Exposé écrit du Brésil

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186-20230725-WRI-17-00-EN
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
18875
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
CONSÉQUENCES JURIDIQUES DÉCOULANT DES POLITIQUES ET PRATIQUES D’ISRAËL DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ, Y COMPRIS JÉRUSALEM-EST (REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF)
EXPOSÉ ÉCRIT DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRATIVE DU BRÉSIL
Juillet 2023
[Traduction du Greffe]
TABLE DES MATIÈRES
Page
INTRODUCTION ................................................................................................................................... 1
I. CONSIDÉRATIONS SUR LA COMPÉTENCE ET L’OPPORTUNITÉ JUDICIAIRE ................................... 2
II. LE DROIT DES PEUPLES À L’AUTODÉTERMINATION .................................................................... 3
III. OCCUPATION, COLONISATION ET ANNEXION .............................................................................. 5
IV. L’INTERDICTION DE LA DISCRIMINATION.................................................................................... 7
V. LE STATUT JURIDIQUE DE L’OCCUPATION ................................................................................... 8
VI. CONSÉQUENCES JURIDIQUES ....................................................................................................... 9
Obligations incombant à l’État responsable .................................................................................. 9
a) Cessation et non-répétition ................................................................................................. 9
b) Réparation ......................................................................................................................... 10
Obligations incombant à l’ensemble des États ............................................................................ 11
c) Obligation de non-reconnaissance .................................................................................... 11
d) Obligation de ne pas prêter aide ou assistance.................................................................. 12
e) Obligation de coopérer...................................................................................................... 12
CONCLUSION .................................................................................................................................... 13
INTRODUCTION
1. Comme suite à l’ordonnance rendue par la Cour internationale de Justice en date du 3 février 2023, la République fédérative du Brésil a l’honneur de soumettre son exposé écrit afin de fournir des renseignements sur les questions que l’Assemblée générale a posées à la Cour dans sa résolution 77/247 adoptée le 30 décembre 2022, en vue d’en faciliter l’examen par la Cour dans la procédure consultative intitulée Conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est.
2. Le 30 décembre 2022, au titre du point 47 de son ordre du jour, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la résolution 77/247, intitulée « Pratiques israéliennes affectant les droits humains du peuple palestinien dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est », par un vote enregistré de 87 voix contre 26, avec 53 abstentions.
3. Dans sa résolution, l’Assemblée générale a décidé, conformément à l’article 96 de la Charte des Nations Unies, de demander à la Cour internationale de Justice de donner, en vertu de l’article 65 de son Statut, un avis consultatif sur les questions suivantes :
« a) Quelles sont les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et de son annexion prolongées du territoire palestinien occupé depuis 1967, notamment des mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem, et de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires connexes ?
b) Quelle incidence les politiques et pratiques d’Israël visées au paragraphe 18 a) … ont-elles sur le statut juridique de l’occupation et quelles sont les conséquences juridiques qui en découlent pour tous les États et l’Organisation des Nations Unies ? »
4. L’Assemblée générale a en outre demandé à la Cour de donner son avis
« compte tenu des règles et principes du droit international, dont la Charte des Nations Unies, le droit international humanitaire, le droit international des droits de l’homme, les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et du Conseil des droits de l’homme et les siennes propres, et l’avis consultatif donné par la Cour le 9 juillet 2004 ».
5. La question a) soumise à la Cour peut être divisée en trois parties au moins, portant sur les conséquences juridiques qui découlent de : i) la violation du droit du peuple palestinien à l’autodétermination ; ii) l’occupation, la colonisation et l’annexion prolongées du territoire palestinien, notamment les mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de Jérusalem ; et iii) l’adoption de lois et de mesures discriminatoires. La question b) soumise par l’Assemblée générale peut être divisée en deux parties, portant sur i) le statut juridique de l’occupation ; et ii) les conséquences juridiques découlant de ce statut pour l’ensemble des États et l’Organisation des Nations Unies.
6. Le présent exposé écrit comporte six parties. Après examen des aspects procéduraux dans la partie I, nous analyserons les règles et principes du droit international applicables à la question a)
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soumise par l’Assemblée générale, à savoir le droit des peuples à l’autodétermination, dans la partie II ; les règles applicables à l’occupation dans la partie III ; et l’interdiction de la discrimination dans la partie IV. La partie V est consacrée au premier élément de la question b) de la résolution de l’Assemblée générale, soit le statut juridique de l’occupation. Enfin, la partie VI traite à la fois des conséquences juridiques découlant pour l’ensemble des États et l’Organisation des Nations Unies de la violation du droit international applicable à la situation visée à la question a), et de celles découlant du statut juridique mentionné à la question b).
