Volume II - Annexes 51 à 80

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175-20190823-WRI-01-02-EN
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
16241
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
VIOLATIONS ALLÉGUÉES DU TRAITÉ D’AMITIÉ, DE COMMERCE
ET DE DROITS CONSULAIRES DE 1955
(RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE D’IRAN c. ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE)
EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES SOULEVÉES PAR
LES ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE
VOLUME II
Annexes 51-80
23 août 2019
[Traduction du Greffe]
VOLUME II
LISTE DES ANNEXES
Page
Annexe 51 Nations Unies, résolution 1373 du Conseil de sécurité,
doc. S/RES/1373 (28 septembre 2001), par. 2 a)
1
Annexe 52 Hearing on Understanding the Role of Sanctions Under the Iran Deal
Before the Committee on Banking, Housing, and Urban Affairs of
the Senate, 114th Congress (2016) (Statement of the
Hon. Juan C. Zarate, Chairman and Co-Founder of the Financial
Integrity Network)
-
Annexe 53 B. Riley-Smith, «Iran-linked terrorists caught stockpiling explosives
in north-west London», The Telegraph (9 juin 2019)
-
Annexe 54 M. Levitt, «The Origins of Hezbollah», The Atlantic (23 octobre
2013)
-
Annexe 55 «In first, Hezbollah confirms all financial support comes from Iran»,
Al-Arabiya English (25 juin 2016)
-
Annexe 56 «Iranians Train Taliban to Use Roadside Bombs», The Nation
Pakistan (21 mars 2010)
-
Annexe 57 «Captured Taliban Commander: «I received Iranian Training»»,
RadioFreeEurope/RadioLiberty (23 août 2011)
-
Annexe 58 Nations Unies, Conseil de sécurité, «Deuxième rapport du Secrétaire
général sur l’application de la résolution 2231 (2015) du Conseil de
sécurité», doc. S/2016/1136 (30 décembre 2016)
5
Annexe 59 Communiqué de presse du Conseil de l’Union européenne, «Iran : le
Conseil adopte des conclusions » (4 février 2019)
15
Annexe 60 Nations Unies, Conseil de sécurité, «Premier rapport du Secrétaire
général sur l’application de la résolution 2231 (2015) du Conseil de
sécurité», doc. S/2016/589 (12 juillet 2016)
17
Annexe 61 Nations Unies, groupe d’experts sur le Yémen, «Rapport final du
groupe d’experts sur le Yémen», doc. S/2018/594 (26 janvier 2018)
37
Annexe 62 Nations Unies, Conseil de sécurité, «Troisième rapport du Secrétaire
général sur l’application de la résolution 2231 (2015) du Conseil de
sécurité», doc. S/2017/515 (20 juin 2017)
97
Annexe 63 U.S. Department of State, «Country Reports on Terrorism 2016,
«Chapter Three: Iran» (juillet 2017)
-
Annexe 64 B. Starr, N. Gaouette and V. Stracqualursi, «Iran Test-Fires
Medium-Range Ballistic Missile, US Official Says», CNN (26 juillet
2019)
-
Annexe 65 «U.S. Confirms Iran Tested Nuclear-Capable Ballistic Missile»,
Reuters (16 octobre 2015)
-
- ii -
Annexe 66 AIEA, rapport du directeur général, «Mise en oeuvre de l’accord de
garanties TNP en République islamique d’Iran», doc. GOV/2007/48
(30 août 2007)
108
Annexe 67 AIEA, rapport du directeur général, «Mise en oeuvre de l’accord de
garanties TNP et des dispositions pertinentes des résolutions 1737
(2006) et 1747 (2007) du Conseil de sécurité en République
islamique d’Iran», doc. GOV/2008/4 (22 février 2008)
118
Annexe 68 Nations Unies, groupe d’experts chargé d’aider le comité des
sanctions contre l’Iran établi par la résolution 1737, «Rapport final
du groupe d’experts créé par la résolution 1929 (2010)»,
doc. S/2012/395 (12 juillet 2012)
129
Annexe 69 Nations Unies, «Troisième rapport semestriel du facilitateur chargé
par le Conseil de sécurité de promouvoir l’application de la
résolution 2231 (2015)», doc. S/2017/537 (22 juin 2017)
200
Annexe 70 «France Says Iran Ballistic Test Provocative and Destabilizing»,
Reuters (3 décembre 2018)
-
Annexe 71 Déclaration du ministère des affaires étrangères de la France,
«Iran  Tir spatial iranien du 15 janvier 2019» (16 janvier 2019)
207
Annexe 72 Nations Unies, lettre adressée au Secrétaire général de l’ONU par les
représentants permanents de la France, de l’Allemagne et du
Royaume-Uni, doc. S/2019/177 (20 février 2019)
208
Annexe 73 B. Dehghanpisheh, «Iran Confirms Missile Test in Defiance of
U.S.», Reuters (11 décembre 2018)
-
Annexe 74 «Iran Wants To Expand Missile Range Despite U.S. Opposition»,
U.S. News & World Report (4 décembre 2018)
-
Annexe 75 Nations Unies, «Rapport du rapporteur spécial sur la situation des
droits de l’homme en République islamique d’Iran»,
doc. A/HRC/40/67 (30 janvier 2019)
211
Annexe 76 Human Rights Watch, «Iran: Targeting of Dual Citizens,
Foreigners Prolonged Detention, Absence of Due Process»
(26 septembre 2018)
-
Annexe 77 U.S. Department of State, «2018 Country Reports on Human Rights
Practices: Iran» (13 mars 2019)
-
Annexe 78 Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, «Avis adoptés par
le groupe de travail sur la détention arbitraire à sa soixante-dixneuvième
session (21-25 août 2017) : avis no 49/2017 concernant
Siamak Namazi et Mohammed Baquer Namazi (République
islamique d’Iran)», doc. A/HRC/WGAD/2017/49 (22 septembre
2017)
233
Annexe 79 Nations Unies, Conseil des droits de l’homme, «Avis adoptés par le
groupe de travail sur la détention arbitraire à sa
quatre-vingt-deuxième session (20-24 août 2018) : avis no 52/2018
concernant Xiyue Wang (République islamique d’Iran)»,
doc. A/HRC/WGAD/2018/52 (21 septembre 2018)
244
- iii -
Annexe 80 Lois relatives aux sanctions revêtant une pertinence aux fins de la
présente affaire : Iran Sanctions Act of 1996 ; National Defense
Authorization Act for Fiscal Year 2012, section 1245, U.S.C.,
titre 22, art. 8513(a) (2011) ; Iran Threat Reduction and Syria
Human Rights Act of 2012, U.S.C., titre 22, art. 8701 et suiv. (2012) ;
Iran Freedom and Counterproliferation Act of 2012, U.S.C., titre 22,
art. 8801 et suiv. (2013)
-
___________
Nations Unies S/RES/1373 (2001)***
Conseil de sécurité Distr. générale
5 mars 2007
01-55744*** (F)
*0155744*
Résolution 1373 (2001)
Adoptée par le Conseil de sécurité à sa 4385e séance,
le 28 septembre 2001
Le Conseil de sécurité,
Réaffirmant ses résolutions 1269 (1999) du 19 octobre 1999 et 1368 (2001) du
12 septembre 2001,
Réaffirmant également sa condamnation sans équivoque des attaques
terroristes commises le 11 septembre 2001 à New York, à Washington et en
Pennsylvanie, et exprimant sa détermination à prévenir tous actes de ce type,
Réaffirmant en outre que de tels actes, comme tout acte de terrorisme
international, constituent une menace à la paix et à la sécurité internationales,
Réaffirmant le droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, que
consacre la Charte des Nations Unies et qui est réaffirmé dans la résolution 1368
(2001),
Réaffirmant la nécessité de lutter par tous les moyens, conformément à la
Charte des Nations Unies, contre les menaces à la paix et à la sécurité
internationales que font peser les actes de terrorisme,
Profondément préoccupé par la multiplication, dans diverses régions du
monde, des actes de terrorisme motivés par l’intolérance ou l’extrémisme,
Demandant aux États de collaborer d’urgence pour prévenir et réprimer les
actes de terrorisme, notamment par une coopération accrue et l’application intégrale
des conventions internationales relatives au terrorisme,
Considérant que les États se doivent de compléter la coopération
internationale en prenant des mesures supplémentaires pour prévenir et réprimer sur
leur territoire, par tous les moyens licites, le financement et la préparation de tout
acte de terrorisme,
Réaffirmant le principe que l’Assemblée générale a établi dans sa déclaration
d’octobre 1970 (2625 XXV) et que le Conseil de sécurité a réaffirmé dans sa
résolution 1189 (1998), à savoir que chaque État a le devoir de s’abstenir
d’organiser et d’encourager des actes de terrorisme sur le territoire d’un autre État,
*** Troisième nouveau retirage pour raisons techniques.
Annexe 51
- 1 -
2 0155744f.doc
S/RES/1373 (2001)
d’y aider ou d’y participer, ou de tolérer sur son territoire des activités organisées en
vue de perpétrer de tels actes,
Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,
1. Décide que tous les États doivent :
a) Prévenir et réprimer le financement des actes de terrorisme;
b) Ériger en infraction la fourniture ou la collecte délibérée par leurs
nationaux ou sur leur territoire, par quelque moyen que ce soit, directement ou
indirectement, de fonds que l’on prévoit d’utiliser ou dont on sait qu’ils seront
utilisés pour perpétrer des actes de terrorisme;
c) Geler sans attendre les fonds et autres avoirs financiers ou ressources
économiques des personnes qui commettent, ou tentent de commettre, des actes de
terrorisme, les facilitent ou y participent, des entités appartenant à ces personnes ou
contrôlées, directement ou indirectement, par elles, et des personnes et entités
agissant au nom, ou sur instruction, de ces personnes et entités, y compris les fonds
provenant de biens appartenant à ces personnes, et aux personnes et entités qui leur
sont associées, ou contrôlés, directement ou indirectement, par elles;
d) Interdire à leurs nationaux ou à toute personne ou entité se trouvant sur
leur territoire de mettre des fonds, avoirs financiers ou ressources économiques ou
services financiers ou autres services connexes à la disposition, directement ou
indirectement, de personnes qui commettent ou tentent de commettre des actes de
terrorisme, les facilitent ou y participent, d’entités appartenant à ces personnes ou
contrôlées, directement ou indirectement, par elles et de personnes et entités
agissant au nom ou sur instruction de ces personnes;
2. Décide également que tous les États doivent :
a) S’abstenir d’apporter quelque forme d’appui que ce soit, actif ou passif,
aux entités ou personnes impliquées dans des actes de terrorisme, notamment en
réprimant le recrutement de membres de groupes terroristes et en mettant fin à
l’approvisionnement en armes des terroristes;
b) Prendre les mesures voulues pour empêcher que des actes de terrorisme
ne soient commis, notamment en assurant l’alerte rapide d’autres États par
l’échange de renseignements;
c) Refuser de donner refuge à ceux qui financent, organisent, appuient ou
commettent des actes de terrorisme ou en recèlent les auteurs;
d) Empêcher que ceux qui financent, organisent, facilitent ou commettent
des actes de terrorisme n’utilisent leurs territoires respectifs pour commettre de tels
actes contre d’autres États ou contre les citoyens de ces États;
e) Veiller à ce que toutes personnes qui participent au financement, à
l’organisation, à la préparation ou à la perpétration d’actes de terrorisme ou qui y
apportent un appui soient traduites en justice, à ce que, outre les mesures qui
pourraient être prises contre ces personnes, ces actes de terrorisme soient érigés en
infractions graves dans la législation et la réglementation nationales et à ce que la
peine infligée soit à la mesure de la gravité de ces actes;
f) Se prêter mutuellement la plus grande assistance lors des enquêtes
criminelles et autres procédures portant sur le financement d’actes de terrorisme ou
- 2 -
0155744f.doc 3
S/RES/1373 (2001)
l’appui dont ces actes ont bénéficié, y compris l’assistance en vue de l’obtention des
éléments de preuve qui seraient en leur possession et qui seraient nécessaires à la
procédure;
g) Empêcher les mouvements de terroristes ou de groupes de terroristes en
instituant des contrôles efficaces aux frontières, ainsi que des contrôles lors de la
délivrance de documents d’identité et de documents de voyage et en prenant des
mesures pour empêcher la contrefaçon, la falsification ou l’usage frauduleux de
papiers d’identité et de documents de voyage;
3. Demande à tous les États :
a) De trouver les moyens d’intensifier et d’accélérer l’échange
d’informations opérationnelles, concernant en particulier les actions ou les
mouvements de terroristes ou de réseaux de terroristes, les documents de voyage
contrefaits ou falsifiés, le trafic d’armes, d’explosifs ou de matières sensibles,
l’utilisation des technologies de communication par des groupes terroristes, et la
menace que constituent les armes de destruction massive en possession de groupes
terroristes;
b) D’échanger des renseignements conformément au droit international et
national et de coopérer sur les plans administratif et judiciaire afin de prévenir les
actes de terrorisme;
c) De coopérer, en particulier dans le cadre d’accords et d’arrangements
bilatéraux et multilatéraux, afin de prévenir et de réprimer les actes de terrorisme et
de prendre des mesures contre les auteurs de tels actes;
d) De devenir dès que possible parties aux conventions et protocoles
internationaux relatifs au terrorisme, y compris la Convention internationale pour la
répression du financement du terrorisme en date du 9 décembre 1999;
e) De coopérer davantage et d’appliquer intégralement les conventions et
protocoles internationaux relatifs au terrorisme ainsi que les résolutions 1269 (1999)
et 1368 (2001) du Conseil de sécurité;
f) De prendre les mesures appropriées, conformément aux dispositions
pertinentes de leur législation nationale et du droit international, y compris les
normes internationales relatives aux droits de l’homme, afin de s’assurer, avant
d’octroyer le statut de réfugié, que les demandeurs d’asile n’ont pas organisé ou
facilité la perpétration d’actes de terrorisme et n’y ont pas participé;
g) De veiller, conformément au droit international, à ce que les auteurs ou
les organisateurs d’actes de terrorisme ou ceux qui facilitent de tels actes ne
détournent pas à leur profit le statut de réfugié, et à ce que la revendication de
motivations politiques ne soit pas considérée comme pouvant justifier le rejet de
demandes d’extradition de terroristes présumés;
4. Note avec préoccupation les liens étroits existant entre le terrorisme
international et la criminalité transnationale organisée, la drogue illicite, le
blanchiment d’argent, le trafic d’armes et le transfert illégal de matières nucléaires,
chimiques, biologiques et autres présentant un danger mortel et, à cet égard,
souligne qu’il convient de renforcer la coordination des efforts accomplis aux
échelons national, sous-régional, régional et international afin de renforcer une
- 3 -
4 0155744f.doc
S/RES/1373 (2001)
action mondiale face à ce grave problème et à la lourde menace qu’il fait peser sur
la sécurité internationale;
5. Déclare que les actes, méthodes et pratiques du terrorisme sont contraires
aux buts et aux principes de l’Organisation des Nations Unies et que le financement
et l’organisation d’actes de terrorisme ou l’incitation à de tels actes en connaissance
de cause sont également contraires aux buts et principes de l’Organisation des
Nations Unies;
6. Décide de créer, en application de l’article 28 de son Règlement intérieur
provisoire, un comité du Conseil de sécurité composé de tous les membres du
Conseil et chargé de suivre l’application de la présente résolution avec l’aide des
experts voulus, et demande à tous les États de faire rapport au Comité, 90 jours au
plus tard après la date de l’adoption de la présente résolution puis selon le calendrier
qui sera proposé par le Comité, sur les mesures qu’ils auront prises pour donner
suite à la présente résolution;
7. Donne pour instructions au Comité de définir ses tâches, de présenter un
programme de travail 30 jours au plus tard après l’adoption de la présente résolution
et de réfléchir à l’appui dont il aura besoin, en consultation avec le Secrétaire
général;
8. Se déclare résolu à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la
pleine application de la présente résolution, conformément aux responsabilités qui
lui incombent en vertu de la Charte;
9. Décide de demeurer saisi de la question.
- 4 -
Nations Unies S/2016/1136
Conseil de sécurité Distr. générale
30 décembre 2016
Français
Original : anglais
16-22137 (F) 060117 130117
*1622137*
Deuxième rapport du Secrétaire général
sur l’application de la résolution 2231 (2015)
du Conseil de sécurité
I. Introduction
1. Le 20 juillet 2015, le Conseil de sécurité a approuvé, dans sa résolution
2231 (2015), le Plan d’action global commun conclu entre, d’une part, l’Allemagne,
la Chine, les États-Unis d’Amérique, la Fédération de Russie, la France, le
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et l’Union européenne et,
d’autre part, la République islamique d’Iran.
2. Dans la même résolution, le Conseil de sécurité m’a prié de lui présenter, tous
les six mois, un rapport concernant les dispositions figurant à l’annexe B de la
résolution 2231 (2015). Le présent rapport est le deuxième à être établi
conformément à cette demande et à la demande du Président du Conseil de sécurité
tendant à ce que je fasse rapport sur l’application de la résolution 2231 (2015) et
formule des conclusions et recommandations à cet égard (S/2016/44, par. 7)1.
3. Les dispositions de l’annexe B de la résolution 2231 (2015) sont entrées en
vigueur le 16 janvier 2016, sur présentation par le Directeur général de l’Agence
internationale de l’énergie atomique (AIEA) d’un rapport attestant que la
République islamique d’Iran avait pris une série de mesures initiales concernant le
nucléaire, comme il lui avait été demandé de le faire dans le Plan d’action global
commun et dans la résolution 2231 (2015) (S/2016/57, annexe).
4. L’annexe B comprend des dispositions ayant trait aux transferts liés au
nucléaire et aux transferts de missiles balistiques et d’armes, à destination ou en
provenance de la République islamique d’Iran, ainsi que des dispositions relatives
au gel des avoirs et à l’interdiction de voyager. Toutes ces dispositions sont censées
s’appliquer pendant une période déterminée ou jusqu’à la date, si elle est antérieure,
de la présentation par l’AIEA d’un rapport confirmant la conclusion élargie selon
laquelle toutes les matières nucléaires se trouvant en République islamique d ’Iran
sont utilisées exclusivement à des activités pacifiques2.
__________________
1 Le premier rapport a été publié le 12 juillet 2016 (S/2016/589).
2 Au paragraphe 6 de la résolution 2231 (2015), le Conseil de sécurité a prié le Directeur général de
l’AIEA de lui présenter, en même temps qu’au Conseil des Gouverneurs de celle-ci, dès qu’elle
serait parvenue à la conclusion élargie que toutes les matières nucléaires se trouvant en
Annexe 58 - 5 -
S/2016/1136
2/10 16-22137
II. Principales conclusions et recommandations
5. Depuis le 16 janvier 2016, je n’ai reçu aucun rapport faisant état de quelque
opération – fourniture, vente, transfert ou exportation – visant des articles liés au
nucléaire et destinés à la République islamique d’Iran, qui aurait été effectuée en
violation des dispositions de l’annexe B de la résolution 2231 (2015). Depuis mon
premier rapport (S/2016/589), cinq nouvelles propositions concernant le nucléaire
ont été présentées suivant la filière d’approvisionnement; trois d’entre elles ont déjà
été approuvées par le Conseil de sécurité. Toutes les liaisons opérationnelles
nécessaires ont été établies entre ce dernier et la Commission conjointe créée dans
le cadre du Plan d’action global commun et sont mises en oeuvre pour l’étude de ces
propositions, compte dûment tenu des exigences de la sécurité et de la
confidentialité de l’information.
6. Depuis le 12 juillet 2016, le Conseil de sécurité et moi-même n’avons reçu
aucune information faisant état, de la part de l’Iran, d’activités ou de transferts
concernant des missiles balistiques qui auraient emporté violation des dispositions
figurant à l’annexe B de la résolution 2231 (2015).
7. J’ai reçu un nouveau rapport faisant état d’un transfert d’armes en provenance
semble-t-il de la République islamique d’Iran et effectué en violation des
dispositions figurant à l’annexe B de la résolution 2231 (2015). Le 5 juillet 2016, la
France nous a ainsi informés, le Conseil de sécurité et moi-même, qu’elle avait saisi
en mars 2016 une cargaison d’armes dans le nord de l’océan Indien. Elle est arrivée
à la conclusion que ces armes provenaient de la République islamique d’Iran et
étaient probablement destinées à la Somalie ou au Yémen. En outre, les Forces
maritimes combinées et l’Australie ont récemment fait savoir au Secrétariat que la
Royal Australian Navy avait procédé en février 2016 à une saisie d’armes au large
des côtes d’Oman, armes qui, selon les États-Unis d’Amérique, provenaient de la
République islamique d’Iran. J’attends avec impatience que le Secrétariat procède à
l’examen de ces armes, ainsi que des armes saisies antérieurement, afin de
confirmer l’information fournie et de vérifier de manière indépendante la
provenance des cargaisons en question.
8. Le 24 juin 2016, le Secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a
déclaré dans un discours télévisé que son organisation recevait la totalité de ses
armes et missiles de la République islamique d’Iran. Or tout transfert d’armes
iraniennes au Hezbollah qui aurait été effectué après le 16 janvier 2016 serait
contraire aux dispositions de l’annexe B de la résolution 2231 (2015)3.
9. Le 21 novembre 2016, l’État d’Israël a appelé mon attention sur des
informations en sa possession selon lesquelles des vols commerciaux auraient servi
au transfert d’armes et de matériel connexe du Corps des gardiens de la révolution
islamique au Hezbollah. Ces informations ont également été communiquées au
Conseil de sécurité dans des lettres identiques en date du 21 novembre de la part du
Représentant permanent d’Israël (S/2016/987). La République islamique d’Iran,
__________________
République islamique d’Iran étaient utilisées exclusivement à des activités pacifiques, un rapport
confirmant cette conclusion.
3 Tout transfert d’armes iraniennes au Hezbollah effectué entre l’a doption de la résolution 1747
(24 mars 2007) et le 16 janvier 2016 contreviendrait au paragraphe 5 de cette résolution. Les
dispositions de la résolution 1747 (2007) et des résolutions antérieures du Conseil de sécurité sur
la question du nucléaire iranien ont cessé d’avoir effet le 16 janvier 2016.
- 6 -
S/2016/1136
16-22137 3/10
dans des lettres identiques datées du 22 novembre 2016 (S/2016/992), a affirmé que
ces accusations étaient infondées et injustifiées. Je tiens à rappeler à tous les États
Membres qu’il leur incombe, au titre de la résolution 2231 (2015), d’empêcher, sauf
si le Conseil en décide autrement à l’avance et au cas par cas, la fourniture, la vente
ou le transfert d’armes ou de matériels connexes provenant de la République
islamique d’Iran.
10. Sur la base des informations que j’ai reçues des Missions permanentes de la
République islamique d’Iran et de la République d’Iraq, j’ai terminé l’examen de la
question de la participation d’entités iraniennes au cinquième Salon iraquien de la
défense. Bien que cette affaire soit considérée comme classée par le Secrétariat, je
tiens à recommander encore une fois au Conseil d’indiquer si les dispositions de
l’annexe B de la résolution 2231 (2015) portant sur les transferts d’armes à
destination ou en provenance de la République islamique d’Iran sont censées
s’appliquer à tous les cas de fourniture, de vente ou de transfert d’armes ou de
matériel connexe, y compris les transferts temporaires et qu’il y ait ou non
changement de propriétaire (voir S/2016/589, par. 10).
11. Depuis mon rapport précédent, des médias iraniens et d’autres organes de
presse ont rapporté que le général de division Qasem Soleimani et le général de
brigade Mohammad Reza Naqdi s’étaient rendus à l’étranger. J’appelle tous les
États Membres à prendre les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le
passage en transit sur leur territoire des personnes inscrites sur la liste établie en
application de la résolution 2231 (2015).
12. Au cours des échanges que le Secrétariat a eus avec sa mission permanente
afin d’obtenir des précisions au sujet de la déclaration faite par le Secrétaire général
du Hezbollah et des voyages à l’étranger entrepris par le général de division
Soleimani et le général de brigade Naqdi, la République islamique d’Iran a souligné
que les mesures qu’elle avait adoptées pour lutter contre le terrorisme et
l’extrémisme violent dans la région tenaient compte de ses intérêts en matière de
sécurité nationale et étaient conformes à ses engagements internationaux.
III. Application des dispositions relatives au nucléaire
13. À l’occasion de la préparation du présent rapport au sujet des dispositions de
l’annexe B de la résolution 2231 (2015), j’ai constaté que, en septembre et en
novembre 2016, l’AIEA avait établi des rapports trimestriels sur les activités de
vérification et de contrôle qu’elle menait en République islamique d’Iran à la
lumière de la résolution 2231 (2015) (S/2016/808 et S/2016/983). En outre, le
6 décembre 2016, l’AIEA a fait le point sur l’évolution de la situation depuis son
dernier rapport trimestriel en ce qui concerne les stocks d’eau lourde possédés par
l’Iran. Elle a indiqué qu’elle continuait de vérifier le non-détournement des matières
nucléaires déclarées et que ses évaluations relatives à l’absence de matières ou
d’activités non déclarées concernant la République islamique d’Iran se
poursuivaient. Elle a également fait rapport sur la vérification et le contrôle de
l’exécution, par la République islamique d’Iran, des engagements relatifs au
nucléaire que celle-ci a contractés dans le cadre du Plan d’action, et fait savoir
qu’elle veillait à ce que le pays continue d’appliquer provisoirement le Protocole
additionnel à son accord de garanties, en attendant son entrée en vigueur, et les
mesures de transparence prévues dans le Plan.
- 7 -
S/2016/1136
4/10 16-22137
14. Depuis le 16 janvier 2016, je n’ai reçu aucune information relative à quelque
opération – fourniture, vente, transfert ou exportation – visant des articles liés au
nucléaire et destinés à la République islamique d’Iran, qui aurait été effectuée en
violation des dispositions du paragraphe 2 de l’annexe B de la résolution
2231 (2015).
15. Au 30 décembre 2016, cinq nouvelles propositions tendant à la participation
aux activités visées au paragraphe 2 de l’annexe B de la résolution ou à leur
autorisation avaient été présentées au Conseil de sécurité suivant la filière
d’approvisionnement. Deux propositions présentées le 6 octobre 2016 et concernant
la fourniture des articles, matières, équipements, biens et technologies dont il est
question dans la circulaire d’information INFCIRC/254/Rev.9.Part 2 ont été
approuvées par le Conseil le 17 novembre 2016. Une autre proposition reçue par le
Conseil le 16 novembre 2016 et concernant la fourniture des articles, matières,
équipements, biens et technologies visés dans la circulaire d’information
INFCIRC/254/Rev.12.Part 1 a été approuvée le 28 décembre 2016. Enfin, deux
propositions présentées au Conseil le 6 décembre 2016 et concernant la fourniture
des articles, matières, équipements, biens et technologies visés dans la circulaire
INFCIRC/254/Rev.9.Part 2 sont actuellement en cours d’examen par la Commission
conjointe.
16. Le 17 novembre 2016, le Conseil de sécurité a reçu notification du transfert à
la République islamique d’Iran de technologies visées à la section B.1 de la
circulaire INFCIRC/254/Rev.12.Part 1 et destinées à des réacteurs à eau légère. Le
Conseil a reçu deux autres notitifications, la première le 23 décembre et la seconde
le 28 décembre 2016, concernant le transfert à la République islamique d’Iran
d’uranium faiblement enrichi visé à la section A.1.2 de la circulaire
INFCIRC/254/Rev.12.Part 1, uranium incorporé à des assemblages d’éléments
combustibles nucléaires destinés à des réacteurs à eau légère, ainsi que
d’équipements visés à la section B.1 de la même circulaire et destinés à des
réacteurs à eau légère. Ces opérations ayant trait au nucléaire, entre autres, ne
nécessitent pas d’autorisation préalable, mais doivent être notifiées au Conseil seul,
ou au Conseil et à la Commission conjointe (voir résolution 2231 (2015), annexe B,
par. 2).
17. En septembre 2016, la Commission conjointe a émis des directives concernant
les transferts relatifs au nucléaire temporaires. Elle a indiqué que tous les transferts
relatifs au nucléaire concernant des éléments qui ne devaient se trouver en
République islamique d’Iran que pendant une période déterminée devaient être
conformes à la procédure établie dans le cadre de la filière d ’approvisionnement et
qu’un certificat d’utilisation finale signé par l’autorité nationale iranienne désignée
devait être fourni. Elle a également déclaré qu’elle s’efforcerait d’accélérer
l’examen des demandes d’exportation temporaire de matériel devant servir lors de
démonstrations ou d’expositions. Les documents contenant des informations
pratiques sur la filière d’approvisionnement, qui sont disponibles sur la page Web
du Conseil de sécurité consacrée à la mise en oeuvre de la résolution 2231 (2015)4
ont été modifiés pour tenir compte de ces directives, lesquelles ont été portées à
l’attention de tous les États Membres dans une note verbale émise le 18 octobre
2016 par le Facilitateur chargé par le Conseil de sécurité de promouvoir
l’application de la résolution 2231 (2015).
__________________
4 www.un.org/fr/sc/2231/restrictions-nuclear.shtml.
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IV. Application des dispositions relatives
aux missiles balistiques
18. Aux termes du paragraphe 3 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015), la
République islamique d’Iran est tenue de ne mener aucune activité liée aux missiles
balistiques conçus pour pouvoir emporter des armes nucléaires, y compris les tirs
recourant à la technologie des missiles balistiques.
19. En outre, selon le paragraphe 4 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015),
tous les États peuvent maintenant, à condition d’y avoir été autorisés au préalable
par le Conseil de sécurité au cas par cas, participer à la fourniture, à la vente ou au
transfert à la République islamique d’Iran de certains articles, matières,
équipements, biens et technologies liés aux missiles balistiques, ainsi qu’à la
fourniture de divers services ou assistance connexes, et les permettre. La
République islamique d’Iran doit également obtenir l’autorisation préalable du
Conseil de sécurité pour participer à certaines activités commerciales liées aux
missiles balistiques.
20. Depuis la présentation de mon premier rapport au Conseil de sécurité, ni lui ni
moi n’avons reçu d’information concernant des activités qui auraient été effectuées
en violation des paragraphes 3 et 4 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015).
V. Mise en oeuvre des dispositions relatives
au nucléaire
21. Aux termes du paragraphe 5 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015), tous
les États peuvent désormais participer aux activités décrites ci-après et les autoriser,
à condition que le Conseil de sécurité les y autorise au préalable, au cas par cas : la
fourniture, la vente ou le transfert à la République islamique d’Iran d’armes des sept
catégories définies pour l’application du Registre des armes classiques de
l’Organisation des Nations Unies ou de matériel connexe. L’approbation préalable
du Conseil est également requise pour la fourniture de divers services ou assistance
connexes à la République islamique d’Iran.
22. Au 30 décembre 2016, une proposition tendant à la participation aux activités
visées au paragraphe 5 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015) ou leur
autorisation avait été présentée au Conseil de sécurité; elle est toujours en cours
d’examen par le Conseil.
23. Le Conseil a décidé, à l’alinéa b) du paragraphe 6 de l’annexe B de la
résolution 2231 (2015), que tous les États étaient tenus de prendre les mesures
nécessaires pour empêcher, sauf s’il en décidait autrement à l’avance et au cas par
cas, la fourniture, la vente ou le transfert d’armes ou de matériels connexes
provenant de la République islamique d’Iran. Au moment de la rédaction du présent
rapport, aucune proposition n’avait été soumise au Conseil au titre de ce
paragraphe.
24. En juillet, j’ai porté à l’attention du Conseil de sécurité des informations
provenant de sources publiques sur la participation de plusieurs entités iraniennes au
cinquième salon iraquien de défense, qui s’est tenu du 5 au 8 mars 2016 au Palais
des expositions de Bagdad (voir S/2016/589, par. 32). D’après des images publiées
par l’Agence de presse de la République islamique et l’agence de presse de la
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Radio-Télévision de la République Islamique d’Iran, il semble que, parmi le
matériel exposé par ces entités, se trouvaient des armes de petit calibre, des
munitions et des roquettes. Le Secrétariat a fait part de cette question aux Missions
permanentes de la République islamique d’Iran et de l’Iraq auprès de l’Organisation
des Nations Unies et a invité ces deux États Membres à lui communiquer un
complément d’information à ce sujet.
25. Comme je l’ai indiqué en juillet, les représentants iraquiens ont considéré que
cette activité n’appelait pas d’autorisation préalable du Conseil de sécurité, puisque
la République islamique d’Iran restait propriétaire des pièces exposées. De plus, en
octobre 2016, les autorités iraquiennes ont informé le Secrétariat que toutes les
pièces exposées par des entités iraniennes durant le salon avaient ensuite regagné la
République islamique d’Iran conformément aux conditions énoncées dans les
résolutions applicables du Conseil de sécurité, de façon à respecter la légalité du
processus dans son intégralité.
26. Compte tenu de ce qui précède, aucune autre mesure ne sera prise par le
Secrétariat en ce qui concerne cette question. Je tiens néanmoins à recommander à
nouveau au Conseil de sécurité de préciser si le paragraphe 6 b) est censé
s’appliquer à tous les cas de fourniture, de vente ou de transfert d’armes ou de
matériel connexe, y compris les transferts temporaires et qu’il y ait ou non
changement de propriétaire (voir S/2016/589, par. 10).
27. Le 5 juillet 2016, la France a porté à mon attention des informations sur la
saisie d’une cargaison d’armes qui, de son avis, provenait de la République
islamique d’Iran et était probablement destinée à la Somalie ou au Yémen5. Selon
les informations fournies, l’équipage de la frégate française Provence, intervenant
dans le cadre de la Force opérationnelle multinationale 150, a arraisonné un boutre
apatride dans le nord de l’océan Indien le 20 mars 2016, opération qui a permis de
découvrir à bord du navire 2 000 fusils d’assaut AK-47, 64 fusils de précision
Hoshdar-M, 6 mitrailleuses Type-73 et 9 missiles antichars Kornet. Se fondant sur
l’analyse des informations dont elle disposait, recueillies notamment lors
d’échanges avec l’équipage, et sur l’inspection de ce qu’elle avait découvert, la
France est parvenue à la conclusion que ces armes provenaient de la République
islamique d’Iran et que leur transfert contrevenait aux dispositions de l’alinéa b) du
paragraphe 6 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015).
28. Ce rapport a été porté à l’attention de la Mission permanente de la République
islamique d’Iran auprès de l’Organisation des Nations Unies en juillet 2016 par le
Facilitateur chargé par le Conseil de sécurité de promouvoir l’application de la
résolution 2231 (2015). En outre, le Secrétariat a demandé à examiner les armes
saisies et à obtenir des renseignements complémentaires.
29. En mars 2016, les Forces maritimes combinées ont annoncé la saisie d’une
cache d’armes à bord d’un petit navire de pêche au large de la côte d’Oman par le
HMAS Darwin de la Marine royale australienne, qui fait également partie de la
Force opérationnelle multinationale 1506. À la demande du Secrétariat, l’Australie
__________________
5 Cette information a aussi été communiquée au Conseil de sécurité, au Comité du Conseil de
sécurité faisant suite aux résolutions 751 (1992) et 1907 (2009) sur la Somalie et l’Érythrée et au
Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 2140 (2014).
6 « HMAS Darwin seizes large weapons cache », communiqué de presse des Forces maritimes
combinées daté du 6 mars 2016.
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et les Forces maritimes combinées ont récemment fourni, relativement à cette saisie,
des renseignements selon lesquels, le 28 février 2016, l’équipage du HMAS Darwin
a découvert, à bord d’un boutre apatride, le Samer, un total de 1 989 fusils
d’assaut AK-47, 100 lance-roquettes RPG-7, 49 mitrailleuses polyvalentes PKM,
39 canons de rechange PKM et 20 tubes de mortier de 60 mm.
30. Selon les États-Unis d’Amérique, cette cargaison d’armes provenait de la
République islamique d’Iran7. Le Secrétariat poursuit l’analyse des informations
communiquées récemment par l’Australie et les Forces maritimes combinées et
j’entends faire en temps voulu le point sur cette saisie.
31. Dans un discours télédiffusé par la chaîne Al-Manar le 24 juin 2016, le
Secrétaire général du Hezbollah a déclaré que la totalité du budget, des traitements,
des dépenses, des armes et des missiles de cette organisation provenait de la
République islamique d’Iran. Je suis très préoccupé par cette déclaration, qui donne
à penser que des armes et du matériel connexe en provenance de la République
islamique d’Iran auraient été transférés au Hezbollah à l’encontre des dispositions
de l’annexe B de la résolution 2231 (2015)3. Le Secrétariat a fait part de la question
aux représentants de la Mission permanente de la République islamique d ’Iran
auprès de l’Organisation des Nations Unies en novembre 2016. Au cours des
échanges que le Secrétariat a eus avec sa mission permanente afin d’obtenir des
précisions, la République islamique d’Iran a souligné que les mesures qu’elle avait
adoptées pour lutter contre le terrorisme et l’extrémisme violent dans la région
tenaient compte de ses intérêts en matière de sécurité nationale et étaient conformes
à ses engagements internationaux.
32. En outre, dans des lettres identiques datées du 21 novembre 2016
(S/2016/987), le Représentant permanent d’Israël a déclaré que la République
islamique d’Iran continuait de transférer des armes et du matériel connexe au
Hezbollah pour donner à celui-ci les moyens de renforcer son arsenal de missiles.
Selon Israël, les armes et le matériel sont expédiés par le Corps des gardiens de la
révolution islamique à bord d’avions commerciaux quittant la République islamique
d’Iran à destination soit de Beyrouth directement, soit de Damas (dans ce cas, les
armes et le matériel sont ensuite envoyés au Liban par la voie terrestre). Dans des
lettres identiques datées du 22 novembre 2016, le Représentant permanent de la
République islamique d’Iran a déclaré que cette information était infondée et que
l’accusation avait été portée « sans le moindre élément de preuve » (S/2016/992).
VI. Application des dispositions relatives
au gel des avoirs
33. Aux termes des alinéas c) et d) du paragraphe 6 de l’annexe B de la résolution
2231 (2015), tous les États sont tenus de geler les fonds et autres avoirs financiers et
ressources économiques des personnes et entités visées dans la liste tenue à jour en
application de ladite résolution, et de veiller à ce que ni fonds, ni avoirs financiers ,
ni ressources économiques ne soient mis à leur disposition.
34. En juillet 2016, j’ai appelé l’attention du Conseil sur le fait que la Defence
Industries Organisation, entité figurant actuellement sur la liste tenue à jour en
__________________
7 Voir « Third Illicit Arms Shipment in Recent Weeks Seized in Arabian Sea », Marine des États-
Unis, article numéro NNS160404-01, daté du 4 avril 2016.
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application de la résolution 2231 (2015)8, semblait avoir participé au cinquième
Salon iraquien de la défense en mars 2016 (voir S/2016/589, par. 35). Au vu des
informations fournies par les autorités iraquiennes en octobre 2016 (voir par. 25 cidessus),
cette affaire est considérée comme classée par le Secrétariat.
35. Depuis mon précédent rapport, je n’ai pas reçu d’autre renseignement ni eu
connaissance d’informations de source publique concernant l’application des
alinéas c) et d) du paragraphe 6 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015).
VII. Application des dispositions relatives à l’interdiction
de voyager
36. Aux termes de l’alinéa e) du paragraphe 6 de l’annexe B de la résolution
2231 (2015), tous les États sont tenus de prendre les mesures nécessaires pour
empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire des personnes figurant
sur la liste tenue à jour en application de la résolution 2231 (2015). Au moment de
la rédaction du présent rapport, le Conseil de sécurité n’avait reçu aucune demande
de dérogation ni accordé aucune dérogation à l’interdiction de voyager concernant
des personnes actuellement inscrites sur la liste.
37. Dans mon premier rapport, j’ai appelé l’attention du Conseil de sécurité sur le
fait que le général de division Qasem Soleimani, commandant de la Force Al-Qods
du Corps des gardiens de la révolution islamique, se serait rendu à l ’étranger (voir
S/2016/589, par. 37). Au cours des derniers mois, des informations supplémentaires
provenant de sources publiques donnent à penser que le général Soleimani continue
de voyager. À la fin du mois de juin 2016, plusieurs médias iraniens (Fars News
Agency, Tasnim News Agency) ont publié des images du général Soleimani rendant
visite à l’ancien Premier Ministre de l’Iraq, Nouri al-Maliki. En octobre 2016, un
autre média iranien (Mehr News Agency) a publié une photographie du général
rendant visite, dans la région du Kurdistan iraquien, à la famille d ’un officier
peshmerga kurde tué en 2015 alors qu’il combattait les militants de l’EIIL. En
novembre 2016, le chef de la milice Harakat Hezbollah al-Nujaba a déclaré que le
général se trouvait à Mossoul en compagnie d’autres conseillers militaires iraniens
(Fars News Agency). En septembre 2016, le groupe de presse de cette même milice,
qui avait publié les photographies du général prises au « centre d’opérations de
Fallouja » en mai 2016 (voir S/2016/589, fig. V), a publié des images montrant qu’il
se trouvait dans le sud de la province d’Alep. Le lendemain, une photo sur laquelle
il semble figurer en compagnie d’officiers de l’Armée arabe syrienne a été
reproduite par divers médias (Fars News Agency, Al-Masdar News). À la midécembre
2016, des photos le montrant à la citadelle d’Alep ont été largement
diffusées dans les médias iraniens et d’autres organes d’information (Fars News
Agency).
__________________
8 La liste tenue à jour en application de la résolution 2231 (2015) renferme les noms des personnes
et entités visées dans la liste établie en application de la résolution 1737 (2006) et tenue à jour par
le Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1737 (2006) à la date de l’adoption de la
résolution 2231 (2015), à l’exception des 36 personnes et entités visées dans la pièce jointe à
l’annexe B de la résolution 2231 (2015), qui en ont été radiées à la date d’application du Plan
d’action global commun. Le Conseil peut toujours radier de la liste d’autres personnes ou entités
ou, au contraire, y en ajouter d’autres qui répondent à certains critères de désignation définis dans
la résolution 2231 (2015). À ce jour, 23 personnes et 61 entités sont inscrites sur cette liste.
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38. En outre, à la fin de juillet 2016, des médias iraniens (Basij Press, Fars News
Agency) ont rapporté qu’une autre personne inscrite sur la liste, le général de
brigade Mohammad Reza Naqdi, ancien chef d’état-major adjoint des forces armées
chargé de la logistique et de la recherche industrielle, s’était rendu en République
arabe syrienne en mars et en juillet 2016. Dans les jours qui ont suivi, les mêmes
organes de presse ont reproduit des photos qui le montreraient dans la région du
Golan, près de Qouneïtra, ainsi qu’à la mosquée de Sayyida Zeinab à Damas.
39. Le Secrétariat a fait part de la question des voyages du général de division
Soleimani en Iraq aux Missions permanentes de la République islamique d ’Iran et
de l’Iraq auprès de l’Organisation des Nations Unies en juin 2016. En octobre 2016,
le Représentant permanent de l’Iraq a informé le Secrétariat que rien ne permettait
de confirmer l’entrée de Soleimani en territoire iraquien : l’Iraq n’avait pas invité
M. Soleimani à s’y rendre, celui-ci n’avait pas demandé de visa d’entrée et le
Ministère des affaires étrangères iraquien ne lui en avait pas délivré.
40. Le Secrétariat a également fait part de la question des voyages du général de
division Soleimani et du général de brigade Naqdi en République arabe syrienne
aux Missions permanentes de la République islamique d’Iran et de la République
arabe syrienne auprès de l’Organisation des Nations Unies en novembre 2016. Le
Gouvernement syrien affirme qu’aucun visa n’a été délivré aux personnes
susmentionnées. Au cours des échanges que le Secrétariat a eus avec sa mission
permanente afin d’obtenir des précisions à ce sujet, la République islamique d’Iran
a souligné que les mesures qu’elle avait adoptées pour lutter contre le terrorisme et
l’extrémisme violent dans la région tenaient compte de ses intérêts en matière de
sécurité nationale et étaient conformes à ses engagements internationaux.
VIII. Services de secrétariat fournis au Conseil
de sécurité et au Facilitateur chargé
par le Conseil de sécurité de promouvoir
l’application de la résolution 2231 (2015)
41. La Division des affaires du Conseil de sécurité, qui relève du Département des
affaires politiques, a continué d’appuyer les travaux du Conseil de sécurité, en
coopération étroite avec le Facilitateur chargé de promouvoir l’application de la
résolution 2231 (2015). Elle a aussi continué d’assurer la liaison avec le Groupe de
travail sur l’approvisionnement, rattaché à la Commission conjointe, sur toutes les
questions relatives à la filière d’approvisionnement. De plus, la Division a organisé
des séances d’orientation à l’intention des nouveaux facilitateur et membres du
Conseil de sécurité pour les aider dans leurs travaux relatifs à l’application de la
résolution 2231 (2015).
42. La Division a continué de diffuser des informations accessibles au public sur
les restrictions imposées par la résolution 2231 (2015), notamment grâce au site
Web du Conseil9 et à des activités de sensibilisation. Les documents utiles ont été
régulièrement ajoutés au site Web dans toutes les langues officielles. En particulier,
la version révisée des documents fournis par le Groupe des achats de la Commission
__________________
9 www.un.org/fr/sc/2231/.
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conjointe, dans lesquels figurent des renseignements pratiques sur la filière
d’approvisionnement à l’intention des États, a été téléchargée en octobre.
43. Au cours de la période considérée, la Division a répondu aux questions des
États Membres concernant la cessation d’effet des dispositions figurant dans les
précédentes résolutions du Conseil de sécurité sur la question nucléaire iranienne et
des dispositions de la résolution 2231 (2015), en particulier sur la procédure relative
à la présentation de propositions dans le domaine nucléaire et le processus
d’examen.
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Council of the EU FR
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
65/19
04/02/2019
Iran: le Conseil adopte des conclusions
1. Rappelant les conclusions du Conseil de novembre 2016, l'Union européenne exprime son attachement résolu au plan d'action
global commun et le soutien qu'elle continue de lui apporter. Le plan d'action global commun constitue un élément essentiel de
l'architecture mondiale de non-prolifération nucléaire et une réussite de la diplomatie multilatérale, qui a été approuvé à
l'unanimité par le Conseil de sécurité des Nations unies dans le cadre de sa résolution 2231.
2. L'Union européenne se félicite que l'Iran poursuive la mise en oeuvre complète et effective de ses engagements dans le
domaine nucléaire, comme l'a confirmé l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) dans treize rapports consécutifs, y
compris dans son dernier rapport trimestriel, publié le 12 novembre 2018. L'Union européenne réaffirme que l'Iran doit continuer à
mettre en oeuvre tous ses engagements ainsi qu'à coopérer pleinement et dans les délais impartis avec l'AIEA. L'Union
européenne accueille avec satisfaction et soutient sans réserve le travail de suivi mené par l'AIEA en ce qui concerne la mise en
oeuvre par l'Iran du plan d'action global commun. L'UE salue l'engagement de l'Iran à ne jamais chercher à obtenir, mettre au point
ou acquérir des armes nucléaires. Elle prend note de l'application provisoire par l'Iran du protocole additionnel à son accord de
garanties généralisées, dont elle encourage la ratification.
3. L'Union européenne est consciente que la levée des sanctions constitue un élément essentiel du plan d'action global commun
et regrette vivement le rétablissement de sanctions par les États-Unis à la suite de leur retrait du plan d'action global commun.
L'Union européenne souligne les efforts déployés pour préserver les avantages d'ordre économique et de portée plus générale
pour l'Iran comme le prévoit le plan d'action global commun. Ces efforts sont étayés par l'initiative de la France, de l'Allemagne et
du Royaume-Uni visant à rendre opérationnelle l'entité ad hoc, désormais enregistrée en tant qu'entité privée, en vue d'avoir une
incidence positive sur le commerce et les relations économiques avec l'Iran, mais aussi et surtout sur la vie des Iraniens. L'entité
ad hoc apportera un appui aux opérateurs économiques européens qui ont des échanges commerciaux légitimes avec l'Iran,
conformément au droit de l'UE et à la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations unies.
Ainsi qu'il a été rappelé dans la déclaration conjointe de la HR/VP et des ministres des affaires étrangères et des finances de la
France, de l'Allemagne et du Royaume-Uni du 2 novembre 2018, la détermination à mener ces travaux à bien est inébranlable.
L'Union européenne rappelle que les mises à jour de la "loi de blocage" de l'UE et du mandat de prêt extérieur de la Banque
européenne d'investissement pour rendre l'Iran éligible sont entrées en vigueur le 7 août 2018.
4. L'Union européenne souligne qu'elle est en faveur du développement des relations entre l'UE et l'Iran dans des domaines
d'intérêt commun évoqués dans la déclaration conjointe adoptée par la HR/VP et le ministre iranien des affaires étrangères en
avril 2016, qui sous-tend son action sectorielle de coopération bilatérale. Au nombre de ces domaines figurent par exemple le
dialogue politique, les droits de l'homme, la coopération économique, le commerce et l'investissement, l'agriculture, les transports,
l'énergie et le changement climatique, la coopération nucléaire civile, l'environnement, la protection civile, les sciences, la
recherche et l'innovation, l'éducation, notamment dans le cadre d'échanges universitaires, la culture, la lutte contre le trafic de
drogue, la migration, et les questions régionales et humanitaires.
5. Le Conseil salue les progrès accomplis en ce qui concerne les réformes nécessaires et demande instamment à l'Iran d'adopter
et de mettre en oeuvre la législation qui s'impose conformément à ses engagements en vertu du plan d'action du Groupe d'action
financière (GAFI). L'UE et ses États membres sont prêts à poursuivre la coopération avec l'Iran dans ces domaines, y compris en
fournissant une assistance technique pour la mise en oeuvre du plan d'action du GAFI.
6. Le Conseil exprime son inquiétude face aux tensions croissantes dans la région et au rôle de l'Iran dans ce contexte,
notamment la fourniture d'un soutien militaire, financier et politique à des acteurs non étatiques dans des pays tels que la Syrie et
le Liban.
7. Le Conseil est vivement préoccupé par l'engagement militaire de l'Iran et la présence continue de forces iraniennes en Syrie.
L'Union européenne demande à l'Iran de soutenir pleinement le processus sur la Syrie mené sous l'égide des Nations unies
conformément à la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations unies, et engage l'Iran à user de son influence auprès du
régime syrien à cette fin. Elle demande instamment à l'Iran, qui, avec la Russie et la Turquie, est l'un des garants d'Astana, de
faire en sorte que les hostilités cessent et d'assurer un accès humanitaire sans entraves, sûr et durable dans toute la Syrie, et en
Annexe 59
PRESS
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particulier à Idlib.
8. En ce qui concerne le Yémen, l'Union européenne invite toutes les parties dans la région, y compris l'Iran, à soutenir la mise en
oeuvre de la résolution 2451 du Conseil de sécurité des Nations unies, et à oeuvrer dans un esprit constructif à la recherche d'une
solution politique durable au conflit, sous l'égide des Nations unies. L'UE prend acte avec préoccupation des conclusions du
rapport du groupe d'experts des Nations unies sur le Yémen, qui a constaté le non-respect de l'embargo sur les armes établi par
le paragraphe 14 de la résolution 2216 du Conseil de sécurité des Nations unies. L'Union européenne reste déterminée à
poursuivre le dialogue régional politique actuellement mené avec l'Iran sous son égide, en vue de continuer à produire des
résultats tangibles et de promouvoir l'amélioration de l'environnement régional. Elle convient des résultats des efforts qui ont été
engagés dans le contexte du dialogue actuellement mené sous l'égide de l'UE sur les questions régionales. L'UE se félicite, à cet
égard, du soutien public apporté par l'Iran aux pourparlers des Nations unies en Suède, qui ont abouti à l'accord de Stockholm.
9. Par ailleurs, le Conseil est gravement préoccupé par les activités de l'Iran relatives aux missiles balistiques et lui demande de
s'abstenir de mener de telles activités, notamment les tirs de missiles balistiques qui vont à l'encontre de la résolution 2231 du
Conseil de sécurité des Nations unies. L'Iran poursuit ses efforts pour accroître la portée et la précision de ses missiles, tout en
multipliant les essais et les tirs opérationnels. Ces activités ont pour effet d'attiser la méfiance et de contribuer à l'instabilité de la
région. Le Conseil appelle l'Iran à prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer pleinement à l'ensemble des
résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies ayant trait au transfert de missiles et de matières et technologies
y afférentes à des acteurs étatiques et non étatiques dans la région. Dans un contexte plus large, le Conseil rappelle en outre la
vive inquiétude que lui inspire de longue date le renforcement des capacités militaires dans la région.
10. Le Conseil est profondément préoccupé par les activités hostiles menées par l'Iran sur le territoire de plusieurs États membres
et, dans ces circonstances, a décidé de procéder à l'inscription de deux personnes et d'une entité sur ses listes. L'Union
européenne continuera de faire preuve d'unité et de solidarité en la matière et elle engage l'Iran à mettre immédiatement un terme
à ce comportement intolérable.
11. Le Conseil demeure extrêmement préoccupé par la situation des droits de l'homme en Iran, où la peine de mort reste
fréquemment appliquée. Si le Conseil reconnaît que les modifications apportées à la loi relative à la lutte contre les stupéfiants,
approuvées en octobre 2017, ont entraîné à ce jour une diminution significative du nombre d'exécutions liées au trafic de drogue,
il souligne que l'UE s'oppose à la peine de mort en toute circonstance et dans tous les pays. L'UE insiste sur le fait que l'exécution
de délinquants mineurs constitue une violation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de la Convention
relative aux droits de l'enfant, deux textes auxquels l'Iran est partie.
Conformément aux engagements qu'a pris l'UE de veiller à l'égalité des droits pour les femmes et les filles et les personnes
appartenant à des minorités, y compris des minorités ethniques et religieuses, le Conseil demande à l'Iran de mettre en oeuvre les
traités internationaux pertinents auxquels il est partie et de respecter pleinement les droits de l'homme et les libertés
fondamentales.
12. Le Conseil souligne qu'il convient de ne pas accentuer encore les tensions et la méfiance qui règnent actuellement dans la
région et il invite l'Iran et l'ensemble des acteurs de la région à jouer un rôle constructif à cet égard et à éviter les discours
stériles. Le Conseil soutient une approche globale et équilibrée à l'égard de l'Iran, y compris le dialogue, afin d'aborder tous les
sujets de préoccupation, dans un esprit critique en cas de divergences et dans un esprit de coopération sur les questions
d'intérêt commun.
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Nations Unies S/2016/589*
Conseil de sécurité Distr. générale
12 juillet 2016
Français
Original : anglais
16-10517* (F) 030816 030816
*1610517*
Rapport du Secrétaire général sur l’application
de la résolution 2231 (2015) du Conseil de sécurité
I. Introduction
1. Le 14 juillet 2015, les efforts diplomatiques de l’Allemagne, de la Chine, des
États-Unis d’Amérique, de la Fédération de Russie, de la France, du Royaume-Uni
de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et de l’Union européenne auprès de la
République islamique d’Iran ont abouti à un accord sur le Plan d’action global
commun. Le 20 juillet, le Conseil de sécurité a, dans sa résolution 2231 (2015),
approuvé le Plan d’action et demandé à tous les États Membres et aux organisations
régionales et internationales d’en appuyer l’application. Le 18 octobre 2015, date
d’adoption de cet accord, le Plan d’action est entré en vigueur et les participants ont
commencé à prendre des mesures visant à honorer leurs engagements.
2. Le 16 janvier 2016, dès la présentation par le Directeur général de l’Agence
internationale de l’énergie atomique (AIEA) au Conseil des gouverneurs de l’AIEA
et, parallèlement, au Conseil de sécurité, d’un rapport confirmant que la République
islamique d’Iran avait bien adopté les mesures énoncées aux paragraphes 15.1 à
15.11 de l’annexe V du Plan d’action (S/2016/57), je me suis félicité que l’on soit
parvenu à la date d’application du Plan d’action, une étape importante qui témoigne
des efforts déployés de bonne foi par toutes les parties à l’accord.
3. Le même jour, en application du paragraphe 7 de la résolution 2231 (2015),
dès la présentation de ce rapport de l’AIEA, les dispositions des résolutions
1696 (2006), 1737 (2006), 1747 (2007), 1803 (2008), 1835 (2008), 1929 (2010) et
2224 (2015) ont été levées1 et toutes les dispositions de l’annexe B de la résolution
2231 (2015) sont entrées en vigueur. Désormais, tous les États se conformeront aux
dispositions des paragraphes 1, 2, 4 et 5 et des alinéas a) à f) du paragraphe 6 de
l’annexe B de la résolution pendant la durée qui y est précisée et devraient se
conformer aux dispositions des paragraphes 3 et 7 de l’annexe B à la résolution2. Le
__________________
* Nouveau tirage pour raisons techniques (2 août 2016).
1 Il s’agit, entre autres, de l’embargo relatif aux activités nucléaires posant un risque de
prolifération et aux programmes de missiles balistiques, de l’embargo sur les armes, de
l’interdiction de voyager et du gel des avoirs, de diverses mesures financières et restrictions
commerciales et de l’interdiction de la fourniture de services de soutage. Les dispositions
relatives au mandat du Comité créé par la résolution 1737 (2006) et de son Groupe d’experts ont
également été levées à compter de la date d’application.
2 Il s’agit notamment des dispositions sur les transferts liés au nucléaire, qui s’appliqueront
pendant une durée maximale de dix ans; des dispositions sur les transferts liés aux missiles et
Annexe 060
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Conseil de sécurité a en outre demandé que je lui fasse rapport tous les six mois sur
l’application de ces dispositions.
4. Le présent rapport a été établi conformément à cette demande et à la demande
du Président du Conseil de sécurité tendant à ce que je fasse rapport sur
l’application de la résolution 2231 (2015) et formule des conclusions et
recommandations à cet égard (S/2016/44, par. 7).
II. Principales conclusions et recommandations
5. Six mois après la date d’application, la mise en oeuvre par la République
islamique d’Iran des engagements pris dans le domaine nucléaire dans le cadre du
Plan d’action me semble prometteuse. La République islamique d’Iran continue
d’appliquer à titre provisoire le Protocole additionnel à son accord de garanties, en
attendant l’entrée en vigueur de ce dernier, ainsi que les mesures de transparence
énoncées dans le Plan d’action. L’Agence a indiqué qu’elle continuait de vérifier le
non-détournement de matières nucléaires déclarées et que ses évaluations portant
sur l’absence de matières ou d’activités non déclarées se poursuivaient. Depuis la
date d’application, l’Agence a vérifié et contrôlé la mise en oeuvre par la République
islamique d’Iran des engagements que cette dernière a pris en matière nucléaire dans
le cadre du Plan d’action. Je demande aux États Membres de continuer à fournir un
appui à l’Agence afin qu’elle puisse s’acquitter de son mandat au titre du Plan. En
outre, il n’a été signalé aucun cas de fourniture, de vente, de transfert ou
d’exportation vers la République islamique d’Iran d’articles liés au nucléaire qui
aurait été effectué en violation des dispositions du Plan d’action et de la résolution
2231 (2015).
6. Les principales dispositions pratiques visant à appuyer les travaux du Conseil
de sécurité et du facilitateur chargé par le Conseil de sécurité de promouvoir
l’application de la résolution 2231 (2015) ont été prises. En particulier, les liaisons
opérationnelles nécessaires entre le Conseil et le Groupe de travail sur
l’approvisionnement, de la Commission conjointe, aux fins du traitement des
propositions liées au nucléaire présentées par les États Membres au titre de la filière
d’approvisionnement ont été mises en place, la sécurité de l’information et la
confidentialité étant dûment prises en compte. Des formulaires facultatifs ont
également été mis à la disposition des États membres dans les six langues officielles
de l’ONU.
7. Malgré cette évolution positive, la République islamique d’Iran a fait savoir au
Secrétariat qu’elle estimait ne pas encore bénéficier pleinement de la levée des
sanctions multilatérales et nationales. Les préoccupations exprimées par le pays ont
trait à des questions telles que la loi américaine de 2015 sur l’amélioration du
programme d’exemption de visa et la prévention des déplacements des terroristes, et
la confiscation des avoirs de la Banque centrale en application d ’une ordonnance
__________________
des mesures financières, y compris un gel des avoirs, qui s’appliqueront pendant une durée
maximale de huit ans; ainsi que des dispositions sur les transferts liés aux armes et une
interdiction de voyager, qui s’appliqueront pendant une durée maximale de cinq ans. En octobre
2025, sous réserve que les dispositions de résolutions antérieures du Conseil n’aient pas été
rétablies en cas de non-respect manifeste par l’Iran du Plan d’action, toutes les dispositions de
la résolution 2231 (2015) seront levées et le Conseil de sécurité aura achevé son examen de la
question du nucléaire iranien.
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rendue par une juridiction des États-Unis. Il est rendu compte à l’annexe I des
renseignements obtenus par le Secrétariat lors de ses échanges avec les
représentants iraniens3. Nul accord ne va sans difficultés d’exécution, en particulier
s’il est aussi complexe et détaillé que le Plan d’action global commun. Je demande à
tous les participants de rester fermes dans leur attachement à l’application intégrale
de l’accord et de s’employer à surmonter les obstacles dans un esprit de coopération
et de compromis, en toute bonne foi et sur la base du principe de réciprocité. À cet
égard, je me réjouis de l’engagement fort de l’Union européenne et des États-Unis à
faire en sorte que le Plan profite à tous ses participants, et qu’il soit notamment à
l’avantage de la population iranienne4.
8. S’agissant de la mise en oeuvre des dispositions de l’annexe B de la résolution
2231 (2015), je suis préoccupé par les tirs de missiles balistiques effectués par la
République islamique d’Iran en mars 2016. Je demande à la République islamique
d’Iran de s’abstenir de procéder à de tels tirs étant donné que ceux-ci risquent
d’accroître les tensions dans la région. Bien qu’il appartienne au Conseil de sécurité
d’interpréter ses propres résolutions, je crains que ces tirs soient contraires à l ’état
d’esprit constructif dont il a été fait preuve lors de la signature du Plan d’action.
9. Je suis également préoccupé par les informations faisant état de la saisie d ’une
cargaison d’armes par la marine des États-Unis dans le golfe d’Oman en mars 2016
(voir annexe II). Les États-Unis ont conclu que les armes provenaient de la
République islamique d’Iran et étaient probablement destinées au Yémen. La
République islamique d’Iran a fait savoir au Secrétariat qu’elle n’avait jamais
procédé à une telle livraison (voir annexe I). Je tiens à rappeler à tous les États
Membres leur obligation de se conformer pleinement à l’alinéa b) du paragraphe 6
de l’annexe B de la résolution 2231 (2015), et je leur demande de rendre compte au
Conseil de sécurité ainsi qu’à mon Bureau de toute saisie d’armes effectuée.
10. Je tiens en outre à porter à l’attention du Conseil de sécurité la participation
d’entités iraniennes au cinquième salon iraquien de la défense, qui s’est tenu à
Bagdad en mars 2016. Aucune autorisation préalable n’a été demandée au Conseil
de sécurité pour le transfert d’armes de la République islamique d’Iran vers l’Iraq. Le
Secrétariat a demandé des précisions à ces deux pays sur la questio n. La République
islamique d’Iran a indiqué au Secrétariat qu’elle n’estimait pas devoir obtenir
l’autorisation préalable du Conseil, étant donné qu’elle restait propriétaire des
pièces exposées (voir annexe I). Je recommande au Conseil de préciser si le
paragraphe 6 b) s’applique à tous les cas de fourniture, de vente ou de transfert,
qu’il y ait ou non changement de propriétaire.
11. Une entité dont le nom figure sur la liste établie en application de la résolution
2231 (2015)5 et tenue par le Conseil de sécurité, la Defense Industries Organisation,
__________________
3 Voir également le paragraphe 6 de l’annexe de la lettre datée du 20 juillet 2015, adressée au
Président du Conseil de sécurité par le Représentant permanent de la République islamique
d’Iran auprès de l’Organisation des Nations Unies, intitulée « Déclaration de la République
islamique d’Iran à la suite de l’adoption par le Conseil de sécurité de l’ONU de la résolution
2231 (2015) entérinant le Plan d’action global commun ».
4 Voir la « Déclaration de la France, de l’Allemagne, du Royaume-Uni, des États-Unis et de la
Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
concernant les activités commerciales avec l’Iran à la suite du plan d’action global commun »,
à l’adresse http://eeas.europa.eu/statements-eeas/2016/160519_05_fr.htm.
5 Voir http://www.un.org/fr/sc/2231/list.shtml. Les personnes figurant sur la liste établie en
application de la résolution 2231 (2015) font l’objet de mesures de gel des avoirs et
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semble également avoir participé au salon et aurait dû faire l’objet des mesures
prévues dans les dispositions de la résolution relatives au gel des avoirs. De même,
je signale au Conseil de sécurité que d’après des informations provenant de sources
librement accessibles, une personne dont le nom figure sur la liste, le général de
division Qasem Soleimani, s’est récemment rendue en Iraq. Le Secrétariat a
également demandé des éclaircissements à la République islamique d’Iran et à l’Iraq
sur ces questions et j’ai l’intention d’en rendre également compte au Conseil.
12. Dans sa réponse aux questions relatives au cinquième salon iraquien de
défense et au voyage du général de division Qasem Soleimani, l’Iraq a informé le
Secrétariat qu’il était « pleinement conscient de ses obligations en vertu de son
interprétation de la résolution 2231 (2015), en particulier le paragraphe 7 a) et le
paragraphe 18 de l’annexe A, qui abrogent clairement toutes les résolutions
précédentes et le régime de sanctions énoncé dans les résolutions adoptées entre
2006 et 2015 ». Il a en outre déclaré que la résolution 2231 (2015) était « longue,
technique et confuse ». Cela montre combien il importe de mener des activités de
sensibilisation et de communication sur les dispositions de la résolution 2231 (2015)
et les obligations des États Membres.
III. Application des dispositions liées au nucléaire
13. En mars et en juin 2016, l’AIEA a publié des rapports trimestriels sur les
activités de vérification et de surveillance qu’elle mène en République islamique
d’Iran conformément à la résolution 2231 (2015) (S/2016/250 et S/2016/535).
L’Agence a indiqué qu’elle continuait de vérifier le non-détournement de matières
nucléaires déclarées et que ses évaluations relatives à la République islamique d’Iran
portant sur l’absence de matières ou d’activités non déclarées se poursuivaient. Elle
a également fait savoir qu’elle vérifiait et contrôlait la mise en oeuvre par la
République islamique d’Iran des engagements en matière nucléaire que cette dernière
avait contractés dans le cadre du Plan d’action. En outre, depuis le 16 janvier 2016,
je n’ai ni reçu de rapport ni eu connaissance d’informations provenant de sources
librement accessibles faisant état de la fourniture, de la vente, du transfert ou de
l’exportation vers la République islamique d’Iran d’articles liés au nucléaire qui aurait
été effectué en violation des dispositions du Plan d’action et de la résolution
2231 (2015).
14. Dans sa résolution 2231 (2015), le Conseil de sécurité a approuvé
l’établissement, dans le cadre du Plan d’action, d’une filière d’approvisionnement
aux fins du transfert des articles, matières, équipements, biens et technologies
nécessaires aux activités nucléaires menées par la République islamique d’Iran au
titre du Plan. Cette filière d’approvisionnement permettra au Conseil de sécurité de
se prononcer, après examen, sur les recommandations que la Commission conjointe
établie dans le cadre du Plan formulera sur les propositions des États visant à
participer aux activités énoncées au paragraphe 2 de l’annexe B de la résolution
2231 (2015) ou à les autoriser.
15. À condition que le Conseil de sécurité les y autorise au préalable, au cas par
cas, tous les États peuvent désormais participer à la fourniture, à la vente ou au
__________________
d’interdiction de voyager. Les entités figurant sur cette liste font l’objet de mesures de gel des
avoirs. À ce jour, sont inscrites sur cette liste 23 personnes et 61 entités.
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transfert d’articles, matières, équipements, biens et technologies nucléaires ou à
double usage6, ainsi qu’à la fourniture de divers services ou assistance connexes7 et
les permettre. Les États peuvent également permettre, à condition d’y avoir été
autorisés au préalable par le Conseil de sécurité, l’acquisition, par la République
islamique d’Iran, d’une participation dans certaines activités commerciales liées au
nucléaire conduites dans un autre État8. Lorsqu’ils présentent une demande au
Conseil, les États sont invités à utiliser le formulaire et le modèle de certificat
d’utilisation finale facultatifs mis au point par le Groupe de travail sur
l’approvisionnement de la Commission conjointe, qui sont accessibles sur les pages
du site Web du Conseil de sécurité consacrées à la résolution 2231 (2015)9 et à les
soumettre dans un format lisible par ordinateur. Ils sont en outre invités à adresser
leurs propositions au facilitateur chargé par le Conseil de sécurité de promouvoir
l’application de la résolution 2231 (2015) par l’intermédiaire de leur mission
permanente auprès de l’Organisation des Nations Unies.
16. À la date de soumission du présent rapport, une seule proposition avait été
soumise au Conseil de sécurité. Cette proposition, qui portait sur l ’exportation
provisoire en République islamique d’Iran d’articles à double usage aux fins d’un
salon, avait ensuite été retirée.
17. Certaines activités nucléaires ne nécessitent pas d’autorisation préalable, mais
doivent être notifiées au Conseil de sécurité et à la Commission conjointe. Il s’agit
notamment des activités directement liées à la modification nécessaire de deux
cascades à l’installation de Fordou en vue de la production d’isotopes stables,
l’exportation par la République islamique d’Iran, en échange d’uranium naturel, de
toute quantité d’uranium enrichi dépassant la limite des 300 kilogrammes et la
modernisation du réacteur d’Arak. Six notifications de dérogation ont été reçues
entre juillet 2015 et janvier 2016. Elles portaient toutes sur l’exportation par la
République islamique d’Iran d’uranium en échange d’uranium naturel. Aucune
notification n’a été reçue par le Conseil de sécurité depuis la date d’application.
18. Les restrictions énoncées au paragraphe 2 de l’annexe B de la résolution
2231 (2015) s’appliqueront jusqu’en octobre 2025 ou jusqu’à la date de la
présentation par l’AIEA d’un rapport confirmant la conclusion élargie que toutes les
matières nucléaires se trouvant en République islamique d’Iran sont utilisées
__________________
6 Les articles, matières, équipements, biens et technologies en question sont ceux visés dans les
documents de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) portant les cotes
INFCIRC/254/Rev.12/Part 1 et INFCIRC/254/Rev.9/Part 2, ainsi que les autres articles qui,
selon l’État concerné, seraient susceptibles de contribuer à des activités liées à l’enrichissement,
au retraitement ou à l’eau lourde, incompatibles avec le Plan d’action global commun.
7 À savoir, la fourniture à la République islamique d’Iran de toute assistance technique ou
formation, de toute aide financière et de tous investissements, services de courtage ou autres, et
le transfert de ressources ou de services financiers, liés à la fourniture, à la vente, au transfert, à
la fabrication ou à l’utilisation des articles, matières, équipements, biens et technologies visés à
l’alinéa a) du paragraphe 2 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015).
8 À savoir une activité commerciale conduite dans un autre État qui serait liée à l’extraction
d’uranium ou à la production ou l’utilisation des matières et technologies nucléaires dont la liste
figure dans le document de l’AIEA portant la cote INFCIRC/254/Rev.12/Part 1, et la réalisation
de tels investissements dans les territoires qui relèvent de leur juridiction par la République
islamique d’Iran, ses ressortissants et les sociétés constituées en République islamique d’Iran ou
relevant de sa juridiction, ou par des personnes ou entités agissant en leur nom ou sur leurs
instructions, ou des entités leur appartenant ou sous leur contrôle.
9 Voir http://www.un.org/fr/sc/2231/restrictions-nuclear.shtml.
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exclusivement à des activités pacifiques10, si elle est antérieure. Si l’AIEA présente
un tel rapport avant octobre 2015, l’obligation d’obtenir l’autorisation préalable du
Conseil de sécurité pour les activités liées au nucléaire visées au paragraphe 2 de
l’annexe b de la résolution 2231 (2015) sera remplacée par l’obligation de notifier
ces activités au Conseil de sécurité et à la Commission conjointe au moins 10 jours
ouvrables auparavant.
IV. Application des dispositions relatives aux missiles
balistiques
A. Restrictions portant sur les activités de la République
islamique d’Iran liées aux missiles balistiques
19. En vertu du paragraphe 3 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015), la
République islamique d’Iran est tenue de ne mener aucune activité liée aux missiles
balistiques conçus pour pouvoir emporter des armes nucléaires, y compris les tirs
recourant à la technologie des missiles balistiques. Cette restriction s’appliquera
jusqu’en octobre 2023 ou jusqu’à la date de la présentation par l’AIEA d’un rapport
confirmant la conclusion élargie, si elle est antérieure.
20. Au début du mois de mars 2016, la République islamique d’Iran a procédé au
tir d’une série de missiles balistiques au cours de manoeuvres militaires (voir fig. I).
D’après l’agence de presse iranienne officielle et un rapport qui m’a été fourni par
l’Allemagne, la France, les États-Unis et le Royaume-Uni, parmi les missiles tirés
figuraient des missiles balistiques à courte portée Qiam-1 et des missiles balistiques
à moyenne portée Shahab-3. À en juger par les photos et les vidéos publiées par le
Corps des gardiens de la révolution islamique, au moins un des missiles tirés portait
une inscription appelant à la destruction d’Israël (voir fig. I). Les deux types de
missiles utilisent la technologie à propergol liquide des SCUD, sont capables
d’emporter une charge utile d’environ 700 kilogrammes et ont une portée de
700 kilomètres dans le cas du Qiam-1 et de 1 300 à 2 000 kilomètres dans le cas du
Shahab-3.
__________________
10 Au paragraphe 6 de la résolution 2231 (2015), le Conseil de sécurité a prié le Directeur général
de l’AIEA de présenter au Conseil des Gouverneurs de l’AIEA et, parallèlement, au Conseil de
sécurité, dès que l’AIEA serait parvenue à la conclusion élargie que toutes les matières
nucléaires se trouvant en République islamique d’Iran étaient utilisées exclusivement à des
activités pacifiques, un rapport confirmant cette conclusion.
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Figure I
Photos de divers tirs de missiles balistiques effectués par la République
islamique d’Iran dans des lieux inconnus, publiées par le Corps
des gardiens de la révolution islamique le 9 mars 2016
Source : Sepah News (site officiel d’informations en ligne du Corps des gardiens de la révolution
islamique).
21. Dans des lettres identiques datées du 23 mars 2016 (S/2016/279), la
République islamique d’Iran a souligné que les tirs de missiles effectués ne
contrevenaient pas aux dispositions de la résolution 2231 (2015), ce pays n’ayant
mené « aucune activité liée aux missiles balistiques conçus pour pouvoir emporter
des armes nucléaires ». Dans ces lettres, elle a souligné qu’elle n’avait jamais
cherché à acquérir des armes nucléaires et ne le ferait jamais, car elle honorait
pleinement l’engagement qu’elle avait souscrit en vertu du Traité sur la nonprolifération
des armes nucléaires et du Plan d’action global commun. Elle a
également noté que la résolution n’interdisait pas les activités militaires légitimes et
classiques et que le libellé du paragraphe 3 de l’annexe B indiquait que la
disposition visée n’était de toute évidence pas obligatoire.
22. Le 28 mars 2016, j’ai reçu une lettre des représentants de l’Allemagne, de la
France, des États-Unis et du Royaume-Uni, qui ont souligné que ces tirs étaient
déstabilisants et provocateurs et avaient été effectués en violation de la résolution
2231 (2015). Ces États ont souligné que l’expression « missiles balistiques conçus
pour être capables de transporter des armes nucléaires » de la résolution
2231 (2015) englobait tous les systèmes de la catégorie I du Régime de contrôle de
la technologie des missiles définis comme étant ceux capables d’emporter une
charge utile d’au moins 500 kilogrammes sur une portée d’au moins 300 kilomètres,
qui peuvent, de par leur nature, emporter des armes nucléaires et autres armes de
destruction massive. Le Qiam-1 et le Shahab-3 étant des missiles de la catégorie I
du Régime, ces États ont conclu que les tirs de missiles effectués constituaient une
« activité liée aux missiles balistiques conçus pour pouvoir emporter des armes
nucléaires » et des « tirs recourant à la technologie des missiles balistiques », que la
République islamique d’Iran était tenue de ne pas mener en vertu du paragraphe 3
de l’annexe B de la résolution 2231 (2015).
23. Je sais que le Conseil de sécurité a débattu de ces tirs le 14 mars et le 1er avril.
Je reconnais également que les membres du Conseil ne sont parvenus à aucun
consensus quant à la question de savoir si la résolution 2231 (2015) s’appliquait
précisément à ces tirs. Bien qu’il appartienne au Conseil de sécurité d’interpréter
ses propres résolutions, nous devons maintenir la dynamique créée par la signature
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du Plan d’action et l’esprit constructif dont il a été fait preuve à ce moment-là. Je
demande donc à la République islamique d’Iran de s’abstenir de procéder à des tirs
de missiles balistiques qui risquent d’accroître les tensions dans la région.
B. Restrictions portant sur les transferts ou activités liés
aux missiles balistiques menés avec la République
islamique d’Iran
24. Depuis le 16 janvier, en application du paragraphe 4 de l’annexe B de la
résolution 2231 (2015), tous les États peuvent, à condition d’y avoir été autorisés au
préalable par le Conseil de sécurité au cas par cas, participer à la fourniture, à la
vente ou au transfert à la République islamique d’Iran de certains articles, matières,
équipements, biens et technologies liés aux missiles balistiques11, ainsi qu’à la
fourniture de divers services ou assistance connexes12 et les permettre.
L’autorisation préalable du Conseil de sécurité est également requise pour
l’acquisition par la République islamique d’Iran d’une participation dans certaines
activités commerciales liées aux missiles balistiques13.
25. Cette disposition s’appliquera jusqu’en octobre 2023 ou jusqu’à la date de la
présentation par l’AIEA d’un rapport confirmant la conclusion élargie, si elle est
antérieure. À la date de soumission du présent rapport, aucune proposition n’avait
été soumise par les États Membres au Conseil de sécurité en application du
paragraphe 4 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015). En outre, depuis le
16 janvier, ni le Conseil de sécurité ni moi-même n’avons eu connaissance
d’information faisant état de la fourniture, de la vente, du transfert ou de
l’exportation vers la République islamique d’Iran d’articles liés aux missiles
balistiques qui aurait été effectué en violation des dispositions du Plan d’action et
de la résolution 2231 (2015).
V. Mise en oeuvre des dispositions relatives aux armes
26. Aux termes des dispositions du paragraphe 5 de l’annexe B de la résolution
2231 (2015), tous les États peuvent désormais participer aux activités décrites ci -
après et les autoriser à condition que le Conseil de sécurité les autorise au préalable,
au cas par cas : fourniture, vente ou transfert à la République islamique d’Iran de
__________________
11 Les articles, matières, équipements, biens et technologies en question sont ceux visés dans la
liste relative au Régime de contrôle de la technologie des missiles (S/2015/546, annexe), ainsi
que tous articles, matières, équipements, biens et technologies qui, selon l’État concerné,
pourraient contribuer à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires.
12 À savoir la fourniture à la République islamique d’Iran de toute technologie ou assistance
technique, formation ou aide financière et de tous investissements, services de courtage ou
autres, et le transfert de ressources ou de services financiers liés à la fourniture, à la ve nte, au
transfert, à la fabrication ou à l’utilisation des articles, matières, équipements, biens et
technologies visés à l’alinéa a) du paragraphe 4 ou en rapport avec les activités décrites au
paragraphe 3 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015).
13 À savoir l’acquisition, par la République islamique d’Iran, d’une participation dans une activité
commerciale conduite dans un autre État, liée à la fourniture, à la vente, au transfert, à la
fabrication ou à l’utilisation des articles, matières, équipements, biens et technologies visés à
l’alinéa a) ci-dessus ou en rapport avec les activités décrites au paragraphe 3 de l’annexe B de la
résolution 2231 (2015).
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chars de combat, de véhicules blindés de combat, de systèmes d’artillerie de gros
calibre, d’avions de combat, d’hélicoptères d’attaque, de navires de guerre, de
missiles et de systèmes de missiles tels que définis aux fins du Registre des armes
classiques de l’Organisation des Nations Unies, ou de matériel connexe.
L’autorisation préalable du Conseil de sécurité est également requise pour la
prestation à la République islamique d’Iran de divers services ou d’une aide liés à la
fourniture, à la vente, au transfert, à la fabrication, à l’entretien ou à l’utilisation de
ces armes et matériels connexes14.
27. Le Conseil a de plus décidé, à l’alinéa b) du paragraphe 6 de l’annexe B de la
résolution 2231 (2015), que tous les États étaient tenus de prendre les mesures
nécessaires pour empêcher, sauf si le Conseil en décidait autrement à l’avance au
cas par cas, la fourniture, la vente ou le transfert d’armes ou de matériels connexes
provenant de la République islamique d’Iran.
28. Ces deux dispositions s’appliquent jusqu’en octobre 2020 ou jusqu’à la date de
la présentation par l’AIEA de son rapport confirmant la Conclusion élargie, si elle
est antérieure. À la date de soumission du présent rapport, aucu ne proposition
n’avait été adressée par les États membres au Conseil de sécurité en application du
paragraphe 5 ou de l’alinéa b) du paragraphe 6 de l’annexe B de la résolution
2231 (2015).
29. Le 7 juin 2016, j’ai reçu des États-Unis un rapport concernant une saisie
d’armes qu’ils estimaient provenir de la République islamique d’Iran. Ces
informations ont également été communiquées au Conseil de sécurité et au Comité
du Conseil de sécurité créé par la résolution 2140 (2014). Par ailleurs, d’après des
informations provenant de sources librement accessibles, des entités iraniennes
auraient participé, à titre d’exposant, à un salon international de défense. Je suis
également au fait des informations diffusées par certains médias selon lesquelles la
République islamique d’Iran fournirait des armes au Hezbollah15. Néanmoins, au
cours de la période considérée, aucun État Membre ne m’a rapporté ces transactions
et aucune information de source indépendante permettant de corroborer les
nouvelles diffusées par les médias ne m’a été communiquée.
Saisie d’armes à bord de l’Adris
30. Dans le rapport mentionné ci-dessus, les États-Unis indiquent avoir saisi une
cargaison d’armes en provenance de la République islamique d’Iran, probablement à
destination du Yémen (voir annexe II). Selon ce rapport, le 28 mars 2016, un navire
de la marine américaine a abordé un boutre, l’Adris, qui naviguait dans les eaux
internationales à proximité du golfe d’Oman. Cet abordage, qui, comme le
rappellent les États-Unis dans leur rapport, est conforme au droit international
coutumier, a permis de découvrir une importante cache d’armes recelant 1 500 fusils
d’assaut de type Kalachnikov, 200 lance-roquettes de type RPG-7 et RPG-7 V et
21 mitrailleuses DShK de calibre 12,7 (voir fig. II). Se fondant sur l’analyse des
__________________
14 Il s’agit ici de la fourniture à la République islamique d’Iran de formation technique, ressources
financières ou services financiers, conseils, autres services ou aide liés à la fourniture, à la
vente, au transfert, à la fabrication, à l’entretien ou à l’utilisation des armes et matériels
connexes visés au paragraphe 5 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015).
15 Voir, par exemple, les articles « Israel’s Main concern in Syria: Iran, not ISIS », paru dans The
Wall Street Journal le 17 mars 2016, et « Lebanese army slowly crushing extremists near Syria
border », publié par Associated Press le 22 juin 2016.
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informations dont ils disposaient, recueillies notamment lors d’échanges avec
l’équipage, et sur l’examen de ce qu’ils avaient découvert, les États-Unis sont
parvenus à la conclusion que ces armes provenaient de la République islamique d’Iran
et que leur transfert contrevenait aux dispositions de l’alinéa b) du paragraphe 6 de
l’annexe B de la résolution 2231 (2015). Après la saisie, le boutre et son équipage
ont été autorisés à repartir.
