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence ». Après avoir examiné l’objet et le but du Pacte dans son avis consultatif sur le « mur », la Cour a estimé que cet instrument était applicable aux actes d’un État agissant « dans l’exercice de sa compétence en dehors de son propre territoire »47. L’article 2 de la
42 Voir Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016, doc. S/RES/2334 (2016).
43 Voir l’avis consultatif sur le « mur », C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 183-184, par. 120.
44 Ibid., p. 184, par. 121.
45 Israël est devenu Membre de l’Organisation des Nations Unies le 11 mai 1949. Il a ratifié la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, le 3 janvier 1979, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et la convention relative aux droits de l’enfant, le 3 octobre 1991, et la convention relative aux droits des personnes handicapées, le 28 septembre 2012.
46 Voir l’avis consultatif sur le « mur », C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 178, par. 106.
47 Ibid., p. 178-180, par. 108-111.
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convention de 1989 relative aux droits de l’enfant
48, l’article 3 de la convention internationale de 1965 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale49 et l’article 2 de la convention de 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants50 contiennent tous des dispositions analogues au paragraphe 1 de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et ces instruments s’appliquent de la même façon au Territoire palestinien occupé.
32. Bien que certaines des conventions internationales relatives aux droits de l’homme auxquelles Israël est partie ne contiennent aucune disposition définissant leur champ d’application, elles sont, en principe, applicables dans le Territoire palestinien occupé. Ainsi, dans l’avis consultatif qu’elle a donné sur le « mur », la Cour a jugé que, même si le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ne comportait aucune disposition concernant son champ d’application, il ne pouvait être exclu qu’il « s’appliqu[ât] à la fois aux territoires placés sous la souveraineté d’un État partie et à ceux sur lesquels un tel État exerce une juridiction territoriale »51. Parmi les conventions de ce type figurent, entre autres, celle sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et celle relative aux droits des personnes handicapées.
B. Israël contrevient aux obligations qui lui incombent au regard des conventions internationales relatives aux droits de l’homme
33. Israël est tenu de respecter, protéger et promouvoir les droits de l’homme dont le peuple palestinien bénéficie dans le Territoire palestinien occupé. En tant qu’État partie à la Charte des Nations Unies et aux conventions susmentionnées relatives aux droits de l’homme, Israël doit notamment garantir aux individus se trouvant sur son territoire et dans le Territoire palestinien occupé, le droit à la vie, la liberté et la sûreté de leur personne, la liberté de pensée, de conscience et de religion, le droit au travail, le droit à l’éducation, la liberté d’expression, le droit de réunion pacifique et celui de s’associer librement avec d’autres. Dans le même temps, certaines obligations incombent à Israël, telles que, entre autres, celles de ne pas expulser un individu en l’absence de décision prise conformément à la loi, de ne pas pratiquer l’apartheid, de ne pas commettre des actes de torture ou infliger d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
34. Dans l’avis consultatif qu’elle a donné sur le « mur », la Cour a jugé que, par la construction du mur dans le territoire palestinien occupé et le régime qui lui était associé, Israël avait porté atteinte à plusieurs droits de l’homme du peuple palestinien, entravant notamment la liberté de circulation des habitants du territoire palestinien occupé et l’exercice, par les individus touchés, de leurs droits au travail, à la santé, à l’éducation et à un niveau de vie suffisant52.
35. La Chine relève que, dans le préambule de sa résolution 77/247, l’Assemblée générale note avec une vive préoccupation les violations systématiques des droits de l’homme du peuple palestinien
48 L’article 2 de la convention relative aux droits de l’enfant se lit comme suit : « Les États parties s’engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune. ». Voir également l’avis consultatif sur le « mur », C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 181, par. 113.
49 L’article 3 de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale est ainsi libellé : « Les États parties condamnent spécialement la ségrégation raciale et l’apartheid et s’engagent à prévenir, à interdire et à éliminer sur les territoires relevant de leur juridiction toutes les pratiques de cette nature. »
50 Le paragraphe 1 de l’article 2 de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants se lit comme suit : « Tout État partie prend des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis dans tout territoire sous sa juridiction. »
51 Voir l’avis consultatif sur le « mur », C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 180, par. 112.
52 Voir ibid., p. 187-192, par. 127-134.
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qu’Israël, puissance occupante, continue de commettre, et que, au paragraphe 2, elle rappelle que les politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, consistant notamment à tuer ou blesser des civils, à les détenir ou les emprisonner arbitrairement
53, à les déplacer de force54, à détruire ou confisquer les biens des civils, à épuiser les ressources naturelles55, et à adopter des lois et mesures discriminatoires56, ont pour effet de violer les droits de l’homme du peuple palestinien.
