Exposé écrit de l'État d'Israël

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186-20230724-WRI-08-00-EN
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
18840
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE CONSÉQUENCES JURIDIQUES DÉCOULANT DES POLITIQUES ET PRATIQUES D’ISRAËL DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ, Y COMPRIS JÉRUSALEM-EST (REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF) EXPOSÉ ÉCRIT DE L’ÉTAT D’ISRAËL
24 juillet 2023
[Traduction du Greffe]
L’État d’Israël attache une grande importance au règlement pacifique des différends et au rôle majeur dévolu à la Cour internationale de Justice à cet effet. Il respecte et salue en outre le recours approprié à la fonction consultative de la Cour d’une manière compatible avec le Statut de celle-ci.
C’est précisément pour cette raison qu’Israël figurait parmi les États qui, à la majorité absolue, ont refusé d’appuyer la résolution 77/247 de l’Assemblée générale des Nations Unies1, considérant que la demande d’avis consultatif qu’elle contenait était contraire au cadre juridique établi régissant le conflit israélo-palestinien et qu’elle constituait une utilisation abusive du droit international et de la procédure judiciaire.
Les questions soumises à la Cour par la résolution 77/247 donnent une représentation clairement inexacte de l’histoire et de la réalité actuelle du conflit israélo-palestinien. Contrairement à ce que l’on pourrait attendre d’une procédure régulière, il est tout bonnement demandé à la Cour de supposer qu’Israël viole le droit international  de tenir pour acquises des affirmations manifestement biaisées et erronées dirigées uniquement contre Israël2.
La nature préjudiciable des questions est flagrante, tant dans la manière alambiquée dont elles sont formulées que dans ce qu’elles passent sous silence. En pointant un seul camp du doigt, les questions soumises font abstraction des milliers d’Israéliens blessés ou morts, victimes des actes meurtriers de haine et de terrorisme perpétrés par des Palestiniens  des actes qui continuent de mettre en danger les civils israéliens et la sécurité nationale jour après jour.
De la même manière, ces questions font litière des preuves irréfutables des incitations officielles persistantes, côté palestinien, à la violence contre les Juifs et les Israéliens, y compris dans les manuels scolaires, les médias et les institutions religieuses. Elles ne tiennent pas non plus compte de la législation palestinienne de longue date du « payer pour tuer » à travers laquelle l’Autorité palestinienne utilise son propre budget pour soutenir financièrement et récompenser des terroristes sur la base du nombre d’Israéliens qu’ils ont tués.
De la même manière, les questions soumises à la Cour éludent le fait que le retrait volontaire d’Israël de la bande de Gaza en 2005 a été suivi de la prise de pouvoir brutale de l’organisation terroriste du Hamas qui, avec le Jihad islamique et d’autres groupes militants, ont lancé des dizaines de milliers de roquettes contre les infrastructures et la population israéliennes et ont appelé à l’anéantissement de l’État d’Israël. Elles ne mentionnent aucunement les initiatives de paix proposées au fil des années qui ont été sabordées par les rejets répétés, par les dirigeants palestiniens eux-mêmes, d’offres d’envergure relatives au règlement du conflit et à l’établissement d’un État
1 Pas moins de 106 États Membres ont voté contre la résolution, se sont abstenus ou n’étaient pas présents lors du vote.
2 La procédure consultative n’offre en aucun cas à un État les protections procédurales prévues par la procédure contentieuse pour qu’il puisse se défendre contre des allégations d’une telle gravité. La Cour a déjà reconnu qu’« il serait forcément difficile de se servir de la juridiction consultative de la Cour pour juger une affaire contentieuse » : Demande de réformation du jugement no 273 du Tribunal administratif des Nations Unies, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1982, p. 356, par. 59. Concernant les difficultés à déterminer les faits dans une procédure consultative et l’impossibilité qui en découle pour la Cour de répondre, en tout ou partie, à la question posée si elle souhaite rester fidèle à sa fonction judiciaire, voir C. Greenwood, Judicial Integrity and the Advisory Jurisdiction of the International Court of Justice, in G. Gaja et J. Grote Stoutenburg (sous la dir. de), Enhancing the Rule of Law through the International Court of Justice (2014), p. 68-70 (annexe 1).
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palestinien aux côtés d’Israël3. Il n’y est pas plus fait mention des profondes divisions politiques interpalestiniennes qui continuent de saper tous les efforts visant à favoriser un vrai dialogue et de véritables négociations.
