Exposé écrit du Chili

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186-20230724-WRI-04-00-EN
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
18736
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE CONSÉQUENCES JURIDIQUES DÉCOULANT DES POLITIQUES ET PRATIQUES D’ISRAËL DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ, Y COMPRIS JÉRUSALEM-EST (REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF) EXPOSÉ ÉCRIT DE LA RÉPUBLIQUE DU CHILI
24 juillet 2023
[Traduction du Greffe]
TABLE DES MATIÈRES
Page
I. La Cour a compétence et ne devrait pas utiliser son pouvoir discrétionnaire pour refuser de donner cet avis consultatif ................................................................................... 2
A. Compétence pour donner l’avis consultatif demandé .............................................................. 2
B. Absence de raison décisive de refuser de donner l’avis consultatif ......................................... 5
II. Les éléments dont dispose la Cour lui permettent de conclure que, par ses politiques et pratiques dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, Israël a violé et continue de violer le droit international .................................................................................... 7
III. Le droit applicable à l’examen des conséquences juridiques de la violation du droit international par Israël ................................................................................................................ 19
A. La Charte des Nations Unies .................................................................................................. 19
B. Droit international humanitaire .............................................................................................. 20
C. Droit international relatif aux droits de l’homme ................................................................... 22
D. Droit pénal international......................................................................................................... 25
IV. Observations du Chili sur la question a) .................................................................................... 26
A. Conséquences juridiques pour Israël ...................................................................................... 29
B. Conséquences juridiques pour les États tiers .......................................................................... 29
C. Conséquences juridiques pour l’Organisation des Nations Unies .......................................... 30
V. Observations du Chili sur la question b) ..................................................................................... 30
A. Conséquences juridiques pour Israël ...................................................................................... 31
B. Conséquences juridiques pour les États tiers .......................................................................... 31
C. Conséquences juridiques pour l’Organisation des Nations Unies .......................................... 32
1. Le 30 décembre 2022, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté, à la 56e séance de sa soixante-dix-septième session, la résolution 77/247, par laquelle elle a décidé, conformément à l’article 65 du Statut de la Cour, de demander à celle-ci de donner un avis consultatif. Les questions posées à la Cour, énoncées au paragraphe 18 de ladite résolution, se lisent comme suit :
« [C] ompte tenu des règles et principes du droit international, dont la Charte des Nations Unies, le droit international humanitaire, le droit international des droits de l’homme, les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et du Conseil des droits de l’homme et les siennes propres, et l’avis consultatif donné par la Cour le 9 juillet 2004 :
a) Quelles sont les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et de son annexion prolongées du Territoire palestinien occupé depuis 1967, notamment des mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem, et de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires connexes ?
b) Quelle incidence les politiques et pratiques d’Israël visées au paragraphe 18 a) ci-dessus ont-elles sur le statut juridique de l’occupation et quelles sont les conséquences juridiques qui en découlent pour tous les États et l’Organisation des Nations Unies ? »
2. Par ordonnance du 3 février 2023, la Cour a décidé que l’Organisation des Nations Unies et ses États Membres, ainsi que l’État observateur de Palestine, étaient jugés susceptibles de fournir des renseignements sur les questions qui lui sont soumises pour avis consultatif. À cette fin, elle a fixé au 25 juillet 2023 la date d’expiration du délai dans lequel des exposés écrits sur les questions pourraient lui être présentés conformément au paragraphe 2 de l’article 66 de son Statut.
3. La République du Chili soumet le présent exposé écrit afin de faire part de ses vues concernant la compétence de la Cour et la recevabilité de la demande d’avis consultatif de l’Assemblée générale des Nations Unies. Elle s’attachera également à présenter ses observations sur les questions de fond contenues dans cette demande.
4. Cet exposé est divisé en cinq chapitres, à savoir :
I. La Cour a compétence et ne devrait pas utiliser son pouvoir discrétionnaire pour refuser de donner cet avis consultatif.
II. Les éléments dont dispose la Cour lui permettent de conclure que, par ses politiques et pratiques dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, Israël a violé et continue de violer le droit international.
III. Le droit applicable à l’examen des conséquences juridiques de la violation du droit international par Israël.
IV. Les observations du Chili sur la question a).
V. Les observations du Chili sur la question b).
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5. Avant d’en venir aux questions énoncées dans la demande d’avis consultatif, le Chili tient à souligner qu’il entretient des relations diplomatiques aussi bien avec Israël qu’avec la Palestine. Il soutient l’existence de deux États et leur droit de vivre en paix et en harmonie au sein de frontières internationales sûres et reconnues, à l’intérieur desquelles chaque être humain a la possibilité de développer sa personnalité et ses aptitudes, d’exercer pleinement ses droits de l’homme et ses libertés fondamentales, et de vivre une vie qui vaut la peine d’être vécue. À cet égard, le Chili réaffirme que la région a besoin de paix et qu’elle la mérite, et qu’une solution au conflit israélo-palestinien réside dans des négociations directes et fructueuses entre la Palestine et Israël ainsi que dans la volonté politique de renoncer aux vues politiques radicales et de faire respecter les droits de l’homme.
I. LA COUR A COMPÉTENCE ET NE DEVRAIT PAS UTILISER SON POUVOIR DISCRÉTIONNAIRE POUR REFUSER DE DONNER CET AVIS CONSULTATIF
6. Avant de se pencher sur les questions de fond, la Cour devra rechercher : a) si elle a compétence pour donner l’avis consultatif sollicité par l’Assemblée générale ; et b) si elle doit exercer son pouvoir discrétionnaire pour rendre cet avis.
7. Aux termes de l’article 65 de son Statut, la Cour « peut donner un avis consultatif sur toute question juridique, à la demande de tout organe ou institution qui aura été autorisé par la Charte des Nations Unies ou conformément à ses dispositions à demander cet avis ». Comme l’a précisé la Cour dans son avis consultatif sur la Demande de réformation du jugement no 273 du Tribunal administratif des Nations Unies1, « pour [qu’elle] ait compétence, il faut que l’avis consultatif soit demandé par un organe dûment habilité à cet effet conformément à la Charte ». À cet égard, le Chili reconnaît le principe bien établi de la compétence de la compétence2, qui signifie que la Cour statue sur sa propre compétence pour donner l’avis consultatif demandé.
8. Le Chili est d’avis que la Cour a compétence pour donner l’avis consultatif sollicité et qu’il n’existe aucune raison décisive qui pourrait l’amener à opposer un refus à la demande de l’Assemblée générale.
A. Compétence pour donner l’avis consultatif demandé
9. Selon le paragraphe 1 de l’article 96 de la Charte des Nations Unies, l’Assemblée générale est dûment autorisée à demander à la Cour internationale de Justice un avis consultatif sur toute question juridique.
10. La demande porte sur des questions qui relèvent de la compétence de l’Assemblée générale. À cet égard, l’article 10 de la Charte dispose que « [l]’Assemblée générale peut discuter toutes questions ou affaires rentrant dans le cadre de la présente Charte ou se rapportant aux pouvoirs et fonctions de l’un quelconque des organes prévus dans la présente Charte ». Quant à l’article 11, il prévoit ce qui suit :
« 1) L’Assemblée générale peut étudier les principes généraux de coopération pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales … et faire, sur ces principes,
1 Demande de réformation du jugement no 273 du Tribunal administratif des Nations Unies, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1982, p. 333-334, par. 21.
2 Voir, par exemple, Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala), exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1953, p. 119-120.
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des recommandations soit aux Membres de l’Organisation, soit au Conseil de sécurité, soit aux Membres de l’Organisation et au Conseil de sécurité.
2) L’Assemblée générale peut discuter toutes questions se rattachant au maintien de la paix et de la sécurité internationales dont elle aura été saisie par l’une quelconque des Nations Unies, ou par le Conseil de sécurité, ou par un État qui n’est pas Membre de l’Organisation conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l’Article 35, et, sous réserve de l’Article 12, faire sur toutes questions de ce genre des recommandations soit à l’État ou aux États intéressés, soit au Conseil de sécurité, soit aux États et au Conseil de sécurité. …
3) L’Assemblée générale peut attirer l’attention du Conseil de sécurité sur les situations qui semblent devoir mettre en danger la paix et la sécurité internationales. »
11. L’Assemblée générale s’intéresse à la question de la Palestine depuis 1947, lorsqu’elle a recommandé le plan de partage de la Palestine3. À la suite de la guerre de 1948, elle s’est préoccupée de la situation des réfugiés palestiniens. En 1949, par sa résolution 302 (IV) du 8 décembre 1949, elle a créé l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, qui était chargé de fournir le secours direct et les entreprises de travaux destinés aux réfugiés de Palestine. Jusqu’à ce jour, le mandat de cet organe a été renouvelé tous les ans.
12. Après la guerre de 1967 (la guerre des Six Jours), qui a entraîné l’occupation du Territoire palestinien au-delà de la ligne d’armistice de 1949 (la Ligne verte), l’Assemblée générale n’a cessé d’être profondément préoccupée par la situation humanitaire et des droits de l’homme dans le Territoire palestinien occupé, demandant à Israël de se conformer aux obligations qui lui incombent en vertu du droit international. Par sa résolution 2443 (XXIII) du 19 décembre 1968, elle a créé un Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple palestinien, composé de trois États Membres. Pendant plus de 55 ans, ce Comité a présenté, chaque année, un rapport périodique et, ajoutant sa voix à celle de l’Assemblée générale, a condamné Israël, année après année, pour ses violations du droit international, tout en appelant le Gouvernement israélien à respecter le droit humanitaire et le droit des droits de l’homme dans le Territoire palestinien occupé.
13. Dans son dernier rapport du 3 octobre 2022, le Comité spécial a signalé l’établissement et l’expansion des colonies israéliennes4, les niveaux sans précédent de violence des colons5 ainsi que les nombreuses informations qui lui étaient parvenues, faisant état d’une augmentation qualitative de la participation et de la complicité des forces de sécurité israéliennes, s’agissant de la violence perpétrée par les colons6. Il a également relevé l’accès discriminatoire aux services de base, dont un accès limité à l’eau pour la population palestinienne7, ainsi que plusieurs conséquences et restrictions liées à la fourniture aux Palestiniens de services de santé, d’éducation et autres, notamment les pénuries de logements, d’eau potable et d’électricité et le manque d’accès aux médicaments essentiels et aux soins médicaux, à la nourriture, aux équipements éducatifs et aux matériaux de
3 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 181 (II) (29 novembre 1947), doc. A/RES/181 (II).
4 Nations Unies, Assemblée générale, « Rapport du Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés » (3 octobre 2022), doc. A/77/501, par. 17-19.
5 Ibid., par. 22-24.
6 Ibid., par. 25-26.
7 Ibid., par. 46.
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construction8. Dans des rapports antérieurs, le Comité avait également examiné les plans d’annexion par Israël9, qu’il avait qualifiés, sans ambiguïté, de « grave violation du droit international, de la Charte des Nations Unies et de nombreuses résolutions du Conseil de sécurité sur la question », ajoutant que ce projet entraînerait l’intensification des violations des droits de l’homme des Palestiniens10.
14. L’Assemblée générale a également adopté des résolutions concernant le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, résolutions dont le Chili s’est toujours porté coauteur. La dernière d’entre elles, la résolution 77/208, soulignait « la nécessité impérieuse de mettre un terme immédiatement à l’occupation israélienne qui a [vait] commencé en 1967 et de parvenir à un accord de paix juste, durable et global entre les parties israélienne et palestinienne », et réaffirmait « le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, y compris son droit à un État de Palestine indépendant ».
15. Dans le cadre de la procédure consultative sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (ci-après l’« avis consultatif relatif à l’édification d’un mur »), certains États ont invoqué le paragraphe 1 de l’article 12 de la Charte à l’appui de leur argument selon lequel la Cour devait rejeter la demande. Certains États qui s’opposaient à ladite demande soutenaient en particulier que l’Assemblée générale avait outrepassé sa compétence et n’avait pas agi conformément à l’article 12 de la Charte. La Cour ne partageait pas ces vues. Selon elle, l’article 12 ne l’empêchait pas de donner un avis consultatif, et ce, pour les raisons suivantes :
i) Selon l’article 12, l’Assemblée générale ne doit faire aucune recommandation sur un différend ou une situation tant que le Conseil de sécurité remplit, à l’égard de ce différend ou de cette situation, les fonctions qui lui sont attribuées. Dans l’avis consultatif en question, la Cour a souligné que la résolution par laquelle l’Assemblée générale lui demandait un avis consultatif « ne constitu [ait] pas en soi une “recommandation” … “sur [un] différend ou [une] situation” »11.
ii) Dans un premier temps, l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité avaient estimé que celle-ci ne pouvait pas formuler des recommandations sur une question relative au maintien de la paix et de la sécurité internationales restant inscrite à l’ordre du jour du Conseil. Toutefois, comme l’a précisé la Cour dans l’avis précité, cette interprétation de l’article 12 devait évoluer par la suite, de sorte qu’il n’était pas rare de voir l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité examiner parallèlement une même question relative au maintien de la paix et de la sécurité internationales12. À cet égard, la Cour a observé ce qui suit :
« Il est souvent arrivé que, alors que le Conseil de sécurité tendait à privilégier les aspects de ces questions touchant à la paix et à la sécurité internationales, l’Assemblée générale les envisage sous un angle plus large et en examine également les aspects humanitaires, sociaux et économiques. »13
8 Ibid., par. 46-47.
9 Nations Unies, Assemblée générale, « Rapport du Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés » (27 août 2020), doc. A/75/199, par. 10-12.
