Exposé écrit du Guyana

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186-20230724-WRI-15-00-EN
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
18842
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
CONSÉQUENCES JURIDIQUES DÉCOULANT DES POLITIQUES ET PRATIQUES D’ISRAËL DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ, Y COMPRIS JÉRUSALEM-EST (REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF)
EXPOSÉ ÉCRIT DU GUYANA
25 juillet 2023
[Traduction du Greffe]
INTRODUCTION
1. La République coopérative du Guyana soumet le présent exposé écrit conformément à l’ordonnance rendue par la Cour le 3 février 2023 dans la procédure relative à la demande d’avis consultatif sur les Conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est.
2. Le 30 décembre 2022, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la résolution A/RES/77/247, demandant à la Cour :
« de donner … un avis consultatif sur les questions ci-après, compte tenu des règles et principes du droit international, dont la Charte des Nations Unies, le droit international humanitaire, le droit international des droits de l’homme, les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et du Conseil des droits de l’homme et les siennes propres, et l’avis consultatif donné par la Cour le 9 juillet 2004 :
a) Quelles sont les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et de son annexion prolongées du territoire palestinien occupé depuis 1967, notamment des mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem, et de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires connexes ?
b) Quelle incidence les politiques et pratiques d’Israël visées au paragraphe 18 a) ci-dessus ont-elles sur le statut juridique de l’occupation et quelles sont les conséquences juridiques qui en découlent pour tous les États et l’Organisation des Nations Unies ? »
3. L’exposé du Guyana revient sur trois des questions spécifiques que met en jeu la demande de l’Assemblée générale. La première partie traite de l’interdiction d’annexer un territoire et de la violation, par Israël, de cette règle de jus cogens dans le Territoire palestinien occupé depuis 1967 (ci-après le « TPO »). La deuxième partie porte sur le droit, relevant du jus cogens, du peuple palestinien à l’autodétermination, et la violation par Israël de ce droit à raison de son occupation et son annexion prolongées du TPO. La troisième partie est consacrée à l’effet de ces normes impératives sur le statut juridique de l’occupation.
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PREMIÈRE PARTIE L’INTERDICTION DE L’ANNEXION ET LA VIOLATION PAR ISRAËL DE CETTE RÈGLE DANS LE TPO
A. L’INTERDICTION DE L’ANNEXION
1. L’interdiction de l’annexion est une norme de jus cogens d’application universelle
4. L’interdiction d’annexer un territoire est une norme de jus cogens d’application universelle et un pilier fondamental de l’ordre juridique international. L’interdiction d’acquérir un territoire par la force est un corollaire nécessaire à la fois du principe de l’égalité souveraine des États et de l’interdiction de recourir à l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, tels que consacrés à l’article 2 de la Charte des Nations Unies.
5. L’interdiction de l’annexion est reflétée dans la « Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies », que l’Assemblée générale a adoptée en 1970 et qui prévoit ce qui suit : « Le territoire d’un État ne peut faire l’objet d’une acquisition par un autre État à la suite du recours à la menace ou à l’emploi de la force. Nulle acquisition territoriale obtenue par la menace ou l’emploi de la force ne sera reconnue comme légale. »1
6. Il n’existe aucun doute quant au statut et aux conséquences juridiques de l’interdiction de l’annexion. Ainsi qu’il est expliqué dans l’encyclopédie de droit international public publiée par l’Institut Max Planck :
« Vu la constance et l’uniformité de la pratique des États en la matière, il ne fait aucun doute que, selon le droit international actuel, l’interdiction de l’annexion et l’obligation de ne pas reconnaître celle-ci comme licite (doctrine Stimson) s’étend au-delà des obligations conventionnelles et relève du droit international coutumier. Étant donné la pertinence essentielle de ces deux principes pour ce qui concerne la mise en oeuvre effective de l’interdiction de la menace ou de l’emploi de la force en tant que norme suprême du droit international actuel, il y a lieu de considérer ceux-ci comme des normes de jus cogens. »2
7. L’interdiction de l’annexion s’applique à tous les territoires, y compris les anciens territoires sous mandat. Dans l’avis consultatif qu’elle a rendu sur le Statut international du Sud-Ouest africain, la Cour a estimé que le principe « de la non-annexion » était « d’importance primordiale » dans le contexte du système des mandats3. Dans une opinion individuelle concordante jointe à l’avis consultatif sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (ci-après l’« avis consultatif de 2004 »), le juge Al-Khasawneh a cité le passage en question de l’avis consultatif relatif au Sud-Ouest africain et rappelé, « [à] cet égard, … que le principe de
1 Nations Unies, « Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies », doc. A/RES/2625 (XXV) (24 octobre 1970). Comme l’a souligné la Cour dans l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), « le fait que les États ont adopté ce texte fournit une indication de leur opinio juris sur le droit international coutumier en question » (Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 101, par. 191).
2 Max Planck Encyclopaedia of Public International Law, « Annexation » (janvier 2020), par. 21.
3 Statut international du Sud-Ouest africain, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 131.
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non-annexion ne s’éteint pas avec la fin du mandat, mais reste en vigueur jusqu’à ce qu’il soit réalisé »4.
8. L’interdiction absolue d’annexer un territoire a été confirmée par l’Assemblée générale et par le Conseil de sécurité dans le contexte de l’occupation prolongée du TPO par Israël. Ainsi que la Cour l’a rappelé dans l’avis consultatif de 2004, « tant l’Assemblée générale que le Conseil de sécurité se sont référés, à propos de la Palestine, à la règle coutumière de “l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la guerre” ». C’est d’ailleurs sur cette « même base que le Conseil a condamné à plusieurs reprises les mesures prises par Israël en vue de modifier le statut de Jérusalem »5.
2. L’annexion peut découler de la création d’un « fait accompli » permanent sur le terrain
9. L’annexion ne se limite pas aux situations dans lesquelles un État déclare formellement sa souveraineté sur un territoire qu’il a envahi. Il peut également y avoir annexion lorsqu’un État, ayant occupé le territoire d’un autre État par la force, se met à traiter ce territoire occupé comme s’il s’agissait de son propre territoire souverain et manifeste l’intention d’exercer une domination permanente sur ce territoire. Or, l’occupation — contrairement à l’annexion — est intrinsèquement de nature temporaire. Ainsi qu’il est dit dans le commentaire du CICR sur l’article 47 de la quatrième convention de Genève,
« [l]’occupation de guerre … est un état de fait essentiellement provisoire, qui n’enlève à la Puissance occupée ni sa qualité d’État, ni sa souveraineté ; elle entrave seulement l’exercice de ses droits. Elle se distingue par-là de l’annexion, par laquelle la Puissance occupante acquiert tout ou partie du territoire occupé pour l’incorporer à son propre territoire. »6
10. Il s’ensuit que lorsqu’une puissance occupante manifeste une intention de demeurer indéfiniment dans le territoire occupé, et qu’elle traite le territoire occupé comme s’il était le sien et non celui d’un autre État, elle viole ce principe de jus cogens qu’est l’interdiction de l’annexion.
