Exposé écrit de l'Algérie

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186-20230724-WRI-09-00-EN
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CONSEQUENCES JURIDIQUES DECOULANT DES POLITIQUES ET PRATIQUES D’ISRAËL
DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPE, Y COMPRIS JERUSALEM-EST
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EXPOSE ECRIT DU GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE
ALGÉRIENNE DÉMOCRATIQUE ET POPULAIRE
Dans sa résolution A/RES/77/247 sur les «Pratiques israéliennes affectant les droits humains
du peuple palestinien dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est »,
adoptée le 30 décembre 2022, l’Assemblée générale des Nations Unies a demandé
(paragraphe 18 du dispositif) à la Cour internationale de Justice, conformément à l’article 65
du Statut, de rendre un avis consultatif sur les deux questions suivantes :
a) Quelles sont les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du droit du
peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et de son
annexion prolongées du territoire palestinien occupé depuis 1967, notamment des mesures
visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte
de Jérusalem, et de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires connexes ?
b) Quelle incidence les politiques et pratiques d’Israël visées au paragraphe 18 a) ci-dessus
ont-elles sur le statut juridique de l’occupation et quelles sont les conséquences juridiques
qui en découlent pour tous les États et l’Organisation des Nations Unies ?».
Le Gouvernement de la République Algérienne Démocratique et Populaire présente l’exposé,
ci-après, en réponse à l’ordonnance de la Cour du 3 février 2023 qui fixe les délais dans
lesquels des exposés écrits concernant ces deux questions peuvent être présentés à la Cour.
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TABLE DES MATIÈRES
Introduction
I. La Résolution 77/247 du 30 décembre 2022
I-1- Le contexte de son adoption
I-2- Observations sur son contenu
I-3- Observations sur les questions posées à la Cour
II. La Cour est dans son rôle en donnant une réponse favorable à la requête de
l’Assemblée générale
II-1- Sur la compétence de la Cour internationale de Justice de donner un avis consultatif
II-1-1- Les thèses israéliennes portant sur le rejet de la compétence de la Cour
II-1-1-1- L’Assemblée générale a dépassé sa compétence
II-1-1-2- La question posée n’est pas juridique
II-1-2- La réponse de la Cour
II-1-2-1- Sur le premier argument
II-1-2-2- Sur le second argument
II-2- A propos du pouvoir discrétionnaire de la Cour de donner un avis consultatif
II-2.1. La thèse israélienne
II-2-1-1- L’exposé écrit du 30 janvier 2004
II-2-1-2- Les exposés écrit et oral du 27 février et du 5 septembre 2018
II-2-2- Le rejet des thèses israéliennes par la Cour
III. Les violations du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, règle impérative
du droit international
III-1- Observations générales
III-2- Les sources conventionnelles fondamentales
III-3- Les sources résolutoires
III-4- Dans la jurisprudence de la Cour internationale de Justice
III-5- Dans les travaux de la Commission du Droit international (ci-après la Commission)
III-5-1-Le projet d’articles sur le droit de la responsabilité de l’Etat pour fait
internationalement illicite
III-5-2- Le projet « normes impératives du droit international général (jus cogens) ».
IV. Les violations du Droit international humanitaire
IV-1- Le statut juridique international des territoires palestiniens sous occupation
israélienne et qualification de la situation d’occupation de la Cisjordanie et de
Jérusalem-Est au regard du droit international
IV-2- L’illégalité de l’occupation israélienne prolongée des territoires palestiniens occupés
IV-3- L’obligation pour Israël de respecter les règles applicables dans les territoires
occupés
VI-3-1- L’applicabilité du Droit International Humanitaire
VI-3-2- Le droit applicable à la Cisjordanie en tant que « territoire occupé »
IV-3-3- La situation particulière de la bande de Gaza
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V. Les violations du Droit international des Droits de l’homme
V-1- Les mesures israéliennes « visant à modifier la composition démographique » violent
de manière persistante les droits du peuple palestinien
V-2- La construction et l’extension des implantations israéliennes
V-3- Démolitions, expulsions et risque de déplacements forcés des populations
palestiniennes
V-4- Les opérations illégales de saisie et de destruction de biens dans les territoires
palestiniens occupés
V-5- Les lois discriminatoires sur le droit au logement
V-6- Les actes assimilables à une annexion, y compris toute mesure unilatérale qu’Israël
aurait prise pour disposer de parties du territoire palestinien occupé comme s’il
possédait la souveraineté sur celui-ci
VI. Les incidences des politiques et pratiques israéliennes sur le statut de l’occupation
VI-1- L'occupation prolongée
VI-2- La construction de colonies israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est
VI-3- L'annexion de facto de certaines parties du territoire palestinien occupé, comme
Jérusalem-Est
VI-4- Les restrictions israéliennes à la liberté de mouvement des Palestiniens
VI-5- La séparation physique
VI-6- L’emploi disproportionné de la force létale
VI-7- La spoliation des ressources palestiniennes
VI-8- Le blocus de Gaza
VI-9- L’adoption de lois et la mise en place de politiques discriminatoires et
ségrégationnistes
VI-10- La prolongation et l’approfondissement de l’impasse politique
VII. Les conséquences juridiques pour tous les Etats et l’ONU
VII-1- Les conséquences juridiques pour Israël
VII-1-1- La responsabilité d’Israël pour violations de normes impératives du droit
international est engagée
VII-1-1-1- Le rappel des conclusions de la Cour dans son avis consultatif de 2004
VII-1-1-2- Le projet d’articles de la Commission du Droit international sur la
responsabilité de 2001
VII-1-2- Israël est dans l’obligation de réparer
VII-2- Les conséquences juridiques pour les autres États
VII-3- Les conséquences juridiques pour l’ONU
Conclusion
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INTRODUCTION
L’Assemblée générale des Nations Unies a, en vertu de sa Résolution A/RES/77/247 du 30
décembre 2022, saisi, le 17 janvier 2023, la Cour Internationale de Justice, d’une demande
d’avis consultatif sur la question de savoir quelles sont les conséquences juridiques découlant
des politiques et pratiques d’Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-
Est.
Cette question est libellée ainsi :
« Compte tenu des règles et principes du droit international, dont la Charte des Nations Unies,
le droit international humanitaire, le droit international des droits de l’homme, des résolutions
pertinentes du Conseil de sécurité et du Conseil des droits de l’homme et les siennes propres,
et l’avis consultatif donné par la Cour le 4 juillet 2004 :
a) Quelles sont les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du droit du
peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et de son
annexion prolongées du territoire palestinien occupé depuis 1967, notamment des
mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la
ville sainte de Jérusalem, et de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires
connexes ?
b) Quelle incidence les politiques et pratiques d’Israël visées au paragraphe 18 a) ci-dessus
ont-elles sur le statut juridique de l’occupation et quelles sont les conséquences juridiques
qui en découlent pour tous les Etats et l’Organisation des Nations Unies ?
La requête a été transmise le 17 janvier 2023 par le Secrétaire général des Nations Unies à la
Présidente de la Cour Internationale de Justice qui l’a notifiée à tous les Etats membres des
Nations Unies par courrier du 19 janvier 2023. Une ordonnance de la Haute Juridiction en
date du 3 février 2023 a fixé « au 25 juillet 2023 la date d’expiration du délai dans lequel des
exposés écrits de ces derniers pourront être déposés au greffe de la Cour, conformément à
l’article 66, paragraphe 2 de son Statut ».
C’est en application de cette ordonnance que la République Algérienne Démocratique et
Populaire présente son exposé écrit pour faire part de son point de vue et formuler ses
observations sur les questions soulevées par la requête de l’Assemblée générale. Toutefois, au
préalable, l’Algérie entend d’abord s’arrêter sur la requête elle-même.
I- LA RÉSOLUTION 77/247 DU 30 DÉCEMBRE 2022
Trois points seront envisagés dans cette première partie. Ils visent successivement le contexte
de l’adoption de cette résolution (I-1), l’analyse de son contenu (I-2) et des questions posées
par l’Assemblée générale (I-3).
I-1- LE CONTEXTE DE SON ADOPTION
A sa session plénière le 16 septembre 2022, l’Assemblée générale a décidé, sur la
recommandation du Bureau, d’inscrire à l’ordre du jour de sa soixante- dix- septième session,
la question intitulée « Pratiques et activités d’implantation israéliennes affectant les droits du
peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés et de la renvoyer à la
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Commission des Questions Politiques Spéciales et de la Décolonisation (Quatrième
Commission) ».
Le 10 novembre 2022 et par une très forte majorité, cette Commission a adopté le projet de
résolution A/C.4/77/L.12/REV.1 intitulé « Pratiques israéliennes affectant les droits de
l’homme du peuple palestinien dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-
Est ». Avec 13 autres Etats, y compris la Palestine, l’Algérie a été à l’origine de cette
initiative, notamment du libellé des questions adressées à la Cour internationale de Justice.
C’est ce projet de résolution qui propose de demander à la Cour internationale de Justice un
avis consultatif sur les conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël
dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est. Il a été adopté tel quel par
l’Assemblée générale le 30 décembre 2022 sous la cote A/RES/77/247.
I-2- OBSERVATIONS SUR SON CONTENU
Afin de proposer une vue à la fois plus globale et plus précise des problématiques soulevées
par la résolution 77/247, il est nécessaire de souligner que la question des « politiques et
pratiques d’Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est » est à l’ordre
du jour des travaux des Nations Unies depuis longtemps. Il suffit de relire les alinéas 6 à 8 du
préambule de la requête de l’Assemblée générale du 8 décembre 2003 relative à l’édification
du mur pour se le remémorer.
Ces problématiques ont pris un tour encore plus aiguë et plus dramatique avec la conjugaison
de plusieurs évènements qui, pris isolément et collectivement, concourent non seulement à la
persistance, mais surtout à l’aggravation des innombrables violations de la situation factuelle
et juridique dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est.
A cet égard, et sans rechercher l’exhaustivité, l’Algérie mentionnera les manifestations les
plus caractéristiques des violations continues et aggravées du quotidien du peuple palestinien
et des règles et des principes les plus fondamentaux du droit international par l’occupant
israélien.
Elle le fera en relevant que ces manifestations sont longuement et explicitement mentionnées
dans le préambule et le dispositif de la Résolution 77/2471 et qu’elles sont synthétisées dans
son paragraphe 18 qui sera envisagé plus avant ultérieurement.
Tout en notant d’emblée que la Résolution 77/247 est composée d’un long préambule de 52
alinéas et d’un dispositif de 18 paragraphes, l’Algérie entend formuler deux observations. Elle
tient à relever, tout d’abord, les différences qui existent entre cette dernière et la Résolution
ES-10/142 adoptée le 8 décembre 2003 à la reprise de sa dixième session extraordinaire
d’urgence, par laquelle l’Assemblée générale avait formulé sa requête relative à l’édification
du mur.
1 Assemblée Générale, résolution sur les pratiques israéliennes affectant les droits humains du peuple palestinien dans le
Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, 30 décembre 2022, A/RES/ 77/247.
2 Assemblée Générale, résolution sur mesures illégales prises par Israël à Jérusalem-Est occupée et dans le reste du territoire
palestinien occupé, 8 décembre 2003, A/RES/ES-10/14.
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Celle-ci, qui n’était pas adossée à un préambule, était seulement composée de 21 paragraphes.
Elle tient, ensuite, à préciser que, nonobstant le fait indéniable que la résolution 77/247
s’inscrit dans le prolongement de la résolution ES-10/14, ces différences sont loin d’être
purement formelles ou anodines.
La résolution de décembre 2022, qui a inévitablement pris en compte l’extension et
l’élargissement des politiques et pratiques israéliennes s’apparente à un exposé des motifs,
certes beaucoup moins concis que ne l’est, en général, ce dernier. Elle est bien plus détaillée,
plus précise et plus motivée. Elle frappe par sa tonalité dénonciatrice des pratiques et
politiques d’Israël caractérisées par de très nombreuses violations du droit international dans
le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est.
La résolution 77/247 ne cesse de mettre en évidence, le paradoxe paroxystique qui existe entre
le droit international applicable aux politiques et pratiques israéliennes et sa violation
systématique, continue et aggravée par les autorités israéliennes. Tout se passe comme si aux
éléments de droit international bien établis consacrant les droits du peuple palestinien,
répondent des éléments de fait concourant à leurs négations. Ce paradoxe paroxystique se
retrouve aussi bien dans le préambule que dans le dispositif.
S’agissant du préambule, il importe de mettre en exergue ses points les plus notables. Dans un
premier temps, il procède à un certain nombre de rappels des sources juridiques et des
documents sur lesquels l’Assemblée générale et, avant elle la quatrième commission, se
fondent.
De manière plus précise, il convient de relever que le préambule s’est d’abord référé aux
textes juridiques fondamentaux pertinents applicables à l’ensemble des Etats. A cet égard, il
est hautement symbolique et significatif de cet état d’esprit que de relever que la Déclaration
universelle des droits de l’homme est mentionnée dans le premier alinéa de ce préambule.
Dans le fil de cette mention, il convient également de noter que la résolution enchaîne avec la
référence aux deux Pactes de 1966 et à la Convention sur les droits de l’enfant, en visant dans
le même temps les différents rapports sur les pratiques et politiques israéliennes dans le
territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est.
A la différence de la requête de décembre 2003 relative aux conséquences de l’édification du
mur qui a renvoyé, dans ses paragraphes 17 et 19, aux rapports du Rapporteur spécial de la
Commission des droits de l’homme du 8 septembre 2003 et du Secrétaire général des Nations
Unies, la requête de décembre 2022 s’appuie sur plusieurs sources documentaires.
Elles sont d’emblée énoncées dans les alinéas 6 à 8 du Préambule de la Résolution 77/247. Il
s’agit du rapport du Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant
les droits de l’homme du peuple palestinien, du rapport du Secrétaire général sur les travaux
de ce comité, du rapport du Rapporteur du Conseil des droits de l’homme sur la situation des
droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, ainsi que d’autres
rapports pertinents récemment établis. Enfin, l’alinéa 8 du Préambule s’est référé au rapport
de la Commission d’enquête internationale créée par la résolution S-30/1 du Conseil des
droits de l’homme.
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C’est en s’appuyant sur cette très solide documentation que le préambule va consigner les
multiples violations juridiques résultant des politiques et pratiques israéliennes. A cet égard,
l’Algérie mentionne les alinéas du préambule qui visent, en des termes particulièrement forts,
le non-respect du droit à l’autodétermination du peuple palestinien, les violations des règles
fondamentales du droit international humanitaire et du droit international des droits de
l’homme.
Bien souvent, l’Assemblée générale a recouru à plusieurs reprises à des verbes comme
« déplorer » ou à des formules telles que « gravement préoccupée » pour dresser un constat
accablant des violations du droit international par les politiques et pratiques israéliennes.
Quant aux 19 paragraphes du dispositif de la résolution, ils tirent les conclusions qu’impose
un tel constat.
L’Algérie entend déjà souligner les différences qui existent entre les résolutions de 2003 et de
2022.
La résolution de décembre 2022 a tiré les enseignements de l’avis consultatif de 2004,
puisqu’il est à l’origine des nombreux paragraphes qui constatent ou rappellent les différents
manquements israéliens au droit international. Tel est, par exemple, le cas dans le paragraphe
premier du dispositif, lorsqu’elle « affirme que les mesures et décisions prises par Israël…
n’ont aucune validité » et qu’elle « exige d’Israël, puissance occupante, qu’il applique
intégralement les dispositions de la Quatrième Convention de Genève de 1949… ».
Plus significatif encore de cet état d’esprit est le paragraphe 11, par lequel l’Assemblée
générale « exige d’Israël, puissance occupante, qu’il respecte le droit international, comme il
est indiqué dans l’avis consultatif donné le 9 juillet 2004 par la Cour Internationale de
Justice…, et qu’il arrête immédiatement la construction du mur… ». En outre, l’Algérie note
que ce paragraphe est, notamment, entouré des paragraphes 8, 12 et 13. Ceux-ci mettent
respectivement l’accent sur « les actes de violences commis par des militants ou des groupes
armés… », sur « la nécessité de respecter l’unité, la continuité et l’intégrité du Territoire
palestinien occupé » et « de mettre un terme au bouclage prolongé et aux restrictions à
l’activité économique… ».
Cette dialectique du droit et du fait a orienté les questions posées par l’Assemblée Générale à
la Cour Internationale de Justice.
I-3- OBSERVATIONS SUR LES QUESTIONS POSÉES À LA COUR
Nonobstant la grande proximité, à la fois sémantique et problématique, qui existe entre les
questions posées en décembre 2003 et décembre 2022, il reste que d’importantes différences
peuvent être relevées. L’Algérie, qui a été, avec d’autres Etats, initiatrice des deux projets de
résolution, formulera sur la question quelques observations.
Elle envisagera, ensuite, les questions de fond soulevées par ladite requête en reprenant à son
compte la trame générale que fournissent les questions suggérées, ab initio, par le groupe des
14 Etats initiateurs du projet de résolution dans le cadre des travaux de la Commission des
Questions Politiques Spéciales et de la Décolonisation (Quatrième Commission) et adoptées
par l’Assemblée générale.
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Ces questions portent directement sur les politiques et pratiques israéliennes qui sont
fortement détaillées dans le paragraphe 18 a). Il s’agit « de la violation persistante par Israël
du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et
de son annexion prolongées du territoire palestinien depuis 1967, notamment des mesures
visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de
Jérusalem, et de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires connexes ».
Celui-ci précise que l’avis consultatif est demandé « compte tenu des règles et principes du
droit international, dont la Charte des Nations Unies, le droit international humanitaire, le
droit international des droits de l’homme… ». Cette formule a déjà été utilisée dans des
requêtes de l’Assemblée générale, notamment celle relative à l’édification du mur.
Sans se livrer à une analyse serrée de cette locution, la Cour a considéré qu’elle renvoie à la
question du droit applicable dans le paragraphe 88 de son avis consultatif du 9 juillet 2004. De
fait, elle instaure un lien de cause à effet entre les politiques et pratiques israéliennes et le
droit applicable. Elle a pour vocation de préciser le contexte juridique à l’aune duquel ces
politiques et pratiques doivent être jugées par la Cour.
Ce panorama général présenté, l’Algérie va s’attacher, avant toute autre chose, à démontrer,
dans la deuxième partie de son exposé écrit, que la Cour, qui dit le droit, est dans son rôle en
répondant favorablement à la demande de l’Assemblée générale (II). Le caractère préalable de
ce point s’impose pour des raisons logiques et historiques.
Par la suite, l’Algérie envisagera, en suivant la démarche et les questionnements de
l’Assemblée générale, les violations du droit à l’autodétermination du peuple palestinien (III).
Elle s’attachera, ensuite, à démonter les violations tout aussi importantes et tout aussi
aggravées du Droit international humanitaire (IV), du Droit international des droits de
l’homme (V) et les incidences des politiques et pratiques israéliennes sur le statut de
l’occupation (VI).
Enfin, l’Algérie exposera son point de vue sur la dernière question soulevée par l’Assemblée
générale sur les conséquences juridiques qui en découlent, pour tous les Etats et pour
l’Organisation des Nations Unies (VII).
II- LA COUR EST DANS SON RÔLE EN DONNANT UNE RÉPONSE FAVORABLE
À LA REQUÊTE DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
Ne visant pas l’exhaustivité et en ayant pleinement conscience des limites objectives de
l’exercice de l’exposé écrit, l’Algérie entend démontrer que la Cour est dans son rôle en
donnant l’avis consultatif demandé par l’Assemblée Générale. Elle examinera, pour les
rejeter, l’ensemble des éventuels arguments qui pourraient être avancées pour faire, en
l’espèce, objection à la fonction consultative de la Cour.
Certes, le conditionnel est de mise, en raison du caractère formellement anticipateur des
développements qui vont suivre, puisque les exposés écrits peuvent être déposés jusqu’au 25
juillet 2023. Il ne l’est que formellement, car, l’examen attentif des précédentes procédures
montrent clairement que les objections avancées se recoupent. Elle y revient dans les
développements suivants. Cet examen permet de tirer un certain nombre d’enseignements.
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L’Algérie en relèvera les trois d’entre eux les plus caractéristiques, eu égard à la requête sur
les politiques et pratiques israéliennes dans le territoire palestinien occupé.
- Le premier enseignement réside dans le constat que la démarche prônant le refus de donner
un avis consultatif provient d’une infime minorité d’Etats ;
- Le deuxième enseignement, à mettre en évidence, porte sur l’apparition d’une tendance à
la systématisation des objections à l’exercice de la fonction consultative par la Cour, au
point que certains exposés écrits ne traitent que d’elles ;
- Le troisième enseignement a trait au caractère répétitif des argumentaires juridiques
avancés pour préconiser, alors même qu’il existe d’importantes différences factuelles et
juridiques entre les cas d’espèce soumis par l’Assemblée générale, le refus de l’exercice de
la fonction consultative.
Ce caractère répétitif est évoqué par la Cour elle-même, lorsqu’elle se réfère
systématiquement aux analyses qu’elle a faites dans des avis consultatifs précédents pour
rejeter les objections émises par quelques Etats. Elle s’en est fait l’écho dans son avis
consultatif relatif à l’édification du mur, lorsqu’elle a relevé, dans son paragraphe 51, qu’elle
« a déjà été appelée à examiner des arguments analogues plusieurs fois par le passé ».
A cet égard, l’Algérie considère qu’il faut accorder toute son importance à cette répétition,
voire, là aussi, à cette tendance à la systématisation d’argumentaires qui, de fait, exprime une
réticence à l’égard de la fonction consultative de la Cour en lui consacrant cette partie.
L’Algérie a pris sa part à ce débat relatif à la fonction consultative de la Cour en présentant un
exposé oral dans le cadre de la procédure consultative relative à la requête concernant
l’édification du mur en février 2004.
Cet exposé a abordé la question des objections émises dans les exposés écrits de certains
Etats. Ces dernières portaient sur deux points principaux qui avaient trait aux questions de
compétence et d’opportunité juridique de rendre un avis consultatif.
Elle y a développé un argumentaire tendant au rejet de toutes les objections formulées dans
les exposés écrits militant en faveur du refus de l’exercice de la fonction consultative. Elle y
reviendra après avoir procédé à un rapide et panoramique survol de certains parmi les plus
connus des avis consultatifs qui présentent l’avantage d’avoir des points communs avec la
demande de l’Assemblée générale de décembre 2022.
Toutefois, l’Algérie le fera, après avoir formulé une importante remarque sur l’espèce de
détournement auquel s’adonnent les exposés de ce qui relèvent des précautions
méthodologiques de la Cour à l’entame de ses réponses à chacune des objections soulevées.
Par ces développements préliminaires la Cour présente les différentes possibilités formelles de
réponses à ces objections. En l’occurrence, le détournement consiste à prendre prétexte de la
présentation théorique générale pour laisser entendre que la Cour n’a pas forcément accepté
de donner une réponse positive à la requête de l’Assemblée Générale.
Cette remarque faite, l’Algérie rappellera tout d’abord que dès l’avis consultatif du 21 juin
1971 relatif « aux conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique
du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la Résolution 276 (1970) du Conseil de
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sécurité »3, la Cour a recouru à une formule qu’elle affinera progressivement au point qu’elle
est devenue presque une formule convenue.
En effet, aux termes du paragraphe 19 de l’avis précité, la haute juridiction précise
que « avant d’aborder au fond la question qui lui a été posée, la Cour doit envisager les
objections qui ont été soulevées contre cet examen ».
Au paragraphe 12 de son avis consultatif du 16 octobre 1975 portant sur le Sahara occidental4,
la Cour souligne qu’elle « examinera d’abord certains problèmes concernant la procédure
adoptée en la présente affaire ».
Dans le paragraphe 54 de son dernier avis consultatif sur les îles Chagos de 2019, la Cour
souligne que lorsqu’elle est saisie d’une demande d’avis consultatif, « elle doit commencer
par déterminer si elle est compétente pour donner l’avis demandé et dans l’affirmative,
examiner s’il existe une quelconque raison pour exercer son pouvoir discrétionnaire de refuser
de répondre à la demande.
Mais, c’est évidemment sur l’avis consultatif du 9 juillet 2004 que l’Algérie va axer
l’essentiel de son propos dans cette partie, pour des raisons sur lesquelles il n’est guère besoin
de s’appesantir.
Le paragraphe 14 de cet avis, que l’extrait précité de l’avis sur l’archipel des Chagos reprend
mot pour mot, énonce que « lorsqu’elle est saisie d’une demande d’avis consultatif, la Cour
doit commencer par déterminer si elle est compétente pour donner l’avis demandé et, dans
l’affirmative, s’il existe une quelconque raison pour elle de refuser d’exercer une
compétence ». L’Algérie adoptera, sous bénéfice de la très importante remarque suivante, la
démarche de la Cour dans les développements qu’elle consacrera à cette partie de son exposé
écrit.
Pour respecter à la fois la logique et la démarche d’ensemble adoptées par la Cour dans ses
différents avis, mais également guidée, ainsi qu’elle l’a souligné précédemment, par le souci
d’anticiper les éventuelles objections qui pourraient être soulevées pour lui demander de
rejeter la requête pendante de l’Assemblée générale, l’Algérie entend démontrer, ci-après, leur
inconsistance.
La première question à envisager est celle de savoir si la Cour internationale de Justice est
compétente pour donner cet avis consultatif (II-1). Quant à la seconde, l’Algérie se propose
d’y traiter du pouvoir discrétionnaire de la Cour, question qui est de plus en plus privilégiée
par les Etats réticents à l’idée que la Cour réponde favorablement à la demande de
l’Assemblée générale. C’est en tout cas ce qui ressort de la lecture attentive des exposés écrits
et oraux faites par certains d’entre eux. (II-2).
3 CIJ, Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain)
nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, 21 juin 1971.
4 Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J Recueil 1975, p 12.
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II-1- SUR LA COMPÉTENCE DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE DE DONNER UN AVIS
CONSULTATIF
L’Algérie estime nécessaire de s’arrêter sur cette question qui a continué à susciter, malgré la
pertinence et la clarté des analyses de la Cour tendant à les rejeter des objections émanent de
quelques Etats.
Elle entend, bien que brièvement, les envisager. En raison de ce rapprochement, il ne serait
pas étonnant que les types d’arguments avancés dans les dernières espèces puissent inspirer
les Etats qui pourraient remettre en cause la compétence de la Cour dans la présente espèce.
L’Algérie va les envisager en précisant qu’ils ont été au centre de l’exposé écrit déposé par
Israël, le 30 janvier 2004, à propos de la requête relative à l’édification du mur en territoire
palestinien occupé (II-1-1). La Cour y a longuement répondu dans les paragraphes 22 à 43 de
son avis (II-1-2).
II-1-1- Les thèses israéliennes portant sur le rejet de la compétence de la Cour
Intitulée « Exceptions à la compétence », la deuxième partie de l’exposé écrit israélien a été
subdivisé en deux chapitres ayant respectivement pour titre « La demande d’avis consultatif
dépasse la compétence de la dixième session extraordinaire d’urgence et de l’Assemblée
générale » et « la requête ne porte pas sur une question juridique relevant du paragraphe 1 de
la Charte ni du paragraphe 1 de l’article 65 du statut ».
Selon le premier, « la Cour n’a pas compétence pour connaitre de la requête d’avis consultatif
pour deux raisons. En premier lieu, « la requête dépasse la compétence de la dixième session
extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale… » (II-1-1-1). En second lieu, « pour que
la Cour puisse exercer sa compétence, elle doit être saisie d’une requête portant sur
une « question juridique » (Exposé écrit, p.96, par.10-5). (II-1-1-2)
II-1-1-1- L’Assemblée générale a dépassé sa compétence
Le premier argument, longuement développé, a résidé dans la prétention que, « compte tenu
du rôle actif joué par le Conseil de sécurité à l’égard de la situation au Moyen-Orient, y
compris la question palestinienne, l’Assemblée générale, en demandant un avis consultatif sur
les conséquences juridiques de l’édification du mur dans le territoire palestinien occupé, avait
outrepassé la compétence que lui confère la Charte ». ( C.I.J., Recueil, 2004, avis consultatif,
p.148, par.24). L’exposé écrit a considéré que, ce faisant, l’Assemblée générale n’a respecté
ni la lettre ni l’esprit de la Charte.
II-1-1-2- La question posée n’est pas juridique
Le second argument avancé réside dans la mise en avant du caractère non juridique de la
question posée par l’Assemblée générale, nonobstant la sonorité de la répétition du qualificatif
juridique.
C’est la thèse avancée par des Etats notamment dans les quatre espèces précitées et tout
particulièrement par Israël dans l’affaire de l’édification du mur. L’accent a été mis sur les
caractères à la fois éminemment politique et biaisé de la démarche de l’Assemblée générale.
12
Donc, en creux parfois, de manière beaucoup plus explicite d’autres fois, cette démarche vise
à nier le droit de l’Assemblée générale de demander un avis consultatif. En fait, un très fort
soupçon, pèse sur de nombreuses requêtes de l’Assemblée générale qui sont considérées
comme se livrant à un détournement de la procédure consultative en vue de régler un
différend bilatéral.
La procédure consultative ne serait qu’un habillage juridique destiné à contourner un
contentieux au règlement duquel l’une des parties particulièrement concernées n’a pas donné
son consentement. Or, le défaut de consentement d’une des parties rend le prononcé d’un avis
consultatif incompatible avec cette règle fondamentale du consentement qui est consacrée par
le Statut de la Cour internationale de Justice.
Cette analyse continue d’être régulièrement développée alors que dès son avis consultatif sur
la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie de 1971, la Cour avait déclaré que
« presque toutes les procédures consultatives ont été marquées par des divergences entre Etats
sur des problèmes de droit ; si les opinions des Etats concordaient, il serait inutile de
demander l’avis de la Cour ».
Nonobstant ce dictum de la Cour, la question a continué à être, de manière récurrente, au coeur
de plusieurs approches étatiques. Ainsi que cela a été annoncé précédemment, elle est
envisagée dans l’exposé écrit israélien qui lui a consacré tout un chapitre.
Dans le paragraphe 5-2 du chapitre 5, il est écrit que « la question posée à la Cour dans la
présente espèce n’est pas une question juridique relevant du paragraphe 1 de l’article 96 de la
Charte et du paragraphe 1 de l’article 65 du Statut… L’exception soulevée tient…au fait que
la question soumise à la Cour est libellée dans des termes incertains et qu’en conséquence,
elle ne se prête pas à une réponse de la Cour ». Selon le paragraphe 5-3 de cet exposé « pour
qu’une question constitue une question juridique…, elle doit être raisonnablement précise »,
conformément aux termes de l’article 65-2 du Statut de la Cour. Selon cette disposition, « Les
questions sur lesquelles un avis consultatif de la Cour est demandé sont exposées à la Cour
par une requête écrite qui formule, en termes précis, la question sur laquelle l’avis de la Cour
est demandé ».
II-1-2- La réponse de la Cour
II-1-2-1- Sur le premier argument
Après avoir décliner son raisonnement dans les paragraphes 25 et suivants, la Cour va, dans
un premier temps, estimer, au paragraphe 28, que « s’agissant de la pratique de l’Assemblée
générale, telle qu’elle a évolué, elle est compatible avec le paragraphe 1 de l’article 12 de la
Charte » et que donc, elle « n’a pas outrepassé sa compétence ».
Dans un second temps, au paragraphe 42, dans une conclusion générale sur cette question, elle
déclare qu’elle « a compétence pour donner l’avis consultatif demandé par la résolution ES-
10/14 de l’Assemblée générale ».
II-1-2-2- Sur le second argument
D’emblée, l’Algérie rappellera que l’attitude ferme et constante de la Cour a toujours consisté
à poser les termes de la problématique liée à la question de sa compétence. Comme les
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exemples abondent, l’Algérie n’en citera que quelques-uns, ayant au demeurant des points
communs avec la requête actuelle de l’Assemblée générale.
Déjà, au paragraphe 15 de son avis sur la licéité de l’utilisation des armes nucléaires de 1996,
la Cour a clairement exprimé sa volonté de s’assurer du caractère juridique de la demande de
l’Assemblée générale.
Ce faisant, elle a adopté une démarche rigoureuse en exposant la problématique générale du
débat dans les termes suivants : « La Cour doit d’abord s’assurer que l’avis consultatif
demandé porte bien sur « une question juridique » au sens de son Statut et de la Charte des
Nations Unies ». Mais, elle a poursuivi par le rappel du paragraphe 15 de son avis sur le
Sahara occidental où elle avait indiqué que les questions « libellées en termes juridiques et
soulevant des problèmes de droit international… sont, par leur nature même, susceptibles de
recevoir une réponse fondée en droit…. (et) ont un caractère juridique ».
En outre, dans son avis consultatif sur « la conformité au droit international de la déclaration
unilatérale d’indépendance relative au Kosovo » de 2010, elle souligne, dans une formule
jusqu’alors inédite, que « une question qui invite expressément la Cour à dire si une certaine
action est conforme ou non au droit international est assurément une question juridique »
(C.I.J., Recueil 2010, p.415, paragraphe 25). Elle rajoute, au paragraphe 27, dans des termes
destinés à faire date, que le fait qu’« une question revête des aspects politiques ne suffit pas à
lui ôter son caractère juridique».
« La Cour ne saurait refuser de répondre aux éléments juridiques d’une question qui, quels
qu’en soient les aspects politiques, l’invite à s’acquitter d’une tâche essentiellement judiciaire,
à savoir, en la présente espèce, l’appréciation d’un acte au regard du droit international ». Ce
dictum avait déjà été avancé à maintes reprises dans de précédentes procédures.
Enfin, et pour conclure dans un même élan ce paragraphe 27, elle précise que « pour trancher
le point- qui touche à sa compétence- de savoir si la question qui lui est posée est d’ordre
juridique, elle ne doit tenir compte ni de la nature politique des motifs qui pourraient avoir
inspiré la demande, ni des conséquences politiques que pourrait avoir son avis » (ibid.).
L’Algérie reprend, mutatis mutandis, à son compte la démarche, les analyses et les
conclusions de la Cour rapportées ci-dessus au cas où de telles objections à la compétence
venaient à être avancées. Elle considère que la Cour est compétente pour traiter des politiques
et pratiques israélienne dans le Territoire palestinien occupé. D’autant que, et cet argument est
d’une importance particulière, la requête ne porte que sur des questions plus juridiques et plus
précises les uns que les autres. Ainsi en est-il de celles qui concernent le devenir du droit à
l’autodétermination du peuple palestinien ou des notions juridiques bien établies en droit
international de l’occupation, de la colonisation et de l’annexion.
Un second type d’objection, qui est en train de devenir le terrain de prédilection des Etats
réticents aux demandes d’avis consultatifs, portent sur la question de l’opportunité judiciaire
de donner un avis consultatif et par conséquent sur celle du pouvoir discrétionnaire de la Cour
en la matière.
14
II-2- A PROPOS DU POUVOIR DISCRÉTIONNAIRE DE LA COUR DE DONNER UN AVIS
CONSULTATIF
Ainsi que l’Algérie l’a précédemment relevé avec insistance à propos de sa compétence, la
Cour s’est toujours fait une obligation de vérifier l’opportunité d’exercer sa fonction
judiciaire.
Ce fut le cas, par exemple, dans la demande d’avis consultatif de l’Assemblée générale sur la
licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires. Au paragraphe 14 de son avis, la Cour
a estimé, à propos de son pouvoir discrétionnaire de donner ou de ne pas donner suite à une
demande de l’Assemblée générale, qu’elle « ne saurait exercer ce pouvoir discrétionnaire que
si elle a établi au préalable qu’elle a compétence dans l’espèce considérée ». On retrouve là la
méthode pédagogique de la Cour qui entend n’éluder aucune des objections soulevées dans
les exposés des Etats, dont certains ont tenté de détourner l’objectif poursuivi par la Cour.
Cette question figure en bonne place dans la thèse israélienne qu’il convient de présenter (II-
2.1) avant de traiter de son rejet en raison de la position ferme et constante de la Cour (II-1.2)
et de formuler des observations à cet égard (II-2.3).
II-2.1. La thèse israélienne
Présentée pour la première fois dans son exposé écrit du 30 janvier 2004 dans le cadre de la
procédure consultative relative à la requête portant sur les conséquences de l’édification du
mur dans le territoire palestinien occupé, cette thèse est rappelée dans les exposés écrit et oral
produits respectivement le 27 février 2018 et le 5 septembre 2018, c’est-à-dire 14 ans après, à
l’occasion de la procédure consultative engendrée par la requête de la Cour relative aux iles
Chagos.
II-2-1-1- L’exposé écrit du 30 janvier 2004
Selon cet exposé, il existerait trois raisons principales qui devraient amener la Cour à refuser
de donner l’avis consultatif demandé par l’Assemblée générale.
La première raison réside dans l’existence « des principes pertinents, en matière d’opportunité
et l’exercice, par la Cour, de son pouvoir discrétionnaire conformément au paragraphe 1 de
l’article 65 de son Statut ». Selon cette première idée, la Cour a l’obligation de rester fidèle
aux exigences de son caractère judiciaire et doit prendre en considérations les limites
inhérentes à sa fonction consultative.
La deuxième raison avancée a trait aux caractères de la question posée qui concerne « une
question litigieuse à l’égard de laquelle Israël n’a pas consenti à la compétence de la Cour ».
Quant à la troisième raison avancée, elle met l’accent sur le fait que « la requête soulève des
questions qui ne peuvent être éclaircies que contradictoirement » et que « la Cour ne dispose
pas de renseignements et d’éléments de preuve suffisants pour être à même de porter un
jugement sur toute question de fait contestée ».
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II-2-1-2- Les exposés écrit et oral du 27 février et du 5 septembre 2018
Avant d’envisager lesdits exposés, il n’est pas sans intérêt de signaler que la déclaration
israélienne par laquelle elle a exprimé son refus de donner suite à la demande de l’Assemblée
générale relative à l’archipel des Chagos, les a préfigurées.
Celle-ci a considéré que la résolution A/RES/71/292 « vise à renvoyer un différend bilatéral à
la Cour internationale de Justice… » et que « la démarche sous-jacente représente…un
détournement de la disposition relative à l’avis consultatif prévue à l’article 96 de la Charte
des Nations Unies ».
S’agissant desdits exposés, ils reprennent, avec persistance et insistance, la thèse du refus de
donner suite à la requête de l’Assemblée générale des Nations Unies relative à l’archipel des
Chagos, en recourant même s’ils s’en défendent, aux mêmes idées et aux mêmes éléments de
langage utilisés quatorze ans auparavant à propos de la requête relative au mur. En effet,
l’exposé écrit prétend, d’une part, dans le paragraphe 1-5, qu’il se limite, « aux questions
touchant l’opportunité judiciaire ». Cet exposé recours, d’autre part, à cette figure de style
qu’est la prétérition lorsqu’il ajoute : « En particulier, il n’est pas dans notre intention
d’aborder des questions tenant à la compétence ou visant l’essence même du différend qui
sous-tend l’affaire, lequel, selon nous, revêt un caractère purement bilatéral ».
C'est-à-dire que l’exposé évoque des arguments qu’il dit ne pas vouloir aborder. Pour
l’Algérie, ramené à l’essentiel, cet exposé écrit développe les « deux bonnes raisons qui
devraient conduire la Cour à refuser de donner un avis consultatif en l’espèce ». Outre qu’il
faut, première raison, « éviter que le principe fondamental de l’acceptation de la compétence
soit contourné », la seconde raison tient au fait que « la procédure d’avis consultatif se prête
mal à l’examen des questions, de fait, complexes et litigieuses soulevées en l’espèce, dans la
mesure où elle ne prévoit pas les procédures contradictoires et les protections disponibles dans
le cadre d’une affaire contentieuse ».
Dans une démarche s’apparentant à un exercice d’autosuggestion, Israël convoque de
nouveau deux « raisons », déjà développées en 2004, même si elles sont agencées
différemment, pour demander à la Cour de refuser de donner un avis consultatif.
La première a consisté dans la mise en exergue du principe du respect absolu du principe du
consentement des Etats à la compétence de la Cour, qui serait bafoué si elle venait à répondre
favorablement à la requête de l’Assemblée générale. Cette question « touche au coeur d’un
différend en cours entre des Etats ». La seconde « raison » consiste dans le rappel que « la
procédure consultative se prête mal à l’examen de questions, de fait complexes et litigieuses,
soulevées en l’espèce » (p.3, par.3-1).
Par ailleurs, pour tenter d’être le plus exhaustif possible, l’Algérie pense qu’il est utile de
préciser que d’autres arguments ont été avancés pour étayer la thèse du refus de donner un
avis consultatif. La Cour en a traité dans les paragraphes 43 à 65 de l’avis. Si l’on excepte
ceux qui ont été présentés déjà par Israël, il en reste deux que l’Algérie s’y arrête, car ils
pourraient de nouveau être invoqués dans la présente procédure.
Le premier, par ordre chronologique, porte sur les obstacles à un règlement politique que
pourrait entrainer un avis consultatif rendu par la Cour. Le second, met l’accent sur l’inutilité
d’un avis consultatif. Plus précisément « est-il encore soutenu », comme l’écrit la Cour au
16
paragraphe 59, « l’Assemblée générale n’aurait pas besoin d’un tel avis de la Cour, parce
qu’elle a déjà déterminé les conséquences juridiques de cette construction… et parce que, en
outre, l’Assemblée générale n’a jamais fait clairement connaitre ce qu’elle entendait faire de
l’avis demandé ».
II-2-2- Le rejet des thèses israéliennes par la Cour
Dans l’optique de rendre compte des positions de la Cour, l’Algérie rappellera la conception
que se fait la Cour de son pouvoir discrétionnaire en matière consultative. Dans son avantdernier
avis consultatif du 1er février 2012 (Jugement n°2867 du Tribunal administratif de
l’Organisation Internationale du Travail sur requête contre le Fonds International de
Développement Agricole), elle a très clairement et très utilement précisé ce pouvoir dans les
termes suivants : « L’article 65 du Statut indique clairement que la Cour a le pouvoir
discrétionnaire de répondre ou non à une demande d’avis consultatif… Ce pouvoir
discrétionnaire existe pour de bonnes raisons. Lorsqu’elle l’exerce, la Cour doit tenir compte
de sa double qualité d’organe principal de l’Organisation des Nations Unies et d’instance
judiciaire ».
C’est en ayant à l’esprit cette conception que l’Algérie aborde, dans un premier temps, les
analyses faites par la Cour dans l’avis consultatif du 9 juillet 2004, relatives aux trois
objections israéliennes évoquées précédemment à propos du mur et des iles Chagos, en ayant
à l’esprit l’éventualité de leur invocation à propos de la dernière requête de l’Assemblée
Générale.
Dans cet avis, la Cour a fait justice de l’ensemble du raisonnement fallacieux et des faux
arguments israéliens. Certes, elle a, comme à l’accoutumé, sacrifié à la rigueur de sa
démarche et a fait part de ses précautions méthodologiques pour souligner son « obligation de
s’assurer, chaque fois qu’elle est saisie d’une demande d’avis, de l’opportunité d’exercer sa
fonction judiciaire », en vérifiant qu’il n’existe pas « de raisons décisives » qui pourraient
faire obstacle à l’exercice de sa compétence consultative. Mais une fois cette précaution
méthodologique énoncée, ce devoir pédagogique accompli, la Cour a, très méthodiquement,
rejeté l’ensemble des arguties développées.
S’agissant des objections avancées par Israël, l’Algérie se propose de les examiner
chronologiquement, parce que celles qui ont été exposées dans le cadre de la procédure
relative aux iles Chagos pourraient être, et bien qu’elles ne soient substantiellement
différentes de celles émises en 2004, porteuses de la dernière argumentation en la matière.
L’objection relative à la fonction judiciaire de la Cour et aux limites de sa fonction
consultative a fait l’objet des paragraphes 43 et suivants. La Cour a fait état de cette thèse en
soulignant qu’il a été soutenu l’existence « d’un certain nombre d’éléments qui rendraient
l’exercice de sa compétence malvenu et étranger à sa fonction judiciaire ». Elle y a répondu
que « en tant qu’organe judiciaire principal des Nations Unies… la Cour ne devrait pas en
principe refuser de donner un avis consultatif, ajoutant même qu’elle « n’a jamais, dans
l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire refusé de répondre à une demande d’avis
consultatif ». (p.156, par.44).
En ce qui concerne la deuxième objection relative au fait que la demande porte sur une
question litigieuse entre deux Parties, la Cour « a pris acte du fait qu’Israël et la Palestine ont
exprimé des vues radicalement opposées sur les effets juridiques de l’édification du mur ».
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Elle a, ensuite, rappelé que « presque toutes les procédures consultatives ont été marquées par
des divergences de vue ». (p.158, par.48). Elle précise, en outre, que la requête de
l’Assemblée générale ne peut « être considérée comme une question bilatérale entre Israël et
la Palestine » mais « comme intéressant l’Organisation des Nations Unies ».