10 Ibid., par. 12.
11 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), par. 25.
12 Ibid., par. 27.
13 Ibid.
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16. De plus, la Cour devrait tenir compte de ce que la présente demande d’avis consultatif porte sur un sujet très général : les conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé. En fait, la question de la Palestine, notamment l’occupation et la politique de colonisation, ainsi que la situation humanitaire et des droits de l’homme dans le Territoire palestinien occupé, est examinée parallèlement, depuis des années, par le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale.
17. Enfin, il convient de souligner que le fait qu’une question juridique revête également des aspects politiques ne prive pas la Cour de sa compétence14, car, dans une telle situation, il peut se révéler particulièrement nécessaire de comprendre les principes juridiques applicables au sujet en cause15.
18. En conséquence, le Chili est d’avis que la Cour a compétence pour donner l’avis consultatif sollicité.
B. Absence de raison décisive de refuser de donner l’avis consultatif
19. En vertu du paragraphe 1 de l’article 65 de son Statut, la Cour a le pouvoir discrétionnaire de refuser de donner un avis consultatif.
20. La Cour a jugé que, « [c] compte tenu de ses responsabilités en tant qu’“organe judiciaire principal des Nations Unies” … [elle] ne devrait pas en principe refuser de donner un avis consultatif », sauf lorsqu’il existe des raisons décisives pour l’amener à prendre une décision aussi exceptionnelle16.
21. Le Chili estime qu’il n’existe aucune raison décisive qui pourrait amener la Cour à refuser de donner l’avis consultatif demandé, et ce, pour les raisons suivantes : premièrement, le fait de répondre à la question ne violerait pas le principe du consentement et n’empêcherait pas ni ne mettrait à mal une solution politique négociée au conflit israélo-palestinien ; et, deuxièmement, les éléments dont dispose la Cour sont suffisants.
22. Il convient de noter qu’un avis consultatif n’est pas une décision judiciaire relative à une question en litige. Par conséquent, l’existence de différends entre Israël et la Palestine, ou entre Israël et tout autre État, n’a aucune incidence sur l’exercice de la compétence consultative de la Cour, dont l’objectif consiste à aider l’organe requérant à remplir ses fonctions, à savoir le Conseil de sécurité, l’Assemblée générale ou tout autre organe ou institution spécialisée de l’Organisation des Nations Unies, dûment autorisé par l’Assemblée générale.
14 Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 234, par. 13 ; Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (note de bas de page 11), par. 41.
15 Interprétation de l’accord du 25 mars 1951 entre l’OMS et l’Égypte, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1980, p. 87, par. 33.
16 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (note de bas de page 11), par. 156 ; voir également Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires (note de bas de page 14), par. 14 ; et Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 27, par. 41 ; et Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 21, par. 23.
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23. Il convient de garder à l’esprit que les avis consultatifs n’ont pas force obligatoire et que la présente demande tend à obtenir un avis qui aidera l’Assemblée générale à exercer ses fonctions17. C’est l’Assemblée générale qui a demandé à la Cour de rendre un avis consultatif sur deux questions juridiques précises. La compétence consultative de la Cour a été instituée spécifiquement pour fournir l’assistance juridique de l’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies au Conseil de sécurité, à l’Assemblée générale ou à tout autre organe ou institution spécialisée dûment autorisé par l’Assemblée générale.
24. En conséquence, lorsqu’une question telle que la situation dans le Territoire palestinien occupé peut être considérée comme intéressant l’Organisation des Nations Unies, un avis consultatif contribuerait au bon fonctionnement de celle-ci18. Il serait donc faux d’affirmer que la présente demande d’avis consultatif est une façon de tourner le principe du consentement au règlement judiciaire19.
25. Le Chili concède que l’exercice de la compétence consultative de la Cour pourrait, dans certains cas où il existe un différend sous-jacent entre deux ou plusieurs États, se révéler inopportun d’un point de vue judiciaire20. Il peut en être ainsi si la Cour n’a pas accès aux éléments lui permettant de rendre un avis juridique21. Tel n’est cependant pas le cas en l’espèce.
26. Dans le contexte de son avis consultatif relatif à l’édification d’un mur, la Cour a déjà précisé que « la question de savoir si les éléments de preuve dont elle dispose sont suffisants pour donner un avis consultatif d [evait] être tranchée dans chaque cas particulier »22. Dans ladite procédure, elle a conclu que le rapport du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, ainsi qu’un dossier volumineux lui ayant été soumis par ce dernier, qui contenait des informations détaillées sur les conséquences humanitaires et socioéconomiques du mur sur la population palestinienne, lui apportaient des éléments de preuve importants. De plus, elle a également estimé que les rapports des différents rapporteurs spéciaux et des organes compétents des Nations Unies, ainsi que les informations publiques disponibles, constituaient des éléments importants l’amenant à conclure qu’elle disposait « de renseignements et d’éléments de preuve suffisants pour lui permettre de donner l’avis consultatif demandé par l’Assemblée générale »23.
17 Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 71. Voir également Sahara occidental (note de bas de page 16), par. 31 ; et Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (note de bas de page 11), par. 47.
18 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (note de bas de page 11), par. 50.
19 Ibid., par. 47.
20 Statut de la Carélie orientale, avis consultatif, 1923, C.P.J.I. série B no 5, p. 27-28.
21 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (note de bas de page 11), par. 56 : voir également Sahara occidental (note de bas de page 16), par. 46-47 ; Interprétation des traités de paix (note de bas de page 17), p. 72 ; Statut de la Carélie orientale (note de bas de page 21), p. 28.
22 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (note de bas de page 11), par. 56.
23 Ibid., par. 57.
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27. De même, étant donné que les informations publiques sur les politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé en rapport avec la demande ne manquent pas, comme l’attestent les quelque 1 805 documents (le « dossier ») que le Secrétaire général a présentés à la Cour, le Chili est d’avis que, dans la présente procédure, la Cour dispose également de renseignements et d’élément suffisants pour lui permettre de donner l’avis consultatif demandé.
II. LES ÉLÉMENTS DONT DISPOSE LA COUR LUI PERMETTENT DE CONCLURE QUE, PAR SES POLITIQUES ET PRATIQUES DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ, Y COMPRIS JÉRUSALEM-EST, ISRAËL A VIOLÉ ET CONTINUE DE VIOLER LE DROIT INTERNATIONAL
28. Pour répondre aux questions posées par l’Assemblée générale dans sa demande d’avis consultatif, la Cour doit déterminer les faits et les éléments de preuve qui lui permettront de formuler ses conclusions. Elle doit également préciser le droit applicable24. Le Chili exposera ses vues concernant les éléments sur lesquels la Cour peut se fonder pour tirer ses conclusions.
29. Le Chili est d’avis que la Cour dispose d’éléments suffisants pour conclure qu’Israël a violé et continue de violer : 1) le droit du peuple palestinien à l’autodétermination ; 2) les règles du droit international humanitaire applicables au Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est ; et 3) les droits de l’homme du peuple palestinien dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est.
30. À cet égard, le Secrétaire général a déposé quelque 1 805 documents contenant des informations pertinentes concernant les politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé. Ces documents remontent au 14 juin 1967, date à laquelle le Conseil de sécurité a prié le Gouvernement israélien d’assurer la sûreté, le bien-être et la sécurité des habitants des zones où des opérations militaires avaient lieu et de faciliter le retour des habitants qui s’étaient enfuis de ces zones depuis le déclenchement des hostilités. Plus de 56 ans se sont écoulés depuis la guerre des Six Jours, et la situation humanitaire et des droits de l’homme dans le Territoire palestinien occupé continue de s’aggraver.
31. Les documents présentés par le Secrétaire général comprennent : des résolutions du Conseil de sécurité, de l’Assemblée générale et du Conseil économique et social ; des rapports du Secrétaire général et de la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale ; des rapports de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement ; des rapports de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient ; des résolutions du Conseil des droits de l’homme ; des résolutions de la Commission des droits de l’homme ; des rapports du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme ; des rapports de commissions d’enquête/missions d’établissement des faits/comités d’experts ; des rapports du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés par Israël depuis 1967 ; des rapports d’autres rapporteurs spéciaux et représentants spéciaux ; des rapports du Comité contre la torture, du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, du Comité des droits de l’enfant et du Comité des droits de l’homme. Il ressort de ces documents que, pendant l’occupation prolongée du territoire palestinien, Israël a violé et continue de violer le droit international.
24 Voir infra, chap. III.
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32. La Cour dispose donc d’une quantité considérable d’informations concernant les politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé. Ce n’est cependant pas seulement le nombre de documents qui importe, mais aussi la qualité des informations qui y sont contenues, ce qui permet au Chili d’affirmer qu’il existe des éléments suffisants sur lesquels la Cour peut se fonder pour donner son avis consultatif.
33. Au cours de ces dernières années, la situation dans le Territoire palestinien occupé s’est aggravée. C’est pourquoi, le 27 mai 2021, le Conseil des droits de l’homme a décidé de créer une Commission chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël25. Le 22 juillet 2021, le président du Conseil des droits de l’homme a nommé les membres de cette Commission d’enquête, à savoir Navi Pillay (Afrique du Sud), Miloon Kothari (Inde) et Chris Sidoti (Australie)26. Leur mandat consiste notamment à « [é] tabli [r] les faits et les circonstances susceptibles de constituer des violations des droits de l’homme et des atteintes à ces droits, et les faits et circonstances des crimes commis », et à « [i] dentifie [r] les personnes impliquées, lorsque cela est possible, afin que les auteurs de violations aient à répondre de leurs actes ». Dans son premier rapport, la Commission d’enquête a déclaré ce qui suit :
« La Commission constate l’existence de preuves à première vue crédibles qui indiquent de manière convaincante qu’Israël n’a aucune intention de mettre un terme à l’occupation, qu’il applique des politiques claires en vue de prendre le contrôle total du Territoire palestinien occupé et qu’il s’emploie à en modifier la démographie en maintenant un environnement répressif pour les Palestiniens et un climat favorable aux colons israéliens. »27
34. Dès 1968, l’Assemblée générale a créé un Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme de la population des territoires occupés et des autres Arabes des territoires occupés (résolution 2443 (XXIII)). Ce Comité spécial, qui est composé de trois États Membres de l’Organisation des Nations Unies (Malaisie, Sénégal et Sri Lanka), remet des rapports chaque année au Secrétaire général. Il a présenté son dernier rapport le 3 octobre 2022. Ce Comité a grandement contribué à informer les États Membres de l’Organisation sur la situation des droits de l’homme dans les territoires occupés. Ses rapports constituent une précieuse source d’informations, de même que les autres documents qui composent le dossier que le Secrétaire général a présenté à la Cour aux fins de la demande d’avis consultatif. Dans sa déclaration de fin de mission du 16 juin 2023, le Comité spécial a indiqué ceci :
« Cette année, le Comité spécial s’est vu présenter les éléments de preuve les plus flagrants qu’il lui a été donné de voir au cours de ses 55 années d’existence de politiques israéliennes violant systématiquement les droits de l’homme du peuple palestinien d’une manière qui, comme le considèrent de nombreux interlocuteurs, s’apparente à l’apartheid. »28
25 Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, résolution S-30/1 (27 mai 2021), doc. A/HRC/RES/S-30/1.
26 UNHRC ‘President of Human Rights Council appoints Members of Commission of Inquiry on the Occupied Palestinian Territory, including East Jerusalem, and Israel’ Press Release (22 juillet 2021) https://www.ohchr.org/en/ news/2021/07/president-human-rights-council-appoints-members-commission-inquiry-occupied, consulté le 18 juillet 2023.
27 Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, « Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël » (9 mai 2022), doc. A/HRC/50/21, par. 70.