31. Les représentants du Secrétariat se sont entretenus avec des membres de la
Mission permanente de la République islamique d’Iran auprès de l’Organisation à
New York, le 8 juin, afin de les informer de l’existence de ce rapport, et ils se sont
ensuite adressés par écrit au Représentant permanent de la République islamique
d’Iran auprès de l’Organisation pour lui demander des éclaircissements sur cette
cargaison. La République islamique d’Iran a catégoriquement rejeté ces allégations
(voir annexe I). Le Secrétariat analyse encore les informations communiquées par
les États-Unis. J’informerai le Conseil de sécurité en temps voulu des faits nouveaux
concernant cette affaire.
Figure II
Fusils d’assaut de type Kalachnikov, lance-roquettes et mitrailleuses
saisis à bord de l’Adris le 28 mars 2016
Source : États-Unis d’Amérique.
Transfert d’armes : cinquième salon iraquien de défense
32. Selon des informations provenant de sources librement accessibles, plusieurs
entités iraniennes ont participé au cinquième salon iraquien de défense, qui s’est
tenu du 5 au 8 mars au Palais des expositions de Bagdad. D’après des images
publiées par l’Agence de presse de la République islamique16 et l’agence de presse
de la Radio-Télévision de la République Islamique d’Iran, il semblerait que parmi le
matériel exposé par ces entités se trouveraient des armes de petit calibre, des
munitions et des roquettes (voir fig. III). À mon sens, un transfert d’armes de ce
type entre la République islamique d’Iran et l’Iraq aurait dû être préalablement
approuvé par le Conseil, en application des dispositions de l’alinéa b) du paragraphe
6 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015). Le Secrétariat a fait part de ses
préoccupations aux Missions permanentes de la République islamique d ’Iran et de
l’Iraq auprès de l’Organisation à New York, et a invité ces deux États Membres à lui
communiquer un complément d’information sur ce transfert. Les représentants
iraquiens ont considéré que cette activité n’appelait pas d’autorisation préalable du
__________________
16 Voir l’article « Baghdad Exhibit featuring Iran defense, military capabilities » publié par
l’Agence de presse de la République islamique le 5 mars 2016.
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Conseil, puisque la République islamique d’Iran restait propriétaire des pièces
exposées (voir annexe I).
Figure III
Matériel exposé par des entités iraniennes au cinquième salon
iraquien de défense
Source : Agence de presse de la Radio-Télévision de la République islamique d’Iran (photo de
gauche) et Agence de presse de la République islamique (photo de droite).
VI. Gel des avoirs
33. Le Conseil a décidé, aux alinéas c) et d) du paragraphe 6 de l’annexe B de la
résolution 2231 (2015), que tous les États étaient tenus de geler les fonds et autres
avoirs financiers et ressources économiques des personnes et entités inscrites sur la
liste établie en application de la résolution 2231 (2015), et de veiller à ce que des
fonds, avoirs financiers ou ressources économiques ne soient pas mis à leur
disposition. Cette disposition s’applique jusqu’en octobre 2023 ou jusqu’à la date de
la présentation par l’AIEA de son rapport confirmant la conclusion élargie, si elle
est antérieure.
34. La liste établie en application de la résolution 2231 (2015) renferme les noms
des personnes et entités visées dans la liste établie en application de la résolution
1737 (2006) et tenue à jour par le Comité du Conseil de sécurité créé par la
résolution 1737 (2006) à la date de l’adoption de la résolution 2231 (2015), à
l’exception des 36 personnes et entités visées dans la pièce jointe à l’annexe B de la
résolution 2231 (2015), qui en ont été radiées à la date d’application du Plan
d’action global commun. Comme précisé dans ce paragraphe, le Conseil peut
toujours radier de la liste d’autres personnes ou entités ou, au contraire, y ajouter
d’autres qui répondent à certains critères de désignation définis dans la résolution17.
__________________
17 En application de l’alinéa c) du paragraphe 6 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015), le
Conseil peut désigner, pour inscription sur la liste, des personnes et entités ayant participé, étant
directement associées ou ayant apporté leur concours à des activités nucléaires iraniennes
posant un risque de prolifération, entreprises en violation des engagements souscrits par la
République islamique d’Iran dans le Plan d’action ou à la mise au point de vecteurs d’armes
nucléaires, notamment en participant à l’achat d’articles, de biens, de matériel, de matières et de
technologies interdits visés dans la résolution; ayant aidé des personnes ou entités désignées à
se soustraire aux obligations imposées par le Plan d’action ou à agir de manière incompatible
avec celui-ci ou avec la résolution du Conseil; ayant agi pour le compte de personnes ou
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Ainsi, le 17 janvier 2016, le Conseil a décidé de radier de la liste le groupe bancaire
Bank Sepah-Bank Sepah International18.
35. Il apparaît qu’une entité qui figure actuellement sur la liste établie en
application de la résolution 2231 (2015), la Defense Industries Organisation, a
participé, durant la période considérée, au cinquième salon iraquien de défense, qui
a eu lieu en mars 2016 (voir par. 32 et fig. IV). Je tiens à souligner que, en
application de l’alinéa c) du paragraphe 6 de l’annexe B de la résolution
2231 (2015), les autorités iraquiennes auraient dû geler tous les fonds et autres
avoirs financiers et ressources économiques de cette entité se trouvant sur le
territoire iraquien à la date de l’adoption du Plan d’action ou à tout moment par la
suite. Le Secrétariat a, ici aussi, fait part de ses préoccupations à des membres des
Missions permanentes de la République islamique d’Iran et de l’Iraq, et invité ces
deux États Membres à lui communiquer un complément d’information à ce sujet.
J’informerai le Conseil de sécurité en temps voulu des faits nouveaux concernant
cette affaire.
Figure IV
Stand iranien au cinquième salon iraquien de défense (photo de gauche)
et logo de la Defense Industries Organisation (photo de droite)
Source : Images extraites d’une vidéo diffusée par l’agence de presse de la Radio-Télévision de la
République islamique d’Iran (photo de gauche) et du site Web de la Defense Industries
Organisation (http://www.diomil.ir/en/home.aspx), consultable au moyen de la Wayback
Machine Internet archive (http://archive.org/web.php) (photo de droite).
VII. Interdiction de voyager
36. Aux termes de l’alinéa e) du paragraphe 6 de l’annexe B de la résolution
2231 (2015), tous les États sont tenus de prendre les mesures nécessaires pour
empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire des personnes figurant
__________________
d’entités désignées ou sous leurs ordres; ou ayant été la propriété ou sous le contrôle de
personnes ou d’entités désignées, y compris par des moyens illicites.
18 « Le Conseil de sécurité retire Bank Sepah et Bank Sepah International de la liste figurant en
annexe à la résolution 2231 (2015) », communiqué de presse du Conseil de sécurité, SC/12209,
publié le 17 janvier 2016.
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sur la liste établie en application de la résolution 2231 (2015) (voir le paragraphe 34
ci-dessus)19. Cette disposition s’applique jusqu’en octobre 2020 ou jusqu’à la date
de la présentation par l’AIEA de son rapport confirmant la conclusion élargie, si elle
est antérieure.
37. Il m’a été rapporté que, au cours de la période considérée, au moins une
personne figurant sur la liste se serait rendue dans un autre pays. Le 25 mai, en
effet, une agence de presse iranienne a publié des photographies montrant le général
de division Qasem Soleimani, commandant de la Force Al-Qods du Corps des
gardiens de la révolution islamique, en Iraq, dans une pièce qu’elle qualifie de
« centre d’opérations de Fallouja » (voir fig. V)20. Le 27 mai, le Ministère iranien
des affaires étrangères a déclaré que des conseillers militaires iraniens se trouvaient
en Iraq, sous les ordres du général Qasem Soleimani, à la demande du
Gouvernement iraquien légitime21. Le 29 mai, le chef adjoint des forces de
volontaires iraquiens, Abu Mahdi al-Muhandis, que l’on aperçoit également sur les
photos, aurait déclaré que le général Soleimani s’était rendu en Iraq à la demande du
Gouvernement de ce pays22. Le 6 juin, lors d’une conférence de presse, le Ministre
iraquien des affaires étrangères n’a pas démenti que le général Soleimani s’était
rendu en Iraq, mais a souligné qu’il l’avait fait en qualité de conseiller militaire23.
Le Secrétariat a, ici aussi, fait part de ses préoccupations à des membres des
missions permanentes de la République islamique d’Iran et de l’Iraq à New York, et
a invité ces deux États Membres à lui communiquer un complément d ’information à
ce sujet. J’informerai le Conseil de sécurité en temps voulu des faits nouveaux
concernant cette affaire.
__________________
19 Cette disposition ne contraint pas un État à refuser l’entrée sur son territoire à ses propres
nationaux. En outre, l’interdiction de voyager ne s’applique pas lorsque le Conseil de sécurité
estime, après un examen au cas par cas, que le voyage en question se justifie pour des motifs
d’ordre humanitaire, y compris des obligations d’ordre religieux, ou si le Conseil estime, pour
toute autre raison, qu’une dérogation à l’interdiction contribuerait à atteindre les objectifs de la
résolution 2231 (2015).
20 Voir l’article « Iran’s Gen. Soleimani in Fallujah Operations Room », publié par l’agence de
presse Fars, le 25 mai 2016 et consultable à l’adresse suivante :
http://en.farsnews.com/imgrep.aspx?nn=13950304001274.
21 Voir l’article « Spokesman slams Saudi FM for anti-Iran statements », publié sur le site Web du
Ministère des affaires étrangères de la République islamique d’Iran, le 27 mai 2016 et
consultable à l’adresse suivante : www7.irna.ir/en/News/82090143.
22 Voir l’article « General Soleimani in Iraq at Baghdad’s request: Voluntary Force Official »,
publié par l’agence de presse Tasnim, le 29 mai 2016 et consultable à l’adresse suivante :
www.tasnimnews.com/en/news/2016/05/29/1087056/general-soleimani-in-iraq…-
voluntary-force-official.
23 Voir le compte-rendu de la conférence de presse donnée par le Ministre iraquien des affaires
étrangères et le Chef du Conseil des dotations sunnites, à Amman, le 6 juin 2016, disponible sur
le site Web du Ministère iraquien des affaires étrangères et consultable à l ’adresse suivante :
www.mofa.gov.iq/ab/news.php?articleid=856 (en arabe).
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Figure V
Le général Soleimani dans ce qui a été qualifié de « centre
d’opérations de Fallouja »
Source : Agence de presse Fars, photo publiée le 25 mai 2016 accompagnée d’une légende (en
anglais) indiquant que la branche média du mouvement iraquien Harakat Hezbollah al -Nujaba
a publié des photos d’un centre d’opérations des forces populaires sur lesquelles on peut voir
le général Qasem Soleimani, Commandant de la Force Al-Qods, en grande discussion avec le
chef de l’organisation Badr, Hadi Al-Amiri, le chef du mouvement Harakat Hezbollah
al-Nujaba, Akram Al-Ka’abi, et un autre commandant des forces populaires, Abu Mahdi
Al-Muhandis (sur la photo, le général Soleimani se trouve à l’extrême gauche).
VIII. Services de secrétariat fournis au Conseil de sécurité
et au facilitateur chargé par le Conseil de sécurité
de promouvoir l’application de la résolution
2231 (2015)
38. Depuis l’adoption de la résolution 2231 (2015), la Division des affaires du
Conseil de sécurité, qui relève du Département des affaires politiques, s ’emploie à
mettre en place les modalités pratiques de l’appui à apporter aux travaux du Conseil
et du facilitateur chargé par le Conseil de sécurité de promouvoir l ’application de la
résolution 2231 (2015). Elle assure de plus la liaison avec le Groupe de travail sur
l’approvisionnement, qui est rattaché à la Commission conjointe, en vue d ’établir la
filière d’approvisionnement.
39. Depuis le 16 janvier, la Division a aidé à organiser deux réunions informelles
du Conseil de sécurité au niveau des experts et à y allouer les ressources humaines
nécessaires, ainsi qu’à organiser une réunion publique d’information pour faire part
aux États Membres des progrès réalisés dans l’application de la résolution
2231 (2015), et elle s’est occupée de toutes les communications reçues et envoyées
à ce sujet. Afin de largement diffuser les informations sur les restrictions imposées
par le Conseil, notamment celles concernant la filière d’approvisionnement, la
Division a lancé, à la date d’application de la résolution, des pages y relatives, dans
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les six langues officielles, sur le site Web du Conseil24. Ces pages s’accompagnent,
depuis février, de documents du Groupe de travail sur l’approvisionnement mettant
à la disposition des États des informations pratiques sur la filière
d’approvisionnement. Le Groupe de travail en a communiqué en mai une version
actualisée. Depuis avril, y figurent aussi des communications qu’ont faites le
facilitateur chargé par le Conseil de sécurité de promouvoir l’application de la
résolution 2231 (2015) ainsi que les représentants du Groupe de travail lors d’une
réunion publique d’information.
40. La Division a mis en place, en étroite coopération avec le facilitateur chargé
par le Conseil de sécurité de promouvoir l’application de la résolution 2231 (2015)
et le Groupe de travail sur l’approvisionnement, des dispositifs destinés à accélérer
la traduction des propositions présentées par les États et à assurer la transmission
électronique sécurisée ainsi que le suivi aussi bien de ces propositions que de toutes
les communications entre les États Membres, le Conseil et la Commission conjointe
s’y rapportant. La langue de travail de la Commission conjointe est l’anglais, mais
les États Membres peuvent présenter leurs propositions au Conseil dans n’importe
laquelle des six langues officielles.
41. Au cours de la période considérée, la Division a répondu à plusieurs que stions
des États Membres au sujet de la filière, notamment concernant les procédures de
présentation et d’examen des propositions, l’obtention de dérogations et les règles
de confidentialité.
__________________
24 Voir www.un.org/fr/sc/2231.
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Annexe I
Renseignements obtenus par le Secrétariat
lors de ses échanges avec les représentants
iraniens
A. Allégations
1. L’Iran a fait part en détail de ses vues sur la résolution 2231 (2015) dans la
déclaration qu’il a publiée après l’adoption de celle-ci (S/2015/550) et qui reste
d’actualité dans sa totalité. Il continue par conséquent d’insister sur le fait que
toutes les sanctions et mesures restrictives prises à son encontre, y compris celles
appliquées au prétexte de son programme nucléaire, sont dénuées de fondement,
injustes et illégales, d’où il découle qu’aucune disposition du Plan d’action global
commun ne peut être interprétée comme impliquant, directement ou indirectement,
que l’Iran admet ou accepte la légitimité, la validité ou l’applicabilité des sanctions
et mesures restrictives adoptées à son encontre par le Conseil de sécurité, l ’Union
européenne ou ses États membres, les États-Unis ou tout autre État, ni comme
constituant une dérogation ou une limitation à l’exercice d’un droit connexe dont
elle dispose en vertu des législations nationales, instruments internationaux ou
principes juridiques pertinents.
2. En même temps, étant donné que le Conseil, agissant en vertu de l’Article 41
de la Charte des Nations Unies, a décidé l’extinction des dispositions de toutes les
résolutions adoptées sur la question du programme nucléaire iranien, toutes les
sanctions et mesures restrictives imposées par ces résolutions ont été intégralement
levées. Les mesures énoncées dans l’annexe B de la résolution 2231 (2015) ne
valent pas interdictions ou sanctions et ne prévoient que des procédures à appliquer
pour certaines questions pendant un temps limité.
3. Au vu de ce qui précède, l’attention est appelée sur ce qui suit :
3.1 S’agissant des allégations de livraison d’armes au Yémen, l’Iran les
rejette catégoriquement puisqu’il n’a jamais effectué une telle livraison.
3.2 En ce qui concerne le salon iraquien de défense, il n’a pas été procédé à
la moindre activité de fourniture, de vente ou de transfert d ’armes ou de
matériel connexe qui pourrait nécessiter l’autorisation préalable du Conseil;
les pièces sont seulement exposées et elles n’ont pas changé de dénomination
ou de propriétaire.
B. Application défaillante de la résolution 2231 (2015)
par l’Union européenne et les États-Unis
Malgré les engagements clairs des États-Unis et de l’Union européenne à cet
égard, l’Iran ne bénéficie pas pleinement de la levée des sanctions en raison de
défaillances ou de manquements de la part de l’un ou de l’autre. On trouvera ciaprès
quelques exemples des mesures qu’ils ont prises en dépit de la résolution et de
ses annexes :
__________________
 Les informations présentées dans cette annexe sont reproduites telles qu’elles ont été reçues.
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1. Loi américaine de 2015 sur l’amélioration du programme d’exemption de
visa et la prévention des déplacements des terroristes : en vertu de cette loi, les
nationaux des pays visés par le programme d’exemption de visa qui se sont rendus
ou se trouvent en Iran depuis le 1er mars 2011 ou qui ont également la nationalité
iranienne ne peuvent plus se rendre ou être admis aux États-Unis sous couvert du
programme. Il a été annoncé par la suite qu’une exemption au cas par cas pourrait
être accordée aux personnes qui se sont rendues en Iran à des fins commerciales
légitimes après la conclusion du Plan d’action (le 14 juillet 2015). Aucune
exemption n’est prévue pour les voyages touristiques en Iran. La nouvelle loi a été
adoptée en contradiction avec plusieurs dispositions du Plan d’action, notamment
les paragraphes 26, 28 et 29. Conformément au paragraphe 26 du Plan d ’action, les
États-Unis doivent empêcher toute entrave à la pleine réalisation des avantages que
l’Iran doit tirer de la levée des sanctions décrite dans l’annexe II. Aux termes du
paragraphe 28, ils se sont engagés à s’abstenir de tout acte qui risquerait de
compromettre la bonne application du Plan d’action. Il est stipulé la même chose
dans les dispositions générales de l’instrument, au paragraphe viii), où il est même
prévu que le groupe E3/UE+3 s’abstiendra « d’imposer des formalités
réglementaires et des procédures discriminatoires en lieu et place des sanctions et
des mesures de restriction visées » dans le Plan d’action. Par ailleurs, le
paragraphe 29 prévoit que les États-Unis s’abstiendront d’adopter toute ligne de
conduite qui aurait spécifiquement pour objet de porter directement préjudice à la
normalisation des échanges commerciaux et des relations économiques avec l ’Iran;
2. Confiscation des avoirs de la Banque centrale en application d’une
ordonnance rendue par une juridiction des États-Unis : moins de quatre mois après
la date d’application du Plan d’action, quelque 1,8 milliard de dollars des États-Unis
en avoirs de la Banque centrale ont été saisis en application d’une ordonnance
rendue par une juridiction américaine. La Banque centrale n’a pas non plus accès,
pour les mêmes raisons, à des avoirs d’un montant d’environ 1,7 milliard de dollars
qu’elle avait placés chez Clearstream, au Luxembourg. Cette intervention illégale et
illégitime est contraire à l’esprit du Plan d’action;
3. Maintien des sanctions au niveau des États et au niveau local aux États -
Unis : outre les nombreuses lois de sanction qui existaient avant le Plan d’action,
certains États et gouvernements locaux ont promulgué de nouveaux textes et
persistent à appliquer les sanctions, allant jusqu’à adresser des courriers menaçants
à des banques et sociétés étrangères pour les interroger sur les investisse ments
qu’elles entendent faire dans les secteurs de l’énergie en Iran après l’expiration du
Plan d’action. Conformément au paragraphe 25 du Plan d’action, les États-Unis
doivent « [encourager] activement les responsables au niveau de l’État ou au niveau
local [...] à tenir compte des changements intervenus dans la politique des États -
Unis, s’agissant de la levée des sanctions prévues dans le [...] Plan d’action, et à
s’abstenir de toute action qui serait incompatible avec ce changement de politique ».
Le fait d’adresser des lettres formelles ne saurait être considéré comme un
encouragement actif;
4. Rétablissement du décret présidentiel américain no 13645, en
contradiction avec le Plan d’action : le décret présidentiel no 13645 était censé être
abrogé à la date d’application, conformément au paragraphe 21 xix) du Plan
d’action, au paragraphe 4 de son annexe II et au paragraphe 17.4 de son annexe V.
Bien que ce texte ait été abrogé par la section 1 d) du décret présidentiel n o 13716,
plusieurs parties du décret abrogé, notamment ses sections 9 à 19, sont rétablies
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dans le décret no 13716. Cela va contre l’engagement des États-Unis à abroger le
décret présidentiel, et contre le paragraphe 26 du Plan d’action, qui prévoit que
l’Administration des États-Unis doit s’abstenir de rétablir ou d’imposer à nouveau
les sanctions qu’elle a cessé d’appliquer;
5. Impossibilité pour la Banque centrale iranienne d’accéder librement aux
avoirs qu’elle détient à l’étranger en raison du manque de coopération des États-
Unis pour convertir ces avoirs en devises autres que le dollar et pour les transférer,
malgré les engagements pris par les États-Unis à cet égard en vertu du paragraphe
21 iv) et du paragraphe 7.2 de l’annexe IV du Plan d’action;
6. Réticence persistante des banques non américaines à effectuer des
transactions avec l’Iran du fait de l’attitude dissuasive adoptée par le Bureau du
contrôle des avoirs étrangers, y compris au moyen de modalités de règlement qui
empêchent officiellement ces banques d’entretenir à nouveau des relations avec
l’Iran;
7. Mise en place de restrictions discriminatoires à la vente par l’Union
européenne de biens à double usage (autres que les biens figurant sur la liste du
Groupe des fournisseurs nucléaires) à l’Iran : une liste des biens qui, avant le Plan
d’action, étaient exportés vers l’Iran sans certificat d’utilisation finale signé par une
autorité iranienne a été ajoutée à l’annexe II du règlement no 1861 de l’Union
européenne, qui rend de telles procédures nécessaires. L’exportation de ces biens
s’en trouve plus difficile encore qu’avant le Plan d’action;
8. Instauration par l’Union européenne de régimes d’autorisation pour les
métaux et les logiciels : les annexes VIIA et VIIB du règlement no 1861/2015 du
Conseil contiennent la liste des métaux et des logiciels soumis à un nouveau régime
d’autorisation qui constitue une nouvelle restriction, en particulier du fait qu ’il
repose sur des formulations négatives telles que « les autorités compétentes
n’accorderont aucune autorisation [...] » et des conditions restrictives larges et
obscures comme « [...] le bénéfice indirect du CGRI », qui est une notion très
limitative;
9. En outre, les avions de ligne civils iraniens ne peuvent toujours pas
obtenir de carburant dans certaines destinations de l’Union européenne, et il nous
faut encore attendre le règlement de problèmes pénibles liés aux sanctions
américaines pour l’exécution de nos accords et contrats avec Airbus et d’autres
fournisseurs d’avions à passagers.
Il importe de noter que les problèmes, défaillances et manquements décrits ciavant
se produisent en dépit du fait que l’Iran respecte pleinement ses obligations.
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Annexe II
Rapport daté du 7 juin 2016, présenté
par les États-Unis d’Amérique au sujet
de l’application des résolutions
2231 (2015) et 2216 (2015) du Conseil de sécurité*
Les États-Unis tiennent à communiquer au Conseil de sécurité et à son comité
créé par la résolution 2140 (2014) (« Comité des sanctions contre le Yémen ») des
informations concernant une livraison d’armes et de matériel connexe par l’Iran à
destination probable du Yémen. Ces informations pourraient être utiles au
facilitateur chargé par le Conseil de sécurité de promouvoir l’application de la
résolution 2231 (2015) (« le facilitateur »), au Comité des sanctions contre le
Yémen, au Groupe d’experts sur le Yémen et au Secrétaire général pour s’acquitter
de leurs mandats relatifs aux violations signalées des résolutions 2231 (2015) et
2216 (2015) du Conseil de sécurité.
Le 28 mars 2016, à 19 h 30 GMT, l’USS Sirocco, patrouilleur côtier de la
marine américaine opérant sous l’autorité du Commandement central des forces
navales des États-Unis, a croisé la route et procédé à l’abordage d’un dhow en
transit dans les eaux internationales à proximité du golfe d ’Oman. L’intervention a
été menée conformément au droit international coutumier. Après la découverte
d’une vaste cache d’armes à bord du navire, l’USS Gravely a été dérouté vers la
scène pour relever l’USS Sirocco. Il a pris le contrôle de la cargaison d’armes.
Le paragraphe 6 b) de l’annexe B de la résolution 2231 (2015) dispose que
l’Iran ne doit pas fournir, vendre ou transférer, directement ou indirectement, depuis
son territoire ou par l’intermédiaire de ses ressortissants, d’armes ou de matériel
connexe jusqu’au cinquième anniversaire de la date d’adoption du Plan d’action ou
jusqu’à la date de la présentation par l’AIEA d’un rapport confirmant la Conclusion
élargie, si elle est antérieure, sauf si le Conseil de sécurité en décide autrement à
l’avance au cas par cas. En se fondant sur l’analyse des renseignements disponibles,
y compris des entretiens avec les membres d’équipage et un examen des armes
présentes à bord du navire, les États-Unis ont conclu que les armes provenaient
d’Iran et que leur transfert depuis ce pays constituait une violation du paragraphe
6 b) de l’annexe B de la résolution 2231 (2015). Les membres d’équipage interrogés
ont fait état d’indices tendant nettement à établir qu’il s’agissait d’armes de
contrebande en provenance d’Iran. Les États-Unis ont l’intention de communiquer à
la Division des affaires du Conseil de sécurité des informations complémentaires
obtenues lors de l’abordage, afin qu’elles soient exploitées en liaison avec le rapport
du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2231 (2015).
Le transfert de ces armes à des forces agissant pour le compte ou sous la
direction de personnes inscrites sur la liste des sanctions de l’ONU contre le Yémen
constituerait une violation du paragraphe 14 de la résolution 2216 (2015).
La cargaison saisie à bord du dhow comprenait 1 500 fusils de type
Kalachnikov, 200 lance-roquettes RPG-7 et RPG-7V, et 21 mitrailleuses DshK de
calibre 12.7 mm. Le dhow et son équipage ont été autorisés à partir une fois les
armes saisies.
* Les informations présentées dans cette annexe sont reproduites telles qu’elles ont été reçues.
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20/20 16-10517
Les États-Unis jugent préoccupant que les exportations d’armes depuis l’Iran
se poursuivent au mépris des obligations faites au pays par la résolution
2231 (2015) du Conseil de sécurité. Les transferts opérés vers le Yémen en violation
de la résolution 2216 (2015) compromettent également les chances d’établir la paix
dans la région et d’atténuer la souffrance de la population yéménite.
Nous avons bon espoir que ces informations aideront le Conseil de sécurité à
promouvoir l’application de la résolution 2231 (2015). Nous prions donc le
Secrétaire général, à la lumière des demandes qui lui sont adressées dans la
résolution 2231 (2015) et la note publiée sous la cote S/2016/44, de rendre compte
intégralement et en détail des exportations d’armes effectuées par l’Iran en violation
de la résolution 2231 (2015). Les États-Unis encouragent également le Conseil de
sécurité et son comité des sanctions contre le Yémen à aborder cet incident
directement avec l’Iran et à envisager des moyens supplémentaires d’améliorer
l’exécution de ces mesures. Nous offrons notre concours à toute enquête qui sera
menée.
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Nations Unies S/2018/594
Conseil de sécurité Distr. générale
26 janvier 2018
Français
Original : anglais
18-13919 (F) 280818 290818
*1813919*
Lettre datée du 26 janvier 2018, adressée au Président du Conseil
de sécurité par le Groupe d’experts sur le Yémen dont le mandat
a été défini dans la résolution 2342 (2017) du Conseil
Les membres du Groupe d’experts sur le Yémen ont l’honneur de vous faire tenir
ci-joint le rapport final qu’ils ont établi en application du paragraphe 6 de la résolution
2342 (2017).
Ce rapport a été soumis le 9 janvier 2018 au Comité du Conseil de sécurité créé
par la résolution 2140 (2014), qui l’a examiné le 23 janvier 2018.
Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir porter le texte de la présente
lettre et du rapport à l’attention des membres du Conseil de sécurité et de le faire
distribuer comme document du Conseil.
(Signé) Ahmed Himmiche
Coordinateur
Groupe d’experts sur le Yémen
dont le mandat été défini dans la résolution 2342 (2017)
(Signé) Fernando Rosenfeld Carvajal
Expert
(Signé) Dakshinie Ruwanthika Gunaratne
Expert
(Signé) Gregory Johnsen
Expert
Signé) Adrian Wilkinson
Expert
Annexe 61 - 37 -
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Rapport final du Groupe d’experts sur le Yémen
Résumé
Après bientôt trois années de conflit, il n’existe plus au Yémen d’État à
proprement parler. Le pays est divisé en mini-États qui s’opposent sans qu’aucune
des parties ne dispose de l’appui politique ou de la force nécessaire pour réunifier le
pays ou s’imposer par les armes.
Au nord, les houthistes s’emploient à consolider leur emprise sur Sanaa et une
bonne partie des hauts plateaux après avoir mené dans la ville une bataille de rue qui
a duré cinq jours et abouti à l’exécution de l’ancien Président Ali Abdullah Saleh
(YEi.003), qui fut un temps leur allié. Dans les jours et les semaines qui ont suivi, les
houthistes ont en grande partie éliminé ou récupéré ce qui restait du réseau pro -Saleh
dans le pays.
Au sud, le Gouvernement du Président Abd Rabbuh Mansur Hadi s’est trouvé
affaibli par la défection de plusieurs gouverneurs qui ont rejoint le Conseil de
transition du Sud, récemment créé et partisan de l’indépendance du sud du Yémen.
Il a par ailleurs été mis en difficulté par les forces supplétives qui, armées et financées
par les États membres de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite, poursuivent leurs
objectifs propres sur le terrain. La dynamique du conflit est rendue encore plus
complexe par les agissements d’Al-Qaida dans la péninsule arabique (AQPA) et de
l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL [Da’esh]), qui s’attaquent aussi bien aux
houthistes qu’au Gouvernement et aux forces de la coalition emmenée par l’Arabie
saoudite.
L’éclatement de l’alliance entre houthistes et pro-Saleh a donné à la coalition et
aux forces loyales au Gouvernement une occasion de regagner du terrain, mais la
situation ne saurait durer ni suffire à amener la fin du conflit.
Le lancement de missiles balistiques à courte portée contre l’Arabie saoudite,
d’abord par les forces houthistes et pro-Saleh puis, une fois leur rupture consommée,
par les seules forces houthistes, a marqué un tournant dans ce conflit local dont la
portée pourrait devenir régionale.
Le Groupe d’experts a identifié des débris de missiles, de l’équipement militaire
nécessaire à leur lancement et des véhicules aériens téléguidés militaires d ’origine
iranienne qui ont été introduits au Yémen après la mise en place de l ’embargo ciblé
sur les armes. Il constate donc que la République islamique d’Iran agit en violation
du paragraphe 14 de la résolution 2216 (2015) du Conseil de sécurité, n’ayant pas pris
les mesures nécessaires pour empêcher la fourniture, la vente et le transfert directs ou
indirects, à l’ancienne alliance des houthistes et pro-Saleh, de missiles balistiques à
courte portée Borkan-2H, de citernes de stockage de diergols liquides pour missiles
et de véhicules aériens téléguidés Ababil-T (Qasef-1).
Les houthistes ont également posé dans la mer Rouge des mines marines
improvisées, faisant ainsi peser sur le transport commercial et les voies de
communication maritimes des risques qui pourraient durer 6 à 10 ans et menaçant les
importations vers le Yémen et l’entrée de l’aide humanitaire dans le pays par les ports
de la mer Rouge.
Le système financier du Yémen s’est disloqué. Deux banques centrales se font
concurrence, l’une au nord sous le contrôle des forces houthistes et l’une au sud sous
l’autorité du Gouvernement, mais aucune ne fonctionne à pleine capacité.
Le Gouvernement est incapable de recouvrer des recettes tandis que les houthistes
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collectent des impôts, extorquent des fonds aux entreprises et saisissent des biens au
motif du soutien à l’effort de guerre.
Le pays est en défaut de liquidité. Les salaires ne sont plus que rarement versés
à la population, qui n’a souvent plus les moyens de se procurer des médicaments, du
carburant et de la nourriture, trop coûteux lorsqu’ils sont même disponibles. On voit
surgir des profiteurs de guerre et le marché noir est près de prendre le pas sur le
marché formel.
Malgré le décès d’Ali Abdullah Saleh, il est probable que Khaled Ali Abdullah
Saleh continuera d’administrer la fortune de la famille au nom d’Ahmed Ali Abdullah
Saleh (YEi.005). Rien ne permet à l’heure actuelle de savoir s’il utilisera cette fortune
pour faciliter la commission d’actes qui menaceraient la paix, la sécurité ou la stabilité
du Yémen.
En 2017, toutes les parties au conflit se sont livrées à des violations généralisées
du droit international humanitaire et du droit international des droits de l ’homme. Les
frappes aériennes de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite et l’utilisation sans
discernement d’engins explosifs par les forces houthistes et pro-Saleh ont touché de
manière disproportionnée la population et les infrastructures civiles pendant la
majeure partie de 2017. Selon le Groupe d’expert, rien n’indique que l’une
quelconque des parties ait pris les mesures qui s’imposaient pour limiter les
conséquences désastreuses de ces attaques pour la population civile.
Le délitement rapide de l’état de droit touche l’ensemble des territoires du pays,
quelle que soit l’autorité qui les contrôle. Le Gouvernement yéménite, les Émirats
arabes unis et les forces houthistes et pro-Saleh se sont tous rendus responsables
d’arrestations et de détentions arbitraires, de disparitions forcées et d ’actes de torture.
Les houthistes ont procédé à des exécutions sommaires, placé des personnes en
détention pour des motifs purement politiques ou économiques et systématiquement
détruit les maisons de quiconque était perçu par eux comme un ennemi. Ils ont aussi
régulièrement entravé l’acheminement et la distribution de l’aide humanitaire.
À la suite du lancement d’un missile contre Riyad, le 4 novembre 2017, la
coalition emmenée par l’Arabie saoudite a ordonné la fermeture de toutes les voies
d’accès terrestres, maritimes et aériennes au Yémen. Les points d ’entrée administrés
par le Gouvernement ont été rouverts rapidement, tandis que ceux qui étaient
contrôlés par les houthistes, par exemple Hodeïda, sont restés fermés pendant des
semaines. Il s’agissait de fait d’une tentative d’utilisation de la menace de la famine
comme arme de guerre.
Les retards et le caractère imprévisible du régime actuel d’inspection des ports
de la mer Rouge ont créé des obstacles et des risques économiques supplémentaires
pour les entreprises de transport et d’importation qui approvisionnent le Yémen. Il est
indispensable de renforcer la confiance que porte la coalition dirigée par l’Arabie
saoudite à la procédure d’inspection organisée sous l’égide des Nations Unies si l’on
souhaite augmenter le flux des produits essentiels et de l’aide humanitaire qui entrent
dans le pays par les ports de la mer Rouge.
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Table des matières
Page
I. Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
A. Mandat et introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
B. Méthodologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
C. Programme de travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
D. Coopération avec les organisations et les parties prenantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
II. Actes menaçant la paix, la sécurité et la stabilité du Yémen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
A. Mise en cause de l’autorité du Gouvernement légitime . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
B. Entraves à la cessation des hostilités et à la reprise du processus politique . . . . . . . . . . . . 11
C. Sécurité et tendances régionales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
D. La « question du Sud » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
E. Zones contestées et risques de fragmentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
F. Sûreté maritime . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
III. Groupes armés et unités militaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
A. Gouvernement yéménite et coalition menée par l’Arabie Saoudite regroupant des forces
régulières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
B. Forces supplétives de la coalition menée par l’Arabie saoudite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
C. Forces houthistes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
D. Le réseau d’Ali Abdullah Saleh . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
E. Al-Qaida dans la péninsule arabique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
F. État islamique d’Iraq et du Levant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
IV. Armes et application de l’embargo sur les armes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
A. Campagne terrestre de tirs de missiles menée par l’alliance entre houthistes et pro-Saleh 27
B. Variantes à portée allongée de missiles balistiques à courte portée . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
C. Utilisation par les houthistes de véhicules aériens téléguidés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
D. Dispositifs explosifs aquatiques improvisés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
E. Mines marines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
F. Missiles antichar guidés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
G. Marché noir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
H. Accroître l’efficacité de l’embargo ciblé sur les armes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
V. Contexte économique et aperçu de la situation financière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
A. Mainmise des houthistes et de leurs affiliés sur les ressources économiques de l’État . . . 42
B. Problèmes liés à la masse monétaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
C. Répercussions financières du conflit sur l’importation de denrées alimentaires . . . . . . . . 47
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VI. Gel des avoirs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
VII. Interdiction de voyager . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
VIII. Violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l ’homme . 52
A. Actes attribués à la coalition dirigée par l’Arabie saoudite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
B. Forces houthistes et pro-Saleh : violations relatives à la privation de liberté . . . . . . . . . . 56
C. Usage sans discernement d’engins explosifs dans des zones peuplées de civils . . . . . . . . 57
D. Violations commises par le Gouvernement du Yémen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
E. Attaques conduites dans des hôpitaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
F. Recrutement et utilisation d’enfants dans les conflits armés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
IX. Entraves à l’aide humanitaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
A. Obstacles à l’acheminement de l’aide humanitaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
B. Obstacles à la distribution de l’aide humanitaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
X. Recommandations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
Annexes* . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
* Les annexes sont distribuées uniquement dans la langue de l’original et n’ont pas été revues
par les services d’édition.
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Rapport final du Groupe d’experts sur le Yémen
I. Introduction
A. Mandat et introduction
1. Par sa résolution 2342 (2017), le Conseil de sécurité a reconduit les mesures de
sanction concernant le Yémen et prorogé le mandat du Groupe d’experts sur le Yémen
jusqu’au 28 mars 2018. Le Groupe est chargé de s’acquitter des tâches suivantes :
a) Aider le Comité du Conseil de sécurité créé en application de la résolution
2140 (2014) à s’acquitter de son mandat, défini dans les résolutions 2140 (2014) et
2216 (2015), notamment en lui fournissant à tout moment des informations pouvant
servir à désigner éventuellement par la suite des personnes et entités qui se livreraient
à des actes menaçant la paix, la sécurité ou la stabilité du Yémen, tels que définis au
paragraphe 18 de la résolution 2140 (2014) et au paragraphe 19 de la résolution
2216 (2015) ;
b) Réunir, examiner et analyser toutes informations provenant des États,
d’organismes des Nations Unies compétents, d’organisations régionales et d’autres
parties intéressées concernant l’application des mesures de sanction et de l’embargo
ciblé sur les armes, en particulier les mesures qui portent sur des faits entravant la
transition politique ;
c) Présenter au Comité un bilan à mi-parcours le 28 juillet 2017 au plus tard
et remettre au Conseil de sécurité, après concertation avec le Comité, un rapport final
le 28 janvier 2018 au plus tard ;
d) Aider le Comité à préciser et à actualiser les informations concernant la
liste des personnes visées par des mesures de sanction, notamment en fournissant des
renseignements concernant leur identité et d’autres renseignements pouvant servir à
établir le résumé des motifs présidant à leur inscription sur la liste, qui est mis à la
disposition du public ;
e) Coopérer avec les autres groupes d’experts compétents créés par le Conseil
de sécurité, notamment l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions
créée par la résolution 1526 (2004).du Conseil de sécurité1.
2. Le 1er août 2017, le Groupe d’experts a présenté un bilan à mi-parcours au
Comité2, conformément au paragraphe 6 de la résolution 2342 (2017). Des informations
supplémentaires sur le blocage des flux commerciaux maritimes dans les ports
yéménites de la mer Rouge contrôlés par les forces houthistes et pro-Saleh3 ont été
soumises à la Commission le 31 mars 2017 et deux exposés sur une montée des tensions
liée au lancement d’un missile contre Riyad le 4 novembre 2017 lui ont été présentés
le 10 et le 24 novembre 2017.
3. Le présent rapport couvre la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2017.
Le Groupe d’experts a par ailleurs continué d’enquêter sur des questions qui étaient
restées en suspens dans son précédent rapport, daté du 31 janvier 2017 (S/2017/81).
__________________
1 Équipe de surveillance créée par la résolution 1526 (2004) et dont le mandat a été prorogé par la
résolution 2253 (2015).
2 Le bilan à mi-parcours et les autres exposés présentés au Comité et aux membres du Conseil de
sécurité sont confidentiels. Ils sont consignés dans les archives du Secrétariat de l ’Organisation.
3 Dans le présent rapport, on entend par « forces houthistes et pro-Saleh » les unités armées placées
sous l’autorité de l’alliance jusqu’à la dissolution de cette dernière, le 1er décembre 2017.
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B. Méthodologie
4. Le Groupe d’experts a mené ses enquêtes conformément au paragraphe 11 de la
résolution 2342 (2017), qui renvoie aux meilleures pratiques et méthodes
recommandées dans le rapport du Groupe de travail informel du Conseil de sécurité
sur les questions générales relatives aux sanctions (S/2006/997). Il a veillé en
particulier à respecter les normes relatives à la transparence et aux sources, aux
preuves littérales, à la corroboration des allégations par des sources indépendantes et
vérifiables, ainsi qu’au droit de réponse de ses interlocuteurs4. Il a mené ses enquêtes
de manière transparente, objective, impartiale et indépendante et fondé ses
conclusions sur un ensemble d’éléments de preuve vérifiables.
5. Pour ses enquêtes, le Groupe d’experts s’est servi d’images-satellite du Yémen
fournies à l’ONU par des prestataires privés, d’informations tirées de bases de
données commerciales sur le trafic maritime et aérien et d’enregistrements de données
de téléphonie mobile. Les déclarations publiques faites par des représentants des
autorités sur les médias officiels ont été considérées comme corroborant des faits,
sauf indications contradictoires. Le Groupe d’experts a été aussi transparent que
possible mais, dans les cas où en dévoilant ses sources il les aurait exposées ou aurait
exposé autrui à des risques inacceptables, il a préféré ne pas donner d’éléments
d’identification dans le présent rapport et verser les preuves correspondantes dans les
archives de l’ONU.
6. Le Groupe d’experts a passé en revue les médias sociaux, mais aucune
information obtenue par cette voie n’a été retenue comme preuve à moins d’être
corroborée par plusieurs sources indépendantes ou techniques, notamment des
témoins, de manière à répondre aux critères les plus stricts possible en matière de
preuve.
7. L’orthographe des toponymes du Yémen est souvent fonction de l’origine
ethnique de la source et de la qualité de la translittération. Le Groupe a adopté une
démarche cohérente dans le présent rapport et repris, pour les noms propres et les
principaux toponymes, l’orthographe retenue dans de précédents documents de
l’Organisation en respectant les conventions du Système de référence terminologique
de l’ONU (UNTERM). Les dates du calendrier islamique figurant dans les documents
mis à disposition par les États Membres ont été converties en dates du calendrier
grégorien.
C. Programme de travail
8. Pour ses enquêtes, le Groupe d’experts s’est rendu dans les pays suivants :
Arabie saoudite, Belgique, Djibouti, Égypte, Émirats arabes unis, Espagne, États -
Unis d’Amérique, Éthiopie, France, Israël, Italie, Jordanie, Oman, Pays -Bas, Qatar,
République islamique d’Iran, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du
Nord, Suède, Turquie et Yémen. Il a par deux fois demandé à effectuer des visites
officielles dans des zones du Yémen se trouvant sous le contrôle du Gouvernement
légitime (Mareb et Moukalla), mais dans chacun de ces deux cas, les réponses du
Gouvernement légitime et de l’Arabie saoudite ont été reçues trop tard pour que les
procédures de l’Organisation en matière d’autorisation de voyage et de sécurité
puissent être menées à bien.
9. Le Groupe d’experts a également demandé en trois occasions distinctes la
permission de se rendre dans des territoires contrôlés par l’alliance des houthistes et
__________________
4 On trouvera à l’annexe 1 des informations supplémentaires sur les méthodes suivies par le Groupe
et sur le droit de réponse de ses interlocuteurs.
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des pro-Saleh (à Sanaa et Taëz). Les autorités en place à Sanaa ont d’abord approuvé
la première visite, avant de se dédire 24 heures plus tard. Elles n’ont pas répondu aux
deux autres demandes qui leur ont été soumises par la suite, ayant informé le Groupe
d’experts qu’elles ne souhaitaient pas coopérer avec lui5.
10. Le Gouvernement d’Oman a initialement autorisé le Groupe à se rendre à
Mazyunah, point de passage de la frontière avec le Yémen, mais a annulé la visite
juste avant le départ du Groupe vers le Sultanat.
D. Coopération avec les organisations et les parties prenantes
1. Organismes des Nations Unies
11. Le Groupe d’experts tient à souligner la grande qualité de la collaboration qu’il
entretient avec le Bureau de l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen et
avec les coordonnateurs résidents des États voisins où il s’est rendu. L’équipe de pays
des Nations Unies et les organismes des Nations Unies dotés d ’un mandat régional
continuent d’appuyer ses travaux. Il est en contact régulier avec les représentants de
l’équipe de pays des Nations Unies à Sanaa et dans la région, avec lesquels il échange
des informations générales et spécialisées.
12. En application du paragraphe 7 de la résolution 2342 (2017), le Groupe
d’experts a continué de coopérer étroitement avec l’Équipe d’appui analytique et de
surveillance des sanctions du Conseil de sécurité concernant l’État islamique d’Iraq
et du Levant [EIIL (Daech)], Al-Qaida, les Taliban et les personnes et entités qui leur
sont associées6, le Groupe de contrôle pour la Somalie et l’Érythrée7 et le personnel
du Secrétariat de l’ONU chargé de l’application de la résolution 2231 (2015).
2. Échanges avec les États Membres
13. Le Groupe d’experts a envoyé 192 lettres à des États Membres et à des entités
pour leur demander des informations sur des questions relevant de son mandat. Il tient
à souligner que ces demandes ne signifient pas nécessairement que les gouvernements
ou que les individus ou entités de ces États ont violé le régime de sanctions. Il note
toutefois qu’à ce jour 25 % des demandes d’information qu’il a adressées aux États
Membres sont restées sans suite. Au moment de l’établissement du présent rapport, il
attendait des réponses des pays suivants : Arabie saoudite, Australie, Émirats arabes
unis, Fédération de Russie, France, Îles Marshall, Oman, République islamique
d’Iran, Royaume-Uni, Serbie, Togo et Yémen. Le ministère des affaires étrangères à
Sanaa et plusieurs autres entités n’ont pas encore répondu non plus. On trouvera à
l’annexe 3 un résumé de la correspondance échangée pendant la période considérée.
3. Gouvernement yéménite
14. Le Groupe d’experts a rencontré le Premier Ministre yéménite, Ahmed Bin
Dagher, ainsi que d’autres représentants du Gouvernement légitime à Aden, en mars
20178. Quoiqu’ils aient exprimé leur plein appui au Groupe, ce dernier n’a pas obtenu
d’eux des données d’information suffisamment probantes.
__________________
5 Lettre adressée au Groupe d’experts le 23 mars 2017.
6 Créée par la résolution 1526 (2004) et dont le mandat a été prorogé par la résolution 2253 (2015).
7 Créé par les résolutions 751 (1992) et 1907 (2009) et dont le mandat a récemment été prorogé par
la résolution 2317 (2016).
8 Afin d’éviter toute confusion entre le Gouvernement du Yémen et les autorités ou fonctions
relevant de l’alliance des houthistes et pro-Saleh, et en vue de distinguer les uns des autres dans la
version anglaise du présent rapport, le Groupe a choisi d’utiliser les majuscules en tête des noms
de ministères et de fonctions liés au Gouvernement légitime. S’il a été décidé de faire de même
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4. Alliance des houthistes et pro-Saleh
15. Le Groupe d’experts a maintenu des contacts téléphoniques avec des
représentants du mouvement Ansarallah et les responsables du Congrès populaire
général. Il en a également rencontré certains à l’occasion des visites qu’il a effectuées
dans les pays de la région.
II. Actes menaçant la paix, la sécurité et la stabilité du Yémen
16. Au paragraphe 18 de sa résolution 2140 (2014), le Conseil de sécurité a établi
que le fait d’entraver ou de compromettre la réussite de la transition politique prévue
dans l’Initiative du Conseil de coopération du Golfe et l’Accord sur le mécanisme de
mise en oeuvre menaçait la paix, la sécurité et la stabilité du Yémen et pouvait
constituer un critère de désignation par le Comité.
A. Mise en cause de l’autorité du Gouvernement légitime
17. L’autorité du Gouvernement légitime du Yémen s’est érodée à un point tel qu’il
n’est pas sûr qu’il parvienne un jour à réunifier le pays. Le Groupe d’experts fonde
cette évaluation sur les quatre éléments suivants : a) l’incapacité du Président Hadi à
gouverner depuis l’étranger ; b) la création d’un « Conseil de transition du Sud », dont
l’objectif déclaré est d’obtenir l’indépendance du sud du pays ; c) le maintien des
houthistes à Sanaa et dans une grande partie du nord du pays ; d) la multiplication
d’opérations menées de manière indépendante par des forces supplétives rémunérées
et armées par des membres de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite.
18. Le Président Hadi est resté hors des frontières du Yémen pendant la majeure
partie de 20179. Plusieurs gouverneurs de province ont démissionné ou ont été démis
de leurs fonctions par le Président 10 , notamment Nayif Salim Saleh al-Qaysi
(QDi.402)11, alors en poste à Beïda, inscrit le 22 février 2017 sur la liste relative aux
sanctions de l’ONU en raison de l’appui qu’il avait fourni à la branche yéménite du
groupe Al-Qaida12. Le fait que le Gouvernement légitime n’ait pas été à même de
verser les salaires des fonctionnaires, des militaires et d’autres employés de son
administration a sapé son autorité et réduit l’appui dont il bénéficiait de la part de la
population.
__________________
dans la version française, ce choix peut n’être pas pertinent pour l’ensemble des langues de travail
de l’Organisation. On notera par exemple « le Ministre de la défense » et « le Ministère de la
défense » (du Gouvernement légitime), quand les équivalents dans l’administration houthistes se
liront « le ministère des affaires étrangères à Sanaa » et « le ministre des affaires étrangères à
Sanaa ». Les indications de rang et de fonctions militaires seront écrites suivant la même
convention. Par exemple : « Général » et « général », « 35e Brigade blindée » et « 62e brigade
mécanisée » etc.
9 La dernière visite du Président Hadi au Yémen dont il a été publiquement fait état a eu lieu en
février 2017.
10 On trouvera à l’annexe 4 une liste des gouverneurs en poste restés fidèles au Gouvernement
légitime.
11 On trouvera à l’annexe 5 des informations sur le réseau de Nayif al-Qaysi.
12 Al-Qaysi a été démis de ses fonctions le 23 juillet 2017.
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1. Conseil de transition du Sud
19. Le 11 mai 2017, le Général de division Aydarus al-Zubaydi, ancien gouverneur
d’Aden, a annoncé la création d’un Conseil de transition du Sud13, ayant pour objectif
déclaré d’obtenir l’indépendance du sud du pays14. Le 30 novembre 2017, le Conseil
de transition a publié les noms des 303 membres d’une « Assemblée nationale »15.
20. Tout au long de 2017, le Conseil de transition et son objectif d ’indépendance
pour le sud du pays ont gagné en popularité auprès de la population, des forces armées
yéménites et des forces agissant pour le compte d’autres acteurs. De nombreuses
photographies témoignent de la présence, lors de rassemblements organisés par le
Conseil, de membres en uniformes des forces « Ceinture de sécurité » brandissant des
drapeaux de l’ancienne République démocratique populaire du Yémen. Le Groupe
d’experts a également constaté que des membres des Forces d’élite du Hadramout
arboraient le symbole et le drapeau de l’ancien État du sud aux postes de contrôle
dont ils avaient la charge.
2. Alliance des houthistes et des pro-Saleh
21. Jusqu’à son effondrement, début décembre 2017, l’alliance des houthistes et des
pro-Saleh a continué de prendre, par l’intermédiaire de son conseil politique suprême
conjoint, des mesures relevant exclusivement de l’autorité du Gouvernement
légitime 16 . Les houthistes contrôlent unilatéralement l’ensemble des institutions
publiques des territoires passés sous leur domination. Leur pouvoir ne fera que
s’ancrer plus profondément aussi longtemps qu’ils resteront en place17.
B. Entraves à la cessation des hostilités et à la reprise
du processus politique
22. Aucun progrès réel vers un règlement pacifique n’a été fait en 2017. Le
processus politique est dans l’impasse, l’ensemble des parties au conflit étant toujours
convaincues qu’elles parviendront à obtenir une victoire militaire qui leur épargnerait
la nécessité de trouver un compromis politique.
23. Depuis l’attaque du 25 mai 2017 contre son convoi à Sanaa18, l’Envoyé spécial
du Secrétaire général pour le Yémen, Ismail Ould Cheik Ahmed, s’est vu interdire
__________________
13 Informations figurant dans le rapport confidentiel à mi-parcours présenté en 2017 par le Groupe
d’experts (par. 9 et 10). On trouvera à l’annexe 7 une liste des dirigeants du Conseil de transition
du Sud.
14 Le Yémen du Sud a été indépendant de 1967 à la réunification, en 1990.
15 Elle s’est réunie pour la première fois à Aden le 23 décembre 2017. M. Ahmed bin Breik et le
Dr. Anis Youssef Ali Luqman ont respectivement été élus à sa Présidence et à sa Vice-Présidence.
La répartition des sièges entre les différentes provinces est la suivante : Hadramout, 100 ; Aden,
62 ; Chaboua, 37, Lahj : 36 ; Abiyan : 31 ; Mahra : 24 ; Daleh : 10 ; Socotra : 3. Le site Web du
Conseil de transition du Sud est disponible aux adresses suivantes : en arabe :
http://www.southerntransitionalcouncil.net/ ; et en anglais :
http://en.southerntransitionalcouncil.net/ (Sauf indication contraire, tous les hyperliens figurant
dans le présent rapport étaient valides au 29 décembre 2017.). Le Conseil a ouvert des
permanences locales dans chacune des huit provinces. On trouvera à l’annexe 7 les noms des
directeurs de ces permanences.
16 Voir S/2017/81, par. 20.
17 Les houthistes ont pris le contrôle des villes suivantes : Amran, Dhamar, Hajja, Ibb, Mahouït,
Reïma, Saada et Sanaa. Les provinces de Beïda, Hodeïda, Jaouf, Mareb et Taëz font l ’objet d’une
lutte de pouvoir. On trouvera une liste des gouverneurs houthistes à l’annexe 8.
18 Voir https://www.reuters.com/article/us-yemen-security-un/u-n-wants-investig…-
envoys-convoy-idUSKBN18L18I.
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l’entrée de la ville 19 . Les houthistes l’ont banni de facto en refusant toutes les
propositions qu’il leur a faites par la suite.
24. Les houthistes considèrent qu’ils n’ont qu’à survivre jusqu’à l’abandon des
hostilités par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite pour « gagner » la guerre, ce
qui explique leur faible volonté de négocier. La coalition, quant à elle, doit
globalement choisir l’une des quatre options suivantes : a) cesser unilatéralement les
hostilités et laisser le pouvoir aux houthistes ; b) organiser une offensive terrestre
d’ampleur sans garantie de succès et avec la certitude de subir des pertes ;
c) poursuivre les frappes aériennes en espérant qu’elles changent la donne, en dépit
du fait qu’après 33 mois de frappes, on estime qu’il ne reste plus qu’un très faible
nombre de cibles crédibles ; d) tenter de réactiver le réseau de Saleh dans le cadre
d’une coalition anti-houthiste. Les lignes de front peuvent évoluer légèrement dans
les mois à venir du fait de l’éclatement de l’alliance des houthistes et des pro-Saleh,
mais de l’avis du Groupe d’experts, aucune des parties n’est en mesure de remporter
une véritable victoire militaire.
25. La situation est d’autant plus complexe que ce ne sont pas les responsables de
la stratégie politique des parties au conflit qui en supportent le plus lourdement les
conséquences, mais bien la population civile yéménite. Les dirigeants houthistes sont,
dans une large mesure, à l’abri des attaques comme de la pénurie de nourriture, de
carburant et d’eau. Les membres de la coalition recourent à des frappes aériennes ne
présentant pour eux que des risques moindres et ils ne disposent que d ’un nombre
restreint de troupes au sol, ce qui limite les retombées politiques auxquelles ils
pourraient devoir faire face au niveau national.
Effondrement de l’alliance des houthistes et des pro-Saleh et décès de Saleh
26. Les tensions entre les houthistes et Ali Abdullah Saleh (YEi.003) se sont
ravivées en août 201720, puis le 29 novembre 2017, lorsque des partisans armés des
premiers et du second se sont affrontés dans la mosquée al-Saleh de Sanaa et ses
environs. Cette échauffourée a été à l’origine d’une guerre de rue qui s’est prolongée
pendant cinq jours et a abouti à l’effondrement de l’alliance puis au décès d’Ali
Abdullah Saleh.
27. Quoique Saleh ait d’abord semblé avoir pris le dessus à Sanaa, les houthistes
ont rapidement repris plusieurs installations militaires et envoyé des renforts dans la
ville, tout en isolant leur opposant de ses alliés militaires et tribaux. Abdullah Yahya
al-Hakim (YEi.002) et Mohammed Ali al-Houthi, chef du comité révolutionnaire
houthiste, ont joué à cet égard un rôle de premier plan en contactant les tribus des
alentours de Sanaa pour les convaincre de ne pas soutenir Ali Abdullah Saleh. Le
Groupe est d’avis que Mohammed Ali al-Houthi remplit les critères de désignation,
étant donné son implication dans l’organisation de ces événements qui constituent une
menace pour la paix, la stabilité et la sécurité du Yémen.
28. Le 2 décembre 2017, Ali Abdullah Saleh a tendu la main à la coalition dirigée
par l’Arabie saoudite, promettant l’ouverture d’une nouvelle page dans leurs relations
__________________
19 Voir https://www.reuters.com/article/us-yemen-security-un/houthis-ban-u-n-sp…-
for-alleged-bias-idUSKBN18W2D0.
20 En août 2017, Abdulmalik al-Houthi et Ali Abdullah Saleh se sont renvoyé des critiques par
discours interposés en amont des célébrations publiques marquant le trente-cinquième anniversaire
du Congrès populaire général. Le 26 août 2017, Khaled Ahmed Zayd al-Radhi, l’un des principaux
partisans de Saleh, responsable des relations extérieures du Congrès populaire général et directeur
du groupe Vulcan, a été tué lors d’un affrontement avec les houthistes à Sanaa.
Le 12 septembre 2017, Abdulmalik al-Houthi et Ali Abdullah Saleh se sont rencontrés lors d’un
face à face destiné à apaiser les tensions. On trouvera à l’annexe 9 un compte rendu des
événements qui ont contribué à la montée des tensions entre les alliés.
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et appelant ses partisans à prendre les armes21. Privés du soutien de chefs tribaux et
de généraux clefs qui n’avaient pas la volonté ou les moyens de les secourir, Saleh22
et ses hommes ont été submergés et tués à Sanaa au matin du 4 décembre 2017.
Figure I
Mohammed Ali al-Houthi et Abdullah Yahya Al Hakim à Sanaa
(Décembre 2017)a
a Vidéo communiquée par des sources confidentielles : Mohammed Ali al-Houthi (à gauche)
et Abdullah Yahya Al Hakim (à droite).
29. Selon de nombreuses indications, Tariq Muhammad Abdullah Saleh 23 ,
commandant militaire et neveu d’Ali Abdullah Saleh, aurait également été tué dans
les combats. Le Groupe d’experts s’emploie à corroborer les faits de manière
indépendante. Il a pu confirmer le décès d’Arif al-Zuka, secrétaire général du Congrès
populaire général et principal conseiller politique d’Ali Abdullah Saleh. Les
houthistes ont également fait plusieurs prisonniers parmi les membres de la famille
Saleh24. De l’avis du Groupe, certains d’entre eux ont été blessés dans les combats et
les houthistes les retiennent pour les utiliser comme moyen de pression si d ’aventure
__________________
21 Le Groupe d’experts note que pendant les faits, la coalition n’a conduit de frappes aériennes que
contre des cibles houthistes situées non loin des positions des partisans armés de Saleh. S’il était
avéré que cela relevait d’une tentative de protéger Ali Abdullah Saleh équivalent à la fourniture
d’un appui à un individu visé par des sanctions, cela constituerait une violation du paragraphe 14
de la résolution 2216 (2015). Le Groupe d’experts poursuit son enquête sur cette affaire.
22 Sur la base de l’examen d’images du corps de Saleh, le Groupe croit comprendre que ce dernier a
été exécuté à bout portant d’une balle tirée du côté gauche à l’arrière de la tête. Les houthistes ont
chargé le corps dans un véhicule tout terrain et l’ont transporté hors de Sanaa pour le mettre en
scène dans un faux scénario d’embuscade, l’objectif étant de faire croire qu’il avait été tué alors
qu’il essayait de s’enfuir. Le Groupe estime qu’il s’agit là d’une nouvelle tentative de
décrédibiliser Ali Abdullah Saleh, dans le cadre d’une stratégie appliquée à cet effet par les
houthistes pendant le mois de décembre 2017.
23 Tareq Saleh était le commandant de la garde particulière de Saleh et se trouvait de fait à la tête de
sa Garde républicaine.
24 Le Groupe a pu établir que Salah et Midyan, deux des six fils de Saleh, avaient été capturés, de
même que l’un de ses neveux, Muhammad Muhammad Abdullah Saleh, figure militaire importante
et Superviseur principal du Vulcan Group (voir http://www.vulcanyemen.com/owners.htm). Le
Groupe pense également que les houthistes retiennent le fils aîné de Tariq Saleh, Afash, et celui de
Yahya Muhammad Abdullah Saleh, Kenan. On trouvera aux annexes confidentielles 1 0 et 11 la
liste des fils et des neveux d’Ali Abdullah Saleh. La liste de ses filles et de ses gendres figure à
l’annexe confidentielle 12.
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Ahmed Ali Abdullah Saleh (YEi.005) ou Khaled Ali Abdullah Saleh tentaient de
réactiver le réseau de Saleh.
30. Dans les jours qui ont suivi, les houthistes ont cherché à éliminer ou à récupérer
les éléments restants du réseau de Saleh tout en asseyant leur emprise sur Sanaa et la
plupart des territoires du nord du pays. Ils ont exécuté les principaux responsables
militaires appartenant, comme Saleh, à la tribu Sanhan25, arrêté les membres les plus
en vue du Congrès populaire général 26 et intimidé les autres 27 , dispersé les
manifestations par la force28, enlevé les enfants de familles influentes liées à Saleh29,
détruit le domicile de ses partisans et imposé une censure stricte en bloquant l ’accès
aux réseaux sociaux et à la plupart des sites Internet. Les houthistes ont également
annoncé le changement de nom de la mosquée al-Saleh et dit avoir trouvé chez
l’ancien Président de l’or, de l’argent et de l’argent liquide en grandes quantités qu’ils
allaient déposer à la banque centrale30. Le Groupe d’experts s’attend à ce que leur
tentative de consolider leur pouvoir se traduise par une répression de plus en plus
sévère.
C. Sécurité et tendances régionales
1. Tendances régionales
31. Le 5 juin 2017, le Qatar a été exclu de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite
et a engagé le retrait de ses troupes le 7 juin 2017, ce qui n’a eu que de faibles
incidences sur le plan militaire. Les tensions entre le Qatar et les membres de la
coalition se sont toutefois répercutées sur la situation au Yémen, où la coalition et ses
forces supplétives ont pris pour cible le Parti El-Islah, allié perçu de l’émirat31.
2. Zones sous contrôle des forces alliées au Gouvernement légitime du Yémen
32. Quoique le Gouvernement légitime maintienne une présence armée dans les huit
provinces du Sud (Abiyan, Aden, Hadramout, Lahj, Mahra, Chaboua et Socotra), sa
capacité à gouverner et à faire respecter son autorité est remise en cause par un certain
nombre d’autres acteurs, parmi lesquels Al-Quaida dans la péninsule arabique
(AQPA), l’EIIL, les opposants tribaux, le Conseil de transition du Sud récemmen t
__________________
25 Le 5 décembre 2017, les houthistes ont exécuté les généraux de division Mahdi Maqawlah,
Abdullah al-Dhabaan (commandant de la 35e brigade blindée et ancien commandant de l’axe de
Taëz) et Murad al-Awbali (commandant de la 62e brigade mécanisée).
26 On trouvera à l’annexe 13 la liste des membres du Congrès populaire général détenus par les
houthistes.
27 Après la mort de Saleh, la chaîne de télévision houthiste al-Masirah a diffusé des images d’une
réunion du Congrès populaire général à Amran, au cours de laquelle certains ont prêté allégeance
aux autorités et se sont dissociés du défunt. De l’avis du Groupe d’experts, c’est là pour les
houthistes une manière d’indiquer qu’ils ne s’en prendront qu’aux partisans de Saleh et non à tous
les membres du Congrès populaire général.
(http://www.almasirah.net/gallery/preview.php?file_id=10509#.WihdwAa5gRg… ).
28 Le 6 décembre 2017, les houthistes ont tiré des coups de feu pour disperser une manifestation de
femmes exigeant qu’on leur remette le corps de Saleh afin qu’il soit inhumé.
29 Des hommes armés affiliés aux houthistes ont investi le domicile de Ruqayah al-Hijjri, soeur de
l’une des épouses de Saleh (voir annexe confidentielle 14), et arrêté au moins l’un de ses enfants
(http://www.almasdaronline.com/article/95978).
30 Les photographies utilisées par les houthistes à l’appui de leur déclaration proviennent d’une
banque d’images et n’ont pas été prises au Yémen (voir http://www.saba.ye/ar/news481198.htm).
31 Le 11 octobre 2017, à Aden, les forces de sécurité agissant sur ordre de Shallal Ali Shaye,
responsable de la sécurité, ont pris d’assaut un bâtiment du Parti El-Islah et arrêté 10 personnes
(voir https://www.reuters.com/article/us-yemen-security/yemen-islamist-party-…-
up-tensions-idUSKBN1CG1J1).
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formé et les forces supplétives de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite. Des forces
armées restées loyales au Président Hadi sont également présentes à Taëz et Mareb.
33. Les forces « Ceinture de sécurité » (voir annexe 6 pour une présentation de leur
commandement et de leur structure) sont un pilier essentiel de la stratégie de sécurité
pour le Yémen des forces des Émirats arabes unis déployées dans le sud du pays. Cette
approche continue d’exclure les institutions publiques telles que le Bureau de la sûreté
nationale et l’Organisation de sécurité politique, ce qui contribue à fragiliser et à
limiter les moyens du Gouvernement légitime en matière de renseignement et de
sécurité.
3. Interventions des forces de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite
34. La coalition dirigée par l’Arabie saoudite continue de dispenser un appui
financier, politique, militaire et logistique aux forces armées yéménites et à un certain
nombre de groupes armés agissant pour son compte. Les principales lignes de front
pour les forces saoudiennes se trouvent à Mareb et Meïdi, tandis que les forces
émiriennes se concentrent sur Aden, Abiyan, Hadramout, Lahj, Mahra, Mokha et
Chaboua.
35. Le 7 décembre 2017, les forces de résistance du sud soutenues par la coalition
et dirigées par le général de brigade Abdul Salam al-Shehi ont pris le contrôle du
camp Abou Moussa el-Achaari, situé en périphérie de Khokha, puis avancé vers le
nord en direction de la ville d’Hodeïda 32 . Dans le cadre de cette opération, des
éléments sudistes commandés par Haitham Qassem Taher ont lancé une offensive
militaire dans la province d’Hodeïda où ils n’ont rencontré qu’une faible résistance
de la part des houthistes déployés au nord de la ville de Mokha, au bord de la mer
Rouge.
36. Les Émirats arabes unis continuent de renforcer le soutien qu’ils apportent aux
forces supplétives opérant dans le sud, en particulier aux forces « Ceinture de
sécurité » à Abiyan, Aden et Lahj ainsi qu’aux Forces d’élite du Hadramout et de
Chaboua (voir par. 55 à 58). Ils administrent également à Khamoussa et Riyan, près
de Moukalla, des centres de formation militaire accueillant un certain nombre de
conseillers et de formateurs militaires étrangers sollicités à l’appui des Forces
d’élite33.
D. La « question du Sud »
37. Considérant la durée du conflit, l’absence d’avancées militaires et les divisions
qui se sont fait jour, le Groupe d’experts estime que la sécession du Yémen du Sud
n’est plus une hypothèse improbable. La capacité du Gouvernement à administrer et
à gérer les huit provinces du Sud qu’il assure contrôler s’est largement amoindrie en
2017. La situation à Aden et Mahra illustre parfaitement les circonstances qui
alimentent le risque de sécession.
1. Aden
38. Les conditions de sécurité se sont considérablement détériorées dans la province
en 2017. L’EIIL a orchestré plusieurs attentats-suicides à grande échelle et revendiqué
un certain nombre d’assassinats (voir par. 74). Plusieurs assassinats de nature
politique ont également été perpétrés mais n’ont été revendiqués ni par AQPA ni par
__________________
32 Voir http://adengad.net/news/291513/.
33 Informations recueillies par le Groupe d’experts lors de ses visites au Yémen et dans le cadre
d’entretiens avec des sources confidentielles.
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l’EIIL. Le 18 octobre 2017, l’imam de la mosquée Sahaba d’Aden, Fahd al-Yunisi, a
ainsi été assassiné par un tireur dont l’identité n’a pas encore été établie34.
39. Le Gouvernement légitime s’est trouvé à maintes reprises incapable de verser le
salaire des fonctionnaires et semble ne pas pouvoir assurer aux habitants de la ville
l’accès aux services de base, notamment à l’électricité. Le gouverneur d’Aden, Abd
al-Aziz al-Muflahi, a démissionné de ses fonctions le 16 novembre 2017 pour
protester contre le non versement des salaires par le Gouvernement 35 . Le Groupe
d’experts a observé, à Aden et dans d’autres villes du Sud, des panneaux mettant
violemment en cause le Premier Ministre bin Daghir et le Gouvernement légitime
pour leur inaptitude à répondre aux besoins de la population yéménite36. Les autorités
locales semblent ne rien entreprendre pour répondre à cette campagne
antigouvernementale.
2. Mahra
40. Dans la province de Mahra, à l’est du pays, les tensions sont avivées par le
déploiement de forces militaires supplémentaires destinées à lutter contre la
contrebande37 . Le 15 novembre 2017, la 123e Brigade d’infanterie du Général de
brigade Abdullah Mansour Ali est venue remplacer à Mahra la 137e Brigade
mécanisée. Près de deux semaines plus tard, le 27 novembre 2017, le Président Hadi
a nommé Rajih Said Bakrit au poste de gouverneur de Mahra en lieu et place de
Mohammed Abdullah Kudah, précédent titulaire de cette fonction38. Ce dernier se
trouve toujours à Mahra, sous la protection d’éléments armés appartenant à sa tribu
et d’autres responsables dont les intérêts rejoignent les siens39. La tribu Qoudaa, dont
l’ancien gouverneur est originaire, contrôle l’accès à la côte, à l’est du port de Gheïda,
à Jaroub et à Zaghar, près de la frontière avec Oman.
E. Zones contestées et risques de fragmentation
41. La situation à Beïda et Taëz confirme que le Yémen risque véritablement de se
fragmenter.
1. Beïda
42. Située sur l’ancienne frontière entre le nord et le sud du pays, Beïda est une ville
importante et, notamment, hautement stratégique au nord de laquelle s’étend la région
de Beïhan. Cette dernière revêt une importance particulière car elle est l ’une des
principales routes du trafic depuis le sud du pays vers Sanaa, et permet de rejoindre
Mareb et la côte de la mer d’Arabie. Les houthistes sont surtout présents à Radaa,
tandis qu’AQPA semble être actif près de Dhahab et alentour, dans les environs de
Soumaa et, au sud, dans la zone de Zaher. L’EIIL opère depuis une petite enclave de
__________________
34 Voir http://adengad.net/news/283179/. Le Groupe d’experts a recensé au Yémen d’autres
assassinats, perpétrés pour des motifs politiques, qui n’ont été revendiqués ni par AQPA ni par
l’EIIL.
35 Nommé en avril 2017, après que le Président Hadi a démis Aydarus al-Zubaydi de cette fonction,
Al-Muflahi s’est également emporté contre le Premier Ministre bin Daghir, accusé d’empiéter sur
ses fonctions de gouverneur.
36 Voir https://twitter.com/goldensla/status/926022844307378178.
37 Le projet de création de Forces d’élite de Mahra, sur le modèle de celles du Hadramout et de
Chaboua, semble avoir été ajourné.
38 Voir http://adengad.net/news/289730/: Kudah a été nommé Ministre d’État et a siégé au Conseil
des Ministres du Président Hadi.
39 On trouvera à l’annexe 15 la liste des principaux responsables de la province de Mahra. On
trouvera à l’annexe 16 une liste de personnes dont l’affiliation à AQPA est avérée et qui opèrent
dans la province.
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Qeïfa, et des éléments des forces de résistance soutenues par la coalition sont confinés
à l’extrémité sud-ouest de la zone, à Humaiqan, dans la ville de Beïda et près de
Moukeïras (voir carte à l’annexe 17)40.
2. Taëz
43. Comme indiqué aux paragraphes 28 à 33 du bilan confidentiel à mi-parcours du
Groupe d’experts, Taëz reste le théâtre de vives tensions et d’une véritable tragédie
humanitaire. Au cours de l’année écoulée, c’est dans cette ville qu’ont eu lieu les
combats les plus soutenus. Elle est toujours assiégée par les forces houthistes. On a
observé un pic de tension entre les forces de résistance locales, les milices salafistes
et les forces armées yéménites en octobre 2017, après que les États-Unis, l’Arabie
saoudite et le Conseil de coopération du Golfe ont décidé d’imposer des sanctions à
Abu al-Abbas, l’un des principaux responsables salafistes41. Comme les houthistes à
Sanaa, Abu al-Abbas contrôle toujours une partie de la ville et exerce des prérogatives
qui relèvent exclusivement de l’autorité du Gouvernement légitime 42 . Avant le
25 octobre 2017, il bénéficiait d’un appui non négligeable de la part des
Émirats arabes unis. Le Groupe cherche à savoir si cet appui lui a été conservé depuis.
44. Non contentes de rivaliser avec les forces du Gouvernement qu’elles combattent
parfois, les diverses milices salafistes43 qui se sont constituées au cours des presque
trois années que dure le conflit s’opposent aussi entre elles. Leur concurrence s’est
faite d’autant plus âpre en conséquence des sanctions contre Abu al-Abbas. Les
milices voient la prise de Taëz comme un jeu à somme nulle et certains petits groupes,
voyant al-Abbas affaibli, ont cherché à en profiter pour gagner du terrain. Le soutien
que ces groupes reçoivent de l’extérieur est proportionnel au territoire urbain qu’ils
contrôlent.
45. Il est possible que les sanctions visant Abu al-Abbas aient également poussé les
forces houthistes et pro-Saleh à intensifier leurs attaques contre les forces de la
résistance à Taëz et dans ses environs. La population civile a essuyé des pertes lors
de plusieurs attaques aériennes menées sur Taëz par la coalition dirigée par l ’Arabie
saoudite, qui aurait visé les forces houthistes et pro-Saleh. L’une des frappes a touché
des éléments de la 22e Brigade blindée, loyale au Président Hadi, dans les environs
d’al-Arous, dans la montagne Saber44. Les cas de ce type ont altéré la relation entre
les forces locales et leurs alliés de la coalition, ce qui a permis aux forces houthistes
et pro-Saleh de mobiliser leurs forces pour tirer parti de la situation et gagner du
terrain sur plusieurs lignes de front à Taëz.
46. AQPA et l’EIIL sont toujours actifs à Taëz mais les deux groupes font face à des
défections et à des dissensions (voir par. 66).
F. Sûreté maritime
47. En 2017, les atteintes à la sécurité menaçant les voies de communication
maritime stratégiques et les points d’accès aux ports de la mer Rouge ont cru en
nombre et en gravité. Ces actes mettent en péril l’acheminement de l’aide humanitaire
__________________
40 Ces éléments des forces de résistance sont liés à l’ancien gouverneur de Beïda, Nayif al-Qaysi
(QDi.402), et à Abd al-Wahhab al-Humayqani (voir annexes 5 et 18).
41 Les États-Unis et la coalition dirigée par l’Arabie saoudite ont imposé des sanctions à
Abu al-Abbas le 25 octobre 2017. On trouvera à l’annexe 19 une liste de ses associés notoires.
42 Avant d’être visé par des sanctions, le Vice-Président Ali Muhsin al-Ahmar avait essayé
sans succès d’intégrer Abu al-Abbas et ses miliciens aux forces armées yéménites.
43 Les milices opérant à Taëz sont notamment la brigade al-Sa’lik et les groupes commandés
par Hashem al-Sanani, Saud Mayub, Hareth al-Izzy et Abu Saduq.
44 Voir http://www.middleeasteye.net/news/saudi-forces-accused-deliberately-tar…-
Ta’izz-179331116.
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par voie maritime au Yémen et s’inscrivent donc en violation du paragraphe 19 de la
résolution 2216 (2015). On observera sur la figure II le nombre et la répartition des
atteintes à la sécurité maritime perpétrées dans la région en 2017, dont no tamment
celles-ci :
a) Des attaques au missile ou à l’explosif menées contre les vaisseaux de la
coalition dirigée par l’Arabie saoudite et contre les ports de la mer Rouge, se
caractérisant parfois par le recours à de nouvelles méthodes telles que : i) l’utilisation
d’esquifs téléguidés chargés d’explosifs (dispositif explosif aquatique improvisé) ;
ii) l’usage de missiles antichars guidés depuis la terre ferme ;
b) Une tentative d’attaque menée contre le pétrolier Muskie, battant pavillon
des Îles Marshall, suivant un mode opératoire très proche de celui qui avait été utilisé
contre le vaisseau espagnol Galicia Spirit45 ;
c) Une attaque à l’hélicoptère armé lancée le 16 mars 2017 par un individu
non encore identifié contre un vaisseau civil à bord duquel se trouvaient des migrants,
ayant entraîné la mort d’au moins 42 personnes ;
d) Le recours à des mines navales, y compris improvisées (voir par. 110 à 114).
Figure II
Atteintes à la sécurité maritime : 2017
48. Les stratégies décrites dans la quatrième édition des Meilleures pratiques de
gestion pour la protection contre les pirates basés en Somalie46 publiées à l’intention
__________________
45 Il a été question de l’attaque contre le Galicia Spirit dans le précédent rapport final du Groupe
d’experts (S/2017/81, par. 37 et 38 et annexe 14). Le Groupe a fait état de l’attaque contre
Le Muskie dans le bilan confidentiel à mi-parcours qu’il a présenté en 2017.
46 Voir www.mschoa.org/docs/public-documents/bmp4-low-res_sept_5_2011.pdf?sfvrs…
(en anglais). Ces meilleures pratiques, quoiqu’elles s’attachent principalement à la piraterie basée
en Somalie, peuvent aussi être appliquées par les vaisseaux qui naviguent dans la mer Rouge
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des professionnels du secteur permettront aux équipages de se prémunir, du moins en
partie, contre les tentatives d’abordage par de petits groupes de militants armés ou
des pirates, mais seront inutiles face à des attaques utilisant des dispositifs explosifs
aquatiques improvisés, des missiles antinavires47, des missiles antichars guidés depuis
la rive ou des mines navales.
III. Groupes armés et unités militaires
49. En application du paragraphe 17 de la résolution 2140 (2014) du Conseil de
sécurité, dont les dispositions ont été réaffirmées dans les résolutions 2216 (2015),
2266 (2016) et 2342 (2017), le Groupe d’experts continue d’enquêter sur les individus
et entités associés aux groupes armés qui se livreraient ou apporteraient un appui à
des actes qui menacent la paix, la sécurité ou la stabilité du Yémen.
A. Gouvernement yéménite et coalition menée par l’Arabie
Saoudite regroupant des forces régulières
50. Des troupes placées sous le contrôle officiel du Président Hadi arborent
régulièrement le drapeau d’un Yémen du Sud indépendant. À plusieurs reprises, elles
ont appelé l’ancien Gouverneur d’Aden et actuel chef du Conseil de transition du Sud,
Aydarus al-Zubaydi, leur « Président »48. Le Groupe d’experts estime que le Président
Hadi n’assure plus un commandement et un contrôle effectifs sur l’armée et les forces
de sécurité agissant au nom du Gouvernement légitime du Yémen49. Le Président Hadi
a essayé d’enrayer la poursuite de l’érosion de son pouvoir en déployant de nouvelles
unités militaires, en particulier la 5e Brigade de la Garde présidentielle basée à Taëz,
qui n’est pas sans rappeler les Brigades de la Garde républicaine auxquelles l ’ancien
Président Ali Abdullah Saleh faisait appel pour préserver son pouvoir50.
51. Les unités militaires régulières, telles que la 103e Brigade d’infanterie
d’Abiyan51, dépendent entièrement ou presque des salaires et des équipements alloués
par le Gouvernement yéménite légitime. Elles sont sous-équipées et souvent payées
en retard ou ne reçoivent qu’une partie de leur salaire seulement. Aux problèmes
rencontrés par cette brigade s’ajoute le fait que son camp d’Abiyan se trouve sur la
ligne de front et qu’il est souvent la cible d’attaques perpétrées par AQPA 52 . En
septembre, des soldats de la 103e Brigade d’infanterie, n’ayant reçu qu’une partie de
leur salaire seulement, ont bloqué une route principale à Abiyan pour marquer leur
mécontentement.
__________________
pour se prémunir des pirates basés au Yémen. Le titre de l’ouvrage est hérité de sa première
édition « Meilleures pratiques de gestion pour la protection contre les pirates basés en Somalie »).
47 Voir S/2017/81 par. 35 et 36 et annexe 13.
48 Le 25 octobre 2017, sur leur compte Twitter officiel, les Forces d’élite du Hadramout ont indiqué
qu’Aydarus al-Zubaydi était leur « rais », c’est-à-dire leur « président »
(voir https://twitter.com/NokhbaHadramout/status/923209607174152192).
49 On trouvera à l’annexe 20 la liste des circonscriptions militaires du Yémen et de leurs
commandants.
50 Constituée le 17 novembre 2017 et dirigée par le Général de brigade Adnan Ruzaiq, un combattant
salafiste de la tribu Al Qamush de Chaboua, qui est arrivé à Taëz en 2015 accompagné de
160 combattants. Avant cela, Ruzaiq était entré en conflit avec les forces « Ceinture de sécurité »,
qui avaient lancé une attaque contre son domicile à Aden en janvier 2017 – autre exemple
du morcellement des forces armées contrôlées par le Gouvernement légitime. On trouvera
à l’annexe 21 la liste des Brigades de la Garde présidentielle.
51 Fin juillet 2017, la Brigade a été transférée de sa base d’Aden à Abiyan.
52 Le 8 août 2017, un kamikaze d’AQPA, Arif Adil Hassan Habib, a lancé une attaque contre le camp
de cette brigade, tuant 12 soldats et en blessant 28 autres.
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52. La situation est légèrement différente à Mareb, où le Vice-Président Ali Muhsin
al-Ahmar53 a passé beaucoup de temps sur les fronts de Sirouah et de Nehm. Les
troupes stationnées dans cette région sont mieux payées et mieux équipées,
conséquence directe du soutien et de l’encadrement qu’il leur offre.
53. Les unités de sécurité yéménites les plus efficaces sont toutefois les forces
supplétives créées et appuyées par les États membres de la coalition menée par
l’Arabie saoudite, qui agissent également pour le compte de ces États membres au
Yémen.
B. Forces supplétives de la coalition menée par l’Arabie saoudite
54. Le Groupe d’experts estime que les forces supplétives financées et armées par
les États membres de la coalition menée par l’Arabie saoudite constituent une menace
pour la paix, la sécurité et la stabilité du Yémen. À moins qu’elles ne soient de
nouveau placées sous le commandement et le contrôle directs des autorités yéménites
et que l’ensemble de leurs salaires et équipements ne leur soient alloués via des
structures étatiques yéménites, ces forces feront plus pour aggraver la fragmentation
du pays que pour assurer sa cohésion.