7. C’est fort de son engagement permanent en faveur de la promotion du droit international et de son soutien indéfectible à la Cour internationale de Justice en tant qu’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies (ONU) que le Brésil a décidé de soumettre le présent exposé écrit. Il ne conçoit pas cette procédure consultative comme un différend bilatéral et n’envisage pas non plus son exposé comme l’expression d’une opposition à quelque État que ce soit.
8. Le Brésil réaffirme son engagement en faveur de la solution des deux États, la Palestine et Israël, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité à l’intérieur de frontières mutuellement convenues et internationalement reconnues. Il reste attaché à l’idée de la réalisation sans plus attendre d’une paix globale, juste et durable au Moyen-Orient, fondée sur le droit international et les résolutions pertinentes de l’ONU.
I. CONSIDÉRATIONS SUR LA COMPÉTENCE ET L’OPPORTUNITÉ JUDICIAIRE
9. Selon le paragraphe 1 de l’article 65 de son Statut, « [l]a Cour peut donner un avis consultatif sur toute question juridique, à la demande de tout organe ou institution qui aura été autorisé par la Charte des Nations Unies ou conformément à ses dispositions à demander cet avis ». L’Assemblée générale a compétence pour demander un avis consultatif en vertu du paragraphe 1 de l’article 96 de la Charte, qui dispose que « [l]’Assemblée générale ou le Conseil de sécurité peut demander à la Cour internationale de Justice un avis consultatif sur toute question juridique ».
10. Les questions soumises à la Cour par l’Assemblée générale en l’espèce sont libellées en termes juridiques et sont susceptibles de recevoir des réponses fondées en droit. Comme elle l’a précisé dans la procédure relative aux Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, le fait qu’une question juridique présente également des aspects politiques n’empêche pas la Cour d’exercer sa compétence consultative1.
11. Pour ces raisons, le Brésil considère que tous les critères sont remplis pour que la Cour ait compétence consultative au sens du paragraphe 1 de l’article 65 de son Statut.
12. Lorsque l’objet d’une demande de l’Assemblée générale ne peut être considéré uniquement comme relevant d’un différend bilatéral, il n’y a pas de raison décisive de ne pas donner un avis consultatif. En l’espèce, l’objet de la demande est d’obtenir un avis que l’Assemblée générale juge utile pour exercer comme il convient ses fonctions. Les questions soulevées par l’Assemblée générale s’inscrivent dans un cadre bien plus large qu’un différend bilatéral. Elles ont trait aux conséquences juridiques de normes impératives du droit international général telles que le droit à l’autodétermination, l’interdiction de l’annexion par la force et l’interdiction de la discrimination. Ces
1 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 155, par. 41.
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normes reflètent et protègent des valeurs fondamentales de la communauté internationale, et donnent naissance à des obligations erga omnes, c’est-à-dire dues à la communauté internationale dans son ensemble.
13. La Cour n’a donc pas de raison décisive d’user de son pouvoir discrétionnaire de ne pas donner son avis à l’Assemblée générale. Compte tenu des responsabilités qui incombent à la Cour en sa qualité d’organe principal de l’ONU, le Brésil estime qu’elle devrait exercer sa compétence consultative afin d’aider l’Assemblée générale à exercer ses fonctions.
II. LE DROIT DES PEUPLES À L’AUTODÉTERMINATION
14. L’un des principes les plus pertinents du droit international applicables en l’espèce est le droit à l’autodétermination. Ce droit est au fondement d’un des principaux objectifs de l’Organisation, qui est de développer des relations amicales entre les nations, tel que le consacre l’article 1 de la Charte.
15. Pour examiner la première question posée par l’Assemblée générale, il importe d’avoir à l’esprit que cette dernière affirme, depuis les années 1950, que « le droit des peuples et des nations à disposer d’eux-mêmes est une condition préalable de la jouissance de tous les droits fondamentaux de l’homme »2. L’Assemblée générale a également souligné qu’il importe d’assurer « le respect, sur le plan international, du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes »3.
16. Dans sa résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960 portant « Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux », qui a fait date, l’Assemblée générale a solennellement déclaré que « [t]ous les peuples ont le droit de libre détermination » et qu’« en vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et poursuivent librement leur développement économique, social et culturel ». Cette déclaration a été adoptée sans vote dissident, ce qui atteste qu’elle était déjà le reflet du droit international coutumier au moment de son approbation, comme l’a fait observer le Brésil dans son exposé écrit en la procédure consultative sur les Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 19654.