IV. LE PEUPLE PALESTINIEN A UN DROIT INALIÉNABLE À DISPOSER DE LUI-MÊME ET ISRAËL ENTRAVE SÉRIEUSEMENT LA RÉALISATION DE CE DROIT
36. Le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est devenu un principe fondamental du droit international au cours du mouvement de décolonisation, servant de fondement juridique international à la libération des peuples sous administration coloniale ou sous occupation étrangère57. Ce principe a été énoncé pour la première fois dans la Charte des Nations Unies. Le paragraphe 2 de l’article 1 de cet instrument dispose expressément que l’un des buts des Nations Unies est de « [d]évelopper entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes ». Son article 55 exige en outre des Nations Unies qu’elles créent, dans les domaines économique, social, culturel et des droits de l’homme, les conditions de progrès « nécessaires pour assurer entre les nations des relations pacifiques et amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes ». Par la suite, le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes a été encore enrichi et s’est cristallisé en tant que principe fondamental du droit international par la déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, adoptée en 1960 par l’Assemblée générale dans sa résolution 1514 (XV), et la déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies (ci-après la « déclaration sur les relations amicales »), adoptée en 1970 par l’Assemblée générale dans sa résolution 2625 (XXV). Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes a par ailleurs été reconnu en tant que droit collectif à l’article premier commun au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966.
53 Voir également Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 605 (1987) du 22 décembre 1987, doc. S/RES/605 (1987), dans laquelle le Conseil « [d]éplore vivement ces politiques et pratiques d’Israël, Puissance occupante, qui violent les droits de l’homme du peuple palestinien dans les territoires occupés, en particulier le fait que l’armée israélienne a ouvert le feu, tuant ou blessant des civils palestiniens sans défense ».
54 Voir aussi la résolution 2334 (2016) du 23 décembre 2016, doc. S/RES/2324 (2016), dans laquelle le Conseil condamne « la construction et l’expansion de colonies de peuplement, le transfert de colons israéliens, la confiscation de terres, la destruction de maisons et le déplacement de civils palestiniens ».
55 Voir également la résolution 465 (1980) du 1er mars 1980, doc. S/RES/465 (1980), dans laquelle le Conseil tient compte de « la nécessité d’envisager des mesures visant à assurer la protection impartiale des terres et des biens privés et publics et des ressources en eau », et demande une enquête sur « les informations relatives à la grave diminution des ressources naturelles, particulièrement des ressources en eau, en vue d’assurer la protection de ces importantes ressources naturelles des territoires occupés ».
56 Voir aussi Nations Unies, Assemblée générale, résolution 66/17 du 30 novembre 2011, doc. A/RES/66/17, dans laquelle elle s’est déclarée profondément préoccupée par « la poursuite de la politique de bouclages et de sérieuses limitations ... qui impose des bouclages prolongés et des restrictions sévères sur le plan économique et en matière de déplacements qui constituent de fait un blocus, ... ainsi que par les répercussions qui s’ensuivent … sur la grave situation socioéconomique et humanitaire du peuple palestinien ».
57 Voir Nations Unies, Assemblée générale, résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960 relative à la déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux », doc. A/RES/1514 (XV) ; résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970, doc. A/RES/2625 (XXV), annexe, déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies, qui énonce « [l]e principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes ».
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A. Le champ d’application du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est précisément défini
37. Il ressort du contexte sociohistorique de l’origine et de l’évolution du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes que ce droit appartient aux peuples sous administration coloniale ou sous occupation étrangère, ce qui signifie que son champ d’application se réduit à deux cas de figure, à savoir l’administration coloniale et l’occupation étrangère. À ce jour, toutes les situations dans lesquelles l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité ont jugé applicable le droit à l’autodétermination relevaient de ces deux cas de figure58. Les procédures dans lesquelles la Cour a appliqué ou invoqué le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, dont la demande d’avis consultatif au sujet des Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité59, celle au sujet du Sahara occidental60, celle sur le « mur »61, et celle sur les Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 196562, entrent toutes dans ce même cadre. Après que le processus de décolonisation eut été globalement achevé, le droit à l’autodétermination a conservé le même champ d’application. C’est ce qui ressort d’un certain nombre d’instruments importants adoptés par l’Assemblée générale dans un passé récent, parmi lesquels la déclaration du millénaire, en 200063, la réalisation universelle du droit des peuples à l’autodétermination, en 200164, et le document final du sommet mondial, en 200565.