11. L’avis consultatif de 2004 fournit un exemple instructif de la portée et de l’application dudit principe. La Cour devait examiner le statut et les conséquences juridiques de l’édification du mur qu’Israël avait commencé à construire dans la Cisjordanie occupée. Aux dires d’Israël, ce mur n’était pas censé être permanent. La Cour avait « not[é] l’assurance [ainsi] donnée … que la construction du mur n’équiva[lait] pas à une annexion et que le mur [était] de nature temporaire », mais non sans ajouter qu’elle
« ne saurait … rester indifférente à certaines craintes exprimées devant elle d’après lesquelles le tracé du mur préjugerait la frontière future entre Israël et la Palestine, et à la crainte qu’Israël pourrait intégrer les colonies de peuplement et les voies de circulation les desservant. La Cour estime que la construction du mur et le régime qui lui est associé créent sur le terrain un “fait accompli” qui pourrait fort bien devenir
4 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I) (ci-après l’« avis consultatif de 2004 »), opinion individuelle du juge Al-Khasawneh, p. 237, par. 9.
5 Avis consultatif de 2004, p. 182, par. 117.
6 J. Pictet, Commentary: IV Geneva Convention Relative to the Protection of Civilian Persons in Time of War (CICR, 1958), p. 296.
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permanent, auquel cas, et nonobstant la description officielle qu’Israël donne du mur, la construction de celui-ci équivaudrait à une annexion de facto. »
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12. La Cour a donc reconnu dans l’avis consultatif de 2004 que, quelle que soit la qualification officielle donnée par Israël de ses agissements dans le TPO — et quelles que soient ses prétendues intentions quant à leur durée —, l’instauration d’un régime permanent sur le terrain constituerait une annexion illicite de ce territoire, même en l’absence d’une déclaration formelle de souveraineté ou d’une proclamation d’annexion de jure d’Israël.
B. L’ANNEXION PAR ISRAËL DE JÉRUSALEM-EST ET DE LA CISJORDANIE
13. Israël occupe le TPO depuis 56 ans — ce qui représente, de loin, « la plus longue occupation de guerre du monde moderne »8. Les éléments de preuve établissent clairement que les actes auxquels Israël s’est livré pendant cette occupation prolongée ont conduit à l’annexion de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie. Cette annexion est explicite dans les discours de dirigeants israéliens eux-mêmes — qui ne font pas mystère de la vraie nature de la présence continue d’Israël sur place — ainsi que des constatations détaillées de nombreux organes de l’ONU, notamment le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale, chargés d’enquêter sur les agissements d’Israël dans le TPO et de les surveiller. Elle est également attestée par les actes d’Israël dans le territoire occupé, en particulier l’extension de ses propres lois à Jérusalem-Est et à la Cisjordanie et la construction de centaines de colonies appelées à être habitées par des centaines de milliers de colons israéliens, et destinées, aux dires des dirigeants israéliens eux-mêmes, à assurer une présence et une domination israéliennes permanentes sur tout le territoire occupé.
14. Les faits qui ont précédé l’occupation du TPO par Israël sont bien connus et ont été brièvement résumés par la Cour dans l’avis consultatif de 20049. Après la prise de contrôle de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie par les forces armées israéliennes en juin 1967, Israël a immédiatement proclamé sa souveraineté sur Jérusalem-Est et a commencé à étendre l’application de ses lois à Jérusalem-Est ainsi qu’à la Cisjordanie. Ses agissements lui ont valu une condamnation immédiate et cinglante de la communauté internationale, y compris dans une série de résolutions adoptées par l’Assemblée générale et par le Conseil de sécurité10.
15. Alors qu’il lui était demandé instamment et sans équivoque de se retirer de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie, Israël a fait précisément l’inverse : il s’est employé, à travers un programme concerté, à renforcer sa présence et à resserrer son contrôle sur le territoire occupé. Tant à Jérusalem-Est qu’en Cisjordanie, Israël s’est lancé dans un programme de confiscation de terres palestiniennes et de construction d’un vaste réseau de colonies, dans lesquelles il a transféré en masse des colons israéliens. D’après les dernières données disponibles, Israël a établi au total 12 colonies à Jérusalem-Est, dans lesquelles vivent environ 230 000 colons israéliens, et plus de 270 colonies en Cisjordanie, qui comptent au total près d’un demi-million de colons israéliens11.
7 Avis consultatif de 2004, p. 184, par. 121.
8 Nations Unies, rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, 21 octobre 2019, doc. A/74/507, par. []58, https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G23/ 020/52/pdf/G2302052.pdf?OpenElement.
9 Avis consultatif de 2004, p. 165-166, par. 70-72.
10 Voir, par exemple, Nations Unies, résolution 2253 (ES-V) du 4 juillet 1967 et résolution 2254 (ES-V) du 14 juillet 1967 de l’Assemblée générale ; résolution 242 (1967) du 22 novembre 1967, résolution 252 du 21 mai 1968 et résolution 298 (1971) du 25 septembre 1971 du Conseil de sécurité.
11 En mars 2023, le haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a rapporté ce qui suit :
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16. Il n’y a de doute ni sur l’objectif motivant l’implantation de ces colonies de peuplement ni sur leur illicéité au regard du droit international. Ces colonies sont établies par Israël dans le but d’installer une présence physique et démographique permanente, sans cesse croissante et irréversible à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. En construisant des milliers de bâtiments (lieux d’habitation, de travail, de loisir, de culte, établissements d’enseignement ou hôpitaux) et en implantant des centaines de milliers de colons israéliens, Israël a créé un vaste tissu urbain, interconnecté et en expansion constante, qui altère radicalement le caractère physique et démographique du TPO. Les colonies incarnent une volonté délibérée d’établir irréversiblement des « faits … sur le terrain » et, de la sorte, d’absorber le territoire occupé. Selon le rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés, les colonies « servent l’objectif plus large du Gouvernement israélien de revendiquer une souveraineté inadmissible sur certaines parties du territoire occupé »12. Ainsi qu’indiqué dans un rapport publié en octobre 2020, « les colonies sont le principal instrument politique — les “faits observés sur le terrain” sans cesse évoqués — utilisé par le Gouvernement israélien pour faire avancer ses revendications d’annexion de facto et de jure et pour refuser l’autodétermination palestinienne »13.