En troisième lieu, la Cour évacue l’argument relatif au manque de faits et d’éléments de
preuve dans les paragraphes 56 à 58 de son avis. Elle considère tout d’abord dans le
paragraphe 56 que « la question de savoir si les éléments de preuve dont elle dispose sont
suffisants pour donner un avis consultatif doit être tranchée dans chaque cas particulier ». Elle
souligne, au paragraphe 57, « qu’en l’espèce, elle a à sa disposition le rapport du Secrétaire
général, ainsi qu’un dossier volumineux soumis par celui-ci à la Cour…qui inclut de
nombreux rapports fondés sur des visites effectuées sur le terrain… ».
Pour ce qui est des deux objections relatives successivement à l’obstacle à un règlement
politique que constituerait une réponse favorable et à l’inutilité d’un avis consultatif, la Cour y
consacre respectivement les paragraphes 51 à 54 et 59 à 62.
L’hypothèse de l’avis consultatif comme obstacle à un règlement politique a déjà été avancée
à maintes reprises, comme l’indique la Cour qui s’est référée à plusieurs procédures
consultatives.
La haute juridiction considère d’abord que « l’influence que l’avis de la Cour pourrait avoir
sur ces négociations n’apparait pas de façon évidente » et « elle ne saurait considérer ce
facteur comme une raison décisive de refuser d’exercer sa compétence ».
Sur l’inutilité d’un avis consultatif, la Cour estime, dans le paragraphe 60, et dans un dictum
d’une particulière importance pour la requête actuelle, que « les avis consultatifs servent à
fournir aux organes qui les sollicitent les éléments de caractère juridique qui leur sont
nécessaires dans le cadre de leurs activités ». Elle se réfère à une jurisprudence abondante
pour étayer son raisonnement.
Cette jurisprudence énumère les différents objets des demandes d’avis. Il peut s’agir
« d’éclairer les Nations Unies » ou « d’une requête présentée par un organe des Nations
Unies, à propos de ses propres décisions, en vue d’obtenir de la Cour un avis juridique sur les
conséquences et les incidences de ces décisions » ou bien encore que l’avis « fournirait à
l’Assemblée générale des éléments de caractère juridique qui lui seraient utiles ». (p.162-163,
par.60).
L’Algérie reprend totalement à son compte le raisonnement et les conclusions de la Cour,
notamment eu égard au rapprochement qui peut être fait entre les arguments développés en
2004 et ceux qui pourraient l’être dans la procédure actuelle. En tout état de cause, elle ne
modifiera pas d’un iota les analyses menées par la Cour en 2004 si d’aventure des arguments
de refus équivalents ou ressemblants venaient à être exposés pour demander le refus de rendre
un avis consultatif.
De l’ensemble des développements de cette seconde partie, l’Algérie tire la conclusion que la
Cour doit rejeter les éventuelles objections qui pourraient être avancées pour contester la
requête de l’Assemblée générale des Nations Unies.
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La Cour, pour sa part, doit également tirer les conclusions du fait que, comme de coutume,
Israël, membre de l’Organisation des Nations Unies, rejette systématiquement les décisions et
les résolutions de l’Assemblée Générale, du Conseil de Sécurité, et dénonce les rapports des
titulaires de mandats et des organes conventionnels chargés des droits de l’Homme, ainsi que
le propre avis de la Cour du 9 juillet 2004, puisqu’Israël avait souligné qu’il « n’était pas de la
compétence de la Cour International de Justice de « traiter de sujet politiques litigieux sans
l’accord des différentes parties impliquées … » et que par conséquent, « Israël poursuivra …
la construction du mur 5».
Ainsi, le non-respect des résolutions et décisions de l’Organisation des Nations Unies et de
ses organes par Israël illustre le mépris qu’il a pour le droit international et le principe de
«bonne foi».
A cet égard, l’opinion du juge Lauterpacht dans l’affaire de « la procédure de vote applicable
aux questions touchant les rapports et pétitions relatifs au territoire du Sud -Ouest
africain »6, est pertinente, en l’espèce, notamment à propos du respect des décisions des
Nations-Unies : « Quel que soit la teneur de la résolution…elle n’en reste pas moins un acte
juridique des Nations Unies, que tous les membres de l’organisation sont juridiquement tenus
de considérer avec le respect qui est dû … Il y a juridiquement obligation d’agir de bonne foi,
conformément aux principes de la Charte »7 .
« Ainsi, l’État qui persiste à ne pas tenir compte de l'avis de l'Organisation solennellement
exprimé et réitéré, et plus particulièrement dans le cas où l'expression de cet avis se rapproche
de l'unanimité, peut finir par dépasser la limite imperceptible entre l’impropriété et l’illégalité,
entre l'exercice de la faculté juridique de ne pas tenir compte de la recommandation et l'abus
de cette faculté, et qu'il s'est ainsi exposé aux conséquences qui en découlent légitimement »8.
Dans ce qui suit, l’Algérie entend souligner qu’Israël n’a cessé d’enfreindre les décisions et
résolutions des Nations-Unis et de ses organes mais également d’ignorer les obligations qui en
découlent, commettant jour après jour des violations flagrantes et continues des droits du
peuple palestinien et ce, depuis la résolution de l’Assemblée Générale 194 (1947) 9 à ce jour.
III- LES VIOLATIONS DU DROIT DU PEUPLE PALESTINIEN À
L’AUTODÉTERMINATION, RÈGLE IMPÉRATIVE DU DROIT INTERNATIONAL
III-1- OBSERVATIONS GÉNÉRALES
L’Algérie entend formuler plusieurs observations.
Elle relève tout d’abord que la Partie II (A) du « Matériel relatif à la demande d’avis
consultatif de la Cour présentée par l’Assemblée générale… » du 31 mai 2023 comporte un
chapitre intitulé « le droit à l’autodétermination ». Ce très précieux document publie deux
types de documents. Le premier type comporte toutes les résolutions de l’Assemblée Générale
portant sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes adoptées depuis le 30 novembre 1970
5 Ministère israélien des affaires étrangères, « The anti-terrorsit fence and the international court of justice »
https://www.gov.il/en/Departments/General/saving-lives-israel-s-anti-terrorist-fence-answers-to-questions-jan-2004
6 CIJ, Procédure de vote applicable aux questions touchant les rapports et pétitions relatifs au Territoire du Sud-Ouest
africain, Avis consultatif du 7 juin 1955.
7 Opinion individuelle du juge LAUTERPACHT, Avis consultatif, Procédure de vote applicable aux questions touchant les
rapports et pétitions relatifs au Territoire du Sud-Ouest africain, du 7 juin 1955, p.120
8Ibid.
9 UN General Assembly, 194 (III). Palestine - Progress Report of the United Nations Mediator ,11
December1948, A/RES/194.
19
jusqu’au 16 décembre 2021. Le second comporte les résolutions adoptées depuis 1995 par
l’Assemblée générale sous l’intitulé « le droit du peuple palestinien à l’autodétermination ».
La première d’entre elles, la Résolution 49/149 date du 7 février 1995 et la dernière, la
Résolution 77/208, a été adoptée le 28 décembre 2022.
La demande d’avis consultatif de l’Assemblée générale accorde une place importante au droit
du peuple palestinien à l’autodétermination, puisqu’il est le premier élément juridique auquel
la question de l’Assemblée générale se réfère.
Par ailleurs, l’Algérie tient à souligner que le préambule de la Résolution 77/247 s’y est référé
à plusieurs reprises. Plus que jamais, le droit à l’autodétermination est la clé de voûte du droit
international, aussi bien général que spécial. Mais, il l’était déjà au début des années 2000
lorsque l’Assemblée générale a formulé sa requête pour avis consultatif.
De fait, il a été au centre de la requête de l’Assemblée générale de décembre 2003 et du
contenu de l’avis consultatif du 9 juillet 2004. Dans ce dernier, le paragraphe 88 est
totalement consacré au principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. La Cour a tout
d’abord tenu à rappeler qu’il est consacré dans la Charte des Nations Unies et a été réaffirmé
dans la résolution 2625(XXV) de l’Assemblée générale dans des termes que la Cour reprend
dans ce paragraphe.
Cette résolution a précisé que « tout Etat a le devoir de s’abstenir de recourir à toute mesure
de coercition qui priverait de leur droit à l’autodétermination…les peuples mentionnés (dans
ladite résolution) ». Elle a, ensuite, précisé la place qu’il occupe dans les deux Pactes de 1966,
consacrés respectivement aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et
culturels. Ainsi que la Haute Juridiction l’a souligné, leur article 1er commun « réaffirme le
droit de tous les peuples à disposer d’eux-mêmes et fait obligation aux Etats de faciliter la
réalisation de ce droit et de le respecter, conformément aux dispositions de la Charte des
Nations Unies au droit à l’autodétermination. ». Elle a par la suite visé certains avis
consultatifs auxquels elle s’est référée.
Compte tenu de l’extrême importance de ce principe cardinal et son « intransgressibilité »,
l’Algérie, tout en faisant sienne l’analyse de la Cour, estime nécessaire de s’arrêter plus
longuement sur ce principe, notamment en rappelant d’abord les sources conventionnelles
fondamentales en la matière (III-1.1), ensuite les sources résolutoires (III-1.2), les sources
jurisprudentielles (III-1.3) et, enfin, les travaux de la Commission du Droit International (III-
1.4).
III-2- Les sources conventionnelles fondamentales
Même si le rappel de ces sources conventionnelles peut susciter de la perplexité en raison de
l’évidence du caractère impératif du droit à l’autodétermination, l’Algérie considère qu’il est
nécessaire d’y procéder, en s’en tenant brièvement à l’essentiel.
En premier lieu, l’Algérie rappelle que dès 1945, la Charte des Nations Unies a consacré le
principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, notamment lorsqu’elle prévoit, dans
l’article 1, paragraphe 2, de « développer entre les nations des relations amicales fondées sur
le respect du principe de l’égalité de droits des peuples à disposer d’eux-mêmes ».
En deuxième lieu, les deux Pactes relatifs respectivement aux droits civils et politiques et aux
droits économiques, sociaux et culturels proclament tous les deux que « tous les peuples ont le
20
droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut
politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel ».
S’agissant de cette disposition, le Comité des droits de l’homme a noté, dans son observation
générale n°12, que ce droit « revêt une importance particulière parce que sa réalisation est une
condition essentielle…de la protection des droits de l’homme ». Il a rajouté que, pour les
Etats, ce droit est « une disposition de droit positif qu’ils ont placée, en tant qu’article
premier, séparément et en tête de tous les autres droits énoncés dans ces Pactes » et l’a
qualifié de « droit inaliénable ».
III-3. Les sources résolutoires
Comme annoncé précédemment, l’Algérie s’en tiendra aux principales résolutions à forte
densité normative, significatives de la portée juridique du droit à l’autodétermination. Il s’agit,
par ordre chronologique des Résolutions 1514, 2131, 2625 et 3314.
La Résolution 1514 de 1960 est la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux
peuples coloniaux. Elle énonce un droit absolu que la Cour a invoqué pour établir sa nature
erga omnes.
La Déclaration de 1965 sur l’inadmissibilité de l’intervention dans les affaires intérieures des
Etats et sur la protection de leur indépendance et de leur souveraineté a souligné que « tout
Etat doit respecter le droit des peuples et des nations à l’autodétermination et à
l’indépendance ». Elle rajoute que « ce droit sera exercé librement en dehors de toute pression
extérieure et dans le respect absolu des droits humains et des libertés fondamentales ».
La Déclaration de 1970 relative aux principes du droit international touchant les relations
amicales et la coopération entre les Etats conformément à la Charte des Nations unies s’est
référée à plusieurs reprises au droit à l’autodétermination dans son préambule et dans son
dispositif.
Enfin, la Résolution 3314 portant définition de l’agression précise de manière significative
que les règles qui y sont prévues ne peuvent « en aucun cas porter préjudice au droit à
l’autodétermination » dans son article 7.
Quant au Conseil de sécurité, et toujours pour s’en tenir à l’essentiel, l’Algérie souligne tout
d’abord que le paragraphe 5 du préambule de la requête de l’Assemblée générale a rappelé
« les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et soulignant la nécessité de les
appliquer ». Celles-ci sont expressément citées dans le paragraphe 34 de ce même préambule
et dans les paragraphes 6 et 10 du dispositif.
Sur un plan plus précis, l’Algérie rappellera, mais seulement à titre illustratif, de récentes
résolutions de l’Assemblée reproduites, ainsi qu’elle l’a relevé plus tôt dans cet exposé écrit.
La résolution 77/208, intitulée « le droit du peuple palestinien à l’autodétermination », du 15
décembre 2022 « réaffirme le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, y compris son
droit à un Etat de Palestine indépendant ». Son préambule a rappelé la résolution 76/150 du 16
décembre 2021.
Il a également rappelé la Résolution 67/19 du 29 novembre 2012 qui s’est référée, dans le
neuvième alinéa de son préambule « aux droits inaliénables du peuple palestinien, à
commencer par le droit de disposer de lui-même ».
21
Pour conforter ce socle normatif, l’on relèvera que l’article 20, paragraphe 1 de la Charte
africaine des droits de l’homme et des peuples dispose que « tout peuple a droit à l’existence »
et que tout peuple « a un droit imprescriptible et inaliénable à l’autodétermination ».
III-4- Dans la jurisprudence de la Cour internationale de Justice
Outre les conventions internationales précitées, il importe de souligner la permanence réitérée
à chaque occasion de l’importance du principe d’autodétermination. C’est ainsi que la Cour
internationale de Justice a eu à revenir sur cette importance dans deux avis consultatifs qu’elle
a rendus, à la demande de l’Assemblée générale des Nations Unies, en 2010 et 2019.
Dans la première espèce, il s’agit de l’avis consultatif du 22 juillet 2010 sur « la conformité au
droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo ». Dans la
seconde, il s’agit de l’avis consultatif du 25 février 2019 rendu à propos des « effets juridiques
de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965 ».
Dans l’avis sur le Kosovo, il convient de noter que la Cour a déclaré que « au cours de la
seconde moitié du XXème Siècle, le droit international, en matière d’autodétermination, a
évolué pour donner naissance à un droit à l’indépendance au bénéfice des peuples des
territoires non autonomes et de ceux qui étaient soumis à la subjugation, à la domination ou à
l’exploitation étrangères ». (C.I.J. Recueil 2010, p.436, p. 79).
Dans l’avis consultatif sur l’archipel des Chagos de 2019, la Cour a donné un nouveau souffle
au droit à l’autodétermination en déclarant, au paragraphe 144, avec une certaine emphase
qu’elle « est consciente que le droit à l’autodétermination, en tant que droit humain
fondamental, a un champ d’application étendu », tout en ajoutant qu’elle « se limitera, dans le
cadre du présent avis consultatif, à l’analyse du droit à l’autodétermination dans le contexte de
la décolonisation », en réitérant la pertinence des textes fondateurs en la matière.
Dans cet esprit, elle a, d’abord, rappelé, au paragraphe 146, que « le respect du principe de
l’égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes figure parmi les
objectifs de l’Organisation des Nations Unies ». Elle a surtout ensuite qualifié, pour la
première fois, au paragraphe 150, la résolution 1514 (XV) de « moment décisif ».
Auparavant, elle avait considéré que cette déclaration était une « étape importante » de
l’évolution du droit à l’autodétermination dans son avis consultatif du 21 juin 1971. (C.I.J.
Recueil 1971, Avis consultatif, Conséquences de la présence continue de l’Afrique du Sud en
Namibie, p.31, par.57). Dans cet avis sur l’archipel des Chagos, elle rajoute que « la
résolution 1514 (XV) a un caractère déclaratoire s’agissant du droit à l’autodétermination en
tant que norme coutumière ». Plus encore, elle observe que « le libellé de la résolution
1514…a un caractère normatif » (par.153). Ce souffle se retrouve également dans les travaux
de la Commission du Droit international.
III-5- Dans les travaux de la Commission du Droit international (ci-après la
Commission)
Sans vouloir être exhaustif, il convient de souligner deux importants moments qui attestent la
montée en cadence du droit à l’autodétermination en tant que norme impérative du droit
international général dans les travaux de la Commission.
22
III-5-1- Le projet d’articles sur le droit de la responsabilité de l’Etat pour fait
internationalement illicite
L’Algérie tient à souligner l’importance du chapitre trois de la deuxième partie de ce projet
qui traite « des violations graves d’obligations découlant de normes impératives du droit
international », expression qui renvoie aux normes impératives du droit international » dont le
droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et partant au droit à l’autodétermination. L’Algérie
y reviendra dans la Partie VII-1-1-2 et VII-1-2 de son exposé, ci-après.
III-5-2- Le projet « normes impératives du droit international général (jus cogens) ».
Le droit à l’autodétermination figure dans la liste des normes recensées comme relevant du
jus cogens par la Commission. Lors des débats de la 6ème commission de 2018, un Etat, un
seul, Israël a estimé « contestable » (A/C.6/73/SR.27) que l’autodétermination soit rangée
dans la liste des normes impératives du droit international.
Le Rapporteur Spécial sur le sujet relatif aux règles de jus cogens a, dans une analyse d’une
grande rigueur, justifié cette insertion par l’existence d’une pratique allant dans ce sens. Pour
étayer son analyse, il a, tout d’abord, eu recours à la jurisprudence internationale allant dans
ce sens. L’Algérie a déjà traité de cette question, lorsqu’elle a analysé la jurisprudence
internationale pertinente en la matière. Elle y revient à travers l’analyse du Rapporteur Spécial
de la Commission. Ce dernier a mis en exergue le lien qui existe entre les notions de jus
cogens et de erga omnes, considérant à juste raison que la deuxième découlait de la première.
Il s’est tout particulièrement appuyé sur l’arrêt de la Cour dans l’affaire du Timor Oriental de
1995 et sur les avis consultatifs les plus proches de l’espèce en débat ici, à savoir ceux sur la
Namibie (1971), le Sahara occidental (1975) et le Mur (2004). En outre, il a mis en évidence,
comme points d’appui à son raisonnement, les résolutions 1514, 2131, 2625 et 3314 de
l’Assemblée générale. Ainsi, par exemple, cette dernière résolution précise que les règles
recensées ne peuvent « en aucun cas porter préjudice au droit à l’autodétermination ». Par
ailleurs, le Rapporteur Spécial a pointé certaines résolutions visant particulièrement le
territoire palestinien occupé.
IV- LES VIOLATIONS DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE
L’Algérie s’attachera dans ce qui suit à démontrer que les politiques et pratiques d’Israël dans
les territoires palestiniens occupés, y compris Jérusalem-Est, visant à maintenir le territoire
sous occupation prolongée, sont en violation du droit international humanitaire.
Son exposé consiste, dans un premier temps, à définir le statut juridique international des
territoires palestiniens occupés par Israël (IV-1), en mettant en perspective le statut particulier
de Jérusalem-Est, de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, pour ensuite démontrer l’illégalité
du maintien de cette occupation au regard du Droit international humanitaire (IV-2) et
l’obligation qui est faite à Israël de respecter les règles applicables dans les territoires
palestiniens occupés (IV-3).
IV-1- LE STATUT JURIDIQUE INTERNATIONAL DES TERRITOIRES PALESTINIENS SOUS
OCCUPATION ISRAÉLIENNE : QUALIFICATION DE LA SITUATION D’OCCUPATION DE LA
CISJORDANIE ET DE JÉRUSALEM-EST AU REGARD DU DROIT INTERNATIONAL
23
Pendant la guerre d’agression qui a duré de décembre 1947 à janvier 1949, les forces
israéliennes ont occupé la partie occidentale de Jérusalem, en violation de la résolution 181.
L’accord d’armistice du 3 avril 1949 a abouti à la division de facto de la ville en deux parties :
Jérusalem-Est et Jérusalem-Ouest, tandis que l’Organisation des Nations Unies continuait de
prôner pour la ville un statut spécial.
Le 9 décembre 1949, l’Assemblée générale a adopté la résolution 303 (IV), intitulée «
Palestine : question d’un régime international pour la région de Jérusalem et de la protection
des Lieux saints », dans laquelle elle réaffirmait «son intention de voir instaurer à Jérusalem
un régime international permanent qui prévoie des garanties satisfaisantes pour la protection
des Lieux saints, tant à Jérusalem qu’en dehors de cette ville, et de confirmer expressément
dans sa résolution 181 (II) que « la Ville de Jérusalem sera constituée en corpus separatum
sous un régime international spécial et sera administrée par les Nations Unies ».
Suite au conflit armé de 1967, qui a vu les forces armées israéliennes occuper l'ensemble des
territoires qui avaient constitué la Palestine sous mandat britannique y compris les territoires
désignés sous le nom de Cisjordanie et la bande de Gaza, ce qui représentaient environ la
moitié du territoire attribué aux pays arabes par le plan de partition de la résolution 181 (II) de
l’Assemblée générale de 1947, le Conseil de sécurité adopta le 22 novembre 1967, à
l'unanimité, la résolution 242 (1967) qui soulignait l'inadmissibilité de l'acquisition de
territoire par la guerre et appelait au « retrait des forces armées israéliennes des territoires
occupés lors du récent conflit », et à la « cessation de toutes assertions de belligérance ou de
tous états de belligérance ».
A partir de 1967, Israël a pris, dans ces territoires, diverses mesures tendant, pour ce qui
concerne Jérusalem, à modifier le statut de la ville. Le Conseil de sécurité, après avoir rappelé
à plusieurs reprises que « le principe de l'acquisition d'un territoire par la conquête militaire
est inadmissible », a condamné ces mesures et a confirmé, par la résolution 298 (1971) du 25
septembre 1971 de la façon la plus explicite que :
« Toutes les dispositions législatives et administratives prises par Israël en vue de modifier le
statut de la ville de Jérusalem, y compris l'expropriation de terres et de biens immeubles, le
transfert de populations et la législation visant à incorporer la partie occupée, sont totalement
nulles et non avenues et ne peuvent modifier le statut de la ville ».
Des résolutions adoptées par le Conseil de Sécurité depuis 196710 découlent l’illicéité de
l’occupation israélienne résultant de la Guerre des Six jours11 et établissent l’illégalité des
mesures israéliennes visant à modifier le statut de Jérusalem.12 Par conséquent, le statut actuel
d’Israël au regard de ces territoires n’est autre que celui d’occupant.
Or, en droit international, une puissance occupante ne détient pas la souveraineté sur le
territoire occupé. Elle ne fait qu’exercer son autorité sur ce territoire à titre temporaire13. Le
critère à cet égard, est celui du contrôle effectif du territoire14. Il importe peu que
l’administration quotidienne soit exercée par des autorités locales. Un territoire qui a été
10Conseil de sécurité, Résolution 242 (1967) UN Doc S/RES/242 (22 novembre 1967) par 1.
11Conseil de Sécurité, résolution 476 (1980) UN doc S/RES/476 (30 juin 1980) par 3 et 4; résolution 478 (1980) (n° 7) par 2,
3 et 5.
12Conseil de Sécurité, résolution 2334 (2016) UN Doc S/RES/2334 (23 décembre 2016) préambule.
13 Voir en particulier les articles 4 et 47 de la quatrième convention de Genève.
14Article 42 du règlement de La Haye de 1907.
24
occupé continue de l’être jusqu’à ce qu’intervienne soit un retrait définitif, soit un règlement
international définitif et acceptable. Or, aucun de ces évènements n’est réalisé en l’espèce.
La Cour dans son avis consultatif de 2004 sur les conséquences juridiques de l'édification d'un
mur dans le territoire palestinien occupé, avait déjà suggéré que la barrière de séparation et le
régime qui lui est associé « créent sur le terrain un "fait accompli" qui pourrait bien devenir
permanent, auquel cas [...] cela équivaudrait à une annexion de facto »15.
Vingt ans plus tard, la Cour a toutes les raisons de considérer que non seulement la situation
créée par la barrière, mais aussi l'emprise d'Israël, sont devenues équivalentes à une annexion
de facto, du moins dans toute la partie du territoire palestinien qui est sous administration
territoriale israélienne directe (Zone C 16 en vertu des Accords d'Oslo).
Lors de sa cinquième session extraordinaire d’urgence, l’Assemblée générale a adopté la
résolution 2253 (ES-V), intitulée « Mesures prises par Israël pour modifier le statut de la Ville
de Jérusalem », et dans laquelle, se déclarant « profondément préoccupée par la situation qui
existe à Jérusalem du fait des mesures prises par Israël pour modifier le statut de la Ville »,
elle a considéré que ces mesures étaient « non valides » et a demandé « à Israël de rapporter
toutes les mesures déjà prises et de s’abstenir immédiatement de toute action qui changerait le
statut de Jérusalem ».
A la suite de l'adoption par Israël, le 30 juillet 1980, de la loi fondamentale faisant de
Jérusalem la capitale « entière et réunifiée » d'Israël, le Conseil de sécurité, dans sa résolution
478 (1980) du 20 août 1980, a « décidé de ne pas reconnaître cette « loi fondamentale » et les
autres actions d’Israël qui, du fait de cette loi, cherchent à modifier le caractère et le statut de
Jérusalem »17. Dans la même veine, le Conseil de sécurité a précisé que l'adoption de cette loi
constituait une violation du droit international et que «toutes les mesures et dispositions
législatives et administratives prises par Israël, la puissance occupante, qui ont modifié ou
visent à modifier le caractère et le statut de la Ville sainte de Jérusalem ... étaient nulles et non
avenues ». Il a en outre « demandé à tous les États membres d’accepter cette décision ».18
L’occupation illégale de Jérusalem-Est par Israël entérinée dans sa législation nationale en
1980 a été condamnée à plusieurs reprises par la communauté internationale dans une série de
résolutions du Conseil de sécurité.
Dans la résolution 2334 (2016), le Conseil de Sécurité condamne à nouveau les mesures
visant à modifier le statut du « Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris
Jérusalem-Est »,19« souligne qu’il ne reconnaîtra aucune modification aux frontières du 4 juin
1967, y compris en ce qui concerne Jérusalem, autres que celles convenues par les parties par
la voie de négociations »20 et « demande à tous les États … de faire une distinction, dans leurs
échanges en la matière, entre le territoire de l’État d’Israël et les territoires occupés depuis
1967 »21.
15CIJ, avis sur l’édification du mur, op.cit., para 121.
16 La zone C est une division administrative de la Cisjordanie, en Palestine, entièrement sous occupation israélienne. Elle a
été définie par l'accord Oslo II de 1995. La zone C est sous l'administration du district israélien de Judée et Samarie, tandis
que la population palestinienne est directement administrée par le coordinateur des activités gouvernementales dans les
territoires.
17 Conseil de Sécurité, résolution 478 (1980), 20 août 1980.
18Conseil de Sécurité, résolution 2334 (2016), op.cit., para 5 (a).
19Ibid. par 4.
20Ibid. par 5.
21Conseil de Sécurité, résolution 478 (1980) (°n 7) par 5.
25
C’est aussi, dans ce sens, que la communauté internationale a condamné les actes unilatéraux
de reconnaissance du changement de statut de Jérusalem, à travers la résolution ES-10/1922
adoptée par l’Assemblée générale intitulée « Statut de Jérusalem »23, qui :
« 1. Affirme que toute décision ou action qui visent à modifier le caractère, le statut ou la
composition démographique de la Ville sainte de Jérusalem n’ont aucun effet juridique, sont
nulles et non avenues et doivent être rapportées en application des résolutions sur la question
adoptées par le Conseil de sécurité, et, à cet égard, demande à tous les États de s’abstenir
d’établir des missions diplomatiques dans la Ville sainte de Jérusalem, en application de la
Résolution 478 (1980) du Conseil ;
2. Exige que tous les États respectent les résolutions du Conseil de sécurité concernant la
Ville sainte de Jérusalem et s’abstiennent de reconnaître les actions et les mesures qui y sont
contraires ».
Cette résolution s’inscrit dans le cadre de la mise en oeuvre des normes internationales, afin de
garantir le respect du droit international et confirme la non-reconnaissance collective de ces
mesures et leur illicéité. Le préambule de la résolution ES-10/19 énonce que :
« Jérusalem est une question qui relève du statut final et qui doit être réglée par la voie de la
négociation, comme le prévoient les résolutions pertinentes des organes de l’Organisation
des Nations Unies ».
L'annexion de jure par Israël de Jérusalem-Est et de certaines parties de la Cisjordanie en
1967 (par une décision du Cabinet) et en 1980 (par un vote de la Knesset) constitue ipso facto
une violation du principe de non-annexion, tel qu'il est reflété par le droit pertinent en matière
d’occupation.
Peu après le vote de la Knesset, le Conseil de sécurité des Nations Unies a, en août 1980,
condamné Israël "dans les termes les plus énergiques", affirmant que les actions d'Israël
étaient contraires au droit international et que l'occupation de Jérusalem par Israël était « nulle
et non avenue » et « devait être annulée immédiatement ».
Israël en tant que puissance occupante ne respecte toujours pas ses obligations internationales
ainsi que toutes les résolutions des Nations unies sur l'occupation de Jérusalem.
Dans le même sens, et confirmant son intention de ne pas renoncer à sa politique
d’occupation, le premier ministre israélien a déclaré qu'Israël « avait l'intention de conserver
la totalité de Jérusalem de manière permanente ».
Et comme l’a indiqué le rapport du Directeur de la Division des opérations sur le terrain et de
la coopération technique du Haut-commissariat aux droits de l’homme, entre 2012 et 2022, la
population de colons israéliens en Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem-Est, était passée
de 520 000 24 à plus de 700 000 25. En 2022, on comptait environ 280 colonies et avant-postes
dans les territoires palestiniens et 138 colonies étaient officiellement reconnues par les
autorités d'occupation.
22Assemblée Générale, résolution ES-10/19. Statut de Jérusalem, 21 décembre 2017, A/RES/ES-10/19.
23Vote : 129 voix favorables contre 9, avec 35 abstentions.
24 Voir https://peacenow.org.il/en/settlements-watch/settlements-data/population(465 400 colons en Cisjordanie)
ethttps://peacenow.org.il/en/settlements-watch/settlements-data/jerusalem (229,377 in East Jerusalem)
25Idem .
26
La création et l'expansion des colonies dans le Territoire palestinien occupé sont l’équivalent
du transfert par Israël de sa propre population dans le territoire qu'il occupe, ce qui peut
constituer un crime de guerre au sens de l’art. 8, par. 2, al. b) viii) du Statut de la CPI (1998).
Dans ce sens, aussi bien l’Assemblée générale que le Conseil de sécurité ont tous deux
déclaré à maintes reprises que toute action ou décision visant à modifier le caractère, le statut
ou la composition démographique de la ville sainte de Jérusalem était dépourvue d’effet
juridique et était nulle et non avenue au regard du droit international. Ainsi, tout acte
unilatéral portant sur le statut de Jérusalem est un fait illicite au regard de son incompatibilité
avec les résolutions du Conseil de Sécurité et avec le droit international général. Et ce, comme
l’a rappelé Juge Koroma dans son opinion individuelle26 relative à l’édification du mur :
«tout aussi important, la communauté internationale dans son ensemble vis-à-vis du peuple
palestinien, a l’obligation de ne reconnaitre aucune modification unilatérale du statut de ce
territoire ».
Au-delà de Jérusalem, Israël s'emploie activement à annexer de facto certaines parties de la
Cisjordanie par le biais de ses colonies de plus en plus nombreuses, comme l'a précisé la Cour
Internationale de Justice dans son avis consultatif sur l’édification du mur27.
A titre d’illustration, le préambule de la Résolution ES-10/19 réaffirme que l’acquisition de
territoire par la force est inadmissible, et contraire aux règles du droit international en général,
ce qui doit impliquer une obligation de non-reconnaissance28, et « l'illicéité de toute
acquisition de territoire résultant de la menace ou de l'emploi de la force »29.
A cet égard, depuis, la résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations unies30, le principe
de "l'inadmissibilité de l'acquisition de territoire" par la guerre ou par la force, a été consacré à
plusieurs reprises par le Conseil de sécurité.
L'Assemblée générale des Nations unies a affirmé ce principe à l'unanimité dans la
« Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la
coopération entre les États »31, adoptée en 1970. Et dans son avis consultatif sur
l’établissement du mur de 2004, la Cour Internationale de Justice a estimé, au paragraphe 87,
que: "...l'illégalité de l'acquisition territoriale résultant de la menace ou de l'emploi de la
force" a acquis le statut de droit international coutumier.
C’est principalement à la lumière de ce qui précède que l’Algérie tient à rappeler que la plus
grave des violations faites par Israël est sans doute l’effort qu’il a constamment déployé pour
empêcher l’établissement d’un État palestinien, comme le prévoyait la résolution 181 (1947)
32.
26Opinion individuelle du juge Koroma, Avis consultatif du 9 juillet 2004, op.cit., para 7, p.73.
27ICJ, Legal Consequences of the Construction of a Wall in the Occupied Palestinian Territory (Advisory Opinion) ICJ
Reports 136 (2004) para 121
28CDI, Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs UN Doc :
A/56/10 (2001) 309-313 (commentaire à l’art 41, par 2).
29 CIJ, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif [2004] Rec
CIJ, para 87.
30Conseil de Sécurité, résolution 242, 22 novembre 1967, op.cit.
31https://legal.un.org/avl/pdf/ha/dpilfrcscun/dpilfrcscun_ph_f.pdf
32Assemblée Générale, Résolution adoptée sur le rapport de la commission ad hoc chargée de la question palestinienne, Res
181(II), gouvernement futur de la Palestine, 29 novembre 1947.
27
Une autre violation des droits du peuple palestinien est le franchissement des frontières
définies dans la résolution 181 de l’Assemblée générale de 1948 et l’occupation depuis 1967
de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et la bande de Gaza qui représentaient environ la
moitié du territoire attribué aux pays arabes par le plan de partition de la résolution 181 (II) de
l’Assemblée générale de 1947.
Le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale ainsi que le Conseil des droits de l’Homme ont
constamment réaffirmé le caractère inadmissible de l’acquisition de territoire par la force33 et
la nécessité impérieuse d’un retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés34,
censurant dans les termes les plus énergiques toutes les mesures prises par Israël en violation
du droit international.
IV-2- L’ILLÉGALITÉ DE L’OCCUPATION ISRAÉLIENNE PROLONGÉE DES TERRITOIRES
PALESTINIENS OCCUPÉS :
L’Algérie rappelle que la question 18 a) de la résolution 77/247 du 30 décembre 2022 fait
référence aux violations des principes mêmes du droit de l'occupation, tels que la
prolongation, se référant également aux violations de dispositions expresses spécifiques du
droit de l'occupation qui, dans des circonstances particulières, entraînent une remise en cause
des mêmes principes, tels que la colonisation et les pratiques discriminatoires. La Cour
Internationale de Justice a donc été investie de la question de la légalité de « l'occupation
prolongée » du territoire palestinien par Israël.
L'occupation israélienne du territoire palestinien dure depuis 56 années. Cinquante-six
longues années chargées de violations continues et aggravées des droits du peuple palestinien.
Cette durée lui a valu le qualificatif d'occupation "prolongée", cette durée rend également
l'occupation elle-même illégale. Au regard des cadres juridiques qui régissent spécifiquement
une situation d'occupation - le droit international humanitaire et le droit relatif à l'usage de la
force - une occupation doit être temporaire.
C’est principalement à la lumière de ces données que l’Algérie exposera son point de vue sur
l’illégalité de l’occupation prolongée des territoires palestiniens au regard du droit pertinent
en la matière.
Il existe en droit international, un ensemble de principes dont le respect détermine la légalité
d’une occupation, à savoir notamment : la puissance occupante ne possède ni souveraineté ni
titre sur le territoire occupé ; la puissance occupante est chargée de gérer l’ordre public et la
vie civile dans ce territoire et remplit cette mission au bénéfice de la population occupée, dans
l’optique du droit de cette population à l’autodétermination ; l’occupation est temporaire.
Ainsi, une puissance occupante ne peut en aucun cas acquérir le droit de conquérir, d'annexer
ou d'obtenir un titre souverain sur une partie quelconque du territoire qu'elle occupe
« l'occupation belligérante ne cède pas le moindre atome de souveraineté à l'autorité de
l'occupant »35. Il s'agit de l'un des principes les mieux établis du droit international moderne,
qui jouit d'une reconnaissance universelle.
33 Voir les résolutions 242 (1967), 252 (1968), 267 (1969), 298 (1971), 476 (180), 478 (1980) et 2334 (2016) du Conseil de
sécurité, et les résolutions 2628 (XXV), 2799 (XXVI) et 2949 (XXVII) de l’Assemblée générale
34Voir les résolutions 242 (1967) et 476 (180) du Conseil de sécurité, et les résolutions 2628 (XXV), 37/86 et 41/162 de
l’Assemblée générale.
35 Gross, A. (2017). The Writing on the Wall: Rethinking the International Law of Occupation. Cambridge : Cambridge
University Press, 2017, p.8
28
Selon les règles et principes du droit international humanitaire, l’occupation en temps de
guerre est une situation provisoire, qui n’enlève à la puissance occupée ni sa qualité d’État ni
sa souveraineté. L’occupation pour cause de guerre ne saurait comporter un droit quelconque
de disposer d’un territoire36.
En vertu du droit international humanitaire, l'occupation belligérante est censée être
temporaire ; toutefois, ce régime juridique ne fixe pas de date de fin à l'occupation, s'attachant
plutôt à imposer des restrictions à l'utilisation du territoire occupé par la puissance occupante
et à protéger la population civile.
La pratique et le droit internationaux n’établissent pas clairement le moment où une situation
d’occupation belligérante devient illégale. Cependant, il existe un principe essentiel reposant
sur le fait que la puissance occupante ne peut pas mettre en oeuvre des mesures - de jure ou de
facto - qui rendent l'occupation permanente. Dans le cas de la Namibie, dont les origines
étaient certes différentes de celles de la situation du Territoire palestinien occupé, la Cour
internationale de Justice a estimé dans son avis consultatif que la présence continue de
l’Afrique du Sud en Namibie était illégale. En outre, elle a déclaré que l’Afrique du Sud
« encourait des responsabilités internationales pour violation persistante d’une obligation
internationale parce qu’il occupait sans titre le territoire de la Namibie »37 .
L’Algérie rappelle que, dans un rapport de 2017, l'ancien Rapporteur Spécial, Michael Lynk,
a décrit que la prolongation de l’occupation israélienne des territoires palestiniens comme une
"ligne rouge" qui, une fois franchie, rend l'occupation illégale. Selon lui, en perpétuant
l'occupation et en apportant des changements au territoire occupé, y compris l'établissement
de colonies, l'expropriation de terres et l'exploitation de ressources naturelles, ainsi que la
prétendue annexion de jure de Jérusalem-Est, Israël a franchi une telle ligne « Israel’s role as
occupier in the Palestinian Territory – the West Bank, including East Jerusalem, and Gaza –
has crossed a red line into illegality »38.
De plus, dans son rapport de septembre 2022, la Commission internationale indépendante
chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, en Israël,
est arrivée aux mêmes conclusions39 :
« La Commission estime qu’il y a des motifs raisonnables de conclure que l’occupation
israélienne du territoire palestinien est aujourd’hui illégale au regard du droit international
en raison de sa permanence et des mesures mises en oeuvre par Israël pour annexer de facto
et de jure certaines parties de ce territoire. Les mesures prises par Israël pour créer des faits
irréversibles sur le terrain et pour étendre son contrôle sur le territoire constituent aussi bien
des manifestations que des moteurs de son occupation permanente. »
La Commission internationale indépendante a fondé sa conclusion sur :
36Voir Comité international de la Croix-Rouge (CICR), commentaire de 1958 sur l’article 47 de la Convention de Genève
relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre. Disponible à l’adresse
https://ihl-databases.icrc.org/applic/ihl/dih.nsf/Comme
37CIJ, Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain)
nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 16, par. 108, 109, 111,
115, 117 à 127 et 133.
38https://www.ohchr.org/en/press-releases/2017/10/israel-must-face-new-international-legal-push-end-illegal-occupation
39 Report of the Independent International Commission of Inquiry on the Occupied Palestinian Territory,including East
Jerusalem, and Israel, 14 September 2022 (Issued on 20 October 2022), paras, 75-76, pp 26-27.
29
«(i) les mesures juridiques par lesquelles Israël a prétendu annexer officiellement Jérusalem-
Est40; (ii) l'établissement de colonies et d'avant-postes en Cisjordanie, et l'exploitation des
ressources naturelles qui y est associée, la construction de routes et d'infrastructures
réservées aux colons, les mesures d'ingénierie démographique et l'application
extraterritoriale du droit interne israélien aux colonies et aux colons41 ; et (iii) les
déclarations sans équivoque des responsables israéliens sur l'intention de s'approprier
définitivement des parties de la Cisjordanie »42.
L'occupation est par définition une situation temporaire et exceptionnelle dans laquelle la
puissance occupante assume le rôle d'administrateur de facto du territoire jusqu'à ce que les
conditions permettent la restitution du territoire au souverain. C'est ce qui distingue
l'occupation de l'annexion. En d’autres termes, le territoire doit être restitué à la puissance
souveraine - le peuple du territoire - dans un délai aussi raisonnable, afin d'honorer le droit de
ce peuple à l'autodétermination "dès que possible"43.
L’occupation israélienne des territoires palestiniens, comme l’a précisé le rapporteur spécial
Michel Lynk, est « sans précédent ni parallèle dans le monde d'aujourd'hui. Les occupations
modernes qui ont largement adhéré aux principes stricts de temporalité, de non-annexion, de
tutelle et de bonne foi n'ont pas dépassé 10 ans ».
Et les dispositions du droit de l’occupation sont très claires : la puissance occupante ne peut
pas traiter le territoire comme s'il lui appartenait et ne peut pas non plus revendiquer sa
souveraineté. « Pourtant, c'est ainsi qu'Israël a gouverné le territoire palestinien occupé
pendant la majeure partie de ses 50 années dernières années d’occupation »44.
Les gouvernements israéliens depuis 1967 ont poursuivi la croissance continue des colonies,
et l'ampleur des ressources financières, militaires et politiques engagées dans cette entreprise
dément toute intention de rendre l'occupation temporaire. La Cour internationale de Justice
avait anticipé cette situation dans son avis consultatif de 2004, dans lequel elle avait déclaré
que le mur « créait sur le terrain un fait accompli qui pourrait fort bien devenir permanent,
auquel cas la construction du mur équivaudrait à une annexion ». Il s’agit désormais d’une
réalité.45
L’Algérie, au vu des développements précédents, conclut qu’Israël considère l’occupation
comme une situation permanente tout en invoquant, pour se justifier, le caractère temporaire
de la situation, lequel n’est qu’une fiction. Et ce, comme l'a fait remarquer le professeur
Gershon Shafir 46: « temporariness remains an Israeli subterfuge for creating permanent
facts on the ground”, with Israel able to employ a seemingly indeterminate nature of the
occupation’s endpoint to create a ‘permanent temporariness’ that intentionally forestalls any
meaningful exercise of self-determination by the Palestinians. ».
Et comme l’a déclaré le Rapporteur spécial Michael Lynk, lors de la présentation de son
rapport en Octobre 2017 : « La communauté internationale s'est abstenue de répondre au
morcellement du territoire palestinien par Israël et à la défiguration du droit de l'occupation
40Ibid. para14-16
41Ibid. para 24-47
42Ibid. paragraphes 48-53.
43Conseil de sécurité, résolution 1483(2003) , 22 mai 2003,S/RES/1483 (2003), préambule al. 5 , et para 4 .
44https://www.ohchr.org/en/press-releases/2017/10/israel-must-face-new-international-legal-push-end-illegal-occupation
45CIJ, avis sur l’édification du mur, op.cit., para 121.
46Gershon Shafir, A Half Century of Occupation,University of California Press , (2017)pp.155 et 161.
30
avec les outils solides que sont le droit international et la diplomatie. Le droit international,
ainsi que les peuples de Palestine, ont tous souffert de ce processus »47.
Les orientations politiques et les déclarations de membres du gouvernement israélien48
fournissent certainement des arguments à la Cour Internationale qui peuvent renforcer ce
point de vue, sur la pérennité de l’occupation israélienne des territoires palestiniens
notamment lorsqu'elles annoncent que le peuple juif détient le droit exclusif et indiscutable
sur l'ensemble d'Eretz Israël (la Palestine et le plateau du Golan ), ou que « les Juifs ont des
droits exclusifs et inaliénables sur toutes les parties de la terre d’Israël, y compris le Golan
syrien et la ‘‘Judée’’ et la ‘‘Samarie’’»49 ainsi que l'intention du gouvernement de
promouvoir et de développer la colonisation en Cisjordanie.
La violation du principe de temporalité détermine l'illégalité d'une occupation au regard du
droit international humanitaire et du jus ad bellum. À la lumière de ce qui précède, le droit de
la responsabilité internationale impose à Israël l'obligation de mettre fin à ses actions illégales,
de retirer sa présence militaire et civile du territoire occupé50.
IV-3- L’OBLIGATION POUR ISRAËL DE RESPECTER LES RÈGLES APPLICABLES DANS LES
TERRITOIRES OCCUPÉS
II-1-3-1- L’applicabilité du Droit International Humanitaire
La question de l’Assemblée Générale s’agissant d’examiner « le droit » et les conséquences
de l’occupation israélienne au regard du Droit International Humanitaire, le Droit
international des Droits de l’Homme, et les résolutions pertinentes de l’Assemblée générale,
du Conseil de sécurité, et du Conseil de des droits de l’Homme n’est pas limitative mais
suggère le champ d’application du droit pertinent en l’espèce.