38. Le droit international ne prévoit aucun prétendu droit de « sécession-remède » ou droit à « l’autodétermination remède ». La Chine, dont la position à ce sujet n’a jamais varié, l’a précisé dans le cadre de la procédure consultative sur la question de la Conformité au droit international de
58 Y compris, notamment, la Palestine, la Rhodésie du Sud, la Namibie, le Sahara occidental, le Timor oriental, les territoires administrés par le Portugal et les îles du Pacifique. Voir, par exemple, Nations Unies, Assemblée générale, résolutions 1755 (XVII) du 12 octobre 1962, 2138 (XXI) du 22 octobre 1966, 2151 (XXI) du 17 novembre 1966, 2379 (XXIII) du 25 octobre 1968, 2383 (XXIII) du 7 novembre 1968, 2795 (XXVI) du 10 décembre 1971, 3236 (XXIX) du 22 novembre 1974, 3292 (XXIX) du 13 décembre 1974 et 58/163 du 22 décembre 2003 ; Conseil de sécurité, résolutions 180 (1963) du 31 juillet 1963, 183 (1963) du 11 décembre 1963, 218 (1965) du 23 novembre 1965, 301 (1971) du 20 octobre 1971, 384 (1975) du 22 décembre 1975, 621 (1988) du 20 septembre 1988 et 683 (1990) du 22 décembre 1990.
59 Voir Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 31, par. 52.
60 Voir Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 31-34, par. 54-59.
61 Voir l’avis consultatif sur le « mur », C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 171-172, par. 88, et p. 182-183, par. 118.
62 Voir Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 134, par. 160.
63 Voir Nations Unies, résolution 55/2 du 8 septembre 2000 de l’Assemblée générale, doc. A/RES/55/2, par. 4 :
« Nous réaffirmons notre volonté de tout faire pour assurer l’égalité souveraine de tous les États, le respect de leur intégrité territoriale et de leur indépendance politique, le règlement des différends par des voies pacifiques et conformément aux principes de la justice et du droit international, le droit à l’autodétermination des peuples qui sont encore sous domination coloniale ou sous occupation étrangère. »
64 Nations Unies, résolution 56/141 du 19 décembre 2001 de l’Assemblée générale, doc. A/RES/56/141, par. 1, dans lequel elle « [r]éaffirme que la réalisation universelle du droit à l’autodétermination de tous les peuples, y compris ceux qui sont soumis à une domination coloniale, étrangère ou extérieure, est une condition essentielle pour la garantie et le respect effectifs des droits de l’homme et pour la préservation et la promotion de ces droits ».
65 Nations Unies, résolution 60/1 du 16 septembre 2005 de l’Assemblée générale, doc. A/RES/60/1, par. 5 :
« Nous réaffirmons notre volonté de tout faire pour défendre l’égalité souveraine et le respect de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de tous les États, de nous abstenir de recourir dans les relations internationales à la menace ou à l’emploi de la force en violation des buts et principes des Nations Unies et de promouvoir le règlement des différends par des moyens pacifiques et conformes aux principes de la justice et du droit international, le droit de disposer d’eux-mêmes qui appartient aux peuples encore sous domination coloniale ou sous occupation étrangère. »
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la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo
66. Le principe du respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’État constitue un principe fondamental du droit international ; il est au coeur et à la base de l’ordre juridique international contemporain. Ce principe est énoncé clairement dans la Charte des Nations Unies, la déclaration sur les relations amicales de 197067, et une série d’autres instruments juridiques internationaux. Or, le prétendu droit de « sécession-remède » va à l’encontre du principe du respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’État. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ne s’applique pas à une partie constituante d’un État souverain. Ce droit ne saurait fonder la revendication d’un prétendu droit de sécession par quelque partie d’un État souverain, le droit international n’autorisant pas non plus la sécession unilatérale. Aucune pratique étatique ou opinio juris ne vient pour l’heure étayer pareille revendication en droit international coutumier. Dans l’avis consultatif qu’elle a donné sur la question de la Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, la Cour n’a ni reconnu ni soutenu l’existence d’un prétendu droit de « sécession-remède » ou droit à « l’autodétermination remède »68.