28 OHCHR End-of-Mission Statement of the UN Special Committee to Investigate Israeli Practices (16 juin 2023) www.ohchr.org/en/statements/2023/06/end-mission-statement-un-special-committee-investigate-israeli-practices accessed, consulté le 18 juillet 2023.
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35. Même si elle considère que le dossier présenté par le Secrétaire général dans son ensemble revêt une importance cruciale pour l’analyse à laquelle la Cour doit se livrer sur les questions posées par l’Assemblée générale, la République du Chili s’attachera aux rapports des rapporteurs spéciaux sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés par Israël depuis 1967, nommés à partir de 1993 par la Commission des droits de l’homme puis par le Conseil des droits de l’homme, car ils contiennent les observations d’experts indépendants qui collaborent étroitement avec les gouvernements, la société civile et d’autres acteurs concernés. En outre, pour établir leurs rapports, les rapporteurs spéciaux prennent en compte les travaux de tous les autres organes de l’Organisation des Nations Unies et d’experts spécialement désignés pour exécuter des missions touchant à la situation des droits de l’homme dans le Territoire palestinien occupé, ce qui explique pourquoi lesdits rapports présentent un bilan particulièrement précis de l’évolution de la situation ainsi que les informations les plus à jour sur le sujet.
36. Avant 2006, les rapporteurs spéciaux étaient nommés par la Commission des droits de l’homme. Le premier a été nommé en 1993 ; depuis lors, les rapporteurs spéciaux ont présenté 41 rapports au total.
37. Une lecture chronologique de ces rapports montre l’évolution de la situation humanitaire et des droits de l’homme en Palestine sur une période de 29 ans. Il est frappant de constater à quel point cette situation n’a cessé de se détériorer au cours de cette période.
38. Le 19 février 1993, après 25 ans d’occupation, la Commission des droits de l’homme a nommé M. René Felber en tant que premier rapporteur spécial chargé d’enquêter sur les violations par Israël des principes et des fondements du droit international et du droit international humanitaire ; de recevoir des communications et d’entendre des témoins ; et de faire rapport à la Commission des droits de l’homme, en lui présentant ses conclusions et recommandations. Depuis lors, huit rapporteurs spéciaux se sont succédé pour rendre compte de la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967.
39. En 1994, alors même qu’un processus de paix entre Israël et l’Autorité palestinienne avait été entamé, le rapporteur spécial, M. Felber, a observé que le niveau de vie dans le Territoire palestinien occupé n’avait cessé de se dégrader au cours des 25 années d’occupation. Il a précisé que les principales préoccupations concernant la situation des droits de l’homme dans le Territoire palestinien occupé étaient liées à la protection du droit à la vie et à l’intégrité physique, aux mauvais traitements subis par les détenus (y compris la torture), aux démolitions de maisons entreprises de manière totalement arbitraire, à la confiscation de terres, à la mise sous scellés de territoires et à l’expansion des colonies de peuplement29.
40. En 1996, le rapporteur spécial, M. Hannu Halinen, a décrit les restrictions à la circulation imposées à la population palestinienne, indiquant que la situation à Gaza s’apparentait parfois à une grande prison30. Toutefois, la politique d’expansion des colonies de peuplement israéliennes a continué d’être appliquée malgré le processus de paix en cours. En 1998, le rapporteur spécial,
29 Nations Unies, Commission des droits de l’homme, « Rapport sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, présenté par M. René Felber, rapporteur spécial, conformément à la résolution 1993/2 A de la Commission des droits de l’homme » (28 janvier 1994), doc. E/ CN.4/1994/14.
30 Nations Unies, Rapport sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, présenté par M. Hannu Halinen, Rapporteur spécial, conformément à la résolution 1993/2 A (15 mars 1996), doc. E/CN.4/1996/18, p. 5.
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M. Halinen, a signalé que le processus de paix n’inspirait plus confiance
31. En dépit des négociations politiques, les conséquences des bouclages, l’expansion des colonies israéliennes, la torture infligée dans les centres de détention, entre autres violations des droits de l’homme, expliquaient ce que le rapporteur spécial a décrit comme un « sentiment de frustration [dans la population du Moyen-Orient] vis-à-vis du processus de paix »32. C’est en 1998 que le mot apartheid est apparu pour la première fois dans le rapport d’un rapporteur spécial33.
41. En 2000, le rapporteur spécial, M. Giorgio Giacomelli, a présenté les statistiques suivantes :
« Depuis 1967, Israël a confisqué environ 60 % de la Rive occidentale [Cisjordanie], 33 % de la bande de Gaza et environ 33 % de la partie palestinienne de Jérusalem, et ce, à des fins publiques, semi-publiques ou privées, dans le but de créer des zones militaires israéliennes, des colonies de peuplement, des zones industrielles, des routes de contournement ou des carrières et de mettre des terres sous le contrôle de l’État à l’usage exclusif d’Israël. »
Et d’ajouter ce qui suit :
« Les pratiques auxquelles se livrent les forces israéliennes d’occupation nuisent également à l’environnement naturel des territoires palestiniens occupés, qu’il s’agisse de la dégradation des équipements collectifs, de la confiscation de terres, de l’épuisement des ressources en eau, du déracinement des arbres, du déversement de déchets toxiques et d’autres activités qui sont cause de pollution. »
M. Giacomelli a également formulé une observation intéressante sur l’effet conjugué des différentes politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, qui produisait une fragmentation du tissu même de la société des territoires occupés34. En 2001, il a parlé d’une « stratégie » israélienne visant à étrangler l’économie palestinienne à des fins de contrôle social35.
42. Dans son rapport de 2002, le rapporteur spécial, M. John Dugard, a déclaré ceci : « [f] ace aux effets cumulés de ces restrictions à la liberté de circulation des personnes et des biens, les Palestiniens se sentent littéralement assiégés, ce qui est bien compréhensible »36.
43. L’édification d’un mur entre Israël et le Territoire palestinien occupé a commencé en 2002. À cette époque, le rapporteur spécial a signalé la réoccupation de sept des huit principaux centres urbains de Cisjordanie, l’imposition de couvre-feux, la pénurie de denrées alimentaires, la perturbation des services médicaux, l’interruption des contacts familiaux et l’arrêt des activités
31 Nations Unies, Commission des droits de l’homme, « Rapport sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, présenté par M. Hannu Halinen, rapporteur spécial, conformément à la résolution 1993/2 A de la Commission des droits de l’homme » (19 février 1998), doc. E/ CN.4/1998/17, p. 8.
32 Ibid., p. 3.
33 Ibid., par. 57.
34 Ibid., par. 65.
35 Nations Unies, Commission des droits de l’homme, « Mise à jour du rapport de mission sur les violations des droits de l’homme commises par Israël dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, présenté par M. Giorgio Giacomelli, rapporteur spécial, à la cinquième session extraordinaire de la Commission des droits de l’homme » (21 mars 2001), doc. E/ CN.4/2001/30, par. 20.
36 Nations Unies, Commission des droits de l’homme, « Rapport du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme, M. John Dugard, sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés par Israël depuis 1967 » (6 mars 2002), doc. E/ CN.4/2002/32, par. 35.
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éducatives
37. Dans le rapport de 2002, la politique et la pratique israéliennes consistant à détruire les biens étaient aussi condamnées, et il était précisé qu’il s’agissait non seulement d’une réponse disproportionnée à la violence palestinienne, mais également d’une politique de châtiment et de punition38. Dans ce contexte, la construction d’un mur empiétant profondément sur le territoire palestinien semblait être « une annexion de facto et … la situation en termes de sécurité ne ser [vai] t que de prétexte à une expansion territoriale »39, dont les effets devaient être évalués parallèlement à la politique visant à encourager les nouvelles colonies40.
44. Dans son rapport de 2003, le rapporteur spécial Dugard a affirmé que tout laissait à penser qu’Israël était déterminé, par la construction du mur, à créer une situation sur le terrain qui revenait à une annexion de fait41. Il a en outre observé que la construction du mur avait abouti à la création d’une « Zone fermée » entre celui-ci et la Ligne verte et qu’un système de permis avait été mis en place afin de réglementer l’entrée des Palestiniens dans cette zone pour qu’ils puissent y vivre, travailler ou étudier42. Le rapporteur spécial s’est exprimé en ces termes : « Il existe un risque réel que les conditions de vie des habitants des villages situés dans la Zone fermée deviennent si intolérables qu’elles finissent par les contraindre à abandonner leurs foyers pour s’installer en Cisjordanie. »43Dans son rapport de décembre 2004, il a comparé le système de permis aux « laissez-passer » tristement célèbres de l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid44.
45. Dix-neuf ans se sont écoulés depuis que la Cour a rendu, le 9 juillet 2004, son avis consultatif relatif à l’édification d’un mur. Au cours de cette période, la situation humanitaire et des droits de l’homme dans le Territoire palestinien occupé n’a fait qu’empirer. La preuve en est fournie dans les rapports susmentionnés des rapporteurs spéciaux John Dugard, Richard Falk, Makarim Wibisono, Michael Lynk et Francesca Albanese, les trois derniers ayant indiqué ne pas avoir été en mesure de se rendre dans le Territoire palestinien occupé en raison d’une absence totale de collaboration de la part du Gouvernement israélien.
46. Dès 2004, des rapporteurs spéciaux ont noté que, par ses politiques et pratiques dans le Territoire palestinien occupé, Israël violait le droit international humanitaire et les droits de l’homme de la population palestinienne. La situation s’est cependant aggravée à un point tel que, en 2007, elle pouvait être décrite comme une situation de colonisation et d’apartheid. Dans son rapport de janvier 2007, le rapporteur spécial, M. Dugard, a consacré un chapitre entier à cet état de fait. Maintenant
37 Nations Unies, Commission des droits de l’homme, « Rapport du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme, M. John Dugard, sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés par Israël depuis 1967, soumis conformément aux résolutions 1993/2 A et 2002/8 de la Commission » (17 décembre 2002), doc. E/ CN.4/2003/30, p. 2.
38 Ibid., p. 12.
39 Ibid., p. 16.
40 Ibid., p. 16-17.
41 Nations Unies, Commission des droits de l’homme, « Rapport du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme, M. John Dugard, sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés par Israël depuis 1967, soumis conformément à la résolution 1993/2 A de la Commission » (8 septembre 2003), doc. E/ CN.4/2004/6, p. 2.
42 Nations Unies, Commission des droits de l’homme, « Rapport du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme, M. John Dugard, sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés par Israël depuis 1967 » (27 février 2004), doc. E/ CN.4/2004/6/Add.1, p. 2.
43 Ibid., p. 3.
44 Nations Unies, Commission des droits de l’homme, « Rapport du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme, M. John Dugard sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés par Israël depuis 1967 » (7 décembre 2004), doc. E/ CN.4/2005/29, p. 4.
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qu’il est demandé à la Cour de donner un deuxième avis consultatif sur la situation dans le Territoire palestinien occupé, il convient de rappeler que ce rapporteur spécial s’attendait à ce que la Cour soit appelée une deuxième fois à examiner les conséquences juridiques des politiques et pratiques israéliennes :
« Le colonialisme et l’apartheid sont contraires au droit international. L’occupation est un régime licite, que la communauté internationale tolère mais qu’elle n’approuve pas. De fait, au cours des trois dernières décennies, ce régime a, selon les termes du professeur Eyal Benvenisti, “acquis une connotation péjorative”. Quelles sont les conséquences juridiques d’un régime d’occupation qui dure depuis près de quarante ans ? À l’évidence, le fait que l’occupation dure depuis aussi longtemps ne diminue en rien les obligations qui incombent à la puissance occupante. Mais lorsqu’un tel régime a acquis certaines des caractéristiques du colonialisme et de l’apartheid, quelles en sont les conséquences juridiques ? Ce régime est-il toujours licite ? Ou cesse-t-il de l’être, eu égard notamment à certaines “mesures visant à garantir les propres intérêts de l’occupant” ? Et si cela est le cas, quelles en sont les conséquences juridiques pour le peuple sous occupation, la puissance occupante et les États tiers ? De telles questions ne mériteraient-elles pas d’être soumises à la Cour internationale de Justice pour un autre avis consultatif ? Certes, l’avis consultatif de 2004 sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé n’a pas eu l’effet désiré, en ce qu’il n’a pas contraint l’Organisation des Nations Unies à prendre des mesures plus fermes contre la construction du mur. D’un autre côté, n’oublions pas que l’ONU avait demandé quatre avis consultatifs à la Cour internationale de Justice pour que celle-ci la guide dans la façon de procéder face à l’occupation de l’Afrique du Sud-Ouest et de la Namibie par l’Afrique du Sud. Dans ces conditions, il convient de prendre sérieusement en considération la possibilité de demander un autre avis consultatif. »45
47. En mars 2008, le Conseil des droits de l’homme a nommé M. Richard Falk en tant que rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Palestine. Entre 2008 et 2014, ce dernier a présenté six rapports, et n’a obtenu qu’une coopération limitée de la part du Gouvernement israélien, alors que la situation humanitaire et des droits de l’homme continuait de se dégrader dans le Territoire palestinien occupé. Dans son rapport de 2014, le rapporteur spécial Richard Falk a qualifié l’occupation prolongée de la Palestine de colonialisme, d’apartheid et de nettoyage ethnique46.