La définition de l’occupation en droit international humanitaire repose largement sur des
éléments de fait. Selon la définition qui en donne l’article 42 du règlement de La Haye de
1907 : « Un territoire est considéré comme occupé lorsqu’il se trouve placé sous l’autorité de
l’armée ennemie. L’occupation ne s’étend qu’aux territoires de cette autorité est établie et en
mesure de s’exercer ».
Dès lors, il est incontestable que l’occupation militaire n’entraine pas de transfert à l’Etat
occupant de la souveraineté d’un Etat auquel correspond la souveraineté légitime d’un
territoire. Il détient seulement des pouvoirs limités et temporaires lui permettant de gérer le
territoire occupé.
Le droit de l’occupation comprend les règles de droit international coutumier consacrées
notamment par le règlement de La Haye de 1907 et la quatrième Convention de Genève. La
Palestine est aujourd’hui, État partie aux Quatre Conventions de Genève et au premier
Protocole additionnel depuis le 10 avril 2014.
47https://www.ohchr.org/en/press-releases/2017/10/israel-must-face-new-international-legal-push-end-illegal-occupation
48https://www.adalah.org/uploads/uploads/Guiding_principles_government.pdf
49https://information.tv5monde.com/international/israel-benjamin-netanyahu-presente-un-programme-encourageant-lacolonisation-
en
50Conseil de sécurité, Résolution 242 ,22 Novembre 1967, op.cit.
31
Israël est réticent à admettre l’applicabilité des règles du Droit International Humanitaire et
donc de la quatrième Convention de Genève aux territoires occupés51 et préfère parler de
« territoires disputés » ou d’« application de facto et non de jure de la IVe Convention ».
Toujours en ce qui concerne le Droit International Humanitaire, bien qu’Israël ne soit pas un
État partie à la quatrième Convention de La Haye de 1907 – à laquelle est annexé le règlement
relatif aux lois et coutumes de la guerre sur terre – la Cour Internationale de Justice a
considéré que ses dispositions ont un caractère coutumier et les règles inhérentes au régime de
l’occupation fixées par cette Convention sont donc applicables à Israël 52.
De ce fait, les dispositions du règlement de La Haye de 1907 ont acquis un caractère
coutumier et certaines de ces dispositions, notamment la Section III est particulièrement
pertinente dans le cas d’espèce.
L'article 42 du Règlement de La Haye dispose que « [l]e territoire est considéré comme
occupé lorsqu'il est effectivement placé sous l'autorité de l'armée ennemie. L'occupation ne
s'étend qu'au territoire où cette autorité a été établie et peut être exercée ». Une occupation
belligérante a également été considérée comme établie lorsqu'un territoire est placé sous le
contrôle effectif des forces armées d'un État étranger.
Le fait qu'un contrôle effectif soit ou non établi sur un territoire donné détermine le début et la
fin d'une occupation belligérante et, par conséquent, l'applicabilité du Droit International
Humanitaire, en particulier le droit de l'occupation - le Règlement de La Haye53, la quatrième
Convention de Genève54, le Protocole additionnel55 et le droit international coutumier qui s'y
rapporte.
Les personnes protégées qui se trouvent en territoire occupé ne doivent pas être privées, des
droits qui leur sont reconnus en vertu du Droit International Humanitaire et du Droit
International des Droits Humains.
Comme l’avait rappelé l’Algérie, dans son exposé oral dans le cadre de la procédure
consultative relative à la requête concernant l’édification du mur en février 200456, « la
position juridique d’Israël consiste à nier l’applicabilité de la quatrième Convention de
Genève de 1949 », s’appuyant sur sa non-incorporation dans le droit interne israélien.
Cependant, « sa non-incorporation n’empêche pas son inapplicabilité », notamment au regard
du droit international conventionnel et du principe « d’exécuter de bonne foi les traités
auxquels ils ont librement souscrit », conformément à l’article 26 de la Convention de Vienne
sur le Droit des Traités.
51 La Cour suprême d’Israël ne parle jamais de « territoires occupés », ni d'« occupation », mais de « possession
belligérante » (tfisah lohmatit) et de « zone » (ha-Ezur).
52CIJ, avis sur l’édification du mur, op.cit., para 89.
53 Hague Regulations, Articles 42–56.
54 Fourth Geneva Convention, Articles 47‒78.
55 Additional Protocol i, Articles 14, 63, 69, 85(4) (a).
56CIJ, exposé oral de l’Algérie dans le cadre de la procédure consultative relative à la requête concernant l’édification du mur
en février 2004, p. 37.
32
De plus, un grand nombre de règles de la Convention du 12 août 1949 sont d’application
directe57 et qu’elles n’ont pas besoin d’une incorporation pour être exécutées, et notamment la
section trois de la troisième partie de la quatrième Convention qui porte sur « les territoires
occupés ».
L’Algérie tient à préciser et à rappeler que le « noyau dur du Droit International
Humanitaire » est composé de « principes intransgressibles qui s’imposent à tous les États
»58, formule utilisée par la Cour Internationale de Justice dans son avis du 8 juillet 1996. Dans
le même sens, le Tribunal Pénal pour l’ex-Yougoslavie, dans sa décision Kupreskic, a estimé
que « la plus part des normes de Droit International Humanitaires sont des impératives du
droit international ou jus cogens, c’est-à-dire impérieuses et qu’on n’y saurait y déroger »59.
Et comme l’a formulé le juge Higgins, dans son opinion individuelle, « les obligations que
celui-ci (le Droit International Humanitaire) impose sont absolues, notamment, la protection
des civils qui demeure une obligation intransgressible du Droit International
Humanitaire »60.
En vertu du Droit International Humanitaire, les situations d'occupation sont officiellement
classées comme des conflits armés internationaux, c'est-à-dire des confrontations armées
entrent deux ou plusieurs États.61 Outre le Droit International Humanitaire, le droit relatif aux
droits de l'Homme62reste applicable dans les situations d'occupation.
En conséquence, une puissance occupante doit garantir aux membres de la population locale
l'ensemble des droits qu'elle est en droit d'exiger en vertu du droit international63.
II-3-2- Le droit applicable à la Cisjordanie en tant que « territoire occupé »
Bien qu’Israël ne définisse pas la Cisjordanie comme un « territoire occupé » en raison de
l'absence « supposée » d'une ancienne puissance souveraine avant 1967, date à laquelle il en a
pris le contrôle. En conséquence, Israël rejette l'applicabilité de jure du droit de l'occupation et
prétend appliquer de facto les « dispositions humanitaires » de la Quatrième Convention de
Genève64.
L’Algérie réfute largement cette position et en s’appuyant notamment sur le rappel historique
que le Juge Kooijams, avait présenté dans son opinion individuelle rendue dans le cadre de
l’avis de la Cour sur l’édification du Mur, et qui précise que « la Cisjordanie avait été placée
par la Jordanie sous sa souveraineté, revendication qui n’a été abandonnée qu’en 1988 »65.
57CIJ, exposé oral de l’Algérie février 2004, op.cit.p. 39.
Voir également : Pierre-Yves FUX et Mirko ZAMBELLI, Mise en oeuvre de la Quatrième Convention de Genève dans les
territoires palestiniens occupés, RICR, Septembre IRRC SEPTEMBER 2002, Vol. 84 N°847.
58 CIJ, licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, avis consultatif du 8 juillet 1996, para 79 .
59 Tribunal Pénal pour l’ex-Yougoslavie, décision Kupreskic, 14 janvier 2000, paras 519-520.
60Opinion individuelle, CIJ, avis consultatif sur l’édification du mur, op.cit., para 19.
61 Fourth Geneva Convention, Article2; ICTY, Prosecutor v Tadić, Appeals Chamber, Decision on the Defence Motion for
Interlocutory Appeal on Jurisdiction, it-94-1, 2 October 1995, para 70.
62ICJ, Armed Activities on the Territory of the Congo (Democratic Republic of the Congo vs Uganda) (Judgement) ICJ
Reports 168 (2005) para. 216.
63ICJ, Legal Consequences of the Construction of a Wall in the Occupied Palestinian Territory (Advisory Opinion) ICJ
Reports 136 (2004) paras. 106‒113 ; UN Human Rights Committee, Concluding Observations on the Fifth Periodic Report of
Israel, ccpr/c/isr/co/5, 30 March 2022, para 7(b).
64ICJ, Legal Consequences of the Construction of a Wall in the Occupied Palestinian Territory (Advisory Opinion) ICJ
Reports 136 (2004) paras. 90 and 93.
65Opinion individuelle du juge Kooijmans, Legal Consequences of the Construction of a Wall in the Occupied Palestinian
Territory (Advisory Opinion) ICJ Reports 136 (2004), para. 8.
33
Et comme l'indique le commentaire du Comité International de la Croix-Rouge66« le statut
juridique de l'occupation ne requiert pas l'existence d'un occupant légitime antérieur sur le
territoire en question ».
En effet, et selon le CICR « le statut incertain d’un territoire ne fait pas obstacle à
l’applicabilité des règles de la Quatrième Convention, y compris celles relatives aux
territoires occupés. Pour que la Quatrième Convention s’applique, il suffit que l’État dont les
forces armées ont établi un contrôle effectif sur le territoire n’en ait pas été le souverain
légitime au moment où le conflit a éclaté ». Dès lors, l’occupation existe dès qu’un territoire
est sous le contrôle effectif d’un État qui n’en est pas le souverain reconnu.
Ceci renforce encore une fois l’argument en faveur de l’applicabilité de la quatrième
Convention de Genève dès le moment de l’occupation de la Cisjordanie par Israël en 1967.
Par conséquent, la Cisjordanie, dès 1967, est un territoire occupé d’une des hautes parties
contractantes au sens de la Quatrième Convention de Genève dont la Jordanie et Israël sont
toutes deux parties.
En outre, et malgré l'opposition persistante d'Israël67, la Cour Internationale de Justice et
divers organes des Nations Unies chargés des droits de l'Homme68 ont reconnu que l'ensemble
des obligations d'Israël au titre des traités relatifs aux droits de l'Homme continuaient de
s'appliquer à sa conduite en Cisjordanie.
La Cour Internationale de Justice69, le Conseil de sécurité des Nations-Unies70 et la Cour
suprême israélienne71 ont tous qualifié la Cisjordanie de territoire occupé dans lequel le
règlement de La Haye et la Quatrième Convention de Genève s'appliquent.
La Cour Internationale de Justice a d’ailleurs reconnu que « l’ensemble des territoires
occupés, les territoires situés entre la Ligne Verte et l’ancienne frontière orientale de la
Palestine sous mandat, y compris Jérusalem-Est, occupé depuis 1967 … demeurent des
territoires occupés et Israël conserve la qualité de puissance occupante »72 .
L’Algérie rappellera donc, de ce fait, que les règles et principes pertinents en l’espèce figurent
dans la Charte des Nations-Unies, certains traités internationaux, le droit international
coutumier, le règlement de La Haye de 1907, la Quatrième Convention de Genève de 1949,
ainsi que les résolutions pertinentes adoptées par l’Assemblée Générale, le Conseil de
Sécurité et le Conseil des droits de l’Homme, et sont, applicables dans les territoires
palestiniens occupés.
66CICR, Convention (I) de Genève pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en
campagne, 12 août 1949.Commentaire de 2016, Para. 324.
67 Government of Israel, Fifth Periodic Report Submitted by Israel under Article 40 of the Covenant Pursuant to the Optional
Reporting Procedure, 30 October 2019, paras. 23–26
68ICJ, Legal Consequences of the Construction of a Wall in the Occupied Palestinian Territory (Advisory Opinion) ICJ
Reports 136 (2004) paras 106–113; UN Committee against Torture, Concluding Observations on the Fifth Periodic Report of
Israel cat/c/isr/5, 16 February 2015, paras. 8–9; UN Committee on the Elimination of Discrimination against Women,
Concluding Observations on the Sixth Periodic Report of Israel, CEDAW/C/ISR/6, 14 July 2017, paras. 14–15; UN
Committee on Economic, Social and Cultural Rights, Concluding Observations on the Fourth Periodic Report of Israel,
E/C.12/ISR/4, 14 January 2019, paras. 9‒10; UN Human Rights Committee, Concluding Observations on the Fifth Periodic
Report of Israel, CCPR/C/ISR/CO/5, 30 March 2022, para. 7(b).
69 Ibid. paras. 89 and 101.
70UNSC Resolution 2334 (23 December 2016).
71HCJ 393/82, Jam’iat Iscan Al-Ma’almoun v IDF Commander in the Judea and Samaria Area (28 December 1983); HCJ
7015/02, Ajuri vs The Commander of IDF Forces in the West Bank (3 September 2002).
72ICJ, Legal Consequences of the Construction of a Wall in the Occupied Palestinian Territory (Advisory Opinion) ICJ
Reports 136 (2004), para. 78.
34
Israël, en tant que puissance occupante, a manqué encore une fois aux obligations qui lui
incombent en vertu des dispositions du droit pertinent en la matière.
IV-3-3- La situation particulière de la bande de Gaza
L'une des violations les plus notables du Droit International Humanitaire est le blocus de
Gaza, bande terrestre densément peuplée qui fait partie intégrante du territoire palestinien. Le
bouclage et le blocus terrestre, maritime et aérien de Gaza, qui constituent une peine
collective73, sont entrés dans leur seizième année, et continuent d’avoir des répercussions
extrêmement néfastes sur la liberté de circulation et sur l’exercice des droits économiques,
sociaux et culturels, y compris les droits à un niveau de vie suffisant, à la santé, à l’éducation,
au travail et à la vie de famille74.
Le blocus a notamment pour conséquence de restreindre considérablement l'accès des
Palestiniens à des produits essentiels tels que la nourriture, l'eau, le carburant, les
médicaments, les matériaux de construction et d'autres biens essentiels. Le blocus a eu
également des conséquences désastreuses sur la vie quotidienne des Palestiniens de Gaza,
entraînant une grave crise humanitaire et sanitaire.
Le blocus a aussi empêché les Palestiniens de quitter la bande de Gaza, ce qui a coupé les
liens familiaux et sociaux et a rendu difficile l'accès à l'éducation et aux soins médicaux. Par
exemple, pour l’accès aux services de santé spécialisés non disponibles à Gaza, les patients
concernés doivent obtenir d’Israël une autorisation de sortie pour pouvoir bénéficier de soins
critiques, parfois d’importance vitale.
De plus, dans le cadre du bouclage de Gaza, les autorités israéliennes ont cherché à
« différencier »75 leurs approches politiques à l’égard de Gaza et de la Cisjordanie, notamment
en imposant des restrictions plus importantes à la circulation des personnes et des biens de
Gaza vers la Cisjordanie, et à promouvoir la séparation entre ces deux parties du territoire
palestinien occupé. L’armée israélienne a publié une « Procédure d’installation dans la bande
de Gaza par les habitants de Judée et Samarie »76, qui indique qu’« en 2006, une décision a
été prise d’introduire une politique de séparation entre la zone de Judée et Samarie [la
Cisjordanie] et la bande de Gaza à la lumière de la montée en puissance du Hamas dans la
bande de Gaza. La politique actuellement en vigueur vise explicitement à réduire les
déplacements entre ces zones. »
La bande de Gaza est également le théâtre d’hostilités répétées et de nombreux incidents
mettant en évidence des violations du Droit International Humanitaire par Israël. En effet, au
fil des années, Israël a mené plusieurs opérations militaires majeures dans la Bande de Gaza,
dont certaines ont été marquées par le ciblage délibéré de civils et d'infrastructures civiles, et
les bombardements de zones résidentielles densément peuplées. Des attaques aériennes et
terrestres ont ainsi entraîné des pertes en vies humaines parmi la population civile, y compris
des femmes et des enfants, ainsi que des dégâts matériels considérables aux habitations, aux
écoles, aux hôpitaux et aux infrastructures essentielles.
73 A/HRC/46/63, par. 7 ; A/HRC/37/38, par. 4 ; A/HRC/34/36, par. 36.
74 Voir A/73/420.
75 https://gisha.org/UserFiles/File/LegalDocuments/54868_response_excerpt_ENG.pdf
76https://www.gov.il/BlobFolder/policy/procedureforsettlingresidentstaffinginthegazastrip/he/%D7%A0%D7%95%D7%94%
D7%9C%20%D7%94%D7%A9%D7%AA%D7%A7%D7%A2%D7%95%D7%AA%20%D7%AA%D7%95%D7%A9%D7
%91%20%D7%90%D7%99%D7%95%D7%A9%20%D7%91%D7%A8%D7%A6%D7%95%D7%A2%D7%AA%20%D7
%A2%D7%96%D7%94.pdf ( document disponible en hébreu)
35
Le principe de distinction, énoncé dans les Conventions de Genève, exige que les parties en
conflit distinguent en tout temps entre les civils et les combattants, et qu'elles prennent toutes
les précautions possibles pour épargner les civils et les biens de caractère civil. Le non-respect
de ce principe, notamment l'interdiction de la destruction sans nécessité de biens civils,
constitue une violation du Droit International Humanitaire.
De plus, l'usage excessif de la force par les forces israéliennes lors des manifestations à la
frontière de Gaza a également été critiqué par les organisations de défense des droits de
l'Homme. Des tirs à balles réelles sur des manifestants non-armés ont entraîné un grand
nombre de morts et de blessés. Le Droit International Humanitaire exige que l'usage de la
force soit proportionné et nécessaire en réponse à une menace imminente.
En tout état de cause, Israël reste une puissance occupante au sens du droit humanitaire
international, malgré le retrait de ses forces militaires et de ses colonies du territoire en
200577. De ce fait, Israël a l’obligation de respecter les droits humains des Palestiniens vivant
à Gaza, notamment leur droit à la liberté de circulation dans l’ensemble du territoire
palestinien occupé et à l’étranger, qui concerne à la fois le droit de quitter un pays et le droit
d’entrer dans son propre pays.
Israël est également tenu de respecter les droits des Palestiniens pour lesquels la liberté de
circulation est une condition préalable, par exemple les droits à l’éducation, au travail et à la
santé. Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a précisé dans son observation
générale sur l’article 1278, que « si les États peuvent restreindre la liberté de circulation pour
des raisons de sécurité ou pour protéger la santé publique, l’ordre public et les droits
d’autrui, ces restrictions doivent être proportionnées et « ne doivent pas porter atteinte à
l’essence même du droit ; le rapport entre le droit et la restriction, entre la règle et
l’exception, ne doit pas être inversé ».
Les violations du Droit International Humanitaire commises par Israël dans la bande de Gaza
peuvent entraîner des conséquences juridiques importantes. Les individus responsables de
crimes de guerre, de crimes contre l'humanité ou d'autres violations graves du droit
international doivent être tenus personnellement responsables devant les tribunaux
internationaux.
Ces violations soulèvent des questions graves quant au respect des obligations découlant du
droit international. Outre l’appel récurrent à l'établissement de la vérité, à la protection des
droits des victimes et à l'application du droit international, ces violations du Droit
International Humanitaire par Israël dans la bande de Gaza ont été condamnées par de
nombreuses organisations internationales, dont l'ONU et l'Union européenne. Ces
organisations ont appelé Israël à mettre fin au blocus, à cesser les frappes aériennes sur des
cibles civiles et à traiter les prisonniers palestiniens conformément au Droit International
Humanitaire.
77 Benny Avni, The O Word: Is Gaza Occupied Territory?, N.Y. SUN, Feb.11, 2008, http://www.nysun.com/foreign/o-wordis-
gaza-occupied-territory/71079/
78 Comité des droits de l’Homme, OBSERVATION GÉNÉRALE No 27 (67) , Liberté de circulation (article 12), 18octobre
1999
36
Par ailleurs, l’ancienne Procureure de la CPI, Mme Fatou Bensouda, a annoncé le 20 décembre
2019 que l’examen préliminaire de la situation en Palestine avait permis d’établir que des
crimes de guerre avaient été commis dans les territoires palestiniens occupés et que tous les
critères fixés par le Statut de Rome pour l’ouverture d’une enquête étaient remplis.
Deux ans après, en février 2021, la Cour Pénale Internationale (CPI) décide d’enquêter sur les
crimes commis par Israël au cours de la guerre de l’été 2014 sur Gaza, lors de la répression de
la marche du retour en 2018 et au sujet de la colonisation des territoires palestiniens occupés.
A ce jour, les conclusions de cette enquête n’ont pas été rendues publiques.
V- LES VIOLATIONS DU DROIT INTERNATIONAL DES DROITS DE L’HOMME
Le second corpus juridique invocable concerne le Droit International des Droits de l’Homme
et l’application de certaines conventions relatives aux droits de l’Homme dans le territoire
palestinien occupé.
Israël est partie à sept79 des principaux traités universels relatifs aux droits de l'Homme, il a
ratifié les principaux instruments relatifs aux droits de l'Homme : en 1979, il a ratifié la
Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale de
1965 ; en 1991, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 (PIDCP), le
Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), le Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), la Convention sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) de 1979,
la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
(CAT) de 1984, la Convention relative aux droits de l'Enfant (CRC) de 1989, et, en 2012, la
Convention relative aux droits des personnes handicapées de 2008.
Les obligations d’Israël en matière de droits de l’Homme dans le Territoire palestinien occupé
découlent de la compétence et du contrôle effectif qu’il exerce en tant que Puissance
occupante. Et ce, comme l’a déclaré la Cour internationale de Justice en 2004, en tant que
Puissance occupante, « Israël exerce une juridiction territoriale sur le Territoire palestinien
occupé et est donc, à ce titre, lié par des obligations en matière de droits de l’Homme à
l’égard de la population locale »80 .
Les organes des traités relatifs aux droits de l'Homme qui surveillent la mise en oeuvre des
traités relatifs aux droits de l'Homme ont également soutenu que ces instruments lient Israël
dans ses actions dans les Territoires occupés81, en tant que puissance occupante.
79 International Covenant on Civil and Political Rights (entered into force 23 March 1976) 999 UNTS 171 (ICCPR);
International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights (entered into force 3 Jan 1976) 993 UNTS 3 (ICESCR);
Convention Against Torture and Other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishment (entered into force 26 June
1987) 1465 UNTS 85 (CAT); International Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination (entered
into force 4 Jan 1969) 660 UNTS 195; Convention on the Elimination of All Forms of Discrimination Against Women
(entered into force 3 Sept 1981) 1249 UNTS 13; Convention on the Rights of the Child (entered into force 2 Sept 1990) 1577
UNTS 3 (CRC); Convention on the Rights of Persons with Disabilities, UNGA Res 61/106 (24 Jan 2007) UN Doc
A/RES/61/106 (2007).
80 Voir Conséquences juridiques de l’édification d’un mur (par. 110 à 113)
81 Human Rights Committee, Concluding Observations on the Fourth Periodic Report of Israel (21 Nov
2014) CCPR/C/ISR/CO/4, para 5; Committee on Economic, Social and Cultural Rights, Concluding Observations on Fourth
Periodic Report of Israel (12 Nov 2019) E/C.12/ISR/CO/4, para. 9; Committee on the Elimination of Racial Discrimination,
Concluding Observations on the Combined Seventeenth to Nineteenth Reports of Israel (27 Jan 2020) UN Doc
CERD/C/ISR/CO/17-19, paras. 8–9.
37
Israël a contesté l’application de ses obligations en matière de droits de l’Homme à l’extérieur
de son territoire national82, et rejette également leur co-applicabilité avec le Droit
International Humanitaire83.
Cependant, leur application dans le Territoire palestinien occupé (à savoir en Cisjordanie, y
compris Jérusalem-Est, et dans la bande de Gaza) a sans cesse été affirmée dans les
résolutions pertinentes de l’Assemblée générale84, dans des rapports du Secrétaire général85 et
du Haut-commissaire aux droits de l’Homme86, et par divers organes conventionnels.
Israël conteste l’application du Droit International des Droits de l’Homme, arguant qu’il ne
peut s’appliquer en temps de conflit armé. Dès lors, il rejette l’application du Pacte relatif aux
droits civils et politiques et du pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de
1966, en soulignant que leur application est de la responsabilité du gouvernement au pouvoir
en Cisjordanie et à Gaza.
Israël précise que « le Droit Humanitaire est le type de protection qui convient dans un conflit
tel que celui qui existe en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, tandis que les instruments
relatifs aux droits de l’Homme ont pour objet d’assurer la protection des citoyens vis-à-vis de
leur propre gouvernement en temps de paix »87. La Cour a écarté cet argument considérant –
et il s’agit de sa jurisprudence constante – que les conventions relatives aux droits de
l’Homme continuent de s’appliquer en temps de conflit armé88, sauf dans les cas où des
clauses dérogatoires s’appliqueraient.
La Cour Internationale de Justice a également fait observer que les obligations qui incombent
à Israël en vertu du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
comprenaient l’obligation « de ne pas faire obstacle à l’exercice de tels droits dans les
domaines où la compétence a été transférée à des autorités palestiniennes »89.
Pour l’Algérie une situation de conflit armé ou d’occupation ne libère pas un État de ses
obligations en matière de droits de l’Homme90, rappelant que l’applicabilité simultanée du
Droit International des droits de l’Homme et du Droit International Humanitaire dans une
situation de conflit armé ou d’occupation a été confirmée à de nombreuses reprises par les
organes de Traités chargés des droits de l’Homme, notamment par le Comité des droits de
l’Homme, dans les observations finales91 concernant le cinquième rapport périodique d’Israël,
82 E/C.12/1/Add.27 (par. 8). Voir aussi CIJ, avis consultatif, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur (par. 112).
83 Human Rights Committee, Concluding Observations on the Fourth Periodic Report of Israel, Addendum, Information
Received from Israel on Follow-Up to the Concluding Observations (9 Feb 2017) UN Doc CCPR/C/ISR/CP/ 4/Add.1, para 1;
Committee on Economic, Social and Cultural Rights, Replies of Israel to the List of Issues (27 Aug 2019) UN Doc
E/C.12/ISR/Q/4/Add.1, para 9; Committee on the Elimination of Discrimination against Women, Sixth Periodic Report of
States Parties Due in 2017, Israel (15 June 2017) UN Doc CEDAW/ C/ISR/6, para 8; Committee on the Elimination of Racial
Discrimination, Summary Record of the 2788th meeting, UN Doc CERD/C/SR.2788 (10 Dec 2019); Committee on the
Rights of the Child, List of Issues to be Taken up in Connection with the Consideration of the Combined Second, Third and
Fourth Periodic Reports of Israel (CRC/C/ISR/2-4) Addendum, Written Replies of Israel, Reply to the Issues Raised in part I,
(22 May 2013), para 2(c); Committee Against Torture, Fifth Periodic Reports of States Parties Due in 2013, UN Doc
CAT/C/ISR/5. (16 Feb 2015) Question no 7.
84 Assemblée Générale, Résolution 71/98.
85 A/69/348 (par. 5) et A/HRC/28/44 (par. 6).
86 A/HRC/8/17 (par. 7) et A/HRC/12/37 (par. 5 et 6).
87 CIJ, avis sur l’édification du mur de 2004, op.cit.
88 CIJ, Affaire des activités armées sur le territoire du Congo, Arrêt, 19 décembre 2005.
89 Ibid. (par. 112).
90 Voir, par exemple, la résolution 71/98 de l’Assemblée générale; A/69/348, par. 5 ; A/HRC/8/17, par. 7 ; A/HRC/12/37, par.
5 et 6 ; A/HRC/28/44, par. 6 ; A/HRC/34/38, par. 7.
91 CCPR/C/ISR/CO/5, par. 7.
38
ainsi que par la Cour Internationale de Justice qui précise que « la protection offerte par les
conventions régissant les droits de l’Homme ne « cessait » pas en cas de conflit armé, si ce
« n’était » par l’effet de clauses dérogatoires92.
Et comme l’a développé la Commission internationale indépendante dans son rapport de
202293 : « Pour ce qui est des débiteurs d’obligations, elle estime … que tous les territoires
qui demeurent sous occupation militaire israélienne et, partant, qu’Israël est le principal
débiteur d’obligations dans ces territoires, … étant donné que ceux-ci relèvent de la
juridiction d’Israël en tant que Puissance occupante et qu’ils sont placés sous son contrôle
effectif et que les obligations internationales d’un État en matière de droits de l’Homme ont
une portée extraterritoriale ».
Par conséquent, Israël est tenu de respecter les conventions relatives aux droits de l’Homme et
aux règles coutumières, qui sont obligatoires dans certains cas et ont le caractère de règles de
droit impératives.
Sans être exhaustive, l’Algérie entend présenter dans ce qui suit une liste de politiques et
pratiques attestant qu’Israël viole de manière permanente et délibérée les droits de l’homme
du Peuple Palestinien.
V-1- LES MESURES ISRAÉLIENNES « VISANT À MODIFIER LA COMPOSITION
DÉMOGRAPHIQUE » VIOLENT DE MANIÈRE PERSISTANTE LES DROITS DU PEUPLE
PALESTINIEN
L’un des principes fondamentaux du droit applicable aux occupations belligérantes est que la
Puissance occupante doit protéger les intérêts fondamentaux de la population sous occupation,
ce qui passe notamment par l’interdiction du transfert de sa propre population civile dans le
territoire qu’elle occupe94. L’article 49 de la Quatrième Convention de Genève vise à
empêcher la Puissance occupante de transférer une partie de sa propre population dans un
territoire occupé pour des raisons politiques ou raciales ou pour coloniser ce territoire95.
Cependant, depuis le début de l’occupation, Israël a adopté une série de politiques et mesures
ayant pour objectifs de « modifier la composition démographique » des territoires occupés.
Cette entreprise, qui est contraire au droit international, constitue le principal moteur de son
occupation prolongée, et de sa politique de peuplement israélien.
L’Algérie envisage d’aborder la question des « mesures israélienne visant à modifier la
composition démographique » à travers certaines illustrations de pratiques israélienne
entreprises depuis le début de la colonisation et qui constituent des violations flagrantes du
droit international.
92 CIJ, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le Territoire palestinien occupé, op.cit., p. 177 et 178, par. 102
à 106.
93 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris
Jérusalem-Est, et en Israël, 9 mai 2022, A/HRC/50/21, para 22, p.6
94 Quatrième Convention de Genève, art. 27 et 49
95 Voir CICR, commentaire de 1958 sur l’article 49 de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles
en temps de guerre.
39
V-2- LA CONSTRUCTION ET L’EXTENSION DES IMPLANTATIONS ISRAÉLIENNES
La construction et l’extension des implantations israéliennes en Cisjordanie constituent une
violation importante du droit de l’occupation. L’extension continue des implantations96 est au
coeur de nombreuses violations des droits de l’Homme du peuple palestinien.
Dès les premières années d’occupation, Israël a mis en oeuvre une politique d’implantations
illégales dans le Territoire palestinien occupé. Actuellement, la Cisjordanie compte au total au
moins 590 000 colons97 (environ 386 000 répartis entre quelque 130 implantations dans la
zone C et 208 000 à Jérusalem-Est)98, ce qui signifie que la population des implantations a
plus que doublé depuis le début du processus d’Oslo en 199399.
Les accords d'Oslo conclus entre Israël et l'OLP prévoyaient que la question des colonies
serait traitée dans le cadre des négociations sur le statut permanent qui devaient être conclues
dans les cinq ans. Alors que l'accord intérimaire signé en septembre 1995 stipulait qu'aucune
des parties ne prendrait de mesures susceptibles de modifier le statut de la Cisjordanie et de la
bande de Gaza100.
La rupture des négociations sur le statut permanent à Camp David en juillet 2000, a permis à
Israël d’intensifier et de développer sa politique d’implantation de colonies.
Selon les différents rapports publiés par le bureau du Haut-commissariat des droits de
l’Homme, Israël aurait dépensé plusieurs milliards de dollars pour construire des colonies et
les infrastructures y afférentes : routes, systèmes de distribution et d’assainissement de l’eau,
systèmes de communication et d’électricité, systèmes de sécurité et établissements
d’enseignement et de soins de santé101.
L’un des principes fondamentaux du droit applicable aux occupations belligérantes est que la
Puissance occupante doit protéger les intérêts fondamentaux de la population sous occupation,
ce qui passe notamment par l’interdiction du transfert de sa propre population civile dans le
territoire qu’elle occupe102.
En ce sens, l'entreprise de colonisation en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, doit être
comprise non seulement comme une violation des obligations d'Israël en vertu du Droit
International des droits de l'Homme, ou comme une grave violation de l'article 49(6) de la
Quatrième Convention de Genève, qui interdit à la puissance occupante de transférer sa
propre population dans le territoire occupé. La construction et l’extension des implantations
israéliennes en Cisjordanie constituent également un crime de guerre conformément au Statut
de la Cour Pénale Internationale de Rome et devraient être interprétées comme une entreprise
96 Voir A/HRC/34/39 et A/71/355 (par. 34).
97 Peace Now, ‘Data on Settlements’, http://peacenow.org.il/settlements-watch/matzav/population.
98https://www.ohchr.org/fr/news/2023/03/human-rights-council-hears-current-israeli-plan-double-settlerpopulationoccupied#:~:
text=Christian%20Salazar%20Volkmann%2C%20a%20indiqu%C3%A9,%C3%A0%20plus%20de%
20700%20000.
99 Rapport du Quatuor pour le Moyen-Orient de juillet 2016, p. 4. Disponible à l’adresse :
www.un.org/News/dh/infocus/middle_east/Report-of-the-Middle-East-Quartet.pdf
100 ‘Facts on the Ground since the Oslo Agreement, September 1993’ (4 Dec 2000) 7 Palestine-Israel Journal of Politics,
Economics and Culture, http://www.pij.org/details.php?id=269
101 Yesh Din, Plundered Pastures: Israeli Settler Shepherding Outposts in the West Bank and Their Infringement on
Palestinians’ Human Rights, document de position, December 2021
Voir aussi: Peace Now, ‘Data on Settlements’, http://peacenow.org.il/settlements-watch/matzav/population.
102 Quatrième Convention de Genève, art. 27 et 49
40
coloniale qui « empêche la réalisation du droit des Palestiniens à l'autodétermination » et
poursuit délibérément « la « dépalestinisation »103 du territoire occupé ».
Poursuivant l’extension de sa population, Israël a même considéré les colonies comme une
"valeur nationale" en vertu de la Loi fondamentale de l'État-nation juif de 2018104, faisant
partie d’un plan pensé et élaboré dès 1947 et ce, comme il est explicité par la fédération
sioniste mondiale : «il nous faut désormais mener une course contre la montre. Pendant la
période en question, tout sera déterminé principalement par les faits que nous établirons dans
ces territoires, plutôt que par toute autre considération. C’est donc le meilleur moment pour
lancer une campagne de peuplement vaste et complète (...) »105.
Lorsqu’il justifie sa position officielle sur les colonies, Israël rappelle la présence juive
plurimillénaire sur le territoire et la reconnaissance dans le mandat pour la Palestine qui a été
adopté par la Société des Nations en 1922, des « liens historiques du peuple juif avec la
Palestine »106.
L’Algérie fait sienne la position palestinienne qui a dénoncé énergiquement les colonies
israéliennes, faisant observer qu’elles n’avaient aucune validité en droit, constituaient des
violations flagrantes du droit international, à savoir la Quatrième Convention de Genève, et
représentaient un obstacle majeur à la paix107.
L’expansion continue des colonies et des infrastructures connexes contribue activement à
asseoir l’occupation et rend la « solution des deux États » de moins en moins viable, de ce
fait, au cours de la dernière décennie, les Nations Unies ont « recensé 3372 incidents violents
commis par des colons. En 2022, les violences commises par les colons ont atteint le niveau le
plus élevé jamais enregistré par les Nations Unies »108.
Les autorités israéliennes ont exprimé publiquement l’intention de leur pays de rendre
irréversible la présence des colonies et d’annexer tout ou une partie de la zone C , ainsi, dans
un discours prononcé devant des colons à Elqana, le 17 mai 2022, le Premier Ministre, M.
Bennet, a souligné le caractère permanent des colonies, qui font déjà partie intégrante de
l’État d’Israël : « Avec l’aide de Dieu, nous serons également présents aux célébrations des
cinquantième, soixante-quinzième, 100e, 200e et 2000e anniversaires d’Elqana, au sein d’un
État juif uni et souverain sur la Terre d’Israël »109.
A la lumière de ces éléments, le Rapporteur Spécial des Nations-Unies sur la situation des
droits de l'Homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, dans son rapport
103 Wilde, R. Using the Master’s Tools to Dismantle the Master’s House: International Law and Palestinian Liberation, The
Palestine Yearbook of International Law Online, 22(1) (2021).
104 https://main.knesset.gov.il/EN/News/PressReleases/Pages/Pr13978_pg.aspx
105 Fédération sioniste mondiale, «Peuplement en Judée et en Samarie : stratégie, politique et plan » (voir A/36/341-S/14566,
106 Voir note du Secrétaire général sur la question de Palestine : texte du mandat (A/292). Voir également Ministère israélien
des affaires étrangères, « Israeli settlements and international law », 30 novembre 2015, disponible en anglais à l’adresse
www.gov.il/en/Departments/General/israeli-settlement-and-international-law.
107 Voir S/PV.7853
108 Conseil des droits de l’Homme, Le transfert par Israël de sa propre population dans le territoire qu'il occupe constitue un
crime de guerre, 28 mars 2023, https://www.ohchr.org/fr/news/2023/03/human-rights-council-hears-current-israeli-plandouble-
settler-populationoccupied#:~:
text=Christian%20Salazar%20Volkmann%2C%20a%20indiqu%C3%A9,%C3%A0%20plus%20de%20700%20
000.
109 Propos tenus par le Premier Ministre Bennett lors d’une visite effectuée au conseil local d’Elqana, le 17 mai 2022
41
publié en 2022110 a appelé à un "changement de paradigme" dans l'évaluation de l'occupation
israélienne du territoire palestinien, en reconnaissant son essence en tant que "régime
intentionnellement acquisitif, ségrégationniste et répressif". Sa conclusion est que l'occupation
israélienne, en tant que telle, « implique un usage illégal de la force et peut donc être
considérée comme un acte d'agression »111, qui exige sa cessation immédiate et l'octroi de
réparations.
Les implantations constituent un transfert de la population d’un État vers le territoire que
celui-ci occupe, ce qui constitue une violation du Droit International Humanitaire112. Le
caractère illégal des implantations en droit international a été confirmé par différentes
instances internationales, y compris la Cour internationale de Justice113, le Conseil de
sécurité114, l’Assemblée générale et le Conseil des droits de l’Homme115.
V-3- DÉMOLITIONS, EXPULSIONS ET RISQUE DE DÉPLACEMENTS FORCÉS DES POPULATIONS
PALESTINIENNES
En vertu du droit international, les propriétés privées situées en territoire occupé doivent être
respectées et ne peuvent pas être confisquées par la Puissance occupante116. Les procédures
d’expulsion dans ces cas comme dans les cas similaires sont fondées sur l’application de deux
lois israéliennes, la loi sur les biens des absents et la loi sur les questions juridiques et
administratives, qui sont apparemment incompatibles avec cette obligation117 . Dès lors, les
expulsions sont contraires aux obligations qui incombent à Israël en vertu du droit
international.
La façon dont Israël administre le territoire palestinien occupé est typique des pratiques
coloniales, la Rapporteur spécial des Nations-Unies, dans son rapport de 2022, précise que
« ce qui rend la situation dans le territoire palestinien occupé profondément illégale est le
déplacement illégal et intentionnel des palestiniens autochtones (et réfugiés) y habitant,
associé à l’altération du statut juridique, du caractère géographique et de la composition
démographique du territoire occupé118, par la fragmentation des terres, la saisie et
l’exploitation des ressources naturelles, et l’entrave au développement économique
palestinien, par et pour une minorité coloniale (grandissante) ».
L’Algérie entend souligner qu’en réalité, l’installation forcée de colons, de zones de
peuplement sur le terrain et l’espace des Palestiniens a servi à empêcher les Palestiniens de
jouir de leur droit à l’autodétermination119 et constitue une violation de plusieurs normes
impératives120 du droit international.
110 Assemblée Générale, Situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, 21 septembre
2022, A/77/356, para 70-71, pp22-23.
111 Ibid., para 72, p.24
112 Quatrième Convention de Genève (art. 49, al. 6).
113 CIJ, avis consultatif, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur, op.cit. (Par. 120)
114 Résolutions 2334 (2016) et 465 (1980) du Conseil de sécurité.
115 Résolution 31/36 du Conseil des droits de l’homme, et précédentes résolutions ; et déclaration du 17 décembre 2014 de la
Conférence des Hautes Parties contractantes à la quatrième Convention de Genève (par. 8).
116 Règlement de La Haye, art. 46.
117 A/75/376, par. 40-56.
118 Assemblée Générale, Situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967,
21 septembre 2022, op.cit., par. 35, p.13
119 CIJ, avis consultatif, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur, op.cit. (par. 122) ; résolution 71/247 de
l’Assemblée générale.
120 A/HRC/22/63 (par. 38).
42
Les démolitions et expulsions, auxquelles il est procédé en application du régime de
planification discriminatoire d’Israël, ont été condamnées par le Comité des droits de
l’Homme qui en a conclu que « cette pratique systématique de démolitions et d’expulsions
fondées sur des politiques discriminatoires a entraîné la séparation des populations juives et
palestiniennes dans le Territoire palestinien occupé, ce qui s’apparente à de la ségrégation
raciale121 ».
V-4- LES OPÉRATIONS ILLÉGALES DE SAISIE ET DE DESTRUCTION DE BIENS DANS LES
TERRITOIRES PALESTINIENS OCCUPÉS
La destruction de propriétés et la saisie illégale de biens en territoires occupés font parties des
éléments d’une politique israélienne de démolition de propriétés privées palestiniennes dans
les territoires palestiniens occupés depuis 1967.
La destruction de maisons, de terres agricoles et d'autres biens palestiniens dans les territoires
occupés, y compris Jérusalem-Est, est inextricablement liée à la politique de longue date
d'Israël consistant à s'approprier autant que possible les terres qu'il occupe, notamment en
créant des colonies israéliennes.
Le Comité israélien contre les démolitions de maisons a estimé qu'Israël avait détruit 49 532
structures palestiniennes en 2019122.
Dans sa politique de démolition Israël a recours à deux types de mesures, les démolitions
administratives et les démolitions punitives : officiellement, les démolitions administratives
de maisons sont effectuées pour « faire respecter les codes et réglementations du bâtiment
qui, dans les territoires palestiniens occupés, sont établis par l'armée israélienne », les
démolitions punitives de maisons consistent à démolir les maisons de Palestiniens ou de
voisins et de parents de Palestiniens soupçonnés d'actes violents contre des Israéliens.
Les démolitions punitives de maisons et l’appropriation de biens dans un territoire occupé
lorsqu’elles ne sont pas justifiées par des nécessités militaires et sont exécutées sur une grande
échelle de façon illicite et arbitraire sont considérées comme une forme de « punition
collective » et constituent des infractions graves à l’article 147 de la Convention de Genève
relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (quatrième Convention de
Genève) donc comme un crime de guerre au regard du droit international.
Il est intéressant de rappeler que Theodor Meron, conseiller juridique du ministère israélien
des Affaires étrangères, avait informé le bureau du Premier ministre israélien dans un
mémorandum secret que « les démolitions de maisons, même celles de terroristes présumés,
violaient la quatrième Convention de Genève sur la protection des civils en temps de
guerre…Entreprendre de telles mesures - comme si elles étaient dans la continuité des
réglementations d'urgence obligatoires britanniques - pourrait être utile en tant que
ʺhasbaraʺ, diplomatie publique, mais n'était juridiquement pas convaincant »123. Le
rapporteur spécial des Nations-Unies sur le logement convenable a affirmé, dans un
communiqué, que « La démolition systématique de maisons palestiniennes, l’érection de
121 CCPR/C/ISR/CO/5, par. 42.
122 « The Israeli Committee Against House Demolitions (ICAHD) ».
123 https://www.haaretz.com/opinion/2015-05-19/ty-article/.premium/israel-knew-all-along-that-settlements-wereillegal/
0000017f-e70e-d62c-a1ff-ff7f9ff80000
43
colonies israéliennes illégales et le refus systématique de permis de construire pour les
Palestiniens en Cisjordanie occupée s’apparentent à un ʺhomicideʺ»124.
Israël a également recouru à des mécanismes juridiques – la loi sur les biens des absents et les
procédures d’enregistrement des titres fonciers – pour confisquer des terres et des biens
palestiniens. Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires
palestiniens occupés depuis 1967 estime que le régime de plus en plus institutionnalisé
d’oppression raciale systématique et de discrimination à l’égard du peuple de Palestine Ces
pratiques sont utilisées comme un moyen de « judaïser des parties du territoire occupé, en
particulier Jérusalem-Est »125 .
L’Algérie rappelle que les démolitions et les expulsions forcées qu’elles entraînent donnent
lieu à de nombreuses violations des droits de l’homme, avec des effets négatifs sur les droits à
un logement convenable, à l’eau, à l’assainissement, à la santé, à l’éducation, à la vie de
famille, à la résidence et à la liberté de circulation
Les transferts forcés de populations palestiniennes peuvent en outre s’accompagner
d’infractions à d’autres dispositions du Droit International Humanitaire telles que
l’interdiction de détruire des biens privés comme publics, par exemple126.