17. Il est également souligné dans la résolution 1514 (XV) que « la sujétion des peuples à une subjugation, à une domination et à une exploitation étrangères constitue un déni des droits fondamentaux de l’homme » et qu’elle « est contraire à la Charte des Nations Unies ». L’Assemblée générale a, par la suite, adopté plusieurs résolutions successives venant à l’appui de la déclaration de 1960 et portant sur sa mise en oeuvre, notamment le programme d’action de 1970 pour l’application intégrale de la déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, adopté par la résolution 2621 (XXV).
18. Dans sa résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970 à laquelle est annexée la déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies, l’Assemblée générale a réaffirmé que « tous les peuples ont le droit de déterminer leur statut politique, en toute liberté et sans ingérence extérieure, et
2 Nations Unies, Assemblée générale, résolution 637 (VII) de 1952, partie A.
3 Ibid., partie C.
4 Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 97. Exposé écrit de la République fédérative du Brésil, par. 18.
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de poursuivre leur développement économique, social et culturel, et [que] tout État a le devoir de respecter ce droit conformément aux dispositions de la Charte ». La Cour reconnaît que cette résolution reflète le droit international coutumier, car le consentement à son texte « est l’expression d’une opinio juris ». Ce consentement peut être considéré comme une acceptation de la validité de l’ensemble de règles présentées dans la résolution, qu’elles soient ou non consacrées dans des traités internationaux
5.
19. En outre, l’article premier commun au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, tous deux adoptés en 1966 et auxquels Israël et la Palestine sont parties, réaffirme que « [t]ous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel ».
20. Le Brésil considère également que la souveraineté permanente sur les richesses et ressources naturelles est un élément fondamental du droit à l’autodétermination, ainsi que l’énoncent les résolutions pertinentes de l’Assemblée générale, telles que la résolution 1803 (XVII) de 1962 intitulée « Souveraineté permanente sur les ressources naturelles ». L’Assemblée générale a réaffirmé « les droits inaliénables du peuple palestinien et de la population du Golan syrien occupé sur leurs ressources naturelles, notamment leurs terres et les ressources en eau et en énergie » dans de nombreuses résolutions, notamment la résolution 77/187 de 2022 intitulée « Souveraineté permanente du peuple palestinien dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et de la population arabe dans le Golan syrien occupé sur leurs ressources naturelles ».
21. La nature normative du droit à l’autodétermination est incontestée et son caractère particulier est notable. En 2022, la Commission du droit international (ci-après la « CDI ») a adopté son projet de conclusions sur la détermination et les conséquences juridiques des normes impératives du droit international général (jus cogens). Le Brésil considère que le principe d’autodétermination satisfait aux critères établis par la CDI dans sa conclusion 4 : il s’agit d’une norme du droit international général qui est acceptée et reconnue par la communauté internationale des États dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général ayant le même caractère.
22. Pour qu’une norme de droit international ait la qualité de norme impérative, il n’est pas nécessaire qu’elle soit acceptée et reconnue comme telle par l’ensemble des États, mais elle doit l’être par une majorité très large et représentative de ceux-ci. Dans son exposé écrit en la procédure consultative sur les Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, le Brésil a reconnu le caractère impératif du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et plusieurs autres délégations en ont fait autant au cours de cette procédure.
23. Dans la présente procédure consultative, le Brésil considère qu’il serait extrêmement utile que la Cour reconnaisse expressément le caractère impératif du droit à l’autodétermination.
24. Comme il a été dit par la Cour dans son avis sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, et confirmé par l’Assemblée générale des
5 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 99-100, par. 188.
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Nations Unies et le Conseil des droits de l’homme
6, l’existence d’un peuple palestinien ayant le droit de disposer de lui-même « ne saurait plus faire débat ». La Cour a affirmé que la construction du mur dressait un obstacle grave à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination7.
III. OCCUPATION, COLONISATION ET ANNEXION
25. Pour ce qui est de la seconde partie de la question a) soumise à la Cour, portant sur l’occupation, la colonisation et l’annexion prolongées du territoire palestinien, y compris les mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de Jérusalem, il importe de déterminer les régimes de droit international applicables.
26. En réaction à l’occupation du territoire palestinien en 1967, le Conseil de sécurité a adopté à l’unanimité la résolution 242 (1967). Soulignant le principe de l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la conquête militaire, il a instamment appelé au « [r]etrait des forces armées israéliennes des territoires occupés lors du récent conflit ».
27. À compter de 1967, Israël a appliqué un certain nombre de mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut du territoire palestinien, y compris la ville de Jérusalem, dont la construction et l’expansion de colonies de peuplement, l’édification d’un mur, la construction d’infrastructures permanentes, le transfert de colons israéliens, la confiscation de terres, la démolition de maisons et le déplacement de civils palestiniens.