48. Par la suite, pendant son mandat qui s’est déroulé de 2014 à 2016, le rapporteur spécial, M. Makarim Wibisono, a publié trois rapports sur la situation humanitaire et des droits de l’homme dans le Territoire palestinien occupé. Dans le premier, il s’est attaché aux conséquences dévastatrices des 51 jours d’hostilités découlant de l’opération « Bordure protectrice » menée à Gaza du 7 juillet au 26 août 2014, et plus particulièrement à ses effets sur les enfants. M. Wibisono a souligné que le bilan de ce cycle de violence était supérieur au bilan combiné des deux précédents conflits dans la région, 2 256 Palestiniens ayant été tués, dont 1 563 civils — parmi lesquels 538 enfants47.
45 Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, « Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, John Dugard » (29 janvier 2007), doc. A/HRC/4/17, p. 24, par. 62.
46 Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, « Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, Richard Falk » (13 janvier 2014), doc. A/HRC/25/67.
47 Nations Unies, Assemblée générale, « Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, Makarim Wibisono » (22 janvier 2015), doc. A/HRC/28/78, p. 5, par. 11.
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49. Parmi les pires conséquences de ces hostilités, le rapporteur spécial a signalé le ciblage délibéré des infrastructures civiles, dont des écoles, des mosquées, des hôpitaux48 et l’unique centrale électrique de Gaza49, privant 450 000 personnes d’accès au réseau d’eau municipal pendant au moins trois mois après le cessez-le-feu50, le déplacement massif de 500 000 personnes s’étant retrouvées sans abri à la suite des attaques51, 75 hôpitaux, centres de santé primaires et dispensaires ayant été endommagés et ayant besoin de réparations52, 26 écoles ayant été entièrement détruites et 228 autres, partiellement endommagées53. Il a également relevé l’aggravation des risques de maladies en raison du grand nombre de personnes déplacées à la suite des violences, « notamment le déversement de l’eau contaminée, de l’eau d’égout et des eaux usées dans l’environnement en raison d’une infrastructure d’assainissement déficiente et endommagée »54.
50. Le rapporteur spécial Wibisono a également fait état d’une augmentation généralisée de cas de recours excessif à la force contre des civils palestiniens en Cisjordanie55 et souvent contre des enfants56, d’une augmentation du nombre d’opérations menées dans les camps de réfugiés57, et d’une pratique de démolition d’habitations à des fins punitives, constituant un acte de châtiment collectif58. À cet égard, il a indiqué que, « en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, entre janvier 2008 et juillet 2014 plus de 5 000 Palestiniens [avaie] nt été déplacés à la suite des démolitions et des expulsions »59, et que, si le plan du « règlement relatif aux Bédouins » était approuvé, de 5 000 à 11 000 Palestiniens supplémentaires risquaient d’être expulsés60.
51. Le rapporteur spécial Wibisono a précisé qu’Israël avait mis en oeuvre d’autres politiques et pratiques visant à faire sortir les communautés bédouines des régions où elles étaient établies, notamment en limitant l’accès aux pâturages, en refusant l’accès aux services et aux infrastructures de base, en rejetant les demandes de permis de construire, et en démolissant ou menaçant de démolir des infrastructures civiles61.
52. Rejoignant les précédents rapporteurs spéciaux dans leurs observations, M. Wibisono a souligné que la plupart des atteintes aux droits de l’homme en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est,
48 Ibid., par. 12-13.
49 Ibid., par. 10.
50 Ibid., par. 13
51 Ibid., par. 15.
52 Ibid., par. 26.
53 Ibid., par. 34
54 Nations Unies, Assemblée générale, « Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 » (25 septembre 2015), doc. A/70/392, par. 27.
55 Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, « Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 » (11 janvier 2016), doc. A/HRC/31/73, par. 20-21.
56 A/HRC/28/78 (note de bas de page 47), par. 41-43.
57 Ibid., par. 48.
58 Ibid., par. 50-53. Voir également A/HRC/31/73 (note de bas de page 55), par. 24-25.
59 A/HRC/28/78 (note de bas de page 47), par. 67.
60 Ibid., par. 64.
61 Ibid., par. 67.
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résultaient de l’existence et de l’expansion des colonies israéliennes, qui s’inscrivaient dans une politique du Gouvernement israélien visant à modifier la composition démographique à Jérusalem
62.
53. En 2016, le Conseil des droits de l’homme a nommé M. Michael Lynk en tant que nouveau rapporteur spécial. Pendant son mandat, de 2016 à 2021, M. Lynk a publié 11 rapports portant sur un large éventail de questions, dont les difficultés rencontrées par les défenseurs des droits de l’homme, le droit à la santé, le droit à l’autodétermination, les questions liées à l’établissement des responsabilités et la responsabilité de la communauté internationale, les différentes formes de châtiment collectif, le statut juridique des colonies, le caractère illicite de l’annexion et la question de savoir si la domination qu’Israël exerçait dans le Territoire palestinien occupé pouvait désormais être qualifiée d’apartheid. Il ressort clairement du ton de plus en plus urgent de ses rapports que la situation des droits de l’homme dans le Territoire palestinien occupé se détériorait.
54. À l’instar de ses prédécesseurs, M. Lynk a également relevé l’usage excessif de la force policière contre la population palestinienne, le problème systémique et profondément enraciné de l’impunité63 ainsi que la forte hausse des cas de détention arbitraire et de torture en tant que politique générale visant à intimider les Palestiniens et à restreindre leurs libertés64.
55. Il a en outre indiqué que, surtout pendant les manifestations, les Palestiniens couraient un risque important d’être pris pour cible par les forces de sécurité israéliennes, signalant que, en 2018, plus de 200 Palestiniens, parmi lesquels 38 enfants, avaient été tués par celles-ci à Gaza65, et que, en 2019, pendant la Grande marche du retour, 207 Palestiniens avaient été tués et 33 828 avaient été blessés66.
56. S’agissant des colonies de peuplement, le rapporteur spécial, M. Lynk, a observé qu’Israël ne faisait manifestement aucun cas des admonestations répétées de la communauté internationale, par la voix du Conseil de sécurité, de l’Assemblée générale et d’autres organes, concernant l’illicéité desdites colonies67. De fait, moins de deux mois après que le Conseil de sécurité eut adopté la résolution 2334 (2016) condamnant la création de colonies, le Gouvernement israélien a annoncé qu’il prévoyait de construire quelque 6 000 nouveaux logements dans les colonies de la Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est68. Depuis lors, la démolition de logements palestiniens s’est poursuivie sans relâche en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, et la Knesset continue d’adopter des lois qui
62 Ibid., par. 51.
63 Nations Unies, Assemblée générale, « Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 » (19 octobre 2016), doc. A/71/554, par. 11-17. Voir également Conseil des droits de l’homme, « Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les Territoires palestiniens occupés depuis 1967 » (14 juin 2018), doc. A/HRC/37/75, par. 23 ; et Assemblée générale, « Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 » (21 octobre 2019), doc. A/74/507, par. 17, 69.
64 A/71/554 (note de bas de page 63), par. 18. Voir également Nations Unies, Assemblée générale, « Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, Michael Lynk » (22 octobre 2020), doc. A/75/532, par. 24 ; et Conseil des droits de l’homme, « Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 » (22 décembre 2020), doc. A/HRC/44/60, par. 17.
65 Nations Unies, Assemblée générale, « Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 » (22 octobre 2018), doc. A/73/447, par. 11.
66 A/74/507 (note de bas de page 63), par. 11.
67 Ibid., par. 62-63.
68 Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, « Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 » (13 avril 2017), doc. A/HRC/34/70, par. 9.
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régularisent la création de nouvelles colonies
69. Ainsi, en 2019, on dénombrait 441 600 colons en Cisjordanie70 et, en 2022, ce nombre s’élevait à 700 000 en Cisjordanie et à Jérusalem-Est71.
57. La politique de colonisation a pour contrepartie la démolition de logements palestiniens. Comme l’a noté le rapporteur spécial Lynk en 2020, « [d] epuis le début de l’occupation, en 1967, Israël a démoli ou condamné, à titre punitif, environ 2 000 habitations palestiniennes dans les territoires occupés »72. Ces démolitions ont eu lieu en grande partie en 2016, avec 1 093 logements détruits au total, contraignant 1 593 Palestiniens à se déplacer et portant atteinte aux moyens de subsistance de 7 101 autres Palestiniens73. En 2017, des appels d’offres ont été passés pour la construction de 2 858 logements, soit plus qu’au cours des dix années précédentes74 et, pendant la même année, 116 démolitions ont été répertoriées à Jérusalem-Est, qui ont entraîné le déplacement de 202 personnes. Pour justifier ces démolitions, les autorités ont invoqué des sanctions administratives pour la construction de bâtiments sans autorisation, cette dernière étant pratiquement impossible à obtenir, ou des mesures punitives contre des agresseurs supposés ou leur famille75. En 2019, le rythme des démolitions d’habitations et la saisie de structures appartenant à des Palestiniens en Cisjordanie a augmenté de 64 % par rapport à l’année précédente : 362 structures ont été détruites et 481 Palestiniens ont été déplacés76, tandis que, à Jérusalem-Est, 111 structures appartenant à des Palestiniens ont été détruites77.
58. Hélas, et malgré la pandémie de COVID-19 et l’urgence sanitaire mondiale, l’expansion des colonies illicites par Israël s’est encore intensifiée en 2020. Cette année-là, Israël a approuvé ou avancé la construction de plus de 12 150 logements, « le chiffre le plus élevé jamais enregistré depuis 2012 », et a détruit parallèlement 560 structures, causant le déplacement de 747 Palestiniens78. En 2021, les autorités israéliennes ont démoli ou saisi 387 structures palestiniennes, entraînant le déplacement de 309 enfants alors que sévissait une pandémie79.
59. L’expansion des colonies israéliennes a également empêché les Palestiniens d’exploiter leurs ressources naturelles. Israël a délibérément bloqué l’accès des Palestiniens à ces ressources en interdisant la construction des infrastructures nécessaires à cet effet, en établissant des zones militaires fermées autour desdites ressources ou en se procurant une part largement supérieure à celle qui lui revenait80. De fait, il a enclavé dans ses colonies illicites la plupart des terres agricoles, sources
69 Ibid., par. 10-11. Voir également A/HRC/37/75 (note de bas de page 63), par. 17-20.
70 Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, « Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 » (29 juillet 2021), doc. A/HRC/47/57, par. 62.
71 Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, « Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, Michael Lynk » (12 août 2022), doc. A/HRC/49/87, par. 9.
72 A/HRC/44/60 (note de bas de page 64), par. 38.
73 A/HRC/37/75 (note de bas de page 63), par. 10.
74 Nations Unies, Assemblée générale, « Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 » (23 octobre 2017), doc. A/72/556, par. 11.
75 Ibid., par. 14. Voir également A/HRC/44/60 (note de bas de page 64), par. 38-52 ; et A/HRC/49/87 (note de bas de page 71), par. 43.
76 A/74/507 (note de bas de page 63), par. 16.
77 Ibid., par. 20.
78 A/75/532 (note de bas de page 64), par. 14.
79 A/HRC/47/57 (note de bas de page 70), par. 21.
80 Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, « Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 » (30 mai 2019), doc. A/HRC/40/73, par. 44 -45.
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d’approvisionnement en eau et réservoirs souterrains
81, empêchant ainsi les Palestiniens d’y accéder, ou créé des obstacles administratifs à l’exploitation de ces ressources82, de sorte que l’eau est allouée de manière disproportionnée aux colonies83. Ainsi, Israël exploite pour son propre compte les carrières, les minéraux de la mer Morte, le pétrole, le gaz et l’eau84. Pour ce qui est de l’eau, la situation à Gaza s’apparente d’ailleurs de plus en plus à une catastrophe humanitaire : 96 % des sources sont devenues impropres à la consommation humaine du fait de l’incapacité de faire fonctionner le système de traitement des eaux usées85.