En vertu des dispositions de la Quatrième Convention de Genève, la Puissance occupante doit
administrer les biens publics conformément aux règles de l’usufruit. Elle peut donc se servir
de ces biens et en disposer pour autant que cela n’en altère pas la substance127. Les biens
privés doivent être respectés et ne peuvent pas être confisqués128; la destruction d’un bien par
la Puissance occupante est expressément interdite par le Droit International Humanitaire129.
La saisie d’un bien ainsi que la destruction de logements, d’infrastructures et de vergers
palestiniens, dans le but d’établir, de développer et de maintenir des implantations et d’y
donner accès, constituent également des violations flagrantes des règles de l’usufruit.
Le droit international coutumier oblige la puissance occupante à respecter la propriété
privée130 et interdit la confiscation de la propriété privée par l'armée d'occupation131 . La terre
peut être expropriée en vertu du droit coutumier dans le territoire occupé, si elle est effectuée
au profit de la population locale. L'expropriation de terres privées pour l'établissement de
colonies est clairement illégale132.
La saisie de terres pour l'établissement de colonies ne peut être justifiée en tant que
réquisition133 pour un certain nombre de raisons. Premièrement, une installation civile ne
124 https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/02/un-experts-say-israel-should-be-held-accountable-acts-domicide
125 Israel/Occupied Territories: Demolition and dispossession: the destruction of Palestinian homes, p. 31
126 Quatrième Convention de Genève, art. 53 et Convention concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, art. 46.
127 Convention concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre (art. 55), Quatrième Convention de Genève (art. 53) et
Droit international humanitaire coutumier (CICR), règle 51.
128 Convention concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre (art. 46 et 56), Quatrième Convention de Genève (art.
53) et Droit International Humanitaire coutumier (CICR), règle 51.
129 Quatrième Convention de Genève (art. 53) et Droit International Humanitaire coutumier (CICR), règle 51
130 Art. 46 du Règlement de La Haye
131 Idem
132Art.52 Règlement de la Haye.
133 The concept of requisition is based on taking property for a limited period of time with the intention of returning it when
that time expires. When the property is taken for permanent use by others, the fact that at some date in the future the property
may conceivably be returned to its original owners does not mean that the owner is deprived of use of the property merely for
a limited time: Benvenisti (n° 1) 7; Cassese (n°52) 421–22
44
constitue pas un « besoin de l'armée d'occupation (installation militaire) ». Deuxièmement,
une réquisition (par opposition à la confiscation ou à l'expropriation) est son caractère
temporaire, or les terres réquisitionnées pour l’établissement des colonies de peuplement ne
sont pas temporaires134 mais visent un objectif de durée135.
L’Algérie tient à souligner que l’implantation de colonies, les déplacements forcés de
populations, la destruction et l’appropriation de biens non justifiées par des nécessités
militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire constituent une
atteinte grave à la Quatrième Convention de Genève et peuvent constituer des crimes de
guerre, conformément aux articles 49, 53 et 147 de la Quatrième Convention de Genève et
aux dispositions des articles 46 et 56 du Règlement de La Haye, et ces déplacements forcés
pourrait mettre en cause la responsabilité pénale des individus concernés136.
Dans le même sens, le Comité des droits de l’homme a estimé que « la pratique systématique
de démolitions et d’expulsions, fondée sur des politiques discriminatoires, a conduit à la
séparation des communautés juives et palestiniennes dans le Territoire palestinien occupé, qui
est constitutive de ségrégation raciale »137.
V-5- Les lois discriminatoires sur le droit au logement
Le droit au logement des Palestiniens de Jérusalem-Est a été affaibli par la loi relative aux
biens des personnes absentes138, promulguée en 1950, qui autorise la confiscation des biens
des Palestiniens dans les zones où « la loi de l’État d’Israël s’applique » si le propriétaire des
biens a fui ou se trouvait hors de cette zone après le 27 novembre 1947 139.
Depuis l’annexion illégale de Jérusalem-Est au regard du droit international, les biens
appartenant à des Palestiniens résidant en dehors de la ville ont été considérés comme des
«biens appartenant à des personnes absentes» et, dans certains cas, ont été transférés ou
vendus à des organisations de colons140. Si la loi de 1970 sur les questions juridiques et
administratives autorise les demandes de restitution de biens à Jérusalem-Est appartenant à
des personnes juives avant 1948, elle ne permet pas aux Palestiniens de revendiquer des droits
de propriété équivalents à Jérusalem-Ouest.
En appliquant la loi relative aux biens des personnes absentes et la loi sur les questions
juridiques et administratives à Jérusalem-Est, Israël abuse de l’autorité limitée qu’une
puissance occupante peut avoir selon le droit international humanitaire. Ces deux lois
semblent incompatibles avec l’obligation de respecter la propriété privée dans un territoire
occupé et de ne pas la confisquer141. En outre, les confiscations prévues par ces lois sont
uniquement fondées sur la nationalité ou l’origine du propriétaire, ce qui rend ces lois
intrinsèquement discriminatoires.
134 Voir jurisprudence de la Cour suprême israélienne : HCJ 290/89 Jouha v Military Commander in Judea and Samaria (3
July 1989).
135 Land is not expressly mentioned in Article 52, but as the Supreme Court mentioned in HCJ 606/78 Ayoub v. Minister of
Defense (15 March 1979) PD 33(2) 113, 129 (Beit El).
136 Quatrième Convention de Genève (art. 147) et Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale (art. 8 2) b) viii).
137 CCPR/C/ISR/CO/5, par. 42
138 Voir https://www.adalah.org/uploads/oldfiles/Public/files/Discriminatory-Laws-Database/English/04- Absentees-Property-
Law-1950.pdf.
139 A/75/376, par. 51, et A/70/351, par. 30 et 31.
140 A/75/376, par. 51. 107 ; voir aussi https://law.acri.org.il/pdf/unsafe-space-en.pdf, p. 35.
141 Règlement de La Haye, art. 46, et A/75/376, par. 51.
45
V-6- LES ACTES ASSIMILABLES À UNE ANNEXION, Y COMPRIS TOUTE MESURE UNILATÉRALE
QU’ISRAËL AURAIT PRISE POUR DISPOSER DE PARTIES DU TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ
COMME S’IL POSSÉDAIT LA SOUVERAINETÉ SUR CELUI-CI
En vertu du droit international, la Puissance occupante a le droit d’utiliser les ressources
naturelles d’un territoire occupé dans une mesure limitée. Au titre de l’article 55 du
Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre de 1907 (Règlement de La
Haye), la Puissance occupante ne peut agir que comme administrateur et usufruitier des
édifices publics, immeubles, forêts et exploitations agricoles. Ce faisant, elle doit sauvegarder
le fonds de ces propriétés et les administrer conformément aux règles de l’usufruit. De plus, le
pillage est interdit par les articles 28 et 47 du Règlement de La Haye, ainsi que par l’article 33
de la quatrième Convention de Genève. Cette interdiction s’applique à tous les types de biens,
que ceux-ci appartiennent à des personnes privées ou à l’État142. Le pillage est en outre un
crime de guerre au titre du paragraphe 2 b) xvi) de l’article 8 du Statut de Rome de la Cour
Pénale Internationale.
La terre est une ressource naturelle essentielle, qui fait partie intégrante de l’identité et de
l’économie palestiniennes. Actuellement, les Palestiniens peuvent mener des activités de
construction sur moins de 1% des terres de la zone C, du fait des politiques d’aménagement
israéliennes et de l’expropriation par Israël depuis 1967. Israël a exproprié des propriétaires
de leurs terres dans toute la Cisjordanie à des fins diverses, notamment pour mettre en place
des colonies, des zones industrielles, des terres agricoles et pastorales pour les colons, ainsi
que des routes, en violation du droit international143.
Lorsque des personnes quittent leur domicile du fait de cette coercition, celle-ci peut
constituer un élément du crime de déportation ou de transfert forcé de population, crime
contre l’humanité visé au paragraphe 1 d) de l’article 7 du Statut de Rome.
Par exemple, des entités quasi gouvernementales ont joué un rôle dans l’expropriation des
terres et la gestion de leur attribution aux colonies144 comme le fonds national juif, créé en
1901 pour acheter des terres dans la région et y établir des implantations juives145 . En août
2022, les médias israéliens ont rapporté que ce Fonds national juif avait voté l’allocation d’un
montant de 61 millions de shekels (16 millions de dollar) à l’acquisition de terres appartenant
à des Palestiniens dans la vallée du Jourdain, à l’intérieur d’une zone militaire d’accès
réglementé.
Israël a également utilisé des terres pour son activité industrielle et économique en créant des
zones industrielles en divers endroits de la Cisjordanie. Il a encouragé les entreprises à
transférer leurs activités dans ces zones en leur offrant des incitations financières, des permis
et des licences qui sont rarement accordés aux entreprises qui fournissent des services aux
142 Voir CICR, commentaire de 1958 sur l’article 33 de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles
en temps de guerre
143 B’Tselem, State Business : Israel’s Misappropriation of land in the West Bank through Settler Violence (Jérusalem,
novembre 2021), p. 7. Voir également B’Tselem, Land Grab, p. 47 ; Bureau de la coordination des affaires humanitaires, «
Area C of the West Bank: key humanitarian concerns », version mise à jour en août 2014.
144 Uri Blau, « From N.Y.C. to the West Bank: following the money trail that supports Israeli settlements », Haaretz, 7
décembre 2015
145 La Paix Maintenant, « Involvement of KKL-JNF and the settlement division in the settlements », p. 2.
Disponible à l’adresse http://peacenow.org.il/wp-content/uploads/2020/02/KKL_Settlement-Division-Fact-Sheet.pdf.
46
Palestiniens. Israël a pris des mesures énergiques pour dissuader les États et les entreprises de
distinguer les produits fabriqués en Israël de ceux provenant des colonies146.
Au titre des Accords d’Oslo, Israël était temporairement chargé de l’aménagement, du zonage
et du développement de la zone C. Cependant, cette responsabilité n’a toujours pas été
transférée à l’Autorité palestinienne, chose qui réduit grandement les possibilités de
développement des Palestiniens147. Israël s’est servi de son autorité en matière de planification
et de zonage pour imposer aux activités de construction des restrictions considérables qui
s’appliquent principalement aux Palestiniens, afin de limiter l’utilisation des terres par ces
derniers et de soutenir le développement des colonies.
VI- LES INCIDENCES DES POLITIQUES ET PRATIQUES ISRAÉLIENNES SUR
LE STATUT DE L’OCCUPATION
Selon le droit international, l'occupation d'un territoire par une puissance étrangère est
soumise à certaines obligations et restrictions. L'occupation doit être temporaire et liée à un
conflit armé, et elle ne doit pas impliquer l'annexion ou des changements permanents dans la
composition démographique ou le statut du territoire occupé. Elle est soumise également à
certaines obligations, telles que le respect des droits de l'Homme, du droit humanitaire et du
droit à l'autodétermination des peuples sous occupation et l'interdiction de transférer sa propre
population dans le territoire occupé.
En tant que puissance occupante, Israël est soumis aux obligations énoncées dans le Droit
International Humanitaire, en particulier les Conventions de Genève de 1949, qui établissent
les droits et les devoirs des parties occupantes. L'une de ces obligations est de respecter les
droits fondamentaux de la population occupée et de ne pas entreprendre des actions visant à
modifier de manière unilatérale le statut du territoire occupé. En se basant sur les réalités sur
le terrain, force est de constater que l'occupation israélienne se caractérise par une
prolongation indue et une expansion des colonies israéliennes dans les territoires palestiniens
occupés, ce qui soulève des questions sur le statut de l'occupation.
VI-1- L'OCCUPATION PROLONGÉE :
L’occupation prolongée par Israël du territoire palestinien, notamment en maintenant un
contrôle militaire et administratif sur les territoires palestiniens et en construisant des colonies
de peuplement israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, est considérée comme illégale
par le droit international et par la communauté internationale dans son ensemble qui s’est
exprimée à ce sujet à travers des résolutions des Nations unies.
Ces colonies violent le Droit International Humanitaire, en particulier la Quatrième
Convention de Genève, qui interdit le transfert de population civile dans les territoires
occupés. Elle crée des obstacles à la réalisation du droit à l'autodétermination du peuple
palestinien et limite la souveraineté et l'autonomie de l'Autorité palestinienne et affecte la vie
quotidienne des Palestiniens.
146 Middle East Monitor, « Israel threatens Norway with “adverse” impact following change in settlement labels», 13 June
2022.
147 Voir Bureau de la coordination des affaires humanitaires, Special Focus, « Restricting space: the planning regime applied
by Israel in Area C of West Bank », décembre 2009. Voir Bureau de la coordination des affaires humanitaires, «Area C of the
West Bank: key humanitarian concerns », mise à jour d’août 2014 ; TD/B/EX(71)/2, par. 33.
Voir également, Bureau de la coordination des affaires humanitaires, « Humanitarian Bulletin: January-May
2021 ». Disponible à l’adresse https://www.ochaopt.org/content/humanitarian-bulletin-januarymay-2021.
47
Les mesures visant à modifier la composition et la distribution démographiques, par le biais
de la construction de colonies israéliennes dans les territoires occupés, la démolition de
maisons palestiniennes et l’expropriation de fermes et de biens agricoles palestiniens, sont
considérées comme une violation du droit humanitaire et peuvent constituer un obstacle à la
paix en créant des divisions territoriales et une fragmentation de la population palestinienne.
En effet, en plus de la discontinuité territoriale entre Gaza et la Cisjordanie, les réseaux de
colonies et leurs infrastructures routières et le mur de séparation ont transformé la Palestine en
bantoustans non-communicants géographiquement, pour créer une situation d'impossibilité
d'une solution à deux états. Cette division entrave la gouvernance, l'économie et le
développement d'un État palestinien indépendant et viable. Elle complique également les
efforts de réconciliation entre les factions palestiniennes. Ce démembrement des territoires
rendrait un Etat palestinien prospectif à viabilité réduite dans le meilleur des cas.
Les actions illégales, commises par les colons, outre qu’elles sont encouragées par les
politiques israéliens, bénéficient également de la protection des autorités qui se manifestent à
travers la militarisation des colonies et l'armement des colons, la construction de routes et de
postes avancés militaires, et la mise en place d’un arsenal juridique qui leur garantit
l'impunité.
Cette politique vise la création d'enclaves coloniales dans une stratégie dynamique de
démembrement de la Palestine afin de rendre impossible la naissance d’un État Palestinien
viable ou de créer une entité sans continuité et contigüité territoriale ni capacité de défense et
de sécurité dépendante organiquement d’Israël. Cette stratégie vise l'imposition, en dernier
lieu, de la solution à un seul état, ou les Palestiniens deviendront des sujets dans un système
d'apartheid.
VI-2- LA CONSTRUCTION DE COLONIES ISRAÉLIENNES EN CISJORDANIE ET À JÉRUSALEMEST
:
La construction de colonies israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est est considérée
comme une violation du Droit International Humanitaire, en particulier de la Quatrième
Convention de Genève, qui interdit la colonisation de territoires occupés. La Cour
Internationale de Justice a également rendu un avis consultatif en 2004, affirmant que la
construction du mur de séparation israélien en Cisjordanie était illégale et appelant à son
démantèlement.
VI-3- L'ANNEXION DE FACTO DE CERTAINES PARTIES DU TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ,
COMME JÉRUSALEM-EST :
Cette annexion est également considérée comme illégale au regard du droit international, qui
ne reconnaît pas l'acquisition de territoire par la force. En particulier, l'annexion de Jérusalem-
Est par Israël en 1980 n'est pas reconnue par la communauté internationale. Les Nations
Unies considèrent Jérusalem-Est comme un territoire occupé, et les mesures prises par Israël
pour modifier le caractère et le statut de la ville, telles que la construction de colonies, sont
également considérées comme illégales en vertu du droit international.
48
VI-4- LES RESTRICTIONS ISRAÉLIENNES À LA LIBERTÉ DE MOUVEMENT DES PALESTINIENS :
L'occupation prolongée, la colonisation et l'annexion ont conduit à de nombreuses violations
des droits de l'Homme, notamment l’adoption de mesures discriminatoires y compris la
restriction de la liberté de mouvement.
De fait, les Palestiniens font face à de nombreuses restrictions de mouvement en raison de
l'occupation israélienne. Des check points, des barrages routiers et un mur de séparation ont
été érigés, limitant la mobilité des Palestiniens et rendant leurs déplacements quotidiens
difficiles. Cela a des répercussions sur l'accès aux services essentiels, aux écoles, aux emplois,
aux soins de santé et aux ressources agricoles. De plus, Israël impose un système de permis et
de restrictions qui régule les mouvements des Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza.
VI-5- LA SÉPARATION PHYSIQUE :
La construction du mur de séparation, considérée par Israël comme une mesure de sécurité, a
été érigée en grande partie en Cisjordanie, et non pas sur la ligne verte de 1967. Cela a
entraîné la confiscation de terres palestiniennes et la séparation physique des communautés
palestiniennes, affectant leur vie quotidienne et leurs moyens de subsistance.
VI-6- L’EMPLOI DISPROPORTIONNÉ DE LA FORCE LÉTALE :
L’emploi de la force létale par les forces de sécurité israéliennes est une pratique courante
dans le Territoire palestinien occupé. Cette force létale est souvent utilisée quel que soit le
degré de gravité de la menace détectée, et s’emploie en premier plutôt qu’en dernier ressort,
au mépris des normes internationales148.
Il convient de souligner qu’en l’absence de menace de mort ou de blessure grave, le meurtre
d’une personne au moyen d’une arme à feu constitue une violation du droit à la vie. Dans un
contexte d’occupation, il peut en outre être assimilable à un homicide intentionnel au sens de
la quatrième Convention de Genève (art. 147), et donc constituer un crime de guerre149
VI-7- LA SPOLIATION DES RESSOURCES PALESTINIENNES :
La spoliation des richesses naturelles des Palestiniens constitue une partie intégrante de la
politique coloniale israélienne. En plus de son exploitation illégale des ressources halieutiques
et gazières sur les côtes palestiniennes de Gaza, Israël continue à exploiter excessivement les
ressources hydriques palestiniennes ou communes. Israël recourt aussi à la contamination par
les eaux usées des côtes palestiniennes et des ressources souterraines, ce qui explique que
79% de l'eau souterraine à Gaza n'est plus potable et que 30% des maladies sont d'origine
hydrique.
Cette situation subie par les Palestiniens est aux antipodes du Programme de développement
durable à l’horizon 2030, puisque la Puissance occupante continue d’entraver le
développement à travers la confiscation des terres et l’exploitation des ressources naturelles
du Territoire palestinien.
148 https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/basic-principles-use-force-andfirearms-law-enforcement.
149 Voir aussi le Statut de Rome, art. 8 2) a) i).
49
VI-8- LE BLOCUS DE GAZA :
Le blocus de la bande de Gaza a été imposé par Israël en 2007 après son retrait de cette partie
intégrante du territoire palestinien. Le blocus a eu un impact dévastateur sur l'économie de la
bande, entraînant une pénurie de nourriture, d'eau, de médicaments et d'autres produits
essentiels. Le blocus a également empêché les Palestiniens de quitter la bande, ce qui a limité
leurs possibilités de travail, d'éducation et d’accès aux soins et aux services de base.
VI-9- L’ADOPTION DE LOIS ET LA MISE EN PLACE DE POLITIQUES DISCRIMINATOIRES ET
SÉGRÉGATIONNISTES :
Israël a assimilé la population palestinienne à une menace démographique et imposé des
mesures pour contrôler et réduire leur présence et leur accès aux terres en Israël et dans les
territoires palestiniens occupés. Ces objectifs démographiques sont visibles dans les plans
officiels de « judaïsation » de certaines zones en Israël et en Cisjordanie, y compris à
Jérusalem-Est, des plans qui exposent des milliers de Palestiniens au risque de transfert forcé.
Les Juifs israéliens et les Arabes palestiniens de Jérusalem-Est et de Cisjordanie vivent sous
un régime qui différencie la répartition des droits et des avantages sur la base de l’identité
nationale et ethnique, et qui assure la suprématie d’un groupe sur l’autre. Les autorités
israéliennes traitent les Palestiniens comme un groupe racial inférieur défini par son statut
arabe non-juif. Cette discrimination raciale est ancrée dans des lois qui affectent les
Palestiniens partout en Israël et dans les territoires palestiniens occupés.
Rappelons, en outre, que les réfugiés palestiniens et leurs descendants, qui ont été déplacés,
de force, lors des conflits de 1947-1949 et 1967, restent privés du droit de revenir dans leur
ancien lieu de résidence. Cette exclusion des réfugiés imposée par Israël est une violation
flagrante du droit international.
De plus, la Loi fondamentale de 2018 érigeant « un caractère discriminatoire à l’égard des
non-Juifs » en ce qu’elle dispose que l’exercice du droit à l’autodétermination en Israël est
réservé au peuple juif et fait de l’hébreu la seule langue officielle du pays, reléguant l’arabe au
rang de « langue à statut spécial ». En outre, alors que les implantations israéliennes situées
dans le Territoire palestinien occupé sont illégales au regard du droit international et que, de
surcroît, elles constituent une entrave à l’exercice des droits de l’homme par l’ensemble de la
population, la Loi fondamentale leur confère le statut constitutionnel de « valeur nationale »
Le Comité CERD dans ses observations finales150 a d’ailleurs mis en avant cet aspect
discriminatoire des lois et pratiques israéliennes et « demande instamment de revoir la Loi
fondamentale et la mettre en conformité avec la Convention. Et aux termes de la
recommandation générale n°21 (1996) concernant le droit à l’autodétermination, tous les
peuples ont le droit de déterminer librement leur statut politique. ….En ce qui concerne
l’expansion des implantations israéliennes, le Comité exhorte l’État partie à respecter les
obligations qui lui incombent en vertu des instruments internationaux, dont la Convention de
Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre ».
150 CERD, observations finales concernant le rapport d’Israël valant dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques,
novembre- décembre 2019, para 14 .
50
Dans le même sens, le Comité CERD a exprimé sa préoccupation quant au « maintien de
plusieurs lois qui ont un caractère discriminatoire à l’égard des Arabes israéliens et des
Palestiniens vivant dans le Territoire palestinien occupé, et qui établissent des différences de
traitement en ce qui concerne l’état civil, la protection juridique, l’accès aux avantages
sociaux et économiques ou le droit à la terre et à la propriété. Le Comité est également
préoccupé par l’adoption de la modification n°30 de 2018 de la loi relative à l’entrée en
Israël (loi n°5712-1952), qui avait déjà un caractère discriminatoire, dont les dispositions
confèrent au Ministre de l’intérieur un large pouvoir discrétionnaire lui permettant de
révoquer le permis de séjour permanent des Palestiniens vivant à Jérusalem-Est »151.
La politique discriminatoire d’Israël se manifeste également par la persistance de la
ségrégation. En effet, il existe encore des secteurs juifs et des secteurs non juifs, et notamment
deux systèmes éducatifs dans lesquels les conditions d’enseignement ne sont pas les mêmes,
ainsi que deux types de municipalités, à savoir les municipalités juives et les municipalités
dites « des minorités », ce qui soulève des questions au regard de l’article 3 de la Convention
CERD.
S’agissant de la situation particulière du Territoire palestinien occupé, les politiques et des
pratiques assimilables à la ségrégation appliquées dans ce territoire, s’illustrent notamment
par l’existence de deux systèmes juridiques et institutionnels totalement distincts, dont l’un est
conçu pour les communautés juives vivant dans les implantations illégales, d’une part, et
l’autre pour les populations palestiniennes habitant dans les villes et les villages palestiniens,
d’autre part. Ce qui engendre des régimes basés sur une séparation hermétique entre ces deux
groupes, qui vivent sur le même territoire mais ne sont pas sur un pied d’égalité pour ce qui
est de l’utilisation du réseau routier et des infrastructures et de l’accès aux services de base et
aux ressources en eau152.
Cette séparation153 se manifeste concrètement par l’existence d’un ensemble complexe de
restrictions à la liberté de circulation découlant de la présence du Mur, des implantations, des
barrages routiers et des postes de contrôle militaires, ainsi que de l’obligation d’utiliser des
routes distinctes et de l’application d’un régime de permis qui a des conséquences
préjudiciables pour la population palestinienne.
Du fait de ces pratiques , le Comité CERD a appelé à l’attention d’Israël « sa recommandation
générale n°19 (1995) concernant l’article 3 de la Convention, qui porte sur la prévention,
l’interdiction et l’élimination de toutes les politiques et pratiques de ségrégation raciale et
d’apartheid », « en éliminant toutes les formes de ségrégation entre les communautés juives et
les communautés non juives et toutes les politiques ou pratiques à caractère ségrégationniste
qui ont des conséquences graves pour la population palestinienne en Israël proprement dit et
dans le Territoire palestinien occupé et l’affectent de manière disproportionnée » .
Il convient de rappeler que l’a formulation « les lois et mesures discriminatoires connexes »
mentionnées dans le paragraphe 18 a) de résolution 77/247 incluent les types de mesures
concernant les politiques et pratiques de ségrégation raciale et d'apartheid, « qui affectent
gravement et de manière disproportionnée la population palestinienne en Israël proprement
151 CERD, observations finales concernant le rapport d’Israël valant dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques,
op.cit., para 15
152 CERD, observations finales concernant le rapport d’Israël valant dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques,
op.cit., para 23
153 Idem
51
dit et dans le Territoire palestinien occupé »154, qui ont fait l’objet de préoccupation par le
Comité CERD, comme présenté précédemment .
De plus, la situation dans l'État de Palestine fait toujours l'objet d'une enquête à la Cour
Pénale Internationale155, où des organisations de la société civile ont soumis au procureur des
preuves de l'existence d'une base raisonnable pour croire que le crime contre l'humanité qu'est
l'apartheid a pu être commis dans les territoires occupés.
Nonobstant, de la communication interétatique156 entre l'État de Palestine et Israël au comité
CERD, sur les politiques et pratiques discriminatoires dans les territoires palestiniens occupés,
est également en cours d'examen à la Commission de conciliation157. L'État de Palestine y a
fait référence à son droit de soumettre une communication sur les violations de la Convention,
"contre les Palestiniens ethniques vivant en "Israël proprement dit"".
VI-10- LA PROLONGATION ET L’APPROFONDISSEMENT DE L’IMPASSE POLITIQUE :
Les politiques et pratiques israéliennes ont compliqué les efforts de paix et ont contribué à une
impasse politique persistante entre Israéliens et Palestiniens. De fait, les négociations de paix
sont entravées par les différends liés à l'occupation, à la colonisation, à la question des
réfugiés, à la sécurité et à d'autres questions fondamentales.
A ces exemples il convient d’ajouter d’autres mesures plus pernicieuses telles que la rétention
des rentrées fiscales et douanières des Palestiniens, le dumping commercial des produits
israéliens aux dépend des productions agricoles et industrielles palestiniennes qui constituent
des mécanismes réfléchis qui contribuent à la mauvaise vie des Palestiniens et à leur
insécurité humaine.
Combinées ensembles, ces politiques et pratiques créent des obstacles majeurs à la création
d'un État palestinien indépendant et viable, ce qui compromet le droit du peuple palestinien à
l'autodétermination.
De ce qui précède, les politiques et pratiques d’Israël qui ont été critiquées par de nombreux
États et organisations internationales, ont un impact négatif sur le statut juridique de
l’occupation car elles dépassent les limites fixées par le Droit International Humanitaire et
fondent les critiques selon lesquelles Israël ne respecte pas ses obligations en tant que
puissance occupante et ne cherche pas de manière sérieuse à parvenir à une solution politique
juste et durable au conflit israélo-palestinien.
154 CERD, observations finales concernant le rapport d’Israël valant dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques,
novembre- décembre 2019, para. 23
155ICC, Pre-Trial Chamber I , Situation in the State of Palestine
ICC-01/18 : On 3 March 2021, the Prosecutor announced the opening of the investigation into the Situation in the State of
Palestine. This followed Pre-Trial Chamber I's decision on 5 February 2021 that the Court could exercise its criminal
jurisdiction in the Situation and, by majority, that the territorial scope of this jurisdiction extends to Gaza and the West Bank,
including East Jerusalem.
156 The Conciliation Commission was set up in accordance with article 12(1) b of the Convention on the Elimination of all
Forms of Racial Discrimination :
157 CERD, communication interétatique, 12 décembre 2019, CERD/C/100/3
https://www.ohchr.org/sites/default/files/Documents/HRBodies/CERD/CERD-C-100-3.pdf
Voir également : https://www.ohchr.org/en/press-releases/2022/05/state-palestine-against-israel-conciliation-commissionholds-
first-person
52
En violant le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, en occupant, en colonisant et
en annexant le territoire palestinien occupé depuis 1967, et en modifiant la composition
démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem, et en imposant un
blocus inique sur la bande de Gaza, Israël viole le droit international et renforce sa propre
occupation illégale.
Ces violations soulèvent des préoccupations quant à la durée de l'occupation, à l'annexion de
facto de territoires palestiniens, à la violation des droits du peuple palestinien à
l'autodétermination, et à l'obligation d'Israël de respecter le Droit International Humanitaire.
Elles rendent également de plus en plus difficile la réalisation d'une solution à deux États
basée sur les frontières de 1967.
En conséquence, l’Algérie soutient que les politiques et pratiques d'Israël remettent en
question le statut juridique de l'occupation car :
- En violant le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, Israël ne permet pas à la
population palestinienne de déterminer son propre avenir ;
- En occupant, en colonisant et en annexant le territoire palestinien occupé, Israël prive la
population palestinienne de ses droits fondamentaux et lui rend impossible de vivre une vie
digne et normale ;
- En modifiant la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de
Jérusalem, Israël cherche à effacer l’identité palestinienne de la ville et à faire obstacle à la
création d’un État palestinien ;
- En soumettant les Palestiniens à un climat de violence généralisée et à une série de
restrictions, notamment des restrictions à la liberté de mouvement, à l'accès à l'eau et à
l'électricité, et au droit de travailler, et en leur infligeant des châtiments collectifs ;
- En violant le droit international, Israël s’expose également à des sanctions internationales
et rend plus difficile la conclusion d’un accord de paix avec les Palestiniens ;
- En perpétuant ces politiques et pratiques, Israël contribue à créer un climat de violence et
de conflit dans toute la région, ce qui rend plus difficile la résolution du conflit israélopalestinien.
Sur cette base, l’Algérie appelle à des actions urgentes et concrètes pour faire respecter le
droit international et promouvoir une solution juste et durable au conflit israélo-palestinien.
VII- LES CONSÉQUENCES JURIDIQUES POUR TOUS LES ETATS ET L’ONU
La dernière question soulevée par la requête de l’Assemblée générale porte sur les
conséquences juridiques des politiques et pratiques israéliennes pour tous les États et pour
l’Organisation des Nations Unies. Bien qu’elle n’ait pas été expressément posée en 2003,
l’Algérie considère qu’elle y figurait en creux, dès lors que l’Assemblée générale demandait à
la Cour de lui dire qu’elles étaient « en droit, les conséquences de l’édification du mur… »,
sans aucune autre précision.
53
L’Algérie a déjà souligné les différences qui existent entre les deux résolutions, la première,
ayant essentiellement visé l’édification du mur, était caractérisée par sa brièveté, alors que la
seconde porte sur les politiques et pratiques israéliennes qui violent le fondement de l’ordre
juridique international lui-même. En ce qui concerne les conséquences juridiques pour les
États, la dernière résolution de décembre 2022 a été inspirée par l’avis consultatif de 2004.
Au paragraphe 148 de cet avis, la Cour énonce qu’«elle examinera maintenant les
conséquences juridiques qui résultent des violations du droit international par Israël en
opérant la distinction entre, d’une part, celles qui en découlent pour ce dernier et, d’autre part,
celles qui en découlent pour les autres Etats et, le cas échéant, pour l’Organisation des Nations
Unies. La Cour se penchera en premier lieu sur les conséquences juridiques en ce qui
concerne Israël ». C’est cette démarche que l’Algérie entend adopter ci-après.
Dès lors, l’Algérie répondra à la dernière question de la requête en envisageant tour à tour les
conséquences juridiques pour Israël (VII-1), pour les autres Etats (VII-2) et pour
l’Organisation des Nations Unies (VII-3).
VII-1- LES CONSÉQUENCES JURIDIQUES POUR ISRAËL
L’Algérie aborde deux points. Ils portent sur l’engagement de la responsabilité d’Israël pour
violations persistantes et aggravées de règles impératives du droit international (VII-1.1) et
sur son obligation de réparer (VII-1.2).
VII-1-1- La responsabilité d’Israël pour violations de normes impératives du droit
international est engagée
L’Algérie estime qu’il est indispensable de procéder au rappel des conclusions auxquelles la
Cour était parvenue en 2004. Ce rappel est d’autant plus nécessaire que la requête de 2022 a, à
maintes reprises, évoqué l’avis de 2004 et qu’elle a expressément demandé à la Cour d’en
tenir compte (VII-1.1.1). En outre, l’Algérie rappellera bien respectueusement à la Cour les
dispositions pertinentes en ce qui concerne la Palestine du projet d’articles de la Commission
du Droit internationale sur la responsabilité de l’État (VII-1.1.2).
VII-1-1-1- Le rappel des conclusions de la Cour dans son avis consultatif de 2004
Avant de procéder au rappel des trois points du dispositif qui visent la responsabilité d’Israël,
l’Algérie soulignera, en substance, l’essentiel de l’analyse qui a conduit la Cour au prononcé
de ces deux points.
- C’est en partant de l’examen des prises de position exprimées par les Etats dans leurs
exposés que la Cour a été amenée à développer son propre raisonnement. Un certain nombre
d’États, dont l’Algérie, ont soutenu l’idée qu’il fallait enjoindre à Israël de mettre fin à la
construction du mur. Celui-ci est développé dans les paragraphes 149 à 153, où la Cour a
recensé l’ensemble des violations des obligations internationales que la construction du mur a
engendrées. L’Algérie en fait une brève synthèse en soulignant qu’elles concernent le nonrespect
du droit à l’autodétermination du peuple palestinien, du Droit International
Humanitaire et du Droit International des Droits de l’Homme.
54
Elles concernent également la cessation de la construction du mur et son démantèlement. En
outre, la Cour a précisé que l’obligation de réparer qui incombe à Israël concerne « tous les
dommages causés à toutes les personnes physiques ou morales concernées ». (p.198, par.152).
Cette obligation de réparer est accompagnée de l’obligation de « restituer les terres, les
vergers, les oliveraies et les autres biens immobiliers » (p.198, par.153).
- Quant aux trois points pertinents du dispositif, ils sont ainsi énoncés par la Cour :
« A. L’édification du mur qu’Israël, puissance occupante, est en train de construire dans le
territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, et le
régime qui lui est associé sont contraires au droit international ;
B. Israël est dans l’obligation de mettre un terme aux violations du droit international dont il
est l’auteur ; il est tenu de cesser immédiatement les travaux d’édification du mur qu’il est en
train de construire dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le
pourtour de Jérusalem-Est, de démanteler immédiatement l’ouvrage situé dans ce territoire et
d’abroger immédiatement ou de priver immédiatement d’effet l’ensemble des actes législatifs
et réglementaires qui s’y rapportent, conformément au paragraphe 151 du présent avis ;
C. Israël est dans l’obligation de réparer tous les dommages causés par la construction du
mur dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de
Jérusalem-Est ».
En conclusion sur ce point, l’Algérie souligne la part décisive qu’a prise l’avis consultatif du
9 juillet 2004 dans la dénonciation de la banalisation du non-droit par Israël. Il constitue une
contribution particulièrement importante à la question de la cessation de l’illicite comme un
élément à part entière de la responsabilité internationale d’Israël. En effet, la Cour
internationale de Justice y formule, pour la première fois, il faut le souligner, le principe selon
lequel l’Etat responsable de la commission d’un fait internationalement illicite continu a
l’obligation d’y mettre fin. L’Algérie tient tout particulièrement à insister sur la conclusion de
la haute juridiction quant à l’engagement de la responsabilité internationale d’Israël. La Cour
a, sans s’y référer expressément, été très largement inspirée par les règles générales du droit
international coutumier que le projet d’articles sur la responsabilité internationale de l’État a
consacrées.
VII-1-1-2- Le projet d’articles de la Commission du Droit international sur la
responsabilité de 2001
Dans ce projet, considéré comme exprimant le droit international coutumier en la matière
aussi bien par la jurisprudence internationale que par la doctrine, la question de la
responsabilité des Etats en cas d’acte illicite a fait l’objet d’une étude très approfondie.
L’Algérie considère qu’il est indispensable d’en évoquer les dispositions les plus pertinentes
au regard du sort que les autorités israéliennes réservent au peuple palestinien depuis de très
nombreuses décennies. Elle attire l’attention sur le fait que le projet d’articles distingue entre
les « principes généraux » du contenu de la responsabilité internationale de l’Etat visés au
chapitre premier, et les « violations graves d’obligations essentielles envers la communauté
internationale » prévues dans le chapitre trois. Ces deux types de disposition s’appliquent aux
politiques et pratiques d’Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem.
55
- En ce qui concerne le premier chapitre, l’Algérie insiste, en particulier, sur les articles 29 et
30 qui s’appliquent pleinement à la situation qui prévaut dans le territoire palestinien et
répond à la dernière question de la requête de l’Assemblée générale. Selon l’article 29,
intitulé « Maintien du devoir d’exécuter l’obligation », « Les conséquences juridiques d’un
fait internationalement illicite prévues dans la présente partie n’affectent pas le maintien du
devoir de l’Etat responsable d’exécuter l’obligation violée ».
Aux termes de l’article 30 de ce projet d’articles, intitulé « Cessation et non-répétition », il est
souligné que « l’Etat responsable du fait internationalement illicite a l’obligation : a) d’y
mettre fin si ce fait continue ; b) d’offrir des assurances et des garanties de non-répétition
appropriées si les circonstances l’exigent ».
- S’agissant du chapitre trois, l’Algérie relève aussi la pertinence de l’article 41, eu égard à la
situation qui prévaut en Palestine. Il traite des situations caractérisées par la violation grave
d’obligations envers la communauté internationale. C’est évidemment le cas en Palestine. En
outre, l’Algérie rappellera que l’avis consultatif relatif à l’édification du mur a qualifié le droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes de « droit opposable erga omnes ».
VII-1-2- Israël est dans l’obligation de réparer
L’Algérie considère qu’il pèse sur Israël une obligation de réparer l’intégralité du préjudice
causé par ses multiples faits illicites. Ainsi que le déclare la Cour, dans le paragraphe 152 de
son avis consultatif sur l’édification du mur, « les modalités essentielles de la réparation en
droit international et en droit coutumier ont été formulées par la Cour permanente de Justice
Internationale » dans son arrêt relatif à l’usine de Chorzow de 1928. Selon ce dernier, « le
principe essentiel, qui découle de la notion même d’acte illicite…est que la réparation doit,
autant que possible, effacer toutes les conséquences de l’acte illicite et rétablir l’état qui aurait
vraisemblablement existé si ledit acte n’avait pas été commis ».
C’est cette idée qui est traduite par l’article 31, intitulé « réparation », du projet d’articles de
la Commission du droit international précité. Selon le premier paragraphe de cet
article, « l’Etat responsable est tenu de réparer intégralement le préjudice causé par le fait
internationalement illicite ». Le second définit le préjudice comme comprenant « tout
dommage, tant matériel que moral, résultant du fait internationalement illicite de l’Etat ».
Dans le prolongement de cette disposition, le chapitre II de la deuxième Partie de ce projet
d’articles traite des « formes de réparation ». L’Algérie considère que ces articles 35, 36 et 37
s’appliquent pleinement aux politiques et pratiques israéliennes dans le territoire palestinien
occupé.
L’article 35, dont il faut bien noter l’intitulé, « formes de la réparation », prévoit que « la
réparation intégrale du préjudice causé par le fait internationalement illicite prend la forme de
restitution, d’indemnisation et de satisfaction …». S’agissant de la « restitution » et aux
termes de l’article 36, « l’État est tenu de procéder à la restitution, c’est-à-dire au
rétablissement de la situation qui existait avant que le fait illicite ne soit commis…».
Quant à l’article 37, il couvre la situation dans laquelle le dommage n’est pas réparé par la
restitution, notamment parce que cette dernière est matériellement impossible. Dans une telle
hypothèse, le paragraphe premier de cet article 37 précise que « l’Etat responsable d’un fait
56
internationalement illicite est tenu d’indemniser le dommage causé ». Le second paragraphe
ajoute que « l’indemnité couvre tout dommage susceptible d’évaluation financière… ».
VII-2- LES CONSÉQUENCES JURIDIQUES POUR LES AUTRES ÉTATS
Sur ce point, l’Algérie tient à rappeler en les faisant siennes les analyses et conclusions de la
Cour dans son avis consultatif de 2004.
S’agissant des premières, et à hauteur du paragraphe 159, la Cour souligne plusieurs
obligations que les Etats doivent respecter. Il s’agit successivement de l’obligation de ne pas
reconnaitre la situation illicite découlant de la construction du mur, de l’obligation de ne pas
prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée, de l’obligation de veiller à ce qu’il
soit mis fin aux entraves à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à
l’autodétermination. En outre, la Cour énonce l’obligation des Etats de faire respecter le Droit
International Humanitaire avec une référence appuyée à la Quatrième Convention de Genève.
Quant aux conclusions de la Cour, elles sont exprimées dans le point « D » du dispositif.
Selon ce dernier, « tous les Etats sont dans l’obligation de ne pas reconnaître la situation
illicite découlant de la construction du mur et de ne pas prêter aide ou assistance au maintien
de la situation créée par cette construction… ».
Par ailleurs, dernière référence et non la moindre, l’Algérie tient à attirer l’attention sur
l’importance et la pertinence du paragraphe 2 de l’article 42 du projet d’articles sur la
responsabilité internationale qui vise les « autres Etats » dans le cas de violations graves
d’obligations par un Etat envers la communauté internationale dans son ensemble, pour
reprendre la formule du projet d’articles. Il suffit de lire le contenu de ce paragraphe pour être
complètement édifié sur son importance dans le cas de la Palestine.
Selon ce paragraphe, la violation d’une telle obligation « fait naître, pour tous les autres Etats,
les obligations :
a) De ne pas reconnaitre comme licite la situation créée par la violation ;
b) De ne pas prêter aide ou assistance à l’Etat responsable pour maintenir la situation ainsi
créée ;
c) De coopérer autant que possible pour mettre fin à la violation ».
L’Algérie considère que l’ensemble de ses obligations doivent être reprises, mutatis mutandis,
par la haute juridiction en raison des politiques et pratiques israéliennes continues dans le
territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est.
VII-3- LES CONSÉQUENCES JURIDIQUES POUR L’ONU
C’est dans le paragraphe 160 de son avis consultatif du 9 juillet 2004 que la Cour a déclaré
qu’elle était « d’avis que l’Organisation des Nations Unies, et spécialement l’Assemblée
générale et le Conseil de sécurité, doivent, en tenant dûment compte du présent avis
consultatif, examiner quelles nouvelles mesures doivent être prises afin de mettre un terme à
la situation illicite découlant de la construction du mur et du régime qui lui est associé ».
57
L’Algérie tient à faire sienne cette analyse de la Cour en précisant que ce sont les politiques et
pratiques israéliennes qui sont en cause dans la présente espèce. En d’autres termes, il s’agit
pour les organes de l’ONU concernés et impliqués de réfléchir aux moyens qui pourraient
permettre, d’une part, de rendre effectives toutes les conclusions et les préconisations déjà
faites et aux voies nouvelles qui seraient de nature à mettre fin à toutes les violations
continues du droit international dans ses multiples dimensions.
De l’ensemble des développements précédents, l’Algérie tire les deux principales conclusions
suivantes.
Elle considère, d’une part, que la Cour Internationale de Justice est dans son rôle en répondant
à la requête de l’Assemblée générale des Nations Unies. Elle demande, d’autre part,
respectueusement à la Cour de déclarer l’illicéité des politiques et des pratiques israéliennes
dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est.
Ces politiques et pratiques sont la négation même des règles les plus fondamentales du droit
international, notamment ses règles impératives et ses règles erga omnes.
Conclusion
Motivée par un profond et sincère attachement aux principes de la primauté du droit dans
les relations internationales, du règlement pacifique des différends internationaux et de la
décolonisation, fermement ancrés dans le droit et la pratique des Nations Unies, l’Algérie a
voté pour la résolution A/RES/77/247, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le
30 décembre 2022.
Pour l’Algérie, les conséquences des politiques israéliennes dans le territoire palestinien
occupé, y compris Jérusalem-Est sont de plusieurs ordres. Le premier réside dans la mise en
jeu de la responsabilité internationale d’Israël et de l’obligation qui pèse sur lui de mettre fin à
ces illicéités.
Le second ordre de conséquences juridiques renvoie à son obligation de réparer, par les
formes de la restitution et de l’indemnisation comme l’exige le droit international, les
dommages causés par les violations graves et systématiques d’obligations essentielles envers
la communauté internationale.