1. Forces « Ceinture de sécurité »
55. Les forces « Ceinture de sécurité », créées en mars 201654, relèvent en théorie
du Ministère de l’intérieur. Toutefois, dans la pratique, elles sont formées, ravitaillées
et financées par les Émirats arabes unis et mènent leurs activités en dehors du cadre
de commandement et de contrôle militaire yéménite. Constituées à l’origine d’environ
10 000 soldats, ces forces en comptent désormais plus de 15 000 et oeuvrent dans les
provinces d’Aden, d’Abiyan et de Lahj55.
56. Les forces « Ceinture de sécurité » ont parfois livré bataille contre les unités
militaires yéménites fidèles au Président Hadi56 et ont également été impliquées dans
un certain nombre de violations du droit international humanitaire et du droit
international des droits de l’homme (voir par. 166 ci-dessous)57. Elles sont en outre
parmi les plus investies dans la lutte contre AQPA et l’EIIL au Yémen, en particulier
depuis août 2017 (voir par. 38 ci-dessus).
__________________
53 Ali Muhsin al-Ahmar, un proche de l’ancien Président Ali Abdullah Saleh qui lui a tourné le dos
en 2011, est l’un des chefs militaires les plus puissants de l’histoire contemporaine du Yémen ;
il bénéficie toujours d’un soutien solide au sein de l’appareil militaire yéménite.
54 Dès septembre 2015, le Gouverneur d’Aden de l’époque, Nayif Bakri, avait mentionné l’existence
de forces dirigées par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis qui formaient une « ceinture de
sécurité » dans le sud du pays (voir https://sputniknews.com/middleeast/201509051026642155/).
55 On trouvera à l’annexe 6 une présentation générale de la structure de commandement.
56 Le Groupe d’experts a recensé une série d’affrontements entre les deux parties. Le 16
septembre 2017, par exemple, la Garde présidentielle de Hadi a refusé de remettre aux forces
de sécurité appuyées par les Émirats arabes unis un poste de contrôle militaire situé à Arich,
sur la route reliant Aden à Abiyan (voir https://www.reuters.com/article/us-yemen-securityclash/
gunfight-erupts-in-southern-yemen-one-civilian-killed-witnesses-idUSKCN1BR0M4).
57 Des éléments affiliés aux forces « Ceinture de sécurité » ont également été impliqués
dans la détention extrajudiciaire de civils à Aden (voir l’annexe 22).
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2. « Forces d’élite »
57. Début 2016, le Émirats arabes unis ont créé et financé les Forces d ’élite du
Hadramout, en prévision d’une attaque planifiée contre Moukalla58. À l’instar des
forces « Ceinture de sécurité », les Forces d’élite du Hadramout sont mieux payées
que leurs homologues servant dans l’armée d’active yéménite et oeuvrent en dehors
du cadre de commandement et de contrôle de l’armée yéménite.
58. Fin 2016, les Émirats arabes unis ont également formé et financé, selon les
mêmes modalités, les Forces d’élite de Chaboua. Comme les Forces d’élite du
Hadramout, elles sont composées de combattants locaux qui mènent leurs opérations
en dehors du cadre de commandement et de contrôle militaire yéménite59. Le Groupe
d’experts estime que ces forces comptent actuellement entre 3 000 et
4 000 combattants 60 . Bien qu’elles aient activement combattu AQPA et l’EIIL au
Yémen, il les considère comme des forces supplétives qui sapent l’autorité du
Gouvernement légitime.
C. Forces houthistes
59. Sur le plan militaire, les houthistes sont une milice tribale61 qui s’est associée à
une armée formée professionnellement, composée de membres des anciennes forces
armées yéménites62. Lorsque les houthistes ont pris le contrôle de Sanaa fin 2014, ils
avaient besoin de l’expérience politique et militaire que leur offrait le réseau d ’Ali
Abdullah Saleh (voir par. 43 à 45 ci-dessus). Fin 2017, cela a cessé d’être le cas. Au
cours de l’année écoulée, les houthistes ont progressivement démis de leurs fonctions
à des postes clefs des partisans de Saleh et les ont remplacés par leurs propres
sympathisants. Cela a débouché sur une guerre de rue de cinq jours qui s ’est déroulée
à Sanaa entre fin novembre et début décembre 2017 et qui s’est soldée par la mort
d’Ali Abdullah Saleh (voir par. 29 ci-dessus).
60. Des soldats restés fidèles au réseau d’Ali Abdullah Saleh feront probablement
défection. Toutefois, le Groupe ne pense pas qu’ils seront suffisamment nombreux ou
bien organisés pour ébranler l’emprise qu’ont les houthistes sur Sanaa et la majeure
partie du nord, du moins dans un futur proche. Au lendemain de la mort d ’Ali
Abdullah Saleh, les houthistes se sont empressés d’écraser ou de rallier à eux ce qu’il
restait de son réseau. Dans le même temps, ils ont assis leur domination en prenant
une série de mesures restrictives brutales et en procédant à des arrestations et à des
exécutions (voir par. 29 ci-dessus).
__________________
58 Ce qui a motivé la création des Forces d’élite du Hadramout était la volonté de donner un visage
local à l’opération visant à reprendre la ville de Moukalla des mains d’AQPA en avril 2016
(voir S/2017/81, par. 51).
59 Le Groupe d’experts a recensé une série d’affrontements qui ont eu lieu en octobre 2017 entre
les Forces d’élite de Chaboua et la 23e Brigade mécanisée, fidèle au Vice-Président Ali Muhsin
al-Ahmar.
60 On trouvera à l’annexe 23 une présentation de la structure de commandement des Forces d’élite
de Chaboua.
61 On trouvera à l’annexe 24 la liste des principaux responsables militaires et de la sécurité
houthistes et, à l’annexe 25, celle des principales personnalités politiques houthistes.
62 Les milices houthistes se sont battues la majeure partie de ces 13 dernières années. Elles ont
d’abord participé aux six guerres successives qui ont été menées, entre 2004 et 2010, contre ce qui
était alors le Gouvernement du Président Saleh. Depuis mars 2015, elles combattent la coalition
menée par l’Arabie saoudite. Suite à la prise de contrôle de Sanaa par les houthistes début 2015,
l’armée yéménite s’est fragmentée ; certains de ses officiers supérieurs ont rejoint les houthistes,
d’autres sont restés fidèles à l’ancien Président Saleh et d’autres ont pris le parti
du Président Hadi.
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61. Le 4 novembre 2017, les houthistes ont tiré un missile balistique à courte portée
sur Riyad (voir par. 82 ci-dessous). L’Arabie saoudite a riposté deux jours plus tard,
notamment en publiant une liste de 40 houthistes recherchés, avec à la clef des
récompenses considérables pour toute information qui mènerait à leur arrestation ou
à leur exécution63.
62. La dissolution de leur alliance avec les pro-Saleh pourrait conduire les
houthistes à chercher des alliés par-delà les frontières pour compenser cette perte
d’alliés au niveau national. Selon le Groupe d’experts, il est en effet probable que la
guerre s’« internationalise » plus encore. Plus les houthistes seront isolés, plus ils
chercheront à faire cause commune avec les pays qui s’emploient à combattre les
États membres de la coalition menée par l’Arabie saoudite. Le Groupe d’experts a
connaissance d’articles de presse dans lesquels il est rapporté que la République
islamique d’Iran aurait envoyé des « conseillers » auprès des houthistes, et a ouvert
une enquête à ce sujet64.
63. Bien que les houthistes continuent de recruter de nouveaux combattants, y
compris des enfants (voir par. 185 et 186 ci-dessous), ce mouvement est avant tout
une organisation familiale65, ce qui signifie que d’entre ses commandants, ceux qui
suscitent le plus la confiance sont ceux qui ont un lien de parenté avec le dirigeant,
Abdulmalik al-Houthi (YEi.004) 66 . C’est pourquoi en avril 2017, lorsqu’en toute
apparence, la coalition menée par l’Arabie saoudite était en train de fomenter une
attaque contre Hodeïda, les houthistes ont nommé Yusif Ahsan Isma’il al-Madani67
commandant du 5e district militaire de Hodeïda68. Ils ont pris une initiative semblable
plus tard en 2017, lorsqu’ils ont transféré Abd al-Khaliq al-Houthi (YEi.001) du front
de Meïdi au front Nehm près de Sanaa, pour mieux protéger la capitale.
D. Le réseau d’Ali Abdullah Saleh
64. Le Groupe d’experts ne pense pas qu’Ahmed Ali Abdullah Saleh, Khaled Ali
Abdullah Saleh ou tout autre individu soit à lui seul capable de reconstituer le réseau
d’Ali Abdullah Saleh. Les soldats de la garde républicaine et de la garde particulière
doivent à présent faire un choix : s’allier avec les forces du Gouvernement légitime
et la coalition menée par l’Arabie saoudite, qu’ils ont combattus pendant la majeure
partie des trois dernières années, ou rejoindre les houthistes, qui ont exécuté Ali
Abdullah Saleh et de hauts responsables militaires en décembre 2017. Le fait que les
soldats de la garde républicaine aient été envoyés, en petits groupes, sur différents
fronts complique toute tentative de mener une action de résistance de grande
__________________
63 Le Gouvernement de l’ancien Président Ali Abdullah Saleh a publié un avis de recherche
semblable en 2009, qui visait 55 houthistes. On trouvera à l’annexe 26 la liste publiée
par l’Arabie saoudite.
64 Le 6 décembre 2017, dans sa réponse à une lettre du Groupe d’experts datée du 28 novembre
2017, la République islamique d’Iran a déclaré que le pays n’avait aucune présence militaire
au Yémen mais disposait d’une représentation diplomatique à Sanaa, qui dispensait une « aide
consultative » dans le but d’appuyer la recherche d’une issue politique à la crise actuelle.
65 Son premier dirigeant était Husayn Badr al-Din al-Houthi. Lorsqu’il a été tué en 2004, la direction
du mouvement a été confiée à son père, Badr al-Din al-Houthi, et ensuite à son demi-frère et chef
actuel, Abdulmalik al-Houthi. On trouvera à l’annexe 27 l’arbre généalogique de la famille
Houthi.
66 Cela vaut également au niveau politique. Ainsi, le chef du conseil politique suprême,
Saleh al-Samad, est proche d’Abdulmalik al-Houthi et a étudié à la fois sous la direction
de Husayn Badr al-Din al-Houthi et de son père, Badr al-Din al-Houthi.
67 Al-Madani est un proche de la famille Houthi par alliance. C’était l’un des commandants auxquels
Husayn Badr al-Din al-Houthi avait le plus confiance lors de la première insurrection houthiste
de 2004. Il a ensuite épousé une des filles de Husayn.
68 On trouvera à l’annexe 28 la liste des commandants de districts militaires houthistes.
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envergure contre les houthistes. C’est également en raison de cette modalité de
répartition que le 3 décembre 2017, lorsqu’il avait besoin d’eux, Saleh n’a pas pu
compter, au pied levé, sur nombre de soldats qui lui étaient fidèles.
65. Les houthistes s’étant rendus responsables d’exécutions extrajudiciaires et de
détentions massives après la mort d’Ali Abdullah Saleh (voir par. 29 ci-dessus), on
peut s’attendre à ce que le pays soit pris dans une spirale de meurtres par vengeance
susceptible de durer des années. En 2004 par exemple, des soldats de Saleh ont tué
Husayn Badr al-Din al-Houthi, le premier dirigeant du mouvement houthiste. Treize
ans plus tard, lorsque les forces houthistes ont tué Ali Abdullah Saleh, elle s ont
déclaré que la mort de Husayn avait ainsi été vengée69. Au lendemain de la mort de
Saleh, lors d’une apparition télévisée, Abdulmalik al-Houthi arborait le poignard de
Husayn, ce qui montrait clairement qu’il considérait que la mort de son frère avait été
vengée. La famille et les partisans de Saleh chercheront sûrement à prendre à leur tour
leur revanche contre les houthistes. La principale différence, toutefois, est que Husayn
Badr al-Din al-Houthi dirigeait un mouvement, tandis qu’Ali Abdullah Saleh était à
la tête d’un réseau.
E. Al-Qaida dans la péninsule arabique
66. En 2017, AQPA a mené en moyenne un peu plus d’une attaque tous les deux
jours70. Elles se divisaient en cinq grandes catégories : a) les attentats-suicide71 ; b) les
attaques au mortier ; c) les assassinats72 ; d) les attaques à l’engin explosif improvisé
et e) les offensives de petite envergure. Ces attaques ont été menées, pour la plupart,
dans les trois provinces ci-après : Beïda, Abiyan et Hadramout73.
67. Au Yémen, AQPA mène une guerre sur plusieurs fronts, et ce contre trois
ennemis : a) les houthistes ; b) les États-Unis et l’Occident et c) le Gouvernement
yéménite et les forces de la coalition menée par l’Arabie saoudite74, son objectif final
étant de conquérir et de régner sur des pans du territoire75. Sur le plan international,
il continue de poursuivre les deux objectifs suivants : lancer des attaques contre des
__________________
69 On peut entendre les slogans qu’ils scandent dans la vidéo montrant des combattants houthistes
en train de placer le corps de Saleh à l’arrière d’un pick-up.
70 Plus de 200 attaques ont été revendiquées par AQPA en 2017, ce qui correspond
approximativement au nombre d’attaques qu’elle a revendiquées en 2016.
71 On trouvera à l’annexe 29 une liste des attentats-suicide (engins explosifs improvisés portés
par des individus ou attaques-suicide à la voiture piégée) perpétrés par AQPA.
72 Lors de leurs tentatives d’assassinat, les membres d’AQPA ont généralement recours à des engins
explosifs improvisés. Le Groupe d’experts établit une différence entre les attentats à l’engin
explosif improvisé et les assassinats. Par exemple, le 3 octobre 2017 à Moukalla, AQPA a placé
un engin explosif improvisé sous le véhicule d’Arif Said Abdullah al-Muhammadi, un enquêteur
de la police judiciaire. Il a survécu à l’attentat.
73 Bien qu’AQPA ait également mené des activités et perpétré des attaques à Chaboua, Mareb, Lahj
et Aden, la grande majorité de ses attaques ont visé les trois provinces énumérées au
paragraphe 66. En outre, plus de la moitié des attaques qu’il a revendiquées en 2017 ont eu lieu
à Beïda.
74 L’explication la plus claire de cette démarche a été formulée en mars 2017, à l’occasion
d’un entretien avec le dirigeant d’AQPA, Qasim al-Rimi (QDi.282), qui est paru le 29 avril 2017
(voir https://azelin.files.wordpress.com/2017/05/al-qacc84_idah-in-the-arabia…-
22interview-with-qacc84sim-al-raymicc8422-en.pdf).
75 Au Yémen, AQPA a occupé et administré des pans de territoire de 2011 à 2012 et de 2015 à 2016.
À chaque fois, il s’est attiré l’inimitié de la population locale et a préféré battre en retrait plutôt
que rester se battre.
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cibles occidentales depuis sa base au Yémen et encourager ou inciter des personnes
vivant en Occident à commettre des attentats terroristes76.
68. Le Groupe d’experts estime qu’AQPA est toujours fort capable de mener ou
d’encourager autrui à mener des attaques contre des cibles internationales 77, mais il
croit également qu’à l’heure actuelle l’organisation est plus vulnérable qu’elle ne l’a
été depuis des années. Il fonde son appréciation sur les quatre facteurs ci -après :
a) l’augmentation spectaculaire du nombre de frappes aériennes et de drones
déclenchées par les États-Unis ; b) l’offensive terrestre prolongée menée par les
forces yéménites et internationales ; c) l’arrestation de plusieurs personnalités
d’AQPA de moyenne et de faible notoriété et d) les dissensions internes entre les
membres de cette organisation78.
69. En 2017, les États-Unis ont multiplié leurs frappes aériennes et de drones au
Yémen, qui sont passées de 30 en 2016 à plus de 120 en 2017 79. Ils ont également
déclaré que trois provinces du Yémen étaient des « zones d’hostilités actives », ce qui
habilite des fonctionnaires de rang relativement peu élevé à autoriser de s frappes80.
70. En août 2017, des troupes yéménites soutenues par les Émirats arabes unis ont
lancé, avec l’aide de conseillers envoyés par les Émirats et les États-Unis, une
offensive terrestre contre des cibles d’AQPA à Chaboua, Hadramout et dans certaines
zones d’Abiyan81. Cette offensive, qui a gagné de l’ampleur, s’est poursuivie jusqu’à
fin 2017 et a entraîné la mort ou l’arrestation de plusieurs membres d’AQPA de rang
peu élevé ou intermédiaire82. Malgré cela, le noyau dur d’AQPA au Yémen demeure
intact83.
__________________
76 Le 7 mai 2017, al-Rimi a diffusé un message vidéo sous le titre « A Lone Mujahid or an Army
by Itself », dans lequel il encourageait les personnes vivant en Occident à commettre des attentats
(voir http://jihadology.net/2017/05/07/new-video-message-from-al-qaidah-in-th…-
shaykh-qasim-al-raymi-an-inspire-address-1-a-lone-mujahid-or-an-army-by-itself/).
Le 13 août 2017, AQPA a sorti « Train Derail Operations », le 17e numéro de son magazine en
langue anglaise Inspire. Il s’agit du premier numéro de ce magazine publié depuis novembre 2016.
77 Le Groupe d’experts continue d’enquêter sur l’utilisation faite par AQPA des fonds acquis
lorsqu’il administrait Moukalla en 2015 et début 2016.
78 Le Groupe d’experts estime que nombre de ces opérations, en particulier les frappes aériennes
et de drones, peuvent avoir un effet préjudiciable sur le long terme, en éliminant un terroriste
par jour mais en en faisant apparaître deux nouveaux le lendemain, en particulier lorsque
les dommages collatéraux de ces attaques sont des civils qui trouvent la mort.
79 En 2017, les États-Unis ont conduit de multiples opérations terrestres et lancé plus de 120 frappes,
qui visaient pour l’essentiel AQPA (voir http://www.centcom.mil/MEDIA/PRESSRELEASES/
Press-Release-View/Article/1401383/update-on-recent-counterterrorism-strikes-inyemen/).
80 Voir https://www.nytimes.com/2017/03/12/us/politics/trump-loosen-counterterr….
Dans les « zones d’hostilités actives », les forces américaines ont toute latitude pour procéder
à des frappes sans l’accord formel de la Maison Blanche, ce qui peut expliquer, au moins
en partie, l’augmentation du nombre de frappes.
81 Le 29 janvier 2017, les États-Unis ont lancé une attaque contre ce qu’ils soupçonnaient être
une cible AQPA à Beïda, causant la mort d’un soldat américain. Un deuxième soldat américain,
le Sergent-chef Emil Rivera-Lopez, a été tué lors d’un accident d’hélicoptère survenu « au large de
la côte yéménite » le 25 août 2017. Les États-Unis ont nié que Rivera-Lopez, qui faisait partie
d’une unité de soutien aux opérations spéciales, prenait part à une mission de combat
(voir http://www.centcom.mil/MEDIA/PRESS-RELEASES/Press-Release-
View/Article/1298631/dod-declares-dustwun-soldier-deceased/).
82 Ceux qui ont été arrêtés ou tués étaient pour la plupart des membres d’AQPA de rang peu élevé
ou intermédiaire. Le 31 octobre 2017 par exemple, les forces « Ceinture de sécurité » ont mené
à Abiyan une attaque surprise contre un de ses camps et ont arrêté plusieurs personnes, notamment
Muhammad al-’Awdah, un ancien garde du corps d’Oussama ben Laden
(voir http://www.almasdaronline.com/article/95157).
83 On trouvera à l’annexe 30 une liste des membres d’ACQPA présentant un intérêt pour le Groupe
d’experts.
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71. Le 17 août 2017, AQPA a publié une déclaration dans laquelle elle sommait les
tribus d’Abiyan de ne pas rejoindre les forces dirigées par les Émirats arabes unis et
les forces agissant pour leur compte, telles que les forces « Ceinture de sécurité ».
Cinq jours plus tard, le 22 août 2017, il a adressé une déclaration similaire aux tribus
de la province de Chaboua84, les enjoignant de ne pas s’allier aux Forces d’élite de
Chaboua. Ces deux déclarations montrent combien AQPA est à la merci des politiques
tribales. Celle-ci recrute en effet ses membres parmi les tribus et, plus important
encore, sa survie dépend des pactes de non-agression qu’elle conclut avec elles. Si les
tribus du Yémen se retournaient contre AQPA, l’organisation ne s’en remettrait pas.
72. Le 17 septembre 2017, AQPA a sorti le huitième volet d’une série de films, lequel
s’intitulait « Repousser l’agression ». Pour la première fois, il portait plus sur le rôle
des Émirats arabes unis au Yémen que sur les houthistes85. Cet angle médiatique reflète
la position qui est celle d’AQPA sur le champ de bataille. Au cours du premier semestre
de 2017, plus des deux tiers de ses attaques étaient dirigées contre des cibles
houthistes. Depuis août, cette tendance s’est inversée et AQPA cible à présent
davantage les troupes soutenues par les Émirats arabes unis qu’elle ne vise les
houthistes. Les pressions exercées sur AQPA par la communauté internationale se sont
accrues le 25 octobre 2017, lorsque le Centre de lutte contre le financement du
terrorisme86, nouvellement créé, a annoncé sa décision de sanctionner 11 ressortissants
et deux organisations yéménites en raison des liens qu’ils entretenaient avec AQPA et
l’EIIL87.
73. En raison de ces pressions accrues et des combats qu’elle mène sur tant de fronts
à la fois, il a en outre été difficile pour AQPA de continuer de garantir l’unité de
l’organisation sur l’ensemble du territoire. Signe des dissensions existant au sein de
l’organisation, AQPA a publié en octobre 2017 une déclaration dans laquelle il
indiquait que le tribunal religieux de Taëz n’était plus sous son contrôle. En outre,
nombre des communiqués de presse qu’il a publiés ces derniers mois évoquaient la
nécessité de survivre face à « l’adversité » et malgré les « revers » essuyés. Toutefois,
la branche d’AQPA au Yémen avait déjà subi des revers par le passé, en particulier en
2004 et 2005, lorsqu’elle avait pratiquement été anéantie. Elle a depuis réussi à
renaître de ses cendres. Le Groupe d’experts estime que plus le conflit actuel durera
au Yémen, plus AQPA attirera de nouvelles recrues.
F. État islamique d’Iraq et du Levant
74. Le groupe ayant prêté allégeance à l’EIIL au Yémen est bien plus petit
qu’AQPA, mais il est toujours en mesure de mener des attaques coordonnées de
grande envergure 88 . Comme AQPA, l’EIIL oeuvre surtout dans les provinces
__________________
84 On trouvera à l’annexe 31 une description des liens qu’entretient AQPA avec les tribus du Yémen.
85 Voir http://jihadology.net/2017/09/17/new-video-message-from-al-qaidah-in-th…-
repulsion-of-aggression-8/.
86 Le Centre de lutte contre le financement du terrorisme a été créé en mai 2017, lors d’une visite
du Président des États-Unis, Donald Trump, en Arabie saoudite. Les États-Unis et l’Arabie
saoudite en sont les co-présidents, et les autres États qui en sont membres sont Bahreïn,
les Émirats arabes unis, le Koweït, Oman et le Qatar (voir https://www.treasury.gov/presscenter/
press-releases/Pages/sm0092.aspx).
87 Les noms des personnes affiliées à AQPA contre lesquels les pays membres du Centre de lutte
contre le financement du terrorisme ont émis des sanctions sont énumérés à l’adresse ci-après :
https://www.treasury.gov/press-center/press-releases/Pages/sm0187.aspx. Parmi ces personnes
figurait l’ancien Gouverneur de Beïda, Nayif al-Qaysi (QDi.402), qui a été remplacé le
23 juillet 2017. Des sanctions ont également été émises contre Abu al-Abbas, un dirigeant salafiste
de Taëz qui avait reçu des fonds et l’appui des Émirats arabes unis (voir par. 45 ci-dessus).
88 Le 5 novembre 2017, l’EIIL a mené une attaque contre un bâtiment de la brigade criminelle
d’Aden : un kamikaze a foncé contre le portail au volant de son véhicule et s’est précipité dans
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méridionale et centrale du Yémen, en particulier à Beïda, Abiyan et Aden 89. De fait,
certaines zones de Beïda, où AQPA menait des opérations en 2016 et début 2017, sont
désormais les fronts de combat de l’EIIL, ce qui a poussé certains à croire que les
deux organisations travaillaient ensemble. Toutefois, le groupe d ’experts n’a trouvé
aucun élément indiquant qu’ils collaboraient ou coordonnaient leurs attaques. Les
preuves recueillies suggèrent, tout au plus, qu’AQPA et l’EIIL ont conclu un pacte de
non-agression tacite en s’appuyant sur la lutte contre leurs ennemis communs, à savoir
les houthistes90, les forces de sécurité liées au Gouvernement légitime et la coalition
menée par l’Arabie saoudite.
75. Le 16 octobre 2017, les États-Unis ont lancé leurs premières frappes directes
contre l’EIIL au Yémen, touchant deux camps à Beïda91. Moins de deux semaines plus
tard, le 25 octobre, les États-Unis, l’Arabie saoudite et les autres pays affiliés au
Centre de lutte contre le financement du terrorisme ont émis des sanctions contre cinq
individus en raison des liens qu’ils entretenaient avec l’EIIL au Yémen92. Depuis lors,
les États-Unis ont lancé plusieurs autres frappes aériennes et de drones contre l ’EIIL.
Jusqu’à présent, elles ont toutes visées Beïda93.
76. En plus de subir des pressions accrues de la part de l’aviation, l’EIIL a pâti de
l’effondrement de son « califat » en Iraq et dans la République arabe syrienne. Le
Groupe d’experts n’a toujours pas pu constater un quelconque afflux de combattants
de l’EIIL au Yémen. L’inverse semblerait plutôt se produire : selon toute apparence,
des combattants de l’EIIL de grade inférieur seraient en train de rejoindre les rangs
d’AQPA94. Le Groupe d’experts continue de mener son enquête, en vue de déterminer
si cette situation est liée à un manque de financements extérieurs entrant au Yémen
ou à d’autres facteurs.
IV. Armes et application de l’embargo sur les armes
77. Conformément aux paragraphes 14 à 17 de la résolution 2216 (2015) du Conseil
de sécurité, le Groupe d’experts continue de mener diverses activités de surveillance
et d’enquête afin de déterminer s’il y a eu des violations de l’embargo ciblé sur les
armes tenant à la fourniture, la vente et le transfert directs ou indirects d’armes au
profit des personnes et entités désignées par le Comité et le Conseil.
78. Les différentes formes que prennent les chaînes d’approvisionnement en armes
et en munitions au profit des personnes et entités désignées par le Comité et le Conseil
__________________
le bâtiment accompagné de trois individus munis de ceintures explosives. L’EIIL a ensuite déclaré
que l’attaque avait fait 69 morts, et a indiqué que les quatre combattants venaient des provinces
de Hadramout, d’Ibb, de Taëz et de Chaboua.
89 L’EIIL a globalement mené trois types d’attaques au Yémen : des attentats-suicide, des assassinats
au corps à corps et des attaques au mortier.
90 À l’instar d’AQPA, l’EIIL classe ses ennemis selon une hiérarchie, les houthistes chiites arrivant
en tête de liste. En août 2017, le groupe a publié les photos d’un commandant houthiste qui avait
été crucifié par des membres du groupe. On a établi qu’il s’agissait d’Abu Murtada al-Muhatawari.
91 Voir http://www.centcom.mil/MEDIA/PRESS-RELEASES/Press-Release-
View/Article/1344652/us-forces-conduct-strike-against-isis-training-camps-in-yemen/. Les deux
camps ont été nommés d’après deux dirigeants de l’EIIL décédés : Abu Bilal al-Harbi et Abu
Muhammad al-Adnani. Le 9 octobre 2015, une semaine avant les frappes américaines, l’EIIL avait
publié des photos d’entrainements qui y avaient eu lieu.
92 Voir https://www.treasury.gov/press-center/press-releases/Pages/sm0187.aspx. On trouvera
à l’annexe 32 une liste des membres de l’EIIL qui présentent un intérêt pour le Groupe d’experts.
93 Les États-Unis ont par exemple lancé trois attaques successives de drones contre Beïda les 10,
11 et 12 novembre 2017, qui ont fait cinq morts.
94 Les États-Unis estiment toutefois que l’EIIL au Yémen a « doublé de volume au cours de l’année
écoulée » (voir http://www.centcom.mil/MEDIA/PRESS-RELEASES/Press-Release-
View/Article/1401383/update-on-recent-counterterrorism-strikes-in-yemen/).
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de sécurité ainsi qu’à celles agissant pour le compte ou sur les ordres de celles-ci sont
toujours les mêmes que celles que le Groupe d’experts a décrites le 31 janvier 201795.
Aucune saisie d’armes ou de munitions opérée en mer n’a été signalée en 2017 et l’on
n’a recensé que de faibles saisies de matériel connexe sur le principal itinéraire
terrestre de ravitaillement en provenance de l’est du Yémen96.
79. Le Groupe d’experts a relevé de solides indices indiquant que du matériel
d’armement fabriqué en République islamique d’Iran ou en provenance de ce pays
avait été acheminé au Yémen après l’établissement de l’embargo ciblé sur les armes
le 14 avril 2015, notamment du matériel technique pour missiles balistiques à courte
portée (voir par. 86 à 96) et des véhicules aériens téléguidés (par. 98 à 105).
A. Campagne terrestre de tirs de missiles menée par l’alliance
entre houthistes et pro-Saleh
1. Vue d’ensemble
80. En 2017, l’alliance entre houthistes et pro-Saleh a poursuivi sa campagne
terrestre stratégique de tirs de missiles contre l’Arabie saoudite, mais en a réduit
l’intensité (à 64 % du niveau de 2016). L’alliance dispose toujours manifestement des
moyens de frapper l’Arabie saoudite à l’aide de missiles balistiques mobiles à courte
portée ou de roquettes non guidées97. D’un point de vue stratégique, cela lui permet :
a) de mettre en évidence la vulnérabilité de l’Arabie saoudite face à une telle menace
et de l’obliger à prendre des mesures défensives excessivement coûteuses pour s ’en
prémunir ; b) de montrer que la population civile saoudienne n’est pas à l’abri
d’attaques de ce type ; c) de démentir les propos de la coalition dirigée par l’Arabie
saoudite, qui avait assuré avoir anéanti les stocks de missiles en 2015, et d ’entamer
ainsi la crédibilité des informations qu’elle diffuse dans les médias ; d) de prouver
que les forces houthistes et pro-Saleh sont à même de menacer directement l’Arabie
saoudite. On trouvera à l’annexe 34 du présent rapport un tableau récapitulatif des
missiles balistiques à courte portée et des roquettes non guidées dont le tir a été
signalé ou confirmé. La figure III illustre uniquement les tirs de missiles balistiques
à courte portée.
__________________
95 Voir S/2017/81, par. 60 et tableau 1.
96 Voir annexe 33.
97 Les roquettes non guidées en question sont des missiles sol-air S-75 Dvina improvisés, désignés
par les houthistes sous le nom de missiles « Qaher-1 » (voir S/2017/81, par. 81 et annexe 42).
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Figure III
Tirs de missiles balistiques à courte portée : 2015-2017
81. D’un point de vue militaire, les missiles balistiques ont un impact stratégique
limité, en raison de leur faible nombre, de leur manque de précision inhérent et de la
taille relativement modeste de l’ogive qui renferme l’explosif brisant (moins de 600 à
950 kg).
2. Montée des tensions au niveau régional
82. Le 4 novembre 2017, à 20 h 7 (heure locale) environ, les restes d’un missile
balistique à courte portée sont tombés dans le périmètre de l’aéroport international du
Roi Khaled à Riyad98. Cette attaque99 conduite par l’alliance entre houthistes et pro-
Saleh a immédiatement fait flamber les tensions dans la région et poussé la coalition
emmenée par l’Arabie saoudite à fermer temporairement l’ensemble des routes
terrestres, maritimes et aériennes vers le Yémen, à partir du 6 novembre 2017.
83. Le Groupe d’experts a effectué une mission à Riyad du 17 au 21 novembre 2017,
afin d’examiner les restes des missiles balistiques à courte portée tirés contre l’Arabie
saoudite par les forces houthistes et pro-Saleh les 19 mai, 22 juillet, 26 juillet et
4 novembre 2017. Il a de nouveau séjourné en Arabie saoudite du 24 au 26 décembre
__________________
98 Il a d’abord été rapporté que le missile en question avait été intercepté par un missile sol -air
MIM-104 Patriot avant de pouvoir atteindre sa cible. D’après les preuves physiques qu’il a pu
examiner, le Groupe d’experts peut simplement dire que l’ensemble moteur-fusée du dispositif
a effectivement pu être intercepté. Le réservoir de propergol, conçu pour se séparer du reste
du dispositif, ne portait pas les traces d’explosion qu’aurait laissées la tête d’un missile
intercepteur. On pouvait également observer un cratère au point d’impact (aéroport international
du Roi Khaled).
99 Deux attaques au missile balistique à courte portée avaient déjà été lancées sur la région de Riyad
le 5 février (Muzahimiyah) et le 19 mai 2017 (province de Riyad).
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2017 pour procéder à l’examen d’autres débris de missiles balistiques tirés sur Riyad
le 19 décembre 2017. Les constatations et les conclusions du Groupe d ’experts
figurent plus loin dans le présent rapport (par. 88 à 92).
3. Missiles balistiques à courte portée dont disposent les forces houthistes
et pro-Saleh
84. Il est avéré que le commandement de la défense antimissile yéménite en place
avant le début du conflit disposait en 2004 d’au moins 18 missiles SS-1 Scud-B et
qu’il s’était également procuré 90 missiles Hwasong-6 (de type Scud-C) pendant la
première décennie des années 2000100. Début 2015, au milieu des hostilités, les 5e et
6e brigades de missiles se sont jointes aux forces houthistes et pro -Saleh.
85. Les premières frappes aériennes de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite
n’ont pas anéanti les stocks de missiles balistiques à courte portée. Le premier tir
confirmé101 de missile de type Scud-C102 contre l’Arabie saoudite a eu lieu le 29 juin
2015, et l’attaque de ce type la plus récente probablement le 26 juillet 2017103. Les
attaques à la roquette Qaher-1 non guidées, telles que le Groupe les a décrites dans
son rapport daté du 31 janvier 2017,104 se sont poursuivies tout au long de l’année, le
dernier tir confirmé ayant été enregistré le 27 mars 2017105.
B. Variantes à portée allongée de missiles balistiques
à courte portée
1. Aperçu général
86. Pendant la période considérée, on a recensé et confirmé quatre tirs de missiles
balistiques à courte portée ayant parcouru une distance largement supérieure à ce que
l’on pouvait raisonnablement attendre du type de missiles dont disposait l ’alliance
entre houthistes et pro-Saleh. Le premier missile a été tiré le 19 mai 2017
(voir tableau 1)106.
__________________
100 Notamment d’après : a) les bases de données du groupe Jane’s consacrées à l’équipement et aux
technologies militaires (Jane’s Defence Equipment and Technology Intelligence) ; b) un rapport
des Services de recherche du Congrès des États-Unis (United States Congressional Research
Services) (voir http://www.dtic.mil/cgi-bin/GetTRDoc?AD=ADA521480). Douze missiles de type
Scud ont été découverts le 10 décembre 2002 dans un vaisseau qui se rendait au Yémen, mais
après avoir été retenu un temps, ce dernier a pu livrer sa cargaison puisqu’aucun motif juridique
n’en justifiait la saisie à l’époque.
101 Lettre datée du 4 octobre 2017, adressée au Groupe d’experts par l’Arabie saoudite.
102 Il s’agissait soit d’un Scud-B amélioré de niveau Scud-C soit d’un Hwasong-6 fourni
par la République populaire démocratique de Corée.
103 Confirmé par le Groupe d’experts sur la base de l’examen de photographies de la tête militaire,
de type bombe à sous-munition, assemblée sur un missile balistique Scud-C à courte portée.
104 Voir S/2017/81 par. 81 à 84 et annexe 42.
105 Deux autres tirs de missiles potentiellement de type Qaher-1 ont été signalés le 7
et le 27 août 2017 mais n’ont pas été confirmés.
106 Les médias ont rapporté qu’un missile balistique à courte portée s’était écrasé dans la province
de Riyad le 5 février 2017, mais les faits n’ont pas été confirmés. S’ils devaient l’être, il s’agirait
du premier tir confirmé d’une variante à portée allongée d’un missile à courte portée depuis
le Yémen.
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Tableau 1
Variantes à portée allongée de missiles balistiques à courte portée, tirées
par l’alliance entre houthistes et pro-Saleh en 2017 (tirs confirmés)a
Date Faits constatés Portée (km) Observations
19 mai Impacts dans la province de Riyad 965 Premier tir confirmé
22 juillet Impacts à Yanbo, à l’ouest de Médine 900+ Environ 2 mois après le tir précédent
4 novembre Tir d’un missile en direction de Riyad 1 043b Environ 3 mois après le précédent tir
19 décembre Tir d’un missile en direction de Riyad 915 Diffusion d’une vidéo du tir par les
houthistes le 19 décembre 2017c
Probablement intercepté en vol
a Source : Lettre datée du 4 octobre 2017 adressée par un État Membre (au sujet des deux premiers tirs).
b Considérant qu’il est possible que le missile ait parcouru plus de 1 000 km, il pourrait être désigné plus
précisément comme un missile balistique à moyenne portée. Le Groupe continuera toutefois d ’y faire référence
comme à un missile balistique de courte portée, puisque c’est sa catégorie d’origine et que l’engin n’a pas
dépassé de beaucoup sa portée théorique. La portée indiquée dans le tableau a été définie sur la base du rapport
généré par le système Patriot de défense anti-aérienne lorsqu’il a ciblé la menace. Selon les estimations issues
des systèmes d’alerte rapide conjoints, le tir a été effectué à un degré de longitude nord de plus et aurait donc
eu une portée de 937 km.
c Voir https://mobile.almasdarnews.com/article/video-footage-houthis-long-rang….
87. Un porte-parole militaire des houthistes, le général de division Sharaf Luqman,
a reconnu pour la première fois le 30 mars 2017 que des spécialistes yéménites
s’employaient à réparer et à modifier les missiles endommagés par les frappes
aériennes107. Le Groupe d’experts n’exclut pas non plus que des spécialistes étrangers
puissent fournir des conseils techniques en matière de missiles au Yémen 108, ou que
des membres compétents des forces houthistes et pro-Saleh aient pu se former dans
un pays tiers. Il est presque certain que les forces houthistes ne disposent pas des
compétences de conception ou de génie requises pour produire un nouveau type de
missile balistique à courte portée.
2. Analyse technique et constatations
88. Le Groupe d’experts a d’abord examiné les différents moyens qui auraient pu
permettre d’allonger la portée des missiles de type Scud-C qu’on savait être en
possession des forces houthistes et pro-Saleh. Il a conclu qu’il n’était pas possible de
les alléger suffisamment ou d’en augmenter assez la puissance pour faire passer leur
portée de 600 kilomètres, le maximum théorique, à plus de 1 000 kilomètres.
89. On a observé en 2016 des tirs de missiles balistiques à courte portée qui
dépassaient les 670 kilomètres, ce qui semble indiquer qu’un programme de réduction
du poids des engins de type Scud-C a été mis en place en 2016 (voir annexe 35) et a
permis d’allonger modérément leur portée, à savoir d’environ 11,75 %. Cette
hypothèse est également étayée par le fait que des bouteilles d’air comprimé de
conception américaine constituées de matériau composite ont été utilisées en lieu et
place des bouteilles standard en acier109. Les houthistes donnent à ce type de missiles
le nom de « Borkan-2 ».
__________________
107 Voir sputniknews.com/middleeast/201703301052137016-yeminis-repair-soviet-missiles/.
108 Voir https://english.alarabiya.net/en/features/2018/01/01/Who-are-the-Irania…-
Guard-officers-leading-Houthis-in-Yemen-.html.
109 Le fabricant n’a pas pu tracer ces composants, les bouteilles en question étant produites à très
grande échelle.
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90. Sur la base de l’examen des débris des variantes à portée allongée des missiles
balistiques à courte portée, tirées le 22 juillet et le 4 novembre sur Riyad, le Groupe
d’experts a formulé les constatations suivantes :
a) Nombre des particularités de conception interne110 et des caractéristiques
externes111 des restes de missiles examinés ainsi que leurs dimensions correspondent
à celles du missile Qiam-1, de conception et de fabrication iraniennes. Il est donc
quasi certain qu’ils ont été produits par le même fabricant. La figure IV illustre la
position des principaux composants examinés par le Groupe d’experts par rapport à
la structure d’un Qiam-1. La figure V représente un missile de type Scud-C et la
figure VI présente, à titre de comparaison, un schéma de la variante à portée allongée
du missile balistique à courte portée, examinée par le Groupe d ’experts ;
Figure IV
Principaux composants du missile et comparaison de leur position avec celle des composants
d’un missile balistique à courte portée Qiam-1a
a Photographie de la variante à portée allongée du missile balistique à courte portée prise par le Groupe d’experts à Riyad
les 19 et 20 novembre 2017 (la photographie du Qiam-1 a été tirée de la source suivante : http://3.bp.blogspot.com/-
qsK7VV6oZfc/Tq1ET0NyVdI/AAAAAAAAADo/NGlhWpeJTsw/s1600/Qiam-1.jpg).
__________________
110 Par exemple, la position inversée des réservoirs de carburant et d’oxydant dans le corps
du missile. Dans les systèmes de missiles balistiques à courte portée connus, on ne retrouve cette
configuration que dans les Scud-A, un modèle obsolète, et les Qiam-1 iraniens. Les autres
particularités de conception de la variante à portée allongée du missile balistique à courte portée
sont notamment : a) les bouteilles d’air comprimées en matériau composite ; b) un système
de guidage amélioré.
111 Par exemple : a) le choix d’une cellule principalement faite d’aluminium ; b) l’absence d’ailerons
à l’arrière du missile. Les variantes du Scud-C sont équipées d’ailerons, contrairement au Qiam-1.
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Figure V
Vue en coupe des principaux composants d’un missile Scud-Ca
a Schéma établi par le Groupe d’experts (le schéma n’est pas à l’échelle). Afin de mettre les vannes en évidence, elles y ont été
représentées à une échelle plus grande que le reste du missile (voir annexe 36, appendice C, fig. C.36.1).
Figure VI
Vue en coupe des principaux composants de la variante à portée allongée d’un missile balistique
à courte portéea
a Voir annexe 36, appendice C, fig. C.36.2.
b) La portée opérationnelle standard d’un missile Qiam-1 s’établit entre
750 kilomètres et 800 kilomètres, contre plus de 1 000 kilomètres pour le missile
examiné. Le Groupe d’experts conclut qu’il ne s’agit pas d’un missile balistique
Qiam-1 à courte portée mais d’un modèle dérivé conçu par les fabricants du Qiam-1
pour être plus léger et atteindre ainsi une portée allongée à plus de 1 000
kilomètres112 ;
c) La qualité inégale de l’assemblage et des soudures qu’a observée le
Groupe d’experts révèle que les composants de l’engin ont été transférés sous forme
de système modulaire113 et que les ingénieurs des forces de l’alliance entre houthistes
__________________
112 La portée du missile Shabab-3 de conception et de fabrication iraniennes s’établissant à 1 300 km,
le modèle dérivé dont il est question n’a sans doute pas été conçu pour combler une quelconque
lacune dans la portée de la batterie de missiles balistiques de la République islamique d’Iran.
113 Ce système modulaire comprend : a) la tête militaire ; b) un système de guidage ; c) un réservoir
de carburant ; d) un réservoir d’oxydant ; e) une partie arrière (moteur-fusée, vérins et pompes).
Réservoir d’oxydant
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et pro-Saleh ont dû assembler les missiles et en tester eux-mêmes les fonctionnalités
avant de pouvoir les déployer et les utiliser ;
d) Sur les restes du missile tiré le 4 novembre 2017, trois logements de
déviateurs de jet étaient marqués d’un symbole (voir figure VII) ressemblant
fortement au logo du groupe Shahid Bagheri Industries 114 , basé en République
islamique d’Iran (voir fig. VIII). Une demande de traçage a été adressée aux autorités
iraniennes115 ;
Figure VII
Image améliorée du logo de Shahid Bagheri Industries
sur le logement d’une aube de déviation de jeta
Figure VIII
Logo de Shahid Bagheri Industries affiché
sur un commercea
a Photographie prise par le Groupe d’experts. a Source : http://www.sns.co.ir/?p=327.
e) Les houthistes et pro-Saleh se sont dotés d’une technologie balistique à
portée étendue, plus sophistiquée que celle des missiles balistiques à courte portée
Scud-C et Hwasong-6 que l’on savait en leur possession en janvier 2015. Ils appellent
ce missile le « Borkan-2H » et le Groupe d’experts a choisi de retenir cette
dénomination ;
f) Il est très probable que les composants du Borkan-2H aient été acheminés
vers le territoire contrôlé par l’alliance entre houthistes et pro-Saleh par le principal
itinéraire terrestre de ravitaillement, après avoir été livrés par bateau dans les ports
de la région de Nichtoun et Gheïda, dans la province de Mahra116. S’il est peu probable
qu’ils aient pu être cachés dans des vaisseaux ayant déchargé dans les ports de la mer
Rouge, l’hypothèse d’un tel acheminement ne saurait cependant être entièrement
exclue ;
g) L’emploi du Borkan-2H contre des cibles civiles en Arabie saoudite
constitue une violation du droit international humanitaire (voir par. 179 et
annexe 64) ;
__________________
114 Peut-être connu également sous le nom de Shahid Bakeri Industries, ce groupe est une filiale de
l’Organisation iranienne des industries aérospatiales.
115 Cette demande a été formulée dans les lettres datées du 9 et du 12 décembre 2017 adressées
par le Groupe d’experts aux autorités iraniennes.
116 Le Groupe d’experts note que la 123e brigade d’infanterie a été redéployée à Gheïda
et qu’un nouveau gouverneur, Rajih Said Bakarit, a été nommé à Mahra le 27 novembre 2017
dans le cadre de la stratégie visant à renforcer la sécurité le long du principal itinéraire
de ravitaillement.
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h) Le Groupe d’experts ne dispose à l’heure actuelle d’aucun élément de
preuve concernant l’identité du fournisseur de missiles ou d’un quelconque
intermédiaire117 ;
i) La République islamique d’Iran n’a pas fourni au Groupe d’experts des
informations concernant le passage dans d’autres mains des composants nécessaires
à la fabrication de variantes à portée allongée des missiles balistiques à courte portée
et agit ainsi en violation du paragraphe 14 de la résolution 2216 (2015), n’ayant pas
pris les mesures nécessaires pour empêcher la fourniture, la vente et le transfert directs
ou indirects de cette technologie aux forces houthistes et pro-Saleh, dirigées par des
individus visés par des sanctions118.
91. Les observations formulées par le Groupe d’experts et une analyse technique
complète à l’appui des constatations qui précèdent figurent à l’annexe 36.
3. Affaire connexe : citernes de stockage d’oxydant pour missiles balistiques
à courte portée à propergol liquide
92. En janvier 2017, un envoi d’équipements à usage industriel a été saisi par un
État membre de la coalition menée par l’Arabie saoudite, près de Mareb, le long du
principal itinéraire de ravitaillement depuis la province de Mahra. Parmi les éléments
saisis, deux citernes de stockage de produits chimiques dangereux étaient de
conception, de configuration et de taille presque identiques à celles des citernes
d’oxydant utilisées pour les missiles de type Scud ou d’autres systèmes de missiles
balistiques à courte portée (voir fig. IX et X pour comparaison).
Figure IX
Citernes de stockage d’oxydant saisies près de Mareba
Figure X
Citernes de stockage d’oxydant pour Scuda
a Source confidentielle. a Entreposées à la base de défense aérienne de Ghariyan
(Lybie, 2017). Source confidentielle.
__________________
117 Le Groupe d’experts a adressé à l’État Membre d’origine du fabricant, le 26 novembre,
le 11 décembre et le 14 décembre 2017, des demandes de traçage concernant le Borkan-2H.
118 Le Groupe d’experts a adressé une lettre au Gouvernement de la République islamique d’Iran,
le 15 décembre 2017, pour l’informer de ses constatations, en le priant de nouveau de lui
communiquer toute information dont il disposerait concernant un changement de mains
de ces composants. Il s’est ensuite rendu en République islamique d’Iran, du 15 au
17 janvier 2018, en vue d’approfondir les discussions. On trouvera à l’appendice E de l’annexe 36
la réponse adressée au Groupe d’experts par la République islamique d’Iran.
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93. Quoique la plupart des autres éléments saisis relèvent de l’équipement standard
utilisé pour le traitement des produits chimiques ou alimentaires, on a pu observer sur
certains articles des modifications artisanales telles que des raccords de soudure
inhabituels (tuyaux et brides) et d’autres particularités de conception improvisées,
révélatrices d’une volonté d’adapter ces articles à une utilisation autre que celle pour
laquelle ils avaient été conçus initialement. Le Groupe d’experts constate que cet
équipement peut être utilisé à des fins militaires pour le retraitement de l ’acide
nitrique fumant rouge inhibé, l’oxydant que l’on retrouve dans le propergol liquide
des missiles balistiques à courte portée.
94. Les demandes de traçage envoyées par le Groupe d’experts ont permis d’établir
ce qui suit : a) deux composants avaient été fabriqués en République islamique
d’Iran ; b) trois composants avaient été fournis à la République islamique d ’Iran par
des fabricants étrangers et l’un de ces composants, qui avait été payé via un compte
bancaire européen, portait une étiquette libellée en farsi119.
95. Le Groupe d’experts ne dispose à l’heure actuelle d’aucun élément de preuve
concernant l’identité du fournisseur ou d’un quelconque intermédiaire120 ;
96. La République islamique d’Iran n’a fourni au Groupe d’experts aucune
information concernant le passage dans d’autres mains de citernes de stockage de
diergol liquide, ni expliqué la présence de composants de fabrication iranienne et agit
ainsi en violation du paragraphe 14 de la résolution 2216 (2015), n’ayant pas pris les
mesures nécessaires pour empêcher la fourniture, la vente et le transfert directs ou
indirects de matériel militaire aux fins de l’utilisation de variantes à portée allongée
de missiles balistiques à courte portée aux forces houthistes et pro -Saleh, dirigées par
des individus visés par des sanctions121.
C. Utilisation par les houthistes de véhicules aériens téléguidés
97. En 2017, les forces de l’alliance entre houthistes et pro-Saleh ont continué
d’utiliser ponctuellement des véhicules aériens téléguidés de petite et moyenne taille
à des fins de renseignement, de surveillance, d’acquisition d’objectifs et de
reconnaissance122 et des véhicules aériens téléguidés de taille moyenne pour conduire
des attaques à l’explosif123. Les petits engins téléguidés fonctionnent tous sur la base
de systèmes disponibles dans le commerce, tel que celui du X-8 Skywalker, qui peut
être utilisé à des fins militaires de surveillance et de planification d ’objectifs.
1. Véhicules aériens téléguidés Qasef-1
98. Le 27 novembre 2016, un camion immatriculé à Doubaï (Doubaï/13933) a été
intercepté au poste de contrôle d’al-Milh, près de Mareb, alors qu’il transportait les
composants d’au moins six véhicules aériens téléguidés Qasef-1 complets et des
composants destinés à 24 autres véhicules124. Les forces des Émirats arabes unis ont
__________________
119 Voir analyse complète à l’annexe 36, appendice A.
120 Le Groupe d’experts a adressé une demande de traçage à l’État Membre concerné
le 11 décembre 2017.
121 Voir note 118.
122 Il en a été fait état pour la première fois dans le bilan confidentiel à mi-parcours présenté
par le Groupe d’experts en 2017.
123 On trouvera à l’annexe 37 une liste des attaques à l’explosif perpétrées contre les forces
des Émirats arabes unis.
124 Informations communiquées par un État Membre dans une correspondance, comprenant
notamment les numéros de série de plusieurs Qasef-1 : 22-122-33, 22-122-34, 22-122-38,
22-1721-39, 22-1721-X, 22,1721-0 et 22-1722-9.
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également retrouvé des pièces de véhicules aériens téléguidés qui s’étaient écrasés à
Mareb le 19 septembre 2016125 et à Aden le 16 novembre 2016126.
99. Le Groupe d’experts constate que la conception, les dimensions et les capacités
du Qasef-1 de taille moyenne sont pratiquement identiques à celles de l’Ababil-T127,
produit par l’entreprise Iran Aircraft Manufacturing Industries 128 . On trouvera à
l’annexe 38 une analyse du Qasef-1 UAV.
100. Le Groupe d’experts a pu établir qu’au moins deux composants du système
avaient été fournis à la République islamique d’Iran après la mise en place de
l’embargo ciblé sur les armes le 14 avril 2015. Le paiement de l’un de ces composants
est passé par un tiers et par un compte bancaire intermédiaire ouvert dans un troisième
pays, ce qui témoigne d’une tentative délibérée de masquer la destination finale des
composants susmentionnés.
101. Le Groupe d’experts constate que, compte tenu, d’une part, de la conception des
véhicules aériens téléguidés et, d’autre part, du traçage des composants, le matériel
nécessaire à l’assemblage des Qasef-1 provenait de la République islamique d’Iran.
2. Véhicules aériens téléguidés « Rased »
102. Les véhicules aériens téléguidés désignés sous le nom de « Rased » (« le
géomètre ») par les forces de l’alliance houthistes et pro-Saleh sont presque
certainement des Skywalker X-8 (voir annexe 39).
3. Violations de l’embargo
103. Le Groupe d’experts considère que les véhicules aériens téléguidés conçus à des
fins de renseignement, de surveillance, d’acquisition d’objectifs, de reconnaissance
ou d’attaque, livrés à des entités agissant au nom de personnes ou d ’entités désignées
par le Conseil de sécurité relèvent du « matériel militaire » visé au paragraphe 14 de
la résolution 2216 (2015).
104. La République islamique d’Iran n’a fourni au Groupe d’experts aucune
information concernant le passage dans d’autres mains du Qasef-1 ou de ses
composants129 et agit ainsi en violation du paragraphe 14 de la résolution 2216 (2015),
n’ayant pas pris les mesures nécessaires pour empêcher la fourniture, la vente et le
transfert directs ou indirects de matériel militaire connexe aux forces houthistes et
pro-Saleh, dirigées par des individus visés par des sanctions.
105. Le Groupe d’experts estime que, compte tenu du potentiel considérable qu’ils
recèlent en matière de surveillance et de reconnaissance militaires et du fait qu’ils
peuvent facilement être transformés en drones d’attaque, les véhicules aériens
téléguidés disponibles dans le commerce devraient également être considérés comme
du « matériel militaire » au sens du paragraphe 14 de la résolution 2216 (2015),
lorsqu’ils sont utilisés à des fins militaires.
__________________
125 Lettre d’un État Membre faisant référence au Qasef-1 correspondant au numéro de série 22-1728.
126 Qasef-1 no 22-122-39.
127 Banque de données du groupe Jane’s (voir www.janes.his.com).
128 Iran Aircraft Manufacturing Industries est une filiale de l’Iran Aircraft Industries Organization,
entreprise publique iranienne qui fait partie du conglomérat des industries de la défense.
129 Lettre datée du 19 décembre 2017 adressée à la République islamique d’Iran par le Groupe
d’experts.
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D. Dispositifs explosifs aquatiques improvisés
106. Les houthistes sont parvenus à utiliser des dispositifs explosifs aquatiques
improvisés à au moins deux reprises : a) lors d’une attaque contre une frégate de la
marine royale saoudienne ; b) dans le port de Moka. Le Groupe d’experts note que les
Émirats arabes unis ont communiqué aux États-Unis et à une entreprise privée
spécialisée dans la recherche sur le commerce des armes des informations concernant
la saisie de dispositifs explosifs de ce type.
107. Si le Groupe d’experts a pu consulter des images de ces dispositifs explosifs
aquatiques improvisés ainsi qu’une analyse que leur a consacrée une tierce partie, le
présent rapport n’offre à ce sujet ni analyse ni constatations, dans la mesure où les
informations soumises au Groupe ne répondaient pas aux critères de transparence et
de vérifiabilité définis aux paragraphes 21 et 22 des meilleures pratiques et méthodes
recommandées dans le rapport du Groupe de travail informel du Conseil de sécurité
sur les questions générales relatives aux sanctions (S/2006/997).
108. Le Groupe d’experts constate que les Émirats arabes unis, en ne lui donnant pas
un libre accès aux documents et lieux pertinents pour l’exécution de son mandat, ont
agi en violation du paragraphe 8 de la résolution 2342 (2017) du Conseil de sécurité.
Il constate également que les Émirats arabes unis ont agi en violation du paragraphe
17 de la résolution 2216 (2015) du Conseil de sécurité en ne présentant pas au Comité,
par écrit et sans délai, un rapport concernant la saisie précitée et un second rapport
écrit dans les 30 jours qui l’ont suivie.
109. Le Groupe d’experts n’est donc pas en mesure de confirmer de manière
indépendante que des dispositifs explosifs aquatiques improvisés ont été acheminés
au Yémen après la mise en place de l’embargo ciblé sur les armes le 14 avril 2015
(voir résolution 2216 (2015), par. 14) et poursuit ses enquêtes.
E. Mines marines
110. Le Groupe d’experts a recensé de nouveaux cas d’utilisation de mines marines
en 2017. On en trouvera à l’annexe 40 du présent rapport un récapitulatif
chronologique.
1. Mines marines « de fond » fabriquées en République islamique d’Iran
111. Les Émirats arabes unis ont signalé au Groupe d’experts la découverte d’au
moins trois mines marines dans le port de Moka 130 . La forme et la taille de ces
dernières (voir fig. XI) correspondent à celles d’un modèle de mine de fond de
fabrication iranienne (voir fig. XII) repéré pour la première fois lors d’une foire
d’armement organisée en Iran en octobre 2015.
__________________
130 Il en a été fait état pour la première fois au paragraphe 61 du bilan confidentiel à mi -parcours
présenté par le Groupe d’experts en 2017.
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Figure XI
Mine marine récupérée à Moka (2017)
Figure XII
Mine marine présentée à la foire d’armement
iranienne (2015)
112. Le Groupe d’experts a adressé par écrit à l’Iran une demande de clarifications
sur la classification et les modalités d’exportation du modèle de mine représenté sur
la figure XII, mais n’a pas encore reçu de réponse.
2. Utilisation de mines marines improvisées par l’alliance entre houthistes
et pro-Saleh
113. Le Groupe d’experts a enquêté sur les cas avérés d’utilisation de mines marines
improvisées 131 par l’alliance entre houthistes et pro-Saleh 132 . Une mine a été
recouvrée à Meïdi le 23 mars 2017 (voir fig. XIII) et deux autres, de conception
proche mais pas identique, près de l’île Thwaq133 (voir fig. XIV) aux environs du 27
mai 2017. La découverte de mines près de l’île Thwaq, qui est inhabitée, prouve que
les houthistes ont déployé des dispositifs de ce type dans la mer Rouge. Puisqu ’une
douzaine de mines improvisées ont été repérées dans un espace de stockage situé sur
une partie de côte contrôlée par les houthistes, en novembre 2016 134 , il est très
probable que plus de trois mines improvisées aient été déployées et fassent peser un
risque sur les voies de communication maritimes de la mer Rouge. Ces mines
représenteront un danger jusqu’au terme de la durée de vie de leur source
d’alimentation, qui varie en fonction du type de pile AA utilisé mais pourrait être de
6 à 10 ans.
__________________
131 Information communiquée dans une lettre datée du 13 septembre 2017 adressée au Comité.
132 Il en a été fait état initialement aux paragraphes 63 et 64 du bilan confidentiel à mi -parcours
présenté par le Groupe d’experts en 2017.
133 Coordonnées : 16° 18’ 42.61" N, 42° 41’ 10.77" E.
134 Source confidentielle.
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Figure XIII
Mine marine improvisée recouvrée
près de Meïdi (23 mars 2017)a
Figure XIV
Mines marines improvisées recouvrées dans les eaux de l’île
Thwaq (mai 2017)a
a Voir www.youtube.com/watch?v=
6H04M4Vpif8&feature=youtu.be
a Photographie communiquée par un État Membre et confirmée
par le Groupe d’experts.
Le Groupe d’experts n’utilise généralement pas d’informations ayant pour source unique un réseau social ; il a toutefois choisi
de présenter cette image, dans la mesure où elle correspond pratiquement en tous points aux déclarations d ’un témoin oculaire
dont l’identité reste confidentielle.
114. Ces mines devaient fonctionner comme des mines à orin mais, en raison de
problèmes de conception, elles ne s’amarrent pas comme elles le devraient ou peuvent
se détacher de leur point de fixation. Les mines récupérées près de l’île Thwaq
administrent la preuve que certaines sont d’ores et déjà des mines dérivantes. On
trouvera à l’annexe 41 une analyse technique de ces dispositifs et des risques qu’ils
présentent.
F. Missiles antichar guidés
115. Dans son rapport daté du 31 janvier 2017135, le Groupe d’experts a fait état de
la saisie et de l’utilisation sur le terrain de missiles antichars guidés aux
caractéristiques extrêmement proches de celles du missile Dehlaviyeh, de fabrication
iranienne. Le Groupe d’experts ne disposait pas alors d’informations émanant de
sources librement accessibles, permettant de confirmer qu’il s’agissait effectivement
de missiles de ce type.
116. Le Groupe d’experts a pu comparer le marquage et les caractéristiques de
conception des missiles 9M133 Kornet et Dehlaviyeh saisis par le vaisseau français
La Provence le 20 mars 2016136 . Ses observations, qui figurent à l’annexe 42 du
présent rapport, constitueront des éléments de référence par excellence 137 pour de
futurs travaux d’enquête et d’identification.
G. Marché noir
1. Munitions d’armes légères
117. Le Groupe d’experts a continué de suivre le cours des munitions d’armes légères
sur le marché noir. Si les prix ont commencé à augmenter (+20 % en 2017), comme
on le voit à l’annexe 43, celui d’une cartouche de calibre 7,62 mm x 39 mm, par
exemple, est toujours largement inférieur sur le marché d’Aden (0,94 dollars des
États-Unis) à son niveau d’avant le conflit. Il en ressort clairement que toutes les
__________________
135 S/2017/81 par. 76 et 77 et annexe 37.
136 Voir S/2017/924, annexe 7.2.
137 Voir également https://www.ihs.com/products/janes-weapons-ammunition.html.
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parties au conflit peuvent se procurer facilement des munitions d ’armes légères sans
avoir besoin, pour l’heure, de recourir à des sources extérieures de ravitaillement.
2. Certificats d’utilisateur final douteux
118. Le Groupe d’experts s’est procuré 138 des copies d’un certain nombre de
certificats d’utilisateur final émis par les autorités de l’alliance houthistes et pro-Saleh
en vue de faciliter l’acquisition d’armes et de munitions en provenance des pays
suivants : Bulgarie, Chine, Philippines, République islamique d’Iran, Serbie et
Slovaquie (voir annexe 44). Le Groupe a contacté ces États Membres ; la Bulgarie, la
Chine, les Philippines et la Slovaquie ont confirmé que ces certificats d’utilisateur
final ne leur avaient pas été présentés dans le cadre de contrats d’acquisition d’armes.
119. Au regard de son dossier d’immatriculation, l’entreprise autorisée à négocier les
contrats d’armement précités, Al Fosal Trading (connue également sous le nom de
« Fusal ») est dirigée par Adeeb Fares Mohamed Mana’a, fils de Fares Mohammed
Hassan Mana’a (SOi.008), un trafiquant d’armes connu désigné sur la Liste relative
aux sanctions139. Fares Mana’a occupe actuellement un poste de ministre d’état auprès
du gouvernement basé à Sanaa140.
120. Les certificats en question sont datés du 6 juillet 2015, soit trois mois après la
prise de Sanaa par l’alliance entre houthistes et pro-Saleh. Comme indiqué par le
Groupe d’experts dans son rapport daté du 31 janvier 2017, l’alliance détenait alors
jusqu’à 68 % des stocks d’armes nationaux141. Il est donc peu probable qu’elle ait eu
besoin de chercher des moyens de se procurer des armes légères ou de petit calibre et
les munitions correspondantes visées par les certificats. En revanche, il est fort
possible que Fares Mohammed Hassan Mana’a ait saisi l’occasion de faire jouer ses
contacts dans l’administration nouvellement mise en place par l’alliance, en vue
d’obtenir les documents qui lui permettraient d’acquérir des armes à revendre au
niveau régional.
121. Comme précédemment indiqué par le Groupe d’experts142, Fares Mana’a comme
Adeeb Mana’a ont été impliqués dans une autre affaire de trafic d’armes au niveau
régional entre 2013 et 2015. Étant donné le rôle de Fares Mohammed Hassan Mana’a
dans l’entreprise autorisée à négocier les contrats et ses liens connus avec les
houthistes, toute transaction régionale pour laquelle ces certificats d ’utilisateurs finals
seraient utilisés bénéficierait financièrement à des individ us visés par des sanctions
et s’inscrirait en violation du paragraphe 14 de la résolution 2216 (2015).
H. Accroître l’efficacité de l’embargo ciblé sur les armes
122. L’utilisation par les houthistes de technologies complexes telles que celle de la
variante à portée allongée des missiles balistiques à courte portée démontre que des
envois bien préparés d’armes non explosives et de matériel connexe peuvent déjouer
les mesures imposées en matière d’inspection et d’application de l’embargo ciblé143.
Seuls le Gouvernement yéménite et la coalition dirigée par l’Arabie saoudite sont en
__________________
138 Source confidentielle.
139 Inscrit sur la liste le 12 avril 2010 en application des dispositions du paragraphe 8 de la résolution
1844 (2008) par le Comité du Conseil de sécurité, comme suite aux résolutions 751 (1992) et
1907 (2009) sur la Somalie et l’Érythrée.
140 Nommé le 28 novembre 2015.
141 Voir S/2017/81, par. 78 et annexe 39.
142 Ibid., par. 80 et annexe 41.
143 Comme le Groupe d’experts l’a noté dans son bilan confidentiel à mi-parcours, la coalition a saisi
à Mareb, en 2016, des composants de véhicules aériens téléguidés militaires utilisés par les forces
houthistes et pro-Saleh, ce qui tend à confirmer la vulnérabilité du système en place.
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mesure d’améliorer les mesures d’interdiction, de sorte qu’elles couvrent l’itinéraire
terrestre au départ de Mahra.
123. Le Groupe d’experts a examiné les moyens d’accroître le taux d’inspections
réalisées dans le cadre du mécanisme de vérification et d’inspection des Nations
Unies, en vue de renforcer la confiance que prête la coalition à ce dispositif. Une
présence permanente du personnel du mécanisme de vérification et d’inspection des
Nations Unies au port d’Hodeïda permettrait : a) d’assurer à la coalition que le
passage de chargements illégaux serait plus difficile ; b) de décourager, le cas échéant,
toute tentative de trafic illicite. Le déploiement d’un navire d’appui à l’entrée du port
d’Hodeïda, sous les auspices des Nations Unies, permettrait de contourner les
difficultés posées par une présence côtière permanente. Ce navire devrait être équipé
de systèmes de surveillance et d’armes propres à garantir sa sécurité et devrait pouvoir
déposer les inspecteurs du mécanisme à quai, selon que de besoin. À terre, des
éléments armés de la marine de guerre ou du vaisseau hôte pourraient assurer aux
inspecteurs une protection rapprochée, et la sûreté portuaire serait confiée à des
entreprises privées agréées par l’administration houthiste dans le cadre d’un
mémorandum d’accord. Ces dispositions réduiraient considérablement les risques que
courent les inspecteurs et élimineraient les contraintes de logistique et de sécurité
liées à une présence côtière permanente, tout en assurant une présence neutre
d’inspection et de surveillance lors du déchargement des vaisseaux commerciaux. Le
navire pourrait également servir de centre de formation pour le renforcement des
capacités d’une équipe neutre de garde-côtes yéménites composée de membres des
deux parties.
V. Contexte économique et aperçu de la situation financière
124. En application de son mandat, le Groupe d’experts a examiné le contexte
économique dans lequel les personnes désignées au titre des résolutions 2140 (2014)
et 2216 (2015), ainsi que leurs réseaux, ont continué de mener des opérations en
violation des sanctions qui leur ont été imposées. Il s’est intéressé, en particulier, aux
flux financiers, aux transferts de richesses et à la mise en place de nouvelles sociétés
écran pour financer des opérations militaires compromettant la paix, la sécurité ou la
stabilité du Yémen.
125. Le Groupe d’experts constate qu’en 2017 le Gouvernement légitime, les
autorités locales, l’alliance entre houthistes et pro-Saleh et d’autres milices ont
continué de percevoir des recettes « publiques » dans leurs zones respectives, en
échange d’une offre limitée de services publics. Par leurs agissements, ils ont sapé les
fondements de l’économie formelle et créé un problème de liquidité, augmentant la
probabilité de voir s’effondrer le système financier et bancaire yéménite. Ils ont ainsi
créé des conditions propices au blanchiment d’argent, qui constitue un obstacle
supplémentaire à un relèvement et à une transition politique pacifiques. En raison du
conflit qui perdure, on assiste au Yémen à l’émergence de nouveaux profiteurs de
guerre, qui prennent peu à peu la place des entreprises locales basées de longue date
à Sanaa et Taëz. Cela ne manquera pas de faire apparaître de nouvelles difficultés
ainsi que de nouveaux fauteurs de troubles.
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A. Mainmise des houthistes et de leurs affiliés sur les ressources
économiques de l’État
1. Recettes puisées par les houthistes dans les avoirs publics
126. Dans les zones qu’ils tiennent, les houthistes continuent d’exercer un contrôle
direct sur la majeure partie de l’économie nationale par l’intermédiaire des ministres
et des responsables qui leur sont affiliés ou des députés et comités révolutionnaires
qui font office de superviseurs au sein de leurs structures.
127. Le Groupe d’experts a examiné les recettes non fiscales du dernier budget de
l’État disponible (2011) afin de déterminer la valeur des fonds que pourraient
potentiellement exploiter les houthistes. Ces recettes avoisinent les 2 818 milliards de
rials (11,3 milliards de dollars)144, dont 407 milliards (soit 1,62 milliard de dollars)
au minimum pourraient être à leur disposition (voir annexe 45).
128. Les sociétés de télécommunications sont la principale source de revenus des
houthistes à Sanaa145. Le 21 août 2017, le Ministre des télécommunications basé à
Sanaa, Julaidan Mahmood Julaidan146, affilié au Congrès populaire général, a indiqué
lors d’une conférence de presse que, depuis qu’il avait pris ses fonctions au ministère
le 1er décembre 2016, c’est-à-dire il y avait 20 mois, les sociétés de téléphonie mobile
avaient transféré 98 milliards de rials (264,8 millions de dollars) aux houthistes 147.
Cette somme, que les houthistes ne contestent pas, équivaut à 159 millions de dollars
par an.
129. La vente de tabac est la deuxième grande source de revenus pour les houthistes.
Kamaran Industry and Investment a par exemple déclaré que sa facture fiscale et de
droits de douane s’élevait à 23,9 milliards de rials (64,7 millions de dollars)148. Celle
des deux autres producteurs de tabac se chiffrerait, selon le Groupe d’experts, à un
montant équivalent149.
130. Afin d’accroître leurs recettes douanières, les houthistes ont commencé à
imposer des droits de douane supplémentaires sur les produits de base importés
transitant par les zones contrôlées par le Gouvernement légitime (voir annexe 46).
131. Le 28 mai 2016, Mohamed Ali Al-Houthi a nommé Yahya Mohamed Abdullah
al-Osta responsable par intérim de la direction des douanes du Yémen, basée à
Sanaa150. Depuis, il a supervisé la mise en place de mécanismes illégaux permettant
__________________
144 Depuis le 15 août 2017, le taux officiel est fixé par la Banque centrale du Yémen à 1 dollar
pour 250 rials yéménites à Sanaa et le taux fluctuant à environ 1 dollar pour 370 rials, le taux
du marché à cette date. Ce taux n’a cessé d’augmenter depuis lors et a atteint, le
31 décembre 2017, 400 rials pour 1 dollar. Lorsqu’il a examiné la situation économique à Sanaa,
le Groupe d’experts s’est basé sur le taux officiel de 250 rials pour 1 dollar ou le taux du marché
de 370 rials pour 1 dollar, en arrondissant les chiffres au cent mille le plus proche.
145 Quatre sociétés de télécommunications sont en service au Yémen, à savoir : a) mobile (publique) ;
b) Y Telecom (contrôlée par l’État) ; c) Sabafon (rattachée à Hamed Al Ahmar) et d) MTN
(qui, de notoriété publique, est rattachée à Shaher Abdulhaq, bien que le Groupe d’experts ait
appris qu’il a probablement transféré ses parts à MTN Afrique du Sud en échange d’actions
dans cette société.
146 Il aurait été tué par les houthistes après le 4 décembre 2017.
147 Al-Yemen Alyoum, chaîne de télévision affiliée au Congrès populaire général, 21 août 2017
(voir https://www.youtube.com/watch?v=RlsXBlGWvhk).
148 Voir http://www.kamaran.com/english/research_and_development.php.
149 Trois sociétés associées à des marques telles que Pall Mall et Rothmans ont la mainmise
sur la vente de tabac au Yémen. Kamaran United Industries Company, qui appartient à HSA
Group, est l’une d’entre elles. Pour chaque paquet vendu, l’État perçoit 90 % du prix de vente,
en plus de 18 rials couvrant des frais divers.
150 Mohamed Abdullah al-Osta était un employé de rang intermédiaire qui exerçait les fonctions |
de conseiller juridique au Ministère des finances.
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de percevoir des droits de douane à l’intention d’entités et d’individus agissant pour
le compte et sous le contrôle d’Abdulmalik Al-Houthi.
132. Le 4 avril 2017, le Ministère des finances, basé à Sanaa, a installé de nouveaux
postes de douane permanents aux points de contrôle d’Amran et de Dhamar151 afin
d’exploiter la circulation routière, qui s’est densifiée en raison d’une baisse de la
circulation via la route portuaire de Hodeïda.
2. Carburant issu du marché noir
133. Le Groupe d’experts constate que la distribution de carburant et de produits
pétroliers reste l’une des principales sources de revenu des houthistes. Le 28 juin
2015, les houthistes ont mis fin au monopole que détenait la Yemen Petroleum
Company sur l’importation et la distribution des produits pétroliers152. Ils ont organisé
un appel d’offres privé aux fins de la distribution, qui leur permet de contrôler à
présent le secteur en faisant appel, pour l’essentiel, à des distributeurs du marché noir
qui leur sont affiliés.
134. Il ressort des données dont disposait le Groupe d’experts entre mai 2016 et juillet
2017, lorsque le taux de change officiel était de 250 rials pour 1 dollar, que les recettes
réalisées par les houthistes grâce à la vente, sur le marché noir, de produits pétroliers
depuis les ports de Hodeïda et de Ras Issa sur la Mer-Rouge153 pourraient s’élever à
318 milliards de rials (1,27 milliard de dollars)154 (voir annexe 47)155.
135. Le Groupe d’experts a noté qu’à ce jour 61 entreprises ont sollicité, via le
mécanisme de vérification et d’inspection des Nations Unies, une autorisation
d’entrée pour 234 navires-citernes156 ; 173 d’entre eux ont reçu l’autorisation de livrer
du carburant157. On trouvera la liste des réceptionnaires à l’annexe confidentielle 48.
Le Groupe d’experts a observé que seules 11 entreprises avaient continué d’importer
du carburant au Yémen entre 2016 et 2017, tandis que 12 entreprises auraient cessé
de le faire après le 1er mars 2017 et que 11 nouvelles entreprises ont fait surface depuis
cette date. Il en ressort que les houthistes ont mis en place une stratégie visant à
contrôler les importations de pétrole, comme en attestent les éléments ci-après :
a) Seul Alhutheily Group, qui opérait déjà dans l’industrie pétrolière, a
maintenu le niveau de ses activités (voir la figure XV, axe des destinataires no 22 ; on
trouvera de plus amples informations à ce sujet à l’annexe 48, appendice 2)158 ;
b) La compagnie maritime Al Falak – à laquelle faisaient appel les frères
Tawfiq Mathar – qui, à l’époque Saleh, importait du carburant au Yémen à l’intention
__________________
151 Décision 138 de 2017 (voir http://customs.gov.ye/news_show_ar.php?id=132).
152 Les revenus liés à la distribution de carburant au Yémen ont toujours inclus les recettes générées
par la contrebande dans la région. Au Yémen, le carburant n’était pas imposé mais subventionné,
arbitrage qui faisait de la contrebande de carburant dans la Corne de l’Afrique une opération
rentable. Les houthistes ont pris Sanaa en prétextant qu’ils allaient supprimer les subventions aux
combustibles imposées par le Gouvernement de l’ancien Premier Ministre Mohammed Basindawa.
À l’heure actuelle, l’importation de carburant n’est ni imposée ni subventionnée.
153 Fermés depuis juin 2017.
154 Taux, fixé par la Banque centrale de Yémen, de 1 dollar pour 250 rials.
155 Données recueillies sur la base : a) des registres du mécanisme de vérification et d’inspection
des Nations Unies sur le carburant livré depuis mai 2016 ; b) de la valeur marchande associée,
au Yémen, à la livraison, au transport et au stockage de carburant et c) d’autres taxes
dont la valeur a été confirmée auprès de commerçants et de sources au Yémen.
156 Voir https://www.vimye.org/docs/GoY Announcement of UNVIM Launch.pdf.
157 Au 30 novembre 2017, 2 358 953 tonnes de produits pétroliers avaient été livrées.
158 ATICO Trading and Company, enregistré au Yémen, est un exploitant de longue date
dans le secteur pétrolier (voir http://www.alhutheily.com/index.php/contact).
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de la Yemen Petroleum Company, a cessé d’utiliser les ports yéménites situés le long
de la Mer-Rouge.
c) Tous les importateurs de pétrole qui exercent actuellement des activités
sont affiliés aux houthistes.
Figure XV
Changements de réceptionnaires de carburant entre 2016 et 2017
136. Le Groupe d’experts continue de surveiller la situation afin de déterminer si la
perte d’espace qui touche les hommes d’affaires de l’ère pré-houthiste est une
conséquence du conflit ou si elle résulte d’une volonté de remplacer ces opérateurs
par ceux que les Yéménites appellent les hommes d’affaires de la « génération 2017 »
(en référence aux partenaires commerciaux des houthistes au Yémen). Le Groupe
d’experts enquête sur le changement de propriété effective du Vulcan Group, qui était
le plus gros fournisseur du Ministère yéménite de la défense à l’époque de Saleh159.
3. Risque de pillage et de trafic d’antiquités et de biens culturels
137. Le Groupe d’experts a examiné les risques de contrebande d’antiquités et de
biens culturels provenant de zones de conflit au Yémen aux fins de leur revente à
l’étranger (voir annexe 49).
138. Bien que toujours en cours, la procédure relative à la saisie en Suisse, entre 2009
et 2010, d’objets provenant du Qatar et des Émirats arabes unis160 pourrait aider le
Groupe d’experts à répertorier les méthodes et les réseaux de contrebande. M ême si
ces objets sont sortis du Yémen avant l’adoption de sanctions, le Groupe enquête sur
cette affaire puisque, durant la présidence de Saleh, ils ont été exportés illégalement,
en violation de la loi yéménite sur les antiquités no 21/1994161 , l’enquête pourrait
permettre aussi de retrouver la trace d’autres biens appartenant à la famille Saleh. On
estime la valeur marchande des objets à plus de 1,5 million de dollars.
139. Étant donné qu’il n’existe aucun répertoire officiel du patrimoine culturel
yéménite, il est très difficile d’établir quelles antiquités exportées et vendues à
__________________
159 Voir http://vulcanyemen.com/. Le Groupe d’experts détient des éléments qui prouvent
que le propriétaire, Khalid Ahmed Alradi, était partie prenante à des contrats antérieurs.
Il a été tué par les houthistes, le 26 août 2017, parce que partisan de Saleh.
160 Voir http://ge.ch/justice/vestiges-archeologiques-le-ministere-public-confis…-
de-palmyre-en-syrie-du-ye.
161 Modifiée par la loi no 8/1997 du 17 février 1997.
Avant le 1er mars 2017
Après le 1er mars 2017
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l’étranger à des fins lucratives ont été interceptées. Le Groupe d ’experts a vu sur les
sites de médias officiels appartenant à des groupes à Lahj, Sanaa et Taëz des images
montrant des objets de grande valeur abandonnés faute de mécanismes de protection.
À ce propos, la chaîne de télévision al Masirah a récemment montré des images du
domicile de Tawfiq Saleh Abdulla Saleh, l’ancien président de Kamaran Industry and
Investment 162.
B. Problèmes liés à la masse monétaire
1. Liquidité du marché yéménite et de la Banque centrale du Yémen
140. Dans la partie du territoire contrôlée par les houthistes, une structure financière
organisée autour d’une banque centrale et comportant des banques privées et des
institutions financières est toujours en service163.
141. En 2017, le Gouvernement légitime a réussi à imprimer 600 milliards de rials
(1,6 milliard de dollars)164, aux fins suivantes : a) constituer une réserve pour relancer
le versement des salaires ; b) améliorer la circulation d’argent liquide sur l’ensemble
du territoire, la masse monétaire M1165 étant épuisée ; et c) remplacer les billets de
banque abîmés. Aucun de ces objectifs n’a été atteint à ce jour166.
142. Les houthistes ont essayé de régler le problème de liquidités par divers moyens,
qui ont tous échoué jusqu’à présent. Il s’agit notamment de ce qui suit :
a) Le détournement d’un système de bons d’alimentation par un dénommé
« Abu Nabil al-Qaramani », qui agit avec l’aval des houthistes et pour leur profit
financier (voir annexe 52).
b) Une tentative d’utiliser des billets à ordre de 5 000 rials imprimés hors du
Yémen a été déjouée le 25 mai 2017 lors de la perquisition d ’un camion transportant
des billets à ordre d’une valeur de 35 milliards de rials (140 millions de dollars) dans
la région de Jaouf, contrôlée par le Gouvernement. Ces titres n’ont pas été utilisés
jusqu’à présent dans le cadre de transactions (voir annexe 53).
143. Le Groupe d’experts a demandé que l’on procède à l’analyse scientifique d’un
billet à ordre de 5 000 rials yéménites de sorte que l’identité des auteurs de la
contrefaçon, ainsi que des entités et personnes extérieures qui les aident puisse être
établie.
144. Le Groupe d’experts a noté que, le 20 novembre 2017, le Bureau du contrôle
des avoirs étrangers relevant du Département du trésor des États-Unis a accusé un
réseau iranien et ForEnt Technik GmbH167, une entreprise iranienne basée à Francfort,
__________________
162 Voir http://www.yafa-news.net/archives/263955 et
http://almasirah.net/gallery/preview.php?file_id=10481#.Wiifxroebms.wha… (minute 15,36).
163 Les 18 banques autorisées à mener leurs activités au Yémen ont leur siège à Sanaa, à l’exception
de la Banque nationale du Yémen, connue sous le nom d’Al Ahli Bank, dont le siège est à Aden
(voir annexe 50).
164 L’impression a été assurée par la société de capitaux GOZNAK (voir http://goznak.ru/en/).
165 M1 est un indicateur qui permet de mesurer les composantes les plus liquides de la masse
monétaire. Il recouvre les liquidités et les éléments d’actif pouvant être rapidement convertis
en monnaie.
166 D’après un rapport publié en 2014 par la Banque centrale du Yémen, la masse monétaire M0
du pays est estimée à 1 129,5 milliards de rials. Au dire d’un responsable de la banque, cela
pourrait représenter 50 % de la masse monétaire M1 (information communiquée au Groupe
d’experts lors de sa réunion à Riyad, en juin 2017). Les billets de banque datant de plus de six ans
risquent d’être déchirés et impropres à toute transaction. On trouvera à l’annexe 51
des informations relatives à l’impression annuelle des billets de banque.
167 Voir http://forent-tech.com/index.html.
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d’avoir joué un rôle dans l’impression des billets de banque yéménites contrefaits
évoqués plus haut168. Le Groupe d’experts continue d’enquêter sur cette affaire.