B. Le contenu et des moyens de réalisation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes sont précisément définis
39. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est généralement considéré comme un droit collectif ayant le caractère de règle de droit international coutumier, et a des connotations spécifiques. Le contenu et la portée de ce droit sont clarifiés dans la déclaration de 1960 sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, selon laquelle « [t]ous les peuples ont le droit de libre détermination ; en vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et poursuivent librement leur développement économique, social et culturel ». La Cour a jugé que cet instrument avait « un caractère déclaratoire s’agissant du droit à l’autodétermination en tant que norme coutumière »69.
40. L’article premier commun au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 complète les dispositions de la déclaration de 1960. Il y est réaffirmé que « [to]us les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes » et que, « [e]n vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel ». De plus, le droit des peuples à disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles y est ajouté au droit à l’autodétermination. Dans chacun des deux Pactes, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est placé au début, avant les droits individuels qui y sont énoncés, et présenté comme « une condition
66 Voir l’exposé écrit présenté par la République populaire de Chine à la Cour internationale de Justice sur la question du Kosovo, 16 avril 2009, accessible à l’adresse suivante : https://www.icj-cij.org/sites/default/files/case-related/141/15612.pdf.
67 Déclaration sur les relations amicales, « Le principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes », septième alinéa :
« Rien dans les paragraphes précédents ne sera interprété comme autorisant ou encourageant une action, quelle qu’elle soit, qui démembrerait ou menacerait, totalement ou partiellement, l’intégrité territoriale ou l’unité politique de tout État souverain et indépendant se conduisant conformément au principe de 1’égalité de droits et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes énoncé ci-dessus et doté ainsi d’un gouvernement représentant l’ensemble du peuple appartenant au territoire sans distinction de race, de croyance ou de couleur. »
68 Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 438, par. 83.
69 Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 132, par. 150 et 152.
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essentielle de la garantie et du respect effectif des droits individuels de l’homme ainsi que de la promotion et du renforcement de ces droits »
70.
41. Aucun des deux Pactes ne contient de définition claire de l’expression «[t]ous les peuples ». Il ressort cependant de la pratique internationale que celle-ci doit être interprétée comme se limitant aux peuples sous administration coloniale ou sous occupation étrangère. Dans le même temps, cette expression indique que le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est un droit collectif, distinct des droits individuels. Il figure au premier rang des différents droits de l’homme et constitue le fondement des autres droits individuels. Autrement dit, si une nation sous administration coloniale ou occupation étrangère est privée de ce droit, tout membre de celle-ci sera privé de ses droits de l’homme.
42. La déclaration de 1970 sur les relations amicales réaffirme la nature et la portée du droit des peuples à l’autodétermination71 et prévoit que celui-ci peut être mis en oeuvre selon les modalités suivantes : premièrement, l’établissement d’un État indépendant et souverain ; deuxièmement, la libre association ou l’intégration à un État indépendant ; et, troisièmement, l’adoption de tout autre statut politique librement choisi par le peuple.
C. Les organes de l’Organisation des Nations Unies soutiennent le peuple palestinien dans l’exercice de son droit à l’autodétermination
43. Dans l’avis consultatif qu’elle a donné sur le « mur », la Cour a affirmé que le droit à l’autodétermination figurait parmi les « droits légitimes » reconnus au peuple palestinien par le droit international72. Le droit à l’autodétermination du peuple palestinien a été régulièrement réaffirmé dans les résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies. Ainsi, dans sa résolution 3089 (XXVIII) de 1973, l’Assemblée générale déclare « que le peuple de Palestine doit pouvoir jouir de l’égalité de droits et exercer son droit à disposer de lui-même, conformément à la Charte des Nations Unies ». Dans sa résolution 3236 (XXIX) de 1974, elle précise que, parmi les droits inaliénables du peuple palestinien, figurent « [l]e droit à l’autodétermination sans ingérence extérieure » et « [l]e droit à l’indépendance et à la souveraineté nationales ». Dans ses résolutions 77/208 et 77/247 de 2022, l’Assemblée « [e]xhorte tous les États ainsi que les institutions spécialisées et les organismes des Nations Unies à continuer d’apporter soutien et aide au peuple palestinien en vue de la réalisation rapide de son droit à l’autodétermination ».