_______________________
Ahmed ATTAF
Ministre des Affaires Etrangères et de la Communauté
Nationale à l’Etranger de la République Algérienne Démocratique et Populaire1
CONSEQUENCES JURIDIQUES DECOULANT DES POLITIQUES ET PRATIQUES D’ISRAËL
DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPE, Y COMPRIS JERUSALEM-EST
______
EXPOSE ECRIT DU GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE
ALGÉRIENNE DÉMOCRATIQUE ET POPULAIRE
Dans sa résolution A/RES/77/247 sur les «Pratiques israéliennes affectant les droits humains
du peuple palestinien dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est »,
adoptée le 30 décembre 2022, l’Assemblée générale des Nations Unies a demandé
(paragraphe 18 du dispositif) à la Cour internationale de Justice, conformément à l’article 65
du Statut, de rendre un avis consultatif sur les deux questions suivantes :
a) Quelles sont les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du droit du
peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et de son
annexion prolongées du territoire palestinien occupé depuis 1967, notamment des mesures
visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte
de Jérusalem, et de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires connexes ?
b) Quelle incidence les politiques et pratiques d’Israël visées au paragraphe 18 a) ci-dessus
ont-elles sur le statut juridique de l’occupation et quelles sont les conséquences juridiques
qui en découlent pour tous les États et l’Organisation des Nations Unies ?».
Le Gouvernement de la République Algérienne Démocratique et Populaire présente l’exposé,
ci-après, en réponse à l’ordonnance de la Cour du 3 février 2023 qui fixe les délais dans
lesquels des exposés écrits concernant ces deux questions peuvent être présentés à la Cour.
_______
2
TABLE DES MATIÈRES
Introduction
I. La Résolution 77/247 du 30 décembre 2022
I-1- Le contexte de son adoption
I-2- Observations sur son contenu
I-3- Observations sur les questions posées à la Cour
II. La Cour est dans son rôle en donnant une réponse favorable à la requête de
l’Assemblée générale
II-1- Sur la compétence de la Cour internationale de Justice de donner un avis consultatif
II-1-1- Les thèses israéliennes portant sur le rejet de la compétence de la Cour
II-1-1-1- L’Assemblée générale a dépassé sa compétence
II-1-1-2- La question posée n’est pas juridique
II-1-2- La réponse de la Cour
II-1-2-1- Sur le premier argument
II-1-2-2- Sur le second argument
II-2- A propos du pouvoir discrétionnaire de la Cour de donner un avis consultatif
II-2.1. La thèse israélienne
II-2-1-1- L’exposé écrit du 30 janvier 2004
II-2-1-2- Les exposés écrit et oral du 27 février et du 5 septembre 2018
II-2-2- Le rejet des thèses israéliennes par la Cour
III. Les violations du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, règle impérative
du droit international
III-1- Observations générales
III-2- Les sources conventionnelles fondamentales
III-3- Les sources résolutoires
III-4- Dans la jurisprudence de la Cour internationale de Justice
III-5- Dans les travaux de la Commission du Droit international (ci-après la Commission)
III-5-1-Le projet d’articles sur le droit de la responsabilité de l’Etat pour fait
internationalement illicite
III-5-2- Le projet « normes impératives du droit international général (jus cogens) ».
IV. Les violations du Droit international humanitaire
IV-1- Le statut juridique international des territoires palestiniens sous occupation
israélienne et qualification de la situation d’occupation de la Cisjordanie et de
Jérusalem-Est au regard du droit international
IV-2- L’illégalité de l’occupation israélienne prolongée des territoires palestiniens occupés
IV-3- L’obligation pour Israël de respecter les règles applicables dans les territoires
occupés
VI-3-1- L’applicabilité du Droit International Humanitaire
VI-3-2- Le droit applicable à la Cisjordanie en tant que « territoire occupé »
IV-3-3- La situation particulière de la bande de Gaza
3
V. Les violations du Droit international des Droits de l’homme
V-1- Les mesures israéliennes « visant à modifier la composition démographique » violent
de manière persistante les droits du peuple palestinien
V-2- La construction et l’extension des implantations israéliennes
V-3- Démolitions, expulsions et risque de déplacements forcés des populations
palestiniennes
V-4- Les opérations illégales de saisie et de destruction de biens dans les territoires
palestiniens occupés
V-5- Les lois discriminatoires sur le droit au logement
V-6- Les actes assimilables à une annexion, y compris toute mesure unilatérale qu’Israël
aurait prise pour disposer de parties du territoire palestinien occupé comme s’il
possédait la souveraineté sur celui-ci
VI. Les incidences des politiques et pratiques israéliennes sur le statut de l’occupation
VI-1- L'occupation prolongée
VI-2- La construction de colonies israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est
VI-3- L'annexion de facto de certaines parties du territoire palestinien occupé, comme
Jérusalem-Est
VI-4- Les restrictions israéliennes à la liberté de mouvement des Palestiniens
VI-5- La séparation physique
VI-6- L’emploi disproportionné de la force létale
VI-7- La spoliation des ressources palestiniennes
VI-8- Le blocus de Gaza
VI-9- L’adoption de lois et la mise en place de politiques discriminatoires et
ségrégationnistes
VI-10- La prolongation et l’approfondissement de l’impasse politique
VII. Les conséquences juridiques pour tous les Etats et l’ONU
VII-1- Les conséquences juridiques pour Israël
VII-1-1- La responsabilité d’Israël pour violations de normes impératives du droit
international est engagée
VII-1-1-1- Le rappel des conclusions de la Cour dans son avis consultatif de 2004
VII-1-1-2- Le projet d’articles de la Commission du Droit international sur la
responsabilité de 2001
VII-1-2- Israël est dans l’obligation de réparer
VII-2- Les conséquences juridiques pour les autres États
VII-3- Les conséquences juridiques pour l’ONU
Conclusion
4
INTRODUCTION
L’Assemblée générale des Nations Unies a, en vertu de sa Résolution A/RES/77/247 du 30
décembre 2022, saisi, le 17 janvier 2023, la Cour Internationale de Justice, d’une demande
d’avis consultatif sur la question de savoir quelles sont les conséquences juridiques découlant
des politiques et pratiques d’Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-
Est.
Cette question est libellée ainsi :
« Compte tenu des règles et principes du droit international, dont la Charte des Nations Unies,
le droit international humanitaire, le droit international des droits de l’homme, des résolutions
pertinentes du Conseil de sécurité et du Conseil des droits de l’homme et les siennes propres,
et l’avis consultatif donné par la Cour le 4 juillet 2004 :
a) Quelles sont les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du droit du
peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et de son
annexion prolongées du territoire palestinien occupé depuis 1967, notamment des
mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la
ville sainte de Jérusalem, et de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires
connexes ?
b) Quelle incidence les politiques et pratiques d’Israël visées au paragraphe 18 a) ci-dessus
ont-elles sur le statut juridique de l’occupation et quelles sont les conséquences juridiques
qui en découlent pour tous les Etats et l’Organisation des Nations Unies ?
La requête a été transmise le 17 janvier 2023 par le Secrétaire général des Nations Unies à la
Présidente de la Cour Internationale de Justice qui l’a notifiée à tous les Etats membres des
Nations Unies par courrier du 19 janvier 2023. Une ordonnance de la Haute Juridiction en
date du 3 février 2023 a fixé « au 25 juillet 2023 la date d’expiration du délai dans lequel des
exposés écrits de ces derniers pourront être déposés au greffe de la Cour, conformément à
l’article 66, paragraphe 2 de son Statut ».
C’est en application de cette ordonnance que la République Algérienne Démocratique et
Populaire présente son exposé écrit pour faire part de son point de vue et formuler ses
observations sur les questions soulevées par la requête de l’Assemblée générale. Toutefois, au
préalable, l’Algérie entend d’abord s’arrêter sur la requête elle-même.
I- LA RÉSOLUTION 77/247 DU 30 DÉCEMBRE 2022
Trois points seront envisagés dans cette première partie. Ils visent successivement le contexte
de l’adoption de cette résolution (I-1), l’analyse de son contenu (I-2) et des questions posées
par l’Assemblée générale (I-3).
I-1- LE CONTEXTE DE SON ADOPTION
A sa session plénière le 16 septembre 2022, l’Assemblée générale a décidé, sur la
recommandation du Bureau, d’inscrire à l’ordre du jour de sa soixante- dix- septième session,
la question intitulée « Pratiques et activités d’implantation israéliennes affectant les droits du
peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés et de la renvoyer à la
5
Commission des Questions Politiques Spéciales et de la Décolonisation (Quatrième
Commission) ».
Le 10 novembre 2022 et par une très forte majorité, cette Commission a adopté le projet de
résolution A/C.4/77/L.12/REV.1 intitulé « Pratiques israéliennes affectant les droits de
l’homme du peuple palestinien dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-
Est ». Avec 13 autres Etats, y compris la Palestine, l’Algérie a été à l’origine de cette
initiative, notamment du libellé des questions adressées à la Cour internationale de Justice.
C’est ce projet de résolution qui propose de demander à la Cour internationale de Justice un
avis consultatif sur les conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël
dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est. Il a été adopté tel quel par
l’Assemblée générale le 30 décembre 2022 sous la cote A/RES/77/247.
I-2- OBSERVATIONS SUR SON CONTENU
Afin de proposer une vue à la fois plus globale et plus précise des problématiques soulevées
par la résolution 77/247, il est nécessaire de souligner que la question des « politiques et
pratiques d’Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est » est à l’ordre
du jour des travaux des Nations Unies depuis longtemps. Il suffit de relire les alinéas 6 à 8 du
préambule de la requête de l’Assemblée générale du 8 décembre 2003 relative à l’édification
du mur pour se le remémorer.
Ces problématiques ont pris un tour encore plus aiguë et plus dramatique avec la conjugaison
de plusieurs évènements qui, pris isolément et collectivement, concourent non seulement à la
persistance, mais surtout à l’aggravation des innombrables violations de la situation factuelle
et juridique dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est.
A cet égard, et sans rechercher l’exhaustivité, l’Algérie mentionnera les manifestations les
plus caractéristiques des violations continues et aggravées du quotidien du peuple palestinien
et des règles et des principes les plus fondamentaux du droit international par l’occupant
israélien.
Elle le fera en relevant que ces manifestations sont longuement et explicitement mentionnées
dans le préambule et le dispositif de la Résolution 77/2471 et qu’elles sont synthétisées dans
son paragraphe 18 qui sera envisagé plus avant ultérieurement.
Tout en notant d’emblée que la Résolution 77/247 est composée d’un long préambule de 52
alinéas et d’un dispositif de 18 paragraphes, l’Algérie entend formuler deux observations. Elle
tient à relever, tout d’abord, les différences qui existent entre cette dernière et la Résolution
ES-10/142 adoptée le 8 décembre 2003 à la reprise de sa dixième session extraordinaire
d’urgence, par laquelle l’Assemblée générale avait formulé sa requête relative à l’édification
du mur.
1 Assemblée Générale, résolution sur les pratiques israéliennes affectant les droits humains du peuple palestinien dans le
Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, 30 décembre 2022, A/RES/ 77/247.
2 Assemblée Générale, résolution sur mesures illégales prises par Israël à Jérusalem-Est occupée et dans le reste du territoire
palestinien occupé, 8 décembre 2003, A/RES/ES-10/14.
6
Celle-ci, qui n’était pas adossée à un préambule, était seulement composée de 21 paragraphes.
Elle tient, ensuite, à préciser que, nonobstant le fait indéniable que la résolution 77/247
s’inscrit dans le prolongement de la résolution ES-10/14, ces différences sont loin d’être
purement formelles ou anodines.
La résolution de décembre 2022, qui a inévitablement pris en compte l’extension et
l’élargissement des politiques et pratiques israéliennes s’apparente à un exposé des motifs,
certes beaucoup moins concis que ne l’est, en général, ce dernier. Elle est bien plus détaillée,
plus précise et plus motivée. Elle frappe par sa tonalité dénonciatrice des pratiques et
politiques d’Israël caractérisées par de très nombreuses violations du droit international dans
le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est.
La résolution 77/247 ne cesse de mettre en évidence, le paradoxe paroxystique qui existe entre
le droit international applicable aux politiques et pratiques israéliennes et sa violation
systématique, continue et aggravée par les autorités israéliennes. Tout se passe comme si aux
éléments de droit international bien établis consacrant les droits du peuple palestinien,
répondent des éléments de fait concourant à leurs négations. Ce paradoxe paroxystique se
retrouve aussi bien dans le préambule que dans le dispositif.
S’agissant du préambule, il importe de mettre en exergue ses points les plus notables. Dans un
premier temps, il procède à un certain nombre de rappels des sources juridiques et des
documents sur lesquels l’Assemblée générale et, avant elle la quatrième commission, se
fondent.
De manière plus précise, il convient de relever que le préambule s’est d’abord référé aux
textes juridiques fondamentaux pertinents applicables à l’ensemble des Etats. A cet égard, il
est hautement symbolique et significatif de cet état d’esprit que de relever que la Déclaration
universelle des droits de l’homme est mentionnée dans le premier alinéa de ce préambule.
Dans le fil de cette mention, il convient également de noter que la résolution enchaîne avec la
référence aux deux Pactes de 1966 et à la Convention sur les droits de l’enfant, en visant dans
le même temps les différents rapports sur les pratiques et politiques israéliennes dans le
territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est.
A la différence de la requête de décembre 2003 relative aux conséquences de l’édification du
mur qui a renvoyé, dans ses paragraphes 17 et 19, aux rapports du Rapporteur spécial de la
Commission des droits de l’homme du 8 septembre 2003 et du Secrétaire général des Nations
Unies, la requête de décembre 2022 s’appuie sur plusieurs sources documentaires.
Elles sont d’emblée énoncées dans les alinéas 6 à 8 du Préambule de la Résolution 77/247. Il
s’agit du rapport du Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant
les droits de l’homme du peuple palestinien, du rapport du Secrétaire général sur les travaux
de ce comité, du rapport du Rapporteur du Conseil des droits de l’homme sur la situation des
droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, ainsi que d’autres
rapports pertinents récemment établis. Enfin, l’alinéa 8 du Préambule s’est référé au rapport
de la Commission d’enquête internationale créée par la résolution S-30/1 du Conseil des
droits de l’homme.
7
C’est en s’appuyant sur cette très solide documentation que le préambule va consigner les
multiples violations juridiques résultant des politiques et pratiques israéliennes. A cet égard,
l’Algérie mentionne les alinéas du préambule qui visent, en des termes particulièrement forts,
le non-respect du droit à l’autodétermination du peuple palestinien, les violations des règles
fondamentales du droit international humanitaire et du droit international des droits de
l’homme.
Bien souvent, l’Assemblée générale a recouru à plusieurs reprises à des verbes comme
« déplorer » ou à des formules telles que « gravement préoccupée » pour dresser un constat
accablant des violations du droit international par les politiques et pratiques israéliennes.
Quant aux 19 paragraphes du dispositif de la résolution, ils tirent les conclusions qu’impose
un tel constat.
L’Algérie entend déjà souligner les différences qui existent entre les résolutions de 2003 et de
2022.
La résolution de décembre 2022 a tiré les enseignements de l’avis consultatif de 2004,
puisqu’il est à l’origine des nombreux paragraphes qui constatent ou rappellent les différents
manquements israéliens au droit international. Tel est, par exemple, le cas dans le paragraphe
premier du dispositif, lorsqu’elle « affirme que les mesures et décisions prises par Israël…
n’ont aucune validité » et qu’elle « exige d’Israël, puissance occupante, qu’il applique
intégralement les dispositions de la Quatrième Convention de Genève de 1949… ».
Plus significatif encore de cet état d’esprit est le paragraphe 11, par lequel l’Assemblée
générale « exige d’Israël, puissance occupante, qu’il respecte le droit international, comme il
est indiqué dans l’avis consultatif donné le 9 juillet 2004 par la Cour Internationale de
Justice…, et qu’il arrête immédiatement la construction du mur… ». En outre, l’Algérie note
que ce paragraphe est, notamment, entouré des paragraphes 8, 12 et 13. Ceux-ci mettent
respectivement l’accent sur « les actes de violences commis par des militants ou des groupes
armés… », sur « la nécessité de respecter l’unité, la continuité et l’intégrité du Territoire
palestinien occupé » et « de mettre un terme au bouclage prolongé et aux restrictions à
l’activité économique… ».
Cette dialectique du droit et du fait a orienté les questions posées par l’Assemblée Générale à
la Cour Internationale de Justice.
I-3- OBSERVATIONS SUR LES QUESTIONS POSÉES À LA COUR
Nonobstant la grande proximité, à la fois sémantique et problématique, qui existe entre les
questions posées en décembre 2003 et décembre 2022, il reste que d’importantes différences
peuvent être relevées. L’Algérie, qui a été, avec d’autres Etats, initiatrice des deux projets de
résolution, formulera sur la question quelques observations.
Elle envisagera, ensuite, les questions de fond soulevées par ladite requête en reprenant à son
compte la trame générale que fournissent les questions suggérées, ab initio, par le groupe des
14 Etats initiateurs du projet de résolution dans le cadre des travaux de la Commission des
Questions Politiques Spéciales et de la Décolonisation (Quatrième Commission) et adoptées
par l’Assemblée générale.
8
Ces questions portent directement sur les politiques et pratiques israéliennes qui sont
fortement détaillées dans le paragraphe 18 a). Il s’agit « de la violation persistante par Israël
du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et
de son annexion prolongées du territoire palestinien depuis 1967, notamment des mesures
visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de
Jérusalem, et de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires connexes ».
Celui-ci précise que l’avis consultatif est demandé « compte tenu des règles et principes du
droit international, dont la Charte des Nations Unies, le droit international humanitaire, le
droit international des droits de l’homme… ». Cette formule a déjà été utilisée dans des
requêtes de l’Assemblée générale, notamment celle relative à l’édification du mur.
Sans se livrer à une analyse serrée de cette locution, la Cour a considéré qu’elle renvoie à la
question du droit applicable dans le paragraphe 88 de son avis consultatif du 9 juillet 2004. De
fait, elle instaure un lien de cause à effet entre les politiques et pratiques israéliennes et le
droit applicable. Elle a pour vocation de préciser le contexte juridique à l’aune duquel ces
politiques et pratiques doivent être jugées par la Cour.
Ce panorama général présenté, l’Algérie va s’attacher, avant toute autre chose, à démontrer,
dans la deuxième partie de son exposé écrit, que la Cour, qui dit le droit, est dans son rôle en
répondant favorablement à la demande de l’Assemblée générale (II). Le caractère préalable de
ce point s’impose pour des raisons logiques et historiques.
Par la suite, l’Algérie envisagera, en suivant la démarche et les questionnements de
l’Assemblée générale, les violations du droit à l’autodétermination du peuple palestinien (III).
Elle s’attachera, ensuite, à démonter les violations tout aussi importantes et tout aussi
aggravées du Droit international humanitaire (IV), du Droit international des droits de
l’homme (V) et les incidences des politiques et pratiques israéliennes sur le statut de
l’occupation (VI).
Enfin, l’Algérie exposera son point de vue sur la dernière question soulevée par l’Assemblée
générale sur les conséquences juridiques qui en découlent, pour tous les Etats et pour
l’Organisation des Nations Unies (VII).
II- LA COUR EST DANS SON RÔLE EN DONNANT UNE RÉPONSE FAVORABLE
À LA REQUÊTE DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
Ne visant pas l’exhaustivité et en ayant pleinement conscience des limites objectives de
l’exercice de l’exposé écrit, l’Algérie entend démontrer que la Cour est dans son rôle en
donnant l’avis consultatif demandé par l’Assemblée Générale. Elle examinera, pour les
rejeter, l’ensemble des éventuels arguments qui pourraient être avancées pour faire, en
l’espèce, objection à la fonction consultative de la Cour.
Certes, le conditionnel est de mise, en raison du caractère formellement anticipateur des
développements qui vont suivre, puisque les exposés écrits peuvent être déposés jusqu’au 25
juillet 2023. Il ne l’est que formellement, car, l’examen attentif des précédentes procédures
montrent clairement que les objections avancées se recoupent. Elle y revient dans les
développements suivants. Cet examen permet de tirer un certain nombre d’enseignements.
9
L’Algérie en relèvera les trois d’entre eux les plus caractéristiques, eu égard à la requête sur
les politiques et pratiques israéliennes dans le territoire palestinien occupé.
- Le premier enseignement réside dans le constat que la démarche prônant le refus de donner
un avis consultatif provient d’une infime minorité d’Etats ;
- Le deuxième enseignement, à mettre en évidence, porte sur l’apparition d’une tendance à
la systématisation des objections à l’exercice de la fonction consultative par la Cour, au
point que certains exposés écrits ne traitent que d’elles ;
- Le troisième enseignement a trait au caractère répétitif des argumentaires juridiques
avancés pour préconiser, alors même qu’il existe d’importantes différences factuelles et
juridiques entre les cas d’espèce soumis par l’Assemblée générale, le refus de l’exercice de
la fonction consultative.
Ce caractère répétitif est évoqué par la Cour elle-même, lorsqu’elle se réfère
systématiquement aux analyses qu’elle a faites dans des avis consultatifs précédents pour
rejeter les objections émises par quelques Etats. Elle s’en est fait l’écho dans son avis
consultatif relatif à l’édification du mur, lorsqu’elle a relevé, dans son paragraphe 51, qu’elle
« a déjà été appelée à examiner des arguments analogues plusieurs fois par le passé ».
A cet égard, l’Algérie considère qu’il faut accorder toute son importance à cette répétition,
voire, là aussi, à cette tendance à la systématisation d’argumentaires qui, de fait, exprime une
réticence à l’égard de la fonction consultative de la Cour en lui consacrant cette partie.
L’Algérie a pris sa part à ce débat relatif à la fonction consultative de la Cour en présentant un
exposé oral dans le cadre de la procédure consultative relative à la requête concernant
l’édification du mur en février 2004.
Cet exposé a abordé la question des objections émises dans les exposés écrits de certains
Etats. Ces dernières portaient sur deux points principaux qui avaient trait aux questions de
compétence et d’opportunité juridique de rendre un avis consultatif.
Elle y a développé un argumentaire tendant au rejet de toutes les objections formulées dans
les exposés écrits militant en faveur du refus de l’exercice de la fonction consultative. Elle y
reviendra après avoir procédé à un rapide et panoramique survol de certains parmi les plus
connus des avis consultatifs qui présentent l’avantage d’avoir des points communs avec la
demande de l’Assemblée générale de décembre 2022.
Toutefois, l’Algérie le fera, après avoir formulé une importante remarque sur l’espèce de
détournement auquel s’adonnent les exposés de ce qui relèvent des précautions
méthodologiques de la Cour à l’entame de ses réponses à chacune des objections soulevées.
Par ces développements préliminaires la Cour présente les différentes possibilités formelles de
réponses à ces objections. En l’occurrence, le détournement consiste à prendre prétexte de la
présentation théorique générale pour laisser entendre que la Cour n’a pas forcément accepté
de donner une réponse positive à la requête de l’Assemblée Générale.
Cette remarque faite, l’Algérie rappellera tout d’abord que dès l’avis consultatif du 21 juin
1971 relatif « aux conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique
du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la Résolution 276 (1970) du Conseil de
10
sécurité »3, la Cour a recouru à une formule qu’elle affinera progressivement au point qu’elle
est devenue presque une formule convenue.
En effet, aux termes du paragraphe 19 de l’avis précité, la haute juridiction précise
que « avant d’aborder au fond la question qui lui a été posée, la Cour doit envisager les
objections qui ont été soulevées contre cet examen ».
Au paragraphe 12 de son avis consultatif du 16 octobre 1975 portant sur le Sahara occidental4,
la Cour souligne qu’elle « examinera d’abord certains problèmes concernant la procédure
adoptée en la présente affaire ».
Dans le paragraphe 54 de son dernier avis consultatif sur les îles Chagos de 2019, la Cour
souligne que lorsqu’elle est saisie d’une demande d’avis consultatif, « elle doit commencer
par déterminer si elle est compétente pour donner l’avis demandé et dans l’affirmative,
examiner s’il existe une quelconque raison pour exercer son pouvoir discrétionnaire de refuser
de répondre à la demande.
Mais, c’est évidemment sur l’avis consultatif du 9 juillet 2004 que l’Algérie va axer
l’essentiel de son propos dans cette partie, pour des raisons sur lesquelles il n’est guère besoin
de s’appesantir.
Le paragraphe 14 de cet avis, que l’extrait précité de l’avis sur l’archipel des Chagos reprend
mot pour mot, énonce que « lorsqu’elle est saisie d’une demande d’avis consultatif, la Cour
doit commencer par déterminer si elle est compétente pour donner l’avis demandé et, dans
l’affirmative, s’il existe une quelconque raison pour elle de refuser d’exercer une
compétence ». L’Algérie adoptera, sous bénéfice de la très importante remarque suivante, la
démarche de la Cour dans les développements qu’elle consacrera à cette partie de son exposé
écrit.
Pour respecter à la fois la logique et la démarche d’ensemble adoptées par la Cour dans ses
différents avis, mais également guidée, ainsi qu’elle l’a souligné précédemment, par le souci
d’anticiper les éventuelles objections qui pourraient être soulevées pour lui demander de
rejeter la requête pendante de l’Assemblée générale, l’Algérie entend démontrer, ci-après, leur
inconsistance.
La première question à envisager est celle de savoir si la Cour internationale de Justice est
compétente pour donner cet avis consultatif (II-1). Quant à la seconde, l’Algérie se propose
d’y traiter du pouvoir discrétionnaire de la Cour, question qui est de plus en plus privilégiée
par les Etats réticents à l’idée que la Cour réponde favorablement à la demande de
l’Assemblée générale. C’est en tout cas ce qui ressort de la lecture attentive des exposés écrits
et oraux faites par certains d’entre eux. (II-2).
3 CIJ, Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain)
nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, 21 juin 1971.
4 Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J Recueil 1975, p 12.
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II-1- SUR LA COMPÉTENCE DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE DE DONNER UN AVIS
CONSULTATIF
L’Algérie estime nécessaire de s’arrêter sur cette question qui a continué à susciter, malgré la
pertinence et la clarté des analyses de la Cour tendant à les rejeter des objections émanent de
quelques Etats.
Elle entend, bien que brièvement, les envisager. En raison de ce rapprochement, il ne serait
pas étonnant que les types d’arguments avancés dans les dernières espèces puissent inspirer
les Etats qui pourraient remettre en cause la compétence de la Cour dans la présente espèce.
L’Algérie va les envisager en précisant qu’ils ont été au centre de l’exposé écrit déposé par
Israël, le 30 janvier 2004, à propos de la requête relative à l’édification du mur en territoire
palestinien occupé (II-1-1). La Cour y a longuement répondu dans les paragraphes 22 à 43 de
son avis (II-1-2).
II-1-1- Les thèses israéliennes portant sur le rejet de la compétence de la Cour
Intitulée « Exceptions à la compétence », la deuxième partie de l’exposé écrit israélien a été
subdivisé en deux chapitres ayant respectivement pour titre « La demande d’avis consultatif
dépasse la compétence de la dixième session extraordinaire d’urgence et de l’Assemblée
générale » et « la requête ne porte pas sur une question juridique relevant du paragraphe 1 de
la Charte ni du paragraphe 1 de l’article 65 du statut ».
Selon le premier, « la Cour n’a pas compétence pour connaitre de la requête d’avis consultatif
pour deux raisons. En premier lieu, « la requête dépasse la compétence de la dixième session
extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale… » (II-1-1-1). En second lieu, « pour que
la Cour puisse exercer sa compétence, elle doit être saisie d’une requête portant sur
une « question juridique » (Exposé écrit, p.96, par.10-5). (II-1-1-2)
II-1-1-1- L’Assemblée générale a dépassé sa compétence
Le premier argument, longuement développé, a résidé dans la prétention que, « compte tenu
du rôle actif joué par le Conseil de sécurité à l’égard de la situation au Moyen-Orient, y
compris la question palestinienne, l’Assemblée générale, en demandant un avis consultatif sur
les conséquences juridiques de l’édification du mur dans le territoire palestinien occupé, avait
outrepassé la compétence que lui confère la Charte ». ( C.I.J., Recueil, 2004, avis consultatif,
p.148, par.24). L’exposé écrit a considéré que, ce faisant, l’Assemblée générale n’a respecté
ni la lettre ni l’esprit de la Charte.
II-1-1-2- La question posée n’est pas juridique
Le second argument avancé réside dans la mise en avant du caractère non juridique de la
question posée par l’Assemblée générale, nonobstant la sonorité de la répétition du qualificatif
juridique.
C’est la thèse avancée par des Etats notamment dans les quatre espèces précitées et tout
particulièrement par Israël dans l’affaire de l’édification du mur. L’accent a été mis sur les
caractères à la fois éminemment politique et biaisé de la démarche de l’Assemblée générale.
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Donc, en creux parfois, de manière beaucoup plus explicite d’autres fois, cette démarche vise
à nier le droit de l’Assemblée générale de demander un avis consultatif. En fait, un très fort
soupçon, pèse sur de nombreuses requêtes de l’Assemblée générale qui sont considérées
comme se livrant à un détournement de la procédure consultative en vue de régler un
différend bilatéral.
La procédure consultative ne serait qu’un habillage juridique destiné à contourner un
contentieux au règlement duquel l’une des parties particulièrement concernées n’a pas donné
son consentement. Or, le défaut de consentement d’une des parties rend le prononcé d’un avis
consultatif incompatible avec cette règle fondamentale du consentement qui est consacrée par
le Statut de la Cour internationale de Justice.
Cette analyse continue d’être régulièrement développée alors que dès son avis consultatif sur
la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie de 1971, la Cour avait déclaré que
« presque toutes les procédures consultatives ont été marquées par des divergences entre Etats
sur des problèmes de droit ; si les opinions des Etats concordaient, il serait inutile de
demander l’avis de la Cour ».
Nonobstant ce dictum de la Cour, la question a continué à être, de manière récurrente, au coeur
de plusieurs approches étatiques. Ainsi que cela a été annoncé précédemment, elle est
envisagée dans l’exposé écrit israélien qui lui a consacré tout un chapitre.
Dans le paragraphe 5-2 du chapitre 5, il est écrit que « la question posée à la Cour dans la
présente espèce n’est pas une question juridique relevant du paragraphe 1 de l’article 96 de la
Charte et du paragraphe 1 de l’article 65 du Statut… L’exception soulevée tient…au fait que
la question soumise à la Cour est libellée dans des termes incertains et qu’en conséquence,
elle ne se prête pas à une réponse de la Cour ». Selon le paragraphe 5-3 de cet exposé « pour
qu’une question constitue une question juridique…, elle doit être raisonnablement précise »,
conformément aux termes de l’article 65-2 du Statut de la Cour. Selon cette disposition, « Les
questions sur lesquelles un avis consultatif de la Cour est demandé sont exposées à la Cour
par une requête écrite qui formule, en termes précis, la question sur laquelle l’avis de la Cour
est demandé ».
II-1-2- La réponse de la Cour
II-1-2-1- Sur le premier argument
Après avoir décliner son raisonnement dans les paragraphes 25 et suivants, la Cour va, dans
un premier temps, estimer, au paragraphe 28, que « s’agissant de la pratique de l’Assemblée
générale, telle qu’elle a évolué, elle est compatible avec le paragraphe 1 de l’article 12 de la
Charte » et que donc, elle « n’a pas outrepassé sa compétence ».
Dans un second temps, au paragraphe 42, dans une conclusion générale sur cette question, elle
déclare qu’elle « a compétence pour donner l’avis consultatif demandé par la résolution ES-
10/14 de l’Assemblée générale ».
II-1-2-2- Sur le second argument
D’emblée, l’Algérie rappellera que l’attitude ferme et constante de la Cour a toujours consisté
à poser les termes de la problématique liée à la question de sa compétence. Comme les
13
exemples abondent, l’Algérie n’en citera que quelques-uns, ayant au demeurant des points
communs avec la requête actuelle de l’Assemblée générale.
Déjà, au paragraphe 15 de son avis sur la licéité de l’utilisation des armes nucléaires de 1996,
la Cour a clairement exprimé sa volonté de s’assurer du caractère juridique de la demande de
l’Assemblée générale.
Ce faisant, elle a adopté une démarche rigoureuse en exposant la problématique générale du
débat dans les termes suivants : « La Cour doit d’abord s’assurer que l’avis consultatif
demandé porte bien sur « une question juridique » au sens de son Statut et de la Charte des
Nations Unies ». Mais, elle a poursuivi par le rappel du paragraphe 15 de son avis sur le
Sahara occidental où elle avait indiqué que les questions « libellées en termes juridiques et
soulevant des problèmes de droit international… sont, par leur nature même, susceptibles de
recevoir une réponse fondée en droit…. (et) ont un caractère juridique ».
En outre, dans son avis consultatif sur « la conformité au droit international de la déclaration
unilatérale d’indépendance relative au Kosovo » de 2010, elle souligne, dans une formule
jusqu’alors inédite, que « une question qui invite expressément la Cour à dire si une certaine
action est conforme ou non au droit international est assurément une question juridique »
(C.I.J., Recueil 2010, p.415, paragraphe 25). Elle rajoute, au paragraphe 27, dans des termes
destinés à faire date, que le fait qu’« une question revête des aspects politiques ne suffit pas à
lui ôter son caractère juridique».
« La Cour ne saurait refuser de répondre aux éléments juridiques d’une question qui, quels
qu’en soient les aspects politiques, l’invite à s’acquitter d’une tâche essentiellement judiciaire,
à savoir, en la présente espèce, l’appréciation d’un acte au regard du droit international ». Ce
dictum avait déjà été avancé à maintes reprises dans de précédentes procédures.
Enfin, et pour conclure dans un même élan ce paragraphe 27, elle précise que « pour trancher
le point- qui touche à sa compétence- de savoir si la question qui lui est posée est d’ordre
juridique, elle ne doit tenir compte ni de la nature politique des motifs qui pourraient avoir
inspiré la demande, ni des conséquences politiques que pourrait avoir son avis » (ibid.).
L’Algérie reprend, mutatis mutandis, à son compte la démarche, les analyses et les
conclusions de la Cour rapportées ci-dessus au cas où de telles objections à la compétence
venaient à être avancées. Elle considère que la Cour est compétente pour traiter des politiques
et pratiques israélienne dans le Territoire palestinien occupé. D’autant que, et cet argument est
d’une importance particulière, la requête ne porte que sur des questions plus juridiques et plus
précises les uns que les autres. Ainsi en est-il de celles qui concernent le devenir du droit à
l’autodétermination du peuple palestinien ou des notions juridiques bien établies en droit
international de l’occupation, de la colonisation et de l’annexion.
Un second type d’objection, qui est en train de devenir le terrain de prédilection des Etats
réticents aux demandes d’avis consultatifs, portent sur la question de l’opportunité judiciaire
de donner un avis consultatif et par conséquent sur celle du pouvoir discrétionnaire de la Cour
en la matière.
14
II-2- A PROPOS DU POUVOIR DISCRÉTIONNAIRE DE LA COUR DE DONNER UN AVIS
CONSULTATIF
Ainsi que l’Algérie l’a précédemment relevé avec insistance à propos de sa compétence, la
Cour s’est toujours fait une obligation de vérifier l’opportunité d’exercer sa fonction
judiciaire.
Ce fut le cas, par exemple, dans la demande d’avis consultatif de l’Assemblée générale sur la
licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires. Au paragraphe 14 de son avis, la Cour
a estimé, à propos de son pouvoir discrétionnaire de donner ou de ne pas donner suite à une
demande de l’Assemblée générale, qu’elle « ne saurait exercer ce pouvoir discrétionnaire que
si elle a établi au préalable qu’elle a compétence dans l’espèce considérée ». On retrouve là la
méthode pédagogique de la Cour qui entend n’éluder aucune des objections soulevées dans
les exposés des Etats, dont certains ont tenté de détourner l’objectif poursuivi par la Cour.
Cette question figure en bonne place dans la thèse israélienne qu’il convient de présenter (II-
2.1) avant de traiter de son rejet en raison de la position ferme et constante de la Cour (II-1.2)
et de formuler des observations à cet égard (II-2.3).
II-2.1. La thèse israélienne
Présentée pour la première fois dans son exposé écrit du 30 janvier 2004 dans le cadre de la
procédure consultative relative à la requête portant sur les conséquences de l’édification du
mur dans le territoire palestinien occupé, cette thèse est rappelée dans les exposés écrit et oral
produits respectivement le 27 février 2018 et le 5 septembre 2018, c’est-à-dire 14 ans après, à
l’occasion de la procédure consultative engendrée par la requête de la Cour relative aux iles
Chagos.
II-2-1-1- L’exposé écrit du 30 janvier 2004
Selon cet exposé, il existerait trois raisons principales qui devraient amener la Cour à refuser
de donner l’avis consultatif demandé par l’Assemblée générale.
La première raison réside dans l’existence « des principes pertinents, en matière d’opportunité
et l’exercice, par la Cour, de son pouvoir discrétionnaire conformément au paragraphe 1 de
l’article 65 de son Statut ». Selon cette première idée, la Cour a l’obligation de rester fidèle
aux exigences de son caractère judiciaire et doit prendre en considérations les limites
inhérentes à sa fonction consultative.
La deuxième raison avancée a trait aux caractères de la question posée qui concerne « une
question litigieuse à l’égard de laquelle Israël n’a pas consenti à la compétence de la Cour ».
Quant à la troisième raison avancée, elle met l’accent sur le fait que « la requête soulève des
questions qui ne peuvent être éclaircies que contradictoirement » et que « la Cour ne dispose
pas de renseignements et d’éléments de preuve suffisants pour être à même de porter un
jugement sur toute question de fait contestée ».
15
II-2-1-2- Les exposés écrit et oral du 27 février et du 5 septembre 2018
Avant d’envisager lesdits exposés, il n’est pas sans intérêt de signaler que la déclaration
israélienne par laquelle elle a exprimé son refus de donner suite à la demande de l’Assemblée
générale relative à l’archipel des Chagos, les a préfigurées.
Celle-ci a considéré que la résolution A/RES/71/292 « vise à renvoyer un différend bilatéral à
la Cour internationale de Justice… » et que « la démarche sous-jacente représente…un
détournement de la disposition relative à l’avis consultatif prévue à l’article 96 de la Charte
des Nations Unies ».
S’agissant desdits exposés, ils reprennent, avec persistance et insistance, la thèse du refus de
donner suite à la requête de l’Assemblée générale des Nations Unies relative à l’archipel des
Chagos, en recourant même s’ils s’en défendent, aux mêmes idées et aux mêmes éléments de
langage utilisés quatorze ans auparavant à propos de la requête relative au mur. En effet,
l’exposé écrit prétend, d’une part, dans le paragraphe 1-5, qu’il se limite, « aux questions
touchant l’opportunité judiciaire ». Cet exposé recours, d’autre part, à cette figure de style
qu’est la prétérition lorsqu’il ajoute : « En particulier, il n’est pas dans notre intention
d’aborder des questions tenant à la compétence ou visant l’essence même du différend qui
sous-tend l’affaire, lequel, selon nous, revêt un caractère purement bilatéral ».
C'est-à-dire que l’exposé évoque des arguments qu’il dit ne pas vouloir aborder. Pour
l’Algérie, ramené à l’essentiel, cet exposé écrit développe les « deux bonnes raisons qui
devraient conduire la Cour à refuser de donner un avis consultatif en l’espèce ». Outre qu’il
faut, première raison, « éviter que le principe fondamental de l’acceptation de la compétence
soit contourné », la seconde raison tient au fait que « la procédure d’avis consultatif se prête
mal à l’examen des questions, de fait, complexes et litigieuses soulevées en l’espèce, dans la
mesure où elle ne prévoit pas les procédures contradictoires et les protections disponibles dans
le cadre d’une affaire contentieuse ».
Dans une démarche s’apparentant à un exercice d’autosuggestion, Israël convoque de
nouveau deux « raisons », déjà développées en 2004, même si elles sont agencées
différemment, pour demander à la Cour de refuser de donner un avis consultatif.
La première a consisté dans la mise en exergue du principe du respect absolu du principe du
consentement des Etats à la compétence de la Cour, qui serait bafoué si elle venait à répondre
favorablement à la requête de l’Assemblée générale. Cette question « touche au coeur d’un
différend en cours entre des Etats ». La seconde « raison » consiste dans le rappel que « la
procédure consultative se prête mal à l’examen de questions, de fait complexes et litigieuses,
soulevées en l’espèce » (p.3, par.3-1).
Par ailleurs, pour tenter d’être le plus exhaustif possible, l’Algérie pense qu’il est utile de
préciser que d’autres arguments ont été avancés pour étayer la thèse du refus de donner un
avis consultatif. La Cour en a traité dans les paragraphes 43 à 65 de l’avis. Si l’on excepte
ceux qui ont été présentés déjà par Israël, il en reste deux que l’Algérie s’y arrête, car ils
pourraient de nouveau être invoqués dans la présente procédure.
Le premier, par ordre chronologique, porte sur les obstacles à un règlement politique que
pourrait entrainer un avis consultatif rendu par la Cour. Le second, met l’accent sur l’inutilité
d’un avis consultatif. Plus précisément « est-il encore soutenu », comme l’écrit la Cour au
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paragraphe 59, « l’Assemblée générale n’aurait pas besoin d’un tel avis de la Cour, parce
qu’elle a déjà déterminé les conséquences juridiques de cette construction… et parce que, en
outre, l’Assemblée générale n’a jamais fait clairement connaitre ce qu’elle entendait faire de
l’avis demandé ».
II-2-2- Le rejet des thèses israéliennes par la Cour
Dans l’optique de rendre compte des positions de la Cour, l’Algérie rappellera la conception
que se fait la Cour de son pouvoir discrétionnaire en matière consultative. Dans son avantdernier
avis consultatif du 1er février 2012 (Jugement n°2867 du Tribunal administratif de
l’Organisation Internationale du Travail sur requête contre le Fonds International de
Développement Agricole), elle a très clairement et très utilement précisé ce pouvoir dans les
termes suivants : « L’article 65 du Statut indique clairement que la Cour a le pouvoir
discrétionnaire de répondre ou non à une demande d’avis consultatif… Ce pouvoir
discrétionnaire existe pour de bonnes raisons. Lorsqu’elle l’exerce, la Cour doit tenir compte
de sa double qualité d’organe principal de l’Organisation des Nations Unies et d’instance
judiciaire ».
C’est en ayant à l’esprit cette conception que l’Algérie aborde, dans un premier temps, les
analyses faites par la Cour dans l’avis consultatif du 9 juillet 2004, relatives aux trois
objections israéliennes évoquées précédemment à propos du mur et des iles Chagos, en ayant
à l’esprit l’éventualité de leur invocation à propos de la dernière requête de l’Assemblée
Générale.
Dans cet avis, la Cour a fait justice de l’ensemble du raisonnement fallacieux et des faux
arguments israéliens. Certes, elle a, comme à l’accoutumé, sacrifié à la rigueur de sa
démarche et a fait part de ses précautions méthodologiques pour souligner son « obligation de
s’assurer, chaque fois qu’elle est saisie d’une demande d’avis, de l’opportunité d’exercer sa
fonction judiciaire », en vérifiant qu’il n’existe pas « de raisons décisives » qui pourraient
faire obstacle à l’exercice de sa compétence consultative. Mais une fois cette précaution
méthodologique énoncée, ce devoir pédagogique accompli, la Cour a, très méthodiquement,
rejeté l’ensemble des arguties développées.
S’agissant des objections avancées par Israël, l’Algérie se propose de les examiner
chronologiquement, parce que celles qui ont été exposées dans le cadre de la procédure
relative aux iles Chagos pourraient être, et bien qu’elles ne soient substantiellement
différentes de celles émises en 2004, porteuses de la dernière argumentation en la matière.
L’objection relative à la fonction judiciaire de la Cour et aux limites de sa fonction
consultative a fait l’objet des paragraphes 43 et suivants. La Cour a fait état de cette thèse en
soulignant qu’il a été soutenu l’existence « d’un certain nombre d’éléments qui rendraient
l’exercice de sa compétence malvenu et étranger à sa fonction judiciaire ». Elle y a répondu
que « en tant qu’organe judiciaire principal des Nations Unies… la Cour ne devrait pas en
principe refuser de donner un avis consultatif, ajoutant même qu’elle « n’a jamais, dans
l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire refusé de répondre à une demande d’avis
consultatif ». (p.156, par.44).
En ce qui concerne la deuxième objection relative au fait que la demande porte sur une
question litigieuse entre deux Parties, la Cour « a pris acte du fait qu’Israël et la Palestine ont
exprimé des vues radicalement opposées sur les effets juridiques de l’édification du mur ».
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Elle a, ensuite, rappelé que « presque toutes les procédures consultatives ont été marquées par
des divergences de vue ». (p.158, par.48). Elle précise, en outre, que la requête de
l’Assemblée générale ne peut « être considérée comme une question bilatérale entre Israël et
la Palestine » mais « comme intéressant l’Organisation des Nations Unies ».
En troisième lieu, la Cour évacue l’argument relatif au manque de faits et d’éléments de
preuve dans les paragraphes 56 à 58 de son avis. Elle considère tout d’abord dans le
paragraphe 56 que « la question de savoir si les éléments de preuve dont elle dispose sont
suffisants pour donner un avis consultatif doit être tranchée dans chaque cas particulier ». Elle
souligne, au paragraphe 57, « qu’en l’espèce, elle a à sa disposition le rapport du Secrétaire
général, ainsi qu’un dossier volumineux soumis par celui-ci à la Cour…qui inclut de
nombreux rapports fondés sur des visites effectuées sur le terrain… ».