28. Le Conseil de sécurité a condamné à maintes reprises ces pratiques et politiques. Dans sa résolution 298 (1971), par exemple, il a confirmé
« de la façon la plus explicite que toutes les dispositions législatives et administratives prises par Israël en vue de modifier le statut de la ville de Jérusalem, y compris l’expropriation de terres et de biens immeubles, le transfert de populations et la législation visant à incorporer la partie occupée, sont totalement nulles et non avenues et ne peuvent modifier le statut de la ville ».
Ces mesures ont donné lieu à une situation s’apparentant à une annexion de facto, et ont constitué les éléments précurseurs de l’adoption de la « loi fondamentale » de 1980 sur Jérusalem.
29. La puissance occupante a officialisé l’annexion de jure de Jérusalem en 1980. Dans la résolution 478 (1980), tout en « réaffirmant de nouveau que l’acquisition de territoire par la force est inadmissible », le Conseil de sécurité a censuré « dans les termes les plus énergiques l’adoption par Israël de la “loi fondamentale” sur Jérusalem », et affirmé que cette mesure « constitu[ait] une violation du droit international » et était sans effet sur le statut juridique des territoires occupés, y compris Jérusalem. L’Assemblée générale a également souligné, dans sa résolution 36/120 de décembre 1981, que la « loi fondamentale » sur Jérusalem et les mesures destinées à modifier le statut de la Ville sainte étaient « nulles et non avenues ».
6 Voir, notamment, Nations Unies, Assemblée générale, résolution 77/208 ; et Conseil des droits de l’homme, résolution 49/28.
7 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 184, par. 122.
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30. La nécessité de mettre fin à l’occupation prolongée des territoires palestiniens dans leur ensemble a été réaffirmée dans de nombreuses résolutions du Conseil de sécurité, de l’Assemblée générale et du Conseil des droits de l’homme. Dans sa résolution 2334 (2016), le Conseil de sécurité a condamné « toutes les mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut du Territoire palestinien occupé depuis 1967 », notamment la construction et l’expansion de colonies de peuplement, le transfert de colons israéliens, la confiscation de terres, la destruction de maisons et le déplacement de civils palestiniens.
31. Dans la procédure relative aux Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, la Cour a affirmé que l’ensemble des territoires palestiniens occupés depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, avaient le statut juridique de « territoires occupés » et qu’Israël y avait « conservé la qualité de puissance occupante ». Aussi, elle a conclu qu’Israël est lié par le droit international humanitaire applicable dans les territoires occupés, y compris le droit coutumier reflété dans le règlement de La Haye annexé à la quatrième convention de La Haye de 1907 et la quatrième convention de Genève de 19498.
32. Le Brésil considère en outre qu’il est de la plus haute importance de respecter les principes de légalité, de distinction, de précaution et de proportionnalité dans les territoires palestiniens occupés, comme le demandent les résolutions successives de l’Assemblée générale, notamment la résolution 77/247.
33. Compte tenu de ce qui précède, les mesures qui visent à modifier la composition démographique des territoires occupés constituent un manquement aux obligations internationales imposées non seulement par les résolutions du Conseil de sécurité, mais aussi par les instruments applicables du droit international humanitaire. En particulier, les colonies de peuplement dans les territoires occupés ne sont pas en conformité avec le sixième paragraphe de l’article 49 de la quatrième convention de Genève, qui dispose que « [l]a Puissance occupante ne pourra procéder à la déportation ou au transfert d’une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle ». C’est pourquoi, dans la procédure relative aux Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, la Cour a conclu que « les colonies de peuplement installées par Israël dans le territoire palestinien occupé (y compris Jérusalem-Est) l’ont été en méconnaissance du droit international »9.
34. Dans sa résolution 2334 (2016), le Conseil de sécurité a réaffirmé que « la création par Israël de colonies de peuplement dans le Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, n’a aucun fondement en droit et constitue une violation flagrante du droit international ». Il a, en outre, exigé de nouveau d’Israël « qu’il arrête immédiatement et complètement toutes ses activités de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, et respecte pleinement toutes les obligations juridiques qui lui incombent à cet égard ».
35. Le Secrétaire général a affirmé à maintes reprises, dans ses rapports trimestriels sur l’application de la résolution 2334, qu’aucune mesure n’avait été prise dans ce sens, les activités de peuplement s’étant poursuivies. Dans son vingt-cinquième rapport, présenté au Conseil de sécurité le 22 mars 2023, il a indiqué qu’il restait
8 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 167, par. 78 ; p. 172, par. 89 ; et p. 177, par. 101.