2. Trafic transfrontalier de fonds et d’or
145. Le Groupe d’experts a enquêté sur trois cas de trafic d’actifs financiers au profit
de l’alliance entre les houthistes et les pro-Saleh agissant pour le compte d’individus
inscrits sur la Liste (voir tableau 2).
Tableau 2
Saisies d’actifs financiers à Mahra (2017)
(Les valeurs sont indiquées en millions de dollars des États-Unis)
Date Lieu Itinéraire Trafiquants Objet saisi Valeur
9 mai Shehen, Mahra Du Yémen aux Émirats
arabes unis
Yéménites Billets de banque
7 lingots d’or
3,42169
17 juillet Shehen, Mahra Du Yémen aux Émirats
arabes unis
Yéménites vivant aux
Émirats arabes unis
7 174 700 rials saoudiens 1,91
27 juillet Shehen, Mahra Du Yémen aux Émirats
arabes unis
Citoyens des Émirats
arabes unis
700 000 rials saoudiens
42 lingots d’or
0,19
146. Ces exemples permettent de mesurer l’étendue des activités de contrebande dans
la province de Mahra (voir annexe 54).
C. Répercussions financières du conflit sur l’importation
de denrées alimentaires
147. Les restrictions à l’importation imposées par les parties au conflit ont fait peser
sur les importateurs des coûts financiers supplémentaires non négligeables. De
nombreux fournisseurs et transporteurs ne sont plus disposés à prendre le risque de
conclure des transactions avec des importateurs yéménites.
1. Problèmes de change concernant les devises fortes
148. Le principal problème qui se pose tient au fait que les devises fortes sont à
présent principalement échangées via les circuits de l’économie souterraine, avec tous
les risques de corruption et de blanchiment d’argent que cela comporte. En outre, les
transferts de devises réalisés depuis l’étranger par les travailleurs yéménites et la
diaspora s’effectuaient, pour l’essentiel, en riyals saoudiens. Avant le conflit, tous les
rials saoudiens excédentaires accumulés par les banques et les bureaux de change
yéménites étaient transférés par avion au Bahreïn, où ils étaient échangés contre des
dollars des États-Unis et convertis en lettres de crédit.
2. Problèmes liés à l’importation de biens
149. La situation au Yémen aurait été bien pire si les perspectives en matière de
commerce international des produits alimentaires n’avaient pas été favorables aux
importateurs. Le coût actuel des denrées alimentaires et les frais d ’expédition restent
relativement bas si on les compare à ceux pratiqués avant le conflit (voir l ’exemple
donné dans le tableau 3), bien que s’y ajoutent des frais de transport supplémentaires
__________________
168 Voir https://www.treasury.gov/press-center/press-releases/Pages/sm0219.aspx.
169 Lorsque des informations manquent ou n’ont pas été vérifiées par le Groupe d’experts, il a été
décidé de laisser les champs concernés libres dans les tableaux plutôt que d’y faire figurer
des mentions telles que « inconnu » ou « à confirmer ».
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lors du passage par les ports yéménites, dernière étape du voyage, en raison des retards
en mer et des surestaries dans les ports170.
Tableau 3
Prix du blé (no 1, blé dur rouge d’hiver) (2012-2017)
(Dollars É.-U./tonne)
a Source : Département de l’agriculture des États-Unis, nouvelles concernant le marché (voir
http://www.indexmundi.com/commodities/?commodity=wheat&months=60).
150. Les retards, les détournements et les saisies de cargaisons auxquels procède la
coalition menée par l’Arabie saoudite lors de ses inspections sur les navires
commerciaux, ont fait subir aux propriétaires de ces navires et aux commerçants
d’importantes pertes financières. Ces retards, qui peuvent coûter aux propriétaires et
aux chargeurs jusqu’à 30 000 dollars par jour, ont progressivement miné leur
crédibilité auprès de leurs partenaires commerciaux internationaux (fournisseurs,
assureurs et transporteurs). On trouvera à l’annexe confidentielle 55 de plus amples
informations sur l’étude de cas relative à la confiscation, le 4 avril 2017, du navire
marchand Androussa, un bateau-citerne battant pavillon libérien qui se dirigeait vers
Ras Issa. Le 25 décembre 2017, le Groupe d’experts s’est rendu à Yanbo pour
inspecter ce navire, accompagné de représentants de l’État saoudien. Des conduits en
acier leur ont été montrés à proximité d’un atelier qui semblait suspect aux
représentants mais qui, selon le Groupe d’experts, était certainement destiné à assurer
l’entretien du navire. L’Arabie saoudite n’a pas encore soumis un rapport d’inspection
qui, en vertu du paragraphe 17 de la résolution 2216 (2015), doit être communiqué
dans un délai de 30 jours171. Cette affaire témoigne des pertes subies par les négociants
et les sociétés de transports maritimes qui mènent des activités au Yémen 172 . Un
__________________
170 Ministère houthiste des transports et du commerce (voir
http://www.moit.gov.ye/moit/sites/default/files/%20%D8%A7%D9%84%D8%AB%D…%
84%D8%AB%D9%85%D9%86%D8%A3%D9%83%D8%AA%D9%88%D8%A8%D8%B1.pdf).
171 Le 12 mai 2017, le mécanisme de vérification et d’inspection des Nations Unies a présenté
un rapport de suivi sur l’inspection menée à Djedda entre le 8 et le 16 avril 2017
et sur les inspections qui ont ensuite été effectuées dans le port de Yanbo entre le 17 avril et
le 11 mai 2017. Les auteurs du rapport ont conclu qu’aucun article interdit n’avait été trouvé
à bord du navire, mais que l’équipe d’inspection avait découvert une série d’incohérences,
d’irrégularités et de fausses déclarations, ainsi que des traces d’explosifs brisants
dans les ballasts 3, 4 et 6.
172 Le navire-citerne et sa cargaison de 41 500 tonnes de gazole, d’une valeur de plus de 23 millions
de dollars, ont été officiellement confisqués le 14 septembre 2017
(voir https://www.uqn.gov.sa/articles/1507838892820964500/).
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commerçant a vu trois de ses livraisons de marchandises annulées pour le restant de
2017 en raison des risques posés par le conflit (figure XVI).
Figure XVI
Extrait d’une lettre d’annulation reçue par un importateur
a Source confidentielle : importateur
VI. Gel des avoirs
151. Conformément au mandat établi au paragraphe 11 et à l’alinéa b) du
paragraphe 21 de la résolution 2140 (2014) et prorogé au paragraphe 5 de la résolution
2342 (2017), le Groupe d’experts a continué de réunir, d’examiner et d’analyser toutes
les informations concernant l’application par les États Membres des mesures relatives
au gel des avoirs. Il a continué de s’intéresser aux cinq personnes inscrites sur la Liste
et de chercher à identifier les autres personnes ou entités pouvant agir pour leur
compte ou sur leurs ordres, ainsi que les entités en leur possession ou sous leur
contrôle, et à enquêter sur celles-ci.
152. Depuis le décès d’Ali Abdullah Saleh, les fonds laissés par lui en héritage ne
sont plus du ressort du Groupe d’experts, à moins : a) qu’ils soient mis à la disposition
d’Ahmed Ali Abdullah Saleh ou de tout autre individu agissant pour son compte, y
compris Khaled Ali Abdullah Saleh ou b) que les combattants houthistes, agissant
pour le compte des trois houthistes inscrits sur la Liste, saisissent les avoirs de Saleh.
Le Groupe d’experts a adressé des lettres aux autorités yéménites et à Ahmed Ali
Abdullah Saleh, leur demandant de fournir des documents officiels attestant de la
mort d’Ali Abdullah Saleh, afin que le Comité puisse mettre à jour la Liste. Le Groupe
d’experts a rencontré Ahmed Ali Abdullah Saleh à Abou Dhabi le 27 décembre 2017.
Celui-ci a déclaré qu’il n’avait pas encore reçu d’informations dignes de foi quant à
l’endroit où son père était enterré, que des membres de sa famille étaient toujours
détenus par les houthistes au Yémen et que certains avaient été dépouillés par ce
groupe. Il s’est plaint de son inscription sur la Liste, qu’il considère comme injuste
dans la mesure où il estime n’avoir jamais participé à un acte qui menaçait la paix, la
sécurité ou la stabilité du Yémen.
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153. Le tableau ci-après présente les montants estimatifs des avoirs détenus par les
membres de la famille Saleh inscrits sur la Liste et par les entités agissant pour leur
compte dont le Groupe d’experts a pu retrouver la trace.
Tableau 4
Montant estimatif des actifs appartenant à la famille Saleh répondant
aux critères influençant la décision de geler les avoirsa
(En millions de dollars des États-Unis)
Pays
Montants
décelés Montants gelés Statut Observations
France 11 350 000 À confirmer 2 appartements appartenant à Ahmed Ali
Abdullah Saleh
Malaisie 780 000 Gelés Détenus par Ahmed Ali Abdullah Saleh
(solde en 2016)
Pays-Bas À confirmer Gelés Agissant pour le compte d’Ahmed Ali
Abdullah Saleh
(l’actif se trouve en France)
Oman 25 818 000 Gelés Transférés par Ahmed Ali Abdullah Saleh
depuis un compte au Yémen en 2012
Singapour 460 000 Titres détenus par Ahmed Ali Abdullah Saleh
Suisse 4 431 000 Gelés Détenus par Ali Abdullah Saleh
Émirats arabes
unis
166 000 Gelés Détenus par Ahmed Ali Abdullah Saleh
Émirats arabes
unis
55 000 000 À confirmer Détenus par Ali Abdullah Saleh et transférés
en juin 2011
Émirats arabes
unis
51 720 000 À confirmer Transférés en 2014 par Trice Bloom Ltd.
et Towkay Ltd. depuis Bank of New York
Mellon Corporation par un virement initial
de 71 493 448
Émirats arabes
unis
33 472 000 Transférés par PACT Trust, Ali Abdullah Saleh
(octobre 2014)
Émirats arabes
unis
58 140 000 Transférés par Wildhorse Investments,
Ali Abdullah Saleh (octobre 2014)
Émirats arabes
unis
3 024 000 Transférés par Ansan Wikfs Investments
Limited, une entreprise appartenant
à Shaher Abdulhak
Valeur totale des avoirs se trouvant
aux Émirats arabes unis :
198 332 000
Royaume-Uni 3 700 000 Gelés Détenus par Ahmed Ali Abdullah Saleh. Le
Groupe d’experts a eu accès à cette
information via le Forum de la société civile
pour le recouvrement des avoirs, notifié par
les autorités du Royaume-Unia. Ces avoirs ont
été placés dans une banque enregistrée au
Royaume-Uni, mais sur un compte situé dans
un autre pays européen.
États-Unis
d’Amérique
90 000 000b À déterminer Transférés entre août 2013 et décembre 2014 à
des banques aux Émirats arabes unis depuis ou
via des banques aux États-Unis pour le compte
de Khaled Ali Abdullah Saleh
Sous-totaux 191 036 000 35 355 000
Total général 226 391 000
a Fonds gérés par Khaled Ali Abdullah Saleh.
b Une partie de cette somme a été placée dans des fonds aux Émirats arabes unis. Une fois les coordonnées
bancaires confirmées, les États-Unis et les Émirats arabes unis pourront procéder au rapprochement des fonds.
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154. Le Groupe d’experts enquête sur les avoirs que les houthistes ont saisis pour
leur propre compte. Le 23 décembre 2017, le « comité pour la localisation et la saisie
d’avoirs détenus par des traîtres » a donné à la Banque centrale du Yémen l’ordre de
saisir l’ensemble des comptes bancaires appartenant à 1 223 individus (voir
annexe 56).
155. Le Groupe d’experts a communiqué à cinq États Membres des informations sur
les comptes bancaires et les transferts de comptes liés à des personnes inscrites sur la
Liste et attend leur réponse. Le manque d’informations concernant les avoirs qui ont
déjà été gelés l’empêche de retrouver la trace d’autres actifs financiers de cet ordre.
En 2017, aucune information relative au gel d’avoirs n’avait été communiquée au
Comité ou au Groupe d’experts. Cette même année, le Comité a reçu notification
d’une intention de débloquer des avoirs.
Khaled Ali Abdullah Saleh
156. Dans son rapport daté du 31 janvier 2017173, le Groupe d’experts a établi que
Khaled Ali Abdullah Saleh174 était un bailleur de fonds agissant pour le compte ou sur
ordre de son père, Ali Abdullah Saleh, et de son frère, Ahmed Ali Abdullah Saleh. Le
Groupe d’experts enquête sur les fonds que Khaled Ali Abdullah Saleh pourrait mettre
à disposition de personnes inscrites sur la Liste en s’appuyant sur des virements et
des investissements d’une valeur de 20,9 millions de dollars réalisés par Raydan
Investments Limited aux Émirats arabes unis (voir annexe 57).
157. Le Groupe d’experts a reçu un relevé bancaire lié à une carte de crédit
(4XXXXXXXXXXX3455) appartenant à Khaled Ali Abdullah Saleh, qui était en
possession de deux passeports d’un État Membre. Les relevés bancaires permettent
de confirmer qu’il s’est rendu fin 2016 et début 2017 à Munich (Allemagne),
Budapest, Prague, Vienne et Zurich (Suisse). Le Groupe d’experts a noté qu’il a
sollicité les services de Keyana Management Consulting, basé à Munich 175 . Cette
carte avait également été reliée à un compte PayPal, qui lui aurait servi à acheter des
armes et des équipements spécialisés, proscrits au titre de l’embargo ciblé sur les
armes imposé au Yémen le 26 décembre 2016 (http://www.nashq.com/) et le
18 janvier 2017 (https://www.dmhq-shop.de/). Khaled Ali Abdullah Saleh continue
de gérer les avoirs de la famille Saleh en veillant à contourner les mesures de sanction
liées au gel des avoirs et à l’embargo ciblé sur les armes.
VII. Interdiction de voyager
158. En application du paragraphe 15 de la résolution 2140 (2014), le Groupe
d’experts poursuit ses activités de surveillance et d’enquête afin de déterminer si les
personnes désignées par le Comité et le Conseil de sécurité ont enfreint l’interdiction
de voyager. Aucune violation n’a été constatée.
VIII. Violations du droit international humanitaire
et du droit international des droits de l’homme
159. Au paragraphe 9 de sa résolution 2140 (2014), le Conseil de sécurité a exhorté
toutes les parties à s’acquitter des obligations que leur impose le droit international,
y compris le droit international humanitaire et le droit des droits de l ’homme
__________________
173 S/2017/81, sect. VI, par. 42-44.
174 Né le 2 août 1987.
175 Voir http://www.keyana-consulting.com/ : l’entreprise, basée à Munich, offre des services
d’investissements financiers.
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applicables. Aux paragraphes 17, 18 et 21 de cette résolution, ainsi qu’au
paragraphe 19 de sa résolution 2216 (2015), le Conseil a précisé en outre les
responsabilités du Groupe d’experts s’agissant des enquêtes sur les violations du droit
international humanitaire et du droit international des droits de l’homme, les
violations des droits de l’homme et en particulier les entraves à l’acheminement de
l’aide humanitaire.
A. Actes attribués à la coalition dirigée par l’Arabie saoudite
1. Frappes aériennes
160. Pendant la période considérée, le Groupe d’experts a enquêté sur 10 frappes
aériennes ayant fait 157 morts et 135 blessés dont au moins 85 étaient des enfants 176.
Ces frappes ont également détruit cinq bâtiments résidentiels, deux vaisseaux
commerciaux, un marché, un motel et un local des forces du Gouvernement yéménite
(voir tableau 5). On trouvera à l’annexe 58 des études de cas détaillées des quatre
premières frappes comprenant une évaluation du respect du droit international
humanitaire.
Tableau 5
Frappes aériennes (2017)
Appendice de
l’annexe 58 Date Lieu Faits et cible Type de munitions ou d’explosifs Victimes civiles
A 16 mars Mer Rouge Bateau de migrants Munitions d’armes légères 42 morts
34 blessés
B 25 août Sanaa Bâtiment résidentiel Bombe aérienne brisante 16 morts
17 blessés
C 2 septembre Hajja Bâtiment résidentiel Bombe aérienne brisante 3 morts
13 blessés
D 1er novembre Saada Marché de nuit Bombe aérienne brisante équipée
d’un système de guidage Paveway
31 morts
26 blessés
E 9 juin Sanaa Bâtiment résidentiel Bombe aérienne brisante Mark 82 ou
84 équipée d’un système de guidage
Paveway
4 morts
8 blessés
F 4 août Saada Bâtiment résidentiel Bombe aérienne brisante Mark 82 9 morts
3 blessés
G 23 août Arhab Motel Bombe aérienne brisante Mark 82
ou 84 équipée d’un système de guidage
Paveway
33 morts
25 blessés
H 16 septembre Mareb Véhicule Bombe aérienne brisante ou missile air-sol 12 morts
I 10 novembre Saada Bâtiment résidentiel Bombe aérienne brisante Mark 82
ou 84 équipée d’un système de guidage
Paveway
4 morts
4 blessés
J 14 novembre Taëz Forces
gouvernementales
Bombe aérienne brisante Mark 82
ou 84 équipée d’un système de guidage
Paveway
3 morts
5 blessés
__________________
176 Ces cas et les autres dont il est question dans la présente section ont été sélectionnés dans la
mesure où les éléments de preuve disponibles répondaient aux critères définis à l ’appendice B de
l’annexe 1.
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161. En ce qui concerne les dix cas sur lesquels il a enquêté, le Groupe d’experts
constaté ce qui suit :
a) L’utilisation d’armes à guidage de précision atteste assez bien du fait que
les frappes aériennes ont touché les cibles prévues ;
b) Dans tous les cas examinés, rien n’indique que les civils qui se trouvaient
dans la structure touchée ou à proximité aient perdu leur statut de civil et, de ce fait,
la protection contre les attaques qui leur est reconnue prima facie ;
c) Même si, dans certains des cas figurant dans le tableau 5, les cibles visées
par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite étaient des objectifs militaires légitimes,
il est hautement improbable que ces attaques aient été menées conformément aux
exigences de proportionnalité et de précaution imposées par le droit international
humanitaire ;
d) Les conséquences de ces frappes sur les personnes et les infrastructures
civiles révèlent que les mesures de précaution, si tant est qu’elles aient été prises,
étaient largement insuffisantes et inefficaces.
162. Concernant les cas pris individuellement, le Groupe d’experts a constaté ce qui
suit :
a) Si l’on exclut le cas A, la coalition dirigée par l’Arabie saoudite était la
seule entité militaire capable de conduire ces frappes aériennes. Dans le cas A, il est
très peu probable que l’attaque ait pu être menée par une entité autre qu’un État
membre de la coalition ;
b) À l’exception des cas B et D, la coalition dirigée par l’Arabie Saoudite n’a
pas reconnu avoir joué un rôle dans les attaques ni officiellement précisé l’objectif
militaire qu’elle cherchait à atteindre. En ce qui concerne les cas B et D, le Groupe
d’experts ne peut souscrire aux justifications fournies par la coalition (voir
annexe 58)177 ;
c) Si tant est qu’au regard des objectifs visés, la coalition dirigée par l’Arabie
saoudite ait pris des dispositions destinées à réduire le nombre de victimes parmi les
enfants, ces mesures s’avèrent inefficaces, sachant notamment que les frappes
continuent de viser des bâtiments résidentiels178.
163. Tout au long de 2017, le Groupe d’experts a demandé à la coalition menée par
l’Arabie saoudite de lui fournir des justificatifs concernant les dommages collatéraux
causés aux personnes et aux infrastructures civiles et recensés par le Groupe. Les
informations qu’il a reçues en réponse n’étaient pas vérifiables. Pour ce qui est des
frappes aériennes signalées dans le tableau 5, les enquêtes indépendantes menées par
le Groupe d’experts n’ont pas permis de mettre en évidence la présence de cibles de
haute valeur qui auraient justifié les dommages collatéraux occasionnés sur les sites
visés. Dans un autre cas, alors que la coalition avait déclaré avoir tué une cible de
haute valeur lors d’une frappe visant ce qui était supposé être un camp d’entraînement
mais s’est avéré être une école, l’Équipe d’évaluation conjointe a démenti que
l’établissement d’enseignement ait été touché par une frappe de la coalition (voir
annexe 59).
164. Le Groupe d’experts a également relevé deux cas (voir tableau 6) dans lesquels
l’Équipe d’évaluation conjointe avait estimé que la coalition menée par l’Arabie
saoudite n’avait pas effectué de frappes aériennes, alors que l’enquête indépendante
du Groupe avait clairement établi que des frappes avaient eu lieu. Le Groupe a conclu
__________________
177 Déclaration du porte-parole officiel de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite.
178 Voir S/2017/821, par. 200 pour de plus amples informations sur les mesures qui auraient été prises
par la coalition en vue de réduire le nombre de victimes parmi les enfants.
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que la seule entité à même de mener ces attaques était la coalition dirigée par l’Arabie
saoudite (on trouvera de plus amples informations sur ce sujet à l’annexe 60).
Tableau 6
Constatations de l’Équipe d’évaluation conjointe et conclusions du Groupe d’experts
Date Faits constatés Équipe d’évaluation conjointe Conclusions du Groupe d’experts
9 août 2016 Usine de produits
alimentaires à Sanaa
La coalition dirigée par
l’Arabie saoudite n’a pas
mené de frappe aérienne
sur ce site
Utilisation d’une bombe aérienne
brisante
La responsabilité de la coalition
dirigée par l’Arabie saoudite est
établie.
24 septembre
2016
Complexe résidentiel à
Ibb
La coalition dirigée par
l’Arabie saoudite n’a pas
mené de frappe aérienne
sur ce site
Bombe aérienne brisante Mark 82
équipée d’un système de guidage
Paveway.
La responsabilité de la coalition
dirigée par l’Arabie saoudite
est établie.
165. Les personnes responsables de l’organisation, de l’autorisation ou de l’exécution
de frappes aériennes touchant de manière disproportionnée des civils et des
infrastructures civiles sont susceptibles de tomber sous le coup des critères de
désignation énoncés aux paragraphes 17 et 18 de la résolution 2140 (2014). Le Groupe
d’experts poursuit son enquête sur cette affaire.
2. Opérations terrestres : personnes détenues par les Émirats arabes unis
166. En 2017, le Groupe d’experts a enquêté sur les cas de 12 personnes privées de
liberté, placées en détention dans les locaux de la base des Émirats arabes unis à
Boureïqa, à l’aéroport de Riyan et dans le port de Balhaf (voir annexe
confidentielle 61 et annexe 62). Ses constatations sont les suivantes :
a) Les forces des Émirats arabes unis présentes au Yémen retenaient des
personnes dans trois lieux de détention situés sur le territoire yéménite mais
administrés et supervisés exclusivement par les Émirats arabes unis ;
b) Le Gouvernement yéménite n’avait aucune autorité sur les personnes
détenues dans les bases administrées par les Émirats arabes unis ;
c) Les forces des Émirats arabes unis ont participé à des opérations
d’interpellation conjointes avec les Forces d’élite du Hadramout et de Chaboua ou les
ont supervisées ;
d) Les forces des Émirats arabes unis ont régulièrement collaboré avec les
forces de sécurité yéménites aux fins du transfert de détenus ;
e) Les forces des Émirats arabes unis se sont rendues responsables des faits
suivants : i) des actes de torture (notamment passages à tabac, électrocution,
suspension forcée, emprisonnement dans une cellule métallique (la cage) placée au
soleil) ; ii) des mauvais traitements ; iii) le refus d’administrer des soins médicaux en
temps voulu ; iv) à le non-respect des garanties d’une procédure régulière ; v) des
disparitions forcées de détenus, qui contreviennent au droit international humanitaire
et au droit international des droits de l’homme179.
__________________
179 On trouvera à l’annexe 62 une évaluation de la situation d’un point de vue juridique. Les
informations communiquées par les détenus ont été vérifiées à partir de certificats médicaux, de
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167. Le Groupe d’experts estime qu’au 1er novembre 2017 plus de 200 personnes
étaient détenues par les forces des Émirats arabes unis au Yémen180.
168. Le Groupe d’experts a demandé, sans succès, que les Émirats arabes unis ou le
Yémen lui précisent le fondement juridique justifiant qu’une puissance étrangère, à
savoir les Émirats arabes unis, soit autorisée à procéder à l’arrestation et au placement
en détention de personnes sur le territoire yéménite. Les représentants des Émirats
arabes unis ont répondu par un démenti, affirmant que le pays ne supervisait ni
n’administrait aucun lieu de détention au Yémen181.
169. La fréquence et le caractère systématique des arrestations arbitraires, des actes
de privation de liberté et des disparitions forcées orchestrées par les Émirats arabes
unis au Yémen sont symptomatiques d’un comportement qui s’inscrit clairement en
porte-à-faux avec les obligations incombant aux Émirats arabes unis au titre du droit
international humanitaire et du droit international des droits de l ’homme.
Parallèlement, le refus de reconnaître la responsabilité des Émirats arabes unis dans
ces arrestations et détentions arbitraires favorise l’impunité des auteurs de ces
violations, qu’ils appartiennent aux forces émiriennes ou à leurs supplétifs yéménites,
les protège et leur permet de continuer à agir sans redouter aucune conséquence.
170. La collaboration entre les Émirats arabes unis et les forces de sécurité du
Gouvernement yéménites permet aux premiers de recourir au « déni plausible » face
à des violations, tout en conférant un semblant de légalité et d’autorité aux arrestations
et détentions arbitraires auxquelles ils procèdent au nom des secondes182.
171. Les Gouvernements émirien et yéménite refusent d’enquêter de manière
crédible sur les violations en question et de sanctionner leurs auteurs. Les Émirats
arabes unis sont présents au Yémen avec l’accord du Gouvernement légitime, qui a
toute latitude pour retirer son consentement, le limiter ou en clarifier la portée, en vue
d’améliorer le respect du droit international humanitaire et du droit international des
droits de l’homme par les forces émiriennes. Le Gouvernement yéménite n’assure pas
non plus, à cet égard, une supervision et un contrôle efficaces de ses propres troupes
(voir par. 54).
172. Le Groupe d’experts constate que les personnes responsables de violations liées
à des questions de détention au Yémen répondent aux critères de désignation définis
aux paragraphes 17 et 18 de la résolution 2140 (2014).
B. Forces houthistes et pro-Saleh : violations relatives
à la privation de liberté
173. Le Groupe d’experts a enquêté sur 16 cas d’arrestations arbitraires, de privation
de liberté et d’autres violations du droit international humanitaire et du droit
international des droits de l’homme par les forces houthistes et pro-Saleh. Onze
auteurs ou commanditaires de tels faits ont été identifiés 183 . Parmi les violations
recensées, certaines ont été perpétrées par des responsables de l’organisation de
sécurité politique basée à Sanaa (3), de l’organisme de sécurité nationale basé à
Sanaa (3) et d’autres autorités houthistes (10). Motlaq Amer al-Marrani (connu
__________________
témoignages d’autres détenus ou de leur famille et au moyen d’images satellites, conformément à
la méthodologie adoptée par le Groupe d’experts.
180 Dans le présent rapport, on entend par le terme « détenu » toute personne ayant été privée
de sa liberté, y compris les internés civils.
181 Lettre datée du 8 novembre 2017, adressée au Groupe d’experts par les Émirats arabes unis.
182 Ibid.
183 On trouvera à l’annexe confidentielle 63 une évaluation juridique de la situation.
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également sous le nom d’Abu Emad), directeur adjoint de l’organisme de sécurité
nationale, est impliqué dans toutes les violations sur lesquelles le Groupe a enquêté.
174. Les membres de l’organisation de sécurité politique et de l’organisme de
sécurité nationale basés à Sanaa et d’autres autorités houthistes se sont notamment
livrés à : des arrestations et des actes de privation de liberté arbitraires ; des actes de
torture (y compris d’un enfant) ; des refus d’administration de soins médicaux en
temps voulu ; des disparitions forcées prolongées ; le non-respect des garanties d’une
procédure régulière ; des mises en détention ayant abouti à trois décès.
175. Au cours de l’année écoulée, le Groupe d’experts a observé que des membres
des autorités carcérales tiraient profit de cas de détention. Il a documenté un cas dans
lequel un détenu a été libéré contre le paiement, par sa famille, d ’une somme de
1 000 000 de rials yéménites (4 000 dollars des États-Unis) à des responsables de
l’organisation de sécurité politique basée à Sanaa.
176. Le Groupe d’experts a enquêté sur le cas de personnes emprisonnées au centre
universitaire de Dhammar, qui sert d’établissement de détention informel184 . Leur
détention prolongée s’explique principalement par l’incapacité des responsables des
forces houthistes et pro-Saleh et de ceux des forces de la « résistance » de s’entendre
sur les modalités d’un échange de prisonniers au niveau local. Certains détenus ont
été informés qu’ils seraient libérés : soit a) contre paiement d’une rançon ; soit b) à
l’occasion d’un échange de prisonniers. Le fait de détenir des civils dans l’unique but
de les utiliser comme moyen de pression en vue d’un échange de prisonniers n’est
rien de moins qu’une prise d’otage, qui s’inscrit en violation du droit international
humanitaire185.
Violations commises par les autorités houthistes après le 1er décembre 2017
177. Le Groupe d’experts a entamé des enquêtes sur l’arrestation arbitraire, la
privation de liberté et l’exécution extrajudiciaire de personnes affiliées au Congrès
populaire général et sur des faits d’incitation à la violence à leur encontre. Le
2 décembre 2017, des faits graves de privation de liberté se sont produits, avec
l’arrestation arbitraire de 41 journalistes locaux186.
C. Usage sans discernement d’engins explosifs dans des zones
peuplées de civils
178. Le Groupe d’experts a enquêté sur 10 cas d’usage sans discernement d’engins
explosifs dans des zones densément peuplées, telles que celle de Taëz, qui ont causé
la mort de 23 civils (voir tableau 7). Il a constaté que, dans ces affaires, les engins
explosifs avaient presque certainement été utilisés sans discernement. On trouvera à
l’annexe 64 trois études de cas détaillées, comprenant une évaluation du respect du
droit international humanitaire. Dans l’ensemble des cas étudiés, à l’exception de
celui qui figure à l’appendice C de l’annexe 64 (voir tableau 7), la responsabilité des
faits est attribuée aux forces houthistes et pro-Saleh187.
__________________
184 Le nombre de détenus emprisonnés dans le centre universitaire varie entre 25 et 100.
185 Règle 96 du droit international humanitaire coutumier relative à la prise d’otage
(voir https://ihl-databases.icrc.org/customary-ihl/eng/docs/v2_rul_rule96). Le droit international
humanitaire dispose que les civils ne peuvent être détenus que lorsqu’ils représentent une menace
imminente du point de vue de la sécurité, et seulement aussi longtemps que perdure cette menace.
186 Voir https://rsf.org/en/news/houthis-holding-41-journalists-hostage-inside-y….
187 L’analyse technique de l’attaque au mortier menée le 2 novembre 2017 indique que la plaque
de base du mortier utilisé se trouvait dans une zone contrôlée par Abu al-Abbas.
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Tableau 7
Récapitulatif des cas d’usage sans discernement d’engins explosifs dans des zones
peuplées de civils (2017)
Date Lieu Faits et cible Type d’engin explosif Victimes civiles
Appendice de
l’annexe 64
18 janvier Nour, Taëz Zone résidentielle Obus de mortier (explosif
brisant) de 120 mm
9 morts
8 blessés
E
21 mai Jahmila (Taëz) Zone résidentielle Explosif brisant (à confirmer) 2 morts F
21 mai Thabat (Taëz) Zone résidentielle Explosif brisant (à confirmer) 3 morts
3 blessés
G
21 mai Houmeïra (Taëz) Zone commerciale Explosif brisant (à confirmer) 2 morts
5 blessés
H
29 mai Nour (Taëz) Zone résidentielle Obus de mortier (explosif
brisant) de 120 mm
1 mort
7 blessés
A
30 juin Joumhouri (Taëz) Zone résidentielle Canon sans recul de 106 mm 1 mort
9 blessés
I
6 septembre Raouda (Mareb) Zone résidentielle Obus de mortier (explosif
brisant) de 120 mm
3 blessés B
21 septembre Sina (Taëz) Zone résidentielle Grenade propulsée par roquette
(variante RPG-7)
0 J
2 novembre Ounsoua (Taëz) Zone résidentielle Obus de mortier (explosif
brisant) de 120 mm
5 morts D
11 novembre Riyad Aéroport civil Missile balistique à courte
portée
0 C
179. L’emploi sans discrimination d’engins explosifs par les forces houthistes et
pro-Saleh contre des zones civiles au Yémen et en Arabie saoudite relève des
paragraphes 17 et 18 de la résolution 2140 (2014). Le Groupe d’experts constate que
l’utilisation répétée de telles armes s’inscrit nécessairement dans le cadre d’une
stratégie approuvée par les hauts responsables houthistes, dont Abdulmalik al -Houthi
lui-même.
D. Violations commises par le Gouvernement du Yémen
180. Le Groupe d’experts a enquêté sur des violations du droit international
humanitaire et du droit international des droits de l’homme liées aux arrestations et
détentions arbitraires, aux disparitions forcées, aux actes de torture, aux mauvais
traitements et aux refus d’administrer des soins médicaux en temps voulu, dont
21 personnes ont été victimes. Ces personnes étaient détenues par les responsables ou
entités suivantes ou gardées dans des centres contrôlés par ces responsables ou
entités : les forces « Ceinture de sécurité » à Aden et Lahj ; les forces spéciales à
Mareb ; les Forces d’élite du Hadramout ou de Chaboua ; le général de division
Shallal Ali Shaye 188 ; le général de brigade Ali Abdullah Taher 189 ; Ghassan
al-Aqrabi 190 ; le colonel Abu Mohammad Abdul Ghani Shaalan 191 ; et Imam
__________________
188 Directeur de la sécurité générale à Aden. Les violations liées à la détention sur lesquelles l ’enquête
a porté ont été commises dans une résidence placée sous son contrôle à Taouahi.
189 Ancien directeur des services de sécurité de Mareb (voir
https://yemensaeed.net/news.php?id=61163).
190 Superviseur des centres de détention Bir Ahmed I et II.
191 Commandant des forces spéciales de Mareb, le colonel Shallan était présent et avait autorité
sur ses troupes lorsqu’un enfant a été tué.
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al-Nubi192. On trouvera de plus amples informations sur les violations en question à
l’annexe 65 et à l’annexe confidentielle 66. Neuf personnes sont mortes en détention,
parmi lesquelles trois enfants.
181. Certains hauts fonctionnaires administraient des lieux de détention
extrajudiciaires. Dans le quartier de Taouahi à Aden, l’ancienne discothèque Waddah
a ainsi été reconvertie en centre de détention sous l’autorité du général de division
Shallal Ali Shaye. Le centre de détention extrajudiciaire de Bir Ahmed I, quant à lui,
était administré par Ghassan al Aqrabi, affilié aux forces « Ceinture de sécurité » et
aux forces des Émirats arabes unis. Le 12 novembre 2017, les Émirats arabes unis ont
transféré à Bir Ahmed II des prisonniers dont les dossiers ont été reçus le 13 novembre
2017 par le procureur de la République du Yémen. Début décembre 2017, grâce à son
intervention, certains détenus ont pu recevoir des visites familiales à Bir Ahmed II et
quelques-uns ont été libérés.
182. En novembre 2017, 133 détenus auraient été transférés du centre de l’aéroport
de Riyan à la prison centrale de Moukalla193, mais il n’a pas été possible de déterminer
si ce transfert concernait tous les prisonniers, les familles de certains d ’entre eux
n’ayant toujours pas pu entrer en contact avec eux.
Figure XVII
Bir Ahmed I et Bir Ahmed II
__________________
192 Ancien commandant du Camp 20 à Aden.
193 Voir http://www.chicagotribune.com/sns-bc-ml--yemen-prisoners-20171113-story….
Les frontières et noms
indiqués et les
appellations employées
sur la présente carte
n’impliquent ni
reconnaissance ni
acceptation officielles de
la part de l’Organisation
des Nations Unies.
mètres
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E. Attaques conduites dans des hôpitaux
183. Le Groupe d’experts a enquêté sur les cas de deux patients gravement malades,
assassinés dans l’enceinte de l’hôpital de la Révolution, respectivement le 24 mars et
le 13 décembre 2017 (voir annexe confidentielle 67).
184. Le Groupe d’experts enquête également sur le meurtre de blessés dans des
hôpitaux de Sanaa, à la suite du décès d’Ali Abdullah Saleh. Les personnes malades,
blessées et hors de combat sont protégés par le droit humanitaire international 194.
F. Recrutement et utilisation d’enfants dans les conflits armés
185. Le Groupe d’experts a enquêté sur les individus et les réseaux qui se livrent au
recrutement d’enfants au Yémen. Il a identifié deux personnes ayant recruté cinq
enfants pour le compte des forces houthistes (voir annexe 68 et annexe
confidentielle 69). Il constate, après avoir suivi ces affaires pendant l’année écoulée,
qu’elles ne sont que la partie émergée d’un problème bien plus étendu.
186. Le Groupe d’experts constate que les éléments suivants participent de
l’augmentation du recrutement d’enfants :
a) Les salaires n’étant pas versés, les enfants sont obligés de chercher des
moyens de subvenir aux besoins de leur famille : les forces houthistes et pro-Saleh
versent aux enfants fraîchement recrutés des sommes variant entre 15 000 et 20 000
rials par mois (entre 60 et 80 dollars) ;
b) Du fait de la perturbation des services éducatifs, les enfants se retrouvent
souvent oisifs et sont plus facilement victimes de recruteurs de rue ;
c) Les familles qui vivent toujours dans des zones contrôlées par les forces
houthistes et pro-Saleh n’osent pas dénoncer ces campagnes de recrutement, qui se
poursuivent donc sans obstacle ;
d) La fermeture des aéroports et les restrictions imposées sur les visas
empêchent les parents qui auraient les moyens de le faire d ’envoyer leurs enfants à
l’étranger pour assurer leur protection.
IX. Entraves à l’aide humanitaire
187. Conformément au paragraphe 19 de la résolution 2216 (2015), le Groupe
d’experts continue d’enquêter sur les obstacles à l’acheminement de l’aide
humanitaire au Yémen, ainsi qu’à l’accès à cette aide ou à sa distribution dans le pays.
A. Obstacles à l’acheminement de l’aide humanitaire
188. La coalition dirigée par l’Arabie saoudite a continué de faire obstacle à
l’acheminement de l’aide humanitaire et de marchandises au Yémen : a) en continuant
à bloquer les vols commerciaux vers l’aéroport de Sanaa (voir annexe 70) ; b) en
imposant progressivement des restrictions sur les marchandises d ’usage non militaire
qui entrent au Yémen par les ports de la mer Rouge (voir annexe confidentielle 71) et
c) en limitant strictement les importations de biens commerciaux et d ’aide
humanitaire entre le 6 et le 23 novembre 2017. Au cours de ladite période, plus de
__________________
194 Voir article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 et article 7.1 du Protocole additionnel
aux Conventions de Genève relatif à la protection des victimes des conflits armés
non internationaux (Protocole II).
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750 600 tonnes de produits commerciaux et humanitaires ont été détournées du
Yémen ou n’ont pu entrer dans le pays qu’avec retard195.
189. En imposant davantage de restrictions le 6 novembre 2017, la coalition dirigée
par l’Arabie saoudite a de nouveau cherché à s’appuyer sur les dispositions du
paragraphe 14 de la résolution 2216 (2015) pour entraver l’entrée sur le territoire
yéménite de biens d’usage essentiellement civil. Le fait d’empêcher l’accès de la
population à nombre des produits figurant à l’annexe confidentielle 71 est contraire à
l’esprit de ladite résolution.
190. Le blocus consiste essentiellement à utiliser la menace de la famine comme outil
de négociation et arme de guerre. De la même manière, la population est un pion pour
les forces houthistes qui intensifient leurs frappes contre l’Arabie saoudite en ayant
parfaitement conscience que les éventuelles représailles pèseront en premier lieu sur
les civils. Les houthistes comptent sur la condamnation publique de la réaction
saoudienne pour se dédouaner de leurs responsabilités à cet égard.
191. En 2017, les États Membres ont continué de ne pas soumettre de rapports
concernant les inspections effectuées sur leur territoire et de contrevenir en cela au
paragraphe 17 de la résolution 2216 (2015). Ce faisant, ils entravent l’exercice des
fonctions du Comité en matière de surveillance, telles qu’elles sont définies au
paragraphe 17 de la résolution 2216 (2015), et sapent les mesures mises en place pour
garantir que le régime de sanctions n’est pas détourné pour servir des objectifs
unilatéraux.
B. Obstacles à la distribution de l’aide humanitaire
192. En 2017, les forces houthistes et pro-Saleh ont continué de faire obstacle à la
distribution de l’aide humanitaire et à l’accès humanitaire196. Le Groupe d’experts a
enquêté sur les obstacles en question, à savoir : a) le détournement de l’aide
humanitaire ; b) les délais ou les refus qui retardent la distribution ; c) les arrestations,
les mises en détention, l’intimidation et les actes de torture dont sont victimes les
travailleurs humanitaires et la confiscation de leur matériel ; d) les interférences dans
la sélection des bénéficiaires, des zones d’opération et des partenaires d’exécution ;
e) le classement de certaines zones comme « zones militaires », ce qui les rend
inaccessibles aux travailleurs humanitaires ; f) les faits d’extorsion et de racket ; d) le
fait d’entraver la livraison du matériel destiné à lutter contre le cholé ra ; h) les
difficultés liées aux procédures de dédouanement ; i) les autorisations tardives qui
ralentissent l’importation de médicaments par l’aéroport de Sanaa. La situation est
rendue plus difficile encore par le non versement du salaire des fonctionna ires et les
restrictions qui pèsent sur la délivrance de visas aux humanitaires.
193. Le Groupe d’experts a également enquêté sur les entraves à l’accès humanitaire
imposées par les branches exécutives du pouvoir houthiste (à Taëz, Hajja et Hodeïda),
les ministères de l’éducation et de la santé et l’organisme de sécurité nationale basés
à Sanaa, dont certains militarisent la distribution de l’aide humanitaire. Le Groupe a
établi que Motlaq Amer al-Marrani (connu également sous le nom d’Abu Emad),
directeur adjoint de l’organisme de sécurité nationale basé à Sanaa, s’était également
rendu responsable d’arrestations et de détentions arbitraires ainsi que de mauvais
traitements à l’encontre de travailleurs humanitaires et d’autres membres des services
__________________
195 Informations obtenues par l’intermédiaire du mécanisme de vérification et d’inspection
des Nations Unies et de la base de données LogCluster.
196 Selon des sources de l’Organisation des Nations Unies et des organisations non gouvernementales
internationales et nationales.
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d’aide humanitaire. Cet individu s’est aussi indûment servi de l’autorité et des
pouvoirs qu’il détient dans le domaine de l’accès humanitaire pour s’enrichir.
194. À la demande des acteurs humanitaires, les informations et l’analyse
confidentielles concernant la présente section sont consignées à l’annexe
confidentielle 72.
X. Recommandations
195. Le Groupe d’experts recommande au Conseil de sécurité ce qui suit :
a) Envisager d’appeler, dans une résolution ou dans une déclaration de son
Président, les États membres de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite à ne pas
invoquer de manière abusive la résolution 2216 (2015) pour justifier des entraves à
l’acheminement de biens essentiels et de l’aide humanitaire par voie aérienne ou
maritime ;
b) Envisager, en tant que mesure de confiance, d’autoriser le déploiement
d’un vaisseau neutre dans les eaux du port d’Hodeïda, sous les auspices du mécanisme
de vérification et d’inspection des Nations Unies, en vue d’accélérer les
déchargements et d’assurer une présence neutre aux fins de l’inspection et de la
surveillance du déchargement des vaisseaux commerciaux dans les territoires
contrôlés par les houthistes ;
c) Envisager de spécifier, dans une résolution, que les composants utilisés
pour fabriquer du matériel militaire peuvent relever du champ d ’application de
l’embargo ciblé sur les armes ;
d) Envisager de demander au Comité d’établir, avec l’appui du Groupe, en
collaboration avec les autres organismes concernés des Nations Unies, notamment le
Bureau des affaires de désarmement, et en consultation avec les organes et
organisations internationales et régionales, un rapport spécial sur l’utilisation
militaire des véhicules aériens téléguidés commerciaux dans des zones d e conflit et
sur ses incidences, et de formuler des recommandations concernant les mesures
propres à lutter contre le transfert et l’utilisation de tels engins.
196. Le Groupe recommande au Comité ce qui suit :
a) Envisager de se mettre en rapport avec l’Organisation maritime
internationale197 pour lui recommander de prendre attache avec le groupe d’armateurs
qui a publié les Meilleures pratiques de gestion pour la protection contre les pirates
basés en Somalie en vue de s’assurer que les mesures de protection qui y sont décrites
sont adaptées aux nouvelles menaces qui se sont fait jour dans la mer Rouge ;
b) Envisager d’intervenir auprès des Forces maritimes combinées pour les
encourager à coopérer avec le Groupe, conformément au paragraphe 10 de la
résolution 2117 (2013) et au paragraphe 8 de la résolution 2342 (2017), et à donner
suite à ses demandes d’information ;
c) Envisager de rappeler aux États Membres l’obligation qui leur incombe,
aux termes du paragraphe 11 de la résolution 2140 (2014), de geler immédiatement
les fonds, autres avoirs financiers et ressources économiques se trouvant sur leur
territoire qui sont en la possession ou sous le contrôle direct ou indirect des personnes
ou entités désignées par le Comité ou de toute personne ou entité agissant pour le
compte ou sur les ordres de celles-ci, ou de toute entité en leur possession ou sous
leur contrôle, s’agissant notamment, pour les Émirats arabes unis, de Khaled Ali
__________________
197 Voir http://www.imo.org/fr.
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Abdullah Saleh et des biens placés sous sa gestion, décrits dans le présent rapport et
dans le rapport du Comité daté du 31 janvier 2017 (S/2017/81) ;
d) Envisager d’intervenir auprès de l’Organisation des Nations Unies pour
l’éducation, la science et la culture afin de l’encourager à publier un communiqué
visant à signaler aux sociétés de vente aux enchères et aux musées que l’exportation
et la vente de biens culturels yéménites sont illégales et qu’il convient de vérifier que
les fonds issus de transactions liées au patrimoine culturel du Yémen ne serviront pas
à financer des groupes armés ;
e) Envisager d’engager le Gouvernement du Yémen à mettre en place, en
collaboration avec les institutions financières internationales et la coalition dirigée
par l’Arabie saoudite, des mécanismes permettant aux banques yéménites qui
disposent de mesures effectives de lutte contre le blanchiment d’argent de transférer
des devises fortes à l’étranger en vue d’obtenir les lettres de crédit nécessaires à la
gestion des importations ;
f) Envisager de prendre attache avec le Bureau du Secrétaire général en vue
d’examiner la mise en place, à l’échelon du mécanisme de vérification et d’inspection
des Nations Unies, d’un dispositif de prise en charge des plaintes émanant des
chargeurs et des transitaires, qui serait accessible sur le site Web du mécanisme .
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Nations Unies S/2017/515
Conseil de sécurité Distr. générale
20 juin 2017
Français
Original : anglais
17-09630 (F) 230617 230617
*1709630*
Troisième rapport du Secrétaire général sur l’application
de la résolution 2231 (2015) du Conseil de sécurité
I. Introduction
1. Le 20 juillet 2015, le Conseil de sécurité a approuvé, dans sa résolution
2231 (2015), le Plan d’action global commun conclu entre, d’une part, l’Allemagne,
la Chine, les États-Unis d’Amérique, la Fédération de Russie, la France, le
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et l’Union européenne et,
d’autre part, la République islamique d’Iran.
2. Alors que je débute mon mandat de Secrétaire général, je vois comme un signe
encourageant la poursuite de la mise en oeuvre du Plan d’action global commun. J’ai
l’espoir que le maintien des engagements pris au titre du Plan servira à illustrer les
avantages de la diplomatie comme mécanisme d’apaisement des tensions entre
États. J’engage tous les États à respecter et à appuyer cet accord historique, et à
s’abstenir de tout acte ou discours provoquant.
3. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) continue de vérifier
que la République islamique d’Iran tient bien les engagements qu’elle a pris dans le
domaine nucléaire dans le cadre du Plan d’action. Le 15 janvier 2017, l’AIEA a
annoncé s’être assurée que la République islamique d’Iran avait retiré, dans le délai
d’un an à compter de la Date d’application prescrit par le Plan, toutes les
centrifugeuses excédentaires et l’infrastructure qui n’est pas liée aux centrifugeuses
de l’installation d’enrichissement de combustible de Fordou et les avait entreposées
dans l’installation d’enrichissement de combustible de Natanz, sous la surveillance
continue de l’Agence.
4. En mars et en juin 2017, l’AIEA a publié des rapports trimestriels sur les
activités de vérification et de surveillance qu’elle mène en République islamique
d’Iran conformément aux dispositions de la résolution 2231 (2015) (S/2017/234 et
S/2017/502). L’Agence a indiqué avoir vérifié et contrôlé la tenue par la République
islamique d’Iran des engagements qu’elle a contractés dans le domaine du nucléaire
au titre du Plan d’action depuis la Date d’application, et elle a fait savoir que le
pays continuait d’appliquer à titre provisoire, en attendant son entrée en vigueur, le
Protocole additionnel à son Accord de garanties ainsi que les mesures de
transparence prévues dans le Plan d’action global commun. L’Agence a également
indiqué qu’elle continuait de vérifier le non-détournement des matières nucléaires
déclarées et qu’elle poursuivait son évaluation visant à s’assurer de l’absence de
matières nucléaires et d’activités nucléaires non déclarées en République islamique
d’Iran.
Annexe 62 - 97 -
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5. Je me félicite que les participants au Plan d’action, réunis à Vienne le 25 avril
2017, aient récemment réaffirmé leur détermination à mettre en oeuvre le Plan de
façon intégrale et effective. Je leur demande de continuer à travailler ensemble en
toute bonne foi et dans un esprit de réciprocité, afin de veiller à ce que tous les
participants bénéficient du Plan. Dans la résolution 2231 (2015), le Conseil de
sécurité a demandé aux États Membres, aux organisations régionales et aux
organisations internationales de prendre les mesures qui s’imposent pour appuyer
l’application du Plan d’action. Il est évident qu’il est dans l’intérêt de la
communauté internationale que cette réalisation de la diplomatie multilatérale
perdure au-delà des transitions et des difficultés de mise en oeuvre, et cimente par la
même occasion notre attachement collectif à la diplomatie et au dialogue.
6. Le présent rapport, le troisième sur l’application de la résolution 2231 (2015),
est l’occasion d’évaluer l’application de la résolution et de formuler des conclusions
et recommandations à cet égard, depuis la parution, le 30 décembre 2016, du
deuxième rapport présenté par le Secrétaire général sur cette question
(S/2016/1136). Comme c’était déjà le cas dans les premier et deuxième rapports, le
présent rapport porte essentiellement sur les dispositions énoncées à l’annexe B de
la résolution 2231 (2015), qui concernent notamment les restrictions applicables aux
transferts liés au nucléaire, aux missiles balistiques et aux armes à destina tion ou en
provenance de la République islamique d’Iran, ainsi que les mesures relatives au gel
des avoirs et à l’interdiction de voyager.
II. Principales conclusions et recommandations
7. Depuis le 16 janvier 2016, ni mon prédécesseur ni moi n’avons reçu de rapport
faisant état d’une opération – fourniture, vente, transfert ou exportation – visant des
articles, des matières, des équipements, des biens ou des technologies nucléaires ou
à double usage et destinés à la République islamique d’Iran, qui aurait été effectuée
en violation des dispositions du paragraphe 2 de l’annexe B de la résolution
2231 (2015).
8. Depuis le 30 décembre 2016, 10 nouvelles propositions relatives à la
participation à des activités à des fins civiles à caractère nucléaire ou non nucléaire
en coopération avec la République islamique d’Iran ou à leur autorisation ont été
soumises au Conseil de sécurité pour approbation dans le cadre de la filière
d’approvisionnement. Cinq de ces propositions ont été approuvées par le Conseil.
9. Le 29 janvier 2017, la République islamique d’Iran a lancé le missile
balistique de moyenne portée Khorramshahr. Comme cela avait été le cas à
l’occasion des tirs de missiles balistiques effectués par la République islamique
d’Iran en mars 2016 (voir S/2016/649, par. 17 à 22), les membres du Conseil ne sont
pas parvenus à un consensus sur la question de savoir comment considérer ce tir eu
égard à la résolution 2231 (2015). Je demande à la République islamique d’Iran de
s’abstenir de procéder à ce type de manoeuvres qui risquent d’accroître les tensions.
J’engage tous les États Membres à redoubler d’efforts pour promouvoir la paix et la
stabilité dans la région.
10. Le Secrétariat a examiné les armes et analysé les informations relatives à la
cargaison d’armes saisie en mars 2016 dans le nord de l’océan Indien par l’équipage
de la frégate française La Provence (voir S/2016/1136, par.27). Sur la base des
informations ainsi collectées, le Secrétariat a acquis la conviction que les armes
saisies sont d’origine iranienne et ont été expédiées depuis la République islamique
d’Iran.
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11. Des entités iraniennes, parmi lesquelles notamment l’Organisation des
industries de la défense, qui figure sur la liste établie en application de la résolution
2231 (2015), ont de nouveau participé au salon d’armement International Defenc e
Exhibition organisé en Iraq. Le présent rapport fournit également des informations
concernant de nouveaux voyages effectués par le général de division Qasem
Soleimani. Je demande de nouveau à tous les États Membres de respecter
pleinement les obligations que leur impose la résolution 2231 (2015), notamment
les mesures concernant l’interdiction de voyager et le gel des avoirs visant des
personnes et entités figurant sur la liste établie en application de ladite résolution.
III. Application des dispositions relatives au nucléaire
12. Dans la résolution 2231 (2015), le Conseil de sécurité a approuvé la création,
dans le cadre du Plan d’action global commun, d’une filière d’approvisionnement
dédiée permettant d’examiner les propositions des États désireux de participer à
certains transferts de biens et de technologies nucléaires ou à double usage et/ou de
services connexes destinés à la République islamique d’Iran. Cette filière
d’approvisionnement permet au Conseil de se prononcer, après examen, sur les
recommandations que la Commission conjointe établie dans le cadre du Plan
formule sur les propositions des États visant à participer aux activités énoncées au
paragraphe 2 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015) ou à les autoriser.
13. Depuis le 30 décembre 2016, 10 nouvelles propositions relatives à la
participation à des activités visées au paragraphe 2 de l’annexe B de la résolution ou
à leur autorisation ont été soumises au Conseil de sécurité, ce qui a porté à 16 le
nombre total de propositions soumises pour approbation depuis la Date
d’application dans le cadre de la filière d’approvisionnement. Au moment de la
présentation du présent rapport, 10 propositions avaient été approuvées par le
Conseil, [deux] avaient été retirées par les États demandeurs et quatre ét aient en
cours d’examen par la Commission conjointe.
14. En outre, le Conseil a reçu six nouvelles notifications transmises en
application du paragraphe 2 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015), aux termes
duquel certaines activités liées au nucléaire n’ont pas besoin d’être autorisées, mais
doivent être notifiées au Conseil ou encore à ce dernier et à la Commission
conjointe.
IV. Application des dispositions relatives aux missiles
balistiques
A. Restrictions portant sur les activités liées aux missiles
balistiques de la République islamique d’Iran
15. En vertu du paragraphe 3 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015), la
République islamique d’Iran est tenue de ne mener aucune activité liée aux missiles
balistiques conçus pour pouvoir emporter des armes nucléaires, y compris les tirs
recourant à la technologie des missiles balistiques.
16. Le 1er février 2017, le Ministre iranien de la défense a confirmé que la
République islamique d’Iran avait testé en vol un missile balistique, tout en
soulignant que cette manoeuvre ne contrevenait pas aux dispositions du Plan
d’action global commun ou de la résolution 2231 (2015)1. À la même période, le
__________________
1 Fars News Agency, « L’Iran confirme le test d’un missile », 1er février 2017.
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Ministre iranien des affaires étrangères a réaffirmé que les missiles balistiques de la
République islamique d’Iran « [n’avaient] pas été conçus pour pouvoir emporter des
armes nucléaires » et qu’ils ne contrevenaient donc pas aux dispositions de la
résolution 2231 (2015)2.
17. Le 7 février 2017, j’ai reçu une lettre commune adressée par l’Allemagne, les
États-Unis, la France et le Royaume-Uni au sujet du lancement par la République
islamique d’Iran d’un missile balistique Khorramshahr de moyenne portée intervenu
le 29 janvier 2017. Les auteurs ont souligné que l’expression « missiles balistiques
conçus pour pouvoir emporter des armes nucléaires » qui figure au paragraphe 3 de
l’annexe B de la résolution 2231 (2015) englobait tous les systèmes entrant dans la
catégorie I du Régime de contrôle de la technologie des missiles, qui sont définis
comme pouvant transporter une charge utile d’au moins 500 kilogrammes sur une
portée d’au moins 300 kilomètres, et qui peuvent, de par leur nature, emporter des
armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive. Les auteurs estimaient
qu’étant donné que le Khorramshahr était conçu pour pouvoir transporter une
charge utile d’au moins 500 kilogrammes sur une portée d’au moins 300 kilomètres,
son lancement constituait une « activité liée aux missiles balistiques conçus pour
pouvoir emporter des armes nucléaires » et un « tir recourant à la technologie des
missiles balistiques », deux activités interdites à la République islamique d’Iran e n
vertu du paragraphe 3 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015). Les auteurs de la
lettre jugeaient également que ce tir était une manoeuvre déstabilisatrice et
provocatrice et qu’elle avait été effectuée en violation de la résolution 2231 (2015).
18. Dans des lettres identiques datées du 10 février 2017 et adressées au Président
du Conseil de sécurité et à moi-même (S/2017/123), le Représentant permanent
d’Israël auprès de l’Organisation des Nations Unies a fait savoir que son pays
condamnait énergiquement l’essai de missile balistique effectué par la République
islamique d’Iran le 29 janvier 2017. Il a indiqué que le missile de moyenne portée
Khorramshahr avait parcouru 1 000 kilomètres. Il a également indiqué que ce
missile appartenait à la catégorie I du Régime de contrôle de la technologie des
missiles et était capable d’emporter une charge utile nucléaire de 500 kilogrammes
sur une portée de plus de 300 kilomètres. Il a conclu que ce test constituait « une
énième violation flagrante de la résolution 2231 (2015) » et qu’en « mettant au
point des missiles sol-sol pouvant emporter des têtes nucléaires, l’Iran [révélait] sa
véritable intention, qui [était] de ne pas respecter la résolution 2231 (2015) ».
19. Dans une lettre datée du 9 mars 2017, adressée au Président du Conseil de
sécurité (S/2017/205), le Représentant permanent de la République islamique d’Iran
auprès de l’Organisation des Nations Unies a déclaré que la lettre susmentionnée du
Représentant permanent d’Israël était « remplie de spéculations sans fondement sur
le nom, la portée, les performances et les caractéristiques techniques d’un missile ».
Il a ajouté que « les missiles de l’Iran [faisaient] partie intégrante de ses moyens de
dissuasion et de défense conventionnels » et souligné qu’il « [n’existait] pas de
norme, de traité ou d’accord à caractère universel qui [interdisait ou limitait] la mise
au point et l’essai de missiles équipés d’ogives conventionnelles aux fins
d’autodéfense ». Il a également déclaré que « rien dans la résolution 2231 (2015) du
Conseil de sécurité n’interdisait les activités balistiques conventionnelles de l’Iran »
et conclu que « dès lors, tout appel à la cessation des activités de défense légitimes
et classiques de l’Iran était infondé et injustifié ».
20. Les membres du Conseil de sécurité ont débattu du tir du missile balistique
iranien les 31 janvier et 2 mars 2017, mais ne sont pas parvenus à un consensus sur
__________________
2 Mehr News Agency, « L’Iran ne doit pas hésiter à renforcer ses capacités de défense », 31 janvier
2017.
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la manière dont il fallait considérer ce tir eu égard à la résolution 2231 (2015). Le
troisième rapport semestriel du Facilitateur chargé par le Conseil de sécurité de
promouvoir l’application de la résolution 2231 (2015) donnera le détail des
délibérations du Conseil sur cette question3.
B. Restrictions portant sur les transferts ou activités liés aux missiles
balistiques menés avec la République islamique d’Iran
21. En application du paragraphe 4 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015),
tous les États peuvent participer aux activités décrites ci-après et les permettre à
condition que le Conseil de sécurité les autorise au préalable, au cas par cas : la
fourniture, la vente ou le transfert, à destination ou en provenance de la République
islamique d’Iran, de certains articles, matières, équipements, biens et technologies
liés aux missiles balistiques, la fourniture à la République islamique d’Iran de
divers services ou d’une assistance, et l’acquisition, par la République islamique
d’Iran, d’une participation dans une activité commerciale liée aux missiles
balistiques4. Au moment de la rédaction du présent rapport, aucune proposition
n’avait été soumise au Conseil au titre de ce paragraphe.
22. Dans les lettres identiques datées du 10 février 2017 qu’il a adressées au
Président du Conseil de sécurité et à moi-même, le Représentant permanent d’Israël
a déclaré que le missile Khorramshahr provenait de la République populaire
démocratique de Corée, pays qui avait mené plusieurs essais avec le même type de
missile en 2016. Il a ajouté que « cela [montrait] une fois de plus que l’Iran et la
République populaire démocratique de Corée [coopéraient] à la mise au point et au
transfert de technologies de missiles sol-sol ». Dans sa lettre datée du 9 mars 2017,
le Représentant permanent de la République islamique d’Iran a déclaré que dans la
lettre susmentionnée du Représentant permanent d’Israël figuraient des
« informations fallacieuses, des mensonges et des allégations ».
23. Dans une lettre datée du 7 juin 2017, les États-Unis ont porté à l’attention du
Secrétariat des informations concernant l’expédition d’une cargaison d’articles liés
à aux missiles balistiques qui, d’après eux, contrevenait aux dispositions de la
résolution 2231 (2015). Il était déclaré dans cette lettre qu’en octobre 2016, une
société iranienne qui contribue au programme de missiles balistiques avait reçu une
cargaison de fibre de carbone, produit soumis à un contrôle. L’auteur de la lettre
concluait que « puique cette cargaison n’avait pas fait l’objet d’une autorisation
préalable au cas par cas comme spécifié à l’annexe B de la résolution 2231 (2015)
du Conseil de sécurité, cette exportation au bénéfice du programme de missiles
balistiques de l’Iran constituait une violation des dispositions de ladite résolution ».
24. Le Secrétariat n’a pas pu corroborer ces informations de manière
indépendante. Je ferai de nouveau un point sur ces questions si le Secrétariat obtient
des informations supplémentaires.
V. Application des dispositions relatives aux armes
__________________
3 Le document ne dispose pas encore de cote.
4 Les articles, matières, équipements, biens et technologies en question sont ceux visés dans la liste
relative au Régime de contrôle de la technologie des missiles (S/2015/546, annexe), ainsi que tous
articles, matières, équipements, biens et technologies qui, selon l’État concerné, pourraient
contribuer à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires.
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A. Restrictions portant sur les transferts liés aux armes
à destination de la République islamique d’Iran
25. Aux termes des dispositions du paragraphe 5 de l’annexe B de la résolution
2231 (2015), tous les États peuvent participer aux activités décrites ci-après et les
autoriser à condition que le Conseil de sécurité les autorise au préalable, au cas par
cas : la fourniture, la vente ou le transfert à la République islamique d’Iran de chars
de combat, de véhicules blindés de combat, de systèmes d’artillerie de gros calibre,
d’avions de combat, d’hélicoptères d’attaque, de navires de guerre, de missiles et de
systèmes de missiles tels que définis aux fins du Registre des armes classiques de
l’Organisation des Nations Unies, ou de matériel connexe, y compris leurs pièces
détachées. L’autorisation préalable du Conseil est également requise pour la
fourniture à la République islamique d’Iran de formations techniques, de ress ources
ou de services financiers, de conseils et d’autres types de services et d’aide liés à la
fourniture, à la vente, au transfert, à la fabrication, à l’entretien ou à l’utilisation de
ces armes et matériels connexes.
26. Le 20 janvier 2017, le Service des gardes frontière de l’Ukraine a annoncé la
découverte à Kiev de 17 caisses contenant des composants de systèmes de missiles
et des pièces d’aéronefs, sans documents d’accompagnement, dans un avion -cargo à
destination de la République islamique d’Iran. Lors de ses échanges avec le
Secrétariat, la Mission permanente de l’Ukraine auprès de l’Organisation des
Nations Unies a confirmé que les autorités ukrainiennes compétentes avaient
empêché, le 19 janvier 2017, l’expédition non autorisée d’une cargaison présumée
contenir du matériel militaire, et notamment d’éventuelles composants du système
de missiles antichar « Fagot », avaient engagé une procédure pénale le 30 janvier
2017, et s’efforçaient actuellement de déterminer si les articles confisqués relevaient
du paragraphe 5 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015). Le 13 juin 2017, lors
de consultations tenues à Kiev, les autorités ukrainiennes ont communiqué au
Secrétariat des informations supplémentaires sur cette cargaison non autorisée,
y compris sur l’état d’avancement de la procédure judiciaire et de la procédure de
classification des articles confisqués. Je compte faire rapport au Conseil de sécurité
en temps voulu, lorsque de nouvelles informations seront disponibles.
27. Dans une lettre datée du 1er juin 2017, le Représentant permanent de la
Turquie auprès de l’Organisation des Nations Unies a confirmé au Secrétariat que le
27 avril 2017, dans le port de Zonguldak, les autorités turques avaient confisqué des
composants de missiles antichar guidés de type 9K111 Fagot et 9K113 Konkurs, qui
étaient dissimulés dans un camion qui reliait l’Ukraine à la République islamique
d’Iran à bord d’un navire baptisé CENK-Y. Selon les autorités turques, le chauffeur
du camion iranien a déclaré qu’il avait reçu les articles en question d’un autre
citoyen iranien à Kiev, aux fins de leur transport vers la République islamique
d’Iran. Une enquête criminelle a été ouverte par le Bureau du Procureur de la
province de Zonguldak. Le 9 juin 2017, lors de consultations tenues à Ankara, les
autorités turques ont confirmé au Secrétariat qu’une procédure judiciaire était en
cours. Je ferai rapport au Conseil de sécurité dès que de nouvelles informations
seront disponibles, notamment sur la question de savoir si les articles confis qués
relèvent du paragraphe 5 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015).
28. S’agissant de la fourniture de services ou d’assistance liés à l’entretien des
armes et du matériel connexe visés au paragraphe 5 de l’annexe B de la résolution
2231 (2015), des informations provenant de sources librement accessibles ont
indiqué que des services avaient été fournis à un navire de guerre 5 de la marine de la
__________________
5 Le Registre des armes classiques définit les navires de guerre comme des « navires ou sous-marins
armés et équipés à des fins militaires d’un tonnage normal de 500 tonnes métriques ou plus, et
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République islamique d’Iran dans le port de Durban (Afrique du Sud), fin 2016 6.
Dans une lettre datée du 16 mai 2017, le Représentant permanent de l’Afrique du
Sud auprès de l’Organisation des Nations Unies a confirmé au Secrétariat que
« suite à un signal de détresse lancé par le navire iranien Bushehr, celui-ci avait été
autorisé à entrer dans le port de Durban le 15 novembre 2016 » d’où « il était reparti
le 22 janvier 2017, après des réparations d’urgence effectuées sur sa coque ». Il a
également indiqué que « le bateau qui accompagnait ce navire, le Alvand, avait
demandé l’accès au port de Durban le 19 novembre 2016, afin d’appuyer le Bushehr
et qu’il était reparti le 10 janvier 2017 ». Le Représentant permanent a souligné que
« l’assistance fournie au Bushehr relevait des réparations d’urgence menées
conformément à l’obligation qui incombait à l’Afrique du Sud d’aider un navire en
détresse au titre du droit international, et n’était pas liée à la « fourniture, à la vente,
au transfert, à la fabrication, à l’entretien ou à l’utilisation d’armes et de matériel
connexe » visés au paragraphe 5 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015) du
Conseil de sécurité.
B. Restrictions portant sur les transferts liés aux armes
en provenance de la République islamique d’Iran
29. Le Conseil de sécurité a décidé, à l’alinéa b) du paragraphe 6 de l’annexe B de
la résolution 2231 (2015), que tous les États étaient tenus de prendre les mesures
nécessaires pour empêcher, sauf si le Conseil en décidait autrement à l’avance au
cas par cas, la fourniture, la vente ou le transfert d’armes ou de matériels connexes
provenant de la République islamique d’Iran. Au moment de la rédaction du présent
rapport, aucune proposition n’avait été soumise au Conseil au titre de ce
paragraphe.
30. En juillet 2016, la France a porté à l’attention de mon prédécesseur des
informations relatives à la saisie d’une cargaison d’armes à bord d’un boutre sans
pavillon, le 20 mars 2016 dans le nord de l’océan Indien. Elle est arrivée à la
conclusion que cette cargaison d’armes provenait de la République islamique d’Iran
et était probablement en route vers la Somalie ou le Yémen. En janvier 2017, la
France a fourni au Secrétariat des informations supplémentaires concernant ce
boutre, y compris son trajet avant son interception, les documents trouvés à bord et
l’identité de certains des membres de l’équipage. Le Secrétariat note que le boutre a
été arrêté par la frégate La Provence à un point se situant sur l’itinéraire le plus
direct et le plus économique permettant de relier son port d’attache, Konarak
(République islamique d’Iran) et sa destination au large des côtes somaliennes, telle
que révélée par le maître d’équipage, un Iranien.
31. En mars 2017, les autorités françaises ont accordé au Secrétariat un accès total
pour lui permettre d’examiner les fusils d’assaut, les fusils de précision, les
mitrailleuses légères et les missiles antichars saisis. Le Secrétariat a pu corroborer
de façon indépendante que les 2 000 fusils d’assaut et les 64 fusils de précision
saisis étaient neufs. Bien que dépourvues de marquage relatif au pays ou à l’usine
d’origine, ces armes présentaient des caractéristiques bien connues des armes de
fabrication iranienne. Les 2 000 fusils d’assaut présentent des caractéristiques
__________________
ceux d’un tonnage normal inférieur à 500 tonnes métriques, équipés pour lancer des missiles ayant
une portée d’au moins 25 kilomètres ou des torpilles de portée similaire ». Le Secrétariat croit
savoir que le navire iranien dont il est question avait un tonnage de plus de 500 tonnes métriques
et qu’il était armé et équipé à des fins militaires.
6 Jeremy Binnie, « Une flottille de la marine iranienne bloquée en Afrique du Sud », Jane’s Defence
Weekly, 19 janvier 2017.
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identiques à celles des KLS-7,62 mm de fabrication iranienne7, qui sont des fusils
d’assaut de type AK-47. Les 64 fusils de précision ont des caractéristiques
identiques à celles des fusils de précision SVD fabriqués en République islamique
d’Iran. En outre, le Secrétariat a pu confirmer auprès du fabricant étranger des
viseurs optiques montés sur les fusils de précision que ces viseurs étaient de
fabrication récente (2015) et qu’ils avaient été vendus à une société iranienne.
32. Mon prédécesseur et moi-même avons reçu plusieurs lettres concernant les
cargaisons d’armes saisies par l’Australie et les États-Unis début 2016 : les
informations y relatives ont déjà été fournies au Conseil de sécurité dans les premier
et deuxième rapports sur l’application de la résolution 2231 (2015). Il s’agit
notamment de lettres identiques datées du 15 mai 2017 et adressées au Président du
Conseil de sécurité et à moi-même par le Représentant permanent de l’Arabie
saoudite auprès de l’Organisation des Nations Unies (S/2017/427 ), ainsi qu’une
note verbale du Représentant permanent des Émirats arabes unis auprès de
l’Organisation des Nations Unies datée du 27 octobre 2016 (A/71/581). Cette
dernière a porté à l’attention de mon prédécesseur une lettre datée du 18 octobre
2016 adressée au Président de l’Assemblée générale par les Représentants
permanents de Bahreïn, d’Égypte, de Jordanie, du Koweït, du Maroc, d’Oman, du
Qatar, d’Arabie saoudite, du Soudan, des Émirats arabes unis et du Yémen (ibid.,
annexe).
33. Dans une lettre datée du 18 février 2017 qu’il m’a adressée, le Représentant
permanent de la République du Yémen auprès de l’Organisation des Nations Unies a
déclaré que « de multiples signalements faisant état d’interceptions similaires ayant
été reçus, on sait que des quantités considérables d’armes et de munitions par mi
lesquelles se trouvaient, d’après les autorités yéménites, des missiles antichars, des
fusils d’assaut, des fusils de précision Dragunov, des AK-47, des barils de rechange,
des tubes de mortier et des centaines de roquettes et lance-grenades de type RBG,
ont été saisies ». Il a également déclaré que trois drones espion démontés et
dissimulés dans un camion avaient été trouvés à la frontière entre le Yémen et Oman
le 12 décembre 2016 par des membres des forces armées yéménites et qu’un drone
espion appartenant aux houthistes avait été intercepté en vol par les forces de la
coalition dans la zone de Mocha le 28 janvier 2017 : il y voyait une « preuve
évidente de l’implication des Iraniens dans la fourniture d’armes et de services
spécialisés aux houthistes ». Le Gouvernement yéménite a été invité à fournir des
renseignements détaillés ainsi que des documents probants et des images. Je ferai
rapport au Conseil sur cette question en temps voulu, lorsque de nouvelles
informations seront disponibles.
34. Dans une lettre datée du 18 mai 2017, le Représentant permanent des Émirats
arabes unis auprès de l’Organisation des Nations Unies a porté à l’attention du
Secrétariat des informations concernant des armes et des matériels connexes ayant
été saisis ou récupérés par les forces armées des Émirats arabes unis au Yémen
depuis le 16 janvier 2016 : d’après les autorités des Émirats arabes unis, ces articles
étaient de fabrication iranienne ou avaient été achetés en République islamique
d’Iran. Les éléments d’information communiqués comprenaient des informations
détaillées et des images de missiles antichars et de drones qui auraient été saisis ou
récupérés par les forces de la Garde présidentielle des Émirats arabes unis. Le
Secrétariat est en train d’examiner ces informations et informera le Conseil, si
besoin, en temps voulu.
35. Dans le deuxième rapport du Secrétaire général, il est indiqué que le Corps des
gardiens de la révolution islamique envoie des armes et du matériel connexe au
__________________
7 Le KLS est la version à crosse fixe du fusil d’assaut KL-7,62 mm de fabrication iranienne.
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Hezbollah à bord d’avions commerciaux quittant la République islamique d’Iran à
destination de Beyrouth, qu’ils rejoignent soit directement, soit en faisant une escale
à Damas (voir S/2016/1136, par. 32). Dans une déclaration datée du 24 novembre
2016, le Président de l’aéroport international Rafic Hariri a fermement réfuté ces
allégations. Dans des lettres identiques datées du 25 janvier 2017 et adressées au
Président du Conseil de sécurité et à moi-même (A/71/770-S/2017/80), le
Représentant permanent du Liban auprès de l’Organisation des Nations Unies a
indiqué que la lettre du Représentant permanent d’Israël datée du 21 novembre 2016
(S/2016/987) comportait des mensonges et des allégations fallacieuses, et a
réaffirmé que son Gouvernement honorait les obligations qui lui incombaient au
titre des résolutions internationales.
36. D’après des informations communiquées par les organisateurs du sixième
salon d’armement International Defence Exhibition organisé en Iraq, qui s’est tenu à
Bagdad du 5 au 7 mars 2017, plusieurs entités iraniennes ont participé à cette
manifestation pour la deuxième année consécutive. D’après les informations
relayées par les médias présents à cette manifestation, ces entités semblent avoir
présenté notamment des armes de petit calibre, des munitions d’artillerie, des
roquettes, des missiles antichar guidés et des systèmes portables de défense antiaérienne.
Le Secrétariat a de nouveau abordé cette question avec la Mission
permanente de l’Iraq auprès de l’Organisation des Nations Unies. La Mission
permanente de la République islamique d’Iran auprès de l’Organisation des Nations
Unies avait précédemment déclaré que la République islamique d’Iran estimait
n’avoir besoin d’aucune autorisation préalable de la part du Conseil de sécurité pour
cette activité étant donné qu’elle conservait la propriété des articles e xposés. Je
compte faire rapport au Conseil sur cette question en temps voulu, lorsque de
nouvelles informations seront disponibles.
VI. Application des dispositions relatives au gel des avoirs
37. Aux termes des alinéas c) et d) du paragraphe 6 de l’annexe B de la résolution
2231 (2015), tous les États sont tenus de geler les fonds et autres avoirs financiers et
ressources économiques des personnes et entités visées dans la liste tenue à jour en
application de ladite résolution8, et de veiller à ce que ni fonds, ni avoirs financiers,
ni ressources économiques ne soient mis à la disposition de ces personnes et entités.
38. Il apparaît qu’une entité qui figure actuellement sur la liste établie en
application de la résolution 2231 (2015), la Defence Industries Organization, semble
avoir participé de nouveau au salon d’armement iraquien, tenu en mars 2017 (voir
par. 36 ci-dessus). Le nom de cette organisation figure sur la liste des exposants
publiée par les organisateurs de la manifestation et, selon des images diffusées par
des médias iraquiens et iraniens, le logo officiel de la société apparaît sur plusieurs
affichages visuels à proximité des articles exposés. Tous les fonds et autres avoirs
financiers et ressources économiques de cette entité présents sur le territoire
iraquien à la date de l’adoption du Plan d’action global commun ou à tout moment
ultérieur auraient dû être gelés par les autorités iraquiennes. Le Secrétariat a de
__________________
8 Voir http ://www.un.org/fr/sc/2231/list.shtml. La liste tenue à jour en application de la résolution
2231 (2015) renferme les noms des personnes et entités visées dans la liste établie en application
de la résolution 1737 (2006) et tenue à jour par le Comité du Conseil de sécurité créé par la
résolution 1737 (2006) à la date de l’adoption de la résolution 2231 (2015), à l’exception des
36 personnes et entités visées dans la pièce jointe à l’annexe B de la résolution 2231 (2015), qui
en ont été radiées à la Date d’application du Plan d’action global commun. Le Conseil peut
toujours radier de la liste d’autres personnes ou entités ou, au contraire, y en ajouter d’autres qui
répondent à certains critères de désignation définis dans la résolution 2231 (2015). À ce jour,
23 personnes et 61 entités sont inscrites sur cette liste.
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nouveau abordé cette question avec la Mission permanente de l’Iraq auprès de
l’Organisation des Nations Unies. J’informerai le Conseil de sécurité en temps
voulu des faits nouveaux concernant cette affaire.
VII. Application des dispositions relatives à l’interdiction
de voyager
39. Aux termes de l’alinéa e) du paragraphe 6 de l’annexe B de la résolution
2231 (2015), tous les États sont tenus de prendre les mesures nécessaires pour
empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire des personnes figurant
sur la liste tenue à jour en application de la résolution 2231 (2015). Au moment de
la rédaction du présent rapport, le Conseil de sécurité n’avait reçu aucune demande
de dérogation ni accordé aucune dérogation à l’interdiction de voyager concernant
des personnes actuellement inscrites sur la liste.
40. Depuis la publication du deuxième rapport du Secrétaire général, des
informations supplémentaires sont apparues concernant les voyages effectués par le
général de division Qasem Soleimani. De nouvelles photos et une vidéo montrant le
général de division dans les environs d’Alep (République arabe syrienne) à la fin
décembre 2016 ont été reproduits début janvier 2017. En février 2017, lors d’un
entretien avec un média iranien (Tasnim News Agency), le Président iraquien, en
réponse à une question sur la présence du général de division en Iraq, aurait déclaré
que « la présence du général Qasem Soleimani [s’inscrivait] dans le contexte de la
présence de conseillers militaires étrangers en Iraq ». Il a en outre souligné que les
conseillers militaires iraniens, y compris le général, avaient le droit d’être présent s
en Iraq, tout comme les conseillers d’autres pays, pour fournir des conseils
militaires dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
41. En outre, début avril 2017, des médias iraniens et arabes (Fars News Agency,
Al-Masdar News) auraient reproduit une photo supposée montrer le général de
division Qasem Soleimani dans la province de Hama, dans le centre de la
République arabe syrienne, au cours d’une réunion avec des membres de l’Armée
arabe syrienne. Quelques jours plus tard, des médias de la région du Kurdistan
iraquien (Rudaw Media Network) ont signalé que le général de division Soleimani
s’était rendu à Souleïmaniya dans le Kurdistan iraquien. Plusieurs médias iraniens
et arabes (Fars News Agency, Al-Masdar News) ont également signalé que le
général avait été photographié avec des forces de mobilisation populaires
iraquiennes dans le nord-ouest de l’Iraq le 29 mai 2017. Selon ces informations, le
général de division Soleimani était présent dans la zone dans le cadre d’une mission
consultative du Corps des gardiens de la révolution islamique lors d’une opération
des forces de mobilisation populaire le long des points de passage de la frontière
entre la République arabe syrienne et l’Iraq.
VIII. Appui du Secrétariat au Conseil de sécurité
et au Facilitateur chargé par le Conseil de sécurité
de promouvoir l’application de la résolution 2231 (2015)
42. La Division des affaires du Conseil de sécurité du Département des affaires
politiques a continué d’appuyer les travaux du Conseil de sécurité et de son
Facilitateur chargé de promouvoir l’application de la résolution 2231 (2015). Elle a
également continué d’assurer la liaison avec le Groupe de travail sur
l’approvisionnement de la Commission conjointe s’agissant de toutes les questions
relatives à la filière d’approvisionnement.
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43. La Division a continué de diffuser auprès du public les informations
disponibles sur les restrictions imposées par la résolution 2231 (2015) par
l’intermédiaire du site Web du Conseil de sécurité9. Ce dernier a été régulièrement
enrichi de documents disponibles dans toutes les langues officielles. La Division a
également continué à tirer parti des activités de sensibilisation pour faire connaître
la résolution, en particulier la filière d’approvisionnement, conformément au
paragraphe 6 e) de la note du Président du Conseil de sécurité en date du 16 janvier
2016 (S/2016/44). Le 18 janvier 2017, la Division a participé à un séminaire sur le
contrôle des exportations organisé par l’Académie du commerce extérieur Awa
Aussenwirtschafts-Akademie à Francfort (Allemagne). Le 12 juin 2017, elle a
participé à un séminaire de sensibilisation du public portant sur la filière
d’approvisionnement, organisé à Vienne par le Centre de Vienne pour le
désarmement et la non-prolifération.
44. Au cours de la période considérée, la Division a continué de répondre aux
questions des États Membres concernant les dispositions de la résolution
2231 (2015) et à leur fournir un appui à cet égard, en particulier s’agissant des
procédures relatives à la présentation de propositions dans le domaine nucléaire et
de la procédure d’examen.
__________________
9 http ://www.un.org/fr/sc/2231/.
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Conseil des gouverneurs
GOV/2007/48
30 août 2007
Distribution restreinte
Français
Original : Anglais
Réservé à l’usage officiel
Point 7 d) de l’ordre du jour provisoire
(GOV/2007/38)
Mise en oeuvre de l’accord de garanties TNP
en République islamique d’Iran
Rapport du Directeur général
1. Le 23 mai 2007, le Directeur général a fait rapport au Conseil des gouverneurs sur la mise en
oeuvre de l’accord de garanties TNP en République islamique d’Iran (Iran) (GOV/2007/22). Le rapport
a été présenté parallèlement au Conseil de sécurité conformément aux résolutions 1696 (2006),
1737 (2006) et 1747 (2007) du Conseil de sécurité. Le présent rapport traite des faits nouveaux
intervenus depuis mai 2007 en ce qui concerne la mise en oeuvre de l’accord de garanties TNP de
l’Iran.
2. Le 24 juin 2007, le Directeur général a rencontré le Secrétaire du Conseil suprême de sécurité
nationale (CSSN). Lors de cette réunion, il a été convenu qu’un plan serait élaboré, dans les 60 jours
suivants, en ce qui concerne les modalités de règlement des problèmes restants en matière
d’application des garanties, dont les problèmes en suspens depuis longtemps (GOV/2007/22, par. 9).