60. En 2022, le Conseil des droits de l’homme a nommé Mme Francesca Albanese en tant que nouvelle rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés. Dans son rapport du 21 septembre 2022, l’intéressée confirme l’illicéité de l’occupation israélienne86, réalisée par la fragmentation territoriale87, les obstacles à l’exploitation par les Palestiniens de leurs propres ressources naturelles88, l’entrave à la formation organique et au bon fonctionnement d’une entité politique de direction palestinienne89 et le transfert de la population civile d’Israël90. Son rapport suivant, daté du 9 juin 2023, porte essentiellement sur les mauvais traitements délibérés et arbitraires infligés aux Palestiniens non seulement au moyen de pratiques illicites en matière de détention et d’incarcération91, mais également sous la forme d’un continuum carcéral à ciel ouvert, où se conjuguent techniques de ségrégation physique, obstacles bureaucratiques et surveillance numérique intense, entre autres choses92.
61. Dans la bande de Gaza, alors même qu’il a mis fin à sa présence officielle en 2005, Israël conserve ses responsabilités en tant que puissance occupante du fait du contrôle effectif qu’il exerce sur le territoire par l’imposition d’un blocus terrestre, maritime et aérien93. De plus, l’aggravation de la crise humanitaire à Gaza est due en grande partie à ce blocus qui dure depuis 16 ans94.
62. Les privations et violations des droits de l’homme se sont intensifiées par suite de l’augmentation graduelle des refus de délivrance de permis de sortie, des dommages causés aux infrastructures essentielles qui sont rarement réparés en raison des restrictions à l’importation de
81 Ibid., par. 47.
82 Ibid., par. 47-52.
83 A/HRC/47/57 (note de bas de page 70), par. 58.
84 A/71/554 (note de bas de page 63), par. 51.
85 A/HRC/40/73 (note de bas de page 80), par. 53-54.
86 Nations Unies, « Rapport de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, Francesca Albanese » (21 septembre 2022), doc. A/77/356, par. 10.
87 Ibid., par. 43-46.
88 Ibid., par. 47-52.
89 Ibid., par. 56-62.
90 Ibid., par. 73.
91 Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, « Report of the Special Rapporteur on the situation of human rights in the Palestinian territories occupied since 1967, Francesca Albanese » (9 juin 2023), doc. A/HRC/53/59, par. 38-78.
92 Ibid., par. 79-93.
93 A/72/556 (note de bas de page 74), par. 56. Voir également Nations Unies, Assemblée générale, « Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël » (14 septembre 2022), doc. A/77/328, par. 82.
94 A/HRC/34/70 (note de bas de page 68), par. 29. Voir également A/72/556 (note de bas de page 74), par. 9 ; et A/HRC/40/73 (note de bas de page 80), par. 13.
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biens que les autorités israéliennes considèrent comme étant « à double usage »
95, et de l’insuffisance des services de base comme l’eau potable et l’électricité, autant d’éléments qui ont gravement porté atteinte aux droits des Palestiniens à la santé, à l’éducation, au travail et à une vie de famille96. De fait, au début de l’année 2019, 95 % de la population de Gaza n’avait pas accès à l’eau propre97.
63. Tous ces éléments ont entraîné une régression continue du développement de Gaza. En 2020, son produit intérieur brut par habitant avait baissé de 30 %, et son taux de chômage atteignait 46 %98. En outre, les politiques israéliennes ont considérablement diminué la capacité de Gaza d’assurer sa propre subsistance. La zone de pêche autorisée au large des côtes de Gaza a été réduite par la marine israélienne, qui a procédé à des tirs et confisqué des bateaux de pêche. En 2020 seulement, 105 incidents impliquant la marine israélienne ont été signalés99. De plus, Israël a créé une zone restreinte à haut risque à proximité de la clôture qui entoure Gaza, privant ainsi cette dernière d’environ 35 % de ses terres agricoles100. Par conséquent, Gaza est aujourd’hui fortement tributaire de l’aide internationale, laquelle diminue depuis 2017101. La situation était si désastreuse en 2021 que le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a déclaré ceci : « S’il existe un enfer sur Terre, ce sont les enfants de Gaza qui le vivent. »102
64. Le nombre de permis de sortie délivrés pour raisons médicales a également diminué de façon importante au fil du temps. « En 2012, le taux d’approbation était de 92 % ; il était de 82 % en 2014 et a encore diminué en 2016 pour s’élever à 62 %. »103 En 2017, ce nombre est passé à 52,4 %, et, si seulement 2,6 % de ces demandes ont été officiellement rejetées, 45 % ont vu leur examen différé ou sont restées sans réponse104. La situation s’est encore dégradée en 2020 en raison de la suspension de la coordination entre Israël et l’Autorité palestinienne en matière de sécurité, « dans le contexte de l’annonce des projets d’annexion d’Israël en Cisjordanie »105.
65. De plus, des coupures de courant se produisent quotidiennement à Gaza qui nuisent gravement au bon fonctionnement des hôpitaux et structures médicales et empêchent le dessalement de l’eau et le traitement des eaux usées106. En 2017, les habitants de Gaza subissaient des coupures de courant pendant 18 à 20 heures par jour107. Fort heureusement, grâce à l’aide fournie par le Gouvernement du Qatar, ils bénéficiaient en 2019 de 14 ou 15 heures d’électricité par jour. Cependant, l’approvisionnement en électricité a répondu à moins de la moitié des besoins en électricité au premier semestre de 2019, et les interruptions d’alimentation électrique continuaient
95 A/HRC/34/70 (note de bas de page 68), par. 28.
96 Ibid., par. 20. Voir également A/74/507 (note de bas de page 63), par. 9 ; et A/75/532 (note de bas de page 64), par. 15.
97 A/HRC/40/73 (note de bas de page 80), par. 10.
98 A/HRC/44/60 (note de bas de page 64), par. 61.
99 Ibid., par. 63.
100 Ibid., par. 64.
101 Ibid., par. 61. Voir également A/HRC/49/87 (note de bas de page 71), par. 45.
102 A/HRC/49/87 (note de bas de page 71), par. 45.
103 A/HRC/37/75 (note de bas de page 63), par. 43. Voir également A/HRC/34/70 (note de bas de page 68), par. 22.
104 A/HRC/37/75 (note de bas de page 63), par. 43.
105 A/75/532 (note de bas de page 64), par. 19. Voir également A/HRC/47/57 (note de bas de page 70), par. 15.
106 A/72/556 (note de bas de page 74), par. 8. Voir également A/HRC/37/75 (note de bas de page 63), par. 38 ; et A/HRC/44/60 (note de bas de page 64), par. 67.
107 Ibid., par. 8.
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d’entraver le fonctionnement des hôpitaux et autres établissements de santé
108. En 2020, seulement 41,7 % de la part de demande d’énergie de Gaza a été satisfaite109 et une baisse a encore été enregistrée en 2021 en raison de l’interdiction des livraisons de carburant imposée par les autorités israéliennes après une escalade de la violence. À la mi-2021, seulement 31 % de la demande en énergie était satisfaite, soit environ de 6 à 12 heures d’alimentation quotidienne110.
66. En outre, le système de santé à Gaza est sur le point de s’effondrer en raison du blocus, du manque de services essentiels et des hostilités constantes111. Il est indéniable que le blocus est à l’origine du manque de fournitures médicales adéquates et de médicaments essentiels et qu’il a entravé l’importation de biens requis pour la réparation des principales infrastructures et de l’équipement112. Au début de l’année 2018, pour 40 % des médicaments figurant sur sa liste des médicaments essentiels au panier de services de santé de base, les stocks étaient épuisés, et pour 43 %, il restait moins d’un mois de stock113. À cette période, « 3 hôpitaux et 13 dispensaires assurant des soins de base étaient temporairement fermés, au détriment de l’accès aux soins de plus de 300 000 personnes »114. En 2020, il n’y avait que 93 ventilateurs et 110 lits disponibles dans les unités de soins intensifs à Gaza pour couvrir une population de deux millions d’habitants en pleine pandémie mondiale, et 47 % des médicaments essentiels étaient en rupture de stock115. En 2021, en raison de l’escalade des hostilités, 9 hôpitaux et 19 dispensaires ont été endommagés à Gaza116.
67. En outre, en raison du regain des hostilités et des difficultés rencontrées pour la reconstruction, les Palestiniens se sont vu largement privés de leur droit à l’éducation. En 2017, les deux tiers des écoles gazaouies ont mis en place un système de classes alternées, souvent éclairées à la chandelle, et les restrictions imposées aux déplacements empêchaient des professeurs et des élèves de se rendre à l’étranger pour se former et bénéficier des enseignements qui y sont dispensés117. En 2019, la pénurie de salles de classe à Gaza était criante. Sur les 274 écoles de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient se trouvant à Gaza, 84 n’appliquaient pas le système des classes alternées, 177 l’appliquaient pour accueillir deux groupes d’élèves et 13 l’appliquaient pour accueillir trois groupes d’élèves118. La situation n’a fait qu’empirer lorsque, en 2021, 58 établissements scolaires ont été endommagés119. De même, en Cisjordanie, des écoles ont également été démolies au sein de communautés qui sont confrontées au risque d’être transférées de force120.
108 A/74/507 (note de bas de page 63), par. 10.
109 A/HRC/44/60 (note de bas de page 64), par. 61.
110 A/HRC/47/57 (note de bas de page 70), par. 16.
111 A/74/507 (note de bas de page 63), par. 13. Voir également A/75/532 (note de bas de page 64), par. 17.
112 A/HRC/37/75 (note de bas de page 63), par. 38. Voir également A/75/532 (note de bas de page 64), par. 18 ; et A/HRC/44/60 (note de bas de page 64), par. 69.
113 A/HRC/37/75 (note de bas de page 63), par. 37.
114 Ibid., par. 38.
115 A/75/532 (note de bas de page 64), par. 18
116 A/HRC/47/57 (note de bas de page 70), par. 12.
117 A/HRC/37/75 (note de bas de page 63), par. 24.
118 A/74/507 (note de bas de page 63), par. 26.
119 A/HRC/47/57 (note de bas de page 70), par. 12.
120 A/HRC/37/75 (note de bas de page 63), par. 15.
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III. LE DROIT APPLICABLE À L’EXAMEN DES CONSÉQUENCES JURIDIQUES DE LA VIOLATION DU DROIT INTERNATIONAL PAR ISRAËL
68. Pour répondre aux questions posées par l’Assemblée générale dans sa demande d’avis consultatif, les règles et principes de droit international pertinents sont la Charte des Nations Unies, plus précisément l’interdiction de la menace ou de l’emploi de la force et son corollaire qui interdit l’annexion d’un territoire au moyen de la force ; le droit international humanitaire, en particulier le droit de l’occupation ; le droit international relatif aux droits de l’homme, et principalement le droit à l’autodétermination et l’interdiction de la discrimination ; et le droit pénal international.
A. La Charte des Nations Unies
69. Le paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte énonce l’interdiction de « recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies ».
70. Cette interdiction comprend le devoir de s’abstenir de recourir à la menace ou à l’emploi de la force pour violer les lignes internationales de démarcation, telles que les lignes d’armistice ; pour priver un peuple de son droit à l’autodétermination, à la liberté et à l’indépendance ; et pour acquérir le territoire d’un autre État121.
71. En tant que Membre de l’Organisation des Nations Unies122, Israël a accepté les obligations énoncées dans la Charte et a été jugé capable de les remplir123. De surcroît, étant donné que l’interdiction de la menace ou de l’emploi de la force fait également partie du droit international coutumier124 et constitue une règle de jus cogens125, elle s’applique à l’ensemble du Territoire palestinien occupé.
72. Ces règles et interdictions sont pertinentes aux fins de l’examen de la tentative d’annexion par Israël, de jure et de facto, de parties du territoire palestinien. Lesdites règles sont également indispensables pour apprécier la licéité de l’occupation prolongée en tant que telle. Ainsi que le rapporteur spécial Lynk l’a relevé, « en raison du caractère inexorable de l’occupation israélienne, il est devenu … impossible de la différencier d’une annexion »126.
121 Nations Unies, Assemblée générale, « Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies », résolution 2625 (XXV) (24 octobre 1970), doc. A/RES/2625 (XXV).
122 Nations Unies, Assemblée générale, « Admission d’Israël à l’Organisation des Nations Unies », résolution 273 (III) (11 mai 1949), doc. A/RES/273 (III).
123 Nations Unies, « Charte des Nations Unies » (adoptée le 26 juin 1945, entrée en vigueur le 24 octobre 1945), Recueil des traités (RTNU), vol. 1, p. XVI, article 4.
124 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (note de bas de page 11), par. 86 ; et Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 98-101, par. 187-190.