Pour ce qui est des deux objections relatives successivement à l’obstacle à un règlement
politique que constituerait une réponse favorable et à l’inutilité d’un avis consultatif, la Cour y
consacre respectivement les paragraphes 51 à 54 et 59 à 62.
L’hypothèse de l’avis consultatif comme obstacle à un règlement politique a déjà été avancée
à maintes reprises, comme l’indique la Cour qui s’est référée à plusieurs procédures
consultatives.
La haute juridiction considère d’abord que « l’influence que l’avis de la Cour pourrait avoir
sur ces négociations n’apparait pas de façon évidente » et « elle ne saurait considérer ce
facteur comme une raison décisive de refuser d’exercer sa compétence ».
Sur l’inutilité d’un avis consultatif, la Cour estime, dans le paragraphe 60, et dans un dictum
d’une particulière importance pour la requête actuelle, que « les avis consultatifs servent à
fournir aux organes qui les sollicitent les éléments de caractère juridique qui leur sont
nécessaires dans le cadre de leurs activités ». Elle se réfère à une jurisprudence abondante
pour étayer son raisonnement.
Cette jurisprudence énumère les différents objets des demandes d’avis. Il peut s’agir
« d’éclairer les Nations Unies » ou « d’une requête présentée par un organe des Nations
Unies, à propos de ses propres décisions, en vue d’obtenir de la Cour un avis juridique sur les
conséquences et les incidences de ces décisions » ou bien encore que l’avis « fournirait à
l’Assemblée générale des éléments de caractère juridique qui lui seraient utiles ». (p.162-163,
par.60).
L’Algérie reprend totalement à son compte le raisonnement et les conclusions de la Cour,
notamment eu égard au rapprochement qui peut être fait entre les arguments développés en
2004 et ceux qui pourraient l’être dans la procédure actuelle. En tout état de cause, elle ne
modifiera pas d’un iota les analyses menées par la Cour en 2004 si d’aventure des arguments
de refus équivalents ou ressemblants venaient à être exposés pour demander le refus de rendre
un avis consultatif.
De l’ensemble des développements de cette seconde partie, l’Algérie tire la conclusion que la
Cour doit rejeter les éventuelles objections qui pourraient être avancées pour contester la
requête de l’Assemblée générale des Nations Unies.
18
La Cour, pour sa part, doit également tirer les conclusions du fait que, comme de coutume,
Israël, membre de l’Organisation des Nations Unies, rejette systématiquement les décisions et
les résolutions de l’Assemblée Générale, du Conseil de Sécurité, et dénonce les rapports des
titulaires de mandats et des organes conventionnels chargés des droits de l’Homme, ainsi que
le propre avis de la Cour du 9 juillet 2004, puisqu’Israël avait souligné qu’il « n’était pas de la
compétence de la Cour International de Justice de « traiter de sujet politiques litigieux sans
l’accord des différentes parties impliquées … » et que par conséquent, « Israël poursuivra …
la construction du mur 5».
Ainsi, le non-respect des résolutions et décisions de l’Organisation des Nations Unies et de
ses organes par Israël illustre le mépris qu’il a pour le droit international et le principe de
«bonne foi».
A cet égard, l’opinion du juge Lauterpacht dans l’affaire de « la procédure de vote applicable
aux questions touchant les rapports et pétitions relatifs au territoire du Sud -Ouest
africain »6, est pertinente, en l’espèce, notamment à propos du respect des décisions des
Nations-Unies : « Quel que soit la teneur de la résolution…elle n’en reste pas moins un acte
juridique des Nations Unies, que tous les membres de l’organisation sont juridiquement tenus
de considérer avec le respect qui est dû … Il y a juridiquement obligation d’agir de bonne foi,
conformément aux principes de la Charte »7 .
« Ainsi, l’État qui persiste à ne pas tenir compte de l'avis de l'Organisation solennellement
exprimé et réitéré, et plus particulièrement dans le cas où l'expression de cet avis se rapproche
de l'unanimité, peut finir par dépasser la limite imperceptible entre l’impropriété et l’illégalité,
entre l'exercice de la faculté juridique de ne pas tenir compte de la recommandation et l'abus
de cette faculté, et qu'il s'est ainsi exposé aux conséquences qui en découlent légitimement »8.
Dans ce qui suit, l’Algérie entend souligner qu’Israël n’a cessé d’enfreindre les décisions et
résolutions des Nations-Unis et de ses organes mais également d’ignorer les obligations qui en
découlent, commettant jour après jour des violations flagrantes et continues des droits du
peuple palestinien et ce, depuis la résolution de l’Assemblée Générale 194 (1947) 9 à ce jour.
III- LES VIOLATIONS DU DROIT DU PEUPLE PALESTINIEN À
L’AUTODÉTERMINATION, RÈGLE IMPÉRATIVE DU DROIT INTERNATIONAL
III-1- OBSERVATIONS GÉNÉRALES
L’Algérie entend formuler plusieurs observations.
Elle relève tout d’abord que la Partie II (A) du « Matériel relatif à la demande d’avis
consultatif de la Cour présentée par l’Assemblée générale… » du 31 mai 2023 comporte un
chapitre intitulé « le droit à l’autodétermination ». Ce très précieux document publie deux
types de documents. Le premier type comporte toutes les résolutions de l’Assemblée Générale
portant sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes adoptées depuis le 30 novembre 1970
5 Ministère israélien des affaires étrangères, « The anti-terrorsit fence and the international court of justice »
https://www.gov.il/en/Departments/General/saving-lives-israel-s-anti-terrorist-fence-answers-to-questions-jan-2004
6 CIJ, Procédure de vote applicable aux questions touchant les rapports et pétitions relatifs au Territoire du Sud-Ouest
africain, Avis consultatif du 7 juin 1955.
7 Opinion individuelle du juge LAUTERPACHT, Avis consultatif, Procédure de vote applicable aux questions touchant les
rapports et pétitions relatifs au Territoire du Sud-Ouest africain, du 7 juin 1955, p.120
8Ibid.
9 UN General Assembly, 194 (III). Palestine - Progress Report of the United Nations Mediator ,11
December1948, A/RES/194.
19
jusqu’au 16 décembre 2021. Le second comporte les résolutions adoptées depuis 1995 par
l’Assemblée générale sous l’intitulé « le droit du peuple palestinien à l’autodétermination ».
La première d’entre elles, la Résolution 49/149 date du 7 février 1995 et la dernière, la
Résolution 77/208, a été adoptée le 28 décembre 2022.
La demande d’avis consultatif de l’Assemblée générale accorde une place importante au droit
du peuple palestinien à l’autodétermination, puisqu’il est le premier élément juridique auquel
la question de l’Assemblée générale se réfère.
Par ailleurs, l’Algérie tient à souligner que le préambule de la Résolution 77/247 s’y est référé
à plusieurs reprises. Plus que jamais, le droit à l’autodétermination est la clé de voûte du droit
international, aussi bien général que spécial. Mais, il l’était déjà au début des années 2000
lorsque l’Assemblée générale a formulé sa requête pour avis consultatif.
De fait, il a été au centre de la requête de l’Assemblée générale de décembre 2003 et du
contenu de l’avis consultatif du 9 juillet 2004. Dans ce dernier, le paragraphe 88 est
totalement consacré au principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. La Cour a tout
d’abord tenu à rappeler qu’il est consacré dans la Charte des Nations Unies et a été réaffirmé
dans la résolution 2625(XXV) de l’Assemblée générale dans des termes que la Cour reprend
dans ce paragraphe.
Cette résolution a précisé que « tout Etat a le devoir de s’abstenir de recourir à toute mesure
de coercition qui priverait de leur droit à l’autodétermination…les peuples mentionnés (dans
ladite résolution) ». Elle a, ensuite, précisé la place qu’il occupe dans les deux Pactes de 1966,
consacrés respectivement aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et
culturels. Ainsi que la Haute Juridiction l’a souligné, leur article 1er commun « réaffirme le
droit de tous les peuples à disposer d’eux-mêmes et fait obligation aux Etats de faciliter la
réalisation de ce droit et de le respecter, conformément aux dispositions de la Charte des
Nations Unies au droit à l’autodétermination. ». Elle a par la suite visé certains avis
consultatifs auxquels elle s’est référée.
Compte tenu de l’extrême importance de ce principe cardinal et son « intransgressibilité »,
l’Algérie, tout en faisant sienne l’analyse de la Cour, estime nécessaire de s’arrêter plus
longuement sur ce principe, notamment en rappelant d’abord les sources conventionnelles
fondamentales en la matière (III-1.1), ensuite les sources résolutoires (III-1.2), les sources
jurisprudentielles (III-1.3) et, enfin, les travaux de la Commission du Droit International (III-
1.4).
III-2- Les sources conventionnelles fondamentales
Même si le rappel de ces sources conventionnelles peut susciter de la perplexité en raison de
l’évidence du caractère impératif du droit à l’autodétermination, l’Algérie considère qu’il est
nécessaire d’y procéder, en s’en tenant brièvement à l’essentiel.
En premier lieu, l’Algérie rappelle que dès 1945, la Charte des Nations Unies a consacré le
principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, notamment lorsqu’elle prévoit, dans
l’article 1, paragraphe 2, de « développer entre les nations des relations amicales fondées sur
le respect du principe de l’égalité de droits des peuples à disposer d’eux-mêmes ».
En deuxième lieu, les deux Pactes relatifs respectivement aux droits civils et politiques et aux
droits économiques, sociaux et culturels proclament tous les deux que « tous les peuples ont le
20
droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut
politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel ».
S’agissant de cette disposition, le Comité des droits de l’homme a noté, dans son observation
générale n°12, que ce droit « revêt une importance particulière parce que sa réalisation est une
condition essentielle…de la protection des droits de l’homme ». Il a rajouté que, pour les
Etats, ce droit est « une disposition de droit positif qu’ils ont placée, en tant qu’article
premier, séparément et en tête de tous les autres droits énoncés dans ces Pactes » et l’a
qualifié de « droit inaliénable ».
III-3. Les sources résolutoires
Comme annoncé précédemment, l’Algérie s’en tiendra aux principales résolutions à forte
densité normative, significatives de la portée juridique du droit à l’autodétermination. Il s’agit,
par ordre chronologique des Résolutions 1514, 2131, 2625 et 3314.
La Résolution 1514 de 1960 est la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux
peuples coloniaux. Elle énonce un droit absolu que la Cour a invoqué pour établir sa nature
erga omnes.
La Déclaration de 1965 sur l’inadmissibilité de l’intervention dans les affaires intérieures des
Etats et sur la protection de leur indépendance et de leur souveraineté a souligné que « tout
Etat doit respecter le droit des peuples et des nations à l’autodétermination et à
l’indépendance ». Elle rajoute que « ce droit sera exercé librement en dehors de toute pression
extérieure et dans le respect absolu des droits humains et des libertés fondamentales ».
La Déclaration de 1970 relative aux principes du droit international touchant les relations
amicales et la coopération entre les Etats conformément à la Charte des Nations unies s’est
référée à plusieurs reprises au droit à l’autodétermination dans son préambule et dans son
dispositif.
Enfin, la Résolution 3314 portant définition de l’agression précise de manière significative
que les règles qui y sont prévues ne peuvent « en aucun cas porter préjudice au droit à
l’autodétermination » dans son article 7.
Quant au Conseil de sécurité, et toujours pour s’en tenir à l’essentiel, l’Algérie souligne tout
d’abord que le paragraphe 5 du préambule de la requête de l’Assemblée générale a rappelé
« les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et soulignant la nécessité de les
appliquer ». Celles-ci sont expressément citées dans le paragraphe 34 de ce même préambule
et dans les paragraphes 6 et 10 du dispositif.
Sur un plan plus précis, l’Algérie rappellera, mais seulement à titre illustratif, de récentes
résolutions de l’Assemblée reproduites, ainsi qu’elle l’a relevé plus tôt dans cet exposé écrit.
La résolution 77/208, intitulée « le droit du peuple palestinien à l’autodétermination », du 15
décembre 2022 « réaffirme le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, y compris son
droit à un Etat de Palestine indépendant ». Son préambule a rappelé la résolution 76/150 du 16
décembre 2021.
Il a également rappelé la Résolution 67/19 du 29 novembre 2012 qui s’est référée, dans le
neuvième alinéa de son préambule « aux droits inaliénables du peuple palestinien, à
commencer par le droit de disposer de lui-même ».
21
Pour conforter ce socle normatif, l’on relèvera que l’article 20, paragraphe 1 de la Charte
africaine des droits de l’homme et des peuples dispose que « tout peuple a droit à l’existence »
et que tout peuple « a un droit imprescriptible et inaliénable à l’autodétermination ».
III-4- Dans la jurisprudence de la Cour internationale de Justice
Outre les conventions internationales précitées, il importe de souligner la permanence réitérée
à chaque occasion de l’importance du principe d’autodétermination. C’est ainsi que la Cour
internationale de Justice a eu à revenir sur cette importance dans deux avis consultatifs qu’elle
a rendus, à la demande de l’Assemblée générale des Nations Unies, en 2010 et 2019.
Dans la première espèce, il s’agit de l’avis consultatif du 22 juillet 2010 sur « la conformité au
droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo ». Dans la
seconde, il s’agit de l’avis consultatif du 25 février 2019 rendu à propos des « effets juridiques
de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965 ».
Dans l’avis sur le Kosovo, il convient de noter que la Cour a déclaré que « au cours de la
seconde moitié du XXème Siècle, le droit international, en matière d’autodétermination, a
évolué pour donner naissance à un droit à l’indépendance au bénéfice des peuples des
territoires non autonomes et de ceux qui étaient soumis à la subjugation, à la domination ou à
l’exploitation étrangères ». (C.I.J. Recueil 2010, p.436, p. 79).
Dans l’avis consultatif sur l’archipel des Chagos de 2019, la Cour a donné un nouveau souffle
au droit à l’autodétermination en déclarant, au paragraphe 144, avec une certaine emphase
qu’elle « est consciente que le droit à l’autodétermination, en tant que droit humain
fondamental, a un champ d’application étendu », tout en ajoutant qu’elle « se limitera, dans le
cadre du présent avis consultatif, à l’analyse du droit à l’autodétermination dans le contexte de
la décolonisation », en réitérant la pertinence des textes fondateurs en la matière.
Dans cet esprit, elle a, d’abord, rappelé, au paragraphe 146, que « le respect du principe de
l’égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes figure parmi les
objectifs de l’Organisation des Nations Unies ». Elle a surtout ensuite qualifié, pour la
première fois, au paragraphe 150, la résolution 1514 (XV) de « moment décisif ».
Auparavant, elle avait considéré que cette déclaration était une « étape importante » de
l’évolution du droit à l’autodétermination dans son avis consultatif du 21 juin 1971. (C.I.J.
Recueil 1971, Avis consultatif, Conséquences de la présence continue de l’Afrique du Sud en
Namibie, p.31, par.57). Dans cet avis sur l’archipel des Chagos, elle rajoute que « la
résolution 1514 (XV) a un caractère déclaratoire s’agissant du droit à l’autodétermination en
tant que norme coutumière ». Plus encore, elle observe que « le libellé de la résolution
1514…a un caractère normatif » (par.153). Ce souffle se retrouve également dans les travaux
de la Commission du Droit international.
III-5- Dans les travaux de la Commission du Droit international (ci-après la
Commission)
Sans vouloir être exhaustif, il convient de souligner deux importants moments qui attestent la
montée en cadence du droit à l’autodétermination en tant que norme impérative du droit
international général dans les travaux de la Commission.
22
III-5-1- Le projet d’articles sur le droit de la responsabilité de l’Etat pour fait
internationalement illicite
L’Algérie tient à souligner l’importance du chapitre trois de la deuxième partie de ce projet
qui traite « des violations graves d’obligations découlant de normes impératives du droit
international », expression qui renvoie aux normes impératives du droit international » dont le
droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et partant au droit à l’autodétermination. L’Algérie
y reviendra dans la Partie VII-1-1-2 et VII-1-2 de son exposé, ci-après.
III-5-2- Le projet « normes impératives du droit international général (jus cogens) ».
Le droit à l’autodétermination figure dans la liste des normes recensées comme relevant du
jus cogens par la Commission. Lors des débats de la 6ème commission de 2018, un Etat, un
seul, Israël a estimé « contestable » (A/C.6/73/SR.27) que l’autodétermination soit rangée
dans la liste des normes impératives du droit international.
Le Rapporteur Spécial sur le sujet relatif aux règles de jus cogens a, dans une analyse d’une
grande rigueur, justifié cette insertion par l’existence d’une pratique allant dans ce sens. Pour
étayer son analyse, il a, tout d’abord, eu recours à la jurisprudence internationale allant dans
ce sens. L’Algérie a déjà traité de cette question, lorsqu’elle a analysé la jurisprudence
internationale pertinente en la matière. Elle y revient à travers l’analyse du Rapporteur Spécial
de la Commission. Ce dernier a mis en exergue le lien qui existe entre les notions de jus
cogens et de erga omnes, considérant à juste raison que la deuxième découlait de la première.
Il s’est tout particulièrement appuyé sur l’arrêt de la Cour dans l’affaire du Timor Oriental de
1995 et sur les avis consultatifs les plus proches de l’espèce en débat ici, à savoir ceux sur la
Namibie (1971), le Sahara occidental (1975) et le Mur (2004). En outre, il a mis en évidence,
comme points d’appui à son raisonnement, les résolutions 1514, 2131, 2625 et 3314 de
l’Assemblée générale. Ainsi, par exemple, cette dernière résolution précise que les règles
recensées ne peuvent « en aucun cas porter préjudice au droit à l’autodétermination ». Par
ailleurs, le Rapporteur Spécial a pointé certaines résolutions visant particulièrement le
territoire palestinien occupé.
IV- LES VIOLATIONS DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE
L’Algérie s’attachera dans ce qui suit à démontrer que les politiques et pratiques d’Israël dans
les territoires palestiniens occupés, y compris Jérusalem-Est, visant à maintenir le territoire
sous occupation prolongée, sont en violation du droit international humanitaire.
Son exposé consiste, dans un premier temps, à définir le statut juridique international des
territoires palestiniens occupés par Israël (IV-1), en mettant en perspective le statut particulier
de Jérusalem-Est, de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, pour ensuite démontrer l’illégalité
du maintien de cette occupation au regard du Droit international humanitaire (IV-2) et
l’obligation qui est faite à Israël de respecter les règles applicables dans les territoires
palestiniens occupés (IV-3).
IV-1- LE STATUT JURIDIQUE INTERNATIONAL DES TERRITOIRES PALESTINIENS SOUS
OCCUPATION ISRAÉLIENNE : QUALIFICATION DE LA SITUATION D’OCCUPATION DE LA
CISJORDANIE ET DE JÉRUSALEM-EST AU REGARD DU DROIT INTERNATIONAL
23
Pendant la guerre d’agression qui a duré de décembre 1947 à janvier 1949, les forces
israéliennes ont occupé la partie occidentale de Jérusalem, en violation de la résolution 181.
L’accord d’armistice du 3 avril 1949 a abouti à la division de facto de la ville en deux parties :
Jérusalem-Est et Jérusalem-Ouest, tandis que l’Organisation des Nations Unies continuait de
prôner pour la ville un statut spécial.
Le 9 décembre 1949, l’Assemblée générale a adopté la résolution 303 (IV), intitulée «
Palestine : question d’un régime international pour la région de Jérusalem et de la protection
des Lieux saints », dans laquelle elle réaffirmait «son intention de voir instaurer à Jérusalem
un régime international permanent qui prévoie des garanties satisfaisantes pour la protection
des Lieux saints, tant à Jérusalem qu’en dehors de cette ville, et de confirmer expressément
dans sa résolution 181 (II) que « la Ville de Jérusalem sera constituée en corpus separatum
sous un régime international spécial et sera administrée par les Nations Unies ».
Suite au conflit armé de 1967, qui a vu les forces armées israéliennes occuper l'ensemble des
territoires qui avaient constitué la Palestine sous mandat britannique y compris les territoires
désignés sous le nom de Cisjordanie et la bande de Gaza, ce qui représentaient environ la
moitié du territoire attribué aux pays arabes par le plan de partition de la résolution 181 (II) de
l’Assemblée générale de 1947, le Conseil de sécurité adopta le 22 novembre 1967, à
l'unanimité, la résolution 242 (1967) qui soulignait l'inadmissibilité de l'acquisition de
territoire par la guerre et appelait au « retrait des forces armées israéliennes des territoires
occupés lors du récent conflit », et à la « cessation de toutes assertions de belligérance ou de
tous états de belligérance ».
A partir de 1967, Israël a pris, dans ces territoires, diverses mesures tendant, pour ce qui
concerne Jérusalem, à modifier le statut de la ville. Le Conseil de sécurité, après avoir rappelé
à plusieurs reprises que « le principe de l'acquisition d'un territoire par la conquête militaire
est inadmissible », a condamné ces mesures et a confirmé, par la résolution 298 (1971) du 25
septembre 1971 de la façon la plus explicite que :
« Toutes les dispositions législatives et administratives prises par Israël en vue de modifier le
statut de la ville de Jérusalem, y compris l'expropriation de terres et de biens immeubles, le
transfert de populations et la législation visant à incorporer la partie occupée, sont totalement
nulles et non avenues et ne peuvent modifier le statut de la ville ».
Des résolutions adoptées par le Conseil de Sécurité depuis 196710 découlent l’illicéité de
l’occupation israélienne résultant de la Guerre des Six jours11 et établissent l’illégalité des
mesures israéliennes visant à modifier le statut de Jérusalem.12 Par conséquent, le statut actuel
d’Israël au regard de ces territoires n’est autre que celui d’occupant.
Or, en droit international, une puissance occupante ne détient pas la souveraineté sur le
territoire occupé. Elle ne fait qu’exercer son autorité sur ce territoire à titre temporaire13. Le
critère à cet égard, est celui du contrôle effectif du territoire14. Il importe peu que
l’administration quotidienne soit exercée par des autorités locales. Un territoire qui a été
10Conseil de sécurité, Résolution 242 (1967) UN Doc S/RES/242 (22 novembre 1967) par 1.
11Conseil de Sécurité, résolution 476 (1980) UN doc S/RES/476 (30 juin 1980) par 3 et 4; résolution 478 (1980) (n° 7) par 2,
3 et 5.
12Conseil de Sécurité, résolution 2334 (2016) UN Doc S/RES/2334 (23 décembre 2016) préambule.
13 Voir en particulier les articles 4 et 47 de la quatrième convention de Genève.
14Article 42 du règlement de La Haye de 1907.
24
occupé continue de l’être jusqu’à ce qu’intervienne soit un retrait définitif, soit un règlement
international définitif et acceptable. Or, aucun de ces évènements n’est réalisé en l’espèce.
La Cour dans son avis consultatif de 2004 sur les conséquences juridiques de l'édification d'un
mur dans le territoire palestinien occupé, avait déjà suggéré que la barrière de séparation et le
régime qui lui est associé « créent sur le terrain un "fait accompli" qui pourrait bien devenir
permanent, auquel cas [...] cela équivaudrait à une annexion de facto »15.
Vingt ans plus tard, la Cour a toutes les raisons de considérer que non seulement la situation
créée par la barrière, mais aussi l'emprise d'Israël, sont devenues équivalentes à une annexion
de facto, du moins dans toute la partie du territoire palestinien qui est sous administration
territoriale israélienne directe (Zone C 16 en vertu des Accords d'Oslo).
Lors de sa cinquième session extraordinaire d’urgence, l’Assemblée générale a adopté la
résolution 2253 (ES-V), intitulée « Mesures prises par Israël pour modifier le statut de la Ville
de Jérusalem », et dans laquelle, se déclarant « profondément préoccupée par la situation qui
existe à Jérusalem du fait des mesures prises par Israël pour modifier le statut de la Ville »,
elle a considéré que ces mesures étaient « non valides » et a demandé « à Israël de rapporter
toutes les mesures déjà prises et de s’abstenir immédiatement de toute action qui changerait le
statut de Jérusalem ».
A la suite de l'adoption par Israël, le 30 juillet 1980, de la loi fondamentale faisant de
Jérusalem la capitale « entière et réunifiée » d'Israël, le Conseil de sécurité, dans sa résolution
478 (1980) du 20 août 1980, a « décidé de ne pas reconnaître cette « loi fondamentale » et les
autres actions d’Israël qui, du fait de cette loi, cherchent à modifier le caractère et le statut de
Jérusalem »17. Dans la même veine, le Conseil de sécurité a précisé que l'adoption de cette loi
constituait une violation du droit international et que «toutes les mesures et dispositions
législatives et administratives prises par Israël, la puissance occupante, qui ont modifié ou
visent à modifier le caractère et le statut de la Ville sainte de Jérusalem ... étaient nulles et non
avenues ». Il a en outre « demandé à tous les États membres d’accepter cette décision ».18
L’occupation illégale de Jérusalem-Est par Israël entérinée dans sa législation nationale en
1980 a été condamnée à plusieurs reprises par la communauté internationale dans une série de
résolutions du Conseil de sécurité.
Dans la résolution 2334 (2016), le Conseil de Sécurité condamne à nouveau les mesures
visant à modifier le statut du « Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris
Jérusalem-Est »,19« souligne qu’il ne reconnaîtra aucune modification aux frontières du 4 juin
1967, y compris en ce qui concerne Jérusalem, autres que celles convenues par les parties par
la voie de négociations »20 et « demande à tous les États … de faire une distinction, dans leurs
échanges en la matière, entre le territoire de l’État d’Israël et les territoires occupés depuis
1967 »21.
15CIJ, avis sur l’édification du mur, op.cit., para 121.
16 La zone C est une division administrative de la Cisjordanie, en Palestine, entièrement sous occupation israélienne. Elle a
été définie par l'accord Oslo II de 1995. La zone C est sous l'administration du district israélien de Judée et Samarie, tandis
que la population palestinienne est directement administrée par le coordinateur des activités gouvernementales dans les
territoires.
17 Conseil de Sécurité, résolution 478 (1980), 20 août 1980.
18Conseil de Sécurité, résolution 2334 (2016), op.cit., para 5 (a).
19Ibid. par 4.
20Ibid. par 5.
21Conseil de Sécurité, résolution 478 (1980) (°n 7) par 5.
25
C’est aussi, dans ce sens, que la communauté internationale a condamné les actes unilatéraux
de reconnaissance du changement de statut de Jérusalem, à travers la résolution ES-10/1922
adoptée par l’Assemblée générale intitulée « Statut de Jérusalem »23, qui :
« 1. Affirme que toute décision ou action qui visent à modifier le caractère, le statut ou la
composition démographique de la Ville sainte de Jérusalem n’ont aucun effet juridique, sont
nulles et non avenues et doivent être rapportées en application des résolutions sur la question
adoptées par le Conseil de sécurité, et, à cet égard, demande à tous les États de s’abstenir
d’établir des missions diplomatiques dans la Ville sainte de Jérusalem, en application de la
Résolution 478 (1980) du Conseil ;
2. Exige que tous les États respectent les résolutions du Conseil de sécurité concernant la
Ville sainte de Jérusalem et s’abstiennent de reconnaître les actions et les mesures qui y sont
contraires ».
Cette résolution s’inscrit dans le cadre de la mise en oeuvre des normes internationales, afin de
garantir le respect du droit international et confirme la non-reconnaissance collective de ces
mesures et leur illicéité. Le préambule de la résolution ES-10/19 énonce que :
« Jérusalem est une question qui relève du statut final et qui doit être réglée par la voie de la
négociation, comme le prévoient les résolutions pertinentes des organes de l’Organisation
des Nations Unies ».
L'annexion de jure par Israël de Jérusalem-Est et de certaines parties de la Cisjordanie en
1967 (par une décision du Cabinet) et en 1980 (par un vote de la Knesset) constitue ipso facto
une violation du principe de non-annexion, tel qu'il est reflété par le droit pertinent en matière
d’occupation.
Peu après le vote de la Knesset, le Conseil de sécurité des Nations Unies a, en août 1980,
condamné Israël "dans les termes les plus énergiques", affirmant que les actions d'Israël
étaient contraires au droit international et que l'occupation de Jérusalem par Israël était « nulle
et non avenue » et « devait être annulée immédiatement ».
Israël en tant que puissance occupante ne respecte toujours pas ses obligations internationales
ainsi que toutes les résolutions des Nations unies sur l'occupation de Jérusalem.
Dans le même sens, et confirmant son intention de ne pas renoncer à sa politique
d’occupation, le premier ministre israélien a déclaré qu'Israël « avait l'intention de conserver
la totalité de Jérusalem de manière permanente ».
Et comme l’a indiqué le rapport du Directeur de la Division des opérations sur le terrain et de
la coopération technique du Haut-commissariat aux droits de l’homme, entre 2012 et 2022, la
population de colons israéliens en Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem-Est, était passée
de 520 000 24 à plus de 700 000 25. En 2022, on comptait environ 280 colonies et avant-postes
dans les territoires palestiniens et 138 colonies étaient officiellement reconnues par les
autorités d'occupation.
22Assemblée Générale, résolution ES-10/19. Statut de Jérusalem, 21 décembre 2017, A/RES/ES-10/19.
23Vote : 129 voix favorables contre 9, avec 35 abstentions.
24 Voir https://peacenow.org.il/en/settlements-watch/settlements-data/population(465 400 colons en Cisjordanie)
ethttps://peacenow.org.il/en/settlements-watch/settlements-data/jerusalem (229,377 in East Jerusalem)
25Idem .
26
La création et l'expansion des colonies dans le Territoire palestinien occupé sont l’équivalent
du transfert par Israël de sa propre population dans le territoire qu'il occupe, ce qui peut
constituer un crime de guerre au sens de l’art. 8, par. 2, al. b) viii) du Statut de la CPI (1998).
Dans ce sens, aussi bien l’Assemblée générale que le Conseil de sécurité ont tous deux
déclaré à maintes reprises que toute action ou décision visant à modifier le caractère, le statut
ou la composition démographique de la ville sainte de Jérusalem était dépourvue d’effet
juridique et était nulle et non avenue au regard du droit international. Ainsi, tout acte
unilatéral portant sur le statut de Jérusalem est un fait illicite au regard de son incompatibilité
avec les résolutions du Conseil de Sécurité et avec le droit international général. Et ce, comme
l’a rappelé Juge Koroma dans son opinion individuelle26 relative à l’édification du mur :
«tout aussi important, la communauté internationale dans son ensemble vis-à-vis du peuple
palestinien, a l’obligation de ne reconnaitre aucune modification unilatérale du statut de ce
territoire ».
Au-delà de Jérusalem, Israël s'emploie activement à annexer de facto certaines parties de la
Cisjordanie par le biais de ses colonies de plus en plus nombreuses, comme l'a précisé la Cour
Internationale de Justice dans son avis consultatif sur l’édification du mur27.
A titre d’illustration, le préambule de la Résolution ES-10/19 réaffirme que l’acquisition de
territoire par la force est inadmissible, et contraire aux règles du droit international en général,
ce qui doit impliquer une obligation de non-reconnaissance28, et « l'illicéité de toute
acquisition de territoire résultant de la menace ou de l'emploi de la force »29.
A cet égard, depuis, la résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations unies30, le principe
de "l'inadmissibilité de l'acquisition de territoire" par la guerre ou par la force, a été consacré à
plusieurs reprises par le Conseil de sécurité.
L'Assemblée générale des Nations unies a affirmé ce principe à l'unanimité dans la
« Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la
coopération entre les États »31, adoptée en 1970. Et dans son avis consultatif sur
l’établissement du mur de 2004, la Cour Internationale de Justice a estimé, au paragraphe 87,
que: "...l'illégalité de l'acquisition territoriale résultant de la menace ou de l'emploi de la
force" a acquis le statut de droit international coutumier.
C’est principalement à la lumière de ce qui précède que l’Algérie tient à rappeler que la plus
grave des violations faites par Israël est sans doute l’effort qu’il a constamment déployé pour
empêcher l’établissement d’un État palestinien, comme le prévoyait la résolution 181 (1947)
32.
26Opinion individuelle du juge Koroma, Avis consultatif du 9 juillet 2004, op.cit., para 7, p.73.
27ICJ, Legal Consequences of the Construction of a Wall in the Occupied Palestinian Territory (Advisory Opinion) ICJ
Reports 136 (2004) para 121
28CDI, Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs UN Doc :
A/56/10 (2001) 309-313 (commentaire à l’art 41, par 2).
29 CIJ, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif [2004] Rec
CIJ, para 87.
30Conseil de Sécurité, résolution 242, 22 novembre 1967, op.cit.
31https://legal.un.org/avl/pdf/ha/dpilfrcscun/dpilfrcscun_ph_f.pdf
32Assemblée Générale, Résolution adoptée sur le rapport de la commission ad hoc chargée de la question palestinienne, Res
181(II), gouvernement futur de la Palestine, 29 novembre 1947.
27
Une autre violation des droits du peuple palestinien est le franchissement des frontières
définies dans la résolution 181 de l’Assemblée générale de 1948 et l’occupation depuis 1967
de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et la bande de Gaza qui représentaient environ la
moitié du territoire attribué aux pays arabes par le plan de partition de la résolution 181 (II) de
l’Assemblée générale de 1947.
Le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale ainsi que le Conseil des droits de l’Homme ont
constamment réaffirmé le caractère inadmissible de l’acquisition de territoire par la force33 et
la nécessité impérieuse d’un retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés34,
censurant dans les termes les plus énergiques toutes les mesures prises par Israël en violation
du droit international.
IV-2- L’ILLÉGALITÉ DE L’OCCUPATION ISRAÉLIENNE PROLONGÉE DES TERRITOIRES
PALESTINIENS OCCUPÉS :
L’Algérie rappelle que la question 18 a) de la résolution 77/247 du 30 décembre 2022 fait
référence aux violations des principes mêmes du droit de l'occupation, tels que la
prolongation, se référant également aux violations de dispositions expresses spécifiques du
droit de l'occupation qui, dans des circonstances particulières, entraînent une remise en cause
des mêmes principes, tels que la colonisation et les pratiques discriminatoires. La Cour
Internationale de Justice a donc été investie de la question de la légalité de « l'occupation
prolongée » du territoire palestinien par Israël.
L'occupation israélienne du territoire palestinien dure depuis 56 années. Cinquante-six
longues années chargées de violations continues et aggravées des droits du peuple palestinien.
Cette durée lui a valu le qualificatif d'occupation "prolongée", cette durée rend également
l'occupation elle-même illégale. Au regard des cadres juridiques qui régissent spécifiquement
une situation d'occupation - le droit international humanitaire et le droit relatif à l'usage de la
force - une occupation doit être temporaire.
C’est principalement à la lumière de ces données que l’Algérie exposera son point de vue sur
l’illégalité de l’occupation prolongée des territoires palestiniens au regard du droit pertinent
en la matière.
Il existe en droit international, un ensemble de principes dont le respect détermine la légalité
d’une occupation, à savoir notamment : la puissance occupante ne possède ni souveraineté ni
titre sur le territoire occupé ; la puissance occupante est chargée de gérer l’ordre public et la
vie civile dans ce territoire et remplit cette mission au bénéfice de la population occupée, dans
l’optique du droit de cette population à l’autodétermination ; l’occupation est temporaire.
Ainsi, une puissance occupante ne peut en aucun cas acquérir le droit de conquérir, d'annexer
ou d'obtenir un titre souverain sur une partie quelconque du territoire qu'elle occupe
« l'occupation belligérante ne cède pas le moindre atome de souveraineté à l'autorité de
l'occupant »35. Il s'agit de l'un des principes les mieux établis du droit international moderne,
qui jouit d'une reconnaissance universelle.
33 Voir les résolutions 242 (1967), 252 (1968), 267 (1969), 298 (1971), 476 (180), 478 (1980) et 2334 (2016) du Conseil de
sécurité, et les résolutions 2628 (XXV), 2799 (XXVI) et 2949 (XXVII) de l’Assemblée générale
34Voir les résolutions 242 (1967) et 476 (180) du Conseil de sécurité, et les résolutions 2628 (XXV), 37/86 et 41/162 de
l’Assemblée générale.
35 Gross, A. (2017). The Writing on the Wall: Rethinking the International Law of Occupation. Cambridge : Cambridge
University Press, 2017, p.8
28
Selon les règles et principes du droit international humanitaire, l’occupation en temps de
guerre est une situation provisoire, qui n’enlève à la puissance occupée ni sa qualité d’État ni
sa souveraineté. L’occupation pour cause de guerre ne saurait comporter un droit quelconque
de disposer d’un territoire36.
En vertu du droit international humanitaire, l'occupation belligérante est censée être
temporaire ; toutefois, ce régime juridique ne fixe pas de date de fin à l'occupation, s'attachant
plutôt à imposer des restrictions à l'utilisation du territoire occupé par la puissance occupante
et à protéger la population civile.
La pratique et le droit internationaux n’établissent pas clairement le moment où une situation
d’occupation belligérante devient illégale. Cependant, il existe un principe essentiel reposant
sur le fait que la puissance occupante ne peut pas mettre en oeuvre des mesures - de jure ou de
facto - qui rendent l'occupation permanente. Dans le cas de la Namibie, dont les origines
étaient certes différentes de celles de la situation du Territoire palestinien occupé, la Cour
internationale de Justice a estimé dans son avis consultatif que la présence continue de
l’Afrique du Sud en Namibie était illégale. En outre, elle a déclaré que l’Afrique du Sud
« encourait des responsabilités internationales pour violation persistante d’une obligation
internationale parce qu’il occupait sans titre le territoire de la Namibie »37 .
L’Algérie rappelle que, dans un rapport de 2017, l'ancien Rapporteur Spécial, Michael Lynk,
a décrit que la prolongation de l’occupation israélienne des territoires palestiniens comme une
"ligne rouge" qui, une fois franchie, rend l'occupation illégale. Selon lui, en perpétuant
l'occupation et en apportant des changements au territoire occupé, y compris l'établissement
de colonies, l'expropriation de terres et l'exploitation de ressources naturelles, ainsi que la
prétendue annexion de jure de Jérusalem-Est, Israël a franchi une telle ligne « Israel’s role as
occupier in the Palestinian Territory – the West Bank, including East Jerusalem, and Gaza –
has crossed a red line into illegality »38.
De plus, dans son rapport de septembre 2022, la Commission internationale indépendante
chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, en Israël,
est arrivée aux mêmes conclusions39 :
« La Commission estime qu’il y a des motifs raisonnables de conclure que l’occupation
israélienne du territoire palestinien est aujourd’hui illégale au regard du droit international
en raison de sa permanence et des mesures mises en oeuvre par Israël pour annexer de facto
et de jure certaines parties de ce territoire. Les mesures prises par Israël pour créer des faits
irréversibles sur le terrain et pour étendre son contrôle sur le territoire constituent aussi bien
des manifestations que des moteurs de son occupation permanente. »
La Commission internationale indépendante a fondé sa conclusion sur :
36Voir Comité international de la Croix-Rouge (CICR), commentaire de 1958 sur l’article 47 de la Convention de Genève
relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre. Disponible à l’adresse
https://ihl-databases.icrc.org/applic/ihl/dih.nsf/Comme
37CIJ, Conséquences juridiques pour les États de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain)
nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 16, par. 108, 109, 111,
115, 117 à 127 et 133.
38https://www.ohchr.org/en/press-releases/2017/10/israel-must-face-new-international-legal-push-end-illegal-occupation
39 Report of the Independent International Commission of Inquiry on the Occupied Palestinian Territory,including East
Jerusalem, and Israel, 14 September 2022 (Issued on 20 October 2022), paras, 75-76, pp 26-27.
29
«(i) les mesures juridiques par lesquelles Israël a prétendu annexer officiellement Jérusalem-
Est40; (ii) l'établissement de colonies et d'avant-postes en Cisjordanie, et l'exploitation des
ressources naturelles qui y est associée, la construction de routes et d'infrastructures
réservées aux colons, les mesures d'ingénierie démographique et l'application
extraterritoriale du droit interne israélien aux colonies et aux colons41 ; et (iii) les
déclarations sans équivoque des responsables israéliens sur l'intention de s'approprier
définitivement des parties de la Cisjordanie »42.
L'occupation est par définition une situation temporaire et exceptionnelle dans laquelle la
puissance occupante assume le rôle d'administrateur de facto du territoire jusqu'à ce que les
conditions permettent la restitution du territoire au souverain. C'est ce qui distingue
l'occupation de l'annexion. En d’autres termes, le territoire doit être restitué à la puissance
souveraine - le peuple du territoire - dans un délai aussi raisonnable, afin d'honorer le droit de
ce peuple à l'autodétermination "dès que possible"43.
L’occupation israélienne des territoires palestiniens, comme l’a précisé le rapporteur spécial
Michel Lynk, est « sans précédent ni parallèle dans le monde d'aujourd'hui. Les occupations
modernes qui ont largement adhéré aux principes stricts de temporalité, de non-annexion, de
tutelle et de bonne foi n'ont pas dépassé 10 ans ».
Et les dispositions du droit de l’occupation sont très claires : la puissance occupante ne peut
pas traiter le territoire comme s'il lui appartenait et ne peut pas non plus revendiquer sa
souveraineté. « Pourtant, c'est ainsi qu'Israël a gouverné le territoire palestinien occupé
pendant la majeure partie de ses 50 années dernières années d’occupation »44.
Les gouvernements israéliens depuis 1967 ont poursuivi la croissance continue des colonies,
et l'ampleur des ressources financières, militaires et politiques engagées dans cette entreprise
dément toute intention de rendre l'occupation temporaire. La Cour internationale de Justice
avait anticipé cette situation dans son avis consultatif de 2004, dans lequel elle avait déclaré
que le mur « créait sur le terrain un fait accompli qui pourrait fort bien devenir permanent,
auquel cas la construction du mur équivaudrait à une annexion ». Il s’agit désormais d’une
réalité.45
L’Algérie, au vu des développements précédents, conclut qu’Israël considère l’occupation
comme une situation permanente tout en invoquant, pour se justifier, le caractère temporaire
de la situation, lequel n’est qu’une fiction. Et ce, comme l'a fait remarquer le professeur
Gershon Shafir 46: « temporariness remains an Israeli subterfuge for creating permanent
facts on the ground”, with Israel able to employ a seemingly indeterminate nature of the
occupation’s endpoint to create a ‘permanent temporariness’ that intentionally forestalls any
meaningful exercise of self-determination by the Palestinians. ».
Et comme l’a déclaré le Rapporteur spécial Michael Lynk, lors de la présentation de son
rapport en Octobre 2017 : « La communauté internationale s'est abstenue de répondre au
morcellement du territoire palestinien par Israël et à la défiguration du droit de l'occupation
40Ibid. para14-16
41Ibid. para 24-47
42Ibid. paragraphes 48-53.
43Conseil de sécurité, résolution 1483(2003) , 22 mai 2003,S/RES/1483 (2003), préambule al. 5 , et para 4 .
44https://www.ohchr.org/en/press-releases/2017/10/israel-must-face-new-international-legal-push-end-illegal-occupation
45CIJ, avis sur l’édification du mur, op.cit., para 121.
46Gershon Shafir, A Half Century of Occupation,University of California Press , (2017)pp.155 et 161.
30
avec les outils solides que sont le droit international et la diplomatie. Le droit international,
ainsi que les peuples de Palestine, ont tous souffert de ce processus »47.
Les orientations politiques et les déclarations de membres du gouvernement israélien48
fournissent certainement des arguments à la Cour Internationale qui peuvent renforcer ce
point de vue, sur la pérennité de l’occupation israélienne des territoires palestiniens
notamment lorsqu'elles annoncent que le peuple juif détient le droit exclusif et indiscutable
sur l'ensemble d'Eretz Israël (la Palestine et le plateau du Golan ), ou que « les Juifs ont des
droits exclusifs et inaliénables sur toutes les parties de la terre d’Israël, y compris le Golan
syrien et la ‘‘Judée’’ et la ‘‘Samarie’’»49 ainsi que l'intention du gouvernement de
promouvoir et de développer la colonisation en Cisjordanie.
La violation du principe de temporalité détermine l'illégalité d'une occupation au regard du
droit international humanitaire et du jus ad bellum. À la lumière de ce qui précède, le droit de
la responsabilité internationale impose à Israël l'obligation de mettre fin à ses actions illégales,
de retirer sa présence militaire et civile du territoire occupé50.
IV-3- L’OBLIGATION POUR ISRAËL DE RESPECTER LES RÈGLES APPLICABLES DANS LES
TERRITOIRES OCCUPÉS
II-1-3-1- L’applicabilité du Droit International Humanitaire
La question de l’Assemblée Générale s’agissant d’examiner « le droit » et les conséquences
de l’occupation israélienne au regard du Droit International Humanitaire, le Droit
international des Droits de l’Homme, et les résolutions pertinentes de l’Assemblée générale,
du Conseil de sécurité, et du Conseil de des droits de l’Homme n’est pas limitative mais
suggère le champ d’application du droit pertinent en l’espèce.