Les modalités ont été discutées lors de réunions conduites par le Directeur général adjoint chargé des
garanties et le Secrétaire adjoint du CSSN, qui ont eu lieu les 11 et 12 juillet et les 20 et 21 août 2007 à
Téhéran, et le 24 juillet 2007 à Vienne. Le 21 août 2007, un plan (ci-après dénommé « plan de
travail »), qui inclut les points d’accord entre le Secrétariat et l’Iran sur les modalités, les procédures et
le calendrier de règlement de ces problèmes, a été finalisé. Un exemplaire de ce plan de travail
(également publié sous la cote INFCIRC/711 le 27 août 2007) est joint au présent document.
A. Activités liées à l’enrichissement
3. Depuis mai 2007, l’Iran a continué de tester des centrifugeuses isolément, les cascades de 10 et
20 machines et une cascade de 164 machines à l’installation pilote d’enrichissement de combustible
(IPEC). Entre le 17 mars et le 22 juillet 2007, l’Iran a introduit 14 kg d’UF6 dans les machines isolées ;
aucune matière nucléaire n’a été introduite dans les cascades.
- 108 - Annexe 66
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4. Depuis février 2007, l’Iran a introduit environ 690 kg d’UF6 dans les cascades à l’installation
d’enrichissement de combustible (IEC), ce qui est bien inférieur à la quantité attendue pour une
installation de ce type. Bien que l’Iran ait déclaré avoir atteint des niveaux d’enrichissement allant
jusqu’à 4,8 % en 235U à l’IEC, le niveau le plus élevé mesuré à partir des échantillons de
l’environnement prélevés jusqu’à présent par l’Agence sur les composants des cascades et les
équipements connexes est de 3,7 %. Un contrôle comptable détaillé des matières nucléaires, nécessaire
pour confirmer le niveau effectif d’enrichissement, sera effectué lorsque le produit et les résidus seront
retirés des cascades. Le 19 août 2007, 12 cascades de 164 machines fonctionnaient simultanément et
étaient alimentées en UF6, une cascade fonctionnait sans UF6, une cascade faisait l’objet d’essais à
vide et deux autres cascades étaient en construction.
5. Depuis le 22 mars 2007, l’Agence a appliqué des garanties à l’IEC au moyen d’inspections
intérimaires, de la vérification des renseignements descriptifs, d’inspections inopinées et de mesures
de confinement/surveillance (GOV/INF/2007/10). À ce jour, quatre inspections inopinées ont eu lieu à
l’IEC.
6. L’Agence a remis à l’Iran un projet de document exposant la méthode de contrôle pour l’IEC et
un projet de formule type les 24 et 26 juillet 2007, respectivement. Les documents ont été discutés lors
d’une réunion technique tenue à Téhéran du 6 au 8 août 2007. D’autres discussions auront lieu afin de
finaliser la formule type d’ici la fin septembre 2007.
B. Activités de retraitement
7. L’Agence surveille l’utilisation et la construction de cellules chaudes au réacteur de recherche de
Téhéran (RRT), à l’installation de production de radio-isotopes de molybdène, d’iode et de xénon
(installation MIX) et au réacteur de recherche iranien (IR-40) au moyen d’inspections et de la
vérification des renseignements descriptifs. Il n’y a pas d’indice d’activités liées au retraitement en
cours dans ces installations.
C. Projets liés à l’eau lourde
8. Comme l’Iran l’a accepté le 12 juillet 2007, l’Agence a procédé à la vérification des
renseignements descriptifs pour le réacteur IR-40 le 30 juillet 2007, et a noté que la construction de
l’installation se poursuivait. Des images satellitaires montrent que l’exploitation de l’usine de
production d’eau lourde se poursuit également.
D. Problèmes en suspens
D.1. Expériences relatives au plutonium
9. Comme convenu à la réunion des 11 et 12 juillet 2007, l’Agence a soumis à l’Iran par écrit, le
1er août 2007, les questions restantes en ce qui concerne les expériences de séparation de plutonium
menées par l’Iran au RRT (GOV/2007/8, par. 20 et 21). Le 7 août 2007, lors d’une réunion technique
tenue à Téhéran, l’Iran a fourni des informations supplémentaires sur la répartition du flux neutronique
pour les régions du coeur du réacteur et du réflecteur/modérateur, des détails à propos de mesures
antérieures du flux neutronique et des informations sur les conditions d’irradiation. À l’aide de ces
informations supplémentaires, l’Agence a révisé les estimations de l’abondance de 240Pu à laquelle on
pouvait s’attendre en fonction de l’irradiation des cibles. Les estimations révisées tirées de ces
nouvelles informations n’étaient pas incompatibles avec les constatations précédemment faites par
l’Agence à partir des échantillons prélevés lors de ses investigations. En tenant compte de toutes les
- 109 -
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Page 3
informations disponibles, l’Agence a conclu que les déclarations de l’Iran à propos de ces expériences
sont compatibles avec ses propres constatations concernant les dates, et les quantités et les types de
matières utilisées dans les expériences (GOV/2006/53, par. 15 et 16). Ce problème est donc considéré
comme réglé.
10. La réunion du 7 août 2007 a porté sur la présence et l’origine de la contamination par des
particules d’uranium hautement enrichi (UHE) des échantillons prélevés sur les conteneurs de
combustible usé à l’installation d’entreposage de déchets de Karaj (GOV/2006/53, par. 17). L’Iran a
maintenu que cette contamination provenait de fuites des assemblages combustibles du RRT,
entreposés temporairement dans ces conteneurs par le passé. Pendant la réunion, l’Iran a présenté un
exemplaire d’un rapport décrivant son enquête sur le problème des fuites des assemblages
combustibles du RRT, à propos duquel l’Agence avait fourni un appui technique au début des
années 90. Sur la base de ces informations, l’Agence a conclu que les principales sources d’UHE
irradié dans le système de refroidissement étaient aussi bien les fuites du combustible lui-même que la
surface du gainage du combustible contaminée par de l’UHE irradié. On peut estimer en outre que la
teneur en uranium naturel de l’eau de refroidissement du RRT était suffisante pour abaisser le niveau
d’enrichissement des particules d’UHE jusqu’à la valeur trouvée dans les échantillons que l’Agence a
prélevés sur les conteneurs à Karaj. L’Iran a aussi fourni des informations sur le taux de combustion et
la masse d’uranium pour tous les assemblages combustibles au moment des retraits intermédiaires et
finals de combustible. Les données indiquent qu’en fait plusieurs assemblages de commande avaient
fui, et que le taux de combustion déclaré correspondait à celui qui avait été calculé pour une majorité
des particules d’UHE. L’Agence a donc conclu que les déclarations de l’Iran n’étaient pas
incompatibles avec ses propres constatations et considère désormais le problème comme réglé.
D.2. Acquisition de la technologie de centrifugation (P1 et P2)
11. Pour achever son investigation sur la portée et la nature du programme iranien d’enrichissement
par centrifugation, l’Agence a besoin d’avoir accès à des informations supplémentaires
(GOV/2006/27, par. 10 à 13). Il s’agit notamment d’informations relatives à l’acquisition de la
technologie P1 en 1987 et de la technologie P1 et P2 au milieu des années 90, ainsi que de la
documentation d’appui et des éclaircissements fournis par des personnes compétentes. L’Agence
attend toujours, notamment, un exemplaire de l’offre manuscrite faite à l’Iran par le réseau en 1987,
une explication quant aux dates et au contenu des expéditions faites au milieu des années 90, et des
informations sur l’achat d’aimants adaptés aux centrifugeuses P2. Toutefois, l’Iran s’est engagé, dans
le cadre du plan de travail, à fournir, au cours des deux prochains mois, des réponses aux questions
écrites soumises par l’Agence, ainsi que des précisions et l’accès aux informations, y compris à la
documentation d’appui, en choisissant novembre 2007 comme date cible de règlement de ce problème.
D.3. Contamination
12. Comme indiqué précédemment au Conseil des gouverneurs (GOV/2007/8, par. 16 et 17 ;
GOV/2006/53, par. 24), l’analyse des échantillons de l’environnement prélevés en janvier 2006 sur les
équipements achetés par un ancien directeur du Centre de recherche en physique (CRP) et se trouvant
à l’université technique de Téhéran a révélé un petit nombre de particules d’uranium naturel et
hautement enrichi. L’Agence a demandé des précisions, l’autorisation de prélever des échantillons sur
d’autres équipements et matières achetés par le CRP et un entretien avec un autre ancien directeur du
CRP (GOV/2006/53, par. 25). Ces demandes n’ont pas encore été acceptées par l’Iran. Toutefois,
comme indiqué dans le plan de travail, l’Iran s’est engagé à tenir d’autres discussions sur ce point, sur
- 110 -
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la base des questions écrites soumises par l’Agence, après le règlement du problème des
centrifugeuses P1 et P2.
D.4. Document relatif à l’uranium métal
13. Pour bien comprendre la portée des offres faites par les intermédiaires qui ont fourni la
technologie d'enrichissement par centrifugation à l’Iran, l’Agence a demandé une copie du document
de 15 pages décrivant les procédures utilisées pour la réduction d’UF6 en uranium métal, et le moulage
et l’usinage d’uranium métal enrichi et appauvri en demi-sphères (GOV/2005/87, par. 6). Comme
indiqué dans le plan de travail, l’Iran a désormais accepté de coopérer à cet égard.
D.5. Polonium-210
14. Comme indiqué dans le plan de travail, l’Iran a accepté de fournir à l’Agence, deux semaines
après le règlement du problème de la remise d’une copie du document relatif à l’uranium métal, des
explications sur les questions restantes concernant les activités de l’Iran comportant l’extraction de
polonium (GOV/2004/83, par. 79 à 84).
D.6. Mine de Gchine
15. Comme indiqué dans le plan de travail, l’Iran a accepté de fournir à l’Agence, deux semaines
après le règlement du problème concernant le polonium 210, les explications demandées à propos des
activités d’extraction et de concentration d’uranium menées à la mine de Gchine (GOV/2005/67,
par. 26 à 31).
E. Études présumées
16. Afin de préciser certains aspects de la portée et de la nature du programme nucléaire iranien,
l’Agence a demandé des discussions avec l’Iran sur les études que celui-ci aurait menées en ce qui
concerne la conversion de dioxyde d’uranium en UF4, les essais d’explosifs brisants et la conception
d’un corps de rentrée de missile (GOV/2006/15, par. 38 à 40). À cette fin, l’Agence a proposé de
donner accès à l’Iran à la documentation qu’elle possède à propos de telles études. Comme indiqué
dans le plan de travail, bien que l’Iran considère qu’il s’agit là d’allégations « politiquement motivées
et sans fondement », il s’est engagé à examiner la documentation et à informer l’Agence de son
évaluation.
F. Autres problèmes de mise en oeuvre
F.1. Conversion d’uranium
17. L’Agence a fini d’évaluer les résultats de la vérification du stock de physique (VSP) des matières
nucléaires à l’installation de conversion d’uranium (ICU) réalisée en mars 2007, et a conclu que le
stock physique déclaré par l’Iran correspond aux résultats de la VSP, dans les limites des incertitudes
de mesure normalement associées aux installations de conversion ayant une production similaire.
18. Pendant la campagne de conversion à l’ICU, qui a commencé le 31 mars 2007 après la VSP,
environ 63 t d’uranium sous forme d’UF6 ont été produites jusqu’au 14 août 2007, la totalité restant
soumise aux mesures de confinement/surveillance de l’Agence.
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GOV/2007/48
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F.2. Renseignements descriptifs
19. Comme indiqué dans le précédent rapport du Directeur général (GOV/2007/22, par. 12 à 14), le
29 mars 2007 l’Iran a informé l’Agence qu’il avait « suspendu » l’application du texte modifié de la
rubrique 3.1 de la partie générale des arrangements subsidiaires relative à la communication rapide de
renseignements descriptifs. Dans une lettre du 30 mars 2007, l’Agence a demandé à l’Iran de
reconsidérer sa décision (GOV/INF/2007/8). Il n’y a eu aucun progrès sur ce point.
F.3. Désignation des inspecteurs et visas
20. Le 12 juillet 2007, l’Iran a accepté la désignation de cinq nouveaux inspecteurs de l’Agence
(GOV/2007/8, par. 23), ce qui porte le total des inspecteurs désignés pour l’Iran à 219. L’Iran a aussi
accepté de délivrer à 13 inspecteurs de l’Agence des visas d’un an pour entrées multiples.
F.4. Autres questions
21. Le 25 juillet 2007, l’Agence a procédé à une VSP de l’usine de fabrication de combustible, et a
vérifié une petite quantité de poudre d’oxyde d’uranium naturel devant servir de matière
d’alimentation pour les tests préliminaires du processus. La mise en place des équipements en est à un
stade avancé, mais l’installation n’est pas encore opérationnelle.
G. Résumé
22. L’Agence est en mesure de vérifier le non-détournement de matières nucléaires déclarées en Iran.
L’Iran accorde à l’Agence un accès aux matières nucléaires déclarées et a fourni les rapports requis sur
le contrôle comptable des matières nucléaires pour les matières et installations nucléaires déclarées.
Toutefois, l’Agence reste dans l’incapacité de vérifier certains aspects concernant la portée et la nature
du programme nucléaire iranien. Il convient de noter que depuis le début de 2006 l’Agence n’a pas
reçu le type d’informations que l’Iran fournissait auparavant, y compris en vertu du protocole
additionnel, par exemple des informations concernant les recherches avancées en cours sur la
centrifugation.
23. Le plan de travail constitue un progrès important. Si l’Iran s’occupe enfin des problèmes de
vérification en suspens depuis longtemps, l’Agence devrait être à même de reconstituer l’historique du
programme nucléaire iranien. Naturellement, pour que le plan de travail convenu puisse être mis en
oeuvre, il est essentiel que l’Iran coopère entièrement et activement avec l’Agence et qu’il lui fournisse
toutes les informations nécessaires et l’accès à l’ensemble de la documentation et aux personnes
pertinentes afin que l’Agence puisse régler tous les problèmes en suspens. À cette fin, l’Agence juge
essentiel que l’Iran respecte le calendrier fixé et qu’il applique toutes les mesures de transparence et de
garanties nécessaires, y compris les mesures prévues dans le protocole additionnel.
24. Une fois que le programme nucléaire passé de l’Iran aura été clarifié, l’Iran devra continuer
d’accroître la confiance quant à la portée et la nature de son programme nucléaire présent et futur.
Pour que l’on puisse avoir confiance dans le caractère exclusivement pacifique du programme
nucléaire iranien, il faut que l’Agence puisse donner des assurances non seulement à propos des
matières nucléaires déclarées, mais encore, et c’est tout aussi important, à propos de l’absence de
matières et d’activités nucléaires non déclarées en Iran grâce à l’application du protocole additionnel.
Le Directeur général engage donc à nouveau l’Iran à ratifier et à mettre en vigueur le protocole
additionnel le plus rapidement possible, comme le Conseil des gouverneurs et le Conseil de sécurité le
lui ont demandé.
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GOV/2007/48
Page 6
25. Contrairement aux décisions du Conseil de sécurité, l’Iran n’a pas suspendu ses activités liées à
l’enrichissement, et a poursuivi l’exploitation de l’IPEC et la construction et l’exploitation de l’IEC.
L’Iran poursuit aussi la construction du réacteur IR-40 et l’exploitation de l’usine de production d’eau
lourde.
26. Le Directeur général continuera de faire rapport selon que de besoin.
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GOV/2007/48
Appendice
Page 1
(également publié sous
la cote INFCIRC/711)
Points d’accord
entre
la République islamique d’Iran et l’AIEA
sur
les modalités de règlement des problèmes en suspens
Téhéran – 21 août 2007
Conformément aux négociations entre S.E. M. Larijani, Secrétaire du Conseil suprême de sécurité
nationale de la RI d’Iran, et S.E. M. ElBaradei, Directeur général de l’AIEA, à Vienne, suite à
l’initiative et au bon vouloir de la République islamique d’Iran et à l’accord obtenu, une délégation de
haut niveau comprenant les directeurs des départements technique, juridique et politique de l’AIEA, a
fait à Téhéran, les 11 et 12 juillet 2007, une visite au cours de laquelle ont été préparés les « Points
d’accord entre la République islamique d’Iran et l’AIEA sur les modalités de règlement des problèmes
en suspens, Téhéran, 12 juillet 2007 ».
Une deuxième réunion a eu lieu à Vienne le 24 juillet 2007, suivie par une autre réunion, en Iran,
les 20 et 21 août 2007. La délégation de l’Agence a pu rencontrer S.E. M. Larijani au cours de ses
deux visites à Téhéran. Après ces trois réunions consécutives, les parties se sont mises d’accord sur les
points suivants :
I. Derniers développements
Sur la base des modalités convenues le 12 juillet 2007, les décisions suivantes ont été prises :
1. Problèmes actuels :
A. Programme d’enrichissement
L’Agence et l’Iran ont convenu de coopérer pour la préparation de la méthode de contrôle de
l’installation d’enrichissement de combustible de Natanz conformément à l’accord de garanties
généralisées de l’Iran. Le projet de document sur la méthode de contrôle et la formule type pour IRNont
été communiqués à l’Iran le 23 juillet 2007. La méthode de contrôle et la formule type ont été
discutées au cours de réunions techniques tenues en Iran entre l’Agence et l’OIEA du 6 au
8 août 0207. D’autres discussions auront lieu afin de finaliser la formule type d’ici la fin
septembre 2007.
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GOV/2007/48
Appendice
Page 2
B. Réacteur de recherche à eau lourde d’Arak
L’Iran a accepté la demande de l’Agence de visiter le site du réacteur de recherche à eau lourde (IR40)
à Arak. La visite a eu lieu le 30 juillet 2007.
C. Désignation de nouveaux inspecteurs
Le 12 juillet 2007, l’Iran a accepté la désignation de cinq inspecteurs supplémentaires.
D. Délivrance de visas pour entrées multiples
Le 12 juillet 2007, l’Iran a accepté de délivrer des visas pour entrées multiples d’une validité d’un an
aux 14 inspecteurs et autres membres du personnel de l’Agence.
2. Problèmes antérieurs :
A. Expériences relatives au plutonium
Afin de régler et de clore le dossier du problème du plutonium (Pu), l’Agence a soumis à l’Iran les
questions restantes le 23 juillet 2007. Lors d’une réunion en Iran entre des représentants de l’Agence
et de l’Iran, l’Iran a communiqué à l’Agence des précisions qui ont permis de répondre aux questions
restantes. En outre, le 7 août 2007, l’Iran a envoyé à l’Agence une lettre donnant des éclaircissements
supplémentaires à propos de certaines des questions. Le 20 août 2007, l’Agence a indiqué que les
déclarations précédentes de l’Iran étaient compatibles avec ses propres constatations et le problème est
donc réglé. L’Agence en informera officiellement l’Iran par lettre.
B. Problème des centrifugeuses P1 et P2
Sur la base des modalités convenues le 12 juillet 2007, l’Iran et l’Agence se sont entendus sur la
procédure ci-après pour régler le problème des centrifugeuses P1 et P2. Le calendrier proposé suppose
que l’Agence annonce le règlement du problème en suspens concernant les expériences relatives au
plutonium d’ici au 31 août 2007, le Directeur général faisant ensuite rapport au Conseil gouverneurs
en septembre 2007.
L’Agence soumettra la liste de toutes les questions restantes à ce propos avant le 31 août 2007. L’Iran
et l’Agence auront des discussions en Iran les 24 et 25 septembre 2007 pour clarifier ces questions.
Ces discussions seront suivies d'une autre réunion, mi-octobre 2007, pour préciser les réponses
fournies par écrit. La date fixée comme objectif par l’Agence pour le règlement de ce problème est
novembre 2007.
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GOV/2008/48
Appendice
Page 3
C. Source de la contamination
Sur la base des modalités convenues le 12 juillet 2007 et compte tenu des constatations de l’Agence
qui tendent, dans l’ensemble, à confirmer la déclaration de l’Iran à propos de l’origine étrangère de la
contamination par l’UHE, le seul problème en suspens dans ce domaine est la contamination constatée
à l’université technique de Téhéran.
L’Iran et l’Agence se sont entendus sur la procédure ci-après pour régler ce problème à partir du
moment où le problème des centrifugeuses P1 et P2 sera réglé et le dossier clos. L’Agence soumettra à
nouveau à l’Iran les questions restantes à propos de la contamination constatée à l’université technique
de Téhéran d’ici au 15 septembre 2007. Deux semaines après le règlement du problème des
centrifugeuses P1 et P2, l’Iran et l’Agence auront des discussions en Iran sur ce problème.
D. Document relatif à l'uranium métal
À la demande de l’Agence, l’Iran a accepté de coopérer avec l’Agence pour faciliter la comparaison
des sections pertinentes du document. L’Iran est en train d’examiner les propositions faites lors de la
première réunion, le 12 juillet 2007. Après que l’Iran aura pris cette mesure, l’Agence s’engage à clore
le problème.
II. Modalités de règlement des autres problèmes en suspens
A. 210Po
Sur la base des modalités convenues le 12 juillet 2007, l’Iran accepte de traiter ce problème, une fois
que tous les problèmes susmentionnés auront été réglés et les dossiers correspondants clos. L’Iran et
l’Agence se sont entendus sur la procédure suivante : l’Agence soumettra à l’Iran par écrit toutes les
questions restantes d’ici au 15 septembre 2007.
Deux semaines après le règlement et la clôture des problèmes concernant la source de la
contamination et l’uranium métal, dont il sera rendu compte dans le rapport du Directeur général au
Conseil des gouverneurs, l’Iran et l’Agence auront en Iran des discussions au cours desquelles l’Iran
donnera des explications à propos du 210Po.
B. Mine de Ghachine
Sur la base des modalités convenues le 12 juillet 2007, l’Iran accepte de traiter ce problème, une fois
que le problème du 210Po aura été réglé et le dossier clos. L’Iran et l’Agence se sont entendus sur la
procédure suivante : l’Agence soumettra à l’Iran par écrit toutes les questions restantes d’ici au
15 septembre 2007.
Deux semaines après le règlement et la clôture du problème du 210Po, dont il sera rendu compte dans le
rapport du Directeur général au Conseil des gouverneurs, l’Iran et l’Agence auront en Iran des
discussions au cours desquelles l’Iran donnera des explications à propos de la mine de Ghachine.
- 116 -
GOV/2007/48
Appendice
Page 4
III. Études présumées
L’Iran a répété qu’il considère comme politiquement motivées et sans fondement les allégations selon
lesquelles il aurait mené les études ci-après. Toutefois, l’Agence permettra à l’Iran de consulter la
documentation qu’elle possède à propos du projet Green Salt, des essais d’explosifs brisants et du
corps de rentrée de missile.
En signe de bonne volonté et de coopération avec l’Agence, une fois qu’il aura reçu tous les
documents correspondants, l’Iran les examinera et informera l’Agence de son évaluation.
IV. Points d’accord généraux
1. Ces modalités couvrent tous les problèmes en suspens et l’Agence a confirmé qu’il n’y avait pas
d’autres problèmes en suspens ni ambiguïtés en ce qui concerne le programme et les activités
nucléaires passés de l’Iran.
2. L’Agence a accepté de soumettre à l’Iran toutes les questions restantes conformément au plan
de travail ci-dessus. Ceci signifie qu’après réception des questions, il n’en restera plus aucune. L’Iran
communiquera à l’Agence les clarifications et les informations requises.
3. La délégation de l’Agence est d’avis que l’accord sur les problèmes ci-dessus favorisera la mise
en oeuvre efficiente des garanties en Iran et sa capacité de conclure à la nature exclusivement pacifique
des activités nucléaires de l’Iran.
4. L’Agence a pu vérifier le non-détournement des matières nucléaires déclarées dans les
installations d’enrichissement en Iran et a donc conclu qu’elles étaient restées affectées à des
utilisations pacifiques.
5. L’Agence et l’Iran sont convenus qu’après la mise en oeuvre du plan de travail ci-dessus et des
modalités de règlement des problèmes en suspens, l’application des garanties en Iran se ferait de
manière habituelle.
- 117 -
L’atome pour la paix
Conseil des gouverneurs
GOV/2008/4
22 février 2008
Distribution restreinte
Français
Original : Anglais
Réservé à l’usage officiel
Point 5 c) de l’ordre du jour provisoire
(GOV/2008/6)
Mise en oeuvre de l’accord de garanties TNP et
des dispositions pertinentes des résolutions
1737 (2006) et 1747 (2007) du Conseil de
sécurité en République islamique d’Iran
Rapport du Directeur général
1. Le 15 novembre 2007, le Directeur général a fait rapport au Conseil des gouverneurs sur la mise
en oeuvre de l’accord de garanties TNP et des dispositions pertinentes des résolutions 1737 (2006)
et 1747 (2007) du Conseil de sécurité en République islamique d’Iran (Iran) (GOV/2007/58). Le
présent rapport relate les éléments nouveaux depuis cette date.
2. Les 11 et 12 janvier 2008, le Directeur général a rencontré à Téhéran S.E. l’ayatollah
A. Khamenei, chef suprême de l’Iran, S.E. M. M. mAahdinejad, président de l’Iran,
S.E. M. G. Aghazadeh, vice-président de l’Iran et président de l’Organisation iranienne de l’énergie
atomique (OIEA), S.E. M. M. Mottaki, ministre des affaires étrangères, et S.E. M. S. Jalili, secrétaire
du Conseil suprême de sécurité nationale de l’Iran. L’objet de la visite était de discuter des voies et
moyens d’appliquer toutes les résolutions pertinentes du Conseil des gouverneurs et du Conseil de
sécurité de l’ONU, ainsi que d’accélérer la mise en oeuvre du plan de travail convenu entre l’Iran et le
Secrétariat le 21 août 2007 et visant à clarifier les questions en suspens concernant l’application des
garanties (GOV/2007/48, appendice).
3. Pendant les discussions, les dirigeants iraniens ont déclaré que le programme nucléaire du pays
avait toujours revêtu un caractère exclusivement pacifique et qu’il n’y avait jamais eu de programme
de mise au point d’armes nucléaires. Les autorités iraniennes ont accepté d’accélérer la mise en oeuvre
du plan de travail.
Annexe 67
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GOV/2008/4
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A. Mise en oeuvre du plan de travail sur les problèmes en suspens
A.1. Source de la contamination
4. Le 15 septembre 2007, l’Agence a soumis à l’Iran des questions concernant la source de la
contamination par des particules d’uranium constatée sur certains équipements d’une université
technique, la nature de ces équipements, leur utilisation envisagée, ainsi que les noms et les rôles des
personnes et entités impliquées, y compris le Centre de recherche en physique (CRP) (GOV/2007/58,
par. 24). Ces équipements avaient été achetés par l’ancien directeur du CRP, qui avait aussi été
professeur à l’université. Il avait aussi acheté, ou tenté d’acheter, d’autres équipements, comme des
machines à équilibrer, des spectromètres de masse, des aimants et du matériel de manutention du fluor,
qui pourraient être utiles pour des activités d’enrichissement d’uranium (GOV/2006/27, par. 25).
5. Du 10 au 12 décembre 2007 et les 15 et 16 décembre 2007 ont eu lieu à Téhéran des réunions
entre l’Agence et des représentants de l’Iran, au cours desquelles l’Iran a apporté des réponses aux
questions et l’Agence a demandé d’autres éclaircissements sur l’affectation prévue des équipements,
les personnes et les entités qui les avaient commandés, les destinataires, et l’utilisation et
l’emplacement des équipements, dans le passé et actuellement. Dans une lettre de suivi datée du
18 décembre 2007, l’Agence a communiqué à l’Iran d’autres détails sur les équipements.
6. Dans une lettre du 3 janvier 2008, l’Agence a rappelé à l’Iran qu’il devait fournir des
éclaircissements supplémentaires pour permettre une évaluation complète de la question de la source
de la contamination et des activités d’achat.
7. Dans une lettre du 8 janvier 2008, l’Iran a donné des réponses aux questions posées par l’Agence
dans sa lettre du 3 janvier 2008.
A.1.1. Utilisation des équipements et source de la contamination
8. D’après l’Iran, les équipements de vide ont été achetés en 1990 pour le compte de l’université
technique par l’ancien directeur du CRP du fait de ses compétences en matière d’achats et des
relations commerciales du CRP. Ils devaient être utilisés par le Département de physique de
l’université technique pour le revêtement d’articles tels que miroirs optiques, lasers optiques, miroirs
laser, couches résistives de cellules solaires et miroirs utilisés dans les blocs opératoires.
9. L’Iran a déclaré que, à la réception de ces équipements en 1991, il avait été noté que la livraison
était incomplète et comportait des pièces erronées. Les équipements ont donc été entreposés à
l’université. L’Iran a en outre déclaré que plusieurs lettres de réclamation avaient été envoyées au
fournisseur jusqu’en 1994, mais sans résultat.
10. D’après l’Iran, certains de ces équipements ont été utilisés, tant à l’université qu’en dehors,
de 1994 à 2003 dans des activités de recherche, d’exploitation et de maintenance en conditions de
vide, mais d’autres n’ont jamais servi. Pour expliquer l’origine de la contamination, l’Iran a dit que,
en 1998, une personne qui essayait des composants de centrifugeuses provenant du Pakistan au
laboratoire de la place Vanak pour le compte de l’OIEA (GOV/2004/34, par. 31) avait fait venir le
spécialiste des techniques de vide de l’université pour réparer une pompe. L’Iran a déclaré que
certains des équipements de vide susmentionnés avaient servi pour cette réparation et que lorsqu’ils
avaient été ensuite rapportés à l’université, ils avaient causé la contamination par les particules
d’uranium.
11. Pour évaluer les informations données par l’Iran, l’Agence s’est entretenue avec la personne du
laboratoire de la place Vanak et le spécialiste des techniques de vide de l’université qui avait procédé à
la réparation. Elle a pu voir la pompe qui avait été réparée à l’aide des équipements concernés. Elle a
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GOV/2008/4
Page 3
procédé à une analyse détaillée des signatures de la contamination des équipements et les a comparées
avec celles des frottis prélevés en Iran sur les composants de centrifugeuses provenant du Pakistan.
Elle en a conclu que les explications et les justificatifs fournis par l’Iran à propos de la source possible
de la contamination par des particules d’uranium à l’université n’étaient pas incompatibles avec les
données dont elle dispose actuellement. Elle considère que cette question est réglée à ce stade.
Toutefois, conformément à ses procédures et pratiques, elle continue à chercher à corroborer ses
constatations et à vérifier cette question dans le cadre de sa vérification de l’exhaustivité des
déclarations de l’Iran.
A.1.2. Activités d’achat de l’ancien directeur du CRP
12. D’après l’Iran, aucun des équipements dont l’ancien directeur du CRP a effectué ou envisagé
l’achat (voir par. 4 ci-dessus) n’était destiné à des activités liées à l’enrichissement ou à la conversion
d’uranium, que ce soit à des fins de recherche-développement (R-D) ou d’enseignement dans ces
domaines. D’après l’Iran, les achats et tentatives d’achat de l’ancien directeur du CRP ont aussi été
faits pour le compte d’autres entités de l’Iran, comme indiqué ci-dessous.
13. L’Iran a déclaré que les équipements de vide achetés par le directeur du CRP étaient destinés à
des fins d’enseignement au Laboratoire des techniques de vide de l’université, spécifiquement pour
utilisation par les étudiants pour des expériences sur la production de couches minces à l’aide de
techniques d’évaporation et de vide, le revêtement par systèmes de vide et la détection de fuites dans
les systèmes de vide. À l’appui de ses déclarations, l’Iran a présenté des manuels d’instructions
concernant les diverses expériences, des communications internes sur l’achat des équipements et des
documents d’expédition. Les inspecteurs de l’Agence ont visité le Laboratoire des techniques de vide
et confirmé la présence des équipements.
14. L’Iran a déclaré que certains aimants avaient aussi été achetés par le directeur du CRP pour le
compte du Département de physique de l’université à des fins d’enseignement dans le cadre
« d’expériences de Lenz-Faraday ». Il a présenté plusieurs documents à l’appui de cette déclaration :
manuels d’instructions concernant les expériences, demandes de financement indiquant qu’il avait été
décidé de charger le directeur du CRP de commander et d’acheter les pièces, et facture du fournisseur
pour des ventes au comptant. L’Iran a déclaré que les aimants avaient été mis au rebut après
utilisation.
15. D’après l’Iran, le directeur du CRP s’y est pris à deux fois pour acheter pour le Département de
génie mécanique de l’université une machine à équilibrer à des fins d’enseignement, par exemple pour
la mesure des vibrations et des forces engendrées dans les composants rotatifs par déséquilibrage. Pour
étayer cette déclaration de l’Iran, les procédures des expériences de laboratoire, des demandes
concernant les achats et une lettre confirmant la réalisation de l’achat ont été montrées à l’Agence. Les
inspecteurs de l’Agence ont visité le Département de génie mécanique et confirmé la présence d’une
machine à équilibrer.
16. D’après l’Iran, le directeur du CRP a aussi essayé d’acheter 45 cylindres de gaz, contenant
chacun 2,2 kg de fluor, pour le compte du Bureau des relations industrielles de l’université. L’Iran a
déclaré que le fluor devait servir à améliorer la stabilité chimique de cuves en polymère. À l’appui de
ses déclarations, l’Iran a présenté une demande d’achat de fluor et une communication entre le
directeur du CRP et le président de l’université concernant le refus du fournisseur prévu de livrer la
marchandise.
17. L’Iran a déclaré que l’OIEA avait rencontré des difficultés pour les achats à cause des sanctions
internationales imposées au pays, et que c’était pour cette raison que l’OIEA avait demandé au doyen
de l’université d’apporter son aide pour l’achat d’un spectromètre de masse UF6. D’après l’Iran,
en 1988, le doyen de l’université avait demandé au chef de l’atelier de mécanique du groupe industriel
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GOV/2008/4
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Shahid Hemmat (SHIG), qui relevait du Ministère du Corps des gardiens de la révolution, de
s’occuper de l’achat. D’après l’Iran, le spectromètre de masse n’a jamais été livré. Le chef de l’atelier
de mécanique, nommé par la suite directeur du CRP à sa création en 1989, est la personne qui a tenté
d’effectuer les achats mentionnés plus haut.
18. L’Agence a pris note des informations et des justificatifs fournis par l’Iran ainsi que des
déclarations que lui a faites l’ancien directeur du CRP et a conclu que les réponses n’étaient pas
incompatibles avec l’utilisation déclarée des équipements. Le rôle et les activités du CRP seront
examinés plus avant à propos des études présumées (voir ci-après).
A.2. Document relatif à l’uranium métal
19. Le 8 novembre 2007, l’Agence a reçu de l’Iran une copie du document de 15 pages décrivant les
procédures utilisées pour la réduction d’UF6 en uranium métal et l’usinage de l’uranium métal enrichi
en demi-sphères, composants d’armes nucléaires. L’Iran a répété que ce document avait été reçu en
même temps que la documentation sur les centrifugeuses P1 en 1987 et qu’il n’avait pas été demandé
par lui. L’Agence attend toujours une réponse du Pakistan sur les circonstances de l’envoi de ce
document afin de comprendre pleinement la portée et la teneur de l’offre faite par le réseau en 1987
(GOV/2006/15, par. 20 à 22).
A.3. Polonium 210
20. Le polonium 210 intéresse l’Agence car il peut être utilisé non seulement à des fins civiles (dans
des batteries à radio-isotopes, par exemple), mais aussi, associé au béryllium, à des fins militaires, par
exemple dans les initiateurs à neutrons de certains modèles d’armes nucléaires. Les 20 et
21 janvier 2008, des représentants de l’Agence et de l’Iran ont tenu à Téhéran une réunion à laquelle
l’Iran a répondu aux questions posées par l’Agence dans sa lettre du 15 septembre 2007 à propos des
recherches sur le polonium 210 (GOV/2007/58, par. 26). L’Agence a demandé dans cette lettre à voir
la documentation originale du projet.
21. D’après l’Iran, dans les années 80, il avait été demandé aux scientifiques du Centre de recherche
nucléaire de Téhéran (CRNT) de proposer de nouvelles activités de recherche. Un projet intitulé
« Production de 210Po par irradiation de 209Bi dans le réacteur du CRNT » a été proposé puis approuvé
par le Comité consultatif scientifique du CRNT en 1988. Il s’agissait de recherches fondamentales
visant à accroître les connaissances sur ce procédé. D’après l’Iran, le projet ne visait aucune
application immédiate spécifique. Toutefois, une utilisation potentielle dans des batteries à
radio-isotopes, si l’extraction chimique de polonium 210 donnait de bons résultats, était mentionnée
dans la proposition initiale.
22. L’Iran a réaffirmé que le projet ne faisait pas partie d’un projet de R-D plus large, mais qu’il
s’agissait d’une initiative personnelle du responsable du projet. D’après l’Iran, le chimiste travaillant
sur le projet a quitté le pays avant que l’extraction chimique n’ait été menée à bien, le projet a été
abandonné et les échantillons, après décroissance, ont été mis au rebus comme déchets (GOV/2004/11,
par. 30).
23. Pour étayer sa déclaration, l’Iran a présenté des exemplaires supplémentaires de documents et
de recherches bibliographiques sur lesquels se basait la demande d’approbation du projet. L’Iran a
aussi fourni des copies de la proposition de projet, les minutes des réunions et le document
d’approbation du Comité consultatif scientifique du CRNT, ainsi qu’une copie complète du journal du
réacteur pour l’ensemble de la période pendant laquelle les échantillons se trouvaient dans le réacteur.
24. Après avoir examiné toutes les informations fournies par l’Iran, l’Agence a conclu que les
explications concernant la teneur et l’ampleur des expériences sur le polonium 210 étaient compatibles
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GOV/2008/4
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avec ses constatations et les autres informations dont elle dispose. L’Agence considère que cette
question est réglée à ce stade. Toutefois, conformément à ses procédures et pratiques, elle continue à
chercher à corroborer ses constatations et à vérifier cette question dans le cadre de sa vérification de
l’exhaustivité des déclarations de l’Iran.
A.4. Mine de Gchine
25. Les 22 et 23 janvier 2008, une réunion a eu lieu à Téhéran entre des représentants de l’Agence
et des représentants de l’Iran, durant laquelle l’Iran a apporté des réponses aux questions soulevées par
l’Agence dans sa lettre du 15 septembre 2007 (GOV/2007/58, par. 27) pour qu’elle puisse mieux
comprendre les modalités complexes de l’administration antérieure et actuelle de la mine et de l’usine
de Gchine (GOV/2005/67, par. 26 à 31).
26. Selon l’Iran, l’exploitation de l’uranium à la mine de Gchine ainsi que les activités de
préparation du minerai à l’usine de concentré d’uranium à Gchine ont toujours été et demeurent la
responsabilité de l’OIEA.
27. L’Iran a déclaré que, en 1989, l’étendue du gisement d’uranium à Saghand, dans le centre du
pays, avait été établie en coopération avec des experts chinois. Compte tenu des bonnes perspectives
de rendement de cette région, un contrat a été conclu en 1995 avec des sociétés russes pour équiper la
mine de Saghand et concevoir une usine de préparation du minerai d’uranium. Un financement
insuffisant avait été alloué dans le plan quinquennal 1994-1998 du gouvernement pour que l’OIEA
puisse poursuivre ses activités à la fois à Gchine et à Saghand. Dès lors qu’il y avait plus d’uranium
(gisement estimé à 1 000 tonnes) à Saghand qu’à Gchine (gisement estimé à 40 tonnes), la décision a
été prise d’attribuer les fonds disponibles à Saghand.
28. Selon l’Iran, dans la période 1993-1998, diverses tâches comme l’élaboration de rapports
techniques et d’études et des essais chimiques de minerais ont été effectuées au Centre de préparation
de minerais (CPM) de l’OIEA au CRNT. L’objectif d’une partie de la documentation était de justifier
le financement de Gchine dans le plan quinquennal 1999-2003. Ces efforts ont abouti, et le
financement pour la poursuite des activités de prospection et d’exploitation à Gchine a été approuvé
dans le cadre du plan quinquennal. Le 25 août 1999, la décision a été prise de construire une usine de
concentré d’uranium à Gchine, initiative appelée « Projet 5/15 ».
29. Au cours des réunions des 22 et 23 janvier 2008, l’Iran a fourni aussi à l’Agence des pièces
justificatives sur le budget, les plans quinquennaux, les contrats avec des entités étrangères et
l’élaboration d’études et de rapports. L’Agence a conclu que cette documentation était suffisante pour
confirmer que l’OIEA continuait à s’intéresser à Gchine et à y travailler dans la période 1993-1999.
30. Pour ce qui est de l’origine et du rôle de la société Kimia Maadan (KM), l’Iran a déclaré que
le CPM, en plus de son propre personnel, avait engagé des consultants et des experts pour divers
projets, y compris pour des travaux en rapport avec Gchine. Après que le budget alloué pour les
activités de prospection et d’exploitation à Gchine eut été approuvé en 1999, les experts et les
consultants ont formé une société (KM) pour se charger d’un contrat de l’OIEA pour l’usine de
Gchine. Des pièces justificatives ont été fournies à l’Agence pour montrer que KM avait été
enregistrée comme société le 4 mai 2000. L’Iran a déclaré que le personnel de base de KM, une
demi-douzaine de personnes environ, était constitué d’experts ayant travaillé auparavant pour le CPM.
À son niveau d’activité maximum, la société employait plus de 100 personnes. En plus de son propre
personnel, KM faisait appel à des experts venant de l’université et à des sous-traitants pour travailler
sur le projet.
31. Selon l’Iran, KM avait reçu de l’OIEA des informations sur le plan conceptuel consistant en
plans et rapports techniques. KM était chargée de la configuration détaillée, des achats d’équipements
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et de leur installation et de la mise en service de l’usine de concentré d’uranium de Gchine. Le contrat
imposait des contraintes de temps et, de ce fait, quelques erreurs ont été commises. Une fois achevée
la configuration détaillée, des modifications ont dû être apportées, ce qui a créé des problèmes
financiers pour KM.
32. L’Iran a déclaré que KM n’avait eu qu’un seul projet – celui entrepris avec l’OIEA pour la
construction, clé en main, de l’usine de concentré d’uranium de Gchine. Toutefois, KM a aussi aidé
l’OIEA pour les achats, car cette dernière avait des contraintes au niveau des achats suite aux
sanctions (GOV/2006/15 par. 39). Un document comportant une liste des articles achetés pour
l’installation de conversion d’uranium (ICU) a été fourni par l’Iran. Selon l’Iran, du fait de ses
problèmes financiers, KM a cessé de travailler sur le projet de Gchine en juin 2003, lorsque le contrat
de trois ans passé avec l’OIEA est arrivé à expiration. L’Iran a déclaré, avec pièce justificative à
l’appui, que KM avait été officiellement radiée du registre le 8 juin 2003. Après que KM eut arrêté,
le CPM a recommencé de travailler sur le projet Gchine.
33. L’Iran a déclaré que KM avait pu progresser rapidement après sa création en mai 2000 et poser
fin décembre 2000 les fondations de l’usine de concentré d’uranium parce que le plan conceptuel pour
cette usine avait été réalisé par le CPM. Ce plan conceptuel et d’autres éléments de savoir-faire avaient
été fournis à KM, qui s’est servie de ces informations pour la configuration détaillée des équipements
pour les activités de transformation. KM a donc pu rapidement préparer les plans et passer des
commandes. L’Iran a présenté à l’Agence des pièces justificatives des études réalisées par l’OIEA.
34. La plupart des informations ainsi fournies par l’Iran n’avaient pas été présentées à l’Agence lors
de discussions antérieures relatives à Gchine. L’Agence a conclu que les informations et les
explications fournies par l’Iran étaient étayées par les pièces justificatives, dont le contenu est
compatible avec les informations qui ont été déjà mises à la disposition de l’Agence. L’Agence
considère que cette question est réglée à ce stade. Toutefois, conformément à ses procédures et
pratiques, elle continue à chercher à corroborer ses constatations et à vérifier cette question dans le
cadre de sa vérification de l’exhaustivité des déclarations de l’Iran.
A.5. Études présumées
35. L’Agence a continué de demander instamment à l’Iran, comme exigé par le Conseil de sécurité,
de se pencher sur les études présumées portant sur la conversion de dioxyde d’uranium (UO2) en
tétrafluorure d’uranium (UF4) (projet Green Salt), les essais d’explosifs de grande puissance et la
conception d’un corps de rentrée de missile qui pourraient avoir une dimension nucléaire militaire et
semblent être administrativement connectées, et qui pourraient être liées à l’utilisation de matières
nucléaires (GOV/2007/58, par. 28). Dans le cadre du plan de travail, l’Iran a accepté de se pencher sur
ces études présumées.
36. Les 27 et 28 janvier 2008 et du 3 au 5 février 2008, l’Agence et l’Iran ont examiné les études
présumées lors de réunions à Téhéran. Au cours de ces discussions, l’Agence a fourni des
informations détaillées sur les allégations et a demandé des éclaircissements sur d’autres questions qui
avaient été soulevées pendant la mise en oeuvre du plan de travail, notamment les rôles joués par
le CRP, KM, l’Institut de recherche didactique (ERI) et l’Institut de physique appliquée (IPA),
(GOV/2004/83, par. 100 et 101).
37. L’Agence a montré à l’Iran de la documentation qui avait été donnée à l’Agence par d’autres
États Membres et qui est censée provenir d’Iran, y compris un schéma fonctionnel d’une installation
pilote de conversion d’UO2 en UF4. Ces documents indiquent une capacité du processus de l’ordre
d’une tonne d’UF4 par an. Le schéma fonctionnel porte l’inscription KM et fait référence au
« Projet 5/13 ». La documentation comprend des communications entre le personnel travaillant sur le
projet et une autre société privée au sujet de l’acquisition de l’instrumentation de procédé. Les
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communications font aussi référence à la direction du projet sur le corps de rentrée de missile.
L’Agence a aussi présenté le schéma d’un processus de production de 50 tonnes d’UF4 par an.
38. L’Iran a déclaré que les allégations étaient sans fondement et que les informations que l’Agence
avait montrées à l’Iran avaient été forgées de toutes pièces. Toutefois, il a accepté d’expliciter en détail
sa déclaration. Les 8 et 12 février 2008, l’Agence a réitéré par écrit sa demande d’éclaircissements
supplémentaires. Le 14 février 2008, l’Iran a répondu en reprenant ses déclarations antérieures sur ce
point et en confirmant qu’elles étaient définitives. L’Iran a déclaré que la seule organisation qui avait
mené, et qui menait toujours, des activités du cycle du combustible était l’OIEA et que l’OIEA avait
eu un contrat avec KM pour un projet d’usine de concentré d’uranium à Gchine, seul projet
auquel KM ait jamais participé. Selon l’Iran, le schéma fonctionnel était une pure invention et
l’accusation était sans fondement.
39. Pendant les réunions du 3 au 5 février 2008, l’Agence a communiqué à l’Iran des documents
pour qu’il les examine et a fourni des informations techniques supplémentaires portant sur : des essais
de dispositifs d’amorçage à haute tension ; la mise au point d’un dispositif électro-pyrotechnique à fil
explosé (DEP) ; le déclenchement simultané de plusieurs détonateurs EDP à fil explosé ; et
l’identification d’un dispositif d’essais d’explosifs avec utilisation d’un puits de 400 m et une capacité
de déclenchement à 10 km de distance du puits, dont l’Agence pense qu’ils pourraient tous être en
rapport avec la recherche-développement d’armes nucléaires. L’Iran a déclaré que les documents
avaient été forgés et que les informations qu’ils contenaient pouvaient aisément être trouvées dans des
sources d’informations librement accessibles. Pendant les réunions mentionnées ci-dessus, l’Agence a
aussi décrit des paramètres et des travaux de développement en rapport avec le missile Shahab 3, en
particulier les aspects techniques d’un corps de rentrée de missile, et elle a communiqué à l’Iran, pour
examen, une image informatique, qui lui avait été fournie par d’autres États Membres, montrant la
configuration intérieure du cône d’un corps de rentrée. Cette configuration a été évaluée par l’Agence
comme étant parfaitement capable d’abriter un engin nucléaire. L’Iran a déclaré que son programme
de missiles portait uniquement sur l’utilisation d’ogives classiques et s’inscrivait en outre dans le
programme spatial iranien, et que le schéma que l’Agence lui avait montré était sans fondement et
forgé de toutes pièces.
40. Au cours des réunions des 27 et 28 janvier et du 3 au 5 février 2008, l’Agence a demandé à
l’Iran de clarifier un certain nombre de commandes passées par l’ERI, le CRP et l’IPA qui pourraient
être en rapport avec les études présumées. Il s’agit notamment de cours de formation sur les calculs
neutroniques, l’effet des ondes de choc sur le métal, l’enrichissement/la séparation isotopique et les
missiles balistiques. Il y a eu également des efforts d’acquisition d’éclateurs, de logiciel d’analyse
d’ondes de choc, de sources neutroniques, de pièces en aciers spéciaux (GOV/2006/15, par. 37) et
d’appareils de mesure des rayonnements y compris des spectromètres gamma pour forages. Dans sa
réponse écrite du 5 février 2008, l’Iran a déclaré qu’il s’intéressait au logiciel « PAM shock » pour des
études concernant les aéronefs, la collision d’automobiles, les airbags et pour la conception de
ceintures de sécurité. L’Iran a aussi déclaré que les moniteurs de rayonnements auxquels il s’était
intéressé étaient destinés à servir à des fins de protection radiologique. On attend toujours la réponse
de l’Iran en ce qui concerne les efforts d’acquisition de cours de formation sur les calculs
neutroniques, l’enrichissement/la séparation isotopique, les éclateurs, le logiciel d’analyse d’ondes de
choc, les sources neutroniques et les appareils de mesure des rayonnements pour les spectromètres
gamma pour forages.
41. Pendant ces mêmes réunions, l’Agence a demandé des éclaircissements sur le rôle de certains
responsables et de certains instituts et leur rapport avec des activités nucléaires. L’Iran a également été
prié de donner des éclaircissements sur des projets comme le « Projet 4 » (pouvant porter sur
l’enrichissement d’uranium) et sur des activités de R-D en rapport avec le laser. L’Iran a nié
l’existence de certains des organismes et des bureaux d’étude mentionnés dans la documentation et à
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nié également que d’autres organismes cités aient pu être impliqués dans des activités liées au
nucléaire. Il a aussi nié l’existence de certaines des personnes nommément citées dans la
documentation et a affirmé que les allégations sur le rôle joué par d’autres personnes également citées
étaient sans fondement. On attend toujours la réponse de l’Iran à la demande de l’Agence relative au
« Projet 4 » et aux activités de R-D en rapport avec le laser.
42. Le 15 février 2008, l’Agence a proposé une nouvelle réunion pour montrer à l’Iran de la
documentation supplémentaire sur les études présumées, après qu’elle eut été autorisée à le faire par
les pays qui lui ont fourni cette documentation. L’Iran n’a pas encore répondu à cette proposition de
l’Agence.
B. Activités actuelles liées à l’enrichissement
43. Le 12 décembre 2007, le premier inventaire du stock physique a été établi pour l’installation
d’enrichissement de combustible (IEC) de Natanz et vérifié par l’Agence. Depuis le début des
opérations en février 2007, 1 670 kg d’UF6 au total ont été introduits dans les cascades. L’exploitant a
présenté, notamment, environ 75 kg d’UF6 comme produit obtenu, avec un taux d’enrichissement
déclaré de 3,8 % en 235U. La production de l’installation est bien inférieure à la capacité nominale
déclarée. Il n’y a pas eu de mise en place de centrifugeuses en dehors de la zone initiale des
18 cascades. Les travaux de mise en place, notamment d’équipements et de sous-collecteurs, se
poursuivent dans d’autres zones de cascades. Depuis mars 2007, neuf inspections inopinées au total
ont été menées à l’IEC. Toutes les matières nucléaires à l’IEC restent soumises aux mesures de
confinement/surveillance de l’Agence.
44. Le 8 novembre 2007, l’Iran a déclaré qu’il « acceptait que l’échange d’informations sur la
nouvelle génération de centrifugeuses » soit discuté avec l’Agence en décembre 2007 (GOV/2007/58,
par. 33). Le 13 janvier 2008, le Directeur général et le Directeur général adjoint chargé des garanties
se sont rendus dans un laboratoire de R-D de l’OIEA à la Kalaye Electric Company, où leur ont été
communiquées des informations sur les activités de R-D qui y sont exécutées. Il s’agit notamment de
travaux portant sur quatre modèles différents de centrifugeuses : deux modèles de rotors souscritiques,
un rotor avec soufflets et une centrifugeuse plus avancée. L’Iran a informé l’Agence que le
laboratoire de R-D mettait au point des composants de centrifugeuses, des appareils de mesure et des
pompes à vide, l’objectif étant de se doter de capacités de production exclusivement locales.
45. Le 15 janvier 2008, l’Iran a informé l’Agence de la mise en place prévue de la première
centrifugeuse sous-critique de nouvelle génération (IR-2) à l’installation pilote d’enrichissement de
combustible (IPEC) et a communiqué les renseignements descriptifs y afférents. Le 29 janvier 2008,
l’Agence a confirmé qu’une centrifugeuse IR-2 pour essais isolés et une cascade d’essai de
10 centrifugeuses IR-2 avaient été installées à l’IPEC. L’Iran a déclaré qu’entre le 22 et le
27 janvier 2008, environ 800 g d’UF6 avaient été introduits dans la centrifugeuse isolée. Il a continué
de tester des centrifugeuses P1 (isolément, puis dans une cascade de 10, une de 20 et une de
164 machines) à l’IPEC. Entre le 23 octobre 2007 et le 21 janvier 2008, il a introduit au total environ
8 kg d’UF6 dans la centrifugeuse P1 isolée et dans la cascade de 10 centrifugeuses P1 ; aucune matière
nucléaire n’a été introduite dans les cascades de 20 et de 164 machines. À la fin de janvier 2008, la
centrifugeuse P1 isolée et les cascades de 10 et 20 centrifugeuses P1 ont été démantelées et l’espace
utilisé pour les nouvelles centrifugeuses IR-2. Toutes les activités ont été soumises aux mesures de
confinement/surveillance de l’Agence.
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46. Le 5 février 2008, le Directeur général adjoint chargé des garanties et le Directeur de la Division
des opérations B se sont rendus dans des laboratoires à Lashkar Abad, où des activités
d’enrichissement par laser s’étaient déroulées en 2003 et auparavant. Ces laboratoires sont maintenant
administrés par une société privée qui produit et conçoit des équipements laser pour l’industrie. Tous
les équipements laser antérieurs ont été démantelés et certains sont entreposés sur le site. La direction
de la société a communiqué des informations détaillées sur les activités actuelles et à venir, y compris
des plans de grands travaux de construction, et a déclaré que la société n’exécutait aucune activité
d’enrichissement d’uranium et ne prévoyait pas de le faire.
C. Activités de retraitement
47. L’Agence a continué de surveiller l’utilisation et la construction de cellules chaudes au réacteur
de recherche de Téhéran (RRT), à l’installation de production de radio-isotopes de molybdène, d’iode
et de xénon (installation MIX) et au réacteur de recherche iranien (IR-40) au moyen d’inspections et
de la vérification des renseignements descriptifs. Il n’y a pas d’indice d’activités liées au retraitement
en cours dans ces installations. En outre, l’Iran a déclaré qu’il n’y avait aucune activité de R-D liée au
retraitement sur son territoire, ce que l’Agence ne peut confirmer qu’en ce qui concerne ces
installations.
D. Projets liés au réacteur à eau lourde
48. Le 5 février 2008, l’Agence a procédé à une vérification des renseignements descriptifs au
réacteur IR-40 et a noté que la construction de l’installation se poursuivait. Elle a continué de suivre la
construction de l’usine de production d’eau lourde à l’aide d’images satellitaires qui semblent indiquer
que l’usine est en service.
E. Autres problèmes de mise en oeuvre
E.1. Conversion d’uranium
49. Pendant la campagne de conversion à l’ICU, qui a commencé le 31 mars 2007, environ
120 tonnes d’uranium sous forme d’UF6 ont été produites jusqu’au 2 février 2008, ce qui porte à
309 tonnes la quantité totale de l’UF6 produit à l’ICU depuis mars 2004, laquelle reste soumise aux
mesures de confinement/surveillance de l’Agence. L’Iran a déclaré ne pas mener d’autres activités
de R-D liées à la conversion d’uranium que celles qui se déroulent à Ispahan.
E.2. Renseignements descriptifs
50. Le 30 mars 2007, l’Agence a demandé à l’Iran de reconsidérer sa décision de suspendre
l’application de la rubrique 3.1. modifiée de la partie générale de ses arrangements subsidiaires
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(GOV/2007/22, par. 12 à 14), mais aucun progrès n’a été enregistré à cet égard. Toutefois, l’Iran a
communiqué des renseignements descriptifs concernant l’IPEC.
E.3. Autres questions
51. Le 26 novembre 2007, en Fédération de Russie, l’Agence a vérifié et scellé le combustible neuf
destiné à la centrale nucléaire de Bushehr, avant son expédition vers l’Iran. En février 2008, tous les
assemblages combustibles avaient été réceptionnés, vérifiés et de nouveau mis sous scellés à la
centrale.
F. Synthèse
52. L’Agence a été en mesure de continuer à vérifier le non-détournement de matières nucléaires
déclarées en Iran. L’Iran lui a accordé un accès aux matières nucléaires déclarées et a fourni les
rapports requis sur le contrôle comptable des matières nucléaires pour les matières et activités
nucléaires déclarées. Il a aussi répondu à des questions et a fourni des éclaircissements et des
précisions sur les problèmes soulevés dans le contexte du plan de travail, sauf en ce qui concerne les
études présumées. Il a donné accès à des personnes en réponse aux demandes de l’Agence. Bien que
l’Agence n’ait pas eu directement accès à celles supposées être associées aux études présumées, elle a
reçu des réponses écrites à certaines de ses questions.
53. L’Agence a pu conclure que les réponses apportées par l’Iran, conformément au plan de travail,
sont compatibles avec ses constatations – pour ce qui est des expériences relatives au polonium 210 et
de la mine de Gchine – ou ne sont pas incompatibles avec ses constatations – s’agissant de la
contamination relevée à l’université technique et des activités d’achat de l’ancien directeur du CRP.
Elle considère donc que ces questions sont réglées à ce stade. Toutefois, conformément à ses
procédures et pratiques, elle continue de chercher à corroborer ses constatations et à vérifier ces
questions dans le cadre de sa vérification de l’exhaustivité des déclarations de l’Iran.
54. La seule grande question relative à la nature du programme nucléaire iranien qui reste est celle
des études présumées portant sur le projet Green Salt, les tests concernant des explosifs de grande
puissance et la conception d’un corps de rentrée de missile. Cette question est une source de vives
préoccupations et est essentielle pour une évaluation d’une éventuelle dimension militaire du
programme nucléaire iranien. L’Agence a pu montrer à l’Iran certains documents pertinents entre le 3
et le 5 février 2008 et continue d’étudier les allégations avancées et les déclarations faites en retour par
l’Iran. L’Iran a maintenu que ces allégations étaient infondées et que les données ont été fabriquées.
Pour une évaluation d’ensemble, l’Agence a notamment besoin de comprendre le rôle du document
relatif à l’uranium métal et que l’Iran clarifie les activités d’achat de certains établissements associés
au secteur militaire, ce qu’il n’a pas encore fait. Elle n’a reçu que le 15 février 2008 l’autorisation de
montrer d’autres éléments d’information à l’Iran. Elle l’a invité le même jour à voir ces documents
supplémentaires sur les études présumées, mais il ne lui a toujours pas répondu. Compte tenu de ce qui
précède, l’Agence n’est pas encore en mesure de déterminer dans son intégralité la nature du
programme nucléaire iranien. Toutefois, il convient de noter qu’elle n’a pas détecté l’utilisation des
matières nucléaires liées aux études présumées et qu’elle n’a pas d’informations crédibles à cet égard.
Le Directeur général a instamment prié l’Iran d’entreprendre activement avec l’Agence un examen
plus détaillé des documents disponibles sur les études présumées qu’elle a été autorisée à lui montrer.
55. L’Agence a récemment reçu de l’Iran des informations supplémentaires semblables à celles
qu’il communiquait précédemment en vertu du protocole additionnel, ainsi que des renseignements
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descriptifs actualisés. De ce fait, elle a une idée plus nette de l’actuel programme nucléaire déclaré de
l’Iran. Toutefois, ces informations ont été communiquées sur une base ad hoc, sans suivi et de manière
incomplète. Le Directeur général a continué d’engager instamment l’Iran à appliquer le protocole
additionnel le plus rapidement possible, en tant que mesure importante d’instauration de la confiance
demandée par le Conseil des gouverneurs et avalisée par le Conseil de sécurité. Il l’a aussi instamment
prié de mettre en oeuvre la rubrique 3.1 modifiée de la partie générale des arrangements subsidiaires,
relative à la communication rapide de renseignements descriptifs. L’Iran a déclaré être prêt à appliquer
les dispositions du protocole additionnel et de la rubrique 3.1 modifiée de la partie générale des
arrangements subsidiaires « si le dossier nucléaire était renvoyé du Conseil de sécurité à l’AIEA ».
56. Contrairement aux décisions du Conseil de sécurité, l’Iran n’a pas suspendu ses activités liées à
l’enrichissement, et a poursuivi l’exploitation de l’IPEC et de l’IEC. En outre, il a commencé à mettre
au point des centrifugeuses d’une nouvelle génération. Il a aussi poursuivi la construction du
réacteur IR-40 et l’exploitation de l’usine de production d’eau lourde.
57. S’agissant de son programme en cours, l’Iran doit continuer de susciter la confiance quant à sa
portée et à sa nature. Pour que l’on puisse avoir confiance dans le caractère exclusivement pacifique
du programme nucléaire iranien, il faut que l’Agence puisse donner des assurances non seulement à
propos des matières nucléaires déclarées, mais encore, et c’est tout aussi important, à propos de
l’absence de matières et d’activités nucléaires non déclarées en Iran. À l’exception de la question des
études présumées, qui reste en suspens, l’Agence n’a aucune information concrète sur la présence
éventuelle de matières et activités nucléaires non déclarées actuellement en Iran. Bien que ce pays ait
communiqué, sur une base ad hoc, des informations supplémentaires détaillées sur ses activités en
cours, l’Agence ne sera pas en mesure de faire mieux pour donner des assurances crédibles quant à
l’absence de matières et d’activités nucléaires non déclarées en Iran tant qu’elle n’aura pas une idée
plus nette de la nature des études présumées et que le protocole additionnel ne sera pas appliqué. Ceci
est particulièrement important compte tenu des nombreuses années d’activités non déclarées en Iran et
du déficit de confiance qui en est résulté. Le Directeur général prie donc instamment l’Iran à mettre en
oeuvre toutes les mesures nécessaires demandées par le Conseil des gouverneurs et le Conseil de
sécurité pour instaurer la confiance dans le caractère pacifique de son programme nucléaire.
58. Le Directeur général continuera de faire rapport selon que de besoin.
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Nations Unies S/2012/395
Conseil de sécurité Distr. générale
12 juin 2012
Français
Original : anglais
12-37172 (F) 270612 270612
*1237172*
Note du Président du Conseil de sécurité
Au paragraphe 2 de sa résolution 1984 (2011), le Conseil de sécurité a
demandé au Groupe d’experts créé par la résolution 1929 (2010) de lui présenter un
rapport final contenant ses conclusions et recommandations.
Le Président communique donc ci-après le rapport du Groupe d’experts daté
du 4 juin 2012 (voir annexe).
- 129 - Annexe 68
S/2012/395
2 12-37172
Annexe
Lettre datée du 4 juin 2012, adressée au Président
du Conseil de sécurité par le Groupe d’experts
créé par la résolution 1929 (2010)
Au nom du Groupe d’experts créé par la résolution 1929 (2010) du Conseil de
sécurité, j’ai l’honneur de vous faire tenir ci-joint, en application du paragraphe 2 de
la résolution 1984 (2011), le rapport final du Groupe.
La Coordonnatrice,
Groupe d’experts créé par la résolution 1929 (2010)
(Signé) Salomé Zourabichvili
(Signé) Jonathan Brewer
Expert
(Signé) Kenichiro Matsubayashi
Expert
(Signé) Thomas Mazet
Expert
(Signé) Jacqueline Shire
Expert
(Signé) Elena Vodopolova
Expert
(Signé) Olasehinde Ishola Williams
Expert
(Signé) Wenlei Xu
Expert
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S/2012/395
12-37172 3
Rapport final du Groupe d’experts
créé par la résolution 1929 (2010)
Résumé
Le présent rapport final est soumis en application de la résolution 1984 (2011)
du Conseil de sécurité et conformément au mandat défini au paragraphe 29 de la
résolution 1920 (2010). Il présente les analyses, les conclusions et les
recommandations du Groupe d’experts créé par la résolution 1929 (2010) concernant
l’application, par la République islamique d’Iran, des dispositions de cette résolution
et des résolutions connexes, ainsi que les informations fournies par les États
Membres sur l’application desdites dispositions. Le Groupe tire parti des
consultations engagées avec des États Membres et des experts, de l’examen des
incidents de non-respect des dispositions et de l’évaluation des rapports sur
l’application des dispositions susmentionnées soumis par les États Membres
conformément à la résolution 1929 (2010). Le rapport rend compte des autres
activités menées par le Groupe au titre de l’exécution de son mandat, notamment des
opérations de sensibilisation des États Membres, des regroupements régionaux et du
secteur privé et, le cas échéant, de la fourniture de conseils techniques.
Les sanctions définies dans la résolution 1929 (2010) et dans les résolutions
précédentes s’inscrivent dans une action coordonnée et résolue entreprise par la
communauté internationale pour convaincre la République islamique d’Iran de
résoudre les questions en suspens concernant la nature de son programme nucléaire
et de démontrer que ce programme a des fins purement pacifiques. Les sanctions
demeurent un élément de la double démarche adoptée vis-à-vis du pays, qui
comporte aussi l’action diplomatique menée par l’Allemagne, la Chine, les États-
Unis d’Amérique, la France, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du
Nord et la Fédération de Russie. Elles visent des activités, des institutions, des
entités et des personnalités spécifiques associés aux activités nucléaires posant un
risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires, qui sont
interdites, ainsi qu’aux transferts d’armes conventionnelles.
Les sanctions ralentissent l’acquisition, par la République islamique d’Iran, de
certains articles critiques nécessaires à son programme nucléaire interdit. Dans le
même temps, des activités prohibées, telles que l’enrichissement de l’uranium, se
poursuivent. La République islamique d’Iran ne s’est pas conformée aux demandes
de l’Agence internationale de l’énergie atomique qui souhaite obtenir des
informations permettant de déterminer la dimension militaire éventuelle de son
programme. Dans le présent rapport, le Groupe relève que la fibre de carbone à haute
teneur est l’un des articles critiques dont la République islamique d’Iran a besoin
pour mettre au point des centrifugeuses plus sophistiquées. Il analyse également les
besoins du pays en minerai d’uranium au regard de ses activités actuelles ou
programmées, tout en notant qu’aucune tentative d’acquisition n’a été signalée au
Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1737 (2006).
- 131 -
S/2012/395
4 12-37172
La République islamique d’Iran a poursuivi le développement de son
programme de missiles balistiques, comme en témoignent les nouveaux tirs auxquels
elle a procédés alors qu’ils sont interdits aux termes de la résolution 1929 (2010).
Dans le présent rapport, le Groupe livre les conclusions de l’enquête qu’il a menée
au sujet du lancement, en juin 2011, du satellite Rasad, qui avait été signalé au
Comité.
Le Groupe prend note de la désignation, par le Comité du Conseil de sécurité
créé par la résolution 1718 (2006) concernant la République populaire démocratique
de Corée, de deux entités de la République populaire démocratique de Corée et de
leur association au programme iranien de missiles balistiques.
La République islamique d’Iran continue de défier la communauté
internationale en procédant à des expéditions d’armes illégales. Le rapport rend
compte de trois incidents relatifs à l’expédition d’armes conventionnelles et de
matériel connexe. Deux de ces incidents impliquaient la République arabe syrienne,
comme c’était le cas pour la majorité des incidents examinés par le Groupe durant
son précédent mandat, ce qui montre que ce pays continue d’être une partie prenante
centrale dans les transferts d’armes illégaux de la République islamique d’Iran.
Le Groupe recommande l’inscription, sur les listes, de deux entités associées à
ces incidents.
Il prend note, par ailleurs, des informations qu’il a reçues et qui font état de
l’envoi d’armes, par la République islamique d’Iran, vers d’autres destinations.
Le Groupe souligne les difficultés liées à l’identification d’opérations ou de
transactions spécifiques dans lesquelles interviennent des entités du Corps des
gardiens de la révolution islamique, « qui pourraient contribuer aux activités
nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou à la mise au point de
vecteurs d’armes nucléaires ». Il décrit également l’implication d’une entité du Corps
des gardiens de la révolution islamique dans un des transferts d’armes
conventionnelles qui ont été signalés au Comité.
Le secteur du transport présente des difficultés particulières en ce qui concerne
l’application des sanctions. Le Groupe décrit en détail la structure complexe de la
société Islamic Republic of Iran Shipping Lines, où se produisent fréquemment des
changements de propriétaires, de noms et de pavillons des navires et dont les
activités doivent faire l’objet d’une vigilance particulière aux termes des dispositions
du paragraphe 22 de la résolution 1929 (2010). C’est le cas de la société Irano Hind
Shipping Company (Irano Hind), une filiale de Islamic Republic of Iran Shipping
Lines, qui est visée dans la résolution 1929 (2010) et dont les navires sont encore en
service.
Le Groupe conclut que les sanctions financières ont été rigoureusement
appliquées par de nombreux États Membres et se félicite de l’adoption de la nouvelle
norme du Groupe d’action financière relative au financement de la prolifération.
Le Groupe souligne le fait que les États Membres prennent de plus en plus
conscience de l’importance que revêt un régime rigoureux de contrôle des
exportations dans l’application des sanctions. Il relève que les petites et moyennes
entreprises représentent une cible de choix des tentatives iraniennes d’acquisition
illicite et souligne la nécessité de sensibiliser ces entreprises en vue d’une
application effective des contrôles à l’exportation.
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L’interception des cargaisons interdites permet dans une très large mesure,
d’une part, de ralentir les activités que mène la République islamique d’Iran dans le
secteur nucléaire et dans le domaine des missiles balistiques et qui posent un risque
de prolifération et, d’autre part, d’empêcher les transferts d’armes à partir du pays.
Le Groupe relève l’importance que revêtent le partage des renseignements et la
coopération entre les États Membres pour le succès du régime des interdictions.
Le Groupe est au fait d’un certain nombre d’incidents relatifs aux interdictions,
dont seulement quelques-uns ont été signalés au Comité. Il tient à souligner que c’est
en grande partie grâce aux informations qui lui sont communiquées qu’il est en
mesure d’analyser les modes d’acquisition et le profil des activités illicites et
d’élaborer des recommandations. Les informations relatives aux refus d’accorder des
licences pour des articles sensibles ou aux tentatives de transfert repérées par des
autorités douanières vigilantes sont également importantes.
Lors des consultations avec les États Membres, ceux qui ne sont pas membres
du Conseil de sécurité ont soulevé la question de la disponibilité du rapport final du
Groupe qui, à leur avis, permettrait de mieux comprendre l’application des sanctions
et d’améliorer les mesures prises à l’échelon national.
Si certains États Membres n’ont pas encore pleinement appliqué les sanctions
imposées par l’ONU, le Groupe se félicite de la volonté résolue de la plupart de ses
interlocuteurs d’appliquer effectivement les sanctions prévues par la résolution
1929 (2010) du Conseil de sécurité.
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6 12-37172
I. Introduction
1. Établi conformément au mandat du Groupe d’experts, tel que défini au
paragraphe 29 de la résolution 1929 (2010) et renouvelé par la résolution
1984 (2011) le 9 juin 2011, le présent rapport est un récapitulatif des activités
menées par le Groupe au cours des 11 derniers mois dans les domaines suivants :
inspection des violations des sanctions signalées, consultations avec les États
Membres, sensibilisation des États Membres et du secteur privé et discussions avec
des experts extérieurs. Ces activités sont présentées de manière plus détaillée aux
paragraphes 16 à 42.
2. Le Groupe est composé de huit membres, qui ont été reconduits dans leurs
fonctions par le Secrétaire général le 30 juin 2011 (S/2011/405). Ce sont : Salomé
Zourabichvili (France), Coordonnatrice; Jonathan Brewer (Royaume-Uni de Grande
Bretagne et d’Irlande du Nord); Kenichiro Matsubayashi (Japon); Thomas Mazet
(Allemagne); Jacqueline Shire (États-Unis d’Amérique); Elena Vodopolova
(Fédération de Russie); Olasehinde Ishola Williams (Nigéria); et Wenlei Xu (Chine).
3. Le Groupe suit les directives du Comité du Conseil de sécurité créé par la
résolution 1737 (2006). Son mandat, défini au paragraphe 29 de la résolution
1929 (2010), consiste à :
a) Aider le Comité à s’acquitter de son mandat, tel qu’il est défini au
paragraphe 18 de la résolution 1737 (2006) et au paragraphe 28 de la résolution
1929 (2010);
b) Réunir, examiner et analyser des informations provenant des États
Membres, d’organismes des Nations Unies compétents et d’autres parties intéressées
concernant l’application des mesures prescrites par les résolutions 1737 (2006),
1747 (2007), 1803 (2008) et 1929 (2010), en particulier les violations de leurs
dispositions;
c) Faire des recommandations sur les décisions que le Conseil, le Comité ou
les États Membres pourraient envisager de prendre pour améliorer l’application des
mesures considérées; et
d) Remettre au Conseil un rapport final comportant ses conclusions et
recommandations au plus tard 30 jours avant la fin de son mandat. Par sa résolution
1984 (2011), le Conseil a prorogé le mandat du Groupe jusqu’au 9 juin 2012.
4. Par sa résolution 1929 (2010), le Conseil entendait renforcer les mesures
visées dans les résolutions 1737 (2006), 1747 (2007) et 1803 (2008) et s’appuyer sur
celles-ci pour persuader la République islamique d’Iran de s’acquitter de ses
obligations. Les mesures que le Conseil a adoptées à l’égard de la République
islamique d’Iran comprennent :
a) Un embargo sur les activités liées aux missiles nucléaires et balistiques
posant un risque de prolifération [par. 3 à 7 et 9 de la résolution 1737 (2006); par. 8
de la résolution 1803 (2008); et par. 7, 9 et 13 de la résolution 1929 (2010)];
b) Un embargo sur les armes [par. 5 de la résolution 1747 (2007) et par. 8 de
la résolution 1929 (2010)];
c) Une interdiction de voyager [par. 10 de la résolution 1929 (2010)];
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d) Un gel des avoirs [par. 12 à 15 de la résolution 1737 (2006), par. 4 de la
résolution 1747 (2007), par. 7 de la résolution 1803 (2008) et par. 11, 12 et 19 de la
résolution 1929 (2010)];
e) Diverses restrictions aux affaires [par. 22 de la résolution 1929 (2010)];
f) La saisie et la neutralisation d’articles proscrits, à l’issue d’inspections
de cargaisons [par. 14 à 17 de la résolution 1929 (2010)];
g) L’interdiction de la fourniture de services de soutage [par. 18 de la
résolution 1929 (2010)];
h) Des mesures financières [par. 7 de la résolution 1747 (2007), par. 9 et 10
de la résolution 1803 (2008) et par. 21, 23 et 24 de la résolution 1929 (2010); et
alinéa 16 du préambule de la résolution 1929 (2010)];
i) D’autres demandes adressées aux États [par. 17 de la résolution
1737 (2006) et par. 20 de la résolution 1929 (2010)].
A. Méthodologie
5. Le Groupe s’est acquitté des tâches qui lui ont été confiées conformément au
mandat défini au paragraphe 29 de la résolution 1929 (2010) et aux directives du
Comité, en tenant compte des normes méthodologiques figurant dans le rapport du
Groupe de travail officieux du Conseil de sécurité sur les questions générales
relatives aux sanctions (S/2006/997) et présentées plus avant dans la publication sur
les pratiques optimales et recommandations générales sur les dispositions à prendre
pour améliorer l’efficacité des sanctions imposées par les Nations Unies, fondée sur
ce rapport.
6. Dans l’exécution de son mandat, le Groupe, en sa qualité d’organe d’experts
indépendant, s’est attaché à respecter les normes méthodologiques élevées requises
en matière de preuve. Il a veillé à ce que ses constatations soient étayées et que
l’information fournie dans ses rapports provienne de sources crédibles, soit aussi
transparente et vérifiable que possible et, s’agissant des violations des sanctions
signalées, procède autant que possible d’observations de première main effectuées
sur place par les experts eux-mêmes. Par ailleurs, il était conscient qu’il importait de
maintenir le caractère confidentiel des sources d’information, le cas échéant. Les
décisions du Groupe sont prises par consensus et, en cas de divergence, la majorité
l’emporte et les opinions dissidentes sont prises en compte dans les conclusions.
B. Aperçu général
7. Le contexte politique et économique dans lequel la communauté internationale
s’acquitte de ses obligations au titre de la résolution 1929 (2010) a
considérablement évolué au cours de l’année écoulée. Les pays s’efforcent de
surmonter le ralentissement de l’activité économique alors que les prix de l’énergie
ne cessent d’augmenter. Le Groupe s’est attaché à évaluer la mise en oeuvre des
sanctions ciblées imposées par le Conseil de sécurité et à comprendre leurs effets
dans ce contexte en mutation.
8. Pendant cette période, d’importantes questions sont restées sans réponse quant
au caractère pacifique du programme nucléaire iranien. L’Agence internationale de
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l’énergie atomique (AIEA) a fait état des préoccupations concernant les dimensions
militaires possibles des programmes iraniens (GOV/2011/65, par. 53).
9. Si des déclarations et actes sujets à controverse ont parfois influé sur le climat
international et attisé les tensions au cours de l’année écoulée, des progrès ont
toutefois été réalisés ces derniers mois dans la recherche d’une solution négociée à
la question nucléaire iranienne.
10. Les négociations entre la République islamique d’Iran et les pays membres du
groupe E3+3 (Allemagne, Chine, États-Unis d’Amérique, Fédération de Russie,
France et Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord) ont repris. Dans
une lettre datée du 19 octobre 2011, Catherine Ashton, Haute Représentante de
l’Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune, s’est
félicitée de la proposition de la République islamique d’Iran de reprendre les
pourparlers. Le pays ayant répondu favorablement le 15 février 2012, les
pourparlers se sont tenus à Istanbul (Turquie), le 14 avril 2012. Mme Ashton a
qualifié les pourparlers de « constructifs et utiles ». Quant au Ministre iranien des
affaires étrangères, Aliakbar Salehi, il a indiqué qu’Istanbul était le début des efforts
pour mettre fin au différend nucléaire1. Une deuxième série de négociations a eu
lieu le 23 mai à Bagdad.
11. Les résolutions du Conseil de sécurité visent des activités, des institutions, des
entités et des personnes spécifiques associées aux activités liées au nucléaire et aux
missiles ainsi qu’aux importations et exportations d’armes conventionnelles de la
République islamique d’Iran. Il est difficile d’en évaluer l’impact, en particulier
lorsqu’on les compare aux sanctions plus strictes et plus exhaustives imposées par
les États Membres de façon unilatérale.
12. Les États Membres saisissent régulièrement le Groupe d’experts de la question
des sanctions unilatérales dans le cadre de l’application des sanctions ciblées du
Conseil de sécurité. Un certain nombre d’États Membres, qui n’appliquent que ces
sanctions, ont indiqué au Groupe que les sanctions unilatérales avaient une
incidence négative sur les activités économiques légitimes autorisées au titre des
sanctions imposées par les Nations Unies.
13. Il est parfois difficile de distinguer l’impact des sanctions sur l’économie
iranienne de l’impact des politiques économiques nationales, en particulier des
effets que les restrictions budgétaires mises en oeuvre depuis 2010 ont sur les
subventions à la consommation octroyées de longue date. Toutefois, il apparaît de
plus en plus que les sanctions ont des effets, notamment par le biais de
l’augmentation des prix et d’une dévaluation de la monnaie. Selon un communiqué
de la Banque centrale d’Iran daté du 4 mars 2012, le taux d’inflation dans le pays
était de 21,5 %2.
14. Les déclarations faites par les hauts responsables iraniens concernant l’impact
des sanctions ont évolué au cours des 12 derniers mois. Alors que ces derniers en
minimisaient les effets l’année écoulée, le dirigeant suprême de l’Iran, l’ayatollah
__________________
1 « Plusieurs mesures positives seront prises lors des pourparlers entre l’Iran et le groupe 5+1 à
Bagdad, a déclaré Saheli », Tehran Times, 29 avril 2012.
2 « Iran’s Inflation Rate Hits 21.5 Percent », Tehran Times, 8 avril 2012.
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Ali Khamenei, aurait déclaré en février 2012 que les sanctions étaient
« douloureuses et débilitantes »3.
C. Remerciements
15. Le Groupe tient à saluer le haut degré de coopération dont ont fait preuve de
nombreux États Membres à son égard pendant ses travaux. Il salue également la
participation remarquable et parfois active de nombreuses entités du secteur privé.
II. Activités du Groupe
16. Les activités du Groupe ont été conçues et mises en oeuvre conformément à
son programme de travail pour la période allant du 9 juin 2011 au 8 juin 2012,
comme l’exige le paragraphe 3 de la résolution 1984 (2011). Le Groupe a présenté
au Comité son rapport de mi-mandat le 9 novembre 2011, outre quatre rapports
d’inspection et d’enquête et quatre rapports trimestriels d’évaluation de
l’application des dispositions par les États Membres, conformément au
paragraphe 31 de la résolution 1929 (2010) (voir annexe I). Pendant son mandat
actuel, le Groupe a tenu des consultations avec 26 États Membres et enquêté sur
quatre cas de violation signalés. On trouvera à l’annexe II du présent rapport la liste
complète des pays où le Groupe s’est rendu. Le Groupe a participé à des
consultations officieuses du Comité le 16 juin 2011, le 7 décembre 2011 et le
29 février 2012.
A. Consultations
17. Le plan des visites du Groupe traduisait les priorités qu’il s’est fixé s’agissant
de consulter les membres du Conseil de sécurité, les États Membres participant au
processus diplomatique, les États Membres frontaliers ou de la région ainsi que ceux
qui accueillent des organisations internationales compétentes. Le Groupe a élargi la
portée géographique de ses consultations pendant le mandat actuel en raison du
caractère mondial des intérêts et activités iraniens liés aux sanctions.
18. Le Groupe a observé un élément positif lors de ses consultations avec les États
Membres au cours de l’année écoulée : ceux-ci sont davantage sensibilisés à la mise
en oeuvre des sanctions et à la nécessité de renforcer les contrôles des exportations
et de faire preuve de vigilance dans certains secteurs d’activité. Quelques États
Membres ne disposent certes toujours pas de moyens suffisants pour appliquer
pleinement les sanctions des Nations Unies, mais le Groupe trouve encourageant
que la plupart de ses interlocuteurs aient manifesté un profond attachement à
l’application effective des sanctions visées dans la résolution 1929 (2010).
19. Lors de certaines consultations, le Groupe a eu l’occasion de visiter
d’importants aéroports et ports et a entendu des exposés présentés par les autorités
douanières et portuaires qui participent directement à la mise en oeuvre des mesures
définies dans les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Il s’est ainsi rendu
__________________
3 Robert F. Worth et David E. Sanger, « U.N. Nuclear Inspectors’ Visit to Iran Is a Failure, West
Says », The New York Times, 3 février 2012.
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dans les ports d’Anvers (Belgique), de Constanta (Roumanie), de Hai Phong (Viet
Nam), de Jebel Ali (Émirats arabes unis), de Klang (Malaisie), d’Odessa (Ukraine)
et de Singapour, ainsi que dans les aéroports de Madrid (Espagne), d’Oslo
(Norvège) et de Sofia (Bulgarie). Ces visites ont permis au Groupe de mieux
comprendre les questions de mise en oeuvre liées aux contrôles des exportations, aux
douanes et aux transports.