125 Voir Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (note de bas de page 124), par. 190 ; Nations Unies, Commission du droit international, Annuaire de la Commission du droit international, 2001, vol. II, deuxième partie », doc. A/CN.4/SER.A/2001/Add.1, p. 120, note de bas de page 641, et p. 86, par. 5 ; et Commission du droit international, « Rapport de la Commission du droit international, soixante-treizième session (18 avril -3 juin et 4 juillet -5 août 2022) », doc. A/77/10, annexe du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens).
126 A/HRC/49/87 (note de bas de page 71), par. 51.
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B. Droit international humanitaire
73. Étant donné que les territoires visés par la présente procédure consultative, y compris Jérusalem-Est et Gaza127, sont des territoires occupés128, le droit international humanitaire et, en particulier le droit de l’occupation, s’appliquent également à l’appréciation de la licéité des mesures prises par Israël dans le Territoire palestinien occupé.
74. Le droit de l’occupation est, pour l’essentiel, consacré dans le règlement de La Haye de 1907, la quatrième convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre et le protocole additionnel I aux conventions de Genève de 1949.
75. En ce qui concerne le Territoire palestinien occupé, le règlement de La Haye et la quatrième convention de Genève s’appliquent. Le premier instrument s’applique parce qu’il fait partie du droit international coutumier129, et le second, parce que les deux parties au conflit y ont adhéré. Israël est partie à la convention depuis 1951 ; la Palestine, quant à elle, s’est engagée unilatéralement à l’appliquer en 1982 — engagement que la Suisse, en qualité d’État dépositaire, a estimé valable130 — puis a officiellement adhéré à la quatrième convention de Genève et à son protocole additionnel I le 2 avril 2014. De plus, l’applicabilité de la quatrième convention de Genève au Territoire palestinien occupé a également été confirmée par le Conseil de sécurité131, l’Assemblée générale132, les Hautes Parties contractantes à la convention133 et la Cour134.
76. S’agissant des mesures précises adoptées par le Gouvernement israélien, lesquelles présentent un intérêt particulier pour répondre aux questions posées par l’Assemblée générale, la Cour doit examiner le devoir qu’a la puissance occupante de maintenir l’ordre public et la sécurité dans le territoire occupé135 ; le devoir qu’a la puissance occupante de fournir une aide humanitaire136 ; l’interdiction de la contrainte137 et des sévices corporels contre les personnes protégées138 ;
127 A/77/328 (note de bas de page 93), par. 82.
128 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (note de bas de page 11), par. 78.
129 Ibid., par. 89 ; et Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires (note de bas de page 14), par. 75.
130 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (note de bas de page 11), par. 91.
131 Par exemple, Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 237 (1967) (14 juin 1967), doc. S/ RES/237 (1967) ; et résolution 2334 (2016) (23 décembre 2016), doc. S/ RES/2334 (2016).
132 Nations Unies, Assemblée générale, « Applicabilité de la convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949, au Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et aux autres territoires arabes occupés », résolution 71/96 (6 décembre 2016), doc. A/RES/71/96.
133 Nations Unies, Assemblée générale, « Annexe à la lettre datée du 29 décembre 2014 adressée au Secrétaire général par le représentant permanent de la Suisse auprès de l’Organisation des Nations Unies », soixante-neuvième session, doc. A/69/711-S/2015/1, par. 4.
134 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (note de bas de page 11), par. 101.
135 Nations Unies, « Convention (IV) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et son annexe : règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre » (adoptée le 18 octobre 1907, entrée en vigueur le 26 janvier 1910), Consolidated Treaty Series, vol. 205, p. 277 (ci-après le « règlement de La Haye de 1907 »), art. 43 ; et « Convention (IV) de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre » (adoptée le 12 août 1949, entrée en vigueur le 21 octobre 1950), RTNU, vol. 75, p. 287 (ci-après la « quatrième convention de Genève »), art. 27.
136 Quatrième convention de Genève, art. 59, 61 et 62.
137 Ibid., art. 31.
138 Ibid., art. 32.
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l’interdiction des peines collectives
139 ; le devoir de maintenir en vigueur la législation pénale du territoire occupé140 et de garantir un procès équitable aux détenus141 ; le devoir de garantir aux détenus qu’ils purgeront leur peine dans le territoire occupé et dans des conditions humaines142 ; l’interdiction de la destruction et de la confiscation des biens privés143 et du pillage144, ainsi que l’interdiction des déportations ou transferts de la population civile de la puissance occupante dans le territoire occupé145, et l’interdiction connexe des transferts forcés, en masse ou individuels, et des déportations de personnes protégées hors du territoire occupé dans le territoire de la puissance occupante ou dans celui de tout autre État, occupé ou non146.
77. Il convient de noter que les principaux objectifs du droit de l’occupation en droit international humanitaire sont les suivants : « a) réglementer étroitement une occupation pour faire en sorte que le territoire atteigne ou retrouve une situation de souveraineté ; b) empêcher que le territoire devienne un objet de conquête ; et c) sauvegarder les personnes protégées sous occupation »147.
78. Il s’ensuit que les obligations fondamentales qui incombent à la puissance occupante pendant une occupation consistent à administrer les biens publics et les ressources naturelles de l’État occupé conformément aux règles de l’usufruit148 ; à ne pas procéder au transfert forcé ou à la déportation des personnes protégées ni au transfert d’une partie de sa propre population dans le territoire occupé par elle149 ; et à ne pas priver la population qui se trouve dans le territoire occupé des protections garanties par le droit international humanitaire en raison d’un changement quelconque intervenu du fait de l’occupation ou à la suite de l’annexion de tout ou partie du territoire occupé150. Si elle viole ces devoirs et interdictions, la puissance occupante manque à ses obligations fondamentales en tant que dirigeant étranger, et l’occupation elle-même devrait être considérée comme illicite151.
139 Règlement de La Haye de 1907, art. 50 ; et quatrième convention de Genève, art. 33.
140 Quatrième convention de Genève, art. 64.
141 Ibid., art. 71-75.
142 Ibid., art. 76.
143 Règlement de La Haye de 1907, art. 46 ; et quatrième convention de Genève, art. 53.
144 Règlement de La Haye de 1907, art. 47.
145 Quatrième convention de Genève, art. 49.
146 Ibid.
147 A/72/556 (note de bas de page 74), par. 22.
148 Règlement de La Haye de 1907, art. 55.
149 Quatrième convention de Genève, art. 49.
150 Ibid., art. 47.
151 A/72/556 (note de bas de page 74), par. 65.
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C. Droit international relatif aux droits de l’homme
79. Ainsi que l’ont reconnu la présente Cour152, le Secrétaire général153, le haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme154, la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël155, et les rapporteurs spéciaux156, le droit international relatif aux droits de l’homme s’applique au Territoire palestinien occupé. Comme l’a affirmé le rapporteur spécial Lynk, « le droit international des droits de l’homme, y compris le droit fondamental à l’autodétermination, … continu[e] de s’appliquer en temps de conflit et pendant une occupation »157. Cela signifie que le droit humanitaire et le droit des droits de l’homme sont complémentaires, chaque fois que possible, sous réserve uniquement de dérogations légitimes158.
80. Ainsi que la Cour l’a reconnu, les obligations incombant à un État au regard du droit des droits de l’homme ont une application extraterritoriale lorsque cet État exerce sa juridiction en territoire étranger159. Israël étant la puissance occupante, les obligations qui lui incombent au regard du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, de la convention relative aux droits de l’enfant et de toute autre règle applicable du droit international relatif aux droits de l’homme s’appliquent pleinement dans le Territoire palestinien occupé160.
81. En ce qui concerne les questions que l’Assemblée générale a posées à la Cour, parmi tous les droits de l’homme applicables, le droit à l’autodétermination revêt une importance particulière.
82. Le droit à l’autodétermination comprend le droit de tous les peuples à « détermine [r] librement leur statut politique et poursuiv [re] librement leur développement économique, social et
152 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (note de bas de page 11), par. 106 ; et Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 168, par. 178-179.
153 Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, « Rapport du Secrétaire général sur la situation des droits de l’homme dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est » (13 avril 2017), doc. A/HRC/34/38, par. 5-9.
154 Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, « Rapport du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé » (15 mars 2023), doc. A/HRC/52/76, par. 4 ; Assemblée générale « Rapport du Secrétaire général sur les colonies de peuplement israéliennes dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et le Golan syrien occupé » (3 octobre 2022), doc. A/77/493, par. 3.
155 Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, « Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël » (9 mai 2023), doc. A/HRC/53/22, par. 5 ; et A/HRC/50/21 (note de bas de page 27), par. 20.
156 A/HRC/53/59 (note de bas de page 91), par. 15 ; E/ CN.4/2002/32 (note de bas de page 36), par. 9.
157 A/72/556 (note de bas de page 74), par. 23.
158 Ibid.
159 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (note de bas de page 11), par. 109.
160 Ibid., par. 106-113.
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culturel »
161. Il s’agit donc en substance du droit de se développer en tant que peuple au sein d’une communauté politique individuelle, généralement sous la forme d’un État indépendant, à l’abri d’actes de subjugation et d’exploitation étrangères162.
83. Le droit à l’autodétermination est consacré dans plusieurs corpus de droit, et est considéré comme faisant partie du droit international coutumier163. Il est reconnu comme l’un des buts des Nations Unies au paragraphe 2 de l’article 1 de la Charte ; il est proclamé à l’article premier commun au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui prescrit aux États Membres de faciliter la réalisation de ce droit ; et il a été repris dans plusieurs résolutions de l’Assemblée générale, dont la déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux (résolution 1514 (XV)) et la déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies (résolution 2625 (XXV)). Le Conseil des droits de l’homme a également adopté plusieurs résolutions concernant le droit du peuple palestinien à l’autodétermination. Dans la dernière version, à savoir la résolution 52/34 (dont le Chili s’est porté coauteur), le Conseil a réaffirmé « le droit inaliénable, permanent et absolu du peuple palestinien à disposer de lui-même, y compris son droit de vivre dans la liberté, la justice et la dignité, et son droit à l’État indépendant de Palestine ».
84. En outre, étant donné qu’il protège l’une des valeurs les plus fondamentales de la communauté internationale164, et que sa réalisation est une condition essentielle de celle des autres droits de l’homme fondamentaux165, le droit à l’autodétermination a souvent été présenté comme un droit fondamental166 ayant un caractère erga omnes incontesté, ce que la Cour a reconnu à maintes reprises167. En conséquence, la communauté internationale dans son ensemble a un intérêt juridique à le protéger.
85. De même, l’idée que le droit à l’autodétermination constitue une norme de jus cogens est largement étayée par la doctrine internationale168. Même si la Cour n’a pas explicitement formulé d’observations sur le droit à l’autodétermination en tant que norme de jus cogens, elle a déclaré que
161 Nations Unies, Assemblée générale, « Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux », résolution 1514 (XV) (14 décembre 1960), doc. A/RES/1514 (XV), par. 2. Voir également article premier commun au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (adopté le 16 décembre 1966, entré en vigueur le 23 mars 1976), RTNU, vol. 999, p. 171, et au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (adopté le 16 décembre 1966, entré en vigueur le 3 janvier 1976), RTNU, vol. 993, p. 3 ; et Comité des droits de l’homme, « Observation générale no 12 : article premier (droit à l’autodétermination) », par. 2.
162 A/77/356 (note de bas de page 86), par. 19.
163 Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, C.I.J. Recueil 2019 (I), opinion individuelle de M. le juge Robinson, par. 40-42.
164 Ibid., par. 77.
165 Voir Nations Unies, Comité des droits de l’homme, « Observation générale no 12: article premier (droit à l’autodétermination) », par. 1 ; et A/77/356 (note de bas de page 86), par. 15.
166 Voir A/HRC/47/57 (note de bas de page 70), par. 39 ; A/77/356 (note de bas de page 86), par. 15 ; Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 102, par. 29.
167 Par exemple, Timor oriental (Portugal c. Australie) (note de bas de page 166), par. 29 ; Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (note de bas de page 11), par. 155 ; et Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 139, par. 180.
168 Voir opinion individuelle du juge Robinson (note de bas de page 163), par. 50 et 77 ; Nations Unies, Commission du droit international, Annuaire de la Commission du droit international, 2001, vol. II, deuxième partie, doc. A/CN.4/SER.A/2001/Add.1, p. 86, par. 5 ; Commission du droit international, « Rapport de la Commission du droit international, soixante-treizième session (18 avril -3 juin et 4 juillet -5 août 2022) », doc. A/77/10, annexe du projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens) ; A/HRC/47/57 (note de bas de page 70), par. 39 ; et A/77/356 (note de bas de page 86), par. 23.
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la violation de ce droit entraînait les mêmes obligations que celles qu’emportaient habituellement les violations graves d’une norme de jus cogens
169, à savoir celles énoncées à l’article 41 des articles de la Commission du droit international sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite.