17. L’illicéité des colonies israéliennes dans le TPO a été universellement reconnue. Le sixième alinéa de l’article 49 de la quatrième convention de Genève prévoit qu’une puissance occupante « ne pourra procéder … au transfert d’une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle ». Ainsi que la Cour l’a précisé dans l’avis consultatif de 2004, cette disposition prohibe « toutes les mesures que peut prendre une puissance occupante en vue d’organiser et de favoriser des transferts d’une partie de sa propre population dans le territoire occupé »14. D’après « les informations [qui lui avaient été] fournies », la Cour n’a eu aucune peine à conclure « qu’à partir de 1977 Israël a[vait] mené une politique et développé des pratiques consistant à établir des colonies de peuplement dans le territoire palestinien occupé, contrairement aux prescriptions … du sixième alinéa de l’article 49 » et que « les colonies de peuplement installées par Israël dans le territoire palestinien occupé (y compris Jérusalem-Est) l’[avaie]nt été en méconnaissance du droit international »15. La conclusion de la Cour est identique à celles qu’ont tirées à maintes reprises l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité au cours des décennies qui se sont écoulées depuis le début du programme de colonisation d’Israël16.
18. Les dirigeants israéliens ont affirmé à d’innombrables reprises que Jérusalem-Est et la Cisjordanie faisaient partie du territoire souverain d’Israël. L’actuel premier ministre, Benjamin Netanyahu, a par exemple déclaré : « Israël maintiendra à jamais Jérusalem unie sous souveraineté
« Au cours des dix dernières années, la population des colonies en Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem-Est, est passée de 520 000 personnes en 2012 à un peu moins de 700 000. La population vit dans 279 colonies israéliennes réparties en Cisjordanie, dont 14 colonies à Jérusalem-Est, soit une population totale de plus de 229 000 personnes. … L’expansion des colonies s’est poursuivie année après année au cours de la décennie. »
(Voir Nations Unies, rapport du haut-commissaire aux droits de l’homme, « Les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 15 mars 2023, doc. A/HRC/52/76, par. 5-6, https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G23/020/52/pdf/ G2302052.pdf?OpenElement.)
12 Nations Unies, rapport du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, 22 octobre 2020, doc. A/75/532, par. 54, https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/ N20/282/56/pdf/N2028256.pdf?OpenElement.
13 Ibid., par. 62.
14 Avis consultatif de 2004, p. 184, par. 120.
15 Ibid.
16 Voir avis consultatif de 2004, p. 183, par. 120. Voir également, ci-dessous, par. 20-21.
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israélienne »
17, « la Jérusalem Unie a toujours été — et sera toujours — nôtre … Jérusalem restera uniquement sous souveraineté israélienne »18, ou encore « le peuple juif n’est pas un occupant sur ses propres terres, ni un occupant à Jérusalem, notre éternelle capitale »19. Le premier ministre a maintes fois prononcé des déclarations similaires au sujet de la Cisjordanie. Ainsi, il a claironné que les colonies israéliennes en Cisjordanie « ser[aie]nt à jamais une partie inséparable de l’État d’Israël »20, demandé « la reconnaissance de notre souveraineté sur la vallée du Jourdain »21, annoncé de manière répétée « l’intention [du Gouvernement israélien] d’appliquer la souveraineté israélienne sur la vallée du Jourdain et le nord de la mer Morte »22 et souligné l’importance « d’appliquer la souveraineté israélienne à l’égard de l’ensemble des communautés de Judée et de Samarie »23.
19. Ces intentions sont, de toute évidence, aussi celles d’autres hauts responsables du Gouvernement israélien. Ainsi, M. Bezalel Smotrich, l’actuel ministre des finances et ministre de la coordination des activités gouvernementales dans les territoires et de l’administration civile, prône depuis longtemps une politique de « victoire par la colonisation »24. Il a récemment déclaré qu’Israël superviserait « la construction d’un millier [d’unités de peuplement] supplémentaires » en « Judée et Samarie » dans un but bien précis, à savoir « développer la colonie et renforcer la mainmise d’Israël sur le territoire »25.
20. De nombreux organes indépendants de l’ONU ont explicitement qualifié d’annexion le comportement d’Israël à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. L’Assemblée générale a ainsi condamné à maintes reprises cette « annexion » :
 En 1971 déjà, l’Assemblée générale avait adopté la résolution 2851 (XVI), dans laquelle elle « [d]emand[ait] énergiquement à Israël de rescinder immédiatement toutes les mesures et d’abandonner toutes les politiques et pratiques telles que … [l]’annexion d’une quelconque partie des territoires arabes occupés »26 ;
17 Prime Minister’s Office, « PM Netanyahu’s Remarks at the State Ceremony at Ammunition Hill Marking 48 Years to the Reunification of Jerusalem » (17 mai 2015) (les italiques sont de nous), https://www.gov.il/en/departments/ news/speechjerusalem170515.
18 Prime Minister’s Office, « Address by PM Netanyahu on the occasion of Jerusalem Day State Ceremony, Ammunition Hill, Jerusalem » (21 mai 2009) (les italiques sont de nous), https://www.gov.il/en/departments/news/ speechjeru210509.
19 Reuters, « Netanyahu says Israel not bound by “despicable” U.N. vote » (31 décembre 2022), https://www.reuters.com/world/middle-east/un-vote-israels-occupation-a-victory-palestinians-say-2022-12-31/.
20 New York Times, « Netanyahu Says Some Settlements to Stay in Israel » (24 janvier 2010) (les italiques sont de nous), https://www.nytimes.com/2010/01/25/world/middleeast/25mideast.html.
21 Prime Minister’s Office, « Excerpts from PM Netanyahu’s Remarks to the Makor Rishon Economic, Society and Innovation Conference in Jerusalem » (8 décembre 2019) (les italiques sont de nous), https://www.gov.il/en/departments/ news/event_conference081219.
22 BBC, « Arab nations condemn Netanyahu’s Jordan Valley annexation plan » (11 septembre 2019) (les italiques sont de nous), https://www.bbc.co.uk/news/world-middle-east-49657915.
23 Prime Minister’s Office, « Cabinet Approves PM Netanyahu’s Proposal to Establish the Community of Mevo’ot Yeriho & PM’s Remarks at the Start of the Cabinet Meeting » (15 septembre 2019) (les italiques sont de nous), https:// www.gov.il/en/departments/news/event_jordan150919.
24 Jerusalem Post, « MK’s controversial plan nixes two-state solution, calls for annexation » (11 septembre 2017), https://www.google.com/search?client=safari&rls=en&q=MK%E2%80%99s+controversial+plan+nixes+two-state+solution%2C+calls+for+annexation&ie=UTF-8&oe=UTF-8.
25 B. Smotrich, Twitter (18 juin 2023) (les italiques sont de nous).
26 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 2851 (XXVI) du 20 décembre 1971.