20. Le Groupe s’est acquitté de ses tâches en consultation avec des experts de
l’ONU en service au Bureau des affaires de désarmement, à l’Institut des Nations
Unies pour la recherche sur le désarmement, à la Conférence des Nations Unies sur
le commerce et le développement, à l’Office des Nations Unies contre la drogue et
le crime, à la Commission économique pour l’Europe, au Bureau des affaires
spatiales et à l’Organisation internationale de l’aviation civile et, le cas échéant,
avec des experts et groupes d’experts travaillant au titre d’autres résolutions du
Conseil de sécurité, notamment les résolutions 1540 (2004) et 1874 (2009).
21. Par ailleurs, le Groupe a rencontré des représentants d’autres organisations
internationales afin d’obtenir des informations concernant la mise en oeuvre des
mesures visées par les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et les questions
connexes. Parmi celles-ci figuraient l’Union européenne, l’Organisation du Traité de
l’Atlantique Nord, l’Organisation internationale de police criminelle, l’Organisation
mondiale des douanes et l’Organisation internationale pour les migrations.
B. Sensibilisation et activités connexes
22. Dès le début de son mandat, le Groupe a fait de la sensibilisation une priorité.
Fort des directives et de l’encouragement du Comité, il a pris l’initiative de
contacter les États Membres et les organisations du secteur privé, ainsi que des
experts et des organisations non gouvernementales, au sujet de la mise en oeuvre de
sanctions.
23. Le Groupe s’est attaché, de concert avec des groupes de réflexion locaux et
internationaux, à organiser des séminaires régionaux afin de réunir des spécialistes
et des experts pour examiner l’application des résolutions des Nations Unies et les
difficultés rencontrées en la matière. Quatre séminaires ont ainsi été organisés
pendant le mandat actuel du Groupe, avec le concours de la Norvège, de la Suisse et
du Royaume-Uni, comme suit :
a) À Istanbul, les 17 et 18 novembre 2011, en collaboration avec l’Institut
international d’études stratégiques (IIES);
b) À Genève, les 15 et 16 mars 2012, avec le concours du Centre de
politique de sécurité, Genève;
c) À Singapour, les 12 et 13 avril 2012, en collaboration avec l’IIES;
d) À Nairobi, les 22 et 23 mai 2012, par l’IIES et l’Institut d’études sur la
sécurité, portant sur les questions de transfert d’armes conventionnelles dans la
Corne de l’Afrique.
24. En outre, le Groupe a été invité à participer à des conférences et séminaires
intéressant son mandat, notamment les suivants : consultations asiatiques de haut
niveau sur la non-prolifération; séminaire asiatique sur le contrôle des exportations;
réunions plénières du Groupe d’action financière et réunions de certains de ses
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groupes de travail; séminaire sur les transferts d’armes conventionnelles organisé par
l’Institut international de recherches pour la paix de Stockholm; séminaire de l’Université
nationale d’Australie; séminaire sur le contrôle des exportations au Bélarus; et conférence
sur la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, accueillie par le
Ministère des affaires étrangères et du commerce de la République de Corée. Il a
également été invité à participer à des manifestations organisées par le Centre Stimson
Chatham House, Wilton Park, le consortium de l’Union européenne sur la nonprolifération,
le groupe des directeurs chargés de la non-prolifération du Groupe des Huit
et British Bankers’ Association.
25. Le Groupe a eu des entretiens avec des experts affiliés à des groupes de réflexion
gouvernementaux et non gouvernementaux et à des universités, notamment l’IIES,
l’Institute for Science and International Security, la Dotation Carnegie pour la paix
internationale, l’Université Columbia de New York, le Massachusetts Institute of
Technology, l’Université de Princeton, RAND Corporation, Kings College Londres, le
Centre brésilien des relations internationales, le Centre de politique du groupe BRICS,
l’Institut international de recherches pour la paix de Stockholm et le Centre de politique
de sécurité, Genève.
26. Le Groupe a également rencontré des représentants de nombreuses sociétés et
entités privées d’Europe, d’Asie et des États-Unis qui participent à la mise en oeuvre des
sanctions contre la République islamique d’Iran, notamment Bluestar Fibres Company
Limited, CitiGroup, Oerlikon Leybold, Freshfields Bruckhaus Deringer, JP Morgan Chase
& Co., Zurich Insurance Group, Axa Group, INFICON Holding, Kelvin Hughes, TNT
Express, Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication (SWIFT),
International Group of P&I Clubs, l’Association du transport aérien international et
Maersk.
C. Évaluation des rapports sur la mise en oeuvre
27. Comme l’a demandé le Comité dans son programme de travail, le Groupe a présenté
quatre rapports d’évaluation trimestriels les 29 juillet et 31 octobre 2011 et les 31 janvier
et 30 avril 2012. Il en ressort que près de 60 % des États Membres n’ont pas soumis de
rapports au titre de la résolution 1929 (2010). Le Groupe a conclu que les rapports
seraient plus enrichissants et plus utiles pour son travail s’ils contenaient des
renseignements détaillés concernant la mise en oeuvre pratique, même fournis à titre
volontaire.
28. Le Groupe est disposé à aider le Comité à organiser la séance d’information prévue
pour informer les États Membres de ses activités et de celles du Comité, comme ce
dernier en est convenu les 4 mars et 7 décembre 2011.
D. Inspections d’incidents signalés
29. Pendant le mandat actuel, le Groupe a enquêté sur quatre cas de violation signalés,
dont deux avaient été signalés au Comité pendant le précédent mandat du Groupe. Il a
procédé à trois inspections physiques et a achevé une enquête4. Trois des quatre cas
__________________
4 Les équipes d’inspection comprennent généralement deux à quatre experts du Groupe. Dans le
présent rapport, on parle « du Groupe » et non « des membres du Groupe » car toutes les
inspections et les rapports ultérieurs engagent l’ensemble du Groupe. On ne mentionne les
« membres du Groupe » qu’en cas de vues divergentes.
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signalés concernaient des violations des dispositions du paragraphe 5 de la
résolution 1747 (2007), portant sur les exportations d’armes et d’éléments connexes
de la République islamique d’Iran, et l’autre des violations des dispositions du
paragraphe 9 de la résolution 1929 (2010). On trouvera ci-après une vue d’ensemble
et le résumé des principales constatations du Groupe pour chaque cas.
30. Le Groupe tient à relever la solide coopération dont il a bénéficié de la part de
tous les États Membres qui ont communiqué des informations, en particulier la
Turquie, qui a signalé plusieurs violations. Il tient à souligner l’exemple positif que
donnent ces États Membres.
1. Force internationale d’assistance à la sécurité (Afghanistan)
31. Le 21 avril 2011, le Royaume-Uni a signalé au Comité la saisie d’un
chargement de fusées, de détonateurs et de munitions dans le sud de l’Afghanistan le
5 février 2011. L’essentiel du chargement avait été détruit. Des échantillons des
fusées et des détonateurs ont été envoyés au Royaume-Uni aux fins d’analyse
scientifique et, le 26 septembre 2011, ils ont été mis à la disposition du Groupe pour
inspection.
32. Cette inspection était inhabituelle car le Groupe n’a pu se rendre sur le lieu de
la saisie, seule une petite partie du chargement initial pouvait être inspectée et aucun
document n’était disponible. Le Groupe a conclu, sur la base de son enquête et des
informations fournies par le Royaume-Uni, qu’il est fort probable que l’envoi de
fusées de 122 mm constitue une violation par la République islamique d’Iran du
paragraphe 5 de la résolution 1747 (2007). Pour étayer cette conclusion, le Groupe
poursuit son enquête et invite les États à lui fournir tout complément d’information
utile.
2. Yas Air (Turquie)
33. Le 19 mars 2011, les autorités turques ont saisi 19 caisses contenant des fusils
d’assaut, des mitrailleuses, des munitions et des obus de mortier sur un avion-cargo
Iliouchine 76 exploité par Yas Air, une compagnie aérienne iranienne de transport de
fret. Le vol provenait de la République islamique d’Iran et avait pour destination la
République arabe syrienne. La Turquie en a informé le Comité le 28 mars 2011 et
lui a fourni un inventaire détaillé du chargement le 7 juillet 2011.
34. Le Groupe s’est rendu à Diryarbakir le 19 novembre 2011 pour inspecter le
chargement. Il a conclu que les articles saisis constituaient une violation du
paragraphe 5 de la résolution 1747 (2007).
3. Lancement du satellite Safir/Rasad
35. Comme suite à une communication que lui ont adressée quatre États Membres
le 15 juillet 2011, le Groupe a mené une enquête sur le lancement par la République
islamique d’Iran du satellite Rasad le 15 juin 2011 en vue de déterminer si ce
lancement constituait une violation du paragraphe 9 de la résolution 1929 (2010).
36. Le Groupe a noté que le lanceur spatial Safir lui-même n’était pas conçu pour
emporter une arme nucléaire. La majorité des membres du Groupe a conclu que le
lancement du satellite était lié aux missiles balistiques capables d’emporter des
armes nucléaires, étant donné que le lanceur spatial dérivait de deux missiles à
capacité nucléaire (le Shahab-3 et le missile balistique à lanceur sous-marin R-27
- 140 -
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dans sa deuxième phase). Trois membres du Groupe ont conclu que le lancement du
satellite n’était pas lié à un missile balistique capable d’emporter des armes
nucléaires. La majorité des membres du Groupe a conclu que le lanceur spatial Safir
avait bénéficié de la technologie des missiles balistiques, ce qui constituait une
violation du paragraphe 9 de la résolution 1929 (2010). Deux membres du Groupe
ont estimé qu’il était difficile de parvenir à une conclusion aussi ferme.
4. Kilis (Turquie)
37. Le 15 février 2012, les autorités turques ont saisi un camion transportant des
explosifs en provenance de la République islamique d’Iran et à destination de la
République arabe syrienne. Le Comité en a été informé le 12 janvier 2012. Du 4 au
7 mars, le Groupe a procédé à une inspection physique des éléments saisis et des
documents correspondants dans un dépôt de munitions dans la province
d’Osmaniye, dans le sud de la Turquie.
38. Le Groupe a conclu que cet envoi constituait une violation par la République
islamique d’Iran du paragraphe 5 de la résolution 1747 (2007).
E. Difficultés rencontrées
39. Le Groupe rappelle qu’il faut signaler rapidement les infractions au Comité.
Certains États Membres ont fait état de conflit entre les procédures juridiques
internes et les obligations que leur imposent les résolutions des Nations Unies. Les
États devraient résoudre ce problème, notamment en communiquant sans retard au
Comité des rapports confidentiels initiaux sur le non-respect des dispositions.
40. Le Groupe n’ignore pas que des incidents dont les médias se sont fait l’écho et
que les pouvoirs publics ont reconnu dans des déclarations publiques pourraient
constituer des violations. Il rappelle qu’il est disposé à enquêter sur ces cas.
41. Plusieurs raisons peuvent expliquer le fait que des interceptions ne soient pas
signalées, notamment la divulgation de sources et méthodes de renseignement à
caractère délicat et les exigences des procédures policières locales. Tout en mesurant
l’importance de ces considérations, le Groupe fait valoir que le fait de communiquer
des informations au Comité des sanctions permet au Groupe de disposer
d’informations utiles pour l’exécution de son mandat. C’est aussi un moyen
d’adresser un message fort aux États Membres, à savoir que la République
islamique d’Iran continue de violer les sanctions et que les États prennent des
mesures préventives en conséquence.
42. La question du stockage en lieu sûr et de la destruction des articles interceptés
a été soulevée pendant le mandat actuel du Groupe lorsque des éléments qu’un État
Membre avait stockés après les avoir enlevés du M/V Monchegorsk ont explosé. Cet
incident tragique témoigne de la nécessité de stocker les articles interceptés en lieu
sûr et d’inviter rapidement le Groupe à les inspecter afin qu’ils puissent être détruits
dans les meilleurs délais.
- 141 -
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14 12-37172
III. Analyse
A. Matières et technologie nucléaires
1. Introduction
43. Dans sa résolution 1929 (2010), le Conseil de sécurité interdit la fourniture, la
vente ou le transfert à la République islamique d’Iran de matières et de technologies
nucléaires sensibles, notamment tous les articles dont la liste figure dans la
circulaire INFCIRC/254/Rev.9/Part 1, ainsi que les articles à double usage figurant
dans la circulaire INFCIRC/254/Rev.7/Part 2, à l’exception de ceux visés au
paragraphe 5 de la résolution 1737 (2006) et de tous autres articles dont l’État
concerné détermine qu’ils sont susceptibles de contribuer aux activités liées à
l’enrichissement, au retraitement ou à l’eau lourde, ou à la mise au point de vecteurs
d’armes nucléaires5. Le Conseil a aussi décidé que la République islamique d’Iran
ne doit pouvoir acquérir dans un autre État aucune participation dans une activité
commerciale quelconque qui serait liée à l’extraction d’uranium ou à la production
ou l’utilisation de matières nucléaires ou de missiles balistiques.
44. Par ailleurs, le Conseil de sécurité a demandé à la République islamique d’Iran
de prendre les mesures prescrites par le Conseil des Gouverneurs de l’AIEA, entre
autres, « pour instaurer la confiance dans les fins exclusivement pacifiques de son
programme nucléaire », et « de coopérer pleinement avec l’AIEA sur toutes les
questions qui restent en suspens, en particulier celles qui suscitent des
préoccupations quant à une éventuelle dimension militaire du programme iranien, y
compris en autorisant immédiatement l’accès à tous les sites,
équipements, personnes et documents demandés par l’AIEA […] ». Il a demandé en
outre à la République islamique d’Iran d’appliquer les dispositions de « la rubrique
3.1 modifiée des arrangements subsidiaires à son accord de garanties » et de se
conformer aux dispositions du protocole additionnel à l’accord de garanties qu’il a
conclu avec l’AIEA. Le Conseil a demandé également à la République islamique
d’Iran de ratifier rapidement le protocole additionnel et réaffirmé que cet accord de
garanties et son arrangement subsidiaire « ne peuvent être ni modifiés ni suspendus
unilatéralement par l’Iran ».
2. Aperçu général
45. L’AIEA a à maintes reprises établi que la République islamique d’Iran refusait
de suspendre ses activités liées à l’enrichissement ou à l’eau lourde et de coopérer
pleinement avec elle en vue de résoudre les questions qui restent en suspens, en
particulier celles liées à la recherche-développement susceptible d’avoir des
applications militaires (voir GOV/2011/65 et GOV/2011/7, notamment). Ces
allégations sont présentées, dans les grandes lignes, comme des informations
provenant d’un large éventail de sources indépendantes, y compris de plusieurs États
Membres, des efforts déployés par l’Agence et des renseignements fournis par la
République islamique d’Iran elle-même. Ces informations sont cohérentes en ce qui
concerne le contenu technique, les personnes et les organismes impliqués et la
chronologie. L’AIEA note en outre que selon ces informations, la République
__________________
5 Le paragraphe 13 de la résolution 1929 (2010) met à jour les dispositions des résolutions
précédentes en ce qui concerne les circulaires INFCIRC/254/Rev.9/Part 1 et
INFCIRC/54/Rev.7/Part 2. La résolution indique « qu’aux fins des mesures visées aux
paragraphes 3, 4, 5, 6 et 7 de la résolution 1737 (2006), la liste d’articles figurant dans le
document S/2006/814 doit être remplacée par les listes figurant dans les circulaires
INFCIRC/254/Rev.9/Part 1 et INFCIRC/254/Rev.7/Part 2.
- 142 -
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islamique d’Iran a exécuté les activités ci-après qui ont trait à la mise au point d’un
dispositif nucléaire explosif :
a) Tentatives, parfois fructueuses, de se procurer des équipements et
matières liés au nucléaire et à double usage auprès de personnes et d’organismes liés
au secteur militaire;
b) Tentatives d’établir des voies non déclarées en vue de la production de
matières nucléaires;
c) Acquisition d’informations et de documents sur la mise au point d’armes
nucléaires auprès d’un réseau d’approvisionnement nucléaire clandestin; et
d) Travaux sur la mise au point d’un modèle local d’arme nucléaire, y
compris les essais de ses composants (GOV/2011/65, par. 42 et 43).
46. Dans la présente section, l’objectif du Groupe est d’examiner l’impact des
sanctions sur l’aptitude de la République islamique d’Iran à poursuivre et étendre
ses activités d’enrichissement d’uranium. Il se penche sur des problèmes
particuliers, touchant notamment aux efforts faits par le pays pour acheter les
articles nécessaires à son programme nucléaire, que le pays ne peut produire
localement en quantité ou en qualité suffisante pour poursuivre certaines de ses
activités nucléaires.
3. Analyse
a) Production d’uranium
47. Certains États Membres estiment que la République islamique d’Iran recherche
de nouvelles sources d’approvisionnement en uranium pour ses activités
d’enrichissement tout en poursuivant ses efforts pour accroître sa production locale
de ce minerai. Le paragraphe 13 de la résolution 1929 (2010) interdit au pays
d’importer de l’uranium.
Extraction et traitement de l’uranium en République islamique d’Iran
48. L’opacité continue d’entourer l’extraction en République islamique d’Iran. Le
pays a déclaré deux mines à l’AIEA : Saghand, située dans la province de Yadz dans
le centre du pays, et Gchine, située dans le sud du pays près de Bandar Abass. Seule
la mine de Gchine est actuellement en activité. Le pays construit une usine de
production de concentré uranifère à Ardakan, laquelle transformera à terme le
minerai provenant de la mine de Saghand en concentré uranifère. La mine de
Saghand et l’usine d’Ardakan sont conçues pour avoir une capacité de traitement de
50 tonnes d’uranium par an. La mine de Gchine dispose également sur place d’une
usine de production de concentré uranifère qui aurait une capacité de traitement de
21 tonnes d’uranium par an. La production totale de ces deux mines ne suffit pas
pour alimenter un réacteur de 1 000 MW, qui nécessite en moyenne quelque
25 tonnes d’uranium faiblement enrichi par an, soit l’équivalent d’au moins
220 tonnes d’uranium naturel6.
__________________
6 Un réacteur de 1 000 MW nécessite environ 25 tonnes d’uranium faiblement enrichi par an pour
fonctionner normalement. Bien qu’il faille au moins 220 tonnes d’uranium naturel pour produire
25 tonnes d’uranium enrichi à 4 %, ce chiffre peut être considérablement plus élevé si le
processus d’enrichissement produit une forte quantité d’uranium enrichi dans les résidus
pauvres, ce qui semble être le cas des opérations d’enrichissement de la République islamique
d’Iran.
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49. Ces installations ne sont pas visées par les inspections au titre des garanties de
l’AIEA mais les activités sur ces sites peuvent faire l’objet d’une surveillance par
satellite. L’analyse des images satellitaires indique que la mine de Gchine et l’usine
de production de concentré uranifère sur place sont opérationnelles. On trouvera à
l’annexe III du présent rapport des exemples d’images montrant l’évolution de ces
installations au fil des ans.
Stocks actuels et niveau de consommation d’uranium
50. Pour appréhender les besoins futurs de la République islamique d’Iran en
uranium, il est utile d’avoir une idée de ses stocks actuels et de son niveau de
consommation. Le pays a produit 371 tonnes d’hexafluorure d’uranium depuis que
son usine de conversion d’Ispahan a commencé à fonctionner en mars 2004. Selon
l’AIEA, l’hexafluorure d’uranium est converti à partir d’environ 530 tonnes de
concentré d’uranium que la République islamique d’Iran s’est procuré au début des
années 80 (GOV/2004/83). L’usine d’Ispahan n’a pas produit d’hexafluorure
d’uranium depuis le 10 août 2009 (GOV/2010/62, par. 24).
51. En octobre 2011, la République islamique d’Iran avait introduit presque 55,7
tonnes d’hexafluorure d’uranium dans ses centrifugeuses depuis le début de
l’enrichissement en février 2007, soit environ 15 % de son stock (GOV/2012/9,
par. 14). Le pays dispose par conséquent d’un stock largement suffisant pour
maintenir ses niveaux actuels d’enrichissement à brève échéance.
52. Cela étant, il est probable que la République islamique d’Iran ait besoin de
sources supplémentaires d’approvisionnement en uranium si l’enrichissement doit se
poursuivre comme il l’a décrit7. En outre, il pourrait à terme avoir besoin de stocks
supplémentaires d’uranium naturel pour le réacteur à eau lourde d’Arak. Des États
Membres ont informé le Groupe que les fournisseurs émergents sont des sources
potentielles auprès desquelles la République islamique d’Iran pourrait tenter de s’en
procurer. Bien que le Groupe n’ait connaissance d’aucun cas confirmé de transfert
effectif, il a consulté certains États au sujet d’accords présumés conclus avec le pays
pour la fourniture d’uranium.
Autres sources de concentré d’uranium
53. Si la République islamique d’Iran a essayé d’extraire de l’uranium des
phosphates, qui sont généralement utilisées dans les engrais, le Groupe n’a pas de
preuve que ces expérimentations sont allées au-delà de la recherche en laboratoire
dans ce domaine (GOV/2004/83, par. 5).
__________________
7 « L’Iran produit du combustible pour 20 centrales en construction », député, IRNA, 14 août
2010. « L’Iran va porter le nombre de centrifugeuses à 50 000 : Aqazadeh, » IRNA, 25 février
2009. En outre, selon l’AIEA, il y a deux bâtiments de cascades à l’installation d’enrichissement
de combustible de Natanz. D’après les renseignements descriptifs soumis par le pays, huit unités
sont prévues pour le bâtiment de production A, chacune avec 18 cascades. Les cascades
contiennent généralement 164 centrifugeuses. Une fois terminé, le bâtiment A compterait
quelque 23 600 centrifugeuses. Aucun renseignement descriptif détaillé n’a encore été fourni
pour le bâtiment de production B (voir GOV/2011/65, par. 8).
- 144 -
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b) Achats liés à l’enrichissement d’uranium
54. Malgré les sanctions visant l’achat par la République islamique d’Iran
d’éléments essentiels pour son programme de centrifugeuses à gaz, le pays a réussi à
fabriquer, à installer et à mettre en service plus de 9 500 centrifugeuses IR-1 depuis
février 2007, date à laquelle ont commencé l’installation et la mise en service des
centrifugeuses à l’installation d’enrichissement de combustible de Natanz
(GOV/2012/9, par. 11 à 26). Il s’agit au total de 8 828 IR-1 en service à
l’installation d’enrichissement de combustible de Natanz, de 328 à l’installation
pilote d’enrichissement de combustible et de 348 à l’installation d’enrichissement de
combustible de Fordou. En outre, 6 177 enveloppes vides de centrifugeuses ont été
placées à l’installation d’enrichissement de combustible de Natanz et 2088 à
l’installation de Fordou. Toutefois, il est bien établi que les centrifugeuses IR-1 ont
une capacité d’enrichissement limitée, d’où le désir de l’Iran de se doter d’une
capacité d’enrichissement plus pointue8. Bien que le programme d’enrichissement
de la République islamique d’Iran ait connu quelque succès en utilisant les
centrifugeuses IR-1 ou de première génération, il s’est heurté à des difficultés dans
la poursuite de ses activités d’enrichissement, en partie du fait des sanctions qui ont
réduit l’aptitude du pays à se procurer les articles nécessaires à son programme
relatif aux centrifugeuses.
Tentatives d’achat signalées
55. Pendant son mandat actuel, le Groupe a reçu de plusieurs États Membres des
renseignements concernant les biens et matériels que la République islamique d’Iran
a tenté de se procurer pour son programme nucléaire, dont les suivants :
a) Graphite de qualité nucléaire;
b) Aluminium à haute résistance mécanique;
c) Poudre d’aluminium;
d) Alliages spéciaux (par exemple chrome et nickel);
e) Acier maraging;
f) Fibres de carbone;
g) Lubrifiants;
h) Aimants;
i) Vannes de régulation;
j) Échangeurs de chaleur;
k) Transducteurs de pression;
l) Pompes sous vide;
m) Jauges;
n) Inverseurs;
__________________
8 David Albright, Paul Brannan et al., « Preventing Iran from Getting Nuclear Weapons; Constraining
its Future Nuclear Options », Institute for Science and International Security (ISIS), mars 2012, p. 12
et 13, http://isis-online.org/uploads/isis-reports/documents/USIP_Template_5Ma….
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o) Turbines;
p) Tableaux de contrôle électrique;
q) Détecteurs de gaz à hélium;
r) Perchlorate de sodium.
56. Un État Membre a fourni au Groupe des renseignements détaillés concernant
les tentatives faites par la République islamique d’Iran pour acheter des articles pour
des installations nucléaires soumises aux sanctions en ayant recours à des
intermédiaires liés à son programme nucléaire, quoique ces achats ne soient pas
nécessairement limités au programme relatif aux centrifugeuses. Il s’agissait
notamment de convertisseurs à haute fréquence, de tableaux de contrôle électrique
et de matériel connexe nécessaire au fonctionnement des installations nucléaires
iraniennes. Parmi les autres articles que la République islamique d’Iran, selon cet
État Membre, a cherché à se procurer dans des cas précis, on peut citer le matériel
de détection de fuites de gaz à hélium, les jauges et les vannes spécialisées ainsi que
les tubes et les tôles d’aluminium.
c) Rôle de la fibre de carbone dans les centrifugeuses à gaz
57. Des États Membres ont fourni des informations sur le rôle de la fibre de
carbone dans le programme nucléaire de l’Iran et comme cible de ses tentatives
d’acquisition. Le Groupe analyse de manière plus détaillée cette question dans les
paragraphes qui suivent. Cette analyse ne signifie en aucun cas que les États
Membres doivent faire preuve de moins de vigilance au sujet des achats des articles
présentés ci-dessus.
58. La fibre de carbone a de nombreuses propriétés qui la rendent idéale pour les
centrifugeuses à gaz : elle est plus solide et plus légère que l’aluminium, résiste à la
corrosion et a une force de tension et un module d’élasticité en traction
particulièrement élevés. Elle résiste à la distorsion sous des forces centrifuges
intenses9. Parmi les fibres de carbone à forte teneur, qui sont les plus adaptées pour
les rotors et les soufflets (éléments cylindriques reliant deux segments de tubes de
rotor) des centrifugeuses, figurent les fibres réputées à force de tension très élevée
ou à module intermédiaire.
__________________
9 Les fibres de carbone sont extrêmement fines, leur diamètre représentant une fraction d’un
cheveu humain. Elles sont généralement assemblées pour former une sorte de « câble » (ou
toron) qui est ensuite moulé avec de la résine pour former des composés de fibre de carbone.
Les fibres de carbone sont classées selon la force de tension, mesurée en livres de force par
pouce carré (sur l’axe vertical) et selon le module d’élasticité en traction (sur l’axe horizontal).
Elles ont des applications dans de nombreux secteurs, notamment l’aérospatiale, l’automobile et
les équipements sportifs de haut niveau. Le Groupe des fournisseurs nucléaires contrôle toutes
les fibres de carbone d’un module supérieur à 12,7 et d’une force de tension supérieure à 23,5.
Voir l’annexe VII pour plus de détails.
- 146 -
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Composants en fibres de carbone des centrifugeuses iraniennes
59. Les rotors des centrifugeuses iraniennes IR-1 sont fabriqués avec de
l’aluminium 707510. La République islamique d’Iran a aussi besoin d’acier maraging
pour les soufflets des IR-1. Le tableau de l’annexe IV, tiré d’un manuel de génie
nucléaire, illustre les insuffisances de l’aluminium par rapport à la fibre de carbone
dans les centrifugeuses.
60. La République islamique d’Iran a expérimenté plusieurs modèles de
centrifugeuses postérieurs au modèle IR-1, en particulier les modèles IR-2m et IR-4,
qui tous nécessitent des rotors en fibres de carbone. Outre ces deux modèles, le pays
a informé l’AIEA, dans une lettre datée du 1er février 2012, qu’il avait l’intention de
mettre au point d’autres modèles, notamment les modèles IR-5, 6 et 6s
(GOV/2012/9, par. 20).
61. Selon des experts, la centrifugeuse iranienne IR-4 est équipée d’un rotor et de
soufflets en fibres de carbone (voir fig. I). On pense que la centrifugeuse IR-2m est
équipée d’un rotor en fibres de carbone et de soufflets en acier maraging. Ces deux
centrifugeuses ont la même hauteur et une capacité d’enrichissement semblable
selon les estimations.
Figure I
Composants en fibre de carbone des centrifugeuses
Source : Cabinet du Président de la République islamique d’Iran
__________________
10 L’une des insuffisances de l’aluminium 7075 aux fins de l’enrichissement par centrifugeuse est
le fait que sa vitesse maximum est d’environ 350 mètres par seconde. Cette caractéristique ainsi
que d’autres problèmes de conception des IR-1 ont pu contribuer au taux relativement élevé
d’échec de la machine. Les centrifugeuses en fibre de carbone peuvent atteindre des vitesses
beaucoup plus élevées en fonction de la qualité du matériel et d’autres facteurs limitants
potentiels (voir Manson Benedict et al., « Nuclear Chemical Engineering », McGraw-Hill, 1981,
2e édition, p. 855).
- 147 -
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62. Il importe de noter que la mise au point par la République islamique d’Iran de
sa nouvelle génération de centrifugeuses remonte au début de son programme
général de centrifugation gazeuse. Selon l’AIEA, le pays a obtenu des plans de la
centrifugeuse P-2 auprès d’un réseau d’approvisionnement clandestin en 1994
(GOV/2004/83, par. 23). Il semble que la décision de mettre au point des
composants en fibres de carbone remonte à 2002, lorsqu’un sous-traitant « a décidé
que, vu qu’à son avis la République islamique d’Iran n’était pas capable de
fabriquer les cylindres en acier maraging avec soufflets nécessaires, les travaux
devraient être poursuivis avec un rotor en fibres de carbone sous-critique plus
court » (GOV/2004/83, par. 44).
63. Les figures de l’annexe V du rapport illustrent le rythme relativement lent de
la mise au point de la prochaine génération de centrifugeuses iraniennes, surtout
lorsqu’on le compare au rythme beaucoup plus rapide de l’installation de la
centrifugeuse IR-1. En 2008, les toutes premières centrifugeuses IR-2 ont été
installées à l’installation pilote d’enrichissement de combustible de Natanz. Ce
modèle a été progressivement délaissé au profit des modèles IR-2m et IR-4. Si le
rythme d’installation des centrifugeuses IR-2m a récemment augmenté, celui du
modèle IR-4 est resté relativement faible. Cette situation témoigne probablement de
difficultés posées par la mise en service d’une centrifugeuse contenant des
composants critiques en fibres de carbone (comme il est indiqué plus haut, la
centrifugeuse IR-2m est dotée d’un rotor en fibres de carbone et de soufflets en acier
maraging). D’autres variables, notamment les insuffisances en matière de
conception et de fabrication, ou un manque d’autres matières nécessaires peuvent
expliquer aussi les retards accusés dans la mise en service de ces centrifugeuses de
pointe.
Production locale
64. Il ressort de l’analyse de la mise en service par la République islamique d’Iran
de centrifugeuses à ce jour, ainsi que des discussions que le Groupe a eues avec des
experts et les États Membres, que le pays n’a ni la technologie ni le matériel
nécessaire pour produire sur place des fibres de carbone à forte teneur. L’analyse du
Groupe est présentée de manière plus détaillée à l’annexe VI. De manière succincte,
les fibres de carbone produites dans l’installation iranienne, que l’on peut voir dans
une vidéo en ligne, ne sont pas, selon des experts en production et en fabrication de
fibres de carbone, adaptées à l’utilisation dans les centrifugeuses iraniennes. Il est
par conséquent probable que le pays continue à dépendre d’achats à l’étranger pour
poursuivre ses activités de mise au point de la nouvelle génération de
centrifugeuses.
Achat de fibres de carbone à l’étranger
65. Il ressort d’un élément d’information qu’une organisation multilatérale
régionale a fourni au Groupe que la République islamique d’Iran n’a cessé de porter
un intérêt à l’acquisition de fibres de carbone à haute teneur. Selon un autre État
Membre, la République islamique d’Iran continue de tenter de se procurer les fibres
de carbone à haute teneur dont il a besoin pour mettre au point ses centrifugeuses
plus perfectionnées. Cet État a eu connaissance d’une tentative d’achat de deux
tonnes de fibres de carbone à haute teneur. Par ailleurs, le Groupe a connaissance
d’un cas où des fibres de carbone à destination de la République islamique d’Iran
ont été interceptées par un État Membre l’année dernière. Le Groupe ne dispose
- 148 -
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12-37172 21
d’aucun renseignement concernant l’utilisation potentielle de ces matières dans les
activités nucléaires interdites ni leurs spécifications techniques; il s’est mis en
contact avec l’État concerné en vue d’obtenir un complément d’information.
66. Le Groupe a vu que des fibres de carbone à haute teneur étaient offertes à la
vente sur Internet. Selon la source d’information susmentionnée au paragraphe 65,
ces fibres sont accessibles et il est probable que les acquéreurs iraniens aient recours
à ces sites Web pour contacter des intermédiaires potentiels en vue d’en acheter.
Selon des spécialistes de l’évolution de ce secteur, la forte augmentation de la
demande de fibres de carbone à haute teneur ces dernières années, due en partie à
l’expansion des secteurs de l’aérospatiale et de l’automobile, a engendré des
excédents dans le circuit d’approvisionnement. Certains États Membres que le
Groupe a consultés ont présenté des programmes de sensibilisation des entreprises
industrielles afin de garantir que les excédents de fibres de carbone ne se retrouvent
sur un marché secondaire où la République islamique d’Iran pourrait s’en procurer.
Veiller au contrôle des fibres de carbone dans le cadre des sanctions
en vigueur
67. Le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises
établi par l’Organisation mondiale des douanes est un système normalisé reconnu à
l’échelle internationale aux fins de la classification des marchandises. Le Groupe
note que le code 681510 ne fait pas de distinction entre fibres de carbone ayant
différentes spécifications. Il se pose donc la question de savoir si l’on peut attribuer
aux fibres de carbone qui se situent à un niveau équivalent ou supérieur aux seuils
établis par les régimes de contrôle des exportations un chiffre différent ou si un
autre système de catégorisation peut s’appliquer.
d) Application des sanctions et achats relatifs à un dispositif nucléaire explosif
68. Le Groupe prend note des informations fournies par l’AIEA concernant les
achats et tentatives d’achat par la République islamique d’Iran « d’équipements, de
matières et de services qui, bien qu’ayant d’autres applications civiles, pourraient
servir dans la mise au point d’un dispositif nucléaire explosif. » Au nombre de ceuxci,
figuraient « des commutateurs électriques à grande vitesse et des éclateurs (utiles
pour le déclenchement et la mise à feu de détonateurs); des caméras à grande vitesse
(utiles pour les diagnostics expérimentaux); des sources de neutrons (utiles pour
l’étalonnage du matériel de mesure des neutrons); du matériel de détection et de
mesure des rayonnements (utiles dans un environnement de production de matières
nucléaires); et des cours sur des thèmes pertinents pour la mise au point d’explosifs
nucléaires (tels que les calculs des sections efficaces neutroniques et les
interactions/l’hydrodynamique des ondes de choc) (GOV/2011/65, annexe, par. 25
et 26) ». Aucun cas d’achat ou de cours de formation de ce type n’a été signalé au
Groupe pendant son mandat.
4. Conclusions
69. Sur la base des consultations avec les États Membres et les experts extérieurs
et de l’analyse des constatations de l’AIEA, le Groupe continue de recueillir des
preuves indiquant que les sanctions réduisent l’aptitude de la République islamique
d’Iran à étendre certains aspects de ses activités liées au cycle du combustible.
- 149 -
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22 12-37172
70. La production locale iranienne, actuelle et prévue, d’uranium ne suffit pas pour
satisfaire les besoins en combustible d’un programme d’énergie nucléaire. Bien que
le stock iranien existant d’hexafluorure d’uranium soit suffisant pour le niveau
actuel de ses activités d’enrichissement, la situation pourrait changer si le
programme d’enrichissement s’étendait, comme le prévoit le pays, ou si un réacteur
alimenté à l’uranium naturel était construit.
71. Les États Membres, en particulier ceux qui exportent de grandes quantités de
phosphates, devraient prendre garde au risque potentiel de détournement de leurs
exportations au cas où la République islamique d’Iran décide d’intensifier la mise en
valeur de ses ressources dans ce domaine.
72. Bien que le Groupe n’ait reçu aucune information faisant état de l’interception
d’articles à double usage destinés à un programme nucléaire ayant des dimensions
militaires, il demeure important que les États Membres fassent preuve de vigilance
afin de détecter tout achat éventuel de ces articles par la République islamique
d’Iran.
B. Missiles balistiques
1. Introduction
73. Au paragraphe 9 de la résolution 1929 (2010), le Conseil de sécurité a décidé
« que la République islamique d’Iran ne doit mener aucune activité liée aux missiles
balistiques pouvant emporter des armes nucléaires, y compris les tirs recourant à la
technologie des missiles balistiques, et que les États Membres doivent prendre
toutes les mesures voulues pour empêcher le transfert de technologie ou la
fourniture d’une aide technique à la République islamique d’Iran dans le cadre de
telles activités ». Au paragraphe 7 de la même résolution, le Conseil a décidé que
« la République islamique d’Iran ne doit pouvoir acquérir dans un autre État aucune
participation dans une activité commerciale qui serait liée, entre autres, aux
technologies liées aux missiles balistiques pouvant emporter des armes nucléaires ».
74. Conformément au paragraphe 3 de la résolution 1737 (2006), tous les États
Membres sont tenus de prendre les mesures nécessaires pour prévenir la fourniture,
la vente ou le transfert, directs ou indirects, de tous articles, matières, équipements,
biens et technologies visés dans le document S/2006/815 qui pourraient contribuer à
la mise au point par la République islamique d’Iran de vecteurs d’armes nucléaires.
Au paragraphe 13 de sa résolution 1929 (2010), le Conseil de sécurité a décidé que
la liste des articles figurant dans le document S/2006/815 devait être remplacée par
la liste figurant dans le document S/2010/263.
75. On trouvera dans la présente section un bref résumé de l’évolution des
activités concernant les missiles balistiques pendant l’année écoulée. Il s’agit
notamment d’informations communiquées par l’AIEA en ce qui concerne les
dimensions militaires potentielles du programme nucléaire de l’Iran, y compris la
mise au point d’une charge nucléaire utile pour un missile, une série d’essais de tir
de missiles balistiques, l’introduction du missile Qiam, la révélation des silos de
missiles et le lancement par la République islamique d’Iran de deux satellites au
moyen du lanceur spatial Safir. Le Groupe examine également les informations
communiquées par les États Membres en ce qui concerne les efforts déployés
- 150 -
S/2012/395
12-37172 23
actuellement par la République islamique d’Iran pour effectuer des achats liés aux
missiles balistiques.
2. Aperçu général
76. Il est largement admis que l’arsenal iranien de missiles balistiques est un des
plus importants de la région. On trouvera au tableau figurant à l’annexe VIII un
aperçu du nombre et du type de missiles balistiques détenus par la République
islamique d’Iran. Parmi ceux-ci, on considère que deux missiles peuvent avoir des
capacités nucléaires : le Shahab-3 à propulsion liquide et le Sejil (aussi appelé
Ashura), qui est un missile à carburant solide. On estime que la République
islamique d’Iran ne dispose pas d’un missile balistique intercontinental
opérationnel.
77. La République islamique d’Iran s’emploie activement à produire ses propres
missiles mais demeure tributaire de fournisseurs étrangers pour certains composants,
matériels et équipements. Selon certains experts, rien ne prouve que le pays possède
la technologie nécessaire pour fabriquer des réservoirs sous pression fluotournés et
de grandes cuves composites sous pression nécessaires à la fabrication de missiles
plus grands et de grande portée. Il semble aussi que la République islamique d’Iran
continue d’importer des moteurs entiers ou, du moins, des composants essentiels de
moteurs pour ses missiles à propulsion liquide et a besoin d’acquérir des
composants pour les systèmes de guidage11.
78. En novembre 2011, l’AIEA a indiqué que depuis 2002, elle « s’inquiète de
plus en plus de l’existence possible en République islamique d’Iran d’activités liées
au nucléaire non divulguées impliquant des organismes relevant du secteur militaire,
notamment des activités relatives à la mise au point d’une charge nucléaire utile
pour un missile, au sujet desquelles elle reçoit régulièrement de nouvelles
informations (voir GOV/2011/65, par. 38, et rapports précédents) ».
79. L’AIEA décrit les travaux menés avant 2004 comme « un programme structuré
et exhaustif d’études d’ingénierie pour examiner comment intégrer une nouvelle
charge utile sphérique dans la chambre de la charge utile existante, qui serait montée
dans le corps de rentrée du missile Shahab-3 ». En outre, selon la documentation
fournie par un État Membre, l’Iran a mené des études de modélisation informatique
pour au moins 14 itérations progressives de conception de la chambre de la charge
utile et son contenu afin d’examiner comment celle-ci résisterait aux divers stress
subis en phase de lancement et de déplacement sur une trajectoire balistique vers
une cible (GOV/2011/65, annexe, par. 59 et 60) ».
80. L’AIEA a indiqué que les informations sur lesquelles elle fonde son analyse
proviennent de « plusieurs sources indépendantes dont des États Membres, ont été
recueillies par l’Agence elle-même ou ont été communiquées par la République
islamique d’Iran (GOV/2011/65, par. 42) ».
__________________
11 Miles A. Pomper et Cole J. Harvey, « Beyond Missile Defense: Alternative Means to Address
Iran’s Ballistic Missile Threat », Arms Control Today, octobre 2010 citant « Iran’s Ballistic
Missile Capabilities: a Net Assessment », Institut international d’études stratégiques (IISS),
7 mai 2010.
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3. Évolutions récentes
81. Lancements de missiles. À la fin de juin 2011, la République islamique d’Iran
a organisé des manoeuvres militaires qu’elle a dénommées « Grand Prophète 6 ». Le
28 juin 2011, le commandant de la division aérospatiale du Corps des gardiens de la
révolution islamique, Amir Ali Hajizadeh, a annoncé à la télévision d’État iranienne
qu’au deuxième jour des manoeuvres, le pays avait lancé des fusées Zelzal, des
Shahab-1 et 2 et le missile Ghadr, qui est une version modifiée du missile balistique
à moyenne portée Shahab-312.
82. Missile Qiam. Le seul test concernant ce missile rapporté par les médias a eu lieu
en août 2010. Le Ministre iranien de la défense, Ahmed Vahidi, a souligné que le missile
ne disposait pas d’ailettes stabilisatrices, qui, selon lui, « accroîtraient sa vitesse et
permettraient de le lancer d’un silo »13. Il a également clamé que ce missile balistique à
propulsion liquide avait été entièrement produit avec les moyens locaux. En mai 2011, il
a annoncé que le missile avait été livré au Corps des gardiens de la révolution islamique
(voir fig. II). Selon un État Membre, le Qiam est une version améliorée du Shahab-2
dont la portée est de 500 à 1 000 kilomètres. Des experts ont soulevé des questions sur
l’absence apparente de tests concernant ce missile, sachant que, pour être entièrement
opérationnels, les missiles doivent subir toute une batterie de tests en vol.
Figure II
Missile Qiam
83. Silos souterrains. Le 27 juin 2011, dans le cadre des manoeuvres « Grand
Prophète 6 », le Corps des gardiens de la révolution islamique a également dévoilé
__________________
12 Farhad Pouladi, « L’Iran tire un missile de portée moyenne lors de manoeuvres militaires »,
Agence France-Presse, 28 juin 2011.
13 « New Ballistic Missile Delivered to IRGC », Day.AZ, 23 mai 2011.
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un « silo souterrain de missiles » à partir duquel des missiles balistiques pourraient
être lancés. Le porte-parole de la République islamique d’Iran lors de ces
manoeuvres, Asghar Ghelich-Khani, a souligné que la technologie utilisée pour
construire les silos était « entièrement locale »14. On a rapporté que les responsables
iraniens avaient publiquement déclaré que les silos constituent un élément de
« réaction rapide » capable de « s’opposer à des ennemis supérieurs et de défendre
la République islamique d’Iran »14. On n’a pas confirmation que les silos de missiles
iranien, dont on parle depuis des années, soient opérationnels.
a) Lancements de satellites signalés
84. Lors du mandat actuel du Groupe d’experts, la République islamique d’Iran a
procédé au lancement de deux satellites : le Rasad-1, en date du 15 juin 2011, et le
Navid, le 3 février 2012. Ces lancements ont suivi le lancement réussi, en février
2009, du satellite Omid. Les deux lancements ont été signalés au Comité par la
France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et les États-Unis, le premier dans une
communication en date du 15 juillet 2011, et le second le 28 février 2012.
85. Sur la base de ces rapports du Comité, le Groupe a lancé une enquête sur le
lancement du Rasad-1, dont les conclusions ont été transmises au Comité le
6 novembre 2011. Conformément aux dispositions du paragraphe 9 de la résolution
1929 (2010), le Groupe a voulu trouver des réponses à deux questions : le lancement
pouvait-il être considéré comme une activité liée à des missiles balistiques pouvant
emporter des armes nucléaires? et a-t-on eu recours, pour ce lancement, à la
technologie des missiles balistiques?
86. Selon les informations communiquées par le Groupe et au vu des
photographies du lanceur largement diffusées par les agences de presse iraniennes,
le satellite a été lancé par un lanceur Safir de deux étages à propulsion liquide15.
Selon des États Membres et des experts consultés par le Groupe d’experts, les deux
moteurs de l’étage supérieur du Safir ressembleraient beaucoup aux moteurs
verniers trouvés sur le missile balistique R-27 tiré à partir d’un sous-marin,
également appelé SS-N-6. Ces missiles produisent une faible poussée au deuxième
étage et leurs tuyères manoeuvrables permettent d’ajuster la trajectoire du vol au
moyen de systèmes de contrôle de l’intensité de la poussée (voir fig. III).
87. Le Groupe d’experts est convenu que les programmes de missiles balistique et
de lanceurs spatiaux partagent un grand nombre d’équipements et de technologies,
notamment les systèmes de propulsion, de contrôle et de navigation. Il a aussi noté
que, si on peut citer quelques exemples de programmes de missiles balistiques
développés à partir de programmes de lanceurs spatiaux, d’une façon générale, c’est
l’inverse qui se produit, c’est-à-dire des programmes de lanceurs spatiaux
développés à partir de programmes de missiles balistiques.
88. Le Groupe est convenu que le lanceur Safir n’a pas été conçu pour emporter
une arme nucléaire.
__________________
14 William Broad, « Iran Unveils Missile Silos as it Begins War Games », The New York Times,
27 juin 2011.
15 Le Safir serait long de 22 m et large de 1,25 m. Il pèserait 26 000 kg. Le premier étage du Safir
est dérivé du missile iranien Ghadr-1, une variante du missile balistique de moyenne portée
Shahab-3. Il atteindrait 13,5 m de long, avec une masse de 18 000 kg. Le deuxième étage du
Safir serait haut de 8,5 m, avec une masse de 8 000 kg.
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89. Cinq membres du Groupe ont conclu que « le lancement est sans nul doute lié
à des missiles capables de transporter de telles armes compte tenu de leur lien avec
deux missiles balistiques à capacité nucléaire ». Trois membres du Groupe ont
conclu que le lancement de Rasad-1 n’est pas une activité liée à des missiles
pouvant emporter des armes nucléaires. En ce qui concerne la deuxième question, à
savoir si on a recouru, pour le lancement, à la technologie des missiles balistiques,
six membres du Groupe ont répondu « oui », tandis que pour deux autres, « il est
difficile d’arriver à une conclusion aussi tranchante ».
Figure III
Le lanceur Safir et le Shahab-3
Safir SLV first stage Shahab-3 MRBM
Safir second stage Safir second stage
(vernier engines more visible)
90. Le lancement du satellite Navid n’a pas fait l’objet d’une enquête distincte de
la part du Groupe. Ce satellite pèserait une cinquantaine de kilogrammes. C’est un
satellite météorologique qui aurait été mis au point par des étudiants iraniens de la
Sharif University of Technology et qui restera en orbite pendant 18 mois. Il a été
Premier étage du lanceur Safir1 Le missile balistique à portée moyenne Shahab-3
Deuxième étage du lanceur Safir Deuxième étage du Safir (les moteurs verniers sont
plus visibles)
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mis en orbite par un lanceur Safir modifié, avec notamment un missile balistique
modifié Shahab-3 composant le premier étage16.
b) Achats liés aux missiles balistiques
91. Au cours de son mandat, le Groupe d’experts n’a pas été informé de tentatives
d’achat d’éléments liés à des missiles balistiques. Plusieurs États Membres ont
cependant diffusé des informations concernant les priorités iraniennes en matière
d’achat et les articles à surveiller de plus près. Parmi ceux-ci, on citera la production
d’équipements destinés aux missiles (tels que des machines pour le traitement du
métal); des jauges inertielles de précision; du matériel de test (y compris pour tester
les vibrations); des équipements liés aux carburants (poudre d’aluminium); des
valves; des turbines et des convertisseurs de fréquences. Les gyroscopes et les
technologies relatives aux systèmes de guidage figurent également parmi les
priorités de la République islamique d’Iran en matière d’achat, compte tenu du
degré de dépendance des Iraniens à l’égard des fournisseurs étrangers de ces
équipements.
92. Un État Membre a informé le Groupe qu’il appliquait les sanctions en
renforçant les contrôles sur divers types d’acier et d’équipements de construction
pouvant être utilisés pour la fabrication de missiles balistiques capables d’emporter
des armes nucléaires. Une commission spéciale a été créée pour déterminer quels
types spécifiques d’acier pouvaient être utilisés pour produire des missiles
balistiques et, ainsi, renforcer les risques de prolifération.
93. Le Groupe note que deux entités de la République populaire démocratique de
Corée ont été désignées en date du 2 mai 2011. Il s’agit de la Korea Heungjin
Trading Company, que le Comité suspecte d’avoir « participé à la fourniture de
matériels pour missiles au Groupe industriel iranien Shahid Hemmat Industrial
Group », et d’Amroggang Development Banking Corporation, qui a « participé à
des opérations concernant des missiles balistiques entre la Korea Mining
Development Trading Corporation » et le Shahid Hemmat Industrial Group
(S/2012/287). Le Conseil de sécurité a désigné le Shahid Hemmat Industrial Group
dans sa résolution 1737 (2006) comme entité participant au programme de missiles
balistiques iranien.
94. Selon l’agence de presse Yonhap, une délégation composée de 12 responsables
iraniens s’est rendue en République populaire démocratique de Corée pour assister
au lancement effectué le 13 avril17.
4. Conclusions
95. À l’exception des lancements des satellites Rasad et Navid, le Groupe n’a pas
été informé de violations présumées liées à des lancements de missiles balistiques.
96. Malgré les progrès qu’il a accomplis sur les plans technique et de la
fabrication, la République islamique d’Iran continue d’essayer de se procurer des
technologies et composants essentiels. Empêcher que des composants essentiels de
missiles lui soient fournis est un aspect déterminant du succès des sanctions.
__________________
16 Stephen Clark, « Observing satellite launched by modified Iranian missile », Spaceflight Now,
3 février 2012.
17 Danielle Demetriou, « Iranian officials “observed Norh Korean rocket launch” », The Telegraph,
16 avril 2012.
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C. Armes classiques et matériel connexe
1. Introduction
97. Au paragraphe 5 de sa résolution 1747 (2007), le Conseil de sécurité a décidé
que la République islamique d’Iran « ne doit fournir, vendre ou transférer,
directement ou indirectement, à partir de son territoire ou par l’intermédiaire de ses
nationaux ou au moyen de navires ou d’aéronefs battant son pavillon, aucune arme
ni aucun matériel connexe et que tous les États Membres devront interdire
l’acquisition de ces articles auprès de l’Iran par leurs ressortissants, ou au moyen de
navires ou d’aéronefs battant leur pavillon, que ces articles aient ou non leur origine
dans le territoire iranien ».
98. Les États Membres sont tenus, aux termes du paragraphe 8 de la résolution
1929 (2010) du Conseil, d’empêcher la fourniture, la vente ou le transfert directs ou
indirects à la République islamique d’Iran, de chars de combat, véhicules blindés de
combat, systèmes d’artillerie de gros calibre, avions de combat, hélicoptères
d’attaque, navires de guerre, missiles et lanceurs de missiles tels que définis aux fins
du Registre des armes classiques de l’Organisation des Nations Unies ou matériel
connexe, y compris leurs pièces détachées, ou tels articles que pourra déterminer le
Conseil de sécurité ou le Comité. Les États Membres doivent également empêcher
la fourniture à la République islamique d’Iran de toute formation technique ou
ressources financières et faire preuve de vigilance et de retenue concernant la
fourniture de toutes autres armes et du matériel connexe.
99. La présente section rend compte des analyses du Groupe d’experts sur la base
de trois inspections consécutives au signalement de violations des interdictions
d’armes classiques, et de liens qui commencent à s’établir entre ces violations et de
précédentes violations qui avaient fait l’objet d’enquêtes par le Groupe, dans le but
de mieux cerner les évolutions survenues en matière de transfert illégal d’armes
classiques par la République islamique d’Iran.
2. Inspections récentes
100. Au cours de son mandat actuel, le Groupe d’experts a procédé à trois
inspections consécutivement à trois violations signalées par des États Membres au
Comité et a établi des rapports à cet égard.
101. Le Groupe note la poursuite de faits récurrents qui lui avaient déjà été signalés
et au sujet desquels il avait procédé à des inspections concernant des armes
classiques et du matériel connexe. Le tableau figurant à l’annexe IX recense les
armes et le matériel connexe inspectés par le Groupe, en plus d’informations tirées
de documents, notamment sur les expéditeurs et les destinataires des cargaisons. Ces
inspections sont résumées ci-après.
a) Yas Air (Turquie)
102. Le 19 mars 2011, les autorités turques saisissaient 19 caisses contenant des
fusils d’assaut, des fusils-mitrailleurs, des munitions et des obus de mortiers,
embarquées à bord d’un avion cargo Iliouchine de la compagnie de fret aérien Yas
Air (auparavant dénommée Pars Aviation Services Company, comme indiqué au
paragraphe 231). Ces caisses contenaient les armes et munitions ci-après
embarquées en République islamique d’Iran et destinées à la République arabe
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syrienne : 60 fusils d’assaut AK-47; 14 fusils-mitrailleurs BKC (bixi); 560 obus de
mortiers de 60 mm; et 1 288 obus de mortiers de 120 mm.
103. Lors de l’inspection conduite le 19 novembre 2011, le Groupe d’experts a
examiné les armes et munitions et confirmé l’inventaire dressé par les autorités
turques ainsi que les documents établissant l’origine et la destination de la
cargaison. Le Groupe d’experts a conclu que cette cargaison avait été expédiée par
la République islamique d’Iran en violation du paragraphe 5 de la résolution
1747 (2007).
b) Kilis (Turquie)
104. Le 15 février 2011, les autorités turques saisissaient, à la frontière avec la
République arabe syrienne, un camion transportant des explosifs embarqués en
République islamique d’Iran et destinés à la République arabe syrienne. La
cargaison, qui était parfaitement indiquée dans les documents d’expédition, était
composée de :
a) Deux caisses de poudre à canon M9 d’un poids total de 890
kilogrammes;
b) Deux caisses de charge propulsive;
c) Deux caisses de produits à combustion lente d’un poids total de 40
kilogrammes;
d) Une caisse de matériels sensibles (détonateurs);
e) Six palettes de fusée à poudre;
f) Deux palettes d’explosifs RDX d’un poids total de 1 700 kilogrammes.
105. Le Groupe d’experts a inspecté ces articles et conclu qu’il s’agissait de
matériel à usage militaire, tout en précisant que les détonateurs et l’explosif RDX
étaient à double usage, militaire et non militaire. Les documents examinés par le
Groupe – notamment une facture établie par l’expéditeur, SAD Import Export
Company, et le carnet TIR – ne laissent aucun doute sur la nature, l’origine et la
destination de la cargaison.
106. Parchin Chemical Industries et 7th of Tir Industries, deux entités désignées par
le Comité des sanctions de l’ONU comme entités contrôlées par l’Organisation des
industries de la défense iranienne, ont été citées dans les documents accompagnant
la cargaison. Le contrat cité en référence dans la facture a été conclu en 2006 et
portait sur 20 expéditions. Le Groupe a conclu que cette cargaison avait été
expédiée par la République islamique d’Iran en violation du paragraphe 5 de la
résolution 1747 (2007).
c) Force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan
107. Les autorités du Royaume-Uni ont signalé le 21 avril 2011 la saisie par la
Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF) d’une cargaison de roquettes
et de munitions à proximité de la frontière entre l’Afghanistan et le Pakistan. Cette
cargaison était composée de 48 roquettes de 122 mm, 49 obus et 1 000 pièces de
munitions de 7,62 mm.
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108. À la suite de la saisie, la plus grande partie de la cargaison a été détruite sur
place et le reste a été expédié au Royaume-Uni aux fins d’analyse scientifique dans
le but de déterminer avec exactitude l’origine de cette cargaison. Des tests de
radiographie, d’échantillonnage métallique et chimique et des analyses comparatives
ont été conduits. Le Royaume-Uni dispose de renseignements selon lesquels les
roquettes avaient été expédiées de la République islamique d’Iran. Plusieurs des
caractéristiques de ces roquettes correspondaient à celles de roquettes iraniennes
trouvées ailleurs.
109. Le 26 septembre 2011, le Groupe d’experts a inspecté au Royaume-Uni les
restes de certaines roquettes en se fondant sur les éléments de preuve fournis par les
autorités britanniques, mais aussi sur des recherches indépendantes et des
consultations d’experts.
110. Le Groupe a conclu qu’il était hautement probable que les roquettes
provenaient de la République islamique d’Iran. Il a invité les États Membres
concernés à fournir des éléments de preuve supplémentaires pour confirmer sa
conclusion et a consulté, à cette fin, des experts de l’OTAN à Bruxelles. Le Groupe
poursuit ses recherches et demeure en quête de renseignements complémentaires.
3. Analyse
Nature des transferts
111. Si, lors de ses précédentes inspections, le Groupe d’experts n’a pas trouvé
d’armes, mais des munitions uniquement, dans ces cas précis, il a mis la main sur
une grande variété d’articles. En ce qui concerne l’affaire Yas Air, il a trouvé à la
fois des armes et des munitions. Dans l’affaire Kilis, il a découvert des détonateurs
et des explosifs. Le Groupe s’est également penché sur les multiples tentatives
passées de dissimulation physique de cargaisons au cours desquelles les marques et
indications concernant la marchandise étaient effacées, ce qui n’était pas le cas lors
des récentes saisies. Cette absence de dissimulation pourrait signifier que les
Iraniens pensaient acheminer ces cargaisons en toute confiance, qu’ils étaient pris
par le temps ou qu’ils ont commis des erreurs.
Transport
112. Dans les dernières affaires, le Groupe a constaté des tentatives de transfert
d’armes par les voies terrestre et aérienne, mais il n’est pas exclu que la République
islamique d’Iran continue d’utiliser la voie maritime pour transporter ce type
d’armes et de matériel connexe. Cette question fait l’objet d’une analyse plus
approfondie aux paragraphes 151 à 182 ci-dessous. Un État Membre a avisé le
Groupe que la République islamique d’Iran pourrait utiliser des vols mixtes
passagers et fret pour transférer des armes de façon illicite. Le Groupe n’a pas
encore corroboré cette information.
Origine iranienne des articles
113. Le Groupe d’experts a trouvé des preuves écrites par lesquelles la République
islamique d’Iran est désignée comme l’expéditeur des cargaisons dans deux cas sur
les trois recensés. Les documents trouvés avec la cargaison d’explosifs (affaire
Kilis) lient les articles découverts à Parchin Chemical Industries et 7th of
Tir Industries, qui sont deux entités contrôlées par l’Organisation des industries de
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la défense iraniennes. On notera que les trois entités précitées ont été désignées dans
les résolutions du Conseil de sécurité : l’Organisation des industries de la défense et
7th of Tir Industries dans l’annexe A de la résolution 1737 (2006) et Parchin
Chemical Industries dans l’annexe I de la résolution 1747 (2007). L’affaire Yas Air
soulève la question d’une désignation précédente enregistrée sous un autre nom et
d’une nouvelle désignation qui serait effectuée sur la base de l’interdiction. Cette
question est examinée plus avant au paragraphe 231 ci-dessous.
Destination syrienne des articles
114. Le Groupe d’experts a trouvé des preuves écrites désignant la République
arabe syrienne comme destinataire des cargaisons dans deux cas sur les trois
recensés. Les cargaisons étaient accompagnées de documents dans lesquels étaient
visés des destinataires dans ce pays pour 20 expéditions effectuées depuis 2006, y
compris une facture commerciale dans laquelle la Banque centrale syrienne était
citée en référence à la lettre de crédit.
Éléments communs concernant les interceptions
115. Le Groupe d’experts a mis au jour un certain nombre de liens entre les
interceptions actuelles et les précédentes. Il note que les étiquettes apposées sur les
caisses contenant des obus de mortiers trouvées dans l’affaire Francop (Israël)
semblent identiques à celles qui ont été trouvées dans l’affaire Yas Air (Turquie).
Sur l’étiquette portant l’inscription « Ministère de Sepah » dans l’affaire Yas Air,
dans les deux cas, on a essayé maladroitement d’effacer le mot « Sepah ».
116. Le Groupe a également dévoilé les liens existant entre l’affaire Kilis (Turquie)
et deux affaires précédentes – M/V Monchegorsk (Chypre) et Hansa India (Malte).
Dans les affaires Kilis et M/V Monchegorsk, l’expéditeur et le destinataire sont
identiques et les deux expéditions comportaient des majorations de frais pour les
obus de mortier de 120 mm et la poudre noire. La facture établie par l’expéditeur
SAD Import Export Company dans l’affaire Kilis (Turquie) indique que le
chargement était lié à de précédentes cargaisons expédiées par mer aux « ports de
Lattaquié et de Tartous ». Une partie de la cargaison du M/V Monchegorsk semblait,
comme cela a été indiqué dans la lettre adressée au Comité en date du 3 février
2009, identique à celle retrouvée dans l’affaire Hansa India, notamment des plaques
de bronze et des douilles de balles contenues dans des fûts métalliques de couleur
bleue. Les documents retrouvés dans les fûts sur le Hansa India indiquaient que les
ports de destination étaient Lattaquié et Tartous.
Renseignements complémentaires émanant des États Membres
117. Des médias ont mentionné des transferts présumés d’armes de la République
islamique d’Iran vers des États Membres18. Un État Membre a rapporté qu’en 2011,
la République islamique d’Iran avait fourni du matériel militaire, des pièces
détachées et une assistance technique au Soudan. Un autre État Membre a informé le
Groupe d’experts de transferts d’armes vers le Yémen. Le Groupe s’efforce
d’encourager la communication de ce type d’informations et espère obtenir des
renseignements complémentaires sur ces transferts.
__________________
18 Eric Schmitt et Robert Worth, « With Arms for Yemen Rebels, Iran Seeks Wider Mideast Role »,
The New York Times, 15 mars 2012.
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4. Conclusions
118. Au cours du mandat du Comité, on n’a signalé aucune violation concernant le
transfert d’armes classiques et de matériel connexe à la République islamique
d’Iran.
119. Les inspections montrent que la République islamique d’Iran continue de
transférer des armes et des munitions, ainsi que du matériel à double usage
nécessaire à la production d’engins explosifs. Ces transferts sont effectués par toutes
les voies possibles – aérienne, terrestre et maritime.
120. La République arabe syrienne continue de jouer un rôle central dans les
transferts illicites d’armes effectués par la République islamique d’Iran, comme le
montrent les deux affaires ayant conduit aux missions d’inspection du Groupe
d’experts.
D. Contrôle des exportations
1. Introduction
121. Dans sa résolution 1737 (2006), le Conseil de sécurité a décidé que tous les
États devaient « prendre les mesures nécessaires pour prévenir la fourniture, la vente
ou le transfert […] de tous articles, matières, équipements, biens et technologies »
(dont la liste est établie dans les documents S/2006/814 et S/2006/815),
« susceptibles de contribuer aux activités iraniennes liées à l’enrichissement, au
retraitement ou à l’eau lourde, ou à la mise au point de vecteurs d’armes
nucléaires ». Dans la résolution 1929 (2010), le Conseil a décidé que la liste
d’articles figurant dans le document S/2006/814 est remplacée par les listes figurant
dans les circulaires INFCIRC/254/Rev.9/Part 1 et INFCIRC/254/Rev.7/Part 2, et que
celle des articles figurant dans le document S/2006/815 est remplacée par la liste
figurant dans le document S/2010/263.
122. Dans sa résolution 1737 (2006), le Conseil a également décidé que les États
devaient prendre les mesures nécessaires pour « empêcher la fourniture à la
République islamique d’Iran de toute assistance ou formation techniques ». Le
Conseil a en outre engagé les États à faire preuve de vigilance pour empêcher que
des ressortissants iraniens reçoivent « un enseignement ou une formation spécialisés
[…] dans des disciplines qui favoriseraient les activités nucléaires de la République
islamique d’Iran posant un risque de prolifération et la mise au point de vecteurs
d’armes nucléaires ».
123. Dans la présente section, le Groupe d’experts se penche sur le rôle que joue le
contrôle des exportations dans la prévention de l’achat, par les autorités publiques
ou le secteur privé, des articles précités. Il présente aussi les défis à relever et
formule des conclusions.
2. Analyse
124. De nombreux États Membres attachent une grande importance au respect des
obligations que leur imposent les résolutions du Conseil de sécurité concernant la
République islamique d’Iran dans le domaine du contrôle des exportations.
Parallèlement, les efforts entrepris par le pays pour acquérir des articles, matières,
équipements, biens et technologies interdits destinés à un usage nucléaire ou
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balistique posent un problème aux États Membres, notamment à ceux dont les
systèmes de contrôle des exportations sont moins développés et ne permettent pas
de distinguer les articles à double usage des autres articles.
a) Mesures mises en oeuvre par les États
125. Les États Membres consultés par le Groupe d’experts ont fourni des
descriptions détaillées des procédures et exigences en matière d’autorisation des
exportations, ainsi que des politiques visant à étendre les contrôles à tous les articles
qui ne sont pas inscrits sur les listes de contrôle visées par les résolutions
pertinentes du Conseil de sécurité. Le Groupe a été impressionné par le haut niveau
d’attention et la minutie dont font preuve plusieurs États Membres au regard de la
lettre et de l’esprit du dispositif des sanctions relatif au contrôle des exportations.
126. La plupart des États Membres ont communiqué des informations concernant
les procédures internes d’intégration des résolutions du Conseil de sécurité dans la
législation nationale, les institutions compétentes et les procédures de contrôle des
exportations. Plusieurs ont présenté en détail les mécanismes de coordination
interministérielle et interorganisations mis en place explicitement aux fins de
l’application des dispositions de la résolution 1929 (2010) et des résolutions
précédentes relatives au contrôle des exportations visant la République islamique
d’Iran.
127. Il n’en demeure pas moins que dans certains États Membres, les systèmes de
contrôle des exportations gagneraient à être renforcés, notamment dans ceux qui ne
disposent pas de législations, d’institutions ou de mécanismes de mise en oeuvre
efficaces. Dans ce contexte, on soulignera que l’inefficacité des contrôles des
exportations peut tenir : au manque de sensibilisation aux obligations imposées aux
États, du fait de l’absence d’industries ou de productions dans ce domaine; au
caractère limité des échanges avec la République islamique d’Iran; à l’éloignement;
et au manque de ressources, d’expérience et de connaissances requises.
Diffusion des informations
128. Les informations concernant les refus d’exportation et les demandes suspectes
aideraient le Groupe d’experts à mieux comprendre les systèmes utilisés par la
République islamique d’Iran pour acheter ou tenter d’acheter des articles sensibles.
Le Groupe a reçu ce type d’informations ponctuellement de la part de certains États
Membres. Il encourage les autres à en faire de même.
129. Le Royaume-Uni a communiqué au Groupe d’experts des informations
concernant les refus d’autorisation d’exporter qu’il a émis dans le cadre de son
appartenance au Groupe des fournisseurs nucléaires. Ces refus, qui visaient du
matériel et des technologies à double usage, ont été décidés sur la base de
dispositions générales. Ces informations présentent un grand intérêt pour le Groupe
d’experts car elles permettent d’appréhender les priorités que se donne la
République islamique d’Iran en matière d’achat. Le Groupe attend avec intérêt que
d’autres États Membres lui communiquent des informations de ce type.
b) Administration douanière et contrôle douanier
130. L’administration douanière joue un rôle de premier plan dans l’application des
sanctions. Le Groupe a eu des discussions avec les responsables de la douane au
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cours des consultations tenues avec des États Membres et des inspections conduites
dans ces pays, et a visité des structures douanières, des ports et des aéroports.
131. Le Groupe a noté le haut niveau des équipements techniques en place,
notamment les systèmes automatiques de traitement électronique des données, de
profilage électronique et de gestion des risques. Les membres du Groupe ont assisté
à une démonstration sur le fonctionnement de certains équipements, notamment le
contrôle des rayonnements et les scanners. Plusieurs services douaniers disposent de
centres ou laboratoires dans lesquels sont effectués des tests techniques pour vérifier
le fonctionnement d’équipements particuliers ou peuvent utiliser les services de
centres de ce type.
132. Le Groupe d’experts a été informé que si la politique générale de
l’administration douanière est de faciliter le commerce, en cas de doute sur une
cargaison, elle ne donne son feu vert que lorsqu’elle a mené à bonne fin les
vérifications sur la marchandise, sa finalité, son origine, sa destination et les parties
concernées.
133. Les administrations douanières coopèrent aux niveaux bilatéral et multilatéral.
Cette coopération, qui porte également sur l’échange d’informations, est facilitée
par l’Organisation mondiale des douanes à travers son réseau mondial de bureaux
régionaux de liaison chargés du renseignement, ce réseau n’étant cependant pas
chargé seulement de l’application des sanctions.
c) Application des contrôles par le secteur privé
Sensibilisation et information du secteur économique privé
134. Le secteur privé est au premier rang du contrôle des exportations. Il est de la
plus haute importance que les États Membres l’informent comme il se doit, de sorte
qu’il puisse contribuer à atteindre les objectifs fixés en matière de contrôle. Cette
activité d’information permet de faire prendre conscience des obligations nationales
et internationales qui s’imposent à tous, de donner des renseignements concernant
les changements de réglementation, de promouvoir les pratiques de contrôle interne,
de réduire l’incidence des transferts effectués par erreur et d’encourager le secteur
privé à exercer la diligence requise avec ses clients.
135. Si la plupart des États Membres consultés par le Groupe continuent de
sensibiliser les opérateurs locaux, d’autres États commencent à peine à établir cette
pratique. Le Groupe continue pour sa part d’insister lors de ses consultations sur
l’importance de l’information du secteur privé.
136. On peut mener à bien cette activité de sensibilisation par l’organisation de
séminaires ou de formations, à travers des publications, des sites Web, des
communiqués de presse ou des médias sociaux, mais aussi au moyen de séances
d’information adaptées et de visites sur le terrain des fonctionnaires chargés du
contrôle des exportations.
137. Les activités de sensibilisation menées par des organisations non
gouvernementales peuvent compléter les activités qu’entreprennent les
gouvernements dans ce domaine. Dans certains États Membres, les organisations
non gouvernementales jouent un rôle de premier plan en aidant les gouvernements à
sensibiliser le secteur privé à l’importance des contrôles des exportations.
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Programmes de contrôle interne
138. S’agissant des demandes suspectes, il est nécessaire que les fournisseurs soient
particulièrement attentifs et vigilants. Les entreprises consultées par le Groupe
demandent régulièrement à leurs agents chargés des ventes de confronter les
demandes aux listes des sanctions, de vérifier les utilisateurs finals, de faire preuve
de prudence dans leurs relations avec les intermédiaires et de consulter les autorités
en cas de doute. Les États Membres consultés par le Groupe rapportent que les
entreprises, notamment les grandes entreprises bien établies, sont conscientes des
dommages pour leur réputation que pourraient avoir des opérations avec la
République islamique d’Iran et les évitent, même lorsqu’il s’agit d’opérations
permises auxquelles ne s’applique pas le régime des sanctions.
139. Les programmes de contrôle interne aident les producteurs et les négociants à
faire preuve de discipline et de vigilance s’agissant des exportations de biens
sensibles à double usage. De nombreux États Membres favorisent l’établissement de
telles procédures, qu’ils agréent et contrôlent. En outre, bon nombre de producteurs
privés de biens sensibles à double usage ont examiné avec le Groupe des signes
pouvant révéler des demandes suspectes, notamment :
a) Le peu d’empressement que met l’agent chargé de l’achat à donner des
informations sur l’utilisation finale ou les utilisateurs finals;
b) L’incapacité de répondre à des questions commerciales ou techniques
concernant l’article recherché;
c) Des explications peu convaincantes sur les raisons de l’acquisition de
l’article;
d) Les conditions de paiement particulièrement favorables;
e) Des demandes inhabituelles concernant les cargaisons, les emballages ou
l’étiquetage;
f) Des demandes de confidentialité concernant les destinations finales, les
clients ou les spécifications des articles expédiés;
g) Des demandes de quantités excessives;
h) Des demandes similaires provenant d’agents multiples;
i) Des demandes reçues sur la base de listes communes mal orthographiées;
j) Des demandes de modifications, exprimées après la vente, pour que les
articles figurent dans la liste des biens non contrôlés, de sorte que les articles soient
contrôlés s’ils sont exportés en tant que tels;
k) Des modifications de l’adresse du destinataire peu avant l’expédition de
la cargaison.
Contrôle de l’enseignement ou de la formation
140. Le Groupe d’experts a soulevé avec les États Membres la question de
l’enseignement ou de la formation spécialisés dans des domaines sensibles et
souligné l’existence de nombreuses pratiques pour mettre en oeuvre ces dispositions.
Certains États Membres ont créé des groupes de travail avec des universités pour
veiller à ce que les travaux menés par les étudiants iraniens dans le cadre de leurs
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études universitaires supérieures soient contrôlés conformément aux obligations
imposées par le Conseil de sécurité. D’autres commencent à peine à établir ce type
de procédures. Plusieurs États Membres ont mis en place des politiques de refus de
demandes de visa d’étudiants provenant de la République islamique d’Iran pour des
études supérieures dans des domaines sensibles et suivent de près tout changement
pouvant se produire pendant le cycle d’études.
d) Efforts de la République islamique d’Iran en matière d’achats
141. Le Groupe a été informé par plusieurs États Membres et une organisation
multilatérale régionale que la République islamique d’Iran continuait de chercher à
acquérir illicitement des articles destinés à favoriser la mise en oeuvre de ses
programmes nucléaire et de missiles balistiques. Parmi les articles les plus
fréquemment cités, on mentionnera les pompes à vide, les lubrifiants à base de
perfluoropolyéther et les fibres de carbone (qui font l’objet d’une analyse détaillée
aux paragraphes 57 à 67 ci-dessus). Comme il a déjà été indiqué, un État a
communiqué au Groupe des informations concernant les refus d’autorisation
d’exportation exprimés au titre des dispositions applicables à tous les produits. Il
s’agissait d’articles tels que des systèmes de contrôle automatique, des échangeurs
de chaleur, des débitmètres et leurs accessoires et des tubes en acier au carbone.
142. Selon l’organisation multilatérale régionale précitée, l’Iran procède à ces
acquisitions de façon directe et indirecte. Pour acheter, il publie des appels d’offres
à l’intention de ses partenaires commerciaux étrangers afin d’acquérir du matériel
accompagné de sa documentation technique, acquiert des brevets étrangers, copie
des matériels, réalise des fusions ou des absorptions de compagnies étrangères ou
achète des actions de compagnies pour accéder à des technologies et assure à ses
techniciens des formations auprès des fournisseurs étrangers.
143. On considère que la République islamique d’Iran utilise également des
stratégies indirectes d’achat dont notamment :
a) Le recours à des sociétés écran;
b) La dissimulation de l’utilisation finale ou des utilisateurs finals et de la
destination finale;
c) La falsification de la documentation technique des équipements
commandés;
d) Le recours à des fournisseurs multiples pour le même article;
e) Le recours à la diaspora iranienne pour faciliter les achats.
3. Défis
144. Petites et moyennes entreprises. Les petites et moyennes entreprises sont
plus vulnérables que les grandes entreprises aux faiblesses des systèmes de contrôle
des exportations. Parfois, elles manquent de ressources, d’expertise et d’expérience
et connaissent mal leurs obligations internationales. Pour les petites entreprises,
l’investissement dans les programmes de contrôle interne est parfois trop coûteux ou
trop contraignant. Les petites et moyennes entreprises peuvent également considérer
avec méfiance les contrôles des exportations qu’elles voient comme des obstacles
aux opportunités d’affaires. Ces entreprises, contrairement aux grandes entreprises,
ne manifestent pas une grande aversion face aux risques pouvant toucher leur
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réputation. Les programmes de contrôle interne sont plus difficiles à mettre en
oeuvre dans les petites entreprises que dans les grandes. Dans le cadre de l’action de
sensibilisation menée par les pouvoirs publics, on devrait en priorité aider ces
entreprises à mettre en place des programmes de contrôle interne.
145. Difficultés d’identification. Lors des deux étapes de contrôle des
exportations, il est nécessaire de disposer des connaissances spécialisées nécessaires
pour identifier les produits d’exportation sensibles pouvant être à double usage. La
première étape est celle de l’octroi d’autorisations, lorsque les exportateurs,
notamment ceux qui ne connaissent pas bien la législation et les procédures
nationales de contrôle des exportations, exportent des biens sans même comprendre
les obligations à respecter à cet égard. La deuxième étape, c’est le contrôle aux
frontières où ces connaissances spécialisées sont nécessaires pour identifier les
articles sensibles destinés à l’exportation.
146. Liste de contrôle. Plusieurs États Membres consultés par le Groupe d’experts
lui ont demandé de recommander la mise à jour des listes visées au paragraphe 122,
qui ont été modifiées depuis l’adoption de la résolution 1929 (2010). Les versions
actuelles de ces listes figurent dans les documents INFCIRC/254/Rev.8/Part 2,
INFCIRC/254/
Rev.10/Part 1 et S/2012/235.
4. Conclusions
147. Les États Membres mettent en oeuvre les contrôles des exportations avec une
plus grande conscience des obligations que leur imposent les sanctions décidées par
l’ONU. La plupart disposent de mécanismes fonctionnels de coordination et de mise
en oeuvre des opérations d’autorisation des exportations, y compris en ce qui
concerne les articles non inscrits sur les listes, mais certains ont besoin d’être aidés
à renforcer ces programmes et leur mise en oeuvre.
148. Les petites et moyennes entreprises sont une cible attirante pour les achats
illicites. La sensibilisation de ce type d’entreprises qui produisent et exportent des
articles sensibles est essentielle à l’application efficace des sanctions, et, d’une
manière plus générale, au contrôle des exportations.
149. La contribution des programmes de contrôle interne à la mise en oeuvre par le
secteur privé du contrôle des exportations s’est révélée particulièrement efficace,
même si toutes les compagnies n’ont pas encore mis en place de tels programmes.
E. Expédition et transport
1. Introduction
150. Dans sa résolution 1929 (2010), le Conseil de sécurité a demandé à tous les
États d’inspecter tous les chargements à destination et en provenance de la
République islamique d’Iran et de collaborer lors des inspections en haute mer avec
le consentement de l’État du pavillon, lorsqu’ils disposent « d’informations donnant
des motifs raisonnables de penser que tel chargement contient des articles dont la
fourniture, la vente, le transfert ou l’exportation sont interdits ». Le Conseil a aussi
décidé que les États devaient interdire la fourniture de services de soutage aux
navires qui appartiennent à la République islamique d’Iran ou sont affrétés par ce
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pays, s’ils disposent d’informations leur donnant des « motifs raisonnables » de
penser que ces navires transportent des articles interdits.
151. Trois entités de la compagnie Islamic Republic of Iran Shipping Lines sont
désignées par la résolution 1929 (2010). Il s’agit de Irano Hind Shipping Company,
d’IRISL Benelux NV et de South Shipping Line Iran (SSL) qui ont été désignées,
ainsi que des personnes ou des entités agissant en leur nom ou sous leurs
instructions, ou des entités qui sont leur propriété ou sont sous leur contrôle.
152. Au paragraphe 20 de la résolution 1929 (2010), le Conseil de sécurité a
demandé à tous les États Membres d’informer le Comité des transferts d’activités de
Islamic Republic of Iran Shipping Lines à d’autres compagnies, notamment le
changement de nom ou d’enregistrement d’un navire ou d’un bâtiment. Les États
Membres sont également tenus de fournir les mêmes informations s’agissant de la
division fret d’Iran Air.
2. Aperçu général
153. Selon les déclarations faites par des responsables iraniens depuis un an, le
commerce international s’est accru malgré les sanctions19. Par contre, plusieurs
États Membres ont signalé au Groupe d’experts une baisse considérable de leurs
échanges commerciaux avec la République islamique d’Iran, citant divers facteurs,
dont des difficultés dans l’accomplissement des opérations financières, des
difficultés pour trouver des transporteurs et des transitaires pour les marchandises à
destination ou en provenance de ce pays et des difficultés pour obtenir une
couverture d’assurance maritime. Les sanctions unilatérales pourraient constituer un
facteur explicatif de cette situation.
154. Le Groupe d’experts a aussi été informé que certaines compagnies maritimes
et certains transitaires ont décidé de réduire leur activité avec la République
islamique d’Iran, y compris le transport de marchandises vers les ports iraniens20.
Au cours de l’année écoulée, plusieurs grandes compagnies de transport de
marchandises ont annoncé une suspension ou une limitation des expéditions
concernant les ports iraniens. Il s’agit notamment de la CMA-CGM (septembre
2011), de Hapag Lloyd (novembre 2011) et de Maersk (février 2012)21. Selon une
association internationale d’assurance maritime consultée par le Groupe d’experts, il
est difficile d’obtenir des assurances maritimes pour les opérations avec la
République islamique d’Iran, y compris les assurances responsabilité civile22.
L’Association du transport aérien international a suspendu l’accès de deux
compagnies aériennes iraniennes, dont Iran Air, à son système de règlement des
paiements entre les compagnies aériennes membres et les agents de voyages. Deux
__________________
19 Un responsable des Émirats arabes unis : « Le commerce avec l’Iran n’a pas été affecté par les
sanctions », Far News Agency, 21 août 2011. « Dubai-Iran Trade Grows in Goods Exempt from
Sanctions », Tehran Times, 22 août 2011. « Iran: Un ministre met en doute l’efficacité des
sanctions » Thai News Service, 31 août 2011.
20 « Les sanctions compromettent gravement le commerce maritime de l’Iran », Reuters,
1er décembre 2011.
21 « Maersk suspend les opérations concernant le transport d’hydrocarbures avec l’Iran », Reuters
News, 8 février 2012. « Le transporteur français CMA-CGM met fin aux opérations
d’exportation à partir de l’Iran », Reuters News, 30 novembre 2011.
22 Certaines des questions relatives à ce type de couvertures sont débattues à l’adresse :
http://www.igpandi.org/downloadables/news/news/Iran%20FAQs%208%2002%202….
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pays voisins ont décidé de limiter les survols de leur territoire par des vols fret ou
d’immobiliser et d’inspecter les avions cargo effectuant ce type de vols.
3. Analyse
155. Le Groupe d’experts a effectué des inspections concernant trois affaires de
non-respect des obligations de contrôle qui lui ont été signalées par des États
Membres. Il s’agissait de deux affaires de transport routier et une affaire de
transport aérien. On trouvera aux paragraphes 100 à 110 toutes les informations
relatives à ces trois inspections.
a) Transport aérien
156. L’interdiction de Yas Air (Turquie) a été prononcée à la suite d’une escale
technique imposée par la Turquie consécutivement à la soumission de plusieurs
plans de vol par cette compagnie et à la communication d’informations par un autre
pays. L’incident montre combien le succès des contrôles des cargaisons aériennes (et
de leur interception) passe par la mise en place de mécanismes de coordination
interorganisations qui doivent être efficaces et opportuns, mais qu’il faut également
tester. Ces mécanismes sont d’autant plus importants que les informations sur les
survols d’aéronefs pouvant contenir des cargaisons suspectes sont parfois
communiquées au dernier moment et laissent aux autorités peu de temps pour réagir
et prendre les mesures qui s’imposent.