Non seulement les questions tendancieuses soumises à la Cour déforment la réalité factuelle, mais elles donnent aussi une image fondamentalement biaisée de la réalité juridique. Ainsi, elles ne reconnaissent pas le droit et le devoir d’Israël de protéger ses citoyens, ni le principe bien établi, énoncé de longue date dans les accords bilatéraux israélo-palestiniens et dans les déclarations et résolutions de l’Organisation des Nations Unies et d’autres organismes internationaux, selon lequel tout règlement du conflit israélo-palestinien suppose une prise en compte satisfaisante des inquiétudes légitimes d’Israël concernant sa sécurité4.
Les liens historiques profonds d’Israël avec le territoire en question et ses propres revendications légitimes à cet égard sont, de la même façon, laissés de côté5, tout comme les droits et responsabilités d’Israël dans ce territoire, tels que reconnus par le droit international et les accords israélo-palestiniens, notamment en ce qui concerne la sécurité, dans l’attente d’un règlement négocié du conflit6.
L’omission la plus stupéfiante de toutes est peut-être le fait que les questions soumises à la Cour passent sous silence l’existence même des accords israélo-palestiniens, dans lesquels il est précisé que les deux camps sont convenus de régler l’objet du présent différend au moyen de négociations directes axées notamment sur le statut permanent du territoire, les dispositions en matière de sécurité, les colonies de peuplement et les frontières. L’autonomie palestinienne telle que l’Autorité palestinienne l’exerce actuellement sur une partie importante du territoire en question, la répartition spécifique des pouvoirs et des responsabilités entre les deux camps sur ce territoire et la coopération israélo-palestinienne en vigueur dans différents domaines sont autant d’éléments fondés sur ces accords. Malgré tous les défis existants, les deux camps, ainsi que la communauté internationale dans son ensemble, n’ont cessé de confirmer la validité des conditions et du cadre
3 Voir, par exemple, Bill Clinton, My Life (2005), p. 944-945 (« En rejetant ma proposition après que Barak l’eut acceptée, Arafat a commis une erreur historique. ») (annexe 2) ; Condoleeza Rice, No Higher Honor: A Memoir of My Years in Washington (2011), 724 (à propos de la conférence d’Annapolis de 2007-2008, elle indique que « les Palestiniens ont fini par quitter les négociations ») (annexe 3). De la même manière, les Palestiniens ont rejeté ou délibérément refusé de prendre en considération d’autres propositions de compromis, y compris celles qui leur ont été soumises lors des pourparlers indirects (mai-septembre 2010) et par le quatuor en septembre 2011, lors des réunions tenues à Amman en janvier 2012 et lors des négociations sur l’accord-cadre menées sous la houlette de John Kerry entre juillet 2013 et avril 2014. Voir également les déclarations du prince Bandar bin Sultan, ancien ambassadeur de l’Arabie saoudite aux États-Unis, selon qui « [les dirigeants palestiniens] ne souhaitaient pas aboutir à une solution » : Al Arabiya, 5 octobre 2020, accessible à l’adresse suivante : https://english.alarabiya.net/features/2020/10/05/Full-transcript-Part-one-of-Prince-Bandar-bin-Sultan-s-interview-with-Al-Arabiya (annexe 4).
4 Voir, par exemple, la résolution 242 du Conseil de sécurité (22 novembre 1967) (annexe 5) ; la résolution 338 du Conseil de sécurité (22 octobre 1973) (annexe 6) ; la « Déclaration de principes sur des arrangements intérimaires d’autonomie », 13 septembre 1993 (annexe 7) ; l’« Accord intérimaire israélo-palestinien sur la rive occidentale et la bande de Gaza », 28 septembre 1995 (annexe 8) ; la lettre en date du 7 mai 2003 adressée au président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général, Nations Unies, doc. S/2003/529 (30 avril 2003) (transmettant un texte élaboré par le quatuor) (annexe 9).
5 Les accords israélo-palestiniens reconnaissent et soulignent que les deux parties maintiennent leurs revendications concernant les questions relatives au statut permanent : voir la « Déclaration de principes sur des arrangements intérimaires d’autonomie », 13 septembre 1993, art. V (annexe 10) ; l’ «Accord intérimaire israélo-palestinien sur la rive occidentale et la bande de Gaza », 28 septembre 1995, art. XXXI(6) (annexe 11). Voir également State of Israel, Office of the Attorney General, The International Criminal Court’s Lack of Jurisdiction over the so-called “Situation in Palestine”, 20 December 2019, par. 27-29, accessible à l’adresse suivante : https://www.gov.il/BlobFolder/reports/20-12-2019/en/Memorandum-Attorney-General.pdf (annexe 12).