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 En 197427, 197528, 197629, 197730, 197831 et 197932, l’Assemblée générale a adopté des résolutions dans lesquelles elle se déclarait « très profondément préoccupée » de « [l]’annexion de certaines parties des territoires occupés » par Israël, qu’elle « [c]ondamn[ait] » ;
 En 1983, l’Assemblée générale a adopté une résolution dans laquelle elle déclarait que « la politique et les pratiques israéliennes d’annexion ou visant à l’annexion des territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés, y compris Jérusalem », étaient « contraires aux principes du droit international et aux résolutions pertinentes de l’Organisation des Nations Unies »33 ;
 En 1994, l’Assemblée générale a adopté une résolution dans laquelle elle déclarait que « la politique et les pratiques israéliennes d’annexion ou visant à l’annexion des territoires arabes occupés depuis 1967 » étaient « toutes illégales et contraires aux principes du droit international comme aux résolutions applicables des Nations Unies »34 ;
 Dans des résolutions adoptées en 200335, 200436, 200537, 200638, 200739, 200840, 200941, 201042, 201143, 201244, 201345, 201446, 201547, 201648, 201749 et 201850, l’Assemblée générale a fait référence aux « activités d’implantation de colonies de peuplement dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est » et à « l’annexion de facto de terres » sur place, successivement en « [s’y] redisant fermement opposée », les « [d]éplorant » et les « condamnant ».
27 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 3240 du 29 novembre 1974.
28 Ibid., résolution 3525 du 15 décembre 1975.
29 Ibid., résolution 31/106 du 16 décembre 1976.
30 Ibid., résolution 32/91 du 13 décembre 1977.
31 Ibid., résolution 33/113 du 18 décembre 1978.
32 Ibid., résolution 34/90 du 12 décembre 1979.
33 Ibid., résolution 38/180 du 19 décembre 1983.
34 Ibid., résolution 48/59 du 31 janvier 1993.
35 Ibid., résolution 58/98 du 17 décembre 2003.
36 Ibid., résolution 59/123 du 10 décembre 2004.
37 Ibid., résolution 60/106 du 8 décembre 2005.
38 Ibid., résolution 61/118 du 14 décembre 2006.
39 Ibid., résolution 62/108 du 17 décembre 2007.
40 Ibid., résolution 63/97 du 5 décembre 2008.
41 Ibid., résolution 64/93 du 10 décembre 2009.
42 Ibid., résolution 65/104 du 10 décembre 2010.
43 Ibid., résolution 66/78 du 9 décembre 2011.
44 Ibid., résolution 67/120 du 18 décembre 2012.
45 Ibid., résolution 68/82 du 11 décembre 2013.
46 Ibid., résolution 69/92 du 5 décembre 2014.
47 Ibid., résolution 70/89 du 9 décembre 2015.
48 Ibid., résolution 71/97 du 6 décembre 2016.
49 Ibid., résolution 72/86 du 7 décembre 2017.
50 Ibid., résolution 73/98 du 7 décembre 2018.
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 Dans des résolutions adoptées en 202051, 202152 et 202253, l’Assemblée générale est allée encore plus loin :
« Soulign[ant] que l’occupation d’un territoire doit être un état de fait provisoire, par lequel la Puissance occupante ne peut ni revendiquer la possession de ce territoire ni exercer sa souveraineté sur le territoire qu’elle occupe, [elle a] rappe[lé] à cet égard le principe de l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la force et donc le caractère illégal de l’annexion de toute partie du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, qui constitue une violation du droit international, compromet la viabilité de la solution des deux États et remet en cause les perspectives d’un règlement pacifique, juste, durable et global, et s’[est] dit[e] gravement préoccupée par les déclarations récentes au sujet de l’annexion par Israël de secteurs dans le Territoire palestinien occupé ».
Dans ces résolutions, l’Assemblée générale a également
« [c]ondamn[é] à cet égard les activités de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et dans le Golan syrien occupé et toutes les activités entraînant la confiscation de terres, la perturbation des moyens d’existence de personnes protégées, le transfert forcé de civils et l’annexion de territoire, de fait ou par l’adoption d’une loi nationale » ;
et
« [d]emand[é] à tous les États, conformément aux obligations que leur imposent le droit international et les résolutions sur la question, de ne pas reconnaître le maintien de la situation créée par des mesures qui sont illégales au regard du droit international, dont celles visant à faire avancer l’annexion du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est … et de ne pas prêter aide ou assistance en la matière ».
21. Le Conseil de sécurité a, de la même manière, condamné les actions d’Israël dans le TPO comme étant incompatibles avec l’interdiction de l’acquisition de territoire par la force. Par exemple :
 en 1968, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2[5]2, dans laquelle il « [r]éaffirma[it] que l’acquisition de territoire par la conquête militaire [était] inadmissible » et déclarait que « toutes les mesures et dispositions législatives et administratives prises par Israël, y compris l’expropriation de terres et de biens immobiliers, qui tendent à modifier le statut juridique de Jérusalem [étaient] non valides et ne p[ouvaient] modifier ce statut » ;
 en 1971, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 298 dans laquelle, de nouveau, il « [r]éaffirm[ait] le principe que l’acquisition d’un territoire par une conquête militaire [était] inadmissible » et
« [c]onfirm[ait] de la façon la plus explicite que toutes les dispositions législatives et administratives prises par Israël en vue de modifier le statut de la ville de Jérusalem, y compris l’expropriation de terres et de biens immeubles, le transfert de populations et la législation visant à incorporer la partie occupée, [étaient] totalement nulles et non avenues et ne p[ouvaient] modifier le statut de la ville » ;
51 Ibid., résolution 75/97 du18 décembre 2020.
52 Ibid., résolution 76/82 du 9 décembre 2021.
53 Ibid., résolution 77/126 du 12 décembre 2022.
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 en 1980, après l’adoption par Israël de la loi fondamentale faisant de Jérusalem la capitale « entière et réunifiée » d’Israël, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 478 dans laquelle il « [r]éaffirma[i]t de nouveau que l’acquisition de territoire par la force [étai]t inadmissible » et « [c]ensur[ait] dans les termes les plus énergiques l’adoption par Israël de la “loi fondamentale” sur Jérusalem et son refus de se conformer aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité » ;
 en 2016, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2334, dans laquelle il « rappel[ait] … que l’acquisition de territoire par la force [étai]t inadmissible » et condamnait
« toutes les mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut du Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, notamment la construction et l’expansion de colonies de peuplement, le transfert de colons israéliens, la confiscation de terres, la destruction de maisons et le déplacement de civils palestiniens, en violation du droit international humanitaire et des résolutions pertinentes ».
Le Conseil de sécurité a également réaffirmé que la construction de colonies de peuplement par Israël dans le TPO « n’a[vait] aucun fondement en droit et constitu[ait] une violation flagrante du droit international ».
22. Le Secrétaire général de l’ONU a publié de nombreux rapports au sujet des colonies de peuplement israéliennes dans le TPO, assimilant explicitement le comportement d’Israël à Jérusalem-Est et en Cisjordanie à une « annexion ». Par exemple,
 en 2009, le Secrétaire général a publié un rapport qui indiquait ce qui suit :
« Le droit international interdit l’annexion d’un territoire occupé à la suite d’un conflit armé. L’annexion par Israël de Jérusalem-Est constitue une violation flagrante de ce droit.
Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires, 12 colonies ont été construites à Jérusalem-Est depuis son annexion, et les colons y sont environ au nombre de 195 000 »54.
 En 2010, le Secrétaire général a publié un autre rapport dans lequel il redisait que
« l’annexion par Israël de Jérusalem-Est, immédiatement après la guerre de 1967, constitue une violation flagrante du droit international. Contrairement à ses obligations au regard du droit international, Israël a construit 12 colonies à Jérusalem-Est depuis son annexion »55.
 En 2015, le Secrétaire général a publié un nouveau rapport, dans lequel il faisait le constat suivant :
« L’occupation est censée être temporaire, car l’annexion ou l’acquisition de territoires par la force est strictement interdite en vertu du droit international. L’interdiction expresse de transférer la population de la Puissance occupante dans un
54 Rapport du Secrétaire général, « Les colonies de peuplement israéliennes dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 6 novembre 2009, A/64/516, par. 22-23 (les italiques sont de nous), https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N09/598/12/PDF/N0959812.pdf?OpenElement.
55 Rapport du Secrétaire général, « Les colonies de peuplement israéliennes dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 14 septembre 2010, A/65/365, par. 18 (les italiques sont de nous), https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N10/532/27/PDF/N1053227.pdf?OpenElement.
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territoire occupé vise à déjouer les tentatives d’annexion de fait. En Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, la création et le maintien de colonies de peuplement reviennent à annexer lentement mais sûrement le Territoire palestinien occupé.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Dans le cas de Jérusalem-Est, la poursuite de la colonisation dans Jérusalem et à sa périphérie semble avoir été menée dans l’intention de modifier la composition démographique de la ville … et ce dans le cadre d’une annexion illégale condamnée par le Conseil de sécurité »56.
 En 2020, le Secrétaire général a publié un autre rapport qui dressait le constat suivant :
« Depuis l’annexion de Jérusalem-Est par Israël, les biens qui se trouvent à Jérusalem-Est et appartiennent à des Palestiniens résidant en dehors de la ville ont été considérés par les autorités israéliennes comme étant des “biens d’absents” sur la base de plaintes déposées par des organisations de colons, et ont dans certains cas été transférés ou vendus à des organisations de colons. Nonobstant l’illégalité de l’annexion au regard du droit international, la Cour suprême israélienne a accepté ces confiscations »57.
Le rapport faisait également état de « [l]’intention déclarée du Gouvernement israélien d’aller de l’avant avec l’annexion de certaines parties de la Cisjordanie occupée »58.
23. Plusieurs personnes et organismes indépendants chargés d’enquêter sur les activités d’Israël dans le TPO sont parvenus aux mêmes conclusions. Les rapporteurs spéciaux successifs ont ainsi qualifié d’« annexion » le comportement d’Israël à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. On citera ci-après, à titre d’exemples, les rapports publiés au cours des cinq dernières années :
 En octobre 2018, le rapporteur spécial a conclu ce qui suit :
« S’employant à garantir l’irréversibilité de son annexion de jure de Jérusalem-Est, Israël a, pendant le demi-siècle écoulé, étendu sa législation nationale et son autorité civile à la partie occupée de la ville, proclamé sa souveraineté permanente à de multiples occasions, transformé l’aspect physique et le caractère historique de Jérusalem-Est, transféré certaines de ses institutions nationales, dont le Ministère de la justice, et lancé un programme intensif d’implantation et d’extension de colonies israéliennes. »59
En ce qui concerne la Cisjordanie, il a ajouté ce qui suit :
« La direction politique israélienne hésite beaucoup moins, depuis deux ans, à dire haut et fort ce que les actions du Gouvernement israélien signalent déjà depuis des
56 Rapport du Secrétaire général, « Les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est et le Golan syrien occupé », 31 août 2015, A/70/351, par. 17-18 (les italiques sont de nous), https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N15/268/51/PDF/N1526851.pdf?OpenElement.
57 Rapport du Secrétaire général, « Les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé », 1er octobre 2020, A/75/376, par. 51 (les italiques sont de nous), https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N20/253/42/PDF/N2025342.pdf?OpenElement.
58 Ibid., par. 39 (les italiques sont de nous).
59 Rapport du rapporteur spécial sur la « Situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 », 22 octobre 2018, A/73/447, par. 37 (les italiques sont de nous), https://documents-dds-ny.un.org/doc/ UNDOC/GEN/N18/332/92/PDF/N1833292.pdf?OpenElement.
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années. L’annexion est dans l’air, et les intentions sont maintenant clairement exprimées par des paroles autant que par des actes. »
60
 En octobre 2019, le rapporteur spécial a souligné que « le Premier Ministre israélien et des hauts responsables de son Gouvernement multipli[aient] les appels à l’annexion de tout ou partie de la Cisjordanie »61. Selon lui, « Israël s’est employé à garantir l’irréversibilité de son annexion de jure de Jérusalem-Est en étendant sa législation nationale et son autorité civile à la partie occupée de la ville »62. Dans une section consacrée spécifiquement à l’« annexion », le rapporteur spécial indiquait également ce qui suit :
« Le Conseil de sécurité a rappelé à au moins huit reprises — y compris, et ce, pour la dernière fois, dans sa résolution 2334 (2016) — la règle juridique selon laquelle l’acquisition de territoires par la force était inadmissible. Bien que le Conseil ait qualifié d’illégale l’annexion par Israël de Jérusalem-Est, en 1980, et du plateau du Golan syrien, en 1981, force est de constater que le pays n’a pas renoncé à ces annexions de jure et que rien ni personne n’a empêché ses dirigeants politiques d’intensifier l’annexion de facto de la Cisjordanie par la confiscation continue de terres et la poursuite d’une colonisation tous azimuts. Les dirigeants politiques israéliens continuent en outre d’exprimer régulièrement leur adhésion à l’annexion officielle de tout ou partie de la Cisjordanie. »63
 En octobre 2020, le rapporteur spécial a évoqué le « refus persistant d’Israël de mettre fin à son annexion de Jérusalem-Est », faisant observer que malgré la condamnation du Conseil de sécurité,
« Israël a continué à intensifier son annexion de Jérusalem-Est en créant et en étendant 12 colonies civiles, en assurant la présence de 215 000 colons juifs, en construisant un mur séparant Jérusalem-Est de la Cisjordanie, et en consolidant l’intégration politique et infrastructurelle de Jérusalem-Est et de Jérusalem-Ouest »64.
Le rapporteur spécial a également fait référence à « l’annonce par Israël de son projet d’annexion de certaines parties de la Cisjordanie et de la vallée du Jourdain »65.