157. On trouvera au paragraphe 231 plus de détails sur l’enregistrement de Yas Air
et la proposition de la désigner dans la liste des sanctions. Ce cas illustre une des
méthodes qu’utilise la République islamique d’Iran pour éviter les sanctions, à
savoir le changement de nom d’une compagnie de fret aérien.
b) Transport routier
158. Dans le cas de la Force internationale d’assistance à la sécurité (Afghanistan),
où des armes et du matériel connexe ont été interceptés à proximité de la frontière
dans le sud de l’Afghanistan, la méthode et l’itinéraire utilisés pour transporter le
chargement interdit sont ceux qu’emploient habituellement les contrebandiers. Les
spécialistes de la sécurité de la frontière dans cette région ont noté que les capacités
des douanes « sont limitées des deux côtés de la frontière » tandis que « le volume
du commerce transfrontière […] est très important, ce qui facilite la
contrebande »23.
159. Dans l’affaire Kilis (Turquie), il s’agissait d’un chargement de matériel à usage
militaire transporté par un camion régulièrement immatriculé pour le transport
routier international. Il n’y a pas eu de tentative de dissimulation de la cargaison ou
de falsification des documents. Le Groupe de travail note que dans un des
documents accompagnant le chargement, il était indiqué que la cargaison était
expédiée dans le cadre d’un contrat prévoyant 20 expéditions du même type.
__________________
23 « The Global Afghan Opium Trade: a Threat Assessment », Office des Nations Unies contre la
drogue et le crime, Vienne, juillet 2011.
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c) Transport maritime
160. Au cours du mandat actuel du Groupe d’experts, aucun État n’a signalé de
violations concernant le transport maritime.
161. Durant son mandat, le Groupe a visité sept ports afin de recueillir des
informations pertinentes sur l’application des sanctions. Dans ce domaine, le rôle
des autorités portuaires n’est pas le même d’un État à l’autre. Le Groupe note qu’il
est très important de coordonner l’action des autorités portuaires et celle des
services chargés de la détection des marchandises interdites au titre de l’application
des sanctions ou du contrôle des exportations. C’est ainsi que les renseignements
que détiennent les autorités portuaires concernant les navires entrant dans les ports,
tels que les numéros d’identification de l’Organisation maritime internationale,
pourraient être communiqués aux autorités chargées de l’application des résolutions
du Conseil de sécurité. Les outils d’inspection utilisés par les autorités portuaires,
même s’ils ne sont pas conçus pour détecter des chargements suspects, pourraient
aider les autorités compétentes à révéler des opérations suspectes, y compris le
transport de biens interdits24.
d) Mesures prises par le secteur privé
162. Le Groupe d’experts note que de nombreuses compagnies de transport sont
soucieuses de collaborer à l’application des mesures décidées contre la République
islamique d’Iran et que certaines ont pris des mesures supplémentaires afin de
réduire les risques de violation des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Il
s’agit notamment de la création de services internes d’application des sanctions; du
renforcement des procédures internes d’application des sanctions à travers
notamment le renforcement du pouvoir de décision des dirigeants pour tout ce qui
concerne les opérations avec la République islamique d’Iran; la mise en place de
systèmes de pointe pour la détection des risques; la formation spécialisée des
personnels; l’élaboration de listes noires internes des clients suspects ou à risques;
le contrôle au scanner de tous les chargements à destination de la République
islamique d’Iran et la confirmation obligatoire pour tous les opérateurs que leur
contact n’est pas lié à des activités iraniennes interdites. Par contre, certaines entités
se sont complètement retirées du marché iranien.
4. Transfert, changement de nom et changement de pavillon des navires
concernant la compagnie Islamic Republic of Iran Shipping Lines25
163. Les mesures concernant Islamic Republic of Iran Shipping Lines qui figurent
dans les résolutions pertinentes du Conseil vont au-delà de la désignation de trois
entités liées à cette compagnie au paragraphe 19 de la résolution 1929 (2010). Les
États sont aussi priés dans les résolutions 1803 (2008) et 1929 (2010) de faire
preuve de vigilance en ce qui concerne les activités de cette compagnie. Ils sont
tenus, conformément au paragraphe 22 de la résolution 1929 (2010), d’exiger de
leurs nationaux, des personnes relevant de leur juridiction et des sociétés constituées
__________________
24 Hugh Griffiths et Michael Jenks, « Marine Transport and Destabilizing Commodity Flows »,
Institut international de recherches pour la paix de Stockholm, document d’orientation 32, 2012
(Solna, 2012). Disponible à l’adresse : books.sipri.org/files/PP/SIPRIPP32.pdf.
25 L’analyse figurant dans la présente sous-section repose sur des informations communiquées par
des États et sur les propres conclusions du Groupe d’experts tirées de sources commerciales
(Lloyd’s List’s Seasearcher et IHS Fairplay).
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sur leur territoire ou relevant de leur juridiction qu’ils fassent preuve de vigilance
lorsqu’ils font affaire avec des entités de la compagnie Islamic Republic of Iran
Shipping Lines, s’ils disposent d’informations leur donnant des motifs raisonnables
de penser que ces activités pourraient contribuer aux activités nucléaires iraniennes
posant un risque de prolifération ou à la mise au point de vecteurs d’armes
nucléaires.
164. Ces mesures sont difficilement applicables car, depuis l’adoption de la
résolution 1803 (2008), la compagnie Islamic Republic of Iran Shipping Lines
change régulièrement la structure de son actionnariat et les noms et pavillons de ses
navires. À l’heure actuelle, on compte plus de 130 navires liés à celle-ci, qui sont
exploités par environ 75 compagnies, la plupart n’ayant qu’un seul navire ou un
petit nombre de navires. Des discussions avec les représentants de l’industrie des
transports maritimes, il ressort que ces pratiques ne sont pas communes, en
particulier parmi les grandes compagnies maritimes.
165. De telles activités ne sont pas illégales, mais elles ont permis de donner à
Islamic Republic of Iran Shipping Lines une structure complexe et inconsistante qui
sert à occulter ses activités en général et l’identité de ses navires26. Plus la structure
de Islamic Republic of Iran Shipping Lines est complexe, plus il est difficile et long
d’identifier ses navires.
166. On trouvera ci-après une analyse préliminaire des tendances actuelles, qui vise
à donner des informations de base sur les activités de Islamic Republic of Iran
Shipping Lines afin d’aider le Conseil et le Comité. Cette analyse se veut aussi un
moyen d’aider les États à faire preuve de vigilance en ce qui concerne les activités
de Islamic Republic of Iran Shipping Lines, conformément aux résolutions
pertinentes du Conseil. Les informations pertinentes que les États Membres
pourraient donner constituent également une contribution importante qui permettra
au Groupe d’experts d’approfondir son analyse de cette question.
Transferts de propriété des navires
167. Au moment de l’adoption de la résolution 1803 (2008), dans laquelle le
Conseil faisait pour la première fois référence à Islamic Republic of Iran Shipping
Lines, cette compagnie disposait de plus de 110 navires. À la suite de l’adoption de
la résolution 1803 (2008), la compagnie a commencé à transférer ses navires à deux
nouvelles compagnies qui lui étaient liées : Hafiz Darya Shipping Company et Sapid
Shipping Company (voir fig. IV).
__________________
26 Pour une analyse des structures organisationnelles et financières de l’entreprise qui peuvent
servir à dissimuler des opérations frauduleuses, voir Emile van der Does de Willebois et al., The
Puppet Masters, Washington, Banque mondiale, 2011.
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Figure IV
Navires liés à Islamic Republic of Iran Shipping Lines : structure de
l’actionnariat
Source : Lloyd’s List Seasearcher.
168. De 2008 jusqu’à l’adoption de la résolution 1929 (2010), Islamic Republic of
Iran Shipping Lines et les compagnies qui lui sont liées ont modifié plus de 110 fois
la structure de l’actionnariat des navires. Après l’adoption de la résolution 1929
(2010), elles ont une nouvelle fois changé plus de 110 fois cette structure.
169. Au 28 avril 2012, Islamic Republic of Iran Shipping Lines était propriétaire de
50 navires. Quatorze de ces navires étaient enregistrés directement comme propriété
de la compagnie tandis que 36 autres navires appartenaient à 14 compagnies
différentes possédées par l’Islamic Republic of Iran Shipping Lines. En outre, 35 à
40 navires sont enregistrés à l’Islamic Republic of Iran Shipping Lines, mais ne sont
ni en construction, ni commandés ni sur le point d’être armés.
170. À la même date, très peu de navires étaient directement enregistrés au nom de
Hafiz Darya Shipping Company ou de Sapid Shipping Company. Les huit navires de
la première étaient au nom de sept compagnies différentes lui appartenant. Les 47
navires de la seconde étaient enregistrés au nom de 39 compagnies différentes
appartenant à cette dernière. Deux navires seulement étaient enregistrés au nom de
Sapid. Une vingtaine d’autres navires sont reliés à Islamic Republic of Iran
Shipping Lines, Hafiz Darya ou Sapid Shipping Company, ce qui porte le nombre
total de navires appartenant aux trois compagnies à plus de 130 navires (y compris
ceux liés à Irano Hind Shipping Company). Dans de nombreux cas, les compagnies
contrôlées par les trois compagnies ne possèdent qu’un ou deux navires.
171. Sur les 130 navires, plus de 60 sont actuellement exploités par un opérateur
iranien unique – Rahbaran Omid Darya Ship Management Company. Parallèlement,
plus de 50 navires sont exploités par un gestionnaire technique iranien unique –
Soroush Sarzamin Asatir Ship Management Company.
Nombre de navires
Mars 2008 Juin 2010 Avril 2012
Autres
Irano Hind
HDS
Sapid
IRISL
« Iran »
mentionné
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Changement des nom des navires
172. Les navires contrôlés par Islamic Republic of Iran Shipping Lines et les
compagnies qui lui sont reliées changent fréquemment de noms, le plus souvent
pour dissimuler leur origine iranienne. Lorsque la résolution 1803 (2008) a été
adoptée, la majorité des navires appartenant à Islamic Republic of Iran Shipping
Lines portaient un nom comportant la mention « Iran ». Au 28 avril 2012, moins de
10 navires sur les 130 qui sont rattachés à Islamic Republic of Iran Shipping Lines,
Hafiz Darya Shipping Company et Sapid Shipping Company portaient le nom
« Iran ». Depuis l’adoption de cette résolution, plus de 150 navires appartenant à ces
trois compagnies ont changé de nom.
Changement de pavillon
173. À la suite de l’adoption de la résolution 1803 (2008), plus de 90 changements
de pavillon concernant les navires appartenant aux trois compagnies précitées ont eu
lieu.
174. Environ 25 % de ces changements ont eu lieu récemment. Depuis février 2012,
12 navires appartenant à Sapid ou à Irano Hind ont été placés sous pavillon d’un
pays d’Amérique latine. Depuis mars 2012, huit navires appartenant à Islamic
Republic of Iran Shipping Lines ou à Hafiz Darya Shipping Company sont passés
sous pavillon d’un pays africain tandis que trois navires appartenant à Hafiz Darya
Shipping Company ou Sapid Shipping Company ont été enregistrés sous pavillon
d’un autre pays africain. Pour certains de ces navires, les noms des propriétaires
effectifs et déclarés ne sont pas confirmés.
175. Certains changements de pavillon ont aussi été accompagnés de changements
de nom. Les navires porte-conteneurs de capacité relativement importante ont
changé à la fois de nom, de pavillon et de propriétaire.
Fournisseurs de services connexes
176. Les changements de propriétaire, de nom et de pavillon ne peuvent être
effectués que par des tiers disposant de compétences dans les domaines juridique et
procédurier, c’est-à-dire tout ce qui concerne les compagnies d’intermédiation, les
cabinets d’avocat ou les fournisseurs de services connexes. Un État a informé le
Groupe d’experts que les transferts de propriété étaient apparemment rendus
invisibles par un système d’actions au porteur ayant un tiers pour origine.
5. Conclusions
177. Les changements fréquents de propriété, de nom et de pavillon d’Islamic
Republic of Iran Shipping Lines outrepassent les normes habituelles et sont
effectués pour dissimuler l’origine des navires. Il importe donc de redoubler de
vigilance, notamment en ce qui concerne le contrôle des numéros d’identification de
l’Organisation maritime internationale.
178. Il importe aussi que les fournisseurs de services connexes, notamment en ce
qui concerne l’enregistrement des navires et la formation, fassent preuve d’une
grande vigilance.
179. Bien qu’aucun incident n’ait été signalé, il est probable que les expéditions par
mer d’articles interdits se poursuivent.
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180. Les pays voisins constituent des cibles potentielles pour le transfert illicite
d’armes et de matériel connexe à partir de la République islamique d’Iran.
181. La coordination entre les autorités portuaires, aéroportuaires et de contrôle du
trafic aérien et les organismes chargés de l’application des sanctions permet de
gagner en efficacité dans l’application des sanctions. Dans les ports et les aéroports,
la coordination entre les services chargés des inspections techniques et les services
de contrôle aux frontières et des douanes peut, là également, renforcer l’application
des sanctions. Il importe aussi que toutes les autorités concernées échangent les
informations qu’elles obtiennent au jour le jour, notamment les numéros
d’identification de l’Organisation maritime internationale et les plans de vol des
aéronefs.
F. Restrictions financières et commerciales
1. Introduction
182. Les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité prévoient deux catégories de
restrictions financières. La première, qui concerne les sanctions financières ciblées,
impose le gel des fonds et autres avoirs d’entités ou personnes désignées [par. 12 à
15 de la résolution 1737 (2006), par. 6 de la résolution 1747 (2007), par. 7 de la
résolution 1803 (2008) et par. 11, 12 et 19 de la résolution 1929 (2010)]. Les
personnes et entités désignées sont énumérées dans l’annexe à la résolution
1737 (2006), l’annexe I à la résolution 1747 (2007), les annexes I et III à la
résolution 1803 (2008) et les annexes I à III à la résolution 1929 (2010). Deux
institutions financières iraniennes sont désignées : Bank Sepah et Bank Sepah
International [résolution 1747 (2007)]; et First East Export Bank [résolution
1929 (2010)].
183. La deuxième catégorie envisage des sanctions à l’encontre de certaines
activités et impose des restrictions à des opérations financières ou commerciales
avec la République islamique d’Iran sous certaines conditions. Il s’agit notamment
de mesures destinées à :
a) Prévenir le transfert de ressources ou services financiers liés à la
fourniture, à la vente, au transfert, à la fabrication ou à l’utilisation des articles
prohibés [par. 6 de la résolution 1737 (2006) et par. 8 et 13 de la résolution
1929 (2010)];
b) Prévenir la fourniture de services financiers ou le transfert de tous fonds,
actifs financiers ou ressources économiques qui pourraient contribuer aux activités
nucléaires de la République islamique d’Iran posant un risque de prolifération ou à
la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires [par. 21 de la résolution
1929 (2010)];
c) Interdire aux banques iraniennes d’entreprendre sur le territoire des États
Membres de nouvelles activités commerciales qui pourraient contribuer aux
activités nucléaires de la République islamique d’Iran posant un risque de
prolifération ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires [par. 23 de la
résolution 1929 (2010)]; et
d) Interdire aux institutions financières des États Membres de développer de
nouvelles activités commerciales en République islamique d’Iran qui pourraient
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contribuer aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou à la
mise au point de vecteurs d’armes nucléaires [par. 24 de la résolution 1929 (2010)].
184. Les sanctions imposées aux activités visées par la résolution 1929 (2010)
s’inspirent de celles énoncées dans les résolutions 1737 (2006) et 1803 (2008).
Deux institutions financières iraniennes sont citées au paragraphe 10 de la résolution
1803 (2008), dans lequel le Conseil de sécurité demande à tous les États de « faire
preuve de vigilance s’agissant des activités menées par les institutions financières
sises sur leur territoire avec toutes les banques domiciliées en République islamique
d’Iran, en particulier la Banque Melli et la Banque Saderat, ainsi qu’avec leurs
succursales et leurs agences à l’étranger ». Au seizième alinéa du préambule de la
résolution 1929 (2010), il est également demandé de faire preuve de vigilance
s’agissant des transactions effectuées avec des banques iraniennes, notamment la
Banque centrale d’Iran.
185. Les États Membres doivent aussi exiger de leurs nationaux, des personnes
relevant de leur juridiction et des sociétés constituées sur leur territoire ou relevant
de leur juridiction qu’ils fassent preuve de vigilance lorsqu’ils font affaire avec des
entités en République islamique d’Iran, notamment celles appartenant au Corps des
gardiens de la révolution islamique et à la compagnie Islamic Republic of Iran
Shipping Lines (résolution 1929 (2010), par. 22).
186. Dans la présente section, le Groupe d’experts examine l’application des
sanctions financières par les États Membres de l’ONU, les réponses aux sanctions
financières, les pratiques des entités en réponse aux mesures prises pour appliquer
les sanctions et les difficultés découlant de l’application des sanctions financières.
2. Analyse
a) Application des sanctions financières
187. Le Groupe d’experts a consulté les États Membres afin de s’informer sur les
moyens mis en oeuvre pour appliquer les sanctions dans la pratique, et pour
recueillir des informations sur leur contournement par la République islamique
d’Iran. Il a participé à des séminaires d’information organisés à l’intention des
gouvernements et du secteur privé et sollicité les avis des entités du secteur privé à
l’occasion de réunions.
188. Pour appliquer des sanctions financières, les États Membres doivent disposer
de mécanismes permettant d’identifier et de geler les avoirs des entités et personnes
désignées ainsi que pour contrôler et réglementer les transactions financières et
commerciales avec la République islamique d’Iran. Un niveau élevé de
communication et de coordination est nécessaire entre les autorités de
réglementation et le secteur privé.
189. Alors que de nombreux États Membres ont indiqué avoir mis en place de tels
systèmes, seuls quelques-uns ont partagé des informations concernant des
opérations suspectes, des violations ou tentatives de violations. Par exemple :
a) Un État voisin de la République islamique d’Iran a déclaré avoir révoqué
l’agrément d’une société de transfert d’argent en 2008;
b) Un État a informé le Groupe d’experts que sa cellule du renseignement
financier avait reçu plusieurs rapports sur des opérations suspectes concernant des
transactions avec la Bank Saderat en 2006 et en 2007 et sur lesquelles il avait
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enquêté. Il avait été impossible de déterminer si ces opérations étaient visées par les
résolutions de l’ONU. La cellule du renseignement financier avait également
procédé à des vérifications sur la base d’informations reçues d’autres États
Membres en 2007 mais aucune des informations recueillies ne faisait l’objet de
sanctions imposées par l’ONU;
c) Un État a signalé que les inspections effectuées sur place à la Banque
Mellat avaient permis de déceler deux cas de non-respect des procédures; et
d) Un État a noté que les opérations bancaires effectuées dans un État du
Moyen-Orient avec des actionnaires iraniens avaient été bloquées sur la base de
renseignements reçus de sources étrangères.
190. Il n’existe pas d’interprétation commune de la définition du concept de
vigilance dans le contexte du paragraphe 22 de la résolution 1929 (2010). Les États
Membres ont fait état de divers mécanismes permettant de satisfaire à ce critère, par
exemple :
a) Certaines autorités réglementaires surveillent étroitement les activités
commerciales avec l’Iran;
b) Des autorités exigent une notification ou autorisation préalable pour les
transferts de fonds avec toute entité ou personne de nationalité iranienne lorsqu’ils
dépassent un certain seuil. Un État a mentionné l’obligation d’obtenir un agrément
au cas par cas pour les transactions financières non personnelles. D’autres ont mis
en place des systèmes d’agrément des transactions financières individuelles ou de
certaines catégories de transactions financières; et
c) Des États Membres ont simplement signalé qu’ils avaient procédé à un
« contrôle général » des activités commerciales pour vérifier qu’aucune n’était
prohibée.
191. Le Groupe d’experts n’a reçu aucune information indiquant que la République
islamique d’Iran avait réussi à trouver de nouveaux moyens d’effectuer des
transactions suite à l’adoption de la résolution 1929 (2010), même si certains États
ont échangé des informations montrant qu’il n’y avait pas renoncé. Un État a noté
qu’il était difficile de surveiller les transactions liées à la République islamique
d’Iran et transitant par des banques de certains pays tiers. Un État voisin du pays a
signalé au Groupe qu’il avait reçu des demandes de la République islamique d’Iran
concernant la création d’institutions financières. Il ne leur a pas été donné suite,
apparemment en raison de la législation contraignante de cet État. Un autre État, sur
un autre continent, a fait état de demandes similaires. Un autre encore a en outre
déclaré que la République islamique d’Iran avait demandé des informations sur les
modalités de création d’institutions financières avec un capital iranien ou mixte.
Dans la plupart des cas, la République islamique d’Iran n’a pas cherché à en savoir
davantage.
192. Le service du contrôle d’une grande institution financière internationale a
déclaré que la République islamique d’Iran était connue pour essayer de nouer des
relations occultes avec des institutions existantes et de créer de nouveaux liens dans
des juridictions peu réglementées. Un représentant d’une autre grande entité
financière internationale a également noté que les banques iraniennes faisaient
preuve de créativité en essayant de contourner les sanctions, y compris en ouvrant
de nouvelles succursales.
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193. Le Groupe d’action financière a publié des normes révisées en février 2012,
comprenant une nouvelle norme sur l’application des sanctions financières ciblées
en matière de prolifération. Des États Membres devront peut-être mettre en place
des mécanismes pour satisfaire à cette norme. L’incorporation de cette norme dans
de prochaines évaluations mutuelles pourrait fournir au Groupe d’experts des
informations utiles sur l’application des sanctions financières ciblées imposées par
l’ONU.
b) Réponses aux sanctions financières
194. Des États Membres ont informé le Groupe d’experts que les entités et citoyens
iraniens non désignés dans le cadre des sanctions déploient des mesures pour gérer
les effets des sanctions notamment unilatérales, dont certaines n’ont peut-être pour
objet que de protéger des transactions légitimes, à savoir :
a) Un nombre croissant de transactions financières liées à la République
islamique d’Iran concernaient des banques iraniennes non visées par les sanctions
ayant des comptes de correspondants dans d’autres banques étrangères, ou des
société de transfert de fonds basées en République islamique d’Iran ayant accès à
des banques étrangères. Certaines de ces transactions peuvent avoir été initiées par
des banques faisant l’objet de sanctions27.
b) Une augmentation des transferts en espèces entre Iraniens résidant à
l’étranger et leurs amis ou parents en République islamique d’Iran. Ce phénomène
est important dans les États Membres où résident un grand nombre d’Iraniens. Un
État qui surveille toutes les transactions financières transfrontières a signalé un
accroissement considérable des transferts de fonds en espèces vers la République
islamique d’Iran au cours des deux dernières années. Il explique cette situation par
le fait que les transferts électroniques sont devenus plus difficiles en raison des
sanctions. La réglementation plus stricte des sociétés de transfert de fonds qui
doivent maintenant s’immatriculer en tant qu’institutions financières est un autre
facteur. La presse a également fait état d’une augmentation des transactions en
espèces28.
c) Un État a indiqué que les opérations hawala avaient augmenté ces
dernières années de manière inversement proportionnelle à la diminution des
transactions bancaires avec la République islamique d’Iran;
d) Un État voisin a signalé que les opérations de troc sont une composante
de plus en plus fréquente du commerce avec l’Iran. Des accords de troc ont
également été rapportés par les médias29;
e) Des États Membres ont fait état de sociétés créées uniquement aux fins
de transférer des fonds vers et à partir de la République islamique d’Iran. Par
exemple, le Groupe d’experts a été informé du cas d’un petite société non financière
__________________
27 Voir également les articles parus dans la presse, par exemple Benoit Facon et Margaret Coker,
« Willing banks find profits in legal trade with Iran », The Wall Street Journal, 8 avril 2012.
28 Michael Lipin, « Western Sanctions on Iran’s Banks make Trade harder », Voice of America
News, 3 avril 2012.
29 Valérie Parent et Parisa Hafezi, « Iran turns to barter for food as sanctions cripple imports »,
Reuters, 9 février 2012. Indira Lakshmanan et Pratish Narayanan, « Indian and China Skirt Iran
Sanctions With « Junk for Oil », Bloomberg, 30 mars 2012. « Pakistan, Iran holding talks on
barter trade », Teheran Times, 22 avril 2012.
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dirigée par un expatrié iranien qui s’était transformée en société de transferts de
fonds d’une banque iranienne non visée par les sanctions au profit de divers
destinataires dans le monde. Quelque 11 milliards de dollars ont été transférés sur
une période de 18 mois.
195. Il est difficile de savoir si et comment les méthodes décrites plus haut
pourraient être utilisées pour financer des approvisionnements dans le cadre de
programmes nucléaires et balistiques visés par les sanctions. Il s’agit de
programmes industriels qui nécessitent des sources de financement importantes et
fiables pour leurs approvisionnements.
c) Pratiques des entités financières
196. Le Groupe d’experts a tenu des consultations avec des représentants de
plusieurs institutions financières internationales, assureurs, associations bancaires et
personnes morales en Europe, en Asie et en Amérique du Nord.
197. Aux fins de l’application des sanctions ciblées imposées par l’ONU, nombre
de grandes institutions financières ont indiqué qu’elles faisaient appel à des
fournisseurs de logiciels du secteur privé pour les systèmes de contrôle des
transactions. Il est souvent difficile de vérifier si les personnes figurent sur les listes
établies par l’ONU du fait d’une insuffisance de données d’identification. La plupart
des institutions exigent que les systèmes puissent identifier les non-respects
éventuels dans tous les États dans lesquels elles opèrent. Certains prestataires
offrent des services de contrôle répondant à des critères supplémentaires, exclusifs.
La plupart des institutions déclarent employer un grand nombre de personnes et de
ressources financières pour garantir que toutes les précautions qui s’imposent sont
bien prises.
198. Le Groupe d’experts a été informé par plusieurs institutions et autorités de
réglementation qu’elles avaient adopté une stratégie cherchant à minimiser au mieux
les risques en ce qui concerne le respect des sanctions imposées à la République
islamique d’Iran. Beaucoup sont plus préoccupés par les pénalités associées au nonrespect
des sanctions unilatérales (ainsi que par la publicité négative et l’atteinte à la
réputation) que par les possibles violations des sanctions imposées par l’ONU et
élaborent en conséquence des procédures de vérification institutionnelles. Des
entités ont rapporté qu’elles avaient estimé que les ressources nécessaires au respect
de tous les régimes pertinents des sanctions étaient trop coûteuses lorsqu’il
s’agissait de la République islamique d’Iran et qu’elles avaient décidé de ne plus
traiter avec ce pays.
199. Les filières utilisées pour les opérations avec certaines banques iraniennes sont
bloquées depuis la suspension des services de messagerie financière vers ces
banques en réponse aux sanctions financières unilatérales30.
200. Le Groupe a observé que les pratiques de nombreuses institutions financières
élargissaient le champ d’application des sanctions financières imposées par l’ONU.
Par exemple, deux grandes sociétés d’assurance ont informé le Groupe qu’elles
avaient pour politique de refuser presque toutes les transactions en lien avec la
République islamique d’Iran du fait des contraintes liées au devoir de précaution et
__________________
30 Society for Worlwide Interbank Financial Telecommunication, www.swift.com/news/
press_releases/SWIFT_disconnect_Iranian_banks (dernière consultation le 7 mai 2012).
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aux difficultés potentielles en cas de grief. De nombreux clubs de protection et
d’indemnisation ont résilié leur assurance-responsabilité pour les navires iraniens à
la suite des sanctions unilatérales. Le Groupe d’experts a été informé que les
compagnies d’assurance iraniennes pouvaient dorénavant fournir une couverture
alternative. Il n’est pas certain que les politiques de conformité des banques
internationales autorisent les transactions si les compagnies d’assurance iraniennes
accordent des indemnisations en cas de sinistre.
3. Défis
a) Gel des avoirs
201. Seuls quelques États Membres ont signalé des cas de gel d’avoirs en réponse
aux résolutions du Conseil de sécurité. La plupart des États Membres ont informé le
Groupe d’experts qu’ils n’avaient pas gelé d’avoirs car aucun n’était visé. Deux ont
déclaré que les transactions commerciales avec la République islamique d’Iran
avaient déjà considérablement diminué lorsque l’ONU a décidé du gel des avoirs.
202. Plusieurs raisons peuvent être invoquées pour expliquer l’absence de
signalisation de gels d’avoirs en application des résolutions pertinentes de l’ONU.
Certains États Membres ne disposent peut-être pas des mécanismes nécessaires pour
geler les avoirs visés par les résolutions, ou n’ont peut-être pas réagi suffisamment
rapidement pour s’assurer qu’aucun fonds n’avait pu sortir de leur territoire avant
l’entrée en vigueur de ces gels. Certains États peuvent nécessiter une aide ou des
conseils sur la mise en oeuvre du gel d’avoirs. Par exemple, un État a demandé des
renseignements sur les procédures suivies ailleurs en ce qui concerne les biens
soumis à des gels d’avoirs.
203. Une association bancaire a fait savoir par écrit au Groupe d’experts que ses
membres étaient préoccupés par la capacité des autorités compétentes à répondre
aux demandes d’informations et d’agrément en temps voulu. De nombreuses
autorités compétentes déplorent le manque de précision du libellé des résolutions de
l’ONU qui complique leur tâche (notamment ce qu’on entendait par « agissant en
leur nom »).
b) Sanctions unilatérales
204. La question des sanctions financières unilatérales ne relève pas du mandat du
Groupe. Cependant, c’est une question que les États Membres posent souvent dans
le cadre des consultations du Groupe pour ce qui est des sanctions financières
imposées par l’ONU. Outre les sanctions contre la République islamique d’Iran,
plusieurs pays ont imposé leurs propres régimes de sanctions financières (ci-après
désignés régimes de sanctions unilatérales). Ces régimes et sanctions se sont
multipliés l’année dernière. Des États Membres ont indiqué qu’ils s’efforçaient de
respecter à la fois les régimes des sanctions imposés par l’ONU et les régimes
unilatéraux; d’autres ont dit qu’ils ne se conformaient qu’aux sanctions imposées
par l’ONU.
205. Une demande présentée par une organisation humanitaire internationale à
l’ONU concernant le transfert de fonds à partir de la République islamique d’Iran
illustre les difficultés que posent les sanctions unilatérales contre des transactions
légitimes. Le Comité, avec l’aide du Groupe d’experts, a par la suite recommandé à
l’organisation humanitaire de demander conseil aux États Membres ayant
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compétence sur leurs activités pour ce qui est des restrictions imposées par les
régimes des sanctions; et, au besoin, de demander à ces États de solliciter une
dérogation de la part du Comité pour ce qui est du transfert d’articles, de ressources
financières ou d’avoirs vers et en provenance de la République islamique d’Iran.
206. Un État a indiqué qu’une organisation humanitaire lui avait demandé des
conseils sur les procédures de transfert de fonds vers la République islamique d’Iran
suite à l’imposition de sanctions unilatérales. L’État a répondu qu’il n’avait aucun
pouvoir sur les politiques des banques.
207. Les médias ont également rapporté des problèmes avec les transactions
humanitaires31.
4. Conclusions
208. Le Groupe d’experts est d’avis que les États Membres et le secteur privé sont
très bien informés des sanctions financières imposées par l’ONU. De nombreux
États Membres appliquent les sanctions avec rigueur au moyen de leurs organismes
de réglementation financière.
209. Il est difficile de savoir si et comment le contournement par la République
islamique d’Iran des sanctions financières imposées par l’ONU pourrait être utilisé
pour financer des approvisionnements dans le cadre de programmes nucléaires et
balistiques visés par les sanctions. Il s’agit de programmes industriels qui
nécessitent des sources de financement importantes et fiables pour leurs
approvisionnements.
210. Le commerce légal peut être entravé par les pratiques suivies par certaines
entités s’agissant des transactions financières en réponse aux sanctions unilatérales.
G. Désignation des entités et personnes
1. Introduction
211. Les entités et personnes désignées sont soumises aux gels des avoirs visés aux
paragraphes 11, 12 et 19 de la résolution 1929 (2010), et dans les résolutions
précédentes; elles sont également sous l’effet de mesures d’interdiction de voyager
en application du paragraphe 10 de la résolution 1929 (2010). L’interdiction de
voyager est examinée plus avant aux paragraphes 232 à 247 du présent rapport.
212. Les listes récapitulatives des personnes et entités désignées sont affichées sur
le site Web du Comité32. La liste actuelle comporte trois catégories : 1) les
désignations concernant d’autres personnes et entités participant à des activités
associées aux missiles nucléaires ou balistiques en Iran; 2) les désignations relatives
au Corps des gardiens de la révolution islamique (alias Armée des gardiens de la
révolution islamique); et 3) celles associées à la compagnie Islamic Republic of Iran
Shipping Lines.
213. La présente section aborde le Corps des gardiens de la révolution islamique; la
Irano Hind Shipping Company, et les entités et personnes portées à l’attention du
__________________
31 Arshad Maohammed, « Of diapers and drugs, Iran’s trouble paying bills », Reuters,
21 mars 2012.
32 Voir http://www.un.org/sc/committees/1737/pdf/1737ConsolidatedList.pdf.
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Groupe d’experts à la suite d’inspections effectuées dans le cadre de violations
présumées.
2. Corps des gardiens de la révolution islamique
214. Même si le Corps des gardiens de la révolution islamique dans son ensemble
n’est pas visé au titre des résolutions concernées, plusieurs personnalités ont été
identifiées par le Conseil de sécurité comme étant impliquées dans des programmes
de missiles nucléaires et balistiques et font l’objet de mesures de gels d’avoirs. Des
officiers, y compris le commandant en chef, le chef d’état-major, les commandants
des forces aériennes, des forces terrestres et de la marine du Corps des gardiens sont
tous visés. En outre, trois entités identifiées à l’annexe I de la résolution
1747 (2007) et le siège de Khatam al Anbiya Construction ainsi que 14 entités
associées à cette société figurent sur la liste reproduite à l’annexe II de la résolution
1929 (2010).
215. Les activités associées au Corps des gardiens de la révolution islamique sont
également soumises à l’obligation de « vigilance » qui incombe aux États et à leurs
nationaux, ainsi qu’aux personnes et entités relevant de leur juridiction « s’ils
disposent d’informations leur donnant des motifs raisonnables de penser que ces
activités pourraient contribuer aux activités nucléaires de la République islamique
d’Iran posant un risque de prolifération ou à la mise au point de vecteurs d’armes
nucléaires ». Cette obligation de vigilance sur les activités commerciales s’étend
aux entités et personnes agissant au nom du Corps des gardiens de la révolution
islamique ou sur ses ordres, et aux entités qu’il contrôle ou lui appartiennent, y
compris de manière illicite.
216. Les consultations menées avec de nombreux États Membres montrent la
difficulté d’identifier des transactions ou activités commerciales spécifiques faisant
intervenir le Corps des gardiens de la révolution islamique « qui pourraient
contribuer aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou à la
mise au point de vecteurs d’armes nucléaires ». L’absence d’information concernant
la structure du Corps des gardiens de la révolution islamique et ses activités, tant en
République islamique d’Iran qu’à l’étranger, contribue au problème.
217. Du fait de ce manque d’informations, les entités étrangères désireuses de
commercer en toute légalité avec la République islamique d’Iran courent le risque de
se voir involontairement impliquées dans les activités interdites mentionnées plus
haut et donc en violation des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Afin
d’éviter de tels risques, qui pourraient entraîner des sanctions pénales et entacher leur
réputation, de nombreuses entités décident de cesser toute activité commerciale qui
pourrait avoir un lien avec la République islamique d’Iran ou des éléments iraniens,
quelle que soit la nature légitime de ladite activité.
a) Activités économiques du Corps des gardiens de la révolution islamique
218. Le Corps des gardiens de la révolution islamique, acteur majeur de l’économie
iranienne, est actif dans différents secteurs de l’économie, essentiellement grâce à
ses filiales civiles. Même si les experts estiment qu’il est difficile de déterminer son
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poids réel dans l’économie iranienne, selon les estimations les plus prudentes, il
contrôlerait 25 à 40 % du produit national brut du pays33.
219. Par exemple, la branche entreprise de travaux publics du Corps des gardiens de
la révolution islamique, Khatam al Anbiya, visée par la résolution 1929 (2010),
participe à de nombreux projets y compris des barrages, des bâtiments, des routes,
des tunnels et des structures souterraines, des installations sportives, des
installations pétrolières, des projets dans les télécommunications, les transports,
l’énergie ainsi que l’installation d’oléoducs, gazoducs et réseaux
d’approvisionnement en eau et d’assainissement. Elle possède des dizaines de
filiales et de partenaires. Selon une estimation, le nombre des filiales dépasserait les
80034 et, selon l’entité elle-même, elle aurait réalisé des centaines de projets35. Le
poste de directeur est traditionnellement réservé à des officiers influents du Corps
des gardiens de la révolution islamique. L’actuel Ministre du pétrole, Rostam
Qasemi, est un ancien Directeur36. Plusieurs autres grands projets, tels que les
opérations aériennes, sont menés par d’autres entrepreneurs sous le contrôle du
Corps.
220. Certains États Membres ont informé le Groupe d’experts que le Corps
contrôlait également les circuits de l’économie informelle. Notamment, des
organisations caritatives iraniennes (fondations) contrôlées par le Corps
soutiendraient les activités économiques de celui-ci, y compris en fournissant des
circuits informels pour des transactions commerciales. Ces fondations comprennent
la Fondation coopérative (Bonyad-e Taavon-e Sepah) et la Fondation des opprimés
(Bonyad-e Mostazafan), qui ont toutes les deux des officiers d’active ou d’anciens
officiers du Corps dans leur conseil d’administration. Elles gèrent toutes les deux
d’importantes activités commerciales, par exemple, la Fondation des opprimés a
récemment annoncé que 20 sociétés holding et 173 entreprises opéraient sous sa
houlette dans des secteurs très divers, y compris l’agriculture, la navigation, la
finance et les boissons37.
b) Commandement du Corps des gardiens de la révolution islamique
221. Même s’il semble que le Conseil de sécurité ait désigné les personnes en
fonction de leur grade au sein du Corps, des changements importants sont intervenus
au niveau du commandement de ce corps. Ils n’apparaissent pas dans la liste des
personnes désignées qui figure sur le site Web du Comité. Ils sont indiqués dans le
tableau ci-après.
__________________
33 Elliot Hen-Tov and Nathan Gonzalez, « The Militarization of Post-Khomeini Iran:
Praetrorianism 2.0 », The Washington Quaterly, hiver 2011.
34 « New Iran Sanction Target Revolutionary Guards, » Time magazine, 10 juin 2010.
35 Voir site Web de Khatam al-Anbiya (Farsi), « Ghorb at a glance »
(http://khatam.com/?part=menu&inc= menu&id=98) (consulté pour la dernière fois le 22 avril
2012).
36 Le Directeur aurait été remplacé par Abolqasem Mozaffari Shams en août 2011, après la
nomination et la confirmation de son prédécesseur au poste de ministre du pétrole.
37 Voir site Web de la Fondation des opprimés (Farsi) : activités économiques
(http://www/irmf.ir/activity/Introduce/economic.aspx) (consulté pour la dernière fois le 22 avril
2012).
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Changements intervenus dans le commandement du Corps des gardiens
de la révolution islamique
Personne désignée Grade Commandants en poste
GD Yahya Rahim Safavi Commandant du Corps GD Mohammad Ali Jafari
GB Morteza Rezaie Commandant adjoint du Corps GB Hossein Salami38
GB Mohammad Reza Zahedi Commandant des forces terrestres GB Mohammad Pakpur
GB Hossein Salami Commandant des forces
aériennes39
GB Amir Ali Hajizadeh
Contre-amiral Morteza Safari Commandant de la marine Contre-amiral Ali Fadavi
GB Mohammad Hejazi Commandant de la Force
de résistance Bbassidj
GB Mohammad Reza
Naqdi40
GB Qasem Soleimani Commandant de la Force
d’Al-Qods
(promu général de division)
Abréviations : GD = général de division; GB = général de brigade.
222. Certaines des personnes qui ont changé de poste depuis leur désignation
occupent toujours des postes influents. Il s’agit notamment du général de division
Yahya Rahim Safavi (actuellement conseiller militaire auprès du Guide suprême) et
du général de brigade Mohammad Hejazi (chargé de la logistique et de la recherche
industrielle à l’état-major).
3. Entité désignée comme étant associée à la compagnie Islamic Republic
of Iran Shipping Line : Irano Hind Shipping Company
223. Irano Hind Shipping Company est désignée conformément au paragraphe 19
de la résolution 1929 (2010) et ses fonds, avoirs et ressources économiques doivent
être gelés par les États Membres. Le Groupe d’experts a été informé que les avoirs
d’Irano Hind Shipping Company dans un État Membre avaient été gelés.
224. Selon l’analyse effectuée par le Groupe d’experts, qui s’appuie sur des
informations fournies par des États ainsi que sur les propres recherches du Groupe
utilisant des sources commerciales (base de données Lloyd’s List’s Seasearcher et
IHS Fairplay), les navires de la compagnie continueraient de naviguer. Le Groupe a
identifié au moins 7 navires, 3 transporteurs de brut et 4 vraquiers – contrôlés par
Irano Hind Shipping Company depuis sa désignation. La compagnie a peut-être fait
immatriculer un nouveau transporteur de brut, lequel n’est pas encore en opérations.
Ces sept navires sont immatriculés et exploités par sept compagnies distinctes,
chacune détenant et exploitant un seul navire. Ces compagnies et cinq autres, qui ne
__________________
38 Désigné en tant que commandant des forces aériennes du Corps des gardiens de la révolution
islamique en application de la résolution 1737 (2006).
39 Les forces aériennes du Corps des gardiens de la révolution islamique ont été renommées forces
aérospatiales du Corps des gardiens de la révolution islamique à la suite de la restructuration de
ce dernier fin 2009.
40 Désigné en tant qu’ancien chef d’état-major adjoint chargé de la logistique et de la recherche
industrielle en application de la résolution 1803 (2008).
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semblent exploiter aucun navire, sont détenues par Irano Hind et partagent la même
adresse. Le site officiel d’un État indiquerait que toutes ces compagnies font l’objet
de sanctions de l’ONU et de l’Union européenne41.
225. En avril 2012, les compagnies contrôlées par Irano Hind Shipping Company
ont changé tous les pavillons des trois transporteurs de brut appartenant à la flotte
Irano Hind, depuis Malte jusqu’en Bolivie. Le Directeur du Registre international
d’immatriculation des navires bolivien a déclaré le 18 avril que si l’un quelconque
de ces navires viole les sanctions imposées par l’ONU ou un autre groupe de pays,
son immatriculation serait annulée42. Ce changement de pavillon coïncide avec
d’autres activités similaires décrites aux paragraphes 174 à 176.
226. La flotte associée à Irano Hind Shipping Company ne comprend actuellement
aucun porte-conteneurs. Elle comprenait auparavant deux porte-conteneurs, dont les
immatriculations ont été transférées, avant l’adoption de la résolution 1929 (2010), à
différents armateurs dans un même État et la propriété réelle à un armateur dans un
État tiers. Ces deux porte-conteneurs semblent être essentiellement exploités en
Europe et en Amérique latine. Une liste des compagnies et navires susmentionnés
figure à l’annexe X.
227. L’exploitation continue des navires d’Irano Hind Shipping Company peut être
le résultat de plusieurs facteurs :
a) Certains États Membres n’interprètent peut-être pas les résolutions
comme leur faisant obligation de saisir les navires appartenant aux entités désignées
ou contrôlées par elles;
b) Il n’existe peut-être pas d’interprétation commune de termes tels que
« agissant pour le compte d’Irano Hind Shipping Company et sous ses instructions »
ou « sont la propriété ou sont sous le contrôle d’Irano Hind Shipping Company »;
c) Les États Membres n’ont peut-être pas de moyens de droit suffisants pour
autoriser ou justifier une action;
d) Les États Membres n’ont peut-être pas les moyens d’identifier les navires
naviguant dans leurs eaux territoriales comme étant contrôlés par Irano Hind
Shipping Company.
4. Entités ayant participé à la violation des sanctions – proposition
de nouvelles désignations
228. Le Groupe d’experts note que la récente décision prise par le Comité d’ajouter
deux personnes et une entité à la liste indique clairement que les résolutions peuvent
être actualisées si les circonstances l’exigent.
229. Le Groupe d’experts propose de porter les entités ci-après à l’attention du
Comité :
a) Yas Air. Le Groupe d’experts a conclu que la compagnie aérienne n’avait
pas respecté les dispositions du paragraphe 5 de la résolution 1747 (2007) en
transportant des armes interdites et du matériel connexe de la République islamique
d’Iran en République arabe syrienne. Un État Membre a informé le Groupe
__________________
41 Voir http://rocsupport.mfsa.com.mt/pages/default/aspx.
42 Daniel Fineren, « Bolivia poised to de-flag Iranian ships », Reuters, 18 avril 2012.
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d’experts que la société Yas Air appartenait au Corps des gardiens de la révolution
islamique et avait succédé à Pars Aviation Services Company, entité visée dans la
résolution 1747 (2007). Selon des informations obtenues de sources publiques, Yas
Air est une branche civile du Corps des gardiens de la révolution islamique et deux
des quatre avions-cargo qu’elle possède proviennent de ce Corps43.
b) SAD Import Export Company. Le Groupe d’experts a conclu que la
société avait violé les dispositions du paragraphe 5 de la résolution 1747 (2007) en
agissant en tant qu’intermédiaire dans la vente d’armes interdites et de matériel
connexe. Des documents attestent que cette société a tenté de transporter des articles
interdits en rapport avec les deux entités visées par les résolutions pertinentes du
Conseil de sécurité (7th of Tir Industries et Parchin Chemical Industries). Les
documents trouvés pendant l’inspection laissent entendre que le transport d’articles
similaires pourrait se poursuivre.
c) Chemical Industries and Development of Materials Group. Le
Groupe a été identifié sur des documents trouvés dans une caisse saisie dans le cadre
de l’affaire Kilis (Turquie). C’est une entité brevetée de Parchin Chemical
Industries, laquelle est visée par la résolution 1747 (2007), et qui a été identifiée
comme fabricant des charges partielles saisies par les autorités turques dans l’affaire
de Kilis. Le site Web de l’Organisation des industries de la défense indique que
Chemical Industries and Development of Materials Group fabriquerait toute une
gamme de matériaux explosifs, y compris des propergols et des explosifs puissants à
usage militaire tels que le RDX et le HMX44. Le Groupe d’experts note que, dans
un grand nombre des précédents cas de violation dont il avait été saisi, il avait été
prouvé que l’Organisation des industries de la défense exportait des armes et du
matériel connexe en violation des résolutions pertinentes.
5. Conclusions
230. Le partage de nouvelles informations concernant la structure, les filiales et les
coopératives du Corps des gardiens de la révolution islamique entre les États
permettrait de comprendre quelles sont parmi leurs activités économiques celles qui
pourraient contribuer à des activités interdites visées par les résolutions pertinentes
du Conseil de sécurité.
231. Malgré l’inscription d’Irano Hind Shipping Company sur la liste, ses navires
sont toujours en exploitation, ce qui suscite des interrogations quant à l’utilité réelle
de cette désignation.
H. Interdiction de voyager
1. Introduction
232. Le Conseil de sécurité désigne les personnes et entités qui sont directement
associées ou qui apportent un appui aux activités nucléaires de la République
islamique d’Iran posant un risque de prolifération ou au développement de vecteurs
d’armes nucléaires dans les résolutions 1737 (2006), 1747 (2007), 1803 (2008) et
1929 (2010). Au paragraphe 10 de la résolution 1929 (2010), le Conseil de sécurité a
__________________
43 Source : Base de données d’Aéro transport (www.aerotransport.org).
44 Voir www.diomil.ir/en/cidmg.aspx.
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décidé que tous les États Membres devaient « prendre les mesures nécessaires pour
empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire » des personnes
désignées dans les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité ou par le Conseil
de sécurité ou le Comité en application du paragraphe 10 de la résolution
1737 (2006), compte tenu des exceptions prévues au paragraphe 6 de la résolution
1803 (2008) et au paragraphe 10 de la résolution 1929 (2010).
233. La présente section porte sur les difficultés rencontrées par les États Membres
dans la mise en oeuvre de l’interdiction de voyager et sur certains faits qui peuvent
entraver l’efficacité des mesures d’interdiction de voyager.
2. Aperçu général
234. La République islamique d’Iran délivre des passeports conformément aux
directives internationales sur les documents de voyage lisibles à la machine. En
juillet 2007, l’Iran a annoncé qu’il avait commencé à délivrer des passeports
diplomatiques et des passeports de service contenant des informations biométriques,
et que cette mesure serait étendue aux passeports ordinaires en février 2011.
235. Selon une base de données publique concernant les restrictions sur les visas, le
nombre de pays et de territoires auxquels les ressortissants iraniens peuvent accéder
sans visa, habituellement pour des visites de durée relativement courte, est passé de
25 (en septembre 2008) à 36 (en août 2011)45.
236. Des progrès importants ont été accomplis au cours des 10 dernières années en
ce qui concerne les contrôles d’immigration, notamment la mise au point de
systèmes avancés d’informations voyageurs et les données biométriques. Seuls
quatre États Membres n’ont pas encore commencé à délivrer de documents de
voyage lisibles à la machine à leurs citoyens. Ces systèmes et instruments sont des
outils importants pour la mise en oeuvre de l’interdiction de voyager.
3. Analyse
Mise en oeuvre par les États Membres
237. Les cadres juridiques mis en place par les États Membres pour s’acquitter de
leurs obligations en matière d’interdiction de voyager varient considérablement. Un
grand nombre font appel à des mesures administratives fondées sur les lois en
vigueur, s’appuyant en fait sur les organismes chargés d’octroyer les visas d’entrée
et de transit pour incorporer de nouvelles informations sur les personnes désignées
dans les bases de données existantes. Certains apportent des amendements aux lois
en vigueur sur l’immigration alors que d’autres appliquent une législation répressive
particulière pour donner effet à l’interdiction de voyager.
238. Les États Membres mettent en oeuvre l’interdiction de voyager en imposant des
mesures de restriction sur les visas et de contrôles aux frontières ou d’immigration.
Le groupe d’experts note que les États Membres s’appuient sur plusieurs bases de
données différentes pour octroyer des visas d’entrée et de transit. Il peut s’agir de
__________________
45 Henley & Partners Visa Restrictions Indes – Global Ranking, accessible à partir de son site Web
(https://www.henleyglobal.com/citizenship/visa-restrictions/). L’Association du transport aérien
international (IATA) explique sur son site Web que ce classement mondial de pays est établi en
collaboration avec IATA, c’est-à-dire que la méthode mise au point par Henley & Partners à cet
effet est appliquée aux données fournies par la base d’informations sur les visas gérée par IATA.
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bases de données nationales ou de bases communes à un organisme régional, telles
que le Système d’information Schengen entre les États de l’Union européenne.
239. Aucune violation de l’interdiction de voyager n’a été communiquée au Comité
pendant le présent mandat du Groupe d’experts.
240. Le Groupe a été informé par un État que les membres des Forces
Al-Qods du Corps des gardiens de la révolution islamique, y compris son
commandant Qasem Suleimani [visé par la résolution 1747 (2007)], se sont
récemment rendus en République arabe syrienne. Le Groupe cherche à confirmer
cette information. Un autre État l’a informé d’un cas de refus d’entrée pour un
Iranien inscrit sur la liste.
241. De nombreuses raisons peuvent expliquer le fait que les violations de
l’interdiction de voyager ne sont pas toujours communiquées au Comité. Certains
États Membres ne disposent pas des moyens nécessaires pour mettre en oeuvre,
surveiller et signaler les violations de l’interdiction de voyager; il est possible que
les Iraniens désignés ne voyagent pas hors du pays ou voyagent avec des documents
délivrés sous d’autres noms.
4. Obstacles
242. Insuffisance d’informations. De nombreux États Membres, et notamment
ceux qui ont mis en place des systèmes informatisés, ont fait savoir que leurs
procédures d’octroi de visa d’entrée et de transit exigeaient plus d’informations que
ce qui était demandé dans les résolutions en général (dans la plupart des cas
seulement noms et prénoms, lieu de travail et/ou profession).
243. Difficultés avec les noms. Le Groupe d’experts note les difficultés ci-après
s’agissant d’identifier les personnes figurant éventuellement sur les listes :
a) En République islamique d’Iran et dans les pays de la région, on utilise
souvent et de manière répétée des noms et prénoms très courants;
b) La translitération en anglais des noms farsi est variable46;
c) Utilisation de noms d’emprunt.
244. Utilisation de passeports supplémentaires. Un État récemment consulté par
le Groupe d’experts a laissé entendre que certains ressortissants iraniens avaient
obtenu des passeports d’un autre État Membre. Le Groupe sait que, dans certains
États Membres, la loi autorise l’octroi d’une deuxième nationalité et d’un passeport
aux ressortissants d’un pays tiers, y compris aux Iraniens qui résident hors de leur
territoire, en principe en fonction d’un certain montant d’investissement. Des
informations fournies en réponse aux questions du Comité par un État montrent que
les demandes de passeport présentées par des ressortissants iraniens ont quadruplé
au cours de la période 2010-2011. Cet État a également indiqué qu’il suspendait
l’acceptation de demandes de ressortissants iraniens résidant en République
islamique d’Iran afin d’empêcher toute utilisation abusive.
__________________
46 À cet égard, le Groupe note que les noms figurant sur les passeports iraniens ne sont pas basés
sur une règle de translitération uniforme, comme indiqué par le Ministère iranien des affaires
étrangères sur son site Web (voir www.mfa.gov.ir/NewsShow.aspx?id=817&menu=
199&lang=en).
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245. Obligations des États hôtes. Un État a signalé des difficultés potentielles en
rapport avec ses obligations d’accueillir des organisations internationales.
Conformément aux accords du pays hôte avec des organisations internationales, ces
États Membres doivent faciliter l’entrée sur leur territoire, et ne pas entraver la
sortie dudit territoire des personnes, y compris des représentants des États Membres
des organisations internationales, qu’ils accueillent. L’État a fait remarquer qu’il
pourrait se retrouver dans une situation dans laquelle un accord bilatéral avec une
organisation internationale l’oblige à accepter l’entrée de ressortissants iraniens
visés, même si le Conseil de sécurité n’a pas accordé de dérogation à l’interdiction
de voyager imposée à ces personnes.
5. Conclusions
246. Des renseignements biographiques supplémentaires, notamment le lieu et la
date de naissance, les numéros de passeport et les noms des parents sont nécessaires
à l’application des dispositions régissant l’interdiction de voyage. D’autres
informations utiles pourraient inclure : les différentes orthographes d’un même nom,
les noms de guerre, l’adresse connue, une photographie et des données
biométriques.
247. Un État a signalé que les demandes de deuxième passeport soumises par des
Iraniens avaient quadruplé. Cette pratique est courante dans un certain nombre pays
et devrait être portée à l’attention des États Membres.
IV. Recommandations
248. Le Groupe d’experts recommande au Conseil de sécurité et au Comité
que, conformément à la pratique en vigueur, soient inscrites sur les listes les
deux entités suivantes qui ont enfreint les dispositions du paragraphe 5 de la
résolution 1747 : Yas Air, pour le transport d’armes et de matériel prohibés à
partir de la République islamique d’Iran, comme décrit dans le dossier Yas Air
(Turquie); et SAD Import Export Company, compte tenu de son rôle en tant
qu’agent commercial pour des armes et du matériel connexe prohibés, comme
décrit dans le dossier Kilis (Turquie). Les deux recommandations sont étayées
par de solides éléments de preuve.
249. Le Groupe soumet aussi à l’attention du Conseil de sécurité et du Comité
le cas de la société Chemical Industries and Development of Materials Group.
250. Le Groupe recommande que le Conseil de sécurité et le Comité rappellent
aux États Membres l’obligation qui leur est faite de signaler les incidents de
non-respect et les interdictions. Il leur recommande par ailleurs de demander
aux États Membres de partager, selon que de besoin, les informations relatives
aux tentatives de contournement des sanctions. Le Groupe souhaiterait
recevoir, plus particulièrement, des informations relatives à des entités
désignées du Corps des gardiens de la révolution islamique et de l’Islamic
Republic of Iran Shipping Lines, notamment de la part des États de pavillon
qui acceptent des immatriculations de cette compagnie.
251. Le Groupe recommande que le Comité encourage les États Membres qui
accueillent des industries produisant des biens à double usage nécessaires aux
programmes nucléaires et de missiles balistiques prohibés, tels que la fibre de
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carbone à haute teneur, à sensibiliser systématiquement le monde de l’industrie
aux risques éventuels d’acquisition par la République islamique d’Iran. Les
informations relatives à ces campagnes de sensibilisation devraient, selon que
de besoin, être communiquées au Groupe.
252. Le Groupe recommande que le Comité encourage les États Membres à
entreprendre des actions de sensibilisation, particulièrement à l’intention des
petites et moyennes entreprises, en vue d’établir des procédures d’application
appropriées qui permettent de satisfaire aux obligations découlant des
résolutions du Conseil de sécurité.
253. Le Groupe recommande que le Comité rappelle aux États Membres la
nécessité de faire preuve d’une vigilance particulière vis-à-vis des marchandises
en provenance ou à destination de la République islamique d’Iran, qu’elles
soient transportées par voie maritime, aérienne ou terrestre, y compris par voie
ferroviaire ou routière. Il s’agira par exemple, au moment d’accorder des droits
de survol pour des vols en provenance ou à destination de l’Iran, d’exiger des
escales techniques en vue d’inspecter des cargaisons suspectes. Cette vigilance
ne devrait pas se limiter aux zones géographiquement adjacentes à la
République islamique d’Iran, compte tenu de l’envergure mondiale des
activités de l’Iran.
254. Le Groupe recommande que le Comité attire l’attention des États
Membres sur la nouvelle norme du Groupe d’action financière relative au
financement de la prolifération, notamment au regard de l’application des
sanctions financières ciblées imposées à la République islamique d’Iran.
255. Le Groupe recommande que le Comité clarifie les mesures attendues des
États Membres dans le domaine de l’application des sanctions contre les entités
désignées de l’Islamic Republic of Iran Shipping Lines, notamment en ce qui
concerne « les avoirs financiers et les ressources économiques », et qu’il précise
si les États sont tenus de saisir des navires.
256. Le Groupe recommande que le Comité examine les disparités qui existent
entre les listes de personnes désignées aux termes des résolutions 1929 (2010) et
des résolutions antérieures et celles des personnes qui occupent actuellement les
postes identifiés dans ces désignations.
257. Le Groupe recommande que le Comité demande aux États Membres de
fournir, à titre volontaire, des informations supplémentaires concernant les
personnes désignées en vue de permettre une identification plus précise de ces
dernières et d’éliminer les fausses correspondances.
258. Le Groupe prie le Comité d’envisager une actualisation des listes visées au
paragraphe 13 de la résolution 1929 (2010).
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60 12-37172
Annexe I
Rapports soumis au Comité
Rapport à mi-parcours : S/AC.50/2011/COMM.87
Rapports d’inspections et d’enquêtes
Lanceur spatial : S/AC.50/2011/NOTE.43
Force internationale d’appui à la sécurité : S/AC.50/2011/NOTE.44
Yas Air (Turquie) : S/AC.50/2011/NOTE.47
Kilis (Turquie) : S/AC.50/2012/NOTE.10
Évaluations trimestrielles des rapports d’exécution nationaux
Juillet 2011 : S/AC.50/2011/COMM.7/Add.2
Octobre 2011 : S/AC.50/2011/COMM.7/Add.3
Janvier 2012 : S/AC.50/2012/COMM.8
Avril 2012 : S/AC.50/2012/COMM.36
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Annexe II
Liste des pays visités
Arménie
Australie
Bahreïn
Bélarus
Belgique
Brésil
Bulgarie
Canada
Inde
Israël
Kenya
Malaisie
Maroc
Norvège
Oman
Roumanie
Singapour
Espagne
Suède
Suisse
Turquie
Ukraine
Émirats arabes unis
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord
États-Unis d’Amérique
Viet Nam
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62 12-37172 Annexe III
Extraction et traitement de l’uranium en République islamique d’Iran
Mine et usine de traitement de Gchine – 2009 Mine et usine de traitement de Gchine – 2012
Usine
de production
de yellowcake
Bassin de
décantation
des résidus
Bassin de
décantation
des résidus
Bassin de
décantation
des résidus
Source : GeoEye via Google Earth. Source : DigitalGlobe – ISIS.
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Mine de Saghand – octobre 2009 Mine de Saghand – mars 2012
Source : GeoEye via Google Earth.
Source : DigitalGlobe – ISIS.
Signes de creusements de tunnels mais aucune preuve
d’accumulation de minerai. On dénombre davantage de bâtiments
et de routes bitumées, par rapport à 2009.
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Source : GeoEye via Google Earth.
Usine de production de yellowcake
d’Ardakan – mai 2009
(non opérationnelle)
Usine de production de yellowcake
d’Ardakan – 2012
(non opérationnelle)
Excavations
initiales pour
bassin de
décantation
de résidus
Bassin de
décantation de
résidus bordé
Usine
de production
de yellowcake
Source : DigitalGlobe – ISIS.
- 192 -
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Annexe IV
Caractéristiques physiques et limites de la capacité
de production de matériau centrifugé
Matériau
Alliage
d’aluminium
Acier à haute
résistance
mécanique Titane
Acier
maraging
Fibre de
verre
Fibre/résine
de carbone
Densité
g/cm3 † 2,8 7,8 4,6 7,8 1,8 1,6
kg/m3 (p) 2 800 7 800 4 600 7 800 1 800 1 600
Résistance mécanique
kg/cm2 † 4 570 14 080 9 150 19 700 5 000 8 450
MPa (10-6 σ) 448 1 381 897 1 932 490 829
Module d’élasticité
Mg/cm2 724 2 110 1 160 2 110 738
MPa (10-6 E) 71 000 207 000 114 000 207 000 72 400
Vitesse tangentielle maximale
υ ο /ρ max = , m/s 400 421 442 498 522 720
Rapport longueur/diamètre à vmax,
Eq.(14,153)
Première résonance 14,0 13,8 13,2 13,8 13,8
Deuxième résonance 23,4 23,1 22,2 23,1 23,0
Troisième résonance 32,8 32,4 31,1 32,4 32,2
Quatrième résonance 42,2 41,6 39,9 41,6 41,4
Cinquième résonance 51,5 50,8 48,8 50,8 50,6
Source : Manson Benedict, Thomas Pigford, Hans Wolfgang Levi, Nuclear Chemical
Engineering, 2e éd., McGraw-Hill Book Company, 1981, p. 855.
† Avery et Davis [A5], p. 44.
- 193 -
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Annexe V
Centrifugeuses perfectionnées
Centrifugeuses IR-1
Source : Rapport de l’AIEA du 24 février 2012 (GOV/2012/9) et rapports précédents.
Nombre de centrifugeuses de nouvelle
génération installées
Févr. 2008 Juin 2009 Août 2009 Nov. 2010 Juin 2011 Févr. 2012
Nombre de centrifugeuses IR-I
Mai 2007 Nov. 2007 Mai 2008 Nov. 2008 Juin 2009 Nov. 2009 Mai/juin 2009 Nov. 2010 Mai/juin 2011 Nov. 2011 Févr. 2012
Centrifugeuses installées
Centrifugeuses opérationnelles
9 000
7 200
5 400
3 600
1 800
0
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Annexe VI
Production iranienne de fibre de carbone
Le Groupe a pu se faire une idée de la production iranienne de fibre de carbone
à partir d’un seul reportage où apparaissent, durant plusieurs minutes, des images
vidéo des unités de production et notamment de la chambre d’oxydation, du four et
des bobineurs47. Le rapport indique que la fibre de carbone produite par la
République islamique d’Iran est destinée à ses secteurs aérospatial et industriel. Il
présente, comme suit, les différentes étapes de la production de la fibre de carbone
dans les installations iraniennes.
Durant la première étape du processus de production, la fibre de carbone
consiste en torons clairs ou blancs, fins et fibreux enroulés autour de bobines
appelées cantres; les fibres sont étirées à mesure qu’elles sont introduites dans la
chambre d’oxydation où elles deviennent de plus en plus cendrées, puis noires. Des
problèmes peuvent subvenir à ce stade si les fibres se tordent ou si elles deviennent
inégales et se brisent, comme cela semble être le cas dans les images vidéo de la
chaîne de production iranienne. Selon un des experts consultés par le Groupe, la
chambre d’oxydation iranienne semble fonctionner plus lentement qu’une chambre
d’oxydation moderne mais est considérée comme étant en bon état. Le Groupe note
que l’on peut se procurer des chambres d’oxydation sans licence auprès de
nombreux fournisseurs. On ne sait pas, par ailleurs, si l’Iran a accès au
polyacrylonitrile, précurseur chimique utilisé pour la production de fibre de carbone
à forte teneur.
Dans la deuxième étape du processus de production, les fibres devenues noires
subissent le processus de carbonisation en passant par une série de fours
fonctionnant dont la température va d’un niveau faible à un niveau élevé atteignant
2000 °C (les processus sophistiqués de production de fibre de carbone comportent
un troisième four à température ultra élevée, soumis à un contrôle strict à
l’exportation). Les fours iraniens semblent avoir une trentaine d’années d’âge. Cette
étape du processus produit de l’acide cyanhydrique, un produit chimique dangereux
qui exige la présence d’appareils de surveillance ou de détecteurs.
Au cours de la troisième étape du processus, la surface des fibres est soumise à
un processus d’abrasion chimique qui facilite l’application d’un revêtement lors de
l’étape suivante. L’on considère que le matériel d’abrasion iranien n’est pas
moderne mais qu’il peut remplir sa fonction.
Lors de l’étape suivante, un traitement dénommé « collage » est appliqué aux
fibres, puis celles-ci sont séchées et réenroulées autour des bobineurs. Les bobineurs
iraniens semblent usés et relativement anciens.
Selon les experts en production de fibre de carbone, la fibre de carbone
produite dans les installations apparaissant dans ces images vidéo ne convient pas à
une utilisation dans les centrifugeuses iraniennes.
__________________
47 Voir www.youtube.com/watch?v=tP_2HakdKCA.
- 195 -
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Annexe VII
Les contrôles à l’exportation et la fibre de carbone
Dans la résolution 1929 (2010), le Conseil de sécurité interdit le transfert à la
République islamique d’Iran d’articles visés dans le document INFCIRC/254/Rev.7/
Part 2. Dans ce document et s’agissant de la fibre de carbone, sont définis comme
étant sensibles :
Les « matières fibreuses ou filamenteuses », et les matières préimprégnées,
comme suit48 :
a) « Matières fibreuses ou filamenteuses » carbonées ou aramides possédant
une des deux caractéristiques suivantes :
1. Un « module spécifique » égal ou supérieur à 12,7 x 106 m; ou
2. Une « résistance spécifique à la traction » égale ou supérieure à
23,5 x 104 m;
b) « Matières fibreuses ou filamenteuses » en verre possédant les deux
caractéristiques suivantes :
1. Un « module spécifique » égal ou supérieur à 3,18 x 106 m; et
2. Une « résistance spécifique à la traction » égale ou supérieure à
7,62 x 104 m;
c) « Fils continus », « mèches », « filasses » ou « rubans » imprégnés de
résine thermodurcie d’une largeur égale ou inférieure à 15 mm
(préimprégnés), faits de « matières fibreuses ou filamenteuses »
carbonées ou en verre spécifiés dans les rubriques 2.C.7.a ou 2.C.7.b.
__________________
48 La rubrique 2.C.7.a ne s’applique pas aux « matières fibreuses ou filamenteuses » aramides
contenant 0,25 % ou plus en poids d’un modificateur de surface des fibres à base d’ester.
- 196 -
S/2012/395
12-37172 69
Annexe VIII
Roquettes et missiles iraniens
Missile Type de combustible Estimation de portée Charge utile
Fajr-3 Solide 45 km 45 kg
Fajr-5 Solide 70-80 km 90 kg
Fateh-110 Solide 200 km 500 kg
Ghadr-1 Liquide 1 600 km 750 kg
Iran-130/Nazeat Solide 90-120 km 150 kg
Nazeat-6 Solide 100 km 150 kg
Nazeat-10 Solide 140-150 km 250 kg
Oghab Solide 40 km 70 kg
Qiam 1 Liquide 500-1 000 km 500 kg
Sejil/Ashura Solide 2 000-2 500 km 750 kg
Shahab-1 Liquide 300 km 1 000 kg
Shahab-2 Liquide 500 km 730 kg
Shahab-3 Liquide 800-1 300 km 760-1 100 kg
Zelzal-1 Solide 125 km 600 kg
Zelzal-2 Solide 200 km 600 kg
Source : Informations fournies par les États Membres et disponibles aussi dans « Iran’s Ballistic
Missile Capabilities: A Net Assessment », IISS, 2010.
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70 12-37172
Annexe IX
Incidents examinés par le Groupe en 2011-2012
Incident Article
Numéro de
référence
ONU
Catégorie
ONU Quantité Poids
Pays
d’origine
Pays
de saisie
Pays
de destination
Mode
de
transport
Roquettes
de 122 mm
n.c. n.c. 48 Environ
64 kg
Fusibles
n.c. n.c. 49 0,68-
0,70 kg
Saisie par la FIAS, le
5 février 2011, de
missiles dans le sud de
l’Afghanistan signalée
au Comité dans une
lettre datée du 21 avril
2011 Munitions
de 7,62 mm
n.c. n.c. 1 000 n.c.
Très
probablement
la République
islamique
d’Iran
(enquête du
Groupe en
cours)
Afghanistan Afghanistan Camion
Fusils d’assaut
AK-47
n.c. n.c. 60 n.c.
Mitrailleuses
BKC (Bixi)
n.c. n.c. 14 n.c.
Munitions
BKC/AK-47
n.c. n.c. 7 920 n.c.
Obus de mortier
60 mm
n.c. n.c. 560 n.c.
Saisie par les autorités
turques, le 19 mars
2011, d’armes et de
munitions signalée au
Comité dans une lettre
datée du 28 mars 2011
Obus de mortier
120 mm
n.c. n.c. 1 288 n.c.
République
islamique
d’Iran
Turquie République
arabe
syrienne
Avion
Poudre M9 27 1.1D 2 caisses 890 kg
Charge
propulsive
160 1.3C 2 caisses
1 400 kg
Matériau à
combustion
lente
1325 4.1 1 caisse
30 kg
Matériau
sensible
121 1.1G 1 caisse
10 kg
Saisie par les autorités
turques, le 15 février
2011, d’armes et de
matériel connexe
signalée au Comité
dans une lettre datée du
12 janvier 2012
Propergol 186 1.3C 6 palettes 2 643 kg
République
islamique
d’Iran
Turquie République
arabe
syrienne
Camion
RDX 483 1.1D 2 palettes 1 700 kg
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S/2012/395
12-37172 71
Annexe X
Navires et entités contrôlés par la société Irano Hind
Shipping Company
Liste des navires et des propriétaires immatriculés
Navire Pavillon No OMI Propriétaire immatriculé Pays d’immatriculation
Teen Malte 9101649 BIIS Maritime Limited Malte/Panama
Attar Malte 9074092 ISIM ATR Limited Malte
Sattar Malte 9040479 ISIM Sat Limited Malte
ISI Olive Bolivie 9003237 ISIM Olive Limited Malte
Amin Bolivie 9422366 ISIM Amin Limited Malte
Sinin Malte 9274941 ISIM Sinin Limited Malte
Tour Bolivie 9364112 ISIM Tour Limited Malte
Taj Mahal Malte 9459046 Irano Hind Shipping Company Iran (non opérationnel)
Liste des autres sociétés appartenant à la société Irano Hind Shipping Company
• ISI Maritime Limited
• ISIM Taj Mahal Limited
• ISIM Sea Chariot Limited
• ISIM Sea Crescent Limited
• Imir Limited
Liste des porte-conteneurs précédemment contrôlés par la société
Irano Hind Shipping Company
Navire Pavillon No OMI Propriétaire immatriculé Pays d’immatriculation
Neri Malte 9148491 Bai Handelas Limited Malte
Melish Malte 9148518 Bai Lai Limited Malte
Note : Bai Handelas Limited et Bai Lai Limited appartiennent à la société Transatlantik
Denizcilik Limited (immatriculée en Turquie).
- 199 -
Nations Unies S/2017/537
Conseil de sécurité Distr. générale
27 juin 2017
Français
Original : anglais
17-09527 (F) 270617 270617
*1709527*
Lettre datée du 22 juin 2017, adressée au Président du Conseil
de sécurité par le Facilitateur chargé par le Conseil de sécurité
de promouvoir l’application de la résolution 2231 (2015)
J’ai l’honneur de vous faire tenir ci-joint, ainsi qu’il a été convenu par les
représentants du Conseil de sécurité chargés de l’application de la résolution
2231 (2015), mon rapport semestriel sur l’application de ladite résolution, qui
couvre la période allant du 16 janvier au 15 juin 2017.
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir faire distribuer le texte de la
présente lettre et du rapport comme document du Conseil de sécurité.
Le Facilitateur chargé par le Conseil de sécurité
de promouvoir l’application
de la résolution 2231 (2015)
(Signé) Sebastiano Cardi
Annexe 69 - 200 -
S/2017/537
2/7 17-09527
Troisième rapport semestriel du Facilitateur chargé
par le Conseil de sécurité de promouvoir l’application
de la résolution 2231 (2015)
I. Introduction
1. Par une note de son président datée du 16 janvier 2016 (S/2016/44), le Conseil
de sécurité a arrêté les dispositions pratiques et les procédures qui doivent l ’aider à
s’acquitter des tâches liées à l’application de la résolution 2231 (2015), tout
particulièrement en ce qui concerne les dispositions énoncées aux paragraphes 2 à 7
de l’annexe B de ladite résolution.
2. Il est précisé dans cette note que le Conseil de sécurité chargera chaque année
un de ses membres de jouer le rôle de facilitateur pour les fonctions qui y s ont
énoncées. Le 3 janvier 2017, le Conseil m’a nommé Facilitateur chargé de
promouvoir l’application de la résolution 2231 (2015) pour la période qui
s’achèvera le 31 décembre 2017 (voir S/2017/2/Rev.1).
3. Il a en outre été établi dans la note que le Facilitateur tiendrait les autres
membres du Conseil informés tous les six mois des activités menées et de l ’état de
l’application de ladite résolution, parallèlement aux rapports que le Secrétaire
général présenterait à ce sujet.
4. Le présent rapport couvre la période allant du 16 janvier au 15 juin 2017.
II. Résumé des activités du Conseil réuni en formation 2231
5. Le 18 janvier 2017, le Conseil de sécurité a entendu l’exposé du Secrétaire
général adjoint aux affaires politiques concernant le deuxième rapport du Secrétaire
général sur l’application de la résolution 2231 (2015) (S/2016/1136), mon exposé
sur les travaux du Conseil et l’application de la résolution 2231 (2015) (S/2017/49)
et celui fait par le Chef de la délégation de l’Union européenne auprès de
l’Organisation des Nations Unies, au nom de la Haute-Représentante de l’Union
européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, en sa qualité de
Coordonnatrice de la Commission conjointe créée par le Plan d’action global
commun (voir S/PV.7865).
6. Le même jour, le Président du Conseil de sécurité a reçu une lettre adressée au
Secrétaire général par le Représentant permanent de la République islamique d’Iran
auprès de l’Organisation des Nations Unies (S/2017/51), dans laquelle étaient
formulées les observations de la République islamique d’Iran à propos du deuxième
rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2231 (2015)
(S/2016/1136). Cette lettre a été distribuée le jour même aux membres de l a
formation 2231 du Conseil.
7. Le 31 janvier, le Conseil de sécurité a tenu des consultations pour examiner la
question du tir d’un missile balistique effectué par la République islamique d’Iran le
29 janvier. Dans le prolongement des consultations, la Représentante permanente
des États-Unis d’Amérique auprès de l’Organisation des Nations Unies m’a adressé,
au nom de l’Allemagne, des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni de
Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, une lettre datée du 7 février transmettant un
rapport sur l’application de la résolution 2231 (2015). Il y était aussi proposé que le
Conseil se réunisse en formation 2231 pour débattre du tir de missile et de la suite
qu’il convenait d’y donner. Le 2 mars, le Conseil s’est donc réuni en formation 2231
pour examiner plus avant le tir en question (voir par. 17 ci-après). Comme convenu
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S/2017/537
17-09527 3/7
en formation 2231, j’en ai rendu compte au Conseil dans le cadre des consultations
tenues le 25 avril.
8. Le 17 mars, le Conseil de sécurité s’est réuni en formation 2231 pour entendre
un exposé du Coordonnateur du Groupe de travail sur l’approvisionnement de la
Commission conjointe établie dans le Plan d’action global commun, à l’occasion
duquel il a donné un aperçu de la filière d’approvisionnement et des travaux du
Groupe de travail sur la question, notamment les fonctions du Groupe, les activités
concernées, l’examen des propositions et les différents critères applicables. Le
Secrétariat, par l’intermédiaire de la Division des affaires du Conseil de sécurité
(Département des affaires politiques), a également fait le point sur l’appui fourni au
Conseil pour l’examen des propositions dans le cadre de la filière
d’approvisionnement. J’avais rencontré le Coordonnateur avant qu’il ne fasse son
exposé pour discuter du fonctionnement de la filière d’approvisionnement, obtenant
une nouvelle fois confirmation de la bonne coopération qui existe entre le Conseil et
la Commission conjointe.
9. À la même réunion, les représentants ont également décidé de modifier les
dates de présentation des rapports sur l’application de la résolution 2231 (2015)
dans le programme de travail du Conseil de sécurité, les fixant à juin et à décembre,
afin que les facilitateurs puissent informer le Conseil des travaux menés six mois
après avoir pris leurs fonctions ainsi qu’à la fin de leur mandat.
10. Aucune modification n’a été apportée à la liste tenue au titre de la résolution
2231 (2015), sur laquelle figurent actuellement 23 personnes et 61 entités.
III. Contrôle de l’application de la résolution 2231 (2015)
Plan d’action global commun
11. Conformément au paragraphe 4 de la résolution 2231 (2015), le Directeur
général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a présenté au
Conseil des gouverneurs de l’AIEA et, parallèlement, au Conseil de sécurité, en
février et en juin 2017, deux rapports trimestriels sur les activités de vérification et
de surveillance menées en République islamique d’Iran dans le cadre de ladite
résolution (S/2017/234 et S/2017/502).
12. Dans le rapport de février, l’Agence a rappelé avoir vérifié, le 15 janvier 2017,
que la République islamique d’Iran avait pris les mesures prévues au
paragraphe 15.12 de l’annexe V du Plan d’action global commun, à savoir qu’elle
avait retiré de l’installation d’enrichissement de combustible de Fordou toutes les
centrifugeuses et l’infrastructure excédentaires et les avait transférées à
l’installation d’enrichissement de combustible de Natanz pour qu’elles y soient
stockées, sous surveillance continue de l’Agence. Celle-ci a fait savoir que, le
21 janvier 2017, l’Iran avait commencé, sous la vérification et le contrôle de
l’Agence, à introduire pour la première fois de l’hexafluorure d’uranium (UF6)
naturel dans une centrifugeuse IR-8 isolée.
13. Dans ces deux rapports trimestriels, l’Agence a confirmé que la République
islamique d’Iran n’avait pas poursuivi la construction, à Arak, du réacteur de
recherche à eau lourde (réacteur IR-40) selon les plans d’origine; ne disposait pas de
plus de 130 tonnes d’eau lourde; n’avait pas plus de 5 060 centrifugeuses IR-1
toujours installées dans 30 cascades à l’installation de Natanz; n’avait pas enrichi
d’uranium au-delà de 3,67 % en 235U; n’avait mené, pendant les périodes
considérées, ni activité d’enrichissement de l’uranium ni activité de recherchedéveloppement
y relative à l’installation de Fordou, où il ne se trouvait aucune
matière nucléaire.
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S/2017/537
4/7 17-09527
14. L’Agence a fait savoir également que la République islamique d’Iran avait
continué de l’autoriser à recourir à des instruments de mesure en ligne de
l’enrichissement et à des scellés électroniques transmettant aux inspecteurs de
l’Agence des données sur la situation au sein des sites nucléair es, et de faciliter la
collecte automatisée des mesures de l’Agence enregistrées au moyen d’appareils de
mesure installés; qu’elle avait délivré, comme l’Agence le lui avait demandé, des
visas de long séjour à ses inspecteurs désignés pour la République islamique d’Iran,
mis à sa disposition des espaces de travail convenables sur les sites nucléaires et
facilité l’utilisation d’espaces de travail dans des lieux proches des sites nucléaires
situés en territoire iranien; qu’elle avait aussi accepté l’augmentation du nombre
d’inspecteurs désignés par l’Agence pour la République islamique d’Iran.
15. L’Agence a fait savoir en outre qu’elle continuait de vérifier le nondétournement
de matières nucléaires déclarées dans les installations nucléaires et les
emplacements hors installations où de telles matières sont habituellement utilisées ,
d’après les déclarations faites par la République islamique d’Iran dans le cadre de
son accord de garanties; que la République islamique d’Iran continuait d’appliquer,
à titre provisoire, le Protocole additionnel à cet accord et qu’elle-même poursuivait
les évaluations concernant l’absence de matières et d’activités nucléaires non
déclarées dans le pays, notamment au moyen de visites d’accès complémentaire, au
titre du Protocole additionnel, des sites et autres emplacements en territoire iranien.
Tir d’un missile balistique
16. Dans une lettre datée du 7 février 2017, la Représentante permanente des
États-Unis a adressé, au nom de l’Allemagne, des États-Unis, de la France et du
Royaume-Uni, un rapport au Conseil de sécurité sur le tir d’un missile balistique
effectué par la République islamique d’Iran le 29 janvier. Le 10 février, le
Représentant permanent d’Israël auprès de l’Organisation des Nations Unies a
adressé une lettre au Président du Conseil de sécurité concernant le tir en question
(S/2017/123). Ces deux lettres ont été distribuées aux membres de la formation
2231 du Conseil.
17. Le 2 mars 2017, le Conseil de sécurité s’est réuni en formation 2231, réunion
au cours de laquelle la délégation d’un État Membre a proposé de faire un exposé.
Les experts ont fait observer que le missile balistique à moyenne portée
(Khorramshahr) faisant l’objet de l’essai effectué par la République islamique
d’Iran le 29 janvier était conçu pour emporter une charge utile de plus de
500 kilogrammes sur une portée de plus de 1 000 kilomètres. Selon les intervenants,
ces caractéristiques constituaient une indication que le missile avait la capacité
inhérente de transporter des armes nucléaires. Les experts ont relevé à cet égard que
la masse de 500 kilogrammes constituait plus ou moins la masse nécessaire pour
une arme nucléaire de première génération et que la distance de 300 kilomètres
représentait une portée d’importance stratégique selon les critères acceptés sur le
plan international. Les experts ont conclu en disant que, d’après eux, cet essai
constituait une activité liée à des missiles balistiques conçus pour pouvoir emporter
des armes nucléaires et était contraire à la résolution 2231 (2015).
18. À l’issue de l’exposé, les représentants ont débattu de la question
particulièrement sensible soulevée par certains d’entre eux concernant les
incidences que le tir effectué par la République islamique d’Iran avait sur le plan
régional et l’interprétation qu’il fallait lui donner au regard de la résolution 2231
(2015). Certains représentants ont exprimé leur accord avec ce qui avait été dit
auparavant, à savoir que le tir de missile effectué par la République islamique d ’Iran
était contraire à la résolution 2231 (2015), et se sont dits, à l’instar d’autres
représentants, préoccupés par cet essai, le jugeant déstabilisant et considérant qu’il
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S/2017/537
17-09527 5/7
risquait d’accroître les tensions dans la région. Certains ont estimé qu’il fallait
obtenir davantage d’informations et faire enquête avant de formuler des
conclusions.