44. Le Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies a lui aussi adopté de nombreuses résolutions soutenant « le droit inaliénable, permanent et absolu du peuple palestinien à disposer de lui-même, y compris son droit de vivre dans la liberté, la justice et la dignité, et son droit à l’État indépendant de Palestine » ; il a également demandé instamment « à tous les États d’adopter les mesures nécessaires pour promouvoir la réalisation du droit à l’autodétermination du
70 Voir Nations Unies, rapport du Comité des droits de l’homme, 1984, observation générale no 12, article premier : droit à l’autodétermination, Documents officiels de l’Assemblée générale, trente-neuvième session, Supplément no 40, A/39/40, annexe VI, p. 152, par. 1.
71 Voir Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 133, par. 155.
72 Voir l’avis consultatif sur le « mur », C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 172, par. 88, et p. 183, par. 118.
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peuple palestinien et d’aider l’Organisation des Nations Unies à s’acquitter des responsabilités que lui a conférées la Charte en ce qui concerne l’application de ce droit »
73.
D. Par ses politiques et pratiques en cause, Israël entrave gravement la réalisation du droit à l’autodétermination du peuple palestinien
45. Le droit à l’autodétermination reconnu au peuple palestinien par le droit international doit être pleinement protégé. En 1988, le peuple palestinien l’a exercé en décidant d’établir un État indépendant et souverain. Il a adopté la déclaration d’indépendance, qui acceptait la résolution 181 (II) de l’Assemblée générale des Nations Unies et proclamait la création de l’État de Palestine avec Jérusalem comme capitale. L’occupation prolongée du territoire palestinien, l’établissement de colonies de peuplement, l’annexion de Jérusalem-Est et l’adoption des lois discriminatoires en cause, entre autres mesures prises par Israël, ont gravement entravé la réalisation du droit à l’autodétermination du peuple palestinien, y compris, notamment, le plein exercice de son droit d’établir un État indépendant, son droit d’assurer librement son développement économique, social et culturel et son droit de disposer librement de ses richesses et de ses ressources naturelles.
46. Selon la Chine, il convient que la Cour précise davantage les mesures visant à remédier aux entraves à la réalisation du droit inaliénable du peuple palestinien à l’autodétermination, de manière à en garantir le plein exercice, et à promouvoir la sécurité et le développement communs dans la région.
V. SI ISRAËL A ENGAGÉ SA RESPONSABILITÉ EN TANT QU’ÉTAT À RAISON DES FAITS ILLICITES QU’IL A COMMIS, CERTAINES OBLIGATIONS ET RESPONSABILITÉS INCOMBENT ÉGALEMENT AUX AUTRES ÉTATS ET À L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES
47. Par ses politiques et pratiques, Israël viole le droit international humanitaire ainsi que le droit international des droits de l’homme et entrave gravement la réalisation du droit à l’autodétermination du peuple palestinien. Israël a donc engagé sa responsabilité en tant qu’État à raison de ces violations, certaines responsabilités et obligations incombant également aux autres États et à l’Organisation des Nations Unies.
A. La responsabilité d’Israël en tant qu’État
48. Conformément au droit international coutumier sur la responsabilité de l’État, tout fait internationalement illicite engage la responsabilité internationale de l’État qui l’a commis. Le contenu de cette responsabilité peut comprendre le maintien du devoir d’exécuter l’obligation, la cessation et la non-répétition ainsi que la réparation74.
49. Dans l’avis consultatif qu’elle a donné sur le « mur », la Cour a indiqué qu’Israël était tenu de respecter les obligations internationales qui lui incombaient et de cesser immédiatement les travaux d’édification du mur qu’il était en train de construire dans le territoire palestinien occupé, y
73 Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, résolution 34/29 du 24 mars 2017, doc. A/HRC/RES/34/29, par. 1 et 6. Voir également les résolutions 37/34 du 23 mars 2018, 40/22 du 22 mars 2019 et 49/28 du 1er avril 2022.