6 Voir ibid., par. 39.
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juridique stipulés dans ces accords bilatéraux
7. De fait, pas plus tard qu’en mars 2023, dans un communiqué conjoint auquel étaient associés l’Égypte, la Jordanie et les États-Unis, le Gouvernement d’Israël et l’Autorité palestinienne ont « réaffirmé leur engagement dans le cadre de tous les accords antérieurs entre [eux] et ont réaffirmé leur accord s’agissant d’un règlement de toutes les questions en suspens par le dialogue direct »8.
Il s’ensuit que la situation actuelle n’est pas seulement une situation dans laquelle Israël, en tant que partie intéressée, n’a pas consenti au règlement judiciaire du différend qui l’oppose au camp palestinien ; il s’agit également d’une situation dans laquelle les deux parties intéressées ont donné leur consentement exprès et contraignant pour que ce conflit soit résolu par d’autres moyens. La demande d’avis consultatif adressée à la Cour cherche insidieusement à contourner l’absence de consentement d’Israël et à rendre inopérant le principe juridique international fondamental qui en sous-tend l’indispensable nécessité.
Les vices flagrants qui entachent les questions soumises à la Cour reflètent le caractère éminemment injuste et déséquilibré de la demande contenue dans la résolution 77/247. Les auteurs sollicitent l’intervention de la Cour d’une manière manifestement incompatible avec la fonction judiciaire et les décisions antérieures de celle-ci. Plus inquiétant encore, ces questions risquent de fondamentalement délégitimer le cadre juridique établi régissant le conflit ainsi que toute perspective de négociations entre les Israéliens et les Palestiniens, ce qui demeure pourtant  comme la Cour l’a elle-même observé  l’unique chemin viable vers la paix9.
Même si la demande adressée à la Cour cherche à le présenter de la sorte, le conflit israélo-palestinien n’est pas une simple histoire de coupables et de victimes dans laquelle il n’y aurait ni droits pour les Israéliens ni obligations pour les Palestiniens. Entretenir un tel mensonge ne peut qu’éloigner encore davantage les parties l’une de l’autre au lieu de contribuer à l’instauration de conditions propices à un rapprochement. Quels que soient les difficultés et les obstacles existants, la réconciliation entre les Israéliens et les Palestiniens ne pourra pas avoir lieu si l’on continue à réfuter l’idée qu’il s’agit d’un conflit tragique dans lequel les deux camps  et pas seulement un  ont des droits et des responsabilités.
7 Les auteurs de la résolution contenant la demande adressée à la Cour n’ont pu s’empêcher de souligner la nécessité « de faire avancer et d’accélérer des négociations constructives visant à conclure un accord de paix qui mettra totalement fin à l’occupation israélienne » ; ils soulignent en outre que « les accords israélo-palestiniens conclus dans le cadre du processus de paix au Moyen-Orient … doivent être pleinement respectés » et incitent Israël et les Palestiniens à prendre des mesures pour « promouvoir l’instauration de conditions garantes de la crédibilité et du succès des négociations de paix » : voir, respectivement, les alinéas 11, 22 et 51 du préambule.
8 Voir le communiqué conjoint à la suite de la réunion du 19 mars à Charm el-Cheikh, 19 mars 2023, par. 5, accessible à l’adresse suivante : https://il.usembassy.gov/joint-communique-from-the-march-19-meeting-in-sharm-el-sheikh (annexe 13) ; voir également Aqaba Joint Communique, 26 February 2023, par. 1, accessible à l’adresse suivante : https://www.state.gov/aqaba-joint-communique/ (« Les deux camps (palestinien et israélien) ont confirmé leur attachement aux accords conclus précédemment et leur volonté d’oeuvrer en faveur d’une paix juste et durable. » (annexe 14).
9 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 200-201, par. 162.
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Dans ces conditions, examiner l’objet de la demande soumise à la Cour comme s’il s’agissait d’un recours approprié à la fonction consultative de celle-ci serait non seulement injustifié mais aussi préjudiciable. Israël espère et veut croire que la Cour, en préservant tant son intégrité judiciaire que le cadre juridique établi régissant le conflit israélo-palestinien et sa résolution par la négociation, fournira une réponse adaptée.
La Haye, le 24 juillet 2023.
L’ambassadeur d’Israël
auprès du Royaume des Pays-Bas,
(Signé) Modi EPHRAIM.
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