9 Ibid., p. 184, par. 120.
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« gravement préoccupé par la poursuite des activités de peuplement menées par Israël, y compris l’autorisation récente de neuf avant-postes illégaux et l’annonce de nouveaux projets de construction de plus de 7 000 logements, ainsi que l’expansion potentielle des colonies de peuplement dans la zone E1, une zone qui revêt la plus haute importance pour la continuité d’un futur État palestinien. Les activités de peuplement consolident encore l’occupation, alimentent les tensions et portent systématiquement atteinte à la viabilité d’un État palestinien dans le cadre de la solution des deux États. Les implantations israéliennes n’ont aucune validité juridique et constituent une violation flagrante du droit international et des résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale. »
36. En outre, la protection offerte par les conventions relatives aux droits de l’homme ne cesse pas en cas de conflit armé, comme l’a dit la Cour dans la procédure relative aux Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé10. En 2004, la Cour a relevé que les instruments relatifs aux droits de l’homme, et en particulier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la convention relative aux droits de l’enfant, étaient applicables dans le territoire palestinien occupé11.
37. Dans sa résolution 77/247, l’Assemblée générale a noté « avec une vive préoccupation les violations systématiques des droits humains du peuple palestinien », notamment l’usage excessif de la force et les opérations militaires occasionnant des morts et des blessés parmi les civils palestiniens. Elle a également cité le recours aux châtiments collectifs, la confiscation de terres et la destruction de biens et d’infrastructures. Elle a considéré que ces mesures étaient illicites et a exigé qu’il y soit mis fin.
38. À la lumière de ce qui précède, le Brésil considère que l’occupation, la colonisation et l’annexion prolongées du territoire palestinien, notamment les mesures visant à modifier la composition géographique, le caractère et le statut de ce territoire, y compris Jérusalem, contreviennent aux règles de droit international applicables.
IV. L’INTERDICTION DE LA DISCRIMINATION
39. Tous sont égaux devant la loi sans discrimination. Le droit à l’exercice des droits de l’homme et des libertés fondamentales sur un pied d’égalité est consacré dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, et a acquis le statut de droit international coutumier. L’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose en outre que
« toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi. À cet égard, la loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les personnes une protection égale et efficace contre toute discrimination, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique et de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ».
40. Depuis le début de l’occupation, il est établi qu’Israël a étendu sa législation à la Cisjordanie, où, de ce fait, deux ordres juridiques sont applicables. Il est également établi que le droit interne
10 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 178, par. 106.
11 Ibid., p. 180-181, par. 111-113.
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israélien a été étendu aux territoires occupés pour s’y appliquer uniquement aux colons israéliens, pendant que les Palestiniens sont soumis à un ordre martial. Des différences de traitement devant la loi sont également attestées, notamment l’interdiction de brandir des drapeaux palestiniens lors de manifestations, de rassemblements et même de funérailles, empêchant la population palestinienne d’exprimer son identité collective sur sa propre terre.
V. LE STATUT JURIDIQUE DE L’OCCUPATION
41. Pour ce qui est de la première partie de la question b) posée par l’Assemblée générale, le Brésil considère que les mesures visées à la question a) peuvent être considérées comme un manquement à une obligation internationale à raison d’une série d’actions ou d’omissions12.
42. Chaque pratique particulière, telle que la confiscation de terres ou la destruction de biens, peut être considérée comme une violation à part entière du droit international humanitaire ou du droit international des droits de l’homme applicables. Ces manquements à des obligations internationales se produisent au moment où le fait est commis, même si ses effets continuent de se faire sentir. En revanche, la série d’actions et d’omissions comprenant, entre autres, l’occupation prolongée, la poursuite de la construction de colonies de peuplement, les mesures visant à modifier la composition démographique des territoires occupés, l’expropriation de terres et de ressources naturelles et les mesures discriminatoires découlant de l’application de la législation interne, peut être considérée comme une acquisition de territoire par la force.
43. L’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la force est un principe bien établi du droit international. Aux termes du paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies, « [l]es Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies ». De même, dans sa résolution 2625 (XXV) adoptée en 1970, l’Assemblée générale souligne que « [n]ulle acquisition territoriale obtenue par la menace ou l’emploi de la force ne sera reconnue comme légale ». La Cour considère que l’illicéité de l’acquisition de territoire résultant de la menace ou de l’emploi de la force, telle qu’énoncée dans la Charte, reflète le droit international coutumier13.
44. L’annexion de territoire ne tient pas à une déclaration formelle d’un État concernant un territoire qu’il contrôle. Dans la procédure relative aux Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, la Cour a estimé que
« la construction du mur et le régime qui lui est associé cré[ai]ent sur le terrain un “fait accompli” qui pourrait fort bien devenir permanent, auquel cas, et nonobstant la description officielle qu’Israël donne du mur, la construction de celui-ci équivaudrait à une annexion de facto »14.