 En octobre 2021, le rapporteur spécial a publié un nouveau rapport, concluant que « cette occupation vieille de cinq décennies a fini par ressembler en tout point à une annexion »66. Il observait qu’il existait de « nombreuses preuves économiques et politiques » que « les politiques et pratiques israéliennes à l’égard des Palestiniens » suivaient « une stratégie d’annexion de facto et de contrôle permanent du territoire palestinien »67. Faisant référence à « l’opposition … de l’Union européenne aux projets d’annexion de jure d’Israël » en ce qui concerne la Cisjordanie,
60 Ibid., par. 58 (les italiques sont de nous).
61 Rapport du rapporteur spécial sur la « Situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 », 21 octobre 2019, A/74/507, par. 15 (les italiques sont de nous), https://documents-dds-ny.un.org/ doc/UNDOC/GEN/N19/328/23/PDF/N1932823.pdf?OpenElement.
62 Ibid., par. 22 (les italiques sont de nous).
63 Ibid., par. 63 (les italiques sont de nous).
64 Rapport du rapporteur spécial sur la « Situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 », 22 octobre 2020, A/75/532, par. 41-42 (les italiques sont de nous), https://documents-dds-ny.un.org/doc/ UNDOC/GEN/N20/282/56/PDF/N2028256.pdf?OpenElement.
65 Ibid., par. 8 (les italiques sont de nous).
66 Rapport du rapporteur spécial sur la « Situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 », 22 octobre 2021, A/76/433, par. 57 (les italiques sont de nous), https://documents-dds-ny.un.org/ doc/UNDOC/GEN/N21/299/66/PDF/N2129966.pdf?OpenElement.
67 Ibid., par. 48 (les italiques sont de nous).
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il notait qu’elle n’avait toutefois « guère perturbé l’expansion de l’occupation et la réalité de l’annexion de facto »
68. Était également mentionné le fait que « [l]’ancien Secrétaire général Ban Ki-Moon a[vait] déclaré en juin 2021 qu’Israël avait poursuivi une politique d’annexion progressive de facto dans les territoires qu’il occupait depuis 1967 »69.  En août 2022, le rapporteur spécial a publié un autre rapport dans lequel il concluait de nouveau que, « en raison du caractère inexorable de l’occupation israélienne, il [était] devenu, ces dernières décennies, impossible de la différencier d’une annexion »
70. Il précisait ceci :
« Depuis le début de l’occupation en juin 1967, la domination israélienne sur le territoire palestinien est caractérisée par deux éléments essentiels[, dont l]e premier consiste à créer une “situation sur le terrain” conçue pour être irréversible, à savoir la construction de 300 implantations civiles peuplées de 700 000 colons juifs, l’objectif étant de s’appuyer sur la démographie pour formuler en toute illégalité une revendication de souveraineté en annexant le territoire occupé tout en empêchant les Palestiniens d’exercer leur droit à l’autodétermination. »71
Et de résumer ainsi sa position :
« L’occupation israélienne est menée au mépris total du droit international et de centaines de résolutions de l’ONU, sans réaction forte de la part de la communauté internationale. Cette occupation, vieille de cinquante-cinq ans, a dépassé depuis longtemps les limites du provisoire. Israël s’est progressivement livré à une annexion de jure et de facto des territoires occupés. »72
24. Plus récemment, la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël s’est penchée, dans un rapport qu’elle a présenté à l’Assemblée générale en septembre 2022, sur « la présumée annexion de jure … et … de facto » par Israël du TPO73. Elle décrivait notamment la « présumée annexion de jure de Jérusalem-Est » par Israël74 et les « politiques d’annexion de facto » adoptées par les « gouvernements israéliens successifs »75. La Commission indépendante concluait ce qui suit :
 « il y a des motifs raisonnables de conclure que l’occupation israélienne du territoire palestinien est aujourd’hui illégale au regard du droit international en raison de sa permanence et des mesures mises en oeuvre par Israël pour annexer de facto et de jure certaines parties de ce territoire »76.
 « Les mesures prises par Israël pour créer des faits irréversibles sur le terrain et pour étendre son contrôle sur le territoire constituent aussi bien des manifestations que des moteurs de son
68 Ibid., par. 43 (les italiques sont de nous).
69 Ibid., par. 33.
70 Rapport du rapporteur spécial sur la « Situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 », Michael Lynk, 12 août 2022, A/HRC/49/87, par. 51, https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/ G22/584/07/PDF/G2258407.pdf?OpenElement.
71 Ibid., par. 35 (les italiques sont de nous).
72 Ibid., par. 11 (les italiques sont de nous).
73 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 14 septembre 2022, A/77/328, p. 2 (les italiques sont de nous), https://documents-dds- ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N22/591/37/PDF/N2259137.pdf?OpenElement.
74 Ibid., par. 16 (les italiques sont de nous).
75 Ibid., par. 51 (les italiques sont de nous).
76 Ibid., par. 75 (les italiques sont de nous).
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occupation permanente. L’entreprise de peuplement est le principal moyen par lequel ces résultats sont obtenus. »
77  « Les déclarations des responsables israéliens constituent une preuve supplémentaire du fait qu’Israël a prévu que l’occupation sera permanente, tout comme l’absence de mesures visant à mettre fin à l’occupation, notamment en vue de la “solution des deux États” ou de toute autre solution. »
78
 « Israël considère l’occupation comme une situation permanente et … a — à toutes fins utiles — annexé des parties de la Cisjordanie, tout en invoquant pour se justifier le caractère temporaire de la situation, lequel n’est qu’une fiction. Israël a pris des mesures qui sont constitutives d’une annexion de facto, à savoir notamment : l’expropriation de terres et de ressources naturelles, l’établissement de colonies et d’avant-postes, l’application aux Palestiniens d’un régime d’aménagement et de construction restrictif et discriminatoire et l’application extraterritoriale de la législation israélienne aux colons israéliens en Cisjordanie. »79
 « La Cour internationale de Justice avait anticipé cette situation dans son avis consultatif de 2004, dans lequel elle avait déclaré que le mur créait sur le terrain un fait accompli qui pourrait fort bien devenir permanent, auquel cas la construction du mur équivaudrait à une annexion. Il s’agit désormais d’une réalité. »80
 « Selon la Commission, l’occupation permanente et l’annexion de facto par Israël, notamment les mesures examinées dans le présent rapport, ne peuvent pas rester sans réponse. »81
25. Le Guyana soutient que, à la lumière des conclusions résumées ci-dessus, tout comme de nombreuses autres conclusions similaires, démontrent qu’il ne fait aucun doute qu’Israël a annexé Jérusalem-Est et la Cisjordanie, en contravention du droit international.