74 Voir Nations Unies, rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa cinquante-troisième session, 2001, Documents officiels de l’Assemblée générale, cinquante-sixième session, Supplément no 10, A/56/10, chap. IV, sect. E.1, « Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite », première partie, chap. 1, et deuxième partie, chap. I et II. Les dispositions susmentionnées sont considérées comme reflétant le droit international coutumier.
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compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, de démanteler immédiatement l’ouvrage situé dans ce territoire, d’abroger immédiatement ou de priver immédiatement d’effet l’ensemble des actes législatifs et réglementaires qui s’y rapportaient, et de réparer tous les dommages causés par la construction du mur
75.
50. La Chine note que, dans sa résolution 298 (1971), le Conseil de sécurité avait déjà établi « de la façon la plus explicite que toutes les dispositions législatives et administratives prises par Israël en vue de modifier le statut de la ville de Jérusalem, … [étaie]nt totalement nulles et non avenues et ne p[o]uv[ai]ent modifier le statut de la ville ». La Cour devrait confirmer que, par ses politiques et pratiques, Israël ne peut modifier le statut juridique du Territoire palestinien occupé, et qu’il a l’obligation de supprimer les obstacles à la réalisation du droit à l’autodétermination du peuple palestinien.
B. Les obligations incombant aux autres États
51. En droit international coutumier, un État ne doit pas aider ou assister un autre État dans la commission d’un fait internationalement illicite. Les autres États ont donc l’obligation de ne pas reconnaître l’acquisition d’un territoire par la menace ou l’emploi de la force en violation de la Charte des Nations Unies, et de ne pas y prêter leur aide ou leur concours. Conformément à la résolution 2334 (2016) du Conseil de sécurité, les autres États sont tenus de ne reconnaître « aucune modification aux frontières du 4 juin 1967, y compris en ce qui concerne Jérusalem », et « de faire une distinction, dans leurs échanges en la matière, entre le territoire de l’État d’Israël et les territoires occupés depuis 1967 »76.
52. Conformément à l’article premier commun aux conventions de Genève, toutes les Parties contractantes sont tenues de respecter et de faire respecter le droit international humanitaire77.
53. Quant à la violation des droits de l’homme du peuple palestinien par Israël, l’Assemblée générale, dans sa résolution 77/247, engage d’urgence tous les États et les institutions spécialisées et organismes des Nations Unies « à continuer de soutenir le peuple palestinien et de l’aider à exercer au plus tôt ses droits inaliénables, notamment son droit à l’autodétermination »78.
C. Les responsabilités de l’Organisation des Nations Unies
54. L’Organisation des Nations Unies est tenue de prendre les mesures voulues sur la base de l’avis consultatif qui sera donné en l’espèce. Comme elle l’a observé dans celui qu’elle a donné sur le « mur », la Cour
« cro[ya]it de son devoir d’appeler l’attention de l’Assemblée générale, à laquelle [l’]avis [étai]t destiné, sur la nécessité d’encourager [l]es efforts [visant à provoquer des négociations] en vue d’aboutir le plus tôt possible, sur la base du droit international, à une solution négociée des problèmes pendants et à la constitution d’un État palestinien
75 Voir l’avis consultatif sur le « mur », C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 197-198, par. 149-153.
76 Nations Unies, doc. S/RES/2334 (2016), par. 3 et 5.
77 L’article premier commun aux quatre conventions de Genève de 1949 dispose que « [l]es Hautes Parties contractantes s’engagent à respecter et à faire respecter la présente Convention en toutes circonstances ».
78 Voir Nations Unies, doc. A/RES/77/247, par. 16.
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vivant côte à côte avec Israël et ses autres voisins, et d’assurer à chacun dans la région paix et sécurité »
79.
VI. LA DÉFENSE D’UN RÈGLEMENT GLOBAL, JUSTE ET DURABLE DE LA QUESTION DE LA PALESTINE AU MOYEN DE MESURES CONCRÈTES
55. Le règlement global, juste et durable de la question de la Palestine concerne la paix et la stabilité dans la région, l’équité et la justice internationales, l’interprétation uniforme et l’application de manière égalitaire du droit international, ainsi que la sécurité et le développement de la Palestine comme d’Israël. La Chine soutient depuis toujours fermement la juste cause du peuple palestinien, qui entend obtenir le rétablissement de ses droits nationaux légitimes80, ainsi que tous les efforts en faveur du règlement de la question de la Palestine. Elle estime qu’il faut promouvoir un dialogue et des négociations d’égal à égal entre la Palestine et Israël sur la base de la solution des deux États, des résolutions pertinentes des Nations Unies ainsi que des normes et consensus internationaux tels que « la terre contre la paix » et l’« initiative de paix arabe »81.