12 Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, Commission du droit international, art. 15 : « La violation d’une obligation internationale par l’État à raison d’une série d’actions ou d’omissions, définie dans son ensemble comme illicite, a lieu quand se produit l’action ou l’omission qui, conjuguée aux autres actions ou omissions, suffit à constituer le fait illicite. »
13 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 171, par. 87.
14 Ibid., p. 184, par. 121.
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Près de 20 ans après que la Cour a rendu son avis, force est hélas de constater que ce présage s’est confirmé. Comme l’a estimé le Conseil de sécurité, la situation sur le terrain est de nature à « fragiliser la solution des deux États et [à] imposer dans les faits la réalité d’un seul État »15.
45. Le Brésil ne méconnaît pas la légitimité des craintes que nourrit Israël pour sa sécurité, ainsi que son droit naturel de légitime défense. Comme il l’a souligné dans son exposé écrit en la procédure consultative relative aux Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, il reconnaît à Israël le droit de protéger sa population des attentats terroristes. Cependant, toutes les mesures prises par Israël pour assurer sa propre défense doivent être conformes au droit international. Dans ce contexte, le Brésil fait observer qu’aucune considération de quelque nature que ce soit — politique, économique, militaire ou autre — ne peut servir à justifier une annexion par la force.
46. L’occupation est, par nature, temporaire. C’est là que réside la distinction fondamentale entre occupation et annexion. Plus de 55 ans ont passé depuis le conflit de 1967, à compter duquel la puissance occupante a adopté des politiques et pratiques telles que la construction et l’expansion de colonies de peuplement aux infrastructures permanentes, l’édification d’un mur, la démolition de maisons palestiniennes, le transfert de populations, l’application d’une législation discriminatoire à l’avantage des colons et l’assimilation juridique. L’effet cumulé de ces mesures tend à rendre l’occupation dans son ensemble illicite, dans la mesure où elle s’apparente à une acquisition de territoire par la force.
VI. CONSÉQUENCES JURIDIQUES
47. La demande soumise à la Cour par l’Assemblée générale porte principalement sur les conséquences juridiques découlant de violations alléguées du droit international. S’il est important de déterminer les règles et principes applicables en l’espèce, et d’établir si ces règles ont été violées, le Brésil estime que la Cour devrait consacrer une large part de son avis aux conséquences juridiques découlant des pratiques visées à la question a) et au statut juridique mentionné à la question b).
48. S’agissant des conséquences juridiques découlant des violations du droit à l’autodétermination, de l’interdiction de l’acquisition de territoire par la force et de l’interdiction de la discrimination, il importe d’avoir à l’esprit que les violations de normes impératives donnent naissance à des obligations non seulement pour l’État responsable, mais aussi pour l’ensemble des États et l’Organisation des Nations Unies, comme l’a dit la Cour dans son avis sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé16.
Obligations incombant à l’État responsable
a) Cessation et non-répétition
49. Selon le droit international coutumier reflété à l’article 30 du projet d’articles de la CDI sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, « [l]’État responsable du fait
15 Nations Unies, Conseil de sécurité, résolution 2334 (2016).
16 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 197, par. 148.
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internationalement illicite a l’obligation : a) d’y mettre fin si ce fait continue ; et b) d’offrir des assurances et des garanties de non-répétition appropriées si les circonstances l’exigent ».
50. En l’espèce, la puissance occupante a l’obligation de mettre fin à l’occupation dans son ensemble, ce qui suppose qu’elle renonce à la construction de colonies de peuplement et au transfert de populations, ainsi qu’aux mesures qui équivalent à une annexion de jure de territoire, y compris Jérusalem-Est. Cela suppose également le retrait complet, sans délai ni conditions, de l’ensemble des territoires palestiniens occupés. Le Brésil réaffirme que ces conséquences juridiques ne pourraient être modifiées que par un accord direct entre les parties.
51. En outre, dans les circonstances de l’espèce, l’État responsable devrait offrir des assurances et des garanties de non-répétition suffisantes. Ces assurances pourraient prendre la forme, entre autres, de déclarations officielles, d’engagements internationaux et de mesures législatives et administratives.
b) Réparation
52. Ainsi qu’il est établi dans la jurisprudence constante de la Cour, « [c]’est un principe de droit international que la violation d’un engagement entraîne l’obligation de réparer dans une forme adéquate »17. Pour reprendre les termes du juge Cançado Trindade,
« [t]oute violation doit être promptement suivie de la réparation correspondante, afin de garantir l’intégrité de l’ordre juridique international lui-même ; … si la violation n’a pas été couplée à la réparation correspondante, cela donne lieu à une situation continue de violation du droit international »18.