77 Ibid. (les italiques sont de nous).
78 Ibid. (les italiques sont de nous).
79 Ibid., par. 76 (les italiques sont de nous).
80 Ibid., par. 76 (les italiques sont de nous).
81 Ibid., par. 84 (les italiques sont de nous).
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DEUXIÈME PARTIE LE DROIT À L’AUTODÉTERMINATION DU PEUPLE PALESTINIEN ET LA VIOLATION PAR ISRAËL DE CE DROIT
A. LE DROIT À L’AUTODÉTERMINATION
26. À l’instar de l’interdiction de l’annexion, le droit à l’autodétermination est une norme de jus cogens d’application universelle. Dans l’avis consultatif de 2004, la Cour a noté ce qui suit :
« le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes a été consacré dans la Charte des Nations Unies et réaffirmé par la résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale … L’article premier commun au pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et au pacte international relatif aux droits civils et politiques réaffirme le droit de tous les peuples à disposer d’eux-mêmes et fait obligation aux États parties de faciliter la réalisation de ce droit et de le respecter, conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies. »82
27. Ainsi que la Cour l’a souligné en l’affaire relative au Timor oriental, le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes « est un droit opposable erga omnes » et « il s’agit là d’un des principes essentiels du droit international contemporain »83. Dans l’avis consultatif qu’elle a rendu en 2019 sur les Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965 (ci-après l’« avis consultatif relatif à l’archipel des Chagos »), la Cour a observé qu’il s’ensuit que « tous les États ont un intérêt juridique à ce que ce droit soit protégé »84, précisant que « le droit à l’autodétermination, en tant que droit humain fondamental, a un champ d’application étendu »85.
28. Le caractère de jus cogens du droit à l’autodétermination est attesté (entre autres) par l’inclusion expresse de ce droit dans la liste des normes ayant ce statut figurant dans le projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens)86. Et de fait, comme l’a relevé le juge Cançado Trindade dans l’opinion individuelle concordante qu’il a jointe à l’avis consultatif relatif à l’archipel des Chagos, « [à] plusieurs reprises, depuis le début des années 1960, le jus cogens a été directement relié au droit à l’autodétermination » par la CDI. Dans la procédure consultative relative à l’archipel des Chagos, pas moins de 17 États (ainsi que l’Union africaine) avaient présenté des exposés à l’effet précis de défendre l’idée que le droit à l’autodétermination a le statut de jus cogens87. Le juge Cançado Trindade a procédé à une analyse détaillée de ces exposés et de l’historique du droit à l’autodétermination, et conclu sans hésiter que ce droit « particip[ait] bel et bien du jus cogens et
82 Avis consultatif de 2004, p. 171-172, par. 88.
83 Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 102, par. 29.
84 Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 139, par. 180.
85 Ibid., p. 131, par. 144.
86 Projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens), rapport de la Commission du droit international, soixante-dix-septième session, 18 avril-3 juin et 4 juillet-5 août 2022, A/77/10, par. 44, annexe, p. 93.
87 Dans son opinion individuelle, le juge Cançado Trindade a énuméré les 17 États ayant expressément traité cette question, à savoir l’Afrique du Sud, l’Argentine, le Belize, le Brésil, le Chili, Chypre, Cuba, Djibouti, le Kenya, Maurice, la Namibie, le Nicaragua, le Nigéria, les Pays-Bas, la Serbie, les Seychelles et la Zambie (voir opinion individuelle du juge Cançado Trindade, p. 196, par. 129).
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donn[ait] naissance à des obligations erga omnes, avec toutes les conséquences qui en découl[aient] sur le plan juridique »
88. Cette conclusion concorde avec les vues de spécialistes éminents89.
B. LA VIOLATION PAR ISRAËL DU DROIT À L’AUTODÉTERMINATION DU PEUPLE PALESTINIEN
29. Il ne fait pas de doute que le droit à l’autodétermination s’applique au peuple palestinien. Il ne fait pas non plus de doute qu’Israël a violé ce droit de façon systématique par son comportement dans le TPO. La Cour a d’ailleurs expressément confirmé tant l’existence de ce droit que la violation qui en était faite dans l’avis consultatif de 2004, lorsqu’elle a dit que, parmi les droits du peuple palestinien, « figur[ait] le droit à l’autodétermination, comme … reconnu à plusieurs occasions » par l’Assemblée générale90, et qu’« Israël d[eva]it observer l’obligation qui lui incombe de respecter le droit à l’autodétermination du peuple palestinien »91, et qu’elle a conclu que la construction du mur par Israël dans le TPO « dress[ait] … un obstacle grave à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination et viol[ait] de ce fait l’obligation incombant à Israël de respecter ce droit »92. Par ailleurs, la Cour a jugé qu’« [i]l appart[enai]t … à tous les États de veiller, dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international, à ce qu’il soit mis fin aux entraves, résultant de la construction du mur, à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination »93.
30. Dans l’avis consultatif de 2004, la Cour a abouti à ses conclusions s’agissant de la violation par Israël du droit à l’autodétermination du peuple palestinien sur le seul fondement des questions de portée limitée dont elle était alors saisie concernant la construction du mur et le régime qui lui est associé. Dans la présente procédure consultative, il lui est demandé d’examiner le comportement d’Israël dans une perspective beaucoup plus large, compte notamment tenu du fait que, au cours des 19 années qui se sont écoulées dans l’intervalle, Israël a considérablement étendu et consolidé son annexion de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie. Envisagées sous cet angle plus large, l’existence et l’étendue de la violation par Israël du droit à l’autodétermination du peuple palestinien sont à la fois incontestables et accablantes.
31. La violation par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination est une conséquence inévitable d’une annexion et d’une occupation dont l’origine remonte à des décennies. C’est en effet, comme l’a dit le juge Al-Khasawneh dans une opinion individuelle jointe à l’avis consultatif de 2004, « la prolongation de l’occupation militaire israélienne et la politique d’Israël consistant à créer des faits accomplis sur le terrain qui empêchent les Palestiniens de réaliser leur droit à disposer d’eux-mêmes »94. Ainsi que l’a expliqué le rapporteur spécial en 2021, « l’annexion de facto et de jure du territoire occupé par Israël, réalisée principalement au moyen de l’implacable expansion de ses implantations, a sapé tout exercice digne de ce nom du droit à l’autodétermination
88 Avis consultatif de 2004, p. 193, par. 119.
89 Dès 1994, les auteurs du commentaire de la Charte des Nations Unies avaient ainsi observé que le droit à l’autodétermination en était venu à être « très largement considéré comme faisant partie des normes impératives du droit international » (K. Doehring, « Self-Determination as Jus Cogens », [auteurs multiples], The Charter of the United Nations — A Commentary (sous la dir. de B. Simma et al.), Oxford University Press, 1994, p. 70-71). La Max Planck Encyclopaedia of Public International Law indique de manière similaire que le principe d’autodétermination est l’une des « règles fréquemment mentionnées » comme relevant du jus cogens.