86. Le droit à l’autodétermination a une composante politique et une composante économique, qui comprennent respectivement la capacité d’un peuple de choisir son propre gouvernement et de se gouverner sans ingérence extérieure, et celle de jouir de ses richesses et ressources naturelles170. En ce sens, le droit à l’autodétermination du peuple palestinien a sans cesse été affirmé par l’Assemblée générale171, notamment son droit à l’autodétermination externe sous la forme d’un État indépendant de Palestine172.
87. Outre le droit à l’autodétermination, la Cour devrait notamment prendre en compte le droit à la vie des Palestiniens173 ; le droit à l’intégrité de la personne et l’interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants174, y compris pendant la détention175 ; le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’une personne soit capable d’atteindre176 ; le droit au logement177 ainsi que le droit à la propriété et à la jouissance des biens178 ; le droit à la liberté et à la sécurité, y compris celui de ne pas faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraire179 ; le droit à un procès équitable180 ; le droit d’exercer une activité politique181 ; la liberté d’expression182 ; la libre circulation183 ; le droit au travail184 ; le droit à l’éducation185 ; le droit de ne pas être l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée et familiale186 ; la liberté de pensée, de
169 Par exemple, Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (note de bas de page 16), par. 112 -125 ; et Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (note de bas de page 11), par. 159.
170 A/77/356 (note de bas de page 86), par. 16.
171 Par exemple, Nations Unies, Assemblée générale, résolution 77/208 (28 décembre 2022), doc. A/RES/77/208 ; résolution 76/150 (5 janvier 2022), doc. A/RES/76/150 ; résolution 67/19 (4 décembre 2012), doc. A/RES/67/19 ; et résolution 58/292 (6 mai 2004), doc. A/RES/58/292.
172 Par exemple, A/RES/77/208 (note de bas de page 171) ; A/RES/76/150 (note de bas de page 171) ; et A/RES/67/19 (note de bas de page 171).
173 Pacte international relatif aux droits civils et politiques, art. 6.
174 Ibid., art 7.
175 Ibid., art 10.
176 Ibid.
177 Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, art. 11.
178 Nations Unies, Assemblée générale, « Déclaration universelle des droits de l’homme » (adoptée le 10 décembre 1948), résolution 217 A (III), art. 17.
179 Pacte international relatif aux droits civils et politiques, art. 9.
180 Ibid., art. 14.
181 Ibid., art. 25.
182 Ibid., art. 19.
183 Ibid., art. 12.
184 Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, art. 6. Voir également ibid., art. 7 et 8, concernant les droits au travail connexes.
185 Ibid., art. 13.
186 Pacte international relatif aux droits civils et politiques, art. 17.
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conscience et de religion
187 ; la liberté d’association188 ; les droits de l’enfant189 ; le droit à un niveau de vie suffisant190 ; la protection de la famille191 ; et le droit au développement192. Il convient de porter une attention particulière à l’interdiction de toute discrimination193, notamment fondée sur le genre194, la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique195, étant donné qu’il en est expressément fait mention dans les questions posées par l’Assemblée générale.
D. Droit pénal international
88. Enfin, compte tenu de la gravité de la situation dans le Territoire palestinien occupé, et en particulier de l’intensification des efforts déployés par Israël pour transférer sa population civile dans ledit territoire, au détriment de la population palestinienne autochtone et réfugiée qui s’y trouve, le droit pénal international est également pertinent aux fins de l’analyse des questions posées par l’Assemblée générale à laquelle la Cour devra se livrer.
89. L’occupation pendant un conflit armé est un état de fait essentiellement provisoire. Par conséquent, le but principal du droit de l’occupation consiste à préserver la souveraineté ainsi que la structure sociale, économique et politique de l’État occupé196. Telle est la logique qui sous-tend l’article 49 de la quatrième convention de Genève, lequel interdit expressément la déportation ou le transfert de la population civile de la puissance occupante dans le territoire occupé par elle.
90. Cette disposition vise à « préserver la structure démographique et sociale du territoire occupé et à interdire toute tentative par une puissance occupante de traiter le territoire comme un objet de conquête »197. En ce sens, l’interdiction en question couvre « toutes les mesures que peut prendre une puissance occupante en vue d’organiser et de favoriser des transferts d’une partie de sa propre population dans le territoire occupé »198.
187 Ibid., art. 18.
188 Ibid., art. 22.
189 Ibid., art. 24 ; et convention relative aux droits de l’enfant (adoptée le 20 novembre 1989, entrée en vigueur le 2 septembre 1990), RTNU, vol. 1577, p. 3.
190 Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, art. 11.
191 Ibid., art. 10.
192 Nations Unies, Assemblée générale, « Déclaration sur le droit au développement », résolution 41/128 (4 décembre 1986), doc. A/RES/41/128.
193 Pacte international relatif aux droits civils et politiques, art. 26.
194 Ibid., art. 3 ; Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, art. 3 ; et convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (adoptée le 18 décembre 1979, entrée en vigueur le 3 septembre 1981), RTNU, vol. 1249, p. 13.
195 Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (adoptée le 7 mars 1966, entrée en vigueur le 4 janvier 1969), RTNU, vol. 660, p. 195.
196 A/HRC/47/57 (note de bas de page 70), par. 38.
197 Ibid., par. 36.
198 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (note de bas de page 11), par. 120.
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91. La violation de cette interdiction entraîne des conséquences désastreuses sur la population autochtone, qui se voit privée de la possibilité de décider librement de l’avenir de son propre territoire et de conserver son identité propre199.
92. C’est pourquoi, à l’alinéa a) du paragraphe 4 de l’article 85 du protocole I additionnel aux conventions de Genève, le transfert par la puissance occupante d’une partie de sa population dans le territoire occupé est qualifié de violation grave du droit international humanitaire. Pareil comportement a aussi été considéré ultérieurement comme un crime de guerre200.
93. Depuis des décennies, le Gouvernement israélien mène une politique d’implantation de colonies de peuplement dans le Territoire palestinien occupé et d’annexion de facto, et il le fait en sachant pertinemment que ses colonies sont illicites201 et en ayant parfaitement connaissance de ses obligations internationales. Par conséquent, la pertinence de ce corpus juridique en plein développement ne devrait pas être minimisée dans l’analyse juridique de la situation dans le Territoire palestinien occupé.
IV. OBSERVATIONS DU CHILI SUR LA QUESTION A)
94. La question a) de la demande d’avis consultatif se lit comme suit :
« Quelles sont les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et de son annexion prolongées du Territoire palestinien occupé depuis 1967, notamment des mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem, et de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires connexes ? »
95. Les sections précédentes montrent qu’Israël a violé le droit du peuple palestinien à l’autodétermination par son occupation prolongée, l’établissement de colonies de peuplement illicites, l’annexion de facto du territoire palestinien depuis 1967, et toutes les mesures prises dans le but de priver le peuple palestinien du droit de déterminer son propre statut politique et de poursuivre librement son développement économique, social et culturel sans ingérence extérieure.
96. Il ressort clairement des déclarations et des actes d’Israël202 que ses violations du droit à l’autodétermination du peuple palestinien découlent d’une politique d’État, qui vise précisément à entraver la capacité des Palestiniens de jouir de leurs richesses et ressources naturelles et à les empêcher d’exercer leur volonté politique. De fait, l’actuelle rapporteuse spéciale, Mme Albanese, a estimé que la nature de l’occupation israélienne était celle « d’un régime intentionnellement acquisitif, ségrégationniste et répressif, conçu pour empêcher la réalisation du droit du peuple palestinien à l’autodétermination »203.
199 A/HRC/47/57 (note de bas de page 70), par. 39.
200 Statut de Rome de la Cour pénale internationale (adopté le 17 juillet 1998, entré en vigueur le 1er juillet 2002), RTNU, vol. 2187, p. 3, art. 8-2-b-viii.
201 Par exemple, Nations Unies, Conseil de sécurité, « Déclaration de la présidente du Conseil de sécurité » (20 février 2023), doc. S/ PRST/2023/1 ; résolution 2334 (23 décembre 2016), doc. S/ RES/2334 (2016) ; et Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (note de bas de page 11), par. 120.
202 A/HRC/49/87 (note de bas de page 71), par. 9.
203 A/77/356 (note de bas de page 86), par. 73.
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97. Cette politique d’État comporte la démolition arbitraire de logements, la confiscation de terres, l’expansion des colonies, le pillage des ressources naturelles, une politique de détention arbitraire contre les Palestiniens, le harcèlement permanent des défenseurs des droits de l’homme et des militants politiques, le bouclage de territoires et l’imposition d’un système complexe de points de contrôle et de barrages, éléments qui ont tous été systématiquement signalés par différents experts, dont les rapporteurs spéciaux ainsi que l’actuel haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et ses prédécesseurs.
98. L’ancienne haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, a mentionné la gravité de la situation dans le Territoire palestinien occupé dans la déclaration qu’elle a prononcée le 25 mars 2022 à la quarante-neuvième session du Conseil des droits de l’homme. Elle a notamment relevé le recours continu à des pratiques de châtiments collectifs, le blocus de Gaza, les démolitions punitives d’habitations de Palestiniens en Cisjordanie, l’expansion persistante des colonies et la pratique des expulsions forcées (qui constitue un crime de guerre) qui soumet la communauté à des pressions extrêmes pour pousser ses membres à quitter les lieux et à abandonner leurs habitations, le nombre croissant de Palestiniens tués par les forces de sécurité israéliennes lors d’incidents liés au maintien de l’ordre, l’emploi disproportionné de la force létale, les nouvelles mesures répressives appliquées à l’égard des organismes de défense des droits de l’homme, les mauvais traitements et la torture qui continueraient d’être infligés aux détenus ainsi que le nombre de plus en plus important d’actes de violence commis par des colons avec le soutien concret des forces de sécurité israéliennes, et ce, pratiquement en toute impunité204.
99. De même, l’actuel haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, M. Volker Türk, a indiqué dans son rapport du 15 mars 2023 au Conseil des droits de l’homme que le transfert par Israël d’une partie de sa propre population civile dans le Territoire palestinien occupé non seulement était interdit par le droit international humanitaire, mais constituait également un crime de guerre susceptible d’engager la responsabilité pénale individuelle des personnes impliquées205. Il a ajouté que la violence des colons avait atteint les niveaux les plus élevés jamais enregistrés, et qu’Israël avait failli à plusieurs reprises à sa responsabilité en tant que puissance occupante de protéger les Palestiniens et leurs biens206.
100. La politique de colonisation israélienne a en outre été condamnée par le Conseil des droits de l’homme. Dans sa dernière résolution (52/35), dont le Chili s’est porté coauteur, le Conseil a réaffirmé que les colonies de peuplement israéliennes étaient « illégales au regard du droit international et constitu [ai] ent un obstacle majeur à la réalisation de la solution des deux États, à l’établissement d’une paix globale, juste et durable, ainsi qu’au développement économique et social », et a exigé qu’Israël « mette fin immédiatement à toutes ses activités de colonisation dans l’ensemble du Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est ».
101. La politique israélienne de bouclages non seulement restreint la liberté de circulation de la population palestinienne, mais a aussi de graves conséquences sur le droit à l’éducation, le droit au travail et l’accès à la santé de celle-ci. Toutes ces mesures, associées à l’imposition d’obstacles au commerce avec le monde extérieur, nuisent considérablement au développement économique, social et culturel du peuple palestinien.
204 UN Office of the High Commissioner for Human Rights (OHCHR), Statement delivered by Michelle Bachelet, United Nations High Commissioner for Human Rights (25 mars 2022) www.ohchr.org/en/statements/2022/03/occupied-palestinian-territory, consulté le 18 juillet 2023.
205 A/HRC/52/76 (note de bas de page 154), par. 58.
206 Ibid., par. 61.
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102. En 1994 déjà, le rapporteur spécial Felber avait fait état de certaines de ces mesures, à savoir la démolition de logements, la confiscation de terres, l’expansion des colonies de peuplement et le bouclage de territoires207. Ces politiques se sont intensifiées avec le temps, comme cela est clairement exposé dans la section II. De plus, Israël a imposé des restrictions à la circulation des Palestiniens, qui doivent obtenir des autorisations pour entrer dans des zones fermées et en sortir. Aujourd’hui, l’économie palestinienne dépend entièrement de celle d’Israël. L’accès aux ressources naturelles du peuple palestinien et leur contrôle sont tombés, dans une large mesure, aux mains d’Israël.