La définition de l’occupation en droit international humanitaire repose largement sur des
éléments de fait. Selon la définition qui en donne l’article 42 du règlement de La Haye de
1907 : « Un territoire est considéré comme occupé lorsqu’il se trouve placé sous l’autorité de
l’armée ennemie. L’occupation ne s’étend qu’aux territoires de cette autorité est établie et en
mesure de s’exercer ».
Dès lors, il est incontestable que l’occupation militaire n’entraine pas de transfert à l’Etat
occupant de la souveraineté d’un Etat auquel correspond la souveraineté légitime d’un
territoire. Il détient seulement des pouvoirs limités et temporaires lui permettant de gérer le
territoire occupé.
Le droit de l’occupation comprend les règles de droit international coutumier consacrées
notamment par le règlement de La Haye de 1907 et la quatrième Convention de Genève. La
Palestine est aujourd’hui, État partie aux Quatre Conventions de Genève et au premier
Protocole additionnel depuis le 10 avril 2014.
47https://www.ohchr.org/en/press-releases/2017/10/israel-must-face-new-international-legal-push-end-illegal-occupation
48https://www.adalah.org/uploads/uploads/Guiding_principles_government.pdf
49https://information.tv5monde.com/international/israel-benjamin-netanyahu-presente-un-programme-encourageant-lacolonisation-
en
50Conseil de sécurité, Résolution 242 ,22 Novembre 1967, op.cit.
31
Israël est réticent à admettre l’applicabilité des règles du Droit International Humanitaire et
donc de la quatrième Convention de Genève aux territoires occupés51 et préfère parler de
« territoires disputés » ou d’« application de facto et non de jure de la IVe Convention ».
Toujours en ce qui concerne le Droit International Humanitaire, bien qu’Israël ne soit pas un
État partie à la quatrième Convention de La Haye de 1907 – à laquelle est annexé le règlement
relatif aux lois et coutumes de la guerre sur terre – la Cour Internationale de Justice a
considéré que ses dispositions ont un caractère coutumier et les règles inhérentes au régime de
l’occupation fixées par cette Convention sont donc applicables à Israël 52.
De ce fait, les dispositions du règlement de La Haye de 1907 ont acquis un caractère
coutumier et certaines de ces dispositions, notamment la Section III est particulièrement
pertinente dans le cas d’espèce.
L'article 42 du Règlement de La Haye dispose que « [l]e territoire est considéré comme
occupé lorsqu'il est effectivement placé sous l'autorité de l'armée ennemie. L'occupation ne
s'étend qu'au territoire où cette autorité a été établie et peut être exercée ». Une occupation
belligérante a également été considérée comme établie lorsqu'un territoire est placé sous le
contrôle effectif des forces armées d'un État étranger.
Le fait qu'un contrôle effectif soit ou non établi sur un territoire donné détermine le début et la
fin d'une occupation belligérante et, par conséquent, l'applicabilité du Droit International
Humanitaire, en particulier le droit de l'occupation - le Règlement de La Haye53, la quatrième
Convention de Genève54, le Protocole additionnel55 et le droit international coutumier qui s'y
rapporte.
Les personnes protégées qui se trouvent en territoire occupé ne doivent pas être privées, des
droits qui leur sont reconnus en vertu du Droit International Humanitaire et du Droit
International des Droits Humains.
Comme l’avait rappelé l’Algérie, dans son exposé oral dans le cadre de la procédure
consultative relative à la requête concernant l’édification du mur en février 200456, « la
position juridique d’Israël consiste à nier l’applicabilité de la quatrième Convention de
Genève de 1949 », s’appuyant sur sa non-incorporation dans le droit interne israélien.
Cependant, « sa non-incorporation n’empêche pas son inapplicabilité », notamment au regard
du droit international conventionnel et du principe « d’exécuter de bonne foi les traités
auxquels ils ont librement souscrit », conformément à l’article 26 de la Convention de Vienne
sur le Droit des Traités.
51 La Cour suprême d’Israël ne parle jamais de « territoires occupés », ni d'« occupation », mais de « possession
belligérante » (tfisah lohmatit) et de « zone » (ha-Ezur).
52CIJ, avis sur l’édification du mur, op.cit., para 89.
53 Hague Regulations, Articles 42–56.
54 Fourth Geneva Convention, Articles 47‒78.
55 Additional Protocol i, Articles 14, 63, 69, 85(4) (a).
56CIJ, exposé oral de l’Algérie dans le cadre de la procédure consultative relative à la requête concernant l’édification du mur
en février 2004, p. 37.
32
De plus, un grand nombre de règles de la Convention du 12 août 1949 sont d’application
directe57 et qu’elles n’ont pas besoin d’une incorporation pour être exécutées, et notamment la
section trois de la troisième partie de la quatrième Convention qui porte sur « les territoires
occupés ».
L’Algérie tient à préciser et à rappeler que le « noyau dur du Droit International
Humanitaire » est composé de « principes intransgressibles qui s’imposent à tous les États
»58, formule utilisée par la Cour Internationale de Justice dans son avis du 8 juillet 1996. Dans
le même sens, le Tribunal Pénal pour l’ex-Yougoslavie, dans sa décision Kupreskic, a estimé
que « la plus part des normes de Droit International Humanitaires sont des impératives du
droit international ou jus cogens, c’est-à-dire impérieuses et qu’on n’y saurait y déroger »59.
Et comme l’a formulé le juge Higgins, dans son opinion individuelle, « les obligations que
celui-ci (le Droit International Humanitaire) impose sont absolues, notamment, la protection
des civils qui demeure une obligation intransgressible du Droit International
Humanitaire »60.
En vertu du Droit International Humanitaire, les situations d'occupation sont officiellement
classées comme des conflits armés internationaux, c'est-à-dire des confrontations armées
entrent deux ou plusieurs États.61 Outre le Droit International Humanitaire, le droit relatif aux
droits de l'Homme62reste applicable dans les situations d'occupation.
En conséquence, une puissance occupante doit garantir aux membres de la population locale
l'ensemble des droits qu'elle est en droit d'exiger en vertu du droit international63.
II-3-2- Le droit applicable à la Cisjordanie en tant que « territoire occupé »
Bien qu’Israël ne définisse pas la Cisjordanie comme un « territoire occupé » en raison de
l'absence « supposée » d'une ancienne puissance souveraine avant 1967, date à laquelle il en a
pris le contrôle. En conséquence, Israël rejette l'applicabilité de jure du droit de l'occupation et
prétend appliquer de facto les « dispositions humanitaires » de la Quatrième Convention de
Genève64.
L’Algérie réfute largement cette position et en s’appuyant notamment sur le rappel historique
que le Juge Kooijams, avait présenté dans son opinion individuelle rendue dans le cadre de
l’avis de la Cour sur l’édification du Mur, et qui précise que « la Cisjordanie avait été placée
par la Jordanie sous sa souveraineté, revendication qui n’a été abandonnée qu’en 1988 »65.
57CIJ, exposé oral de l’Algérie février 2004, op.cit.p. 39.
Voir également : Pierre-Yves FUX et Mirko ZAMBELLI, Mise en oeuvre de la Quatrième Convention de Genève dans les
territoires palestiniens occupés, RICR, Septembre IRRC SEPTEMBER 2002, Vol. 84 N°847.
58 CIJ, licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, avis consultatif du 8 juillet 1996, para 79 .
59 Tribunal Pénal pour l’ex-Yougoslavie, décision Kupreskic, 14 janvier 2000, paras 519-520.
60Opinion individuelle, CIJ, avis consultatif sur l’édification du mur, op.cit., para 19.
61 Fourth Geneva Convention, Article2; ICTY, Prosecutor v Tadić, Appeals Chamber, Decision on the Defence Motion for
Interlocutory Appeal on Jurisdiction, it-94-1, 2 October 1995, para 70.
62ICJ, Armed Activities on the Territory of the Congo (Democratic Republic of the Congo vs Uganda) (Judgement) ICJ
Reports 168 (2005) para. 216.
63ICJ, Legal Consequences of the Construction of a Wall in the Occupied Palestinian Territory (Advisory Opinion) ICJ
Reports 136 (2004) paras. 106‒113 ; UN Human Rights Committee, Concluding Observations on the Fifth Periodic Report of
Israel, ccpr/c/isr/co/5, 30 March 2022, para 7(b).
64ICJ, Legal Consequences of the Construction of a Wall in the Occupied Palestinian Territory (Advisory Opinion) ICJ
Reports 136 (2004) paras. 90 and 93.
65Opinion individuelle du juge Kooijmans, Legal Consequences of the Construction of a Wall in the Occupied Palestinian
Territory (Advisory Opinion) ICJ Reports 136 (2004), para. 8.
33
Et comme l'indique le commentaire du Comité International de la Croix-Rouge66« le statut
juridique de l'occupation ne requiert pas l'existence d'un occupant légitime antérieur sur le
territoire en question ».
En effet, et selon le CICR « le statut incertain d’un territoire ne fait pas obstacle à
l’applicabilité des règles de la Quatrième Convention, y compris celles relatives aux
territoires occupés. Pour que la Quatrième Convention s’applique, il suffit que l’État dont les
forces armées ont établi un contrôle effectif sur le territoire n’en ait pas été le souverain
légitime au moment où le conflit a éclaté ». Dès lors, l’occupation existe dès qu’un territoire
est sous le contrôle effectif d’un État qui n’en est pas le souverain reconnu.
Ceci renforce encore une fois l’argument en faveur de l’applicabilité de la quatrième
Convention de Genève dès le moment de l’occupation de la Cisjordanie par Israël en 1967.
Par conséquent, la Cisjordanie, dès 1967, est un territoire occupé d’une des hautes parties
contractantes au sens de la Quatrième Convention de Genève dont la Jordanie et Israël sont
toutes deux parties.
En outre, et malgré l'opposition persistante d'Israël67, la Cour Internationale de Justice et
divers organes des Nations Unies chargés des droits de l'Homme68 ont reconnu que l'ensemble
des obligations d'Israël au titre des traités relatifs aux droits de l'Homme continuaient de
s'appliquer à sa conduite en Cisjordanie.
La Cour Internationale de Justice69, le Conseil de sécurité des Nations-Unies70 et la Cour
suprême israélienne71 ont tous qualifié la Cisjordanie de territoire occupé dans lequel le
règlement de La Haye et la Quatrième Convention de Genève s'appliquent.
La Cour Internationale de Justice a d’ailleurs reconnu que « l’ensemble des territoires
occupés, les territoires situés entre la Ligne Verte et l’ancienne frontière orientale de la
Palestine sous mandat, y compris Jérusalem-Est, occupé depuis 1967 … demeurent des
territoires occupés et Israël conserve la qualité de puissance occupante »72 .
L’Algérie rappellera donc, de ce fait, que les règles et principes pertinents en l’espèce figurent
dans la Charte des Nations-Unies, certains traités internationaux, le droit international
coutumier, le règlement de La Haye de 1907, la Quatrième Convention de Genève de 1949,
ainsi que les résolutions pertinentes adoptées par l’Assemblée Générale, le Conseil de
Sécurité et le Conseil des droits de l’Homme, et sont, applicables dans les territoires
palestiniens occupés.
66CICR, Convention (I) de Genève pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en
campagne, 12 août 1949.Commentaire de 2016, Para. 324.
67 Government of Israel, Fifth Periodic Report Submitted by Israel under Article 40 of the Covenant Pursuant to the Optional
Reporting Procedure, 30 October 2019, paras. 23–26
68ICJ, Legal Consequences of the Construction of a Wall in the Occupied Palestinian Territory (Advisory Opinion) ICJ
Reports 136 (2004) paras 106–113; UN Committee against Torture, Concluding Observations on the Fifth Periodic Report of
Israel cat/c/isr/5, 16 February 2015, paras. 8–9; UN Committee on the Elimination of Discrimination against Women,
Concluding Observations on the Sixth Periodic Report of Israel, CEDAW/C/ISR/6, 14 July 2017, paras. 14–15; UN
Committee on Economic, Social and Cultural Rights, Concluding Observations on the Fourth Periodic Report of Israel,
E/C.12/ISR/4, 14 January 2019, paras. 9‒10; UN Human Rights Committee, Concluding Observations on the Fifth Periodic
Report of Israel, CCPR/C/ISR/CO/5, 30 March 2022, para. 7(b).
69 Ibid. paras. 89 and 101.
70UNSC Resolution 2334 (23 December 2016).
71HCJ 393/82, Jam’iat Iscan Al-Ma’almoun v IDF Commander in the Judea and Samaria Area (28 December 1983); HCJ
7015/02, Ajuri vs The Commander of IDF Forces in the West Bank (3 September 2002).
72ICJ, Legal Consequences of the Construction of a Wall in the Occupied Palestinian Territory (Advisory Opinion) ICJ
Reports 136 (2004), para. 78.
34
Israël, en tant que puissance occupante, a manqué encore une fois aux obligations qui lui
incombent en vertu des dispositions du droit pertinent en la matière.
IV-3-3- La situation particulière de la bande de Gaza
L'une des violations les plus notables du Droit International Humanitaire est le blocus de
Gaza, bande terrestre densément peuplée qui fait partie intégrante du territoire palestinien. Le
bouclage et le blocus terrestre, maritime et aérien de Gaza, qui constituent une peine
collective73, sont entrés dans leur seizième année, et continuent d’avoir des répercussions
extrêmement néfastes sur la liberté de circulation et sur l’exercice des droits économiques,
sociaux et culturels, y compris les droits à un niveau de vie suffisant, à la santé, à l’éducation,
au travail et à la vie de famille74.
Le blocus a notamment pour conséquence de restreindre considérablement l'accès des
Palestiniens à des produits essentiels tels que la nourriture, l'eau, le carburant, les
médicaments, les matériaux de construction et d'autres biens essentiels. Le blocus a eu
également des conséquences désastreuses sur la vie quotidienne des Palestiniens de Gaza,
entraînant une grave crise humanitaire et sanitaire.
Le blocus a aussi empêché les Palestiniens de quitter la bande de Gaza, ce qui a coupé les
liens familiaux et sociaux et a rendu difficile l'accès à l'éducation et aux soins médicaux. Par
exemple, pour l’accès aux services de santé spécialisés non disponibles à Gaza, les patients
concernés doivent obtenir d’Israël une autorisation de sortie pour pouvoir bénéficier de soins
critiques, parfois d’importance vitale.
De plus, dans le cadre du bouclage de Gaza, les autorités israéliennes ont cherché à
« différencier »75 leurs approches politiques à l’égard de Gaza et de la Cisjordanie, notamment
en imposant des restrictions plus importantes à la circulation des personnes et des biens de
Gaza vers la Cisjordanie, et à promouvoir la séparation entre ces deux parties du territoire
palestinien occupé. L’armée israélienne a publié une « Procédure d’installation dans la bande
de Gaza par les habitants de Judée et Samarie »76, qui indique qu’« en 2006, une décision a
été prise d’introduire une politique de séparation entre la zone de Judée et Samarie [la
Cisjordanie] et la bande de Gaza à la lumière de la montée en puissance du Hamas dans la
bande de Gaza. La politique actuellement en vigueur vise explicitement à réduire les
déplacements entre ces zones. »
La bande de Gaza est également le théâtre d’hostilités répétées et de nombreux incidents
mettant en évidence des violations du Droit International Humanitaire par Israël. En effet, au
fil des années, Israël a mené plusieurs opérations militaires majeures dans la Bande de Gaza,
dont certaines ont été marquées par le ciblage délibéré de civils et d'infrastructures civiles, et
les bombardements de zones résidentielles densément peuplées. Des attaques aériennes et
terrestres ont ainsi entraîné des pertes en vies humaines parmi la population civile, y compris
des femmes et des enfants, ainsi que des dégâts matériels considérables aux habitations, aux
écoles, aux hôpitaux et aux infrastructures essentielles.
73 A/HRC/46/63, par. 7 ; A/HRC/37/38, par. 4 ; A/HRC/34/36, par. 36.
74 Voir A/73/420.
75 https://gisha.org/UserFiles/File/LegalDocuments/54868_response_excerpt_ENG.pdf
76https://www.gov.il/BlobFolder/policy/procedureforsettlingresidentstaffinginthegazastrip/he/%D7%A0%D7%95%D7%94%
D7%9C%20%D7%94%D7%A9%D7%AA%D7%A7%D7%A2%D7%95%D7%AA%20%D7%AA%D7%95%D7%A9%D7
%91%20%D7%90%D7%99%D7%95%D7%A9%20%D7%91%D7%A8%D7%A6%D7%95%D7%A2%D7%AA%20%D7
%A2%D7%96%D7%94.pdf ( document disponible en hébreu)
35
Le principe de distinction, énoncé dans les Conventions de Genève, exige que les parties en
conflit distinguent en tout temps entre les civils et les combattants, et qu'elles prennent toutes
les précautions possibles pour épargner les civils et les biens de caractère civil. Le non-respect
de ce principe, notamment l'interdiction de la destruction sans nécessité de biens civils,
constitue une violation du Droit International Humanitaire.
De plus, l'usage excessif de la force par les forces israéliennes lors des manifestations à la
frontière de Gaza a également été critiqué par les organisations de défense des droits de
l'Homme. Des tirs à balles réelles sur des manifestants non-armés ont entraîné un grand
nombre de morts et de blessés. Le Droit International Humanitaire exige que l'usage de la
force soit proportionné et nécessaire en réponse à une menace imminente.
En tout état de cause, Israël reste une puissance occupante au sens du droit humanitaire
international, malgré le retrait de ses forces militaires et de ses colonies du territoire en
200577. De ce fait, Israël a l’obligation de respecter les droits humains des Palestiniens vivant
à Gaza, notamment leur droit à la liberté de circulation dans l’ensemble du territoire
palestinien occupé et à l’étranger, qui concerne à la fois le droit de quitter un pays et le droit
d’entrer dans son propre pays.
Israël est également tenu de respecter les droits des Palestiniens pour lesquels la liberté de
circulation est une condition préalable, par exemple les droits à l’éducation, au travail et à la
santé. Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a précisé dans son observation
générale sur l’article 1278, que « si les États peuvent restreindre la liberté de circulation pour
des raisons de sécurité ou pour protéger la santé publique, l’ordre public et les droits
d’autrui, ces restrictions doivent être proportionnées et « ne doivent pas porter atteinte à
l’essence même du droit ; le rapport entre le droit et la restriction, entre la règle et
l’exception, ne doit pas être inversé ».
Les violations du Droit International Humanitaire commises par Israël dans la bande de Gaza
peuvent entraîner des conséquences juridiques importantes. Les individus responsables de
crimes de guerre, de crimes contre l'humanité ou d'autres violations graves du droit
international doivent être tenus personnellement responsables devant les tribunaux
internationaux.
Ces violations soulèvent des questions graves quant au respect des obligations découlant du
droit international. Outre l’appel récurrent à l'établissement de la vérité, à la protection des
droits des victimes et à l'application du droit international, ces violations du Droit
International Humanitaire par Israël dans la bande de Gaza ont été condamnées par de
nombreuses organisations internationales, dont l'ONU et l'Union européenne. Ces
organisations ont appelé Israël à mettre fin au blocus, à cesser les frappes aériennes sur des
cibles civiles et à traiter les prisonniers palestiniens conformément au Droit International
Humanitaire.
77 Benny Avni, The O Word: Is Gaza Occupied Territory?, N.Y. SUN, Feb.11, 2008, http://www.nysun.com/foreign/o-wordis-
gaza-occupied-territory/71079/
78 Comité des droits de l’Homme, OBSERVATION GÉNÉRALE No 27 (67) , Liberté de circulation (article 12), 18octobre
1999
36
Par ailleurs, l’ancienne Procureure de la CPI, Mme Fatou Bensouda, a annoncé le 20 décembre
2019 que l’examen préliminaire de la situation en Palestine avait permis d’établir que des
crimes de guerre avaient été commis dans les territoires palestiniens occupés et que tous les
critères fixés par le Statut de Rome pour l’ouverture d’une enquête étaient remplis.
Deux ans après, en février 2021, la Cour Pénale Internationale (CPI) décide d’enquêter sur les
crimes commis par Israël au cours de la guerre de l’été 2014 sur Gaza, lors de la répression de
la marche du retour en 2018 et au sujet de la colonisation des territoires palestiniens occupés.
A ce jour, les conclusions de cette enquête n’ont pas été rendues publiques.
V- LES VIOLATIONS DU DROIT INTERNATIONAL DES DROITS DE L’HOMME
Le second corpus juridique invocable concerne le Droit International des Droits de l’Homme
et l’application de certaines conventions relatives aux droits de l’Homme dans le territoire
palestinien occupé.
Israël est partie à sept79 des principaux traités universels relatifs aux droits de l'Homme, il a
ratifié les principaux instruments relatifs aux droits de l'Homme : en 1979, il a ratifié la
Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale de
1965 ; en 1991, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 (PIDCP), le
Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), le Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), la Convention sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) de 1979,
la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
(CAT) de 1984, la Convention relative aux droits de l'Enfant (CRC) de 1989, et, en 2012, la
Convention relative aux droits des personnes handicapées de 2008.
Les obligations d’Israël en matière de droits de l’Homme dans le Territoire palestinien occupé
découlent de la compétence et du contrôle effectif qu’il exerce en tant que Puissance
occupante. Et ce, comme l’a déclaré la Cour internationale de Justice en 2004, en tant que
Puissance occupante, « Israël exerce une juridiction territoriale sur le Territoire palestinien
occupé et est donc, à ce titre, lié par des obligations en matière de droits de l’Homme à
l’égard de la population locale »80 .
Les organes des traités relatifs aux droits de l'Homme qui surveillent la mise en oeuvre des
traités relatifs aux droits de l'Homme ont également soutenu que ces instruments lient Israël
dans ses actions dans les Territoires occupés81, en tant que puissance occupante.
79 International Covenant on Civil and Political Rights (entered into force 23 March 1976) 999 UNTS 171 (ICCPR);
International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights (entered into force 3 Jan 1976) 993 UNTS 3 (ICESCR);
Convention Against Torture and Other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishment (entered into force 26 June
1987) 1465 UNTS 85 (CAT); International Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination (entered
into force 4 Jan 1969) 660 UNTS 195; Convention on the Elimination of All Forms of Discrimination Against Women
(entered into force 3 Sept 1981) 1249 UNTS 13; Convention on the Rights of the Child (entered into force 2 Sept 1990) 1577
UNTS 3 (CRC); Convention on the Rights of Persons with Disabilities, UNGA Res 61/106 (24 Jan 2007) UN Doc
A/RES/61/106 (2007).
80 Voir Conséquences juridiques de l’édification d’un mur (par. 110 à 113)
81 Human Rights Committee, Concluding Observations on the Fourth Periodic Report of Israel (21 Nov
2014) CCPR/C/ISR/CO/4, para 5; Committee on Economic, Social and Cultural Rights, Concluding Observations on Fourth
Periodic Report of Israel (12 Nov 2019) E/C.12/ISR/CO/4, para. 9; Committee on the Elimination of Racial Discrimination,
Concluding Observations on the Combined Seventeenth to Nineteenth Reports of Israel (27 Jan 2020) UN Doc
CERD/C/ISR/CO/17-19, paras. 8–9.
37
Israël a contesté l’application de ses obligations en matière de droits de l’Homme à l’extérieur
de son territoire national82, et rejette également leur co-applicabilité avec le Droit
International Humanitaire83.
Cependant, leur application dans le Territoire palestinien occupé (à savoir en Cisjordanie, y
compris Jérusalem-Est, et dans la bande de Gaza) a sans cesse été affirmée dans les
résolutions pertinentes de l’Assemblée générale84, dans des rapports du Secrétaire général85 et
du Haut-commissaire aux droits de l’Homme86, et par divers organes conventionnels.
Israël conteste l’application du Droit International des Droits de l’Homme, arguant qu’il ne
peut s’appliquer en temps de conflit armé. Dès lors, il rejette l’application du Pacte relatif aux
droits civils et politiques et du pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de
1966, en soulignant que leur application est de la responsabilité du gouvernement au pouvoir
en Cisjordanie et à Gaza.
Israël précise que « le Droit Humanitaire est le type de protection qui convient dans un conflit
tel que celui qui existe en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, tandis que les instruments
relatifs aux droits de l’Homme ont pour objet d’assurer la protection des citoyens vis-à-vis de
leur propre gouvernement en temps de paix »87. La Cour a écarté cet argument considérant –
et il s’agit de sa jurisprudence constante – que les conventions relatives aux droits de
l’Homme continuent de s’appliquer en temps de conflit armé88, sauf dans les cas où des
clauses dérogatoires s’appliqueraient.
La Cour Internationale de Justice a également fait observer que les obligations qui incombent
à Israël en vertu du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
comprenaient l’obligation « de ne pas faire obstacle à l’exercice de tels droits dans les
domaines où la compétence a été transférée à des autorités palestiniennes »89.
Pour l’Algérie une situation de conflit armé ou d’occupation ne libère pas un État de ses
obligations en matière de droits de l’Homme90, rappelant que l’applicabilité simultanée du
Droit International des droits de l’Homme et du Droit International Humanitaire dans une
situation de conflit armé ou d’occupation a été confirmée à de nombreuses reprises par les
organes de Traités chargés des droits de l’Homme, notamment par le Comité des droits de
l’Homme, dans les observations finales91 concernant le cinquième rapport périodique d’Israël,
82 E/C.12/1/Add.27 (par. 8). Voir aussi CIJ, avis consultatif, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur (par. 112).
83 Human Rights Committee, Concluding Observations on the Fourth Periodic Report of Israel, Addendum, Information
Received from Israel on Follow-Up to the Concluding Observations (9 Feb 2017) UN Doc CCPR/C/ISR/CP/ 4/Add.1, para 1;
Committee on Economic, Social and Cultural Rights, Replies of Israel to the List of Issues (27 Aug 2019) UN Doc
E/C.12/ISR/Q/4/Add.1, para 9; Committee on the Elimination of Discrimination against Women, Sixth Periodic Report of
States Parties Due in 2017, Israel (15 June 2017) UN Doc CEDAW/ C/ISR/6, para 8; Committee on the Elimination of Racial
Discrimination, Summary Record of the 2788th meeting, UN Doc CERD/C/SR.2788 (10 Dec 2019); Committee on the
Rights of the Child, List of Issues to be Taken up in Connection with the Consideration of the Combined Second, Third and
Fourth Periodic Reports of Israel (CRC/C/ISR/2-4) Addendum, Written Replies of Israel, Reply to the Issues Raised in part I,
(22 May 2013), para 2(c); Committee Against Torture, Fifth Periodic Reports of States Parties Due in 2013, UN Doc
CAT/C/ISR/5. (16 Feb 2015) Question no 7.
84 Assemblée Générale, Résolution 71/98.
85 A/69/348 (par. 5) et A/HRC/28/44 (par. 6).
86 A/HRC/8/17 (par. 7) et A/HRC/12/37 (par. 5 et 6).
87 CIJ, avis sur l’édification du mur de 2004, op.cit.
88 CIJ, Affaire des activités armées sur le territoire du Congo, Arrêt, 19 décembre 2005.
89 Ibid. (par. 112).
90 Voir, par exemple, la résolution 71/98 de l’Assemblée générale; A/69/348, par. 5 ; A/HRC/8/17, par. 7 ; A/HRC/12/37, par.
5 et 6 ; A/HRC/28/44, par. 6 ; A/HRC/34/38, par. 7.
91 CCPR/C/ISR/CO/5, par. 7.
38
ainsi que par la Cour Internationale de Justice qui précise que « la protection offerte par les
conventions régissant les droits de l’Homme ne « cessait » pas en cas de conflit armé, si ce
« n’était » par l’effet de clauses dérogatoires92.
Et comme l’a développé la Commission internationale indépendante dans son rapport de
202293 : « Pour ce qui est des débiteurs d’obligations, elle estime … que tous les territoires
qui demeurent sous occupation militaire israélienne et, partant, qu’Israël est le principal
débiteur d’obligations dans ces territoires, … étant donné que ceux-ci relèvent de la
juridiction d’Israël en tant que Puissance occupante et qu’ils sont placés sous son contrôle
effectif et que les obligations internationales d’un État en matière de droits de l’Homme ont
une portée extraterritoriale ».
Par conséquent, Israël est tenu de respecter les conventions relatives aux droits de l’Homme et
aux règles coutumières, qui sont obligatoires dans certains cas et ont le caractère de règles de
droit impératives.
Sans être exhaustive, l’Algérie entend présenter dans ce qui suit une liste de politiques et
pratiques attestant qu’Israël viole de manière permanente et délibérée les droits de l’homme
du Peuple Palestinien.
V-1- LES MESURES ISRAÉLIENNES « VISANT À MODIFIER LA COMPOSITION
DÉMOGRAPHIQUE » VIOLENT DE MANIÈRE PERSISTANTE LES DROITS DU PEUPLE
PALESTINIEN
L’un des principes fondamentaux du droit applicable aux occupations belligérantes est que la
Puissance occupante doit protéger les intérêts fondamentaux de la population sous occupation,
ce qui passe notamment par l’interdiction du transfert de sa propre population civile dans le
territoire qu’elle occupe94. L’article 49 de la Quatrième Convention de Genève vise à
empêcher la Puissance occupante de transférer une partie de sa propre population dans un
territoire occupé pour des raisons politiques ou raciales ou pour coloniser ce territoire95.
Cependant, depuis le début de l’occupation, Israël a adopté une série de politiques et mesures
ayant pour objectifs de « modifier la composition démographique » des territoires occupés.
Cette entreprise, qui est contraire au droit international, constitue le principal moteur de son
occupation prolongée, et de sa politique de peuplement israélien.
L’Algérie envisage d’aborder la question des « mesures israélienne visant à modifier la
composition démographique » à travers certaines illustrations de pratiques israélienne
entreprises depuis le début de la colonisation et qui constituent des violations flagrantes du
droit international.
92 CIJ, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le Territoire palestinien occupé, op.cit., p. 177 et 178, par. 102
à 106.
93 Rapport de la Commission internationale indépendante chargée d’enquêter dans le Territoire palestinien occupé, y compris
Jérusalem-Est, et en Israël, 9 mai 2022, A/HRC/50/21, para 22, p.6
94 Quatrième Convention de Genève, art. 27 et 49
95 Voir CICR, commentaire de 1958 sur l’article 49 de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles
en temps de guerre.
39
V-2- LA CONSTRUCTION ET L’EXTENSION DES IMPLANTATIONS ISRAÉLIENNES
La construction et l’extension des implantations israéliennes en Cisjordanie constituent une
violation importante du droit de l’occupation. L’extension continue des implantations96 est au
coeur de nombreuses violations des droits de l’Homme du peuple palestinien.
Dès les premières années d’occupation, Israël a mis en oeuvre une politique d’implantations
illégales dans le Territoire palestinien occupé. Actuellement, la Cisjordanie compte au total au
moins 590 000 colons97 (environ 386 000 répartis entre quelque 130 implantations dans la
zone C et 208 000 à Jérusalem-Est)98, ce qui signifie que la population des implantations a
plus que doublé depuis le début du processus d’Oslo en 199399.
Les accords d'Oslo conclus entre Israël et l'OLP prévoyaient que la question des colonies
serait traitée dans le cadre des négociations sur le statut permanent qui devaient être conclues
dans les cinq ans. Alors que l'accord intérimaire signé en septembre 1995 stipulait qu'aucune
des parties ne prendrait de mesures susceptibles de modifier le statut de la Cisjordanie et de la
bande de Gaza100.
La rupture des négociations sur le statut permanent à Camp David en juillet 2000, a permis à
Israël d’intensifier et de développer sa politique d’implantation de colonies.
Selon les différents rapports publiés par le bureau du Haut-commissariat des droits de
l’Homme, Israël aurait dépensé plusieurs milliards de dollars pour construire des colonies et
les infrastructures y afférentes : routes, systèmes de distribution et d’assainissement de l’eau,
systèmes de communication et d’électricité, systèmes de sécurité et établissements
d’enseignement et de soins de santé101.
L’un des principes fondamentaux du droit applicable aux occupations belligérantes est que la
Puissance occupante doit protéger les intérêts fondamentaux de la population sous occupation,
ce qui passe notamment par l’interdiction du transfert de sa propre population civile dans le
territoire qu’elle occupe102.
En ce sens, l'entreprise de colonisation en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, doit être
comprise non seulement comme une violation des obligations d'Israël en vertu du Droit
International des droits de l'Homme, ou comme une grave violation de l'article 49(6) de la
Quatrième Convention de Genève, qui interdit à la puissance occupante de transférer sa
propre population dans le territoire occupé. La construction et l’extension des implantations
israéliennes en Cisjordanie constituent également un crime de guerre conformément au Statut
de la Cour Pénale Internationale de Rome et devraient être interprétées comme une entreprise
96 Voir A/HRC/34/39 et A/71/355 (par. 34).
97 Peace Now, ‘Data on Settlements’, http://peacenow.org.il/settlements-watch/matzav/population.
98https://www.ohchr.org/fr/news/2023/03/human-rights-council-hears-current-israeli-plan-double-settlerpopulationoccupied#:~:
text=Christian%20Salazar%20Volkmann%2C%20a%20indiqu%C3%A9,%C3%A0%20plus%20de%
20700%20000.
99 Rapport du Quatuor pour le Moyen-Orient de juillet 2016, p. 4. Disponible à l’adresse :
www.un.org/News/dh/infocus/middle_east/Report-of-the-Middle-East-Quartet.pdf
100 ‘Facts on the Ground since the Oslo Agreement, September 1993’ (4 Dec 2000) 7 Palestine-Israel Journal of Politics,
Economics and Culture, http://www.pij.org/details.php?id=269
101 Yesh Din, Plundered Pastures: Israeli Settler Shepherding Outposts in the West Bank and Their Infringement on
Palestinians’ Human Rights, document de position, December 2021
Voir aussi: Peace Now, ‘Data on Settlements’, http://peacenow.org.il/settlements-watch/matzav/population.
102 Quatrième Convention de Genève, art. 27 et 49
40
coloniale qui « empêche la réalisation du droit des Palestiniens à l'autodétermination » et
poursuit délibérément « la « dépalestinisation »103 du territoire occupé ».
Poursuivant l’extension de sa population, Israël a même considéré les colonies comme une
"valeur nationale" en vertu de la Loi fondamentale de l'État-nation juif de 2018104, faisant
partie d’un plan pensé et élaboré dès 1947 et ce, comme il est explicité par la fédération
sioniste mondiale : «il nous faut désormais mener une course contre la montre. Pendant la
période en question, tout sera déterminé principalement par les faits que nous établirons dans
ces territoires, plutôt que par toute autre considération. C’est donc le meilleur moment pour
lancer une campagne de peuplement vaste et complète (...) »105.
Lorsqu’il justifie sa position officielle sur les colonies, Israël rappelle la présence juive
plurimillénaire sur le territoire et la reconnaissance dans le mandat pour la Palestine qui a été
adopté par la Société des Nations en 1922, des « liens historiques du peuple juif avec la
Palestine »106.
L’Algérie fait sienne la position palestinienne qui a dénoncé énergiquement les colonies
israéliennes, faisant observer qu’elles n’avaient aucune validité en droit, constituaient des
violations flagrantes du droit international, à savoir la Quatrième Convention de Genève, et
représentaient un obstacle majeur à la paix107.
L’expansion continue des colonies et des infrastructures connexes contribue activement à
asseoir l’occupation et rend la « solution des deux États » de moins en moins viable, de ce
fait, au cours de la dernière décennie, les Nations Unies ont « recensé 3372 incidents violents
commis par des colons. En 2022, les violences commises par les colons ont atteint le niveau le
plus élevé jamais enregistré par les Nations Unies »108.
Les autorités israéliennes ont exprimé publiquement l’intention de leur pays de rendre
irréversible la présence des colonies et d’annexer tout ou une partie de la zone C , ainsi, dans
un discours prononcé devant des colons à Elqana, le 17 mai 2022, le Premier Ministre, M.
Bennet, a souligné le caractère permanent des colonies, qui font déjà partie intégrante de
l’État d’Israël : « Avec l’aide de Dieu, nous serons également présents aux célébrations des
cinquantième, soixante-quinzième, 100e, 200e et 2000e anniversaires d’Elqana, au sein d’un
État juif uni et souverain sur la Terre d’Israël »109.
A la lumière de ces éléments, le Rapporteur Spécial des Nations-Unies sur la situation des
droits de l'Homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, dans son rapport
103 Wilde, R. Using the Master’s Tools to Dismantle the Master’s House: International Law and Palestinian Liberation, The
Palestine Yearbook of International Law Online, 22(1) (2021).
104 https://main.knesset.gov.il/EN/News/PressReleases/Pages/Pr13978_pg.aspx
105 Fédération sioniste mondiale, «Peuplement en Judée et en Samarie : stratégie, politique et plan » (voir A/36/341-S/14566,
106 Voir note du Secrétaire général sur la question de Palestine : texte du mandat (A/292). Voir également Ministère israélien
des affaires étrangères, « Israeli settlements and international law », 30 novembre 2015, disponible en anglais à l’adresse
www.gov.il/en/Departments/General/israeli-settlement-and-international-law.
107 Voir S/PV.7853
108 Conseil des droits de l’Homme, Le transfert par Israël de sa propre population dans le territoire qu'il occupe constitue un
crime de guerre, 28 mars 2023, https://www.ohchr.org/fr/news/2023/03/human-rights-council-hears-current-israeli-plandouble-
settler-populationoccupied#:~:
text=Christian%20Salazar%20Volkmann%2C%20a%20indiqu%C3%A9,%C3%A0%20plus%20de%20700%20
000.
109 Propos tenus par le Premier Ministre Bennett lors d’une visite effectuée au conseil local d’Elqana, le 17 mai 2022
41
publié en 2022110 a appelé à un "changement de paradigme" dans l'évaluation de l'occupation
israélienne du territoire palestinien, en reconnaissant son essence en tant que "régime
intentionnellement acquisitif, ségrégationniste et répressif". Sa conclusion est que l'occupation
israélienne, en tant que telle, « implique un usage illégal de la force et peut donc être
considérée comme un acte d'agression »111, qui exige sa cessation immédiate et l'octroi de
réparations.
Les implantations constituent un transfert de la population d’un État vers le territoire que
celui-ci occupe, ce qui constitue une violation du Droit International Humanitaire112. Le
caractère illégal des implantations en droit international a été confirmé par différentes
instances internationales, y compris la Cour internationale de Justice113, le Conseil de
sécurité114, l’Assemblée générale et le Conseil des droits de l’Homme115.
V-3- DÉMOLITIONS, EXPULSIONS ET RISQUE DE DÉPLACEMENTS FORCÉS DES POPULATIONS
PALESTINIENNES
En vertu du droit international, les propriétés privées situées en territoire occupé doivent être
respectées et ne peuvent pas être confisquées par la Puissance occupante116. Les procédures
d’expulsion dans ces cas comme dans les cas similaires sont fondées sur l’application de deux
lois israéliennes, la loi sur les biens des absents et la loi sur les questions juridiques et
administratives, qui sont apparemment incompatibles avec cette obligation117 . Dès lors, les
expulsions sont contraires aux obligations qui incombent à Israël en vertu du droit
international.
La façon dont Israël administre le territoire palestinien occupé est typique des pratiques
coloniales, la Rapporteur spécial des Nations-Unies, dans son rapport de 2022, précise que
« ce qui rend la situation dans le territoire palestinien occupé profondément illégale est le
déplacement illégal et intentionnel des palestiniens autochtones (et réfugiés) y habitant,
associé à l’altération du statut juridique, du caractère géographique et de la composition
démographique du territoire occupé118, par la fragmentation des terres, la saisie et
l’exploitation des ressources naturelles, et l’entrave au développement économique
palestinien, par et pour une minorité coloniale (grandissante) ».
L’Algérie entend souligner qu’en réalité, l’installation forcée de colons, de zones de
peuplement sur le terrain et l’espace des Palestiniens a servi à empêcher les Palestiniens de
jouir de leur droit à l’autodétermination119 et constitue une violation de plusieurs normes
impératives120 du droit international.
110 Assemblée Générale, Situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, 21 septembre
2022, A/77/356, para 70-71, pp22-23.
111 Ibid., para 72, p.24
112 Quatrième Convention de Genève (art. 49, al. 6).
113 CIJ, avis consultatif, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur, op.cit. (Par. 120)
114 Résolutions 2334 (2016) et 465 (1980) du Conseil de sécurité.
115 Résolution 31/36 du Conseil des droits de l’homme, et précédentes résolutions ; et déclaration du 17 décembre 2014 de la
Conférence des Hautes Parties contractantes à la quatrième Convention de Genève (par. 8).
116 Règlement de La Haye, art. 46.
117 A/75/376, par. 40-56.
118 Assemblée Générale, Situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967,
21 septembre 2022, op.cit., par. 35, p.13
119 CIJ, avis consultatif, Conséquences juridiques de l’édification d’un mur, op.cit. (par. 122) ; résolution 71/247 de
l’Assemblée générale.
120 A/HRC/22/63 (par. 38).
42
Les démolitions et expulsions, auxquelles il est procédé en application du régime de
planification discriminatoire d’Israël, ont été condamnées par le Comité des droits de
l’Homme qui en a conclu que « cette pratique systématique de démolitions et d’expulsions
fondées sur des politiques discriminatoires a entraîné la séparation des populations juives et
palestiniennes dans le Territoire palestinien occupé, ce qui s’apparente à de la ségrégation
raciale121 ».
V-4- LES OPÉRATIONS ILLÉGALES DE SAISIE ET DE DESTRUCTION DE BIENS DANS LES
TERRITOIRES PALESTINIENS OCCUPÉS
La destruction de propriétés et la saisie illégale de biens en territoires occupés font parties des
éléments d’une politique israélienne de démolition de propriétés privées palestiniennes dans
les territoires palestiniens occupés depuis 1967.
La destruction de maisons, de terres agricoles et d'autres biens palestiniens dans les territoires
occupés, y compris Jérusalem-Est, est inextricablement liée à la politique de longue date
d'Israël consistant à s'approprier autant que possible les terres qu'il occupe, notamment en
créant des colonies israéliennes.
Le Comité israélien contre les démolitions de maisons a estimé qu'Israël avait détruit 49 532
structures palestiniennes en 2019122.
Dans sa politique de démolition Israël a recours à deux types de mesures, les démolitions
administratives et les démolitions punitives : officiellement, les démolitions administratives
de maisons sont effectuées pour « faire respecter les codes et réglementations du bâtiment
qui, dans les territoires palestiniens occupés, sont établis par l'armée israélienne », les
démolitions punitives de maisons consistent à démolir les maisons de Palestiniens ou de
voisins et de parents de Palestiniens soupçonnés d'actes violents contre des Israéliens.
Les démolitions punitives de maisons et l’appropriation de biens dans un territoire occupé
lorsqu’elles ne sont pas justifiées par des nécessités militaires et sont exécutées sur une grande
échelle de façon illicite et arbitraire sont considérées comme une forme de « punition
collective » et constituent des infractions graves à l’article 147 de la Convention de Genève
relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (quatrième Convention de
Genève) donc comme un crime de guerre au regard du droit international.
Il est intéressant de rappeler que Theodor Meron, conseiller juridique du ministère israélien
des Affaires étrangères, avait informé le bureau du Premier ministre israélien dans un
mémorandum secret que « les démolitions de maisons, même celles de terroristes présumés,
violaient la quatrième Convention de Genève sur la protection des civils en temps de
guerre…Entreprendre de telles mesures - comme si elles étaient dans la continuité des
réglementations d'urgence obligatoires britanniques - pourrait être utile en tant que
ʺhasbaraʺ, diplomatie publique, mais n'était juridiquement pas convaincant »123. Le
rapporteur spécial des Nations-Unies sur le logement convenable a affirmé, dans un
communiqué, que « La démolition systématique de maisons palestiniennes, l’érection de
121 CCPR/C/ISR/CO/5, par. 42.
122 « The Israeli Committee Against House Demolitions (ICAHD) ».
123 https://www.haaretz.com/opinion/2015-05-19/ty-article/.premium/israel-knew-all-along-that-settlements-wereillegal/
0000017f-e70e-d62c-a1ff-ff7f9ff80000
43
colonies israéliennes illégales et le refus systématique de permis de construire pour les
Palestiniens en Cisjordanie occupée s’apparentent à un ʺhomicideʺ»124.
Israël a également recouru à des mécanismes juridiques – la loi sur les biens des absents et les
procédures d’enregistrement des titres fonciers – pour confisquer des terres et des biens
palestiniens. Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires
palestiniens occupés depuis 1967 estime que le régime de plus en plus institutionnalisé
d’oppression raciale systématique et de discrimination à l’égard du peuple de Palestine Ces
pratiques sont utilisées comme un moyen de « judaïser des parties du territoire occupé, en
particulier Jérusalem-Est »125 .
L’Algérie rappelle que les démolitions et les expulsions forcées qu’elles entraînent donnent
lieu à de nombreuses violations des droits de l’homme, avec des effets négatifs sur les droits à
un logement convenable, à l’eau, à l’assainissement, à la santé, à l’éducation, à la vie de
famille, à la résidence et à la liberté de circulation
Les transferts forcés de populations palestiniennes peuvent en outre s’accompagner
d’infractions à d’autres dispositions du Droit International Humanitaire telles que
l’interdiction de détruire des biens privés comme publics, par exemple126.