Aux termes de l’article 34 du projet d’articles de la CDI sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, « [l]a réparation intégrale du préjudice causé par le fait internationalement illicite prend la forme de restitution, d’indemnisation et de satisfaction, séparément ou conjointement ».
53. En l’espèce, une réparation intégrale n’est possible qu’en alliant restitution, indemnisation et satisfaction. Ces obligations et leur application ne peuvent être modifiées que par un accord direct entre les parties.
54. Selon la jurisprudence constante de la Cour, « la réparation doit, autant que possible, effacer toutes les conséquences de l’acte illicite et rétablir l’état qui aurait vraisemblablement existé si ledit acte n’avait pas été commis »19. Aussi, la restitutio in integrum est la forme privilégiée de réparation, en ce qu’elle rétablit l’état qui existait avant la commission de l’acte illicite.
55. La restitution seule ne suffit pas à promouvoir une réparation intégrale. En particulier, lorsque les biens devant être restitués ont été définitivement perdus ou détruits, la restitution est matériellement impossible.
17 Usine de Chorzów, compétence, arrêt no 8, 1927 C.P.J.I. série A no 9, p. 21.
18 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), indemnisation, arrêt, C.I.J. Recueil 2018 (I), opinion individuelle du juge Cançado Trindade, p. 64-65, par. 13-14.
19 Usine de Chorzów, fond, arrêt no 13, 1928, C.P.J.I. série A no 17, p. 47.
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56. Il importe en outre, pour évaluer l’indemnisation financière, de prendre en considération les droits du peuple palestinien sur ses ressources naturelles, y compris les terres, l’eau et les ressources en énergie. Cette conséquence juridique ne peut être modifiée que par un accord direct entre les parties.
57. La constatation de l’illicéité d’un fait par une juridiction internationale compétente peut également constituer une mesure de satisfaction à raison d’un préjudice immatériel, comme la Cour l’a précédemment affirmé20. Aussi, la reconnaissance dans la présente procédure des droits des Palestiniens, y compris leur droit inaliénable à l’autodétermination, peut être considérée comme une réparation non pécuniaire.
Obligations incombant à l’ensemble des États
58. Les violations graves de normes impératives du droit international général entraînent d’autres conséquences pour l’ensemble des États. Si les conséquences d’une réparation intégrale des préjudices peuvent faire l’objet d’un accord direct entre les parties, les conséquences juridiques qui s’imposent à la communauté internationale dans son ensemble afin de préserver des obligations erga omnes ne sont pas immédiatement exclues par le consentement. Comme la CDI l’a relevé dans les commentaires relatifs aux articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, « étant donné que, par définition, la violation concerne la communauté internationale dans son ensemble, la renonciation ou la reconnaissance obtenue de l’État lésé par l’État responsable n’interdit pas à la communauté internationale de chercher à parvenir à un règlement juste et approprié ».
c) Obligation de non-reconnaissance
59. En vertu du principe général ex injuria jus non oritur, une situation de facto créée par ces violations ne peut donner naissance à aucun droit ou titre. Il s’ensuit que tous les États doivent s’abstenir de toute reconnaissance formelle de ces situations, mais aussi d’accomplir des actes pouvant valoir reconnaissance implicite.
60. Aux termes de la déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies, « [n]ulle acquisition territoriale obtenue par la menace ou l’emploi de la force ne sera reconnue comme légale ».
61. Dans la demande d’avis consultatif au sujet des Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, la Cour a déclaré que
« les États Membres sont tenus de ne pas établir avec l’Afrique du Sud des relations conventionnelles dans tous les cas où le Gouvernement sud-africain prétendrait agir au nom de la Namibie ou en ce qui la concerne. S’agissant des traités bilatéraux en vigueur, les États Membres doivent s’abstenir d’invoquer ou d’appliquer les traités ou dispositions des traités conclus par l’Afrique du Sud au nom de la Namibie ou en ce qui la concerne qui nécessitent une collaboration intergouvernementale active. … Conformément au devoir de non-reconnaissance …, les États Membres doivent s’abstenir d’accréditer auprès de l’Afrique du Sud des missions diplomatiques ou des missions spéciales dont la juridiction s’étendrait au territoire de la Namibie ; ils doivent en outre s’abstenir
20 Détroit de Corfou (Royaume-Uni c. Albanie), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1949, p. 35-36.
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d’envoyer des agents consulaires en Namibie et rappeler ceux qui s’y trouvent déjà. Ils doivent également signifier aux autorités sud-africaines qu’en entretenant des relations diplomatiques ou consulaires avec l’Afrique du Sud, ils n’entendent pas reconnaître par là son autorité sur la Namibie. »
21
62. La Cour a rappelé l’obligation de non-reconnaissance dans la procédure relative aux Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé. « Vu la nature et l’importance des droits et obligations en cause, la Cour est d’avis que tous les États sont dans l’obligation de ne pas reconnaître la situation illicite découlant de la construction du mur dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est. »22
63. Dans sa résolution 2334 (2016), le Conseil de sécurité a réaffirmé que la création de colonies de peuplement dans le territoire palestinien occupé n’avait « aucun fondement en droit », souligné qu’il ne reconnaîtrait aucune modification aux frontières du [4] juin 1967, et demandé « à tous les États … de faire une distinction, dans leurs échanges en la matière, entre le territoire de l’État d’Israël et les territoires occupés depuis 1967 ».