103. Parallèlement, le haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a mis en évidence une discrimination systématique dans les lois, les politiques et les pratiques adoptées par Israël, dans presque tous les domaines de la vie des Palestiniens208. Il a fait état de pratiques d’application discriminatoire de la loi209, d’une délivrance discriminatoire des permis de construire210, de politiques discriminatoires relatives aux démolitions et aux expulsions forcées211, de lois discriminatoires sur la confiscation212 ainsi que de politiques et mesures discriminatoires en matière d’aménagement du territoire213. Le rapporteur spécial, M. Lynk, a également signalé l’existence d’un « régime institutionnalisé d’oppression et de discrimination raciales systématiques »214, d’autres acteurs concernés, dont le Secrétaire général215 et la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël216, ayant mentionné les lois, politiques et pratiques discriminatoires d’Israël.
104. Le Conseil des droits de l’homme a lui aussi dénoncé les politiques et pratiques discriminatoires d’Israël. Dans sa dernière résolution sur le sujet (52/3), dont le Chili s’est porté coauteur, il a souligné que la politique israélienne de bouclages, l’imposition d’importantes restrictions, la mise en place de postes de contrôle et le régime de permis étaient appliqués de manière discriminatoire envers la population palestinienne. Le Conseil a donc exigé qu’Israël mette fin à ses actions illicites, notamment au transfert forcé d’habitants palestiniens et au retrait, en vertu de plusieurs lois discriminatoires, des permis de résidence de Palestiniens vivant à Jérusalem-Est ; et l’a notamment exhorté à faire en sorte qu’il n’y ait pas de discrimination dans la répartition des ressources en eau dans le Territoire palestinien occupé.
105. Toutes ces mesures ont été imposées dans un cadre normatif mis en place par l’État d’Israël, qui comprend l’adoption de lois et de mesures administratives, ainsi que l’application et l’interprétation du droit international et de la réglementation interne, par des organes de l’État, de façon que toutes ces pratiques et politiques semblent licites aux yeux d’Israël.
207 E/CN.4/1994/14 (note de bas de page 29).
208 A/HRC/52/76 (note de bas de page 154).
209 Ibid., par. 13.
210 Ibid., par. 30.
211 Ibid., par. 33.
212 Ibid., par. 34.
213 Ibid., par. 49.
214 A/HRC/49/87 (note de bas de page 71), par. 31.
215 A/77/493 (note de bas de page 154), par. 27.
216 A/77/328 (note de bas de page 93), par. 76.
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106. Selon l’article 3 des articles de la Commission du droit international sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, la qualification du fait d’un État comme internationalement illicite relève du droit international et une telle qualification n’est pas affectée par la qualification du même fait comme licite par le droit interne. Ces actes engagent la responsabilité internationale d’Israël, car ils sont attribuables à l’État d’Israël, et constituent une violation des obligations auxquelles il est tenu en vertu du droit international.
107. Dans le même temps, les politiques susmentionnées non seulement ont porté atteinte au droit des Palestiniens à l’autodétermination et à d’autres droits de l’homme fondamentaux, mais constituent également de graves violations du droit international humanitaire217 et, dans le cas particulier de la création des colonies, un crime de guerre. Il ne fait aucun doute que les faits exposés dans la section II montrent clairement, d’une part, qu’Israël n’a pas assuré le maintien de l’ordre public et de la sécurité dans le Territoire palestinien occupé ni fourni d’aide humanitaire à la population de ce territoire et, d’autre part, qu’il a activement mené des politiques allant directement à l’encontre des interdictions expresses consacrées par le droit de l’occupation.
108. S’agissant de la question relative aux conséquences juridiques découlant de la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, y compris la violation de certaines obligations en matière de droit humanitaire et de droits de l’homme, la position du Chili est la suivante :
A. Conséquences juridiques pour Israël
109. Israël doit observer l’obligation qui lui incombe de respecter le droit à l’autodétermination du peuple palestinien et les obligations auxquelles il est tenu au regard du droit international, y compris le droit relatif à l’emploi de la force, le droit humanitaire et le droit relatif aux droits de l’homme. En outre, Israël a engagé sa responsabilité internationale et est donc tenu de mettre fin à la violation de ces obligations internationales, de donner des assurances et des garanties de non-répétition appropriées et de réparer intégralement le préjudice causé sous forme de restitution, d’indemnisation ou de satisfaction.
B. Conséquences juridiques pour les États tiers
110. Compte tenu du caractère de jus cogens et erga omnes du droit à l’autodétermination, des règles fondamentales du droit international humanitaire, de l’interdiction de l’emploi de la force, de l’interdiction de la discrimination raciale et d’autres dispositions du droit international relatif aux droits de l’homme, dont l’interdiction de la torture, tous les États ont l’obligation de coopérer pour mettre fin à cette situation par des moyens licites, l’obligation de ne pas reconnaître comme licite la situation créée par la violation de ces obligations, et l’obligation de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de ladite situation.
111. De plus, comme l’a déjà précisé la Cour dans son avis consultatif relatif à l’édification d’un mur218, tous les États parties à la quatrième convention de Genève ont l’obligation, dans le
217 Le Chili a confirmé cette position à l’occasion de plusieurs interventions devant les organes de l’Organisation des Nations Unies, par exemple lors de son intervention à la quarante-neuvième session du Conseil des droits de l’homme tenue le 25 mars 2022.
218 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé (note de bas de page 11), par. 159.
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respect de la Charte des Nations Unies et du droit international, de faire respecter par Israël le droit international humanitaire incorporé dans cette convention.
C. Conséquences juridiques pour l’Organisation des Nations Unies
112. Les organes politiques de l’ONU et tous les autres organes et institutions spécialisées de l’Organisation, dans le cadre de leurs fonctions et pouvoirs, doivent prendre des mesures pour contribuer à ce qu’il soit mis fin à la violation du droit à l’autodétermination du peuple palestinien, notamment aux mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem ainsi qu’aux lois et mesures discriminatoires connexes.
V. OBSERVATIONS DU CHILI SUR LA QUESTION B)
113. La question b) de la demande d’avis consultatif se lit comme suit :
« Quelle incidence les politiques et pratiques d’Israël visées au paragraphe 18 a) ci-dessus ont-elles sur le statut juridique de l’occupation et quelles sont les conséquences juridiques qui en découlent pour tous les États et l’Organisation des Nations Unies ? »
114. La situation du Territoire palestinien occupé depuis 1967 a généralement été analysée à travers le prisme du droit international applicable à l’occupation par des forces militaires étrangères. Le droit international humanitaire est le droit qui régit les effets de la guerre afin de protéger les victimes d’un conflit armé. Dans ce contexte, le droit international humanitaire envisage l’occupation comme un statut résultant d’hostilités dans le cadre desquelles il est nécessaire d’établir des règles pour protéger les civils des territoires occupés.
115. Les articles 47 à 78 de la quatrième convention de Genève régissent la situation des territoires occupés. En droit international humanitaire, l’occupation est considérée comme un état de fait et des règles sont établies pour régir la conduite de la puissance occupante. Étant donné qu’il n’avait pas été envisagé que l’occupation devienne une situation permanente, la logique sous-tendant les règles établies par la quatrième convention de Genève, applicables aux territoires occupés, était que l’occupation cesserait à la fin de la guerre.
116. Comme l’a expliqué le rapporteur spécial Michael Lynk,
« si le concept de l’occupant légitime était peut-être la représentation diplomatique et juridique adéquate de l’occupation dans ses premières années, il est depuis devenu totalement inapproprié à la fois comme qualification juridique de ce qu’est devenue l’occupation et comme catalyseur politique, diplomatique et juridique viable pour inciter Israël à enfin mettre un terme à l’occupation, conformément à ses obligations juridiques internationales »219.
117. Israël tente de justifier cette occupation qui dure depuis 56 ans en avançant qu’il s’agit d’une mesure nécessaire pour protéger sa sécurité. Or, comme l’a observé le rapporteur spécial Lynk, « [l] e principal moteur de la poursuite de l’occupation israélienne, qui est l’entreprise de
219 A/72/556 (note de bas de page 74), p. 7.
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colonisation, loin de renforcer la sécurité d’Israël, l’affaiblit »
220. M. Lynk a également noté que les colonies de peuplement israéliennes étaient « le moteur de cette occupation permanente »221, et que, « en raison du caractère inexorable de l’occupation israélienne, il [était] devenu, ces dernières décennies, impossible de la différencier d’une annexion »222.
118. En outre, la rapporteuse spéciale, Mme Albanese223, et la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et en Israël, ont estimé que l’occupation israélienne était illicite. Ainsi, la Commission a récemment déclaré qu’il y avait « des motifs raisonnables de conclure que l’occupation israélienne du territoire palestinien [était] aujourd’hui illégale au regard du droit international en raison de sa permanence et des mesures mises en oeuvre par Israël pour annexer de facto et de jure certaines parties de ce territoire »224. Et d’ajouter que les mesures prises par Israël « pour créer des faits irréversibles sur le terrain et pour étendre son contrôle sur le territoire constitu [ai] ent aussi bien des manifestations que des moteurs de son occupation permanente »225. Ces mesures comprennent le fait que les autorités israéliennes « réduisent au silence les acteurs de la société civile qui contestent l’action et le discours du Gouvernement [, lequel] est intrinsèquement lié à la volonté d’asseoir et de consacrer l’occupation permanente au détriment des droits du peuple palestinien »226.
119. Dans ce contexte, et compte tenu des politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, l’occupation de celui-ci est illicite pour les motifs suivants : i) elle dure depuis plus de 56 ans et est perpétuée intentionnellement par Israël afin de poursuivre ses politiques et pratiques de colonisation illicite ; ii) elle ne se justifie pas en tant que mesure nécessaire pour la protection d’Israël ; iii) la politique d’implantation de colonies de peuplement atteste que l’occupation vise l’annexion du territoire par Israël ; et iv) celui-ci a violé son obligation d’agir au mieux des intérêts de la population sous occupation.
A. Conséquences juridiques pour Israël
120. Conformément aux articles de la Commission du droit international sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, les obligations suivantes incombent à Israël : i) mettre fin à l’occupation illicite du territoire palestinien ; ii) donner des assurances et garanties de non-répétition appropriées ; iii) restituer le territoire palestinien dans les lieux où des colonies ont été construites ; et iv) réparer intégralement les préjudices causés par suite de cette occupation illicite.
B. Conséquences juridiques pour les États tiers
121. S’agissant des conséquences juridiques de l’occupation illicite du territoire palestinien pour tous les États, la première est l’obligation de ne pas reconnaître comme licite l’annexion du territoire palestinien par Israël. Les États ont également l’obligation de contribuer à mettre fin à cette situation par des moyens licites. À ce stade, il convient de rappeler que, dans son avis consultatif
220 Ibid., p. 18.
221 A/HRC/47/57 (note de bas de page 70), par. 74.
222 A/HRC/49/87 (note de bas de page 71), par. 51.
223 A/HRC/53/59 (note de bas de page 91), par. 14.
224 A/77/328 (note de bas de page 93), par. 75.
225 Ibid.
226 A/HRC/53/22 (note de bas de page 155), par. 69.
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relatif à la Namibie, la Cour a, au sujet de l’illicéité de la présence de l’Afrique du Sud dans le territoire de la Namibie, déclaré ce qui suit :
« Quand un organe compétent des Nations Unies constate d’une manière obligatoire qu’une situation est illégale, cette constatation ne peut rester sans conséquence. Placée en face d’une telle situation, la Cour ne s’acquitterait pas de ses fonctions judiciaires si elle ne déclarait pas qu’il existe une obligation, pour les Membres des Nations Unies en particulier, de mettre fin à cette situation. »227
122. Pour mettre fin à la situation, les États sont tenus de n’accorder à Israël, en ce qui concerne son occupation du territoire palestinien, aucune aide ou aucune assistance, quelle qu’en soit la forme.
123. De surcroît, comme cela a déjà été précisé dans la section IV, tous les États parties à la quatrième convention de Genève ont l’obligation, dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international, de faire respecter par Israël le droit international humanitaire incorporé dans cette convention.
C. Conséquences juridiques pour l’Organisation des Nations Unies
124. S’agissant des conséquences juridiques de l’occupation illicite du territoire palestinien par Israël pour l’Organisation des Nations Unies, les organes politiques de celle-ci ainsi que tous ses autres organes et institutions spécialisées devraient, dans le cadre de leurs fonctions et pouvoirs, prendre des mesures pour contribuer à mettre fin à l’occupation illicite du territoire palestinien et les mesures voulues pour maintenir et rétablir la paix et la sécurité dans la région.
La Haye, le 24 juillet 2023.
L’ambassadeur de la République du Chili
auprès du Royaume des Pays-Bas,
Jaime MOSCOSO VALENZUELA.
___________
227 Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (note de bas de page 16), par. 117.

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Exposé écrit du Chili

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