En vertu des dispositions de la Quatrième Convention de Genève, la Puissance occupante doit
administrer les biens publics conformément aux règles de l’usufruit. Elle peut donc se servir
de ces biens et en disposer pour autant que cela n’en altère pas la substance127. Les biens
privés doivent être respectés et ne peuvent pas être confisqués128; la destruction d’un bien par
la Puissance occupante est expressément interdite par le Droit International Humanitaire129.
La saisie d’un bien ainsi que la destruction de logements, d’infrastructures et de vergers
palestiniens, dans le but d’établir, de développer et de maintenir des implantations et d’y
donner accès, constituent également des violations flagrantes des règles de l’usufruit.
Le droit international coutumier oblige la puissance occupante à respecter la propriété
privée130 et interdit la confiscation de la propriété privée par l'armée d'occupation131 . La terre
peut être expropriée en vertu du droit coutumier dans le territoire occupé, si elle est effectuée
au profit de la population locale. L'expropriation de terres privées pour l'établissement de
colonies est clairement illégale132.
La saisie de terres pour l'établissement de colonies ne peut être justifiée en tant que
réquisition133 pour un certain nombre de raisons. Premièrement, une installation civile ne
124 https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/02/un-experts-say-israel-should-be-held-accountable-acts-domicide
125 Israel/Occupied Territories: Demolition and dispossession: the destruction of Palestinian homes, p. 31
126 Quatrième Convention de Genève, art. 53 et Convention concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, art. 46.
127 Convention concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre (art. 55), Quatrième Convention de Genève (art. 53) et
Droit international humanitaire coutumier (CICR), règle 51.
128 Convention concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre (art. 46 et 56), Quatrième Convention de Genève (art.
53) et Droit International Humanitaire coutumier (CICR), règle 51.
129 Quatrième Convention de Genève (art. 53) et Droit International Humanitaire coutumier (CICR), règle 51
130 Art. 46 du Règlement de La Haye
131 Idem
132Art.52 Règlement de la Haye.
133 The concept of requisition is based on taking property for a limited period of time with the intention of returning it when
that time expires. When the property is taken for permanent use by others, the fact that at some date in the future the property
may conceivably be returned to its original owners does not mean that the owner is deprived of use of the property merely for
a limited time: Benvenisti (n° 1) 7; Cassese (n°52) 421–22
44
constitue pas un « besoin de l'armée d'occupation (installation militaire) ». Deuxièmement,
une réquisition (par opposition à la confiscation ou à l'expropriation) est son caractère
temporaire, or les terres réquisitionnées pour l’établissement des colonies de peuplement ne
sont pas temporaires134 mais visent un objectif de durée135.
L’Algérie tient à souligner que l’implantation de colonies, les déplacements forcés de
populations, la destruction et l’appropriation de biens non justifiées par des nécessités
militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire constituent une
atteinte grave à la Quatrième Convention de Genève et peuvent constituer des crimes de
guerre, conformément aux articles 49, 53 et 147 de la Quatrième Convention de Genève et
aux dispositions des articles 46 et 56 du Règlement de La Haye, et ces déplacements forcés
pourrait mettre en cause la responsabilité pénale des individus concernés136.
Dans le même sens, le Comité des droits de l’homme a estimé que « la pratique systématique
de démolitions et d’expulsions, fondée sur des politiques discriminatoires, a conduit à la
séparation des communautés juives et palestiniennes dans le Territoire palestinien occupé, qui
est constitutive de ségrégation raciale »137.
V-5- Les lois discriminatoires sur le droit au logement
Le droit au logement des Palestiniens de Jérusalem-Est a été affaibli par la loi relative aux
biens des personnes absentes138, promulguée en 1950, qui autorise la confiscation des biens
des Palestiniens dans les zones où « la loi de l’État d’Israël s’applique » si le propriétaire des
biens a fui ou se trouvait hors de cette zone après le 27 novembre 1947 139.
Depuis l’annexion illégale de Jérusalem-Est au regard du droit international, les biens
appartenant à des Palestiniens résidant en dehors de la ville ont été considérés comme des
«biens appartenant à des personnes absentes» et, dans certains cas, ont été transférés ou
vendus à des organisations de colons140. Si la loi de 1970 sur les questions juridiques et
administratives autorise les demandes de restitution de biens à Jérusalem-Est appartenant à
des personnes juives avant 1948, elle ne permet pas aux Palestiniens de revendiquer des droits
de propriété équivalents à Jérusalem-Ouest.
En appliquant la loi relative aux biens des personnes absentes et la loi sur les questions
juridiques et administratives à Jérusalem-Est, Israël abuse de l’autorité limitée qu’une
puissance occupante peut avoir selon le droit international humanitaire. Ces deux lois
semblent incompatibles avec l’obligation de respecter la propriété privée dans un territoire
occupé et de ne pas la confisquer141. En outre, les confiscations prévues par ces lois sont
uniquement fondées sur la nationalité ou l’origine du propriétaire, ce qui rend ces lois
intrinsèquement discriminatoires.
134 Voir jurisprudence de la Cour suprême israélienne : HCJ 290/89 Jouha v Military Commander in Judea and Samaria (3
July 1989).
135 Land is not expressly mentioned in Article 52, but as the Supreme Court mentioned in HCJ 606/78 Ayoub v. Minister of
Defense (15 March 1979) PD 33(2) 113, 129 (Beit El).
136 Quatrième Convention de Genève (art. 147) et Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale (art. 8 2) b) viii).
137 CCPR/C/ISR/CO/5, par. 42
138 Voir https://www.adalah.org/uploads/oldfiles/Public/files/Discriminatory-Laws-Database/English/04- Absentees-Property-
Law-1950.pdf.
139 A/75/376, par. 51, et A/70/351, par. 30 et 31.
140 A/75/376, par. 51. 107 ; voir aussi https://law.acri.org.il/pdf/unsafe-space-en.pdf, p. 35.
141 Règlement de La Haye, art. 46, et A/75/376, par. 51.
45
V-6- LES ACTES ASSIMILABLES À UNE ANNEXION, Y COMPRIS TOUTE MESURE UNILATÉRALE
QU’ISRAËL AURAIT PRISE POUR DISPOSER DE PARTIES DU TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ
COMME S’IL POSSÉDAIT LA SOUVERAINETÉ SUR CELUI-CI
En vertu du droit international, la Puissance occupante a le droit d’utiliser les ressources
naturelles d’un territoire occupé dans une mesure limitée. Au titre de l’article 55 du
Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre de 1907 (Règlement de La
Haye), la Puissance occupante ne peut agir que comme administrateur et usufruitier des
édifices publics, immeubles, forêts et exploitations agricoles. Ce faisant, elle doit sauvegarder
le fonds de ces propriétés et les administrer conformément aux règles de l’usufruit. De plus, le
pillage est interdit par les articles 28 et 47 du Règlement de La Haye, ainsi que par l’article 33
de la quatrième Convention de Genève. Cette interdiction s’applique à tous les types de biens,
que ceux-ci appartiennent à des personnes privées ou à l’État142. Le pillage est en outre un
crime de guerre au titre du paragraphe 2 b) xvi) de l’article 8 du Statut de Rome de la Cour
Pénale Internationale.
La terre est une ressource naturelle essentielle, qui fait partie intégrante de l’identité et de
l’économie palestiniennes. Actuellement, les Palestiniens peuvent mener des activités de
construction sur moins de 1% des terres de la zone C, du fait des politiques d’aménagement
israéliennes et de l’expropriation par Israël depuis 1967. Israël a exproprié des propriétaires
de leurs terres dans toute la Cisjordanie à des fins diverses, notamment pour mettre en place
des colonies, des zones industrielles, des terres agricoles et pastorales pour les colons, ainsi
que des routes, en violation du droit international143.
Lorsque des personnes quittent leur domicile du fait de cette coercition, celle-ci peut
constituer un élément du crime de déportation ou de transfert forcé de population, crime
contre l’humanité visé au paragraphe 1 d) de l’article 7 du Statut de Rome.
Par exemple, des entités quasi gouvernementales ont joué un rôle dans l’expropriation des
terres et la gestion de leur attribution aux colonies144 comme le fonds national juif, créé en
1901 pour acheter des terres dans la région et y établir des implantations juives145 . En août
2022, les médias israéliens ont rapporté que ce Fonds national juif avait voté l’allocation d’un
montant de 61 millions de shekels (16 millions de dollar) à l’acquisition de terres appartenant
à des Palestiniens dans la vallée du Jourdain, à l’intérieur d’une zone militaire d’accès
réglementé.
Israël a également utilisé des terres pour son activité industrielle et économique en créant des
zones industrielles en divers endroits de la Cisjordanie. Il a encouragé les entreprises à
transférer leurs activités dans ces zones en leur offrant des incitations financières, des permis
et des licences qui sont rarement accordés aux entreprises qui fournissent des services aux
142 Voir CICR, commentaire de 1958 sur l’article 33 de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles
en temps de guerre
143 B’Tselem, State Business : Israel’s Misappropriation of land in the West Bank through Settler Violence (Jérusalem,
novembre 2021), p. 7. Voir également B’Tselem, Land Grab, p. 47 ; Bureau de la coordination des affaires humanitaires, «
Area C of the West Bank: key humanitarian concerns », version mise à jour en août 2014.
144 Uri Blau, « From N.Y.C. to the West Bank: following the money trail that supports Israeli settlements », Haaretz, 7
décembre 2015
145 La Paix Maintenant, « Involvement of KKL-JNF and the settlement division in the settlements », p. 2.
Disponible à l’adresse http://peacenow.org.il/wp-content/uploads/2020/02/KKL_Settlement-Division-Fact-Sheet.pdf.
46
Palestiniens. Israël a pris des mesures énergiques pour dissuader les États et les entreprises de
distinguer les produits fabriqués en Israël de ceux provenant des colonies146.
Au titre des Accords d’Oslo, Israël était temporairement chargé de l’aménagement, du zonage
et du développement de la zone C. Cependant, cette responsabilité n’a toujours pas été
transférée à l’Autorité palestinienne, chose qui réduit grandement les possibilités de
développement des Palestiniens147. Israël s’est servi de son autorité en matière de planification
et de zonage pour imposer aux activités de construction des restrictions considérables qui
s’appliquent principalement aux Palestiniens, afin de limiter l’utilisation des terres par ces
derniers et de soutenir le développement des colonies.
VI- LES INCIDENCES DES POLITIQUES ET PRATIQUES ISRAÉLIENNES SUR
LE STATUT DE L’OCCUPATION
Selon le droit international, l'occupation d'un territoire par une puissance étrangère est
soumise à certaines obligations et restrictions. L'occupation doit être temporaire et liée à un
conflit armé, et elle ne doit pas impliquer l'annexion ou des changements permanents dans la
composition démographique ou le statut du territoire occupé. Elle est soumise également à
certaines obligations, telles que le respect des droits de l'Homme, du droit humanitaire et du
droit à l'autodétermination des peuples sous occupation et l'interdiction de transférer sa propre
population dans le territoire occupé.
En tant que puissance occupante, Israël est soumis aux obligations énoncées dans le Droit
International Humanitaire, en particulier les Conventions de Genève de 1949, qui établissent
les droits et les devoirs des parties occupantes. L'une de ces obligations est de respecter les
droits fondamentaux de la population occupée et de ne pas entreprendre des actions visant à
modifier de manière unilatérale le statut du territoire occupé. En se basant sur les réalités sur
le terrain, force est de constater que l'occupation israélienne se caractérise par une
prolongation indue et une expansion des colonies israéliennes dans les territoires palestiniens
occupés, ce qui soulève des questions sur le statut de l'occupation.
VI-1- L'OCCUPATION PROLONGÉE :
L’occupation prolongée par Israël du territoire palestinien, notamment en maintenant un
contrôle militaire et administratif sur les territoires palestiniens et en construisant des colonies
de peuplement israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, est considérée comme illégale
par le droit international et par la communauté internationale dans son ensemble qui s’est
exprimée à ce sujet à travers des résolutions des Nations unies.
Ces colonies violent le Droit International Humanitaire, en particulier la Quatrième
Convention de Genève, qui interdit le transfert de population civile dans les territoires
occupés. Elle crée des obstacles à la réalisation du droit à l'autodétermination du peuple
palestinien et limite la souveraineté et l'autonomie de l'Autorité palestinienne et affecte la vie
quotidienne des Palestiniens.
146 Middle East Monitor, « Israel threatens Norway with “adverse” impact following change in settlement labels», 13 June
2022.
147 Voir Bureau de la coordination des affaires humanitaires, Special Focus, « Restricting space: the planning regime applied
by Israel in Area C of West Bank », décembre 2009. Voir Bureau de la coordination des affaires humanitaires, «Area C of the
West Bank: key humanitarian concerns », mise à jour d’août 2014 ; TD/B/EX(71)/2, par. 33.
Voir également, Bureau de la coordination des affaires humanitaires, « Humanitarian Bulletin: January-May
2021 ». Disponible à l’adresse https://www.ochaopt.org/content/humanitarian-bulletin-januarymay-2021.
47
Les mesures visant à modifier la composition et la distribution démographiques, par le biais
de la construction de colonies israéliennes dans les territoires occupés, la démolition de
maisons palestiniennes et l’expropriation de fermes et de biens agricoles palestiniens, sont
considérées comme une violation du droit humanitaire et peuvent constituer un obstacle à la
paix en créant des divisions territoriales et une fragmentation de la population palestinienne.
En effet, en plus de la discontinuité territoriale entre Gaza et la Cisjordanie, les réseaux de
colonies et leurs infrastructures routières et le mur de séparation ont transformé la Palestine en
bantoustans non-communicants géographiquement, pour créer une situation d'impossibilité
d'une solution à deux états. Cette division entrave la gouvernance, l'économie et le
développement d'un État palestinien indépendant et viable. Elle complique également les
efforts de réconciliation entre les factions palestiniennes. Ce démembrement des territoires
rendrait un Etat palestinien prospectif à viabilité réduite dans le meilleur des cas.
Les actions illégales, commises par les colons, outre qu’elles sont encouragées par les
politiques israéliens, bénéficient également de la protection des autorités qui se manifestent à
travers la militarisation des colonies et l'armement des colons, la construction de routes et de
postes avancés militaires, et la mise en place d’un arsenal juridique qui leur garantit
l'impunité.
Cette politique vise la création d'enclaves coloniales dans une stratégie dynamique de
démembrement de la Palestine afin de rendre impossible la naissance d’un État Palestinien
viable ou de créer une entité sans continuité et contigüité territoriale ni capacité de défense et
de sécurité dépendante organiquement d’Israël. Cette stratégie vise l'imposition, en dernier
lieu, de la solution à un seul état, ou les Palestiniens deviendront des sujets dans un système
d'apartheid.
VI-2- LA CONSTRUCTION DE COLONIES ISRAÉLIENNES EN CISJORDANIE ET À JÉRUSALEMEST
:
La construction de colonies israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est est considérée
comme une violation du Droit International Humanitaire, en particulier de la Quatrième
Convention de Genève, qui interdit la colonisation de territoires occupés. La Cour
Internationale de Justice a également rendu un avis consultatif en 2004, affirmant que la
construction du mur de séparation israélien en Cisjordanie était illégale et appelant à son
démantèlement.
VI-3- L'ANNEXION DE FACTO DE CERTAINES PARTIES DU TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ,
COMME JÉRUSALEM-EST :
Cette annexion est également considérée comme illégale au regard du droit international, qui
ne reconnaît pas l'acquisition de territoire par la force. En particulier, l'annexion de Jérusalem-
Est par Israël en 1980 n'est pas reconnue par la communauté internationale. Les Nations
Unies considèrent Jérusalem-Est comme un territoire occupé, et les mesures prises par Israël
pour modifier le caractère et le statut de la ville, telles que la construction de colonies, sont
également considérées comme illégales en vertu du droit international.
48
VI-4- LES RESTRICTIONS ISRAÉLIENNES À LA LIBERTÉ DE MOUVEMENT DES PALESTINIENS :
L'occupation prolongée, la colonisation et l'annexion ont conduit à de nombreuses violations
des droits de l'Homme, notamment l’adoption de mesures discriminatoires y compris la
restriction de la liberté de mouvement.
De fait, les Palestiniens font face à de nombreuses restrictions de mouvement en raison de
l'occupation israélienne. Des check points, des barrages routiers et un mur de séparation ont
été érigés, limitant la mobilité des Palestiniens et rendant leurs déplacements quotidiens
difficiles. Cela a des répercussions sur l'accès aux services essentiels, aux écoles, aux emplois,
aux soins de santé et aux ressources agricoles. De plus, Israël impose un système de permis et
de restrictions qui régule les mouvements des Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza.
VI-5- LA SÉPARATION PHYSIQUE :
La construction du mur de séparation, considérée par Israël comme une mesure de sécurité, a
été érigée en grande partie en Cisjordanie, et non pas sur la ligne verte de 1967. Cela a
entraîné la confiscation de terres palestiniennes et la séparation physique des communautés
palestiniennes, affectant leur vie quotidienne et leurs moyens de subsistance.
VI-6- L’EMPLOI DISPROPORTIONNÉ DE LA FORCE LÉTALE :
L’emploi de la force létale par les forces de sécurité israéliennes est une pratique courante
dans le Territoire palestinien occupé. Cette force létale est souvent utilisée quel que soit le
degré de gravité de la menace détectée, et s’emploie en premier plutôt qu’en dernier ressort,
au mépris des normes internationales148.
Il convient de souligner qu’en l’absence de menace de mort ou de blessure grave, le meurtre
d’une personne au moyen d’une arme à feu constitue une violation du droit à la vie. Dans un
contexte d’occupation, il peut en outre être assimilable à un homicide intentionnel au sens de
la quatrième Convention de Genève (art. 147), et donc constituer un crime de guerre149
VI-7- LA SPOLIATION DES RESSOURCES PALESTINIENNES :
La spoliation des richesses naturelles des Palestiniens constitue une partie intégrante de la
politique coloniale israélienne. En plus de son exploitation illégale des ressources halieutiques
et gazières sur les côtes palestiniennes de Gaza, Israël continue à exploiter excessivement les
ressources hydriques palestiniennes ou communes. Israël recourt aussi à la contamination par
les eaux usées des côtes palestiniennes et des ressources souterraines, ce qui explique que
79% de l'eau souterraine à Gaza n'est plus potable et que 30% des maladies sont d'origine
hydrique.
Cette situation subie par les Palestiniens est aux antipodes du Programme de développement
durable à l’horizon 2030, puisque la Puissance occupante continue d’entraver le
développement à travers la confiscation des terres et l’exploitation des ressources naturelles
du Territoire palestinien.
148 https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/basic-principles-use-force-andfirearms-law-enforcement.
149 Voir aussi le Statut de Rome, art. 8 2) a) i).
49
VI-8- LE BLOCUS DE GAZA :
Le blocus de la bande de Gaza a été imposé par Israël en 2007 après son retrait de cette partie
intégrante du territoire palestinien. Le blocus a eu un impact dévastateur sur l'économie de la
bande, entraînant une pénurie de nourriture, d'eau, de médicaments et d'autres produits
essentiels. Le blocus a également empêché les Palestiniens de quitter la bande, ce qui a limité
leurs possibilités de travail, d'éducation et d’accès aux soins et aux services de base.
VI-9- L’ADOPTION DE LOIS ET LA MISE EN PLACE DE POLITIQUES DISCRIMINATOIRES ET
SÉGRÉGATIONNISTES :
Israël a assimilé la population palestinienne à une menace démographique et imposé des
mesures pour contrôler et réduire leur présence et leur accès aux terres en Israël et dans les
territoires palestiniens occupés. Ces objectifs démographiques sont visibles dans les plans
officiels de « judaïsation » de certaines zones en Israël et en Cisjordanie, y compris à
Jérusalem-Est, des plans qui exposent des milliers de Palestiniens au risque de transfert forcé.
Les Juifs israéliens et les Arabes palestiniens de Jérusalem-Est et de Cisjordanie vivent sous
un régime qui différencie la répartition des droits et des avantages sur la base de l’identité
nationale et ethnique, et qui assure la suprématie d’un groupe sur l’autre. Les autorités
israéliennes traitent les Palestiniens comme un groupe racial inférieur défini par son statut
arabe non-juif. Cette discrimination raciale est ancrée dans des lois qui affectent les
Palestiniens partout en Israël et dans les territoires palestiniens occupés.
Rappelons, en outre, que les réfugiés palestiniens et leurs descendants, qui ont été déplacés,
de force, lors des conflits de 1947-1949 et 1967, restent privés du droit de revenir dans leur
ancien lieu de résidence. Cette exclusion des réfugiés imposée par Israël est une violation
flagrante du droit international.
De plus, la Loi fondamentale de 2018 érigeant « un caractère discriminatoire à l’égard des
non-Juifs » en ce qu’elle dispose que l’exercice du droit à l’autodétermination en Israël est
réservé au peuple juif et fait de l’hébreu la seule langue officielle du pays, reléguant l’arabe au
rang de « langue à statut spécial ». En outre, alors que les implantations israéliennes situées
dans le Territoire palestinien occupé sont illégales au regard du droit international et que, de
surcroît, elles constituent une entrave à l’exercice des droits de l’homme par l’ensemble de la
population, la Loi fondamentale leur confère le statut constitutionnel de « valeur nationale »
Le Comité CERD dans ses observations finales150 a d’ailleurs mis en avant cet aspect
discriminatoire des lois et pratiques israéliennes et « demande instamment de revoir la Loi
fondamentale et la mettre en conformité avec la Convention. Et aux termes de la
recommandation générale n°21 (1996) concernant le droit à l’autodétermination, tous les
peuples ont le droit de déterminer librement leur statut politique. ….En ce qui concerne
l’expansion des implantations israéliennes, le Comité exhorte l’État partie à respecter les
obligations qui lui incombent en vertu des instruments internationaux, dont la Convention de
Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre ».
150 CERD, observations finales concernant le rapport d’Israël valant dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques,
novembre- décembre 2019, para 14 .
50
Dans le même sens, le Comité CERD a exprimé sa préoccupation quant au « maintien de
plusieurs lois qui ont un caractère discriminatoire à l’égard des Arabes israéliens et des
Palestiniens vivant dans le Territoire palestinien occupé, et qui établissent des différences de
traitement en ce qui concerne l’état civil, la protection juridique, l’accès aux avantages
sociaux et économiques ou le droit à la terre et à la propriété. Le Comité est également
préoccupé par l’adoption de la modification n°30 de 2018 de la loi relative à l’entrée en
Israël (loi n°5712-1952), qui avait déjà un caractère discriminatoire, dont les dispositions
confèrent au Ministre de l’intérieur un large pouvoir discrétionnaire lui permettant de
révoquer le permis de séjour permanent des Palestiniens vivant à Jérusalem-Est »151.
La politique discriminatoire d’Israël se manifeste également par la persistance de la
ségrégation. En effet, il existe encore des secteurs juifs et des secteurs non juifs, et notamment
deux systèmes éducatifs dans lesquels les conditions d’enseignement ne sont pas les mêmes,
ainsi que deux types de municipalités, à savoir les municipalités juives et les municipalités
dites « des minorités », ce qui soulève des questions au regard de l’article 3 de la Convention
CERD.
S’agissant de la situation particulière du Territoire palestinien occupé, les politiques et des
pratiques assimilables à la ségrégation appliquées dans ce territoire, s’illustrent notamment
par l’existence de deux systèmes juridiques et institutionnels totalement distincts, dont l’un est
conçu pour les communautés juives vivant dans les implantations illégales, d’une part, et
l’autre pour les populations palestiniennes habitant dans les villes et les villages palestiniens,
d’autre part. Ce qui engendre des régimes basés sur une séparation hermétique entre ces deux
groupes, qui vivent sur le même territoire mais ne sont pas sur un pied d’égalité pour ce qui
est de l’utilisation du réseau routier et des infrastructures et de l’accès aux services de base et
aux ressources en eau152.
Cette séparation153 se manifeste concrètement par l’existence d’un ensemble complexe de
restrictions à la liberté de circulation découlant de la présence du Mur, des implantations, des
barrages routiers et des postes de contrôle militaires, ainsi que de l’obligation d’utiliser des
routes distinctes et de l’application d’un régime de permis qui a des conséquences
préjudiciables pour la population palestinienne.
Du fait de ces pratiques , le Comité CERD a appelé à l’attention d’Israël « sa recommandation
générale n°19 (1995) concernant l’article 3 de la Convention, qui porte sur la prévention,
l’interdiction et l’élimination de toutes les politiques et pratiques de ségrégation raciale et
d’apartheid », « en éliminant toutes les formes de ségrégation entre les communautés juives et
les communautés non juives et toutes les politiques ou pratiques à caractère ségrégationniste
qui ont des conséquences graves pour la population palestinienne en Israël proprement dit et
dans le Territoire palestinien occupé et l’affectent de manière disproportionnée » .
Il convient de rappeler que l’a formulation « les lois et mesures discriminatoires connexes »
mentionnées dans le paragraphe 18 a) de résolution 77/247 incluent les types de mesures
concernant les politiques et pratiques de ségrégation raciale et d'apartheid, « qui affectent
gravement et de manière disproportionnée la population palestinienne en Israël proprement
151 CERD, observations finales concernant le rapport d’Israël valant dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques,
op.cit., para 15
152 CERD, observations finales concernant le rapport d’Israël valant dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques,
op.cit., para 23
153 Idem
51
dit et dans le Territoire palestinien occupé »154, qui ont fait l’objet de préoccupation par le
Comité CERD, comme présenté précédemment .
De plus, la situation dans l'État de Palestine fait toujours l'objet d'une enquête à la Cour
Pénale Internationale155, où des organisations de la société civile ont soumis au procureur des
preuves de l'existence d'une base raisonnable pour croire que le crime contre l'humanité qu'est
l'apartheid a pu être commis dans les territoires occupés.
Nonobstant, de la communication interétatique156 entre l'État de Palestine et Israël au comité
CERD, sur les politiques et pratiques discriminatoires dans les territoires palestiniens occupés,
est également en cours d'examen à la Commission de conciliation157. L'État de Palestine y a
fait référence à son droit de soumettre une communication sur les violations de la Convention,
"contre les Palestiniens ethniques vivant en "Israël proprement dit"".
VI-10- LA PROLONGATION ET L’APPROFONDISSEMENT DE L’IMPASSE POLITIQUE :
Les politiques et pratiques israéliennes ont compliqué les efforts de paix et ont contribué à une
impasse politique persistante entre Israéliens et Palestiniens. De fait, les négociations de paix
sont entravées par les différends liés à l'occupation, à la colonisation, à la question des
réfugiés, à la sécurité et à d'autres questions fondamentales.
A ces exemples il convient d’ajouter d’autres mesures plus pernicieuses telles que la rétention
des rentrées fiscales et douanières des Palestiniens, le dumping commercial des produits
israéliens aux dépend des productions agricoles et industrielles palestiniennes qui constituent
des mécanismes réfléchis qui contribuent à la mauvaise vie des Palestiniens et à leur
insécurité humaine.
Combinées ensembles, ces politiques et pratiques créent des obstacles majeurs à la création
d'un État palestinien indépendant et viable, ce qui compromet le droit du peuple palestinien à
l'autodétermination.
De ce qui précède, les politiques et pratiques d’Israël qui ont été critiquées par de nombreux
États et organisations internationales, ont un impact négatif sur le statut juridique de
l’occupation car elles dépassent les limites fixées par le Droit International Humanitaire et
fondent les critiques selon lesquelles Israël ne respecte pas ses obligations en tant que
puissance occupante et ne cherche pas de manière sérieuse à parvenir à une solution politique
juste et durable au conflit israélo-palestinien.
154 CERD, observations finales concernant le rapport d’Israël valant dix-septième à dix-neuvième rapports périodiques,
novembre- décembre 2019, para. 23
155ICC, Pre-Trial Chamber I , Situation in the State of Palestine
ICC-01/18 : On 3 March 2021, the Prosecutor announced the opening of the investigation into the Situation in the State of
Palestine. This followed Pre-Trial Chamber I's decision on 5 February 2021 that the Court could exercise its criminal
jurisdiction in the Situation and, by majority, that the territorial scope of this jurisdiction extends to Gaza and the West Bank,
including East Jerusalem.
156 The Conciliation Commission was set up in accordance with article 12(1) b of the Convention on the Elimination of all
Forms of Racial Discrimination :
157 CERD, communication interétatique, 12 décembre 2019, CERD/C/100/3
https://www.ohchr.org/sites/default/files/Documents/HRBodies/CERD/CERD-C-100-3.pdf
Voir également : https://www.ohchr.org/en/press-releases/2022/05/state-palestine-against-israel-conciliation-commissionholds-
first-person
52
En violant le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, en occupant, en colonisant et
en annexant le territoire palestinien occupé depuis 1967, et en modifiant la composition
démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem, et en imposant un
blocus inique sur la bande de Gaza, Israël viole le droit international et renforce sa propre
occupation illégale.
Ces violations soulèvent des préoccupations quant à la durée de l'occupation, à l'annexion de
facto de territoires palestiniens, à la violation des droits du peuple palestinien à
l'autodétermination, et à l'obligation d'Israël de respecter le Droit International Humanitaire.
Elles rendent également de plus en plus difficile la réalisation d'une solution à deux États
basée sur les frontières de 1967.
En conséquence, l’Algérie soutient que les politiques et pratiques d'Israël remettent en
question le statut juridique de l'occupation car :
- En violant le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, Israël ne permet pas à la
population palestinienne de déterminer son propre avenir ;
- En occupant, en colonisant et en annexant le territoire palestinien occupé, Israël prive la
population palestinienne de ses droits fondamentaux et lui rend impossible de vivre une vie
digne et normale ;
- En modifiant la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de
Jérusalem, Israël cherche à effacer l’identité palestinienne de la ville et à faire obstacle à la
création d’un État palestinien ;
- En soumettant les Palestiniens à un climat de violence généralisée et à une série de
restrictions, notamment des restrictions à la liberté de mouvement, à l'accès à l'eau et à
l'électricité, et au droit de travailler, et en leur infligeant des châtiments collectifs ;
- En violant le droit international, Israël s’expose également à des sanctions internationales
et rend plus difficile la conclusion d’un accord de paix avec les Palestiniens ;
- En perpétuant ces politiques et pratiques, Israël contribue à créer un climat de violence et
de conflit dans toute la région, ce qui rend plus difficile la résolution du conflit israélopalestinien.
Sur cette base, l’Algérie appelle à des actions urgentes et concrètes pour faire respecter le
droit international et promouvoir une solution juste et durable au conflit israélo-palestinien.
VII- LES CONSÉQUENCES JURIDIQUES POUR TOUS LES ETATS ET L’ONU
La dernière question soulevée par la requête de l’Assemblée générale porte sur les
conséquences juridiques des politiques et pratiques israéliennes pour tous les États et pour
l’Organisation des Nations Unies. Bien qu’elle n’ait pas été expressément posée en 2003,
l’Algérie considère qu’elle y figurait en creux, dès lors que l’Assemblée générale demandait à
la Cour de lui dire qu’elles étaient « en droit, les conséquences de l’édification du mur… »,
sans aucune autre précision.
53
L’Algérie a déjà souligné les différences qui existent entre les deux résolutions, la première,
ayant essentiellement visé l’édification du mur, était caractérisée par sa brièveté, alors que la
seconde porte sur les politiques et pratiques israéliennes qui violent le fondement de l’ordre
juridique international lui-même. En ce qui concerne les conséquences juridiques pour les
États, la dernière résolution de décembre 2022 a été inspirée par l’avis consultatif de 2004.
Au paragraphe 148 de cet avis, la Cour énonce qu’«elle examinera maintenant les
conséquences juridiques qui résultent des violations du droit international par Israël en
opérant la distinction entre, d’une part, celles qui en découlent pour ce dernier et, d’autre part,
celles qui en découlent pour les autres Etats et, le cas échéant, pour l’Organisation des Nations
Unies. La Cour se penchera en premier lieu sur les conséquences juridiques en ce qui
concerne Israël ». C’est cette démarche que l’Algérie entend adopter ci-après.
Dès lors, l’Algérie répondra à la dernière question de la requête en envisageant tour à tour les
conséquences juridiques pour Israël (VII-1), pour les autres Etats (VII-2) et pour
l’Organisation des Nations Unies (VII-3).
VII-1- LES CONSÉQUENCES JURIDIQUES POUR ISRAËL
L’Algérie aborde deux points. Ils portent sur l’engagement de la responsabilité d’Israël pour
violations persistantes et aggravées de règles impératives du droit international (VII-1.1) et
sur son obligation de réparer (VII-1.2).
VII-1-1- La responsabilité d’Israël pour violations de normes impératives du droit
international est engagée
L’Algérie estime qu’il est indispensable de procéder au rappel des conclusions auxquelles la
Cour était parvenue en 2004. Ce rappel est d’autant plus nécessaire que la requête de 2022 a, à
maintes reprises, évoqué l’avis de 2004 et qu’elle a expressément demandé à la Cour d’en
tenir compte (VII-1.1.1). En outre, l’Algérie rappellera bien respectueusement à la Cour les
dispositions pertinentes en ce qui concerne la Palestine du projet d’articles de la Commission
du Droit internationale sur la responsabilité de l’État (VII-1.1.2).
VII-1-1-1- Le rappel des conclusions de la Cour dans son avis consultatif de 2004
Avant de procéder au rappel des trois points du dispositif qui visent la responsabilité d’Israël,
l’Algérie soulignera, en substance, l’essentiel de l’analyse qui a conduit la Cour au prononcé
de ces deux points.
- C’est en partant de l’examen des prises de position exprimées par les Etats dans leurs
exposés que la Cour a été amenée à développer son propre raisonnement. Un certain nombre
d’États, dont l’Algérie, ont soutenu l’idée qu’il fallait enjoindre à Israël de mettre fin à la
construction du mur. Celui-ci est développé dans les paragraphes 149 à 153, où la Cour a
recensé l’ensemble des violations des obligations internationales que la construction du mur a
engendrées. L’Algérie en fait une brève synthèse en soulignant qu’elles concernent le nonrespect
du droit à l’autodétermination du peuple palestinien, du Droit International
Humanitaire et du Droit International des Droits de l’Homme.
54
Elles concernent également la cessation de la construction du mur et son démantèlement. En
outre, la Cour a précisé que l’obligation de réparer qui incombe à Israël concerne « tous les
dommages causés à toutes les personnes physiques ou morales concernées ». (p.198, par.152).
Cette obligation de réparer est accompagnée de l’obligation de « restituer les terres, les
vergers, les oliveraies et les autres biens immobiliers » (p.198, par.153).
- Quant aux trois points pertinents du dispositif, ils sont ainsi énoncés par la Cour :
« A. L’édification du mur qu’Israël, puissance occupante, est en train de construire dans le
territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, et le
régime qui lui est associé sont contraires au droit international ;
B. Israël est dans l’obligation de mettre un terme aux violations du droit international dont il
est l’auteur ; il est tenu de cesser immédiatement les travaux d’édification du mur qu’il est en
train de construire dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le
pourtour de Jérusalem-Est, de démanteler immédiatement l’ouvrage situé dans ce territoire et
d’abroger immédiatement ou de priver immédiatement d’effet l’ensemble des actes législatifs
et réglementaires qui s’y rapportent, conformément au paragraphe 151 du présent avis ;
C. Israël est dans l’obligation de réparer tous les dommages causés par la construction du
mur dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de
Jérusalem-Est ».
En conclusion sur ce point, l’Algérie souligne la part décisive qu’a prise l’avis consultatif du
9 juillet 2004 dans la dénonciation de la banalisation du non-droit par Israël. Il constitue une
contribution particulièrement importante à la question de la cessation de l’illicite comme un
élément à part entière de la responsabilité internationale d’Israël. En effet, la Cour
internationale de Justice y formule, pour la première fois, il faut le souligner, le principe selon
lequel l’Etat responsable de la commission d’un fait internationalement illicite continu a
l’obligation d’y mettre fin. L’Algérie tient tout particulièrement à insister sur la conclusion de
la haute juridiction quant à l’engagement de la responsabilité internationale d’Israël. La Cour
a, sans s’y référer expressément, été très largement inspirée par les règles générales du droit
international coutumier que le projet d’articles sur la responsabilité internationale de l’État a
consacrées.
VII-1-1-2- Le projet d’articles de la Commission du Droit international sur la
responsabilité de 2001
Dans ce projet, considéré comme exprimant le droit international coutumier en la matière
aussi bien par la jurisprudence internationale que par la doctrine, la question de la
responsabilité des Etats en cas d’acte illicite a fait l’objet d’une étude très approfondie.
L’Algérie considère qu’il est indispensable d’en évoquer les dispositions les plus pertinentes
au regard du sort que les autorités israéliennes réservent au peuple palestinien depuis de très
nombreuses décennies. Elle attire l’attention sur le fait que le projet d’articles distingue entre
les « principes généraux » du contenu de la responsabilité internationale de l’Etat visés au
chapitre premier, et les « violations graves d’obligations essentielles envers la communauté
internationale » prévues dans le chapitre trois. Ces deux types de disposition s’appliquent aux
politiques et pratiques d’Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem.
55
- En ce qui concerne le premier chapitre, l’Algérie insiste, en particulier, sur les articles 29 et
30 qui s’appliquent pleinement à la situation qui prévaut dans le territoire palestinien et
répond à la dernière question de la requête de l’Assemblée générale. Selon l’article 29,
intitulé « Maintien du devoir d’exécuter l’obligation », « Les conséquences juridiques d’un
fait internationalement illicite prévues dans la présente partie n’affectent pas le maintien du
devoir de l’Etat responsable d’exécuter l’obligation violée ».
Aux termes de l’article 30 de ce projet d’articles, intitulé « Cessation et non-répétition », il est
souligné que « l’Etat responsable du fait internationalement illicite a l’obligation : a) d’y
mettre fin si ce fait continue ; b) d’offrir des assurances et des garanties de non-répétition
appropriées si les circonstances l’exigent ».
- S’agissant du chapitre trois, l’Algérie relève aussi la pertinence de l’article 41, eu égard à la
situation qui prévaut en Palestine. Il traite des situations caractérisées par la violation grave
d’obligations envers la communauté internationale. C’est évidemment le cas en Palestine. En
outre, l’Algérie rappellera que l’avis consultatif relatif à l’édification du mur a qualifié le droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes de « droit opposable erga omnes ».
VII-1-2- Israël est dans l’obligation de réparer
L’Algérie considère qu’il pèse sur Israël une obligation de réparer l’intégralité du préjudice
causé par ses multiples faits illicites. Ainsi que le déclare la Cour, dans le paragraphe 152 de
son avis consultatif sur l’édification du mur, « les modalités essentielles de la réparation en
droit international et en droit coutumier ont été formulées par la Cour permanente de Justice
Internationale » dans son arrêt relatif à l’usine de Chorzow de 1928. Selon ce dernier, « le
principe essentiel, qui découle de la notion même d’acte illicite…est que la réparation doit,
autant que possible, effacer toutes les conséquences de l’acte illicite et rétablir l’état qui aurait
vraisemblablement existé si ledit acte n’avait pas été commis ».
C’est cette idée qui est traduite par l’article 31, intitulé « réparation », du projet d’articles de
la Commission du droit international précité. Selon le premier paragraphe de cet
article, « l’Etat responsable est tenu de réparer intégralement le préjudice causé par le fait
internationalement illicite ». Le second définit le préjudice comme comprenant « tout
dommage, tant matériel que moral, résultant du fait internationalement illicite de l’Etat ».
Dans le prolongement de cette disposition, le chapitre II de la deuxième Partie de ce projet
d’articles traite des « formes de réparation ». L’Algérie considère que ces articles 35, 36 et 37
s’appliquent pleinement aux politiques et pratiques israéliennes dans le territoire palestinien
occupé.
L’article 35, dont il faut bien noter l’intitulé, « formes de la réparation », prévoit que « la
réparation intégrale du préjudice causé par le fait internationalement illicite prend la forme de
restitution, d’indemnisation et de satisfaction …». S’agissant de la « restitution » et aux
termes de l’article 36, « l’État est tenu de procéder à la restitution, c’est-à-dire au
rétablissement de la situation qui existait avant que le fait illicite ne soit commis…».
Quant à l’article 37, il couvre la situation dans laquelle le dommage n’est pas réparé par la
restitution, notamment parce que cette dernière est matériellement impossible. Dans une telle
hypothèse, le paragraphe premier de cet article 37 précise que « l’Etat responsable d’un fait
56
internationalement illicite est tenu d’indemniser le dommage causé ». Le second paragraphe
ajoute que « l’indemnité couvre tout dommage susceptible d’évaluation financière… ».
VII-2- LES CONSÉQUENCES JURIDIQUES POUR LES AUTRES ÉTATS
Sur ce point, l’Algérie tient à rappeler en les faisant siennes les analyses et conclusions de la
Cour dans son avis consultatif de 2004.
S’agissant des premières, et à hauteur du paragraphe 159, la Cour souligne plusieurs
obligations que les Etats doivent respecter. Il s’agit successivement de l’obligation de ne pas
reconnaitre la situation illicite découlant de la construction du mur, de l’obligation de ne pas
prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée, de l’obligation de veiller à ce qu’il
soit mis fin aux entraves à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à
l’autodétermination. En outre, la Cour énonce l’obligation des Etats de faire respecter le Droit
International Humanitaire avec une référence appuyée à la Quatrième Convention de Genève.
Quant aux conclusions de la Cour, elles sont exprimées dans le point « D » du dispositif.
Selon ce dernier, « tous les Etats sont dans l’obligation de ne pas reconnaître la situation
illicite découlant de la construction du mur et de ne pas prêter aide ou assistance au maintien
de la situation créée par cette construction… ».
Par ailleurs, dernière référence et non la moindre, l’Algérie tient à attirer l’attention sur
l’importance et la pertinence du paragraphe 2 de l’article 42 du projet d’articles sur la
responsabilité internationale qui vise les « autres Etats » dans le cas de violations graves
d’obligations par un Etat envers la communauté internationale dans son ensemble, pour
reprendre la formule du projet d’articles. Il suffit de lire le contenu de ce paragraphe pour être
complètement édifié sur son importance dans le cas de la Palestine.
Selon ce paragraphe, la violation d’une telle obligation « fait naître, pour tous les autres Etats,
les obligations :
a) De ne pas reconnaitre comme licite la situation créée par la violation ;
b) De ne pas prêter aide ou assistance à l’Etat responsable pour maintenir la situation ainsi
créée ;
c) De coopérer autant que possible pour mettre fin à la violation ».
L’Algérie considère que l’ensemble de ses obligations doivent être reprises, mutatis mutandis,
par la haute juridiction en raison des politiques et pratiques israéliennes continues dans le
territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est.
VII-3- LES CONSÉQUENCES JURIDIQUES POUR L’ONU
C’est dans le paragraphe 160 de son avis consultatif du 9 juillet 2004 que la Cour a déclaré
qu’elle était « d’avis que l’Organisation des Nations Unies, et spécialement l’Assemblée
générale et le Conseil de sécurité, doivent, en tenant dûment compte du présent avis
consultatif, examiner quelles nouvelles mesures doivent être prises afin de mettre un terme à
la situation illicite découlant de la construction du mur et du régime qui lui est associé ».
57
L’Algérie tient à faire sienne cette analyse de la Cour en précisant que ce sont les politiques et
pratiques israéliennes qui sont en cause dans la présente espèce. En d’autres termes, il s’agit
pour les organes de l’ONU concernés et impliqués de réfléchir aux moyens qui pourraient
permettre, d’une part, de rendre effectives toutes les conclusions et les préconisations déjà
faites et aux voies nouvelles qui seraient de nature à mettre fin à toutes les violations
continues du droit international dans ses multiples dimensions.
De l’ensemble des développements précédents, l’Algérie tire les deux principales conclusions
suivantes.
Elle considère, d’une part, que la Cour Internationale de Justice est dans son rôle en répondant
à la requête de l’Assemblée générale des Nations Unies. Elle demande, d’autre part,
respectueusement à la Cour de déclarer l’illicéité des politiques et des pratiques israéliennes
dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est.
Ces politiques et pratiques sont la négation même des règles les plus fondamentales du droit
international, notamment ses règles impératives et ses règles erga omnes.
Conclusion
Motivée par un profond et sincère attachement aux principes de la primauté du droit dans
les relations internationales, du règlement pacifique des différends internationaux et de la
décolonisation, fermement ancrés dans le droit et la pratique des Nations Unies, l’Algérie a
voté pour la résolution A/RES/77/247, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le
30 décembre 2022.
Pour l’Algérie, les conséquences des politiques israéliennes dans le territoire palestinien
occupé, y compris Jérusalem-Est sont de plusieurs ordres. Le premier réside dans la mise en
jeu de la responsabilité internationale d’Israël et de l’obligation qui pèse sur lui de mettre fin à
ces illicéités.
Le second ordre de conséquences juridiques renvoie à son obligation de réparer, par les
formes de la restitution et de l’indemnisation comme l’exige le droit international, les
dommages causés par les violations graves et systématiques d’obligations essentielles envers
la communauté internationale.
_______________________
Ahmed ATTAF
Ministre des Affaires Etrangères et de la Communauté
Nationale à l’Etranger de la République Algérienne Démocratique et Populaire

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Exposé écrit de l'Algérie

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