d) Obligation de ne pas prêter aide ou assistance
64. Aucun État ne doit prêter aide ou assistance au maintien d’une situation créée par une violation grave d’une norme impérative. Ces conséquences se rapportent directement à l’obligation de non-reconnaissance. Dans la procédure relative aux Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, la Cour, tout en reconnaissant l’importance des droits et obligations en cause dans la construction du mur, a affirmé que tous les États étaient « dans l’obligation de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par cette construction »23.
e) Obligation de coopérer
65. Selon l’article 41 du projet d’articles de la CDI sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, les États doivent coopérer pour mettre fin, par des moyens licites, à toute violation grave d’une norme de jus cogens. Dans la procédure relative aux Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, la Cour a affirmé qu’il appartenait à tous les États « de veiller … à ce qu’il soit mis fin aux entraves, résultant de la construction du mur, à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination »24. De même, dans l’avis qu’elle a rendu sur les Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, elle a réaffirmé que « tous les États Membres sont tenus de coopérer avec l’Organisation des Nations Unies aux fins du parachèvement de la décolonisation de Maurice »25.
21 Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 55, par. 122-123.
22 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 200, par. 159.
23 Ibid.
24 Ibid.
25 Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2019 (I), p. 139-140, par. 182.
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66. La question b) soumise à la Cour fait également mention de conséquences juridiques pour l’Organisation des Nations Unies. Dans ce contexte, la Cour a affirmé que « l’Organisation des Nations Unies, et spécialement l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité, doivent … examiner quelles nouvelles mesures doivent être prises afin de mettre un terme à la situation illicite découlant de la construction du mur et du régime qui lui est associé »26. Les États doivent par conséquent coopérer dans le cadre multilatéral de l’Organisation afin de mettre fin aux violations graves du droit international.
67. Dans sa résolution 2334 (2016), le Conseil de sécurité a invité toutes les parties à « déployer collectivement des efforts pour engager des négociations crédibles », et a vivement préconisé, à cet égard, « l’intensification et l’accélération des efforts diplomatiques entrepris et de l’appui apporté aux niveaux international et régional en vue de parvenir sans tarder à une paix globale, juste et durable au Moyen-Orient ». Conformément au devoir qu’ont les États, au titre du paragraphe 3 de l’article 2 de la Charte, de régler leurs différends par des moyens pacifiques, les parties ont l’obligation légale de mener des négociations de bonne foi en vue de promouvoir une paix durable dans la région.
CONCLUSION
Pour les raisons exposées ci-dessus, le Brésil considère que :
a) la Cour a compétence consultative en l’espèce et devrait exercer cette compétence ;
b) le peuple palestinien a le droit inaliénable de disposer de lui-même ;
c) la puissance occupante doit se conformer au droit international humanitaire et au droit international des droits de l’homme dans tous les territoires qu’elle contrôle ;
d) toute loi ou mesure discriminatoire adoptée par la puissance occupante doit être analysée au regard des obligations que lui impose le droit international en ce qui concerne l’interdiction de la discrimination ;
e) les pratiques persistantes dans les territoires palestiniens occupés équivalent à une annexion ;
f) la puissance occupante a l’obligation de mettre fin à l’occupation dans son ensemble ;
g) la Palestine a droit à la réparation intégrale des préjudices subis ;
h) aucun État ne doit reconnaître comme licite l’occupation des territoires palestiniens ;
i) aucun État ne doit prêter aide ou assistance au maintien de l’occupation des territoires palestiniens ;
j) tous les États doivent coopérer pour mettre fin, par des moyens licites, à l’occupation des territoires palestiniens.
26 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 200, par. 160.
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La République fédérative du Brésil soumet le présent exposé sans préjudice de la possibilité de le compléter par des observations sur les exposés d’autres États et organisations, dans le respect du calendrier fixé par la Cour. Elle se réserve également le droit de participer, le moment venu, à toute audience de la haute juridiction.
L’ambassadeur,
(Signé) Paulo Roberto FRANÇA.
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Exposé écrit du Brésil

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