56. Le 14 juin 2023, lors de ses discussions avec le président palestinien Mahmoud Abbas, le président chinois Xi Jinping a avancé une proposition en trois points pour le règlement de la question de la Palestine, qui développe très précisément la position de la Chine à ce sujet. Premièrement, la solution fondamentale à la question palestinienne réside dans la création d’un État de Palestine indépendant jouissant d’une pleine souveraineté sur la base des frontières de 1967 et ayant Jérusalem-Est pour capitale. Deuxièmement, il convient de répondre aux besoins économiques de la Palestine et de lui assurer les moyens de subsistance nécessaires, la communauté internationale devant accroître l’aide au développement et l’aide humanitaire qu’elle lui apporte. Troisièmement, les pourparlers de paix doivent se poursuivre dans la bonne direction, en respectant le statu quo historique concernant les Lieux saints à Jérusalem et en évitant paroles et actes radicaux et provocateurs. Une grande conférence internationale de la paix, influente et faisant davantage autorité, doit être organisée, de manière à créer les conditions d’une reprise des pourparlers et à contribuer au déploiement d’efforts tangibles visant à aider la Palestine et Israël à vivre en paix. La Chine est prête à jouer un rôle positif en faveur de la réconciliation intérieure de la Palestine et des pourparlers de paix82.
57. Le règlement de la question de la Palestine est tributaire des efforts collectifs de la Palestine et d’Israël, ainsi que de la communauté internationale. Le Gouvernement chinois encourage chacune des deux parties à répondre aux préoccupations légitimes de l’autre et à régler comme il convient
79 Voir l’avis consultatif sur le « mur », C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 201, par. 162.
80 La Chine a toujours participé d’une manière constructive aux discussions ayant trait aux problèmes afférents à la question de la Palestine au sein du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale ; elle a également accueilli quatre conférences de paix concernant le conflit israélo-palestinien, qui se sont tenues respectivement en 2006, 2013, 2017 et 2021. En 2002, le Gouvernement chinois a défini la position de l’envoyé spécial pour la question du Moyen-Orient. Les envoyés spéciaux successifs, s’employant à trouver une solution politique à la question de la Palestine, se sont rendus à maintes reprises en Palestine, en Israël et dans d’autres États intéressés. En février 2023, date à laquelle elle a publié le document de réflexion relatif à l’initiative pour la sécurité mondiale, la Chine a de nouveau demandé à la communauté internationale de prendre des mesures concrètes pour faire avancer la solution des deux États et la question de la Palestine, et invité les États à organiser une conférence de paix internationale de plus grande envergure, faisant davantage autorité et plus influente, de manière à parvenir rapidement à une solution juste de la question de la Palestine.
81 Voir le document de position de la Chine sur le soixante-quinzième anniversaire de la création de l’Organisation des Nations Unies, accessible à l’adresse suivante : https://www.gov.cn/xinwen/2020-09/11/content_5542461.htm, version française accessible à l’adresse suivante : https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N20/239/96/pdf/N2023996. pdf?OpenElement.
82 « Xi Jinping s’entretient avec le président palestinien Mahmoud Abbas », 14 juin 2023, accessible à l’adresse suivante : https://www.mfa.gov.cn/fra/wjb/zzjg/xybfs/xgxw/202306/t20230615_11098315.html.
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leurs différends par les voies politique et diplomatique, conformément au droit international. Le Gouvernement chinois est disposé à se joindre à d’autres membres de la communauté internationale pour contribuer activement à régler au plus vite la question de la Palestine et à établir durablement la paix et la stabilité au Moyen-Orient.
58. L’Assemblée générale et le Conseil de sécurité devraient, à la lumière des avis consultatifs pertinents de la Cour internationale de Justice, prendre des mesures concrètes en vue de favoriser un règlement juste de la question de la Palestine.
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Exposé écrit de la Chine

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