90 Avis consultatif de 2004, p. 183, par. 118.
91 Ibid., p. 197, par. 149.
92 Ibid., p. 184, par. 122.
93 Ibid., p. 200, par. 159.
94 Ibid., opinion individuelle du juge Al-Khasawneh, p. 237, par. 9.
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sur ce qui reste des terres palestiniennes »
95. La Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé a été tout aussi claire lorsqu’elle a conclu ce qui suit :
« [L]’occupation et les politiques d’annexion de facto d’Israël pèsent lourdement sur la vie des Palestiniens de toute la Cisjordanie, … constituent de graves violations des droits humains et atteintes à ces droits et … sont contraires au droit international humanitaire. L’attachement d’Israël à l’entreprise en question s’est traduit par une série de politiques destinées à soutenir et à étendre cette entreprise, qui ont eu des effets négatifs dans tous les domaines de la vie palestinienne. Il s’agit notamment d’expulsions, de déportations et de transferts forcés de Palestiniens à l’intérieur de la Cisjordanie, de l’expropriation, du pillage et de l’exploitation de terres et de ressources naturelles vitales, de restrictions des déplacements et du maintien d’un environnement coercitif dans le but de fragmenter la société palestinienne, d’inciter les Palestiniens à quitter certaines zones et de faire en sorte qu’ils soient incapables de réaliser leur droit à l’autodétermination. »96
95 Rapport du rapporteur spécial sur la « Situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 », Michael Lynk, A/76/433, par. 36 c), https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N21/299/66/pdf/ N2129966.pdf?OpenElement.
96 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, 14 septembre 2022, A/77/328, par. 77 (les italiques sont de nous), https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N22/591/37/pdf/N2259137.pdf?OpenElement.
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TROISIÈME PARTIE L’EFFET DES VIOLATIONS COMMISES PAR ISRAËL SUR LE STATUT JURIDIQUE DE L’OCCUPATION
32. Ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, l’annexion de territoire est fondamentalement incompatible avec la notion d’occupation licite. L’est tout autant le déni du droit à l’autodétermination de la population du territoire occupé. Une occupation qui emporte annexion du territoire occupé n’est, à la vérité, nullement une « occupation » : c’est une conquête militaire. Un État ne peut être à la fois l’occupant temporaire non souverain et le prétendu « souverain » permanent d’un même territoire. De même, une occupation exercée de telle sorte que la population du territoire occupé se trouve privée de son droit de disposer d’elle-même (notamment à raison de l’annexion de son territoire) n’est forcément et évidemment pas une occupation qui est menée dans le respect du droit applicable en la matière.
33. Par les actes auxquels il s’est livré dans le TPO depuis 1967, Israël a violé de manière systématique non seulement l’interdiction de l’annexion mais également le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, qui tous deux relèvent du jus cogens. Les violations de ces normes impératives du droit international — violations dont la gravité, l’inscription dans la durée et le caractère continu ont été établis — ne sont pas des épisodes secondaires, accidentels ou isolés d’une occupation qui serait temporaire et par ailleurs licite. Au contraire, elles sont à la fois une partie intégrante et une conséquence permanente de la présence continue d’Israël dans le TPO.
34. Une occupation qui a pour effet et, inextricablement, pour fondement des violations si graves de normes de jus cogens n’est pas — et ne saurait en aucun cas être — une occupation licite. La violation par Israël de ces normes impératives du droit international exclut donc irrémédiablement la licéité de son occupation prolongée du TPO. L’occupation prolongée par Israël du TPO est ainsi elle-même illicite dans sa totalité et, dès lors, du fait de l’obligation qui lui incombe de cesser ses faits internationalement illicites, Israël est dans l’obligation d’y mettre fin immédiatement et intégralement. Rien de moins qu’une cessation complète de l’occupation ne saurait suffire à cet effet.
35. Dans l’avis consultatif relatif à l’archipel des Chagos, la Cour a considéré que le maintien par le Royaume-Uni de l’administration coloniale d’une partie intégrante du territoire national de Maurice constituait « un fait illicite à caractère continu »97 et que, dès lors, le Royaume-Uni était « tenu, dans les plus brefs délais, de mettre fin à son administration de l’archipel des Chagos »98. Qu’il s’agisse (comme dans la procédure relative à l’archipel des Chagos) d’une administration coloniale ou (comme dans la présente procédure) d’une administration d’occupation illicites, les conséquences doivent être les mêmes. Dans les deux cas, une puissance étrangère — coloniale ou occupante — est présente de façon illicite sur le territoire d’un autre État et administre celui-ci, contre la volonté de sa population et en violation du droit de celle-ci à l’autodétermination. Dans les deux cas, il doit être mis fin aussi rapidement que possible, et intégralement, à cette administration illicite.
36. S’ensuivent également des conséquences pour les États tiers. Dans l’avis consultatif de 2004, la Cour, à la lumière de ses propres conclusions concernant l’illicéité des actes d’Israël examinés alors, a estimé que
97 Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 138, par. 177.
98 Ibid., p. 139, par. 178 (les italiques sont de nous).
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« [t]ous les États [étaient] dans l’obligation de ne pas reconnaître la situation illicite découlant de la construction du mur et de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par cette construction ; [et que] tous les États parties à la quatrième convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949, [avaient] en outre l’obligation, dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international, de faire respecter par Israël le droit international humanitaire incorporé dans cette convention »99.
37. Adoptant la même approche, le Guyana soutient qu’il s’ensuit nécessairement qu’Israël est dans l’obligation de mettre fin dans les plus brefs délais à son occupation illicite du territoire palestinien et de respecter le droit du peuple palestinien à l’autodétermination ; et que tous les États sont dans l’obligation i) de ne pas reconnaître comme licite l’occupation par Israël du TPO ; ii) de ne pas prêter aide ou assistance à Israël aux fins du maintien de cette occupation ; et iii) de veiller à assurer le plein respect par Israël du droit international humanitaire, ainsi que de l’interdiction de l’annexion et du droit à l’autodétermination du peuple palestinien, qui relèvent du jus cogens, ce qui suppose notamment (mais pas uniquement) la cessation immédiate de l’occupation israélienne du TPO. Ces obligations solennelles et contraignantes constituent le corollaire indispensable de l’illicéité de l’occupation israélienne du TPO.
99 Avis consultatif de 2004, p. 202, par. 163 D.
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CONCLUSION
38. Pour les raisons développées dans le présent exposé écrit, la République coopérative du Guyana soutient :
1) qu’Israël a annexé de manière illicite la Cisjordanie et Jérusalem-Est ;
2) qu’Israël a violé le droit à l’autodétermination du peuple palestinien ;
3) que l’occupation par Israël du TPO est illicite, et qu’Israël est dans l’obligation d’y mettre fin immédiatement et intégralement ;
4) que tous les États sont dans l’obligation i) de ne pas reconnaître comme licite l’occupation par Israël du TPO; ii) de ne pas prêter aide ou assistance à Israël aux fins du maintien de cette occupation ; et iii) de veiller à ce qu’Israël respecte pleinement ses obligations juridiques internationales, y compris en mettant immédiatement un terme à son occupation du TPO.
Le 25 juillet 2023.
Le ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale,
(Signé) M. Hugh Hilton TODD.
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Exposé écrit du Guyana

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