19. Un représentant a souligné que la résolution 2231 (2015) ne définissait pas
quels étaient les types de missiles faits pour pouvoir emporter des armes nucléaires.
Ce même représentant a également relevé qu’il n’existait pas d’élément prouvant
que le missile en question avait été conçu dans l’intention qu’il puisse emporter des
armes nucléaires. D’autres délégations ont fait valoir que la résolution 2231 (2015)
concernait la capacité intrinsèque plutôt que l’intention. Le tir effectué faisant appel
à un système qui, par sa conception, pouvait emporter une ogive nucléaire, son
utilisation contrevenait donc à la résolution 2231 (2015). Un représentant a fait
valoir, que dans sa résolution 2231 (2015), le Conseil priait la République islamique
d’Iran de ne pas effectuer de tirs de missiles balistiques pouvant emporter des armes
nucléaires, mais ne le lui interdisait pas expressément; le tir effectué ne contrevenait
donc pas à la résolution 2231 (2015). Certains représentants ont souligné que la
République islamique d’Iran avait nié avoir l’intention de se doter d’armes
nucléaires. D’autres ont insisté sur le fait que la République islamique d ’Iran
respectait les engagements ayant trait au nucléaire qu’elle avait pris dans le cadre du
Plan d’action global commun, comme cela avait été vérifié par l’Agence
internationale de l’énergie atomique et comme le Directeur général en avait attesté
dans le dernier rapport en date qu’il avait présenté au Conseil des gouverneurs
(S/2017/234).
20. Certains représentants ont souligné qu’il allait de la crédibilité du Conseil de
sécurité que les dispositions de l’annexe B de la résolution 2231 (2015), y compris
celles portant sur le transfert de la technologie des missiles balistiques à la
République islamique d’Iran ou depuis ce pays, soient mises en oeuvre de façon
énergique et globale. D’autres ont insisté sur le fait que l’application intégrale de la
résolution 2231 (2015) du Conseil permettrait de créer un climat propice à la bonne
mise en oeuvre du Plan d’action global commun. Plusieurs représentants ont
également souligné combien il importait que toutes les parties concernées
maintiennent le dialogue et restent attachées à la mise en oeuvre intégrale du Plan
d’action pendant toute la durée prévue.
21. Certains représentants ont demandé au Secrétaire général de faire le point de
façon complète et approfondie sur la question dans le prochain rapport qu’il
présenterait au Conseil de sécurité sur l’application de la résolution 2231 (2015) et
engagé les États Membres à communiquer au Secrétariat les informations qu’ils
pourraient avoir sur le tir effectué par la République islamique d ’Iran. Un
représentant s’est opposé à l’idée que le Secrétaire général doive faire le point sur le
tir en question, affirmant que ce tir ne contrevenait pas à la résolution et que le
Secrétariat n’avait ni le mandat ni les capacités pour enquêter.
22. J’ai constaté, d’après les vues exprimées par les délégations, qu’il n’y avait
pas de consensus sur la façon d’interpréter le tir effectué au regard de la résolution
2231 (2015). J’ai insisté sur le fait qu’il était essentiel que le Conseil de sécurité
agisse de manière concertée dans ce domaine, afin de contribuer à l’application
effective de la résolution 2231 (2015). J’ai également proposé de souligner, dans le
cadre des contacts que j’ai régulièrement avec les parties intéressées, y compris le
Représentant permanent de la République islamique d’Iran, qu’il importe que toutes
les parties continuent d’avoir une attitude propice à l’instauration de la confiance et
de respecter les dispositions du Plan d’action global commun et celles de la
résolution 2231 (2015).
23. Le 9 mars, le Représentant permanent de la République islamique d’Iran a
adressé une lettre au Président du Conseil de sécurité concernant le tir effectué
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(S/2017/205). Le 10 mars, cette lettre a été distribuée aux membres de la formation
2231 du Conseil.
IV. Filière d’approvisionnement : autorisations,
notifications et dérogations
24. Depuis la Date d’application, quatre États Membres appartenant à trois
différents groupes régionaux, y compris des États qui ne participent pas au Plan
d’action global commun, ont soumis au Conseil de sécurité 16 propositions en vue
de participer aux activités visées au paragraphe 2 de l’annexe B de la résolution
2231 (2015) ou d’autoriser ces activités. Cela témoigne d’une confiance croissante
des États Membres dans la filière d’approvisionnement. Je suis heureux de constater
également que le traitement des propositions dans la filière d’approvisionnement a
pris, en moyenne, moins de 46 jours civils. Afin d’assurer le bon fonctionnement de
la filière d’approvisionnement, je tiens à rappeler à quel point il importe de
respecter les divers délais fixés au paragraphe 2 de l’annexe B de la résolution
2231 (2015) pour la soumission d’une notification de transfert ou de dérogation.
25. La Commission conjointe a recommandé l’approbation des deux propositions
soumises au Conseil en décembre 2016. Ces deux propositions, qui étaient encore
en cours d’examen à la date de la parution de mon précédent rapport, ont ensuite été
approuvées par le Conseil.
26. Au cours de la période considérée, 10 nouvelles propositions concernant la
fourniture d’articles, de matières, d’équipements, de biens et de technologies visés
dans la circulaire INFCIRC/254/Rev.9/Part 2 ont été soumises au Conseil de
sécurité, y compris 2 pour l’exportation temporaire aux fins de démonstration et
d’exposition. Cinq de ces propositions ont été approuvées, une a été retirée et quatre
sont actuellement examinées par la Commission conjointe.
27. En vertu du paragraphe 2 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015), certaines
activités liées au nucléaire n’ont pas besoin d’être autorisées, mais doivent être
notifiées au Conseil ou encore à ce dernier et à la Commission conjointe.
28. Depuis mon dernier rapport, une notification a été présentée au Conseil de
sécurité en janvier; elle porte sur le transfert à la République islamique d ’Iran
d’uranium naturel en échange d’uranium enrichi enlevé du territoire iranien en
décembre 2015, le stock d’uranium enrichi dépassant alors la limite fixée à
300 kilogrammes. Le Conseil a reçu, en février et en mars, trois notifications
concernant le transfert à la République islamique d’Iran d’équipements visés à la
section 1 de l’annexe B de la circulaire INFCIRC/254/Rev.12/Part 1 et destinés à
des réacteurs à eau légère. D’autre part, le Conseil a reçu une notification en avril
concernant une activité liée à la modification à apporter à deux cascades, à
l’installation de Fordou, en vue de la production d’isotopes stables. Enfin, le
Conseil a reçu en juin une notification relative au transfert à la République
islamique d’Iran d’articles visés dans la circulaire INFCIRC/254/Rev.10/Part 2 et
exclusivement destinés à des réacteurs à eau légère.
29. Le 14 février, j’ai reçu une lettre du Coordonnateur du Groupe de travail de la
Commission conjointe sur l’approvisionnement, dans laquelle il a demandé que le
Conseil de sécurité communique aux participants du Groupe de travail sur
l’approvisionnement, par l’intermédiaire de son coordonnateur, les notifications
concernant les propositions de fourniture, vente ou transfert ayant reçu l’aval du
Conseil. Le 23 février, j’ai informé le Coordonnateur que le Conseil avait fait droit
à sa demande.
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30. Le 12 juin, le Coordonnateur du Groupe de travail sur l’approvisionnement
m’a transmis le troisième rapport semestriel de la Commission conjointe
(S/2017/495), comme prévu au paragraphe 6.10 de l’annexe IV du Plan d’action
global commun.
V. Autres demandes d’autorisation et de dérogation
31. Depuis le 16 janvier 2016, aucune proposition n’a été soumise par des États
Membres au Conseil de sécurité en vue de participer aux activités visées au
paragraphe 4 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015) ou de les autoriser.
32. Une proposition en vue de participer aux activités visées au paragraphe 5 de
l’annexe B de la résolution 2231 (2015), ou de les autoriser, a été présentée par un
État Membre le 23 novembre 2016 et portée à l’attention du Conseil de sécurité le
lendemain. Le 24 février 2017, l’État Membre a fourni un complément
d’informations au Conseil sur sa proposition. Le 28 février, j’ai informé l’État
Membre concerné que le Conseil n’était pas parvenu à s’entendre à l’issue des
consultations approfondies tenues sur la question et qu’il avait renvoyé la demande
d’autorisation.
33. Depuis le 16 janvier 2016, aucune proposition n’a été soumise au Conseil de
sécurité par des États Membres au titre du paragraphe 6 b) de l’annexe B de la
résolution 2231 (2015).
34. Les dérogations aux dispositions relatives au gel des avoirs et à l ’interdiction
de voyager sont régies respectivement par les alinéas d) et e) du paragraphe 6 de
l’annexe B de la résolution 2231 (2015). Le Conseil de sécurité n’a accordé aucune
dérogation ni reçu aucune demande à cet effet en ce qui concerne les 23 personnes
et 61 entités qui figurent actuellement sur la liste tenue au titre de ladite résolution.
VI. Transparence, sensibilisation et conseils pratiques
35. Dix-huit mois après la Date d’application, la question de la transparence, de la
sensibilisation et des conseils pratiques demeure une priorité. À cet égard , je compte
entamer, pendant la deuxième partie de mon mandat, de nouvelles activités de
sensibilisation sur la mise en oeuvre de la résolution 2231 (2015). Si le Secrétariat
menait d’autres activités de sensibilisation, comme le prévoit la note mentionnée au
paragraphe 1 ci-dessus (S/2016/44), cela pourrait concourir à mieux faire connaître
la résolution 2231 (2015).
36. Le site Web sur la résolution 2231 (2015), qui est tenu et régulièrement
actualisé par le Secrétariat, contribue à fournir des informations utiles concernant
ladite résolution. Au cours de la période considérée, le nombre de pages vues a
dépassé 57 000, ce qui porte le nombre total à plus de 194 000 depuis la création de
ce site. J’invite le Secrétariat à continuer de tenir, de mettre à jour régulièrement et
d’améliorer le site Web sur la résolution 2231 (2015).
37. J’ai eu plusieurs consultations bilatérales avec des représentants des États
Membres, y compris la République islamique d’Iran, afin d’examiner des questions
liées à l’application de la résolution 2231 (2015).
- 206 -
ANNEXE 71
DÉCLARATION DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA FRANCE,
«IRAN  TIR SPATIAL IRANIEN DU 15 JANVIER 2019»
(16 JANVIER 2019)
L’Iran a revendiqué avoir procédé à un tir de lanceur spatial. La France condamne
fermement ce lancement qui n’est pas conforme à la résolution 2231 du Conseil de sécurité des
Nations Unies (CSNU).
La résolution 2231 du CSNU appelle en effet l’Iran à ne pas procéder à des activités liées
aux missiles balistiques conçus pour être capables d’emporter des armes nucléaires, y compris les
tirs. Les lanceurs spatiaux utilisent des technologies qui sont très proches de celles employées pour
les missiles balistiques, en particulier pour les missiles balistiques intercontinentaux.
Ce lancement fait suite au tir de missiles de courte portée en Syrie le 30 septembre et au tir
d’un missile balistique de moyenne portée le 1er décembre. Ces tirs étaient également non
conformes à la résolution 2231 du CSNU.
Le programme balistique iranien est une source de préoccupation pour la communauté
internationale et la France. Nous appelons l’Iran à ne pas procéder à de nouveaux tirs de missiles
balistiques conçus pour être capables d’emporter des armes nucléaires, y compris des lanceurs
spatiaux, et enjoignons l’Iran à respecter ses obligations au titre de l’ensemble des résolutions
pertinentes du CSNU.
___________
- 207 -
Nations Unies S/2019/177
Conseil de sécurité Distr. générale
25 février 2019
Français
Original : anglais
19-03145 (F) 270219 270219
*1903145*
Lettre datée du 22 février 2019, adressée au Président du Conseil
de sécurité par la Représentante permanente du Royaume-Uni
de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord auprès
de l’Organisation des Nations Unies
J’ai l’honneur de vous faire tenir ci-joint une lettre datée du 20 février 2019
adressée au Secrétaire général par les Représentants permanents de l’Allemagne et de
la France et la Représentante permanente du Royaume-Uni (voir annexe). Je vous
serais reconnaissante de bien vouloir faire distribuer le texte de la présente lettre et
de son annexe comme document du Conseil de sécurité.
(Signé) Karen Pierce
Annexe 72 - 208 -
S/2019/177
2/3 19-03145
Annexe à la lettre datée du 22 février 2019 adressée au Président
du Conseil de sécurité par la Représentante permanente
du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord
auprès de l’Organisation des Nations Unies
L’Allemagne, la France et le Royaume-Uni souhaitent porter à l’attention du
Conseil de sécurité les activités menées récemment par la République islamique
d’Iran qui sont incompatibles avec les dispositions du paragraphe 3 de l’annexe B de
la résolution 2231 (2015).
Comme le Conseil le sait, aux termes du paragraphe 3 de l’annexe B de la
résolution 2231 (2015),
[l]’Iran est tenu de ne mener aucune activité liée aux missiles balistiques conçus
pour pouvoir emporter des armes nucléaires, y compris les tirs recourant à la
technologie des missiles balistiques, jusqu’au huitième anniversaire de la date
d’adoption du Plan d’action global commun ou jusqu’à la date de la présentation
par l’Agence internationale de l’énergie atomique d’un rapport confirmant la
Conclusion élargie, si elle est antérieure.
L’expression « missiles balistiques conçus pour pouvoir emporter des armes
nucléaires » figurant au paragraphe 3 englobe les systèmes relevant de la catégorie I
du Régime de contrôle de la technologie des missiles. Par définition, ces systèmes
peuvent transporter une charge utile d’au moins 500 kilogrammes sur une portée d’au
moins 300 kilomètres et sont donc capables de transporter des armes nucléaires.
Le 15 janvier 2019, l’Iran a procédé au troisième essai en vol de son lanceur de
satellites Simorgh. Le Gouvernement iranien a déclaré que le lanceur n’avait pas
réussi à mettre un satellite en orbite en raison d’une avarie de son dernier étage, qui
sert à ajuster la position du satellite en orbite. Or, si le lancement a échoué, l’essai a
permis de prouver le fonctionnement des systèmes de propulsion des premier et
deuxième étages du lanceur, qui reposent sur des technologies servant également au
programme de missiles balistiques iranien. Il est à noter que le premier étage du lanceur
est constitué d’un faisceau de quatre moteurs de missiles balistiques Chahab-3 de
moyenne portée et que le deuxième étage utilise la technologie du missile balistique
Khorramchahr, de moyenne portée. Le Chahab-3 et le Khorramchahr correspondent
aux critères qui définissent les systèmes de missiles relevant de la catégorie I du
Régime de contrôle de la technologie des missiles et sont donc capables de transporter
des armes nucléaires.
En outre, les technologies nécessaires à la conception, à la fabrication et au
lancement d’un lanceur de satellites sont étroitement liées à celles qui servent à la
mise au point d’un missile balistique de longue portée ou d’un missile balistique
intercontinental. Les lancements de lanceurs de satellites effectués permettent à l’Iran
de disposer de résultats empiriques qu’il peut mettre à profit pour optimiser ses
capacités de mise au point de ces systèmes de missiles.
En conséquence, nous estimons, une fois de plus, que le programme de mise au
point de missiles balistiques mené par l’Iran reste incompatible avec les dispositions
du paragraphe 3 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015). L’activité de l’Iran dans
le domaine balistique, notamment ce lancement du lanceur de satellites Simorgh,
constitue une importante source de préoccupation, en raison de l’effet déstabilisant
qu’elle a sur la région et sur l’accroissement des tensions.
Nous voulons croire que ces informations seront utiles au Conseil de sécurité
pour promouvoir l’application de la résolution 2231 (2015) par tous les États. Nous
prions donc le Secrétaire général, eu égard aux demandes qui lui sont adressées dans
- 209 -
S/2019/177
19-03145 3/3
la résolution 2231 (2015), de rendre compte intégralement et en détail, dans son
prochain rapport, des activités liées aux missiles balistiques que mène la République
islamique d’Iran et qui sont incompatibles avec la résolution 2231 (2015).
Le Représentant permanent de l’Allemagne
(Signé) Christoph Heusgen
Le Représentant permanent de la France
(Signé) François Delattre
La Représentante permanente du Royaume-Uni
(Signé) Karen Pierce
- 210 -
GE.19-01422 (F) 220119 260219

Conseil des droits de l’homme
Quarantième session
25 février-22 mars 2019
Point 4 de l’ordre du jour
Situations relatives aux droits de l’homme
qui requièrent l’attention du Conseil
Situation des droits de l’homme en
République islamique d’Iran
Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits
de l’homme en République islamique d’Iran*
Résumé
Le présent rapport, soumis en application de la résolution 37/30 du Conseil des
droits de l’homme, comprend deux parties.
Dans la première partie, le Rapporteur spécial décrit comment les manifestations en
République islamique d’Iran sont l’expression de griefs de longue date liés aux droits de
l’homme. Une modification apportée à la loi sur le trafic de stupéfiants a entraîné une
baisse du nombre des exécutions. Néanmoins, des difficultés économiques croissantes ont
intensifié les revendications, qui pourraient être exacerbées par le rétablissement de
sanctions unilatérales. Le mécontentement s’est exprimé par les manifestations disparates
de différents groupes dans le pays. Le Gouvernement a pris quelques mesures pour faire
face aux difficultés économiques, mais l’arrestation d’avocats, de défenseurs des droits de
l’homme et de militants syndicaux témoignent d’une réaction de plus en plus sévère de
l’État.
Dans la deuxième partie, le Rapporteur spécial montre comment l’exécution
d’enfants délinquants en République islamique d’Iran se poursuit depuis des décennies, en
violation des obligations internationales du pays en matière de droits de l’homme. Les filles
peuvent être condamnées à mort dès l’âge de 9 ans et les garçons dès l’âge de 15 ans.
Malgré les modifications apportées au Code pénal et les efforts concrets effectués pour
réduire le nombre d’exécutions, au moins 33 enfants délinquants ont été exécutés
depuis 2013. Le Rapporteur spécial adresse un certain nombre de recommandations ciblées
à l’intention du Parlement et du pouvoir judiciaire en vue de mettre fin à ces exécutions.
* Il a été convenu de publier le présent rapport après la date normale de publication en raison de
circonstances indépendantes de la volonté du soumetteur.
Nations Unies A/HRC/40/67
Assemblée générale Distr. générale
30 janvier 2019
Français
Original : anglais
Annexe 75 - 211 -
A/HRC/40/67
2 GE.19-01422
I. Introduction
1. Le présent rapport, soumis en application de la résolution 37/30 du Conseil des
droits de l’homme, est divisé en deux parties. Dans la première partie sont décrites un
certain nombre de préoccupations pressantes en matière de droits de l’homme en
République islamique d’Iran. La deuxième partie porte sur l’exécution de personnes qui
étaient enfants (âgés de moins de 18 ans1) au moment de la commission présumée de
l’infraction qui leur était reprochée (ci-après dénommées « enfants délinquants »2).
2. Depuis sa nomination, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme
en République islamique d’Iran a rencontré de nombreuses victimes de violations
présumées de leurs droits, des parents de victimes, des défenseurs des droits de l’homme,
des avocats et des représentants d’organisations de la société civile, notamment en
Allemagne et au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord. Il s’est rendu à
Genève et à New York pour présenter son dernier rapport 3 à l’Assemblée générale.
Au cours de ces missions, il a rencontré des représentants de la Mission permanente de la
République islamique d’Iran auprès de l’Organisation des Nations Unies, ainsi que d’autres
interlocuteurs. Le Rapporteur spécial a examiné les communications écrites et les
informations qui lui ont été transmises, ainsi que des déclarations et rapports de
gouvernements, des textes législatifs, des comptes rendus de médias et des rapports de
mécanismes internationaux des droits de l’homme. Le Gouvernement a formulé des
observations sur les rapports du Rapporteur spécial. Le Rapporteur spécial remercie tous les
interlocuteurs et fonctionnaires pour leur coopération et pour les informations qu’ils lui ont
communiquées.
3. En 2018, des titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des
droits de l’homme ont adressé 14 communications, dont 3 ont fait l’objet d’une réponse du
Gouvernement. Afin de poursuivre le dialogue, le Rapporteur spécial renouvelle sa
demande de visite en République islamique d’Iran.
II. Situation des droits de l’homme
4. La situation actuelle des droits de l’homme est caractérisées par les mesures prises
par le Gouvernement pour faire face à des difficultés économiques croissantes, les sanctions
et les problèmes qui se posent de longue date dans le domaine des droits de l’homme.
La vague de manifestations qui a secoué le pays en décembre 2017 et en janvier 2018 s’est
transformée en manifestations disparates suscitées par, notamment, la baisse du niveau de
vie, l’inflation élevée, le sentiment que les derniers publics sont mal employées, les arriérés
de salaire et les difficultés d’accès à l’eau. Le rétablissement de sanctions a exacerbé les
tensions.
5. Le Rapporteur spécial est préoccupé par ce qui semble être une répression de plus en
plus sévère des manifestations, dans un contexte de violations récurrentes du droit à la vie,
du droit à la liberté et du droit à un procès équitable. Un nombre croissant de défenseurs des
droits de l’homme, d’avocats, de journalistes et de militants syndicaux sont arrêtés ou
harcelés. Le chef du pouvoir judiciaire a publiquement qualifié ces manifestations de
« séditions » qui visent à « pousser les gens dans la rue pour s’attaquer aux fondements
mêmes de la République islamique »4.
1 Le Comité des droits de l’enfant a toujours recommandé aux États d’apporter les modifications
voulues à leur législation pour que l’enfant y soit défini comme toute personne âgée de moins de
18 ans. Voir CRC/C/IRN/CO/3-4, par. 28.
2 Cette terminologie est conforme à l’observation générale no 10 (2007) du Comité des droits de
l’enfant concernant les droits de l’enfant dans le système de justice pour mineurs.
3 Voir A/73/398
4 Voir www.mizanonline.com/fa/news/472402.
- 212 -
A/HRC/40/67
GE.19-01422 3
A. Droit à la vie
6. Malgré certains faits nouveaux encourageants, le Rapporteur spécial reste préoccupé
par le recours très fréquent à la peine de mort. De janvier à octobre 2018, 207 personnes
auraient été exécutées, contre 437 pour la même période en 20175. Cette baisse s’explique
en grande partie par une modification apportée à la loi sur le trafic de stupéfiants en
novembre 2017, qui a eu pour conséquence une réduction du nombre d’exécutions liées à
des infractions à la législation sur les stupéfiants. Des peines de mort ou d’emprisonnement
à perpétuité infligées pour certaines infractions liées aux stupéfiants ont ainsi été réduites
rétroactivement à une peine d’emprisonnement maximale de trente ans. La quantité de
stupéfiants requise pour qu’une condamnation à mort soit prononcée a également été revue
à la hausse. Après l’adoption de cette modification, le pouvoir judiciaire a reçu pour
instruction de réexaminer les affaires dans lesquels des personnes avaient déjà été
condamnées à la peine capitale pour des infractions liées aux stupéfiants. Bien que le
manque de transparence dans les affaires de condamnation à mort rende difficile
l’évaluation du processus de réexamen, le Vice-Président de la Commission judiciaire de
l’Assemblée consultative islamique aurait déclaré, en octobre 2018, que la peine de mort
prononcée contre 15 000 personnes avait été commuée6. Des préoccupations demeurent
cependant quant à la disponibilité de l’aide judiciaire pour les personnes réunissant les
conditions requises aux fins de réexamen, à l’impossibilité de faire appel de la décision
prise à l’issue du réexamen et au maintien de la peine de mort obligatoire pour certaines
infractions liées à la drogue aux stupéfiants.
7. D’autres préoccupations subsistent. L’article 6 du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques, que la République islamique d’Iran a ratifié, prévoit que les États
parties qui n’ont pas encore aboli la peine de mort ne doivent l’imposer que pour les
« crimes les plus graves », terme qui ne recouvre que les infractions liées à un homicide
volontaire7. La République islamique d’Iran continue malgré tout d’appliquer la peine de
mort pour de nombreux actes qui ne sont pas liés à un homicide volontaire. La création de
tribunaux spéciaux en août 2018 pour juger les « infractions économiques » passibles de la
peine de mort a suscité des préoccupations.
8. Une autre question qui suscite des préoccupations depuis longtemps est l’exécution,
en application du qisas (loi du talion), de personnes condamnées pour meurtre. Dans de tel
cas, le plus proche parent de la victime peut exiger que soient purement et simplement
exercées des représailles équivalentes, sous la forme de la peine capitale. Les exécutions de
ce type ont représenté près des trois quarts des exécutions signalées en 20188. En lieu et
place de cette peine, le plus proche parent de la victime peut gracier l’accusé en acceptant
ou non la diya (compensation connue sous le nom de « prix du sang »). Les infractions
tombant sous le coup du qisas entraînent une peine obligatoire. Il ne peut pas être tenu
compte de circonstances atténuantes telles que l’âge ou la personnalité de l’auteur ou les
circonstances du crime.
9. En 2006, le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou
arbitraires de l’époque a notamment fait observer que s’il est vrai que la diya sauve des vies
en évitant des exécutions, elle peut porter atteintes aux garanties relatives à la nondiscrimination
car la demande de la payer est discriminatoire à l’égard de ceux qui ne
peuvent pas acheter leur liberté9. Le Code pénal prévoit également que la diya exigée pour
le meurtre d’une femme est la moitié de celle exigée pour le meurtre d’un homme. En
outre, bien que la législation iranienne ait été modifiée de façon à prévoir l’application
égale des peines relevant du qisas et de la diya pour les meurtres de musulmans et de
membres des minorités religieuses reconnues par la Constitution, cette disposition ne
s’applique pas aux groupes non reconnus. En outre, lorsque la grâce en échange de la diya
5 Voir https://iranhr.net/en/articles/3514/.
6 Voir http://kerman.farsnews.com/news/13970725000810.
7 Voir l’observation générale n° 36 (2018) du Comité des droits de l’homme sur le droit à la vie.
8 Voir https://iranhr.net/en/articles/3514/.
9 A/61/311, par. 60.
- 213 -
A/HRC/40/67
4 GE.19-01422
n’a pas été accordée, elle conduit à une violation du droit de solliciter de l’État la grâce ou
la commutation de la peine10.
10. Selon plusieurs informations, les membres des groupes ethniques et religieux
minoritaires représentent une part disproportionnée des personnes exécutées ou
emprisonnées 11 . Nombre de ces personnes sont également en attente d’exécution.
Des inquiétudes ont été exprimées, par exemple, au sujet de la situation d’Hedayat
Abdollapour, un Iranien kurde dont la condamnation à mort a été confirmée en appel par la
Cour suprême en octobre 2018, alors que certaines informations indiquaient qu’il avait été
torturé en détention et privé du droit de s’entretenir avec l’avocat de son choix.
11. Le droit à la vie a été violé par des acteurs non étatiques. Le 22 septembre 2018, un
attentat lors d’un défilé militaire à Ahvaz a fait au moins 24 morts et de nombreux blessés12.
Un autre attentat perpétré en décembre 2018 dans la ville de Chabahar aurait fait deux
morts et de nombreux blessés 13 . Le Rapporteur spécial adresse ses plus sincères
condoléances aux victimes et à leur famille, ainsi qu’au Gouvernement et au peuple de la
République islamique d’Iran. Le Rapporteur spécial condamne sans réserve ces attentats et
rappelle que l’État a l’obligation de traduire en justice les auteurs de ces actes,
conformément au droit international des droits de l’homme, tout en leur garantissant le droit
à un procès équitable. Après l’attentant d’Ahvaz, le Rapporteur spécial a reçu des
informations selon lesquelles au moins 300 membres de la minorité arabe ahwazie avaient
été détenus au secret 14 . Les autorités ont par la suite confirmé l’arrestation de
22 personnes 15 , puis nié qu’elles avaient été exécutées 16 . Dans ses observations, le
Gouvernement a indiqué que les enquêtes se poursuivaient. Le Rapporteur spécial réaffirme
le droit des personnes détenues à un procès équitable et souligne qu’il importe de savoir où
elles se trouvent.
B. Droit à un procès équitable et à la liberté
12. Le recours généralisé à la peine de mort est inquiétant, compte tenu des nombreux
cas signalés de violations du droit à un procès équitable. De nombreuses affaires recèlent
des exemples de violations du droit de se défendre avec l’assistance d’un défenseur de son
choix ou du droit de ne pas être forcé de témoigner contre soi-même ou de s’avouer
coupable, droits qui sont garantis par l’article 14 du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques, ratifié par la République islamique d’Iran.
13. L’article 35 de la Constitution et l’article 48 du Code de procédure pénale confèrent
à toute personne le droit d’être représentée par l’avocat de son choix. Toutefois, les
articles 48 et 302 du Code de procédure pénale prévoient que dans le cas de personnes
accusées d’infractions passibles de la peine de mort, de la réclusion à perpétuité ou d’une
peine d’amputation, ou « d’infractions politiques ou de délits de presse », le choix du
représentant légal, au stade de l’enquête, est limité à ceux figurant sur une liste approuvée
par le chef du pouvoir judiciaire. Le Rapporteur spécial est particulièrement préoccupé par
ces restrictions, compte tenu des rapports qu’il a reçus et des informations qui lui ont été
communiquées au cours d’entretiens, selon lesquels la torture et d’autres mauvais
traitements seraient couramment pratiqués afin d’obtenir des aveux au stade de l’enquête.
Le Rapporteur spécial note que le Code pénal dispose que les aveux obtenus sous la
contrainte ou la torture sont interdits et irrecevables devant les tribunaux17 et que les auteurs
de tels actes encourent des sanctions. Or il est également dit à l’article 171 du Code pénal
10 Pacte international relatif aux droits civils et politiques, art. 6 (par. 4).
11 Voir https://ipa.united4iran.org/en/prisoner/.
12 Voir le communiqué de presse du Conseil de sécurité, disponible à l’adresse suivante :
www.un.org/press/en/2018/sc13523.doc.htm.
13 Voir www.irna.ir/en/News/83125141.
14 Voir www.amnesty.org/en/latest/news/2018/11/iran-fears-mounting-for-detained…-
of-secret-executions/.
15 Voir https://bit.ly/2EZ3MWK.
16 Voir www.irna.ir/fa/News/83096589.
17 Voir les articles 168 et 169.
- 214 -
A/HRC/40/67
GE.19-01422 5
que si un accusé reconnaît avoir commis une infraction, ses aveux sont recevables et qu’il
n’est pas nécessaire de recueillir d’autres éléments de preuve. En outre, l’article 360 du
Code de procédure pénale prévoit que des déclarations de culpabilité peuvent être
prononcées sur la seule base d’aveux volontaires. À ce titre, le Rapporteur spécial
s’inquiète des fortes attentes institutionnelles en matière d’obtention d’aveux, chose qui ne
contribue guère à instaurer un climat propice à un procès équitable. Dans ses observations,
le Gouvernement a décrit les conditions devant être réunies, au regard du Code pénal, pour
que des aveux soit recevables, dont celle qui veut que l’accusé, au moment de faire ses
aveux, ait la capacité de discernement et la maturité voulues et soit en mesure de faire
lesdits aveux librement et en toute objectivité.
14. Le nombre disproportionné de membres de groupes minoritaires arrêtés et
condamnés témoigne d’une discrimination exercée dans l’administration de la justice.
Le Rapporteur spécial a reçu de nombreuses informations sur ce point, qui correspondent à
celles qui lui ont été communiquées lors de ses entretiens avec des membres des minorités
bahaïe, turque azérie, kurde et baloutche, notamment. Le Rapporteur spécial a également
passé en revue une liste de 83 membres de la communauté bahaïe emprisonnés. En février
2018, plusieurs titulaires de mandat au titre des procédures spéciales ont indiqué qu’ils
avaient connaissance de diverses affaires dans lesquelles des membres de cette minorité
chrétienne avaient été condamnés à de lourdes peines après avoir été inculpés pour menace
à la sûreté nationale, au motif de prosélytisme ou parce qu’ils s’étaient rendus dans des
lieux de prière au domicile de particuliers18.
15. Le Rapporteur spécial a examiné des informations faisant état de violations des
droits de binationaux et de ressortissants étrangers détenus en République islamique d’Iran
à un procès équitable et à la liberté. Se fondant sur les informations qui continuent de lui
parvenir, les renseignements qu’il a examinés et les entretiens qu’il a eus, le Rapporteur
spécial considère, à l’instar du Groupe de travail sur la détention arbitraire19, qu’il existe en
République islamique d’Iran une pratique tendant à priver arbitrairement de liberté les
binationaux et les ressortissants étrangers. Le Rapporteur spécial souscrit au point de vue
du Groupe de travail, qui a constaté qu’il existe, dans de nombreux affaires, un schéma
récurrent d’arrestation et de détention en dehors des procédures légales, de détention
provisoire prolongée, de refus de permettre l’accès à un avocat, de poursuites pénales pour
des infractions définies de manière vague et engagées sans preuves suffisantes pour étayer
les allégations, de torture et de mauvais traitements et de privation de soins médicaux, entre
autres choses20. Ces pratiques récurrentes montrent qu’il est urgent que le Gouvernement
remédie à la situation de tous les citoyens binationaux et de tous les ressortissants étrangers
détenus en République islamique d’Iran, notamment Ahmadreza Djalali, Kamran Ghaderi,
Robert Levinson, Saeed Malekpour, Siamak et Baquer Namazi, Xiyue Wang, Nazanin
Zaghari-Ratcliffe et Nizar Zakka. Le Groupe de travail a adopté des avis dans lesquels il
demandait la libération de plusieurs de ces personnes, dont Ahmadreza Djalali, qui a été
condamné à mort 21 . Le Rapporteur spécial s’inquiète en outre des informations selon
lesquelles certaines de ces personnes ont besoin de soins médicaux appropriés de toute
urgence et demande au Gouvernement de répondre à ces préoccupations. Dans ses
observations, le Gouvernement a nié que M. Levinson était emprisonné et a indiqué avoir
ouvert une enquête, conformément à ses obligations légales, concernant sa supposée
disparition, ajoutant que l’affaire était toujours en cours et qu’elle faisait l’objet d’un
complément d’enquête. Le Gouvernement a, en outre, donné une description détaillée des
chefs d’atteinte à la sécurité nationale retenus contre les autres personnes susmentionnées.
C. Droit à la liberté de réunion pacifique et d’association
16. Selon des informations reçues, l’exercice du droit à la liberté d’association et de
réunion a été restreint au cours de l’année, ce qui a eu des conséquences pour différents
18 Voir www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=22629&LangID=E.
19 Voir les avis n° 49/2017, par. 44, et n° 52/2018, par. 82, du Groupe de travail.
20 Voir l’avis no 52/2018 du Groupe de travail, par. 86.
21 Voir les avis nos 52/2018, 92/2017, 49/2017, 50/2016 et 28/2016 du Groupe de travail.
- 215 -
A/HRC/40/67
6 GE.19-01422
groupes de population, dont les travailleurs, les enseignants, les étudiants, les groupes
minoritaires et les femmes.
17. Les employés de l’usine sucrière de Haft Tapeh ont manifesté en juillet 2017 ainsi
qu’en août et novembre 2018 pour protester contre le non-paiement de leurs salaires.
En novembre 2018, les autorités auraient arrêté quelque 18 travailleurs et militants
syndicaux22. Douze d’entre eux auraient été libérés et les manifestations pour la libération
de ceux maintenus en détention se poursuivaient au moment de la rédaction du présent
rapport.
18. En mars 2018, 10 travailleurs de l’entreprise Iran National Steel Industrial Group, à
Ahvaz, ont été maintenus en détention pendant plusieurs jours en raison de leur
participation supposée à un mouvement de grève portant sur les salaires et les conditions de
travail23 . En juin, des « dizaines » d’autres travailleurs de cette entreprise auraient été
arrêtés après s’être rassemblés pour protester contre le non-paiement de leurs salaires24.
Une grève a repris en novembre faute de prise en compte de leurs revendications.
19. Depuis mai 2018, des chauffeurs de camions organisent des grèves dans de
nombreuses provinces du pays pour dénoncer les bas salaires dans un contexte de hausse de
l’inflation. Plus de 150 d’entre eux auraient été arrêtés après la reprise du mouvement en
septembre25, notamment dans la province de Qazvin.
20. Un mouvement de protestation a été lancé, en octobre et novembre 2018, par les
enseignants contre les bas salaires et l’insuffisance des crédits affectés à l’enseignement.
Plusieurs d’entre eux ont été détenus ou convoqués au tribunal 26 . Mohammad Habibi,
membre de l’Association professionnelle des enseignants iraniens de Téhéran, a été arrêté
en mai 2018. Il a été reconnu coupable d’atteinte à la sûreté de l’État en août27, tandis que
l’on s’inquiétait de ce qu’il était privé de soins médicaux alors qu’il présentait des blessures
causées par les mauvais traitements subis au cours de son arrestation 28 . Dans ses
observations, le Gouvernement a indiqué que M. Habibi avait reçu 27 visites pour raisons
médicales et avait été emmené trois fois dans des centres médicaux.
21. Plusieurs manifestations liées à l’accès à l’eau ont été signalées dans la province du
Khuzestan, à Bavi, Khorramshahr, Abadan, Kut-e-Abdollah et Ahvaz. Quinze représentants
du secteur agricole ont été arrêtés lors de la manifestation de 200 agriculteurs contre les
détournements d’eau vers le gouvernorat de la province de Kohgiluyeh va Boyer Ahmad29.
22. Plusieurs groupes minoritaires ont été touchés par la discrimination qui a été
observée. En juillet 2018, 80 membres de la communauté turque azérie auraient été arrêtés
avant et pendant la célébration d’un événement culturel au Château de Babak, dans la
province de l’Azerbaïdjan oriental 30 . La plupart d’entre eux ont été libérés, mais des
informations indiquaient que les personnes détenues avaient été maltraitées. En août,
40 membres de cette communauté ont été placés en détention provisoire lors d’un
rassemblement à Meshgin Shahr, dans la province d’Ardabil ; aux dires de certains, les
forces de sécurité auraient fait un usage excessif de la force. Le sort de huit derviches
Gonabadi qui auraient organisé un sit-in (manifestation assise) en août 2018 dans le Grand
pénitencier de Téhéran suscite également des préoccupations31. Dans ses observations, le
Gouvernement a indiqué que les personnes en question étaient emprisonnées et avaient
accès au téléphone.
22 Voir www.tuc.org.uk/tuc-writes-iranian-ambassador-regarding-arrests-haft-tap….
23 Voir www.industriall-union.org/iran-10-detained-after-protests-over-unpaid-w….
24 Voir www.hra-news.org/2018/hranews/a-15727/.
25 Voir www.itfglobal.org/en/news-events/press-releases/2018/october/itf-statem….
26 Voir www.hrw.org/news/2018/11/22/iran-mounting-crackdown-teachers-labor-acti….
27 Ibid.
28 Voir www.amnestyusa.org/wp-content/uploads/2018/10/uaa17418.pdf.
29 Voir www.ilna.ir/fa/tiny/news-628251.
30 Voir www.amnesty.org/download/Documents/MDE1388892018ENGLISH.PDF.
31 Voir https://iranhumanrights.org/2018/10/great-tehran-penitentiary-imposes-i…-
sufi-detainees-held-in-solitary-confinement/.
- 216 -
A/HRC/40/67
GE.19-01422 7
23. Le Rapporteur spécial est également préoccupé par l’arrestation de femmes qui ont
manifesté contre le port obligatoire du voile (hijab). Bien que la plupart d’entre-elles aient
été libérées sous caution, certaines ont été condamnées à des peines pouvant aller jusqu’à
deux ans d’emprisonnement pour « incitation à la corruption morale »32. Les femmes qui ne
portent pas le hijab encourent une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux mois
ou une amende, ce qui constitue une violation de leur droit de participer à la vie culturelle
sans discrimination33.
D. Droit à la liberté d’expression et d’opinion
24. Le Rapporteur spécial relève des limitations croissantes des droits à la liberté
d’opinion et d’expression. En avril 2018, le réseau social Telegram, populaire en Iran, a été
interdit au motif qu’il menaçait l’unité nationale et permettait à des pays étrangers
d’espionner la République islamique d’Iran34. En novembre, le Gouvernement a présenté un
projet de loi établissant de nouvelles infractions relatives à l’utilisation d’applications en
ligne prohibées 35 . Le Gouvernement a indiqué dans ses observations que les réseaux
sociaux de messagerie tels que Telegram ne sont tenus de s’enregistrer qu’auprès du
Ministère de la culture et de l’orientation islamique.
25. Le Rapporteur spécial est en outre préoccupé par la tendance à arrêter et à placer en
détention les défenseurs des droits de l’homme, notamment les femmes qui défendent ces
droits, en raison de leurs activités, et par l’augmentation du nombre d’arrestations d’avocats
et de militants des droits du travail.
26. Nasrin Sotoudeh, une avocate très connue spécialisée dans les droits de l’homme, a
été arrêtée en juin 2018. Hoda Amid, avocate qui avait représenté des femmes en situation
de vulnérabilité, a été arrêtée en septembre et libérée sous caution dans l’attente de son
procès36. L’avocate Zeinab Taheri a été arrêtée, puis libérée sous caution dans l’attente de
son inculpation37. Fait positif, Abdolfattah Soltani, avocat spécialisé dans les droits de
l’homme, a été libéré sous condition en novembre38.
27. En novembre 2018, plusieurs titulaires de mandat au titre des procédures spéciales
se sont dits préoccupés par l’arrestation de Nasrin Sotoudeh, de son mari Reza Khandan et
de Farhad Meysami, en raison de leur action en faveur des droits des femmes39. Najmeh
Vahedi et Rezvaneh Mohammadi, toutes deux militantes des droits des femmes, ont été
arrêtées puis auraient été libérées sous caution en novembre en attendant d’être jugées40.
28. D’autres personnes sont toujours détenues pour avoir exercé leur droit à la liberté
d’opinion et d’expression. Mohammad Ali Taheri, pratiquant de médecine alternative, a été
incarcéré après avoir été condamné pour « propagation de la corruption sur terre ».
Le Rapporteur spécial renouvelle l’appel lancé par le Haut-Commissaire des Nations Unies
aux droits de l’homme en faveur de sa libération41.
29. Le Rapporteur spécial est préoccupé par l’état de santé de nombre de défenseurs des
droits de l’homme emprisonnés. Farhad Meysami a entamé une grève de la faim en
août 2018 pour protester contre le fait qu’il n’avait pas eu accès au conseil de son choix et
contre les accusations portées contre lui. Arash Sadeghi, qui a besoin de soins médicaux
spécialisés, est toujours détenu malgré les appels lancés en avril par le Groupe de travail sur
32 Voir https://bit.ly/2EV0xzs.
33 A/72/155, par. 76.
34 Voir https://rsf.org/en/news/iranian-court-imposes-total-ban-telegram.
35 Voir www.isna.ir/news/97082813960/.
36 Voir www.en-hrana.org/womens-rights-activist-hoda-amid-released-on-bail.
37 Voir www.fidh.org/en/issues/human-rights-defenders/release-on-bail-of-zeinab….
38 Voir www.irna.ir/fa/News/83108418.
39 Voir www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=23947&LangID=E.
40 Voir www.iranhumanrights.org/2018/09/three-detained-womens-rights-activists-…-
released/.
41 Voir www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=16292&LangID=E.
- 217 -
A/HRC/40/67
8 GE.19-01422
la détention arbitraire en faveur de sa libération42. Soheil Arabi a besoin de soins médicaux
de toute urgence. Il devait être libéré en 2018, mais a été accusé d’autres infractions et
condamné à dix ans et huit mois d’emprisonnement supplémentaires. En novembre, des
inquiétudes ont été exprimées concernant l’état de santé préoccupant de Narges
Mohammadi, qui a besoin de soins médicaux appropriés. Celle-ci est toujours emprisonnée
malgré l’appel lancé par le Groupe de travail sur la détention arbitraire en 2017 en faveur
de sa libération43. Le décès de Vahid Sayyadi-Nasiri en décembre 2018, un détenu qui avait
entamé une grève de la faim en novembre, a jeté un coup de projecteur sur l’état de santé
des personnes emprisonnées. Le Rapporteur spécial prie instamment le Gouvernement de
mener une enquête rapide, indépendante, impartiale et effective sur les circonstances du
décès de Vahid Sayyadi-Nasiri et de veiller à ce que toutes les personnes en détention qui
ont besoin de soins médicaux en reçoivent au plus vite. Dans ses observations,
le Gouvernement a indiqué que M. Sadeghi était sous la supervision constante d’un
spécialiste et avait accès à des centres médicaux extérieurs à la prison.
30. Le Rapporteur spécial a reçu des informations faisant état de l’arrestation et de
l’intimidation de journalistes et de professionnels des médias dans le pays. Des journalistes
à l’étranger ont également été pris pour cibles, notamment des employés du service en
persan de la British Broadcasting Corporation (BBC). Une enquête pénale collective visant
plus de 150 employés de la BBC est toujours en cours, et une ordonnance de gel de leurs
avoirs prétendument temporaire rendue en 2017 est toujours en vigueur. Dans certains cas
les familles de collaborateurs de la chaîne vivant en République islamique d’Iran ont été
interrogées et harcelées. Des employés ont également été menacés et des articles
diffamatoires ont été diffusés sur les médias sociaux à leur sujet. Le Rapporteur spécial fait
siennes les préoccupations de son prédécesseur face à de telles actions et demande au
Gouvernement de mettre un terme à tous les actions en justice44 et au harcèlement de
journalistes, notamment du personnel du service en persan de la BBC. Le Gouvernement a
indiqué dans ses observations que plusieurs employés de la BBC avaient été acquittés et
n’étaient plus visés par l’ordonnance de gel des avoirs, mais que d’autres affaires étaient
toujours en cours.
E. Conséquences des sanctions
31. Les violations des droits civils et politiques précédemment décrites doivent être
considérées en gardant à l’esprit les nouvelles difficultés économiques auxquelles la
République islamique d’Iran fait face. Ces difficultés ont été aggravées par le
rétablissement des sanctions en 2018 après la décision des États-Unis d’Amérique de se
retirer du Plan d’action global commun (l’accord nucléaire)45.
32. En octobre 2018, la Cour internationale de Justice a indiqué des mesures
conservatoires dans l’attente de nouvelles procédures et de sa décision définitive concernant
les procédures engagées par la République islamique d’Iran contre les États-Unis au sujet
de la violation alléguée du Traité d’amitié, de commerce et de droits consulaires liant les
deux États46. La Cour a considéré que les assurances données par les États-Unis concernant
les exceptions dans le domaine humanitaire « ne répondent pas pleinement aux
préoccupations exprimées » par la République islamique d’Iran « quant à la situation
humanitaire et à la sécurité » et a, en conséquence, considéré que les mesures adoptées par
les États-Unis risquaient d’entraîner des conséquences irréparables47. Selon les mesures
conservatoires indiquées par la Cour, les États-Unis doivent veiller à ce que les sanctions
42 Voir l’avis n° 19/2018 du Groupe de travail.
43 Voir l’avis n° 48/2017 du Groupe de travail.
44 Voir www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=22314&LangID=E.
45 Voir www.whitehouse.gov/presidential-actions/ceasing-u-s-participation-jcpoa…-
counter-irans-malign-influence-deny-iran-paths-nuclear-weapon/.
46 Communiqué de presse de la Cour internationale de Justice daté du 3 octobre 2018, disponible à
l’adresse suivante : https://www.icj-cij.org/files/case-related/175/175-20181003-PRE-01-00-F….
47 Cour internationale de Justice, demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance, par. 91
et 92, disponible à l’adresse suivante : https://www.icj-cij.org/files/case-related/175/175-20181003-
ORD-01-00-FR.pdf.
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A/HRC/40/67
GE.19-01422 9
prévoient des exceptions à des fins humanitaires et permettent l’exportation de biens tels
que les médicaments et le matériel médical, les denrées alimentaires et les produits
agricoles, les pièces détachées, les équipements et les services nécessaires à la sécurité de
l’aviation civile48. Les États-Unis ont annoncé qu’ils se retiraient du Traité49.
33. En octobre 2018, le Secrétaire d’État des États-Unis a déclaré que « les exceptions,
autorisations et politiques d’octroi de licences existantes concernant les exportations à des
fins humanitaires et la sécurité de l’aviation resteront en vigueur »50. Le Département du
Trésor des États-Unis a publié des directives à ce sujet, notamment à l’intention des
institutions financières de pays tiers51. Dans celles-ci, il est indiqué que la législation des
États-Unis relative aux sanctions contient des exceptions expresses qui permettent aux
institutions financières étrangères d’effectuer des transactions lorsqu’elles portent sur la
vente de produits agricoles, d’aliments, de médicaments ou de dispositifs médicaux à la
République islamique d’Iran ou de faciliter ces transactions, et ce, sans pénalité, pour autant
qu’elles n’impliquent pas une entité désignée ou tout autre agissement prohibé52. Attendu
que la plupart des banques iraniennes figurent sur la Liste des nationaux spécialement
désignés du Département du Trésor, effectuer des transactions financières − y compris
celles liées aux échanges qui ne tombent pas sous le coup des sanctions − pourraient se
révéler difficile dans la pratique. En outre, vu le flou entourant l’application de sanctions
secondaires et la complexité de leur mise en oeuvre dans le cadre des exceptions, les
entreprises et les banques étrangères resteront probablement prudentes par crainte de
représailles de la part des États-Unis53. Selon certaines informations54, les entreprises qui
exportent des fournitures médicales vers la République islamique d’Iran éprouvent des
difficultés à accéder aux services bancaires non visés par les sanctions et font face à une
pénurie de devises étrangères en République islamique d’Iran, limitant ainsi les possibilités
de paiement des entreprises étrangères.
34. À la suite de déclarations 55 selon lesquelles la Société de télécommunications
interbancaires mondiales (SWIFT) pourrait faire l’objet de sanctions, cette dernière a
indiqué qu’elle avait décidé d’exclure plusieurs banques iraniennes. Les institutions
financières iraniennes non visées par des sanctions ont été autorisées à continuer d’accéder
au réseau SWIFT pour effectuer des transactions limitées dans les domaines alimentaire et
pharmaceutique56.
35. Le Rapporteur spécial craint qu’en empêchant les transferts financiers vers la
République islamique d’Iran, les sanctions secondaires mentionnées précédemment, qui
visent des tiers, n’entravent la production, la disponibilité et la distribution de matériels et
d’équipements médicaux et pharmaceutiques essentiels, ce qui pourrait entraîner une
augmentation du taux de mortalité. Des préoccupations analogues avaient été exprimées
concernant les sanctions précédentes 57 . En septembre, le Syndicat des industries
pharmaceutiques a indiqué que la République islamique d’Iran importait plus de la moitié
des matières premières nécessaires à la fabrication de médicaments58. Selon les membres de
la Commission de la santé du Parlement, la République islamique d’Iran manquait de
80 produits pharmaceutiques59 et les hôpitaux faisaient face à une pénurie de médicaments,
48 Ibid.
49 Voir www.state.gov/secretary/remarks/2018/10/286417.htm.
50 Ibid.
51 “Clarifying guidance on humanitarian assistance and related exports to the Iranian people”, 6 février
2013, disponible sur le site www.treasury.gov/resource-center/sanctions/Programs/Documents/
hum_exp_iran.pdf.
52 Ibid., p. 4.
53 Voir www.economist.com/business/2018/11/08/european-companies-will-struggle-…-
iran.
54 Voir www.ecfr.eu/article/commentary_iran_the_case_for_protecting_humanitaria….
55 Voir www.state.gov/secretary/remarks/2018/11/287090.htm.
56 Voir www.bloomberg.com/opinion/articles/2018-11-02/trump-s-iran-bank-cutoff-…-
u-s-sanctions-hurt.
57 Voir A/67/327.
58 Voir http://fna.ir/a0ws79.
59 Voir www.isna.ir/news/97061105121/.
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A/HRC/40/67
10 GE.19-01422
de matériel médical et de biens de consommation60. Le Rapporteur spécial sur les effets
négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme a indiqué
ce qui suit : « Le système actuel crée des doutes et des ambiguïtés qui empêchent l’Iran
d’importer des produits humanitaires urgents. Cette ambiguïté provoque un “effet
dissuasif” susceptible d’entraîner des morts silencieuses dans les hôpitaux à mesure que les
médicaments s’épuisent, sans que les médias internationaux ne le remarquent61 ».
III. Exécution des enfants délinquants
A. Introduction
36. Le droit international interdit l’exécution des enfants délinquants, quel que soit l’âge
de l’accusé au moment de l’exécution. Cette interdiction est consacrée par la Convention
relative aux droits de l’enfant, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et
le droit international coutumier. En 2003, la Commission des droits de l’homme a affirmé
que le droit international établissait que l’exécution des enfants délinquants contrevenait au
droit international coutumier62.
37. Nombre de mécanismes relatifs aux droits de l’homme, dont le Comité des droits de
l’enfant 63 , le Comité des droits de l’homme 64 , l’Assemblée générale 65 , la Haute-
Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme66 et des titulaires de mandat au titre
des procédures spéciales 67 ont demandé à la République islamique d’Iran de ne plus
condamner d’enfants à mort. Les Secrétaires généraux de l’ONU qui se sont succédé ont
soulevé ce point dans 10 rapports concernant la République islamique d’Iran et dans des
déclarations publiques68. Au cours des Examens périodiques universels dont la République
islamique d’Iran a fait l’objet, de nombreux États lui ont recommandé de mettre un terme
aux exécutions. Le Gouvernement iranien a appuyé, en 2010, la recommandation consistant
à « envisager d’abolir les exécutions de mineurs »69 et a partiellement appuyé, en 2014,
celle consistant à « interdire les exécutions de délinquants mineurs, tout en prévoyant,
parallèlement, des peines de substitution conformément au nouveau Code pénal iranien »70.
La République islamique d’Iran a expressément accepté l’obligation d’interdire ces
exécutions lorsqu’elle a ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant et le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques.
38. Le Rapporteur spécial regrette néanmoins vivement que la République islamique
d’Iran continue à condamner des enfants beaucoup plus souvent que tout autre État 71 .
Les filles peuvent être condamnées à mort dès l’âge de 9 ans et les garçons dès l’âge de
15 ans. D’après les informations reçues, au moins 61 enfants délinquants ont été exécutés
depuis 201872. Au moins six enfants délinquants ont été exécutés en 2018. Tous avaient
entre 14 et 17 ans au moment où ils auraient commis le crime et tous ont été exécutés en
application du qisas, pour meurtre. D’après des rapports précédents, cinq enfants
60 Voir www.ilna.ir/fa/tiny/news-673055.
61 Voir https://news.un.org/fr/story/2018/08/1021812.
62 Voir la résolution 2003/67 de la Commission des droits de l’homme.
63 CRC/C/IRN/CO/3-4, par. 36.
64 CCPR/C/IRN/CO/3, par. 13.
65 Voir la résolution 73/181 de l’Assemblée générale.
66 Voir www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=23689&LangID=E.
67 Voir www.ohchr.org/en/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=23216&LangID=E.
68 ONU, « Iran : le Secrétaire général attristé par l’exécution de deux personnes mineures au moment
des faits et appelle à l’adoption d’un moratoire sur la peine de mort », 19 octobre 2015, disponible à
l’adresse suivante : https://www.un.org/press/fr/2015/sgsm17247.doc.htm.
69 A/HRC/14/12, par. 90 (40).
70 A/HRC/28/12, par. 138.156 ; A/HRC/28/12/Add.1, par. 7 b).
71 Voir www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=22664&LangID=E.
72 Six exécutions ont été recensées en 2018. Cinquante-cinq exécutions ont été signalées entre 2008
et 2017. Voir Iran Human Rights et Ensemble contre la peine de mort, rapport annuel de 2017, p. 27,
disponible à l’adresse suivante : https://iranhr.net/en/articles/3258/.
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GE.19-01422 11
délinquants ont été exécutés en 201773, 5 en 201674, 4 en 201575 et 13 en 201476. Selon des
informations crédibles reçues, au moins 85 enfants délinquants sont actuellement en attente
d’exécution en République islamique d’Iran et 21 enfants ont été condamnés à mort
depuis 2013.
39. En 2013, le Gouvernement a modifié le Code pénal pour donner au juge le pouvoir
discrétionnaire de ne pas condamner un enfant à mort s’il estime que l’enfant n’avait pas
conscience de la nature de l’infraction commise ou s’il y une incertitude quant à son
développement mental. Il a affirmé qu’il avait pour politique d’éviter les exécutions en
recourant à la médiation quand cela était possible. Dans ses observations, il a également
souligné l’importance de la justice réparatrice et de la réadaptation des mineurs.
Le Rapporteur spécial invite le Gouvernement à continuer d’analyser les politiques
actuelles en vue d’interdire l’exécution des enfants délinquants, conformément à ses
engagements au titre d’instruments internationaux. Le présent rapport vise à encourager
cette démarche.
B. Cadre juridique
1. Cadre juridique international
40. En 1975, la République islamique d’Iran a ratifié le Pacte international relatif aux
droits civils et politiques, sans formuler de réserve. Le paragraphe 5 de l’article 6 du Pacte
dispose « [qu’]une sentence de mort ne peut être imposée pour des crimes commis par des
personnes âgées de moins de 18 ans (...) ». En 1994, la République islamique d’Iran a
ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant, dont l’alinéa a) de l’article 37 dispose
que « ni la peine capitale ni l’emprisonnement à vie sans possibilité de libération ne doivent
être prononcés pour les infractions commises par des personnes âgées de moins de
18 ans ». Dans ces deux instruments, le critère explicitement énoncé et décisif est l’âge au
moment de la commission de l’infraction. Le Comité des droits de l’homme a indiqué
qu’en l’absence d’élément prouvant de manière fiable et concluante que l’intéressé n’était
pas âgé de moins de 18 ans au moment où l’infraction a été commise, il ou elle a droit au
bénéfice du doute et la peine de mort ne peut être imposée77.
41. Lorsqu’elle a ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant, la République
islamique d’Iran a indiqué que le Gouvernement de la République islamique d’Iran « se
[réservait] le droit de ne pas appliquer les dispositions ou articles de la Convention qui
[étaient] incompatibles aux lois islamiques et à la législation interne en vigueur ».
L’article 19 de la Convention de Vienne sur le droit des traités (1969) dispose que les
réserves ne doivent pas être incompatibles avec l’objet et le but du traité. En 2016,
le Comité des droits de l’enfant a recommandé à la République islamique d’Iran de retirer
sa réserve78, eu égard au paragraphe 2 de l’article 51 de la Convention relative aux droits de
l’enfant, dans lequel il est précisé « [qu’aucune] réserve incompatible avec l’objet et le but
de la présente Convention n’est autorisée ». Le Gouvernement a répondu en faisant
observer que les dispositions de la Convention étaient juridiquement contraignantes dans
le pays79.
42. L’interdiction d’imposer la peine de mort à des enfants est largement considérée
comme faisant partie des normes de droit international de la catégorie du jus cogens. Ces
normes impératives n’admettent aucune dérogation ni aucun manquement. Les appels
quasi-unanimes lancés pour mettre un terme à cette pratique, qui n’a encore cours que dans
quelques États, montrent bien qu’il s’agit d’une norme relevant du jus cogens. Dans ses
73 Voir A/HRC/37/68, par. 19.
74 Voir A/HRC/34/40, par. 18.
75 Voir A/71/418, par. 21.
76 Voir A/HRC/28/70, par. 15.
77 Voir l’observation générale no 36 (2018) du Comité concernant le droit à la vie.
78 CRC/C/IRN/CO/3-4, par. 9 et 10.
79 Réponse complémentaire de l’organe national chargé de la Convention relative aux droits de l’enfant,
par. 1, disponible à l’adresse suivante : https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/
Download.aspx?symbolno=INT%2fCRC%2fCOB%2fIRN%2f23480&Lang=en.
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A/HRC/40/67
12 GE.19-01422
observations, le Gouvernement a indiqué qu’il ne pensait pas que cette interdiction fasse
partie du jus cogens.
2. Cadre juridique national
a) Âge de la responsabilité pénale
43. Il existe, en droit iranien et au sein du système de justice national, des incohérences
considérables qui font que des filles de 9 ans et des garçons de 15 ans peuvent être
condamnés à mort pour certaines infractions, tandis que des enfants âgés de 18 ans et moins
sont condamnés à des mesures correctionnelles pour d’autres infractions.
44. Le Code civil dispose que l’âge de la « maturité » est de neuf années lunaires pour
les filles et de quinze années lunaires pour les garçons80. Dans ce contexte, la maturité est
évaluée à l’aune du développement physique de l’enfant, conformément à certaines
décisions traditionnelles de la jurisprudence islamique. Les articles 146 et 147 du Code
pénal révisé de 2013 fixent également l’âge de la responsabilité pénale à neuf années
lunaires pour les filles et à quinze années lunaires pour les garçons.
45. L’âge de responsabilité pénale pour les infractions passibles des houdoud (peines
fixées par Dieu) ou du qisas est le même que l’âge de la maturité, à savoir neuf années
lunaires pour les filles et quinze années lunaires pour les garçons. Ces infractions emportent
des peines obligatoires telles que la peine de mort, la flagellation et l’amputation ; les
tribunaux ne disposent d’aucune marge de manoeuvre dans leur décision en fonction de la
situation et de l’âge de chacun ou de circonstances atténuantes. Tous les enfants délinquants
exécutés en 2018 l’ont été en application du qisas.
46. En revanche, l’âge de la responsabilité pénale pour les infractions, souvent moins
graves, passibles de ta’zir (infractions pour lesquelles le juge a la liberté de choisir la peine
qu’il prononce) est fixé à 18 ans pour tous les enfants. Dans ces cas, les enfants sont
condamnés à des mesures correctionnelles.
47. Le Rapporteur spécial relève d’autres incohérences dans le cadre juridique. Lorsque
la loi sur le trafic de stupéfiants a été modifiée en 2017, la peine de mort a été conservée
pour toute personne ayant exploité des enfants ou des mineurs de moins de 18 ans aux fins
de la commission de cette infraction81. L’article 35 sanctionne toujours quiconque contraint
un enfant ou un mineur de moins de 18 ans à consommer de la drogue. Ces dispositions
montrent clairement qu’il est admis que les personnes de moins de 18 ans ont moins de
« maturité » que celles de plus de 18 ans et que leur « développement mental » n’a pas
atteint le même stade.
48. D’autres dispositions législatives vont dans le même sens. L’article premier de la loi
de 2002 sur la protection de l’enfance et de l’adolescence définit l’enfant comme étant tout
être humain âgé de moins de 18 ans. De plus, seule une personne de plus de 18 ans peut
obtenir un passeport82, voter83 ou avoir un permis de conduire.
49. Au vu des incohérences susmentionnées, le Rapporteur spécial rappelle les
recommandations que le Comité des droits de l’enfant a adressées à la République
islamique d’Iran, à savoir revoir sa législation de manière à relever l’âge de la majorité à
18 ans84. Dans ses observations, le Gouvernement a indiqué que l’âge minimum de la
responsabilité pénale avait été fixé au regard du développement mental et psychologique
des enfants et des mineurs, et compte tenu de la situation géographique, culturelle, sociale,
religieuse et raciale. L’âge fixé comme âge minimum de la responsabilité pénale signifie
qu’un mineur, à cet âge-là, a atteint le niveau de maturité affective, mentale et
psychologique qui peut le rendre responsable de ses actes. Ainsi, l’âge minimum est fixé en
prenant en considération la maturité mentale des mineurs.
80 Art. 1210, note 1.
81 Art. 45.
82 Loi sur les passeports et l’immigration, sect. 1, art. 18.
83 Loi électorale, art. 36.
84 CRC/C/15/Add.254, par. 23 ; CRC/C/IRN/CO/3-4, par. 27 et 28.
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b) Faits nouveaux en matière législative
50. En 2013, le Code pénal a été modifié. L’article 91 du Code pénal, tel que modifié,
dispose que les enfants de moins de 18 ans qui ont atteint l’âge de la maturité sont dispensé
de la peine de mort s’il est estimé qu’ils n’ont pas conscience de la nature de l’infraction ou
du fait que l’acte commis est interdit, ou s’il y a une incertitude quant à leur bon
développement mental, compte tenu de leur âge. Il dispose également que le tribunal peut
demander l’avis d’un médecin légal ou recourir à toute méthode qu’il jugera adaptée pour
déterminer quel est le stade de développement mental de l’intéressé 85 . Depuis cette
modification du Code, des enfants délinquants en attente d’exécution ont saisi la Cour
suprême de demandes de nouveau procès. Certaines d’entre-elles ont été acceptées, d’autres
ont été rejetées. Cette situation a conduit la Cour suprême à prendre, en 2014, une décision
de jurisprudence à visée unificatrice dans laquelle elle a confirmé la recevabilité des
demandes de nouveaux procès. Dans des communications au Comité des droits de l’enfant,
la République islamique d’Iran a indiqué qu’il était admis que tous les adolescents qui
avaient moins de 18 ans quand ils avaient commis l’infraction pouvaient être rejugés et que
la Cour suprême avait annulé leur ancienne condamnation86. Toutefois, comme expliqué
ci-après, de nombreux obstacles se dressent devant les enfants délinquants qui veulent se
prévaloir des dispositions de l’article 91 et des enfants sont toujours exécutés.
C. Action et position de l’État
51. Plusieurs mesures ont été prises concernant les enfants délinquants. Tout
récemment, le Parlement a approuvé un projet de loi sur la protection de l’enfance et de
l’adolescence, lequel est en attente d’approbation par le Conseil des gardiens. Le Code de
procédure pénale prévoit la création de tribunaux pour enfants et adolescents, composés
d’un juge spécialisé et d’un conseiller qualifié, ayant des connaissances en développement
de l’enfant87. Cependant, si des enfants ayant dépassé l’âge de la maturité (neuf années
lunaires pour les filles et quinze années lunaires pour les garçons) sont accusés d’infractions
relevant du qisas ou passibles de houdoud, ou de certaines infractions passibles de ta’zir, ils
sont jugés par la division spéciale pour adolescents du premier tribunal pénal88. D’après des
informations crédibles reçues, dans la pratique, cela signifie que les enfants sont jugés dans
la même salle d’audience que les adultes.
52. En 2018, tous les enfants délinquants exécutés l’ont été en vertu d’une
condamnation pour meurtre fondée sur le qisas. Dans les observations reçues, le
Gouvernement a affirmé que d’importants efforts étaient déployés pour satisfaire le plus
proche parent de la victime par voie de médiation, afin de passer de l’application du qisas à
la diya. Il a également indiqué qu’il encourageait, par principe, le compromis, même au
moyen d’une assistance pécuniaire au versement de la diya, et qu’il s’agissait là de la
tendance dominante et de la principale manière de régler la situation de ce groupe de
délinquants. Le Gouvernement a également fait part de la création d’une commission de
réconciliation et de la mise en place d’une équipe spéciale réunissant des représentants des
autorités, des psychologues, des travailleurs sociaux, des agents pénitentiaires, des juristes
et des membres de la société civile qui appuie la médiation avec le plus proche parent de la
victime. De plus, les services du conseil chargé du règlement des litiges et le Bureau de la
protection de la femme et de l’enfant du pouvoir judiciaire interviennent dans des affaires.
Des organisations non gouvernementales (ONG) soutiennent également la médiation et les
levées de fonds aux fins de paiement de la diya. Le Rapporteur spécial a reçu des
informations selon lesquelles malgré ces efforts, les acteurs concernés sont réticents à
intervenir dans les cas d’infractions passibles de houdoud tels que ceux qui concernent un
adultère, des relations homosexuelles ou un meurtre lié à un viol.
53. Dans ses observations, le Gouvernement a justifié la poursuite des exécutions par le
fait que, sur ce point, l’obligation de l’État consistait simplement à examiner les faits de
85 Voir https://iranhrdc.org/english-translation-of-books-i-ii-of-the-new-islam….
86 Voir CRC/C/IRN/3-4/Add.1.
87 Code de procédure pénale, art. 289 et 408.
88 Ibid., art. 315.
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meurtre et à statuer, et que la condamnation ne pouvait être exécutée qu’à la demande de
ceux à qui appartiennent le sang. En 2009, le Rapporteur spécial sur les exécutions
extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a relevé que nul autre État dans lequel
s’appliquait le droit islamique n’éprouvait le besoin de mettre en avant un tel argument
pour justifier l’exécution d’enfants délinquants89. Il a également souligné que l’alinéa a) de
l’article 37 de la Convention relative aux droits de l’enfant et le paragraphe 5 de l’article 6
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques obligeaient le Gouvernement à
étendre l’abolition de l’exécution des enfants délinquants aux crimes relevant du qisas90.
De plus, comme il a été fait observer, cette pratique prive l’enfant de son droit de solliciter
la grâce ou la commutation de la peine auprès de l’État, consacré par le paragraphe 4 de
l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
D. Vulnérabilité et traitement des enfants dans le système
de justice pénale
54. Des enfants délinquants sont toujours exécutés en République islamique d’Iran, sur
fond de non-respect du droit à un procès équitable, de faits de torture et d’autres mauvais
traitements et de prise en compte insuffisante de la situation de chaque enfant.
1. Verdicts de culpabilité fondés sur des aveux
55. Il est particulièrement inquiétant de constater que des enfants sont condamnés à
mort, compte tenu de leur vulnérabilité particulière en tant qu’enfants face aux violations en
série attestées que constituent le fait qu’ils n’ont pas accès à un avocat et l’utilisation, dans
les procédures judiciaires, d’aveux obtenus par la contrainte ou la torture91. La Convention
relative aux droits de l’enfant et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques
disposent qu’un enfant ne peut être contraint de s’avouer coupable ni de reconnaître sa
culpabilité92 . Le Comité des droits de l’enfant a également mis en relief que l’âge de
l’enfant, son stade de développement, la durée de son interrogatoire, son manque de
compréhension, sa crainte de conséquences inconnues ou d’un emprisonnement évoqué
comme possible, ainsi que le fait de lui faire miroiter une éventuelle remise en liberté ou
des sanctions plus légères peuvent conduire l’enfant à faire des aveux mensongers 93 .
La vulnérabilité inhérente aux enfants est d’autant plus accentuée par le fait qu’ils ne
peuvent pas choisir leur propre avocat pendant l’enquête préliminaire s’ils sont accusés de
crimes passibles de la peine de mort. Dans ces cas, ils ne peuvent avoir qu’un avocat
approuvé par le chef du pouvoir judiciaire. D’après les informations reçues, de nombreux
enfants ont été condamnés sur la base d’aveux obtenus sous la contrainte pendant cette
phase de la procédure. En 2018, par exemple, Zeinab Sekaanvand aurait été contrainte
d’avouer qu’elle avait tué son mari alors qu’elle avait 17 ans94. Même si elle est revenue sur
ses aveux, elle a été exécutée. Alireza Tajiki a été exécuté en 2017, après avoir avoué, sous
la torture d’après ce qui a été rapporté, un meurtre qu’il aurait commis à l’âge de 15 ans. Il
est lui aussi revenu sur ses aveux, mais aucune enquête n’a été menée sur ses dires95.
2. Pratiques qui s’apparentent à la torture et à des mauvais traitements
56. Le traitement des enfants condamnés à mort est profondément inquiétant. Des
représentants du Gouvernement affirment que la République islamique d’Iran n’exécute pas
d’enfants96. Dans la pratique, cela signifie que l’État emprisonne les enfants condamnés
89 A/HRC/11/2, par. 35 et 36.
90 Ibid.
91 Voir le paragraphe 13 du présent document.
92 Convention relative aux droits de l’enfant, art. 40 ; Pacte international relatif aux droits civils et
politiques, art. 14.
93 Voir l’observation générale no 10 du Comité concernant les droits de l’enfant dans le système de
justice pour mineurs.
94 Voir https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=23689….
95 Voir www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=21958&LangID=E.
96 Voir la déclaration faite par le chef du pouvoir judiciaire en 2014, disponible à l’adresse suivante :
https://bit.ly/2LE4dGY.
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dans le quartier des condamnés à mort pendant des années, jusqu’à ce qu’ils aient 18 ans,
puis qu’il les exécute. D’après des informations reçues, l’exécution de nombreux enfants
délinquants est repoussée à maintes reprises, souvent au dernier moment97. À cet égard, en
juin 2018, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a parlé du cas
d’Abolfazi Chezani Sharahi, un enfant délinquant dont l’exécution avait été repoussée à
quatre reprises avant d’avoir lieu98. L’exécution d’Alireza Tajiki et d’Omid Rostami a
également été repoussée à quatre reprises. Ils ont respectivement été exécutés en 2017 et en
2018, après avoir passé plusieurs années dans le quartier des condamnés à mort.
Le Rapporteur spécial est préoccupé par le fait que, pris ensemble, le report répété de
l’exécution, la pratique consistant à attendre que l’enfant ait 18 ans et la vulnérabilité
inhérente à l’enfant selon son âge entraînent inévitablement des traumatismes psychiques et
une dégradation physique graves 99 . Aussi, il affirme que la politique et la pratique
consistant à condamner des enfants à mort en République islamique d’Iran constituent une
forme récurrente de torture et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants
contraire à la Convention relative aux droits de l’enfant et au Pacte international relatif aux
droits civils et politiques, auxquels la République islamique d’Iran est partie. Il souligne
qu’un moyen de résoudre ce problème consiste à interdire immédiatement la condamnation
d’enfants à mort et à commuer les condamnations à mort de tous les enfants délinquants
concernés en d’autres peines.
3. Situation des enfants condamnés à mort
57. D’après les informations reçues, de nombreux enfants condamnés à mort en
application du qisas, ainsi que leur famille, font partie des groupes socioéconomiques les
moins favorisés, sont peu instruits et ne bénéficient guère de réseaux de soutien 100 .
Les jeunes délinquantes ont parfois subi des situations extrêmes, dont le mariage forcé et la
violence familiale. Aucune disposition législative ne permet cependant à un tribunal de
tenir compte de circonstances atténuantes liées aux antécédents de l’enfant et aux
conditions dans lesquelles il vit ou aux circonstances dans lesquelles l’infraction aurait été
commise. Deux personnes, qui avaient été mariées alors qu’elles étaient enfants, ont été
exécutées en 2018. Mahboubeh Mofidi, mariée à l’âge de 13 ans, aurait tué son mari quand
elle avait 17 ans101. Zeinab Sekaanvand, mariée à l’âge de 15 ans, aurait tué son mari quand
elle avait 17 ans102. Mme Sekaanvand a été exécutée sans qu’aucune enquête n’ait été menée
sur des allégations de violence conjugale. Le Rapporteur spécial rappelle la
recommandation formulée par le Comité des droits de l’enfant selon laquelle l’âge
minimum du mariage, fixé à 13 ans pour les filles et à 15 ans pour les garçons, devrait être
relevé à 18 ans103.
58. Le Rapporteur spécial relève que les antécédents de l’enfant accusé et les
circonstances dans lesquelles l’infraction aurait été commise sont cruciaux, non seulement
parce qu’ils devraient être pris en compte par le tribunal, mais aussi parce qu’ils peuvent
faire obstacle aux tentatives d’éviter l’exécution au moyen du paiement de la diya.
Par exemple, les enfants qui ont grandi dans la pauvreté ne seront probablement pas en
mesure de payer la diya demandée (dont le montant maximum n’est pas limité pour les
infractions relevant du qisas). La vie de l’enfant dépend donc de la capacité de sa famille à
attirer l’attention d’ONG qui peuvent aider à recueillir suffisamment d’argent. Or il n’y en a
pas dans toutes les provinces et les familles pauvres, moins influentes, moins instruites et
moins sensibilisées des provinces plus reculées sont dans des situations très difficiles.
Le Rapporteur spécial affirme que ces facteurs expliquent pourquoi la plupart des enfants
97 A/67/279, par. 48.
98 Voir www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=23279&LangID=E.
99 Voir A/67/279, p. 9 à 14, concernant le syndrome du quartier des condamnés à mort.
100 Voir, par exemple, Amnesty International, Growing Up on Death Row (2016), p. 53, disponible à
l’adresse suivante : www.amnestyusa.org/wp-content/uploads/2017/04/growing_up_on_death_row_-
_the_death_penalty_and_juvenile_offenders_in_iran_final.pdf.
101 Voir www.hrw.org/news/2018/02/07/iran-three-child-offenders-executed.
102 Voir www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=23689&LangID=E.
103 CRC/C/IRN/CO/3-4, par. 27 et 28.
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délinquants exécutés viennent de familles pauvres et de provinces moins favorisées du
point de vue économique.
59. Dans ses observations, le Gouvernement a affirmé que l’article 286 du Code de
procédure pénale imposait qu’un « dossier de personnalité », dans lequel était étudiée la
situation au moment des faits, soit établi avant que le jugement ne soit rendu. Il a également
expliqué que ce dossier était établi séparément du dossier pénal et qu’il contenait le rapport
d’un travailleur social sur la situation physique, familiale et sociale de l’accusé, ainsi que
des rapports médicaux et psychiatriques. Il a également souligné que, aux fins du paiement
de la diya, le « dénuement » de l’accusé était pris en compte et que des ONG et des
institutions sociales apportaient une contribution financière.
E. Application de l’article 91 du Code pénal
1. Aperçu
60. Comme indiqué précédemment, depuis que l’article 91 du Code pénal est entré en
vigueur en 2013, les juges peuvent exempter des enfants de la peine de mort s’ils estiment
que ceux-ci n’avaient pas conscience de la nature de l’infraction commise ou s’il y a une
incertitude quant à leur bon développement mental, compte tenu de leur âge. Dans les
réponses qu’elle a adressées au Comité des droits de l’enfant en 2015, la République
islamique d’Iran a indiqué que toutes les condamnations antérieures prononcées contre des
enfants délinquants seraient annulées, en attendant que de nouveaux procès soient
organisés 104 . Dans ses observations concernant le présent rapport, le Gouvernement a
déclaré que les dispositions du Code pénal islamique avaient permis de réduire le nombre
des exécutions d’adultes de moins de 18 ans. Selon des informations récentes, au moins six
peines prononcées contre des enfants délinquants ont été commuées en 2017 après un
nouveau procès105. Cependant, les exécutions se sont poursuivies. Le Rapporteur spécial
estime que, depuis l’entrée en vigueur de l’article 91 en 2013, au moins 33 enfants
délinquants ont été exécutés 106 et, selon des informations crédibles reçues, au moins
21 enfants ont été condamnés à mort en application du qisas. En 2016, le Comité des droits
de l’enfant a déploré la poursuite des exécutions en dépit de la modification de la loi107 et,
en 2017, des titulaires de mandat au titre des procédures spéciales ont déclaré que la
persistance des exécutions était la preuve irréfutable que les modifications législatives
apportées en 2013 n’avaient pas mis un terme à l’exécution de personnes condamnées à
mort pour des faits commis alors qu’elles étaient enfant108. Dans la présente section, le
Rapporteur spécial explique pourquoi l’article 91 n’a pas permis de mettre un terme aux
exécutions.
2. Évaluations incohérentes et arbitraires
61. En 2016, le Comité des droits de l’enfant a noté avec une « vive préoccupation » que
la décision d’exempter un enfant de la peine de mort en se fondant sur les évaluations
prévues à l’article 91 était laissée « à l’entière discrétion des juges » et a demandé
instamment à la République islamique d’Iran de retirer leur pouvoir discrétionnaire aux
tribunaux109. Ce pouvoir discrétionnaire est particulièrement problématique car les critères
permettant d’évaluer le « développement mental » restent à définir et sont subjectifs. Dans
certains cas, les juges auraient posé des questions simples visant à déterminer si l’enfant
savait que tuer une personne était un acte répréhensible. Dans d’autres cas, ils ont estimé
que tant que l’enfant ne montrait aucun signe de trouble de la santé mentale on pouvait
considérer qu’il avait un bon développement mental. Dans d’autres cas encore, des juges
104 CRC/C/IRN/Q/3-4/Add.1, par. 33.
105 A/72/322, par. 68.
106 Voir le paragraphe 38 ci-dessus.
107 CRC/C/IRN/CO/3-4, par. 35.
108 Voir www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=21547&LangID=E (en
anglais).
109 CRC/C/IRN/CO/3-4, par. 35-36.
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ont eu recours à des critères tels que celui de la pilosité pour confirmer le bon
développement mental d’un enfant110.
62. Dans ses observations, le Gouvernement a indiqué que la loi exigeait de tenir
compte de la capacité du défendeur de comprendre la nature de l’infraction commise ou de
tout doute quant à sa maturité et sa sagesse, et qu’il convenait de respecter scrupuleusement
les termes de l’article 91 dans le cadre des procédures judiciaires. Il y note que, dans
l’article 91, le législateur reconnaît qu’il y a un âge à partir duquel un enfant a la maturité
suffisante pour être considéré comme pénalement responsable, et, d’une certaine manière,
admet que les adolescents de moins de 18 ans n’ont pas la maturité suffisante pour
comprendre la nature de l’acte commis, que l’on peut douter du niveau et de la finesse de
leur jugement, et qu’ils ne peuvent donc pas encourir une peine de hadd ou le qisas. Le fait
que ces termes apparaissent dans la loi est important car ceux-ci incitent les juges à
raisonner sur cette base plutôt qu’à imposer des peines sévères, comme une peine de hadd
ou une peine relevant du qisas, et à déterminer la peine applicable en fonction des faits et
de l’âge des défendeurs.
3. Absence de règle concernant le recours à un avis d’experts
63. L’article 91 du Code pénal dispose que le tribunal peut demander l’avis d’un
médecin légiste ou recourir à toute méthode qu’il jugera adaptée pour déterminer quel est le
stade de développement mental de l’intéressé. Le Comité des droits de l’enfant s’est dit
vivement préoccupé par le fait que les juges « peuvent demander une expertise médicolégale,
mais ne sont pas tenus de le faire »111. Dans certains cas où aucun avis d’expert n’a
été demandé, le juge a procédé lui-même à une évaluation et conclu au bon développement
mental de l’intéressé. C’est le cas d’Omid Rostami, qui a été reconnu coupable d’homicide
à l’âge de 16 ans et exécuté en 2018 malgré le fait que le tribunal de district et la Cour
suprême n’avaient pas demandé l’avis d’un expert sur son développement mental.
64. Dans les cas où l’avis d’un expert a été demandé, il l’a été auprès de médecins de
l’Organisation iranienne de médecine légale, une institution étatique. À plusieurs reprises,
cette organisation a procédé à des évaluations bien après que l’infraction présumée a été
commise. Fatemeh Salbehi a été reconnue coupable du meurtre de son mari en 2008, alors
qu’elle avait 17 ans. Elle a été condamnée à mort puis a bénéficié d’un nouveau procès
en 2013, en application de l’article 91. Au cours de ce deuxième procès, l’Organisation
iranienne de médecine légale a conclu à son bon développement mental au moment de
l’infraction, qui avait été commise cinq ans plus tôt. Elle a été exécutée. De même, un an
après la commission présumée de l’infraction, il a été conclu qu’Abolfazl Sharahi, un
enfant délinquant, avait un niveau de maturité suffisant et il a été exécuté. Le Rapporteur
spécial est d’avis qu’il est impossible, dans ces circonstances, de considérer ces évaluations
comme crédibles. Il estime qu’il importe de mettre en avant les vastes travaux de recherche
fondés sur l’observations des faits qui ont été menés et qui montrent que le développement
mental des personnes de moins de 18 est moins avancé que celui des adultes. Comme noté
précédemment, la législation iranienne elle-même comporte des éléments en ce sens112.
Le Rapporteur spécial souligne également que l’article 91 prévoit l’exemption de la peine
de mort pour les enfants délinquants « s’il y une incertitude quant à leur bon
développement mental ». Cela signifie que s’il existe le moindre doute, un enfant ne peut
être condamné à mort.
4. Incohérence du suivi
65. Dans certains cas, alors même que le juge faisait état d’une incertitude quant au
développement mental de l’enfant, l’évaluation a été annulée en appel et l’enfant condamné
à mort. Par exemple, après une première évaluation, il avait été estimé que Mohammad
Kalhori n’avait pas atteint son plein développement mental au moment de l’infraction et
110 Rapport parallèle conjoint d’organisations de la société civile, « Rights of the child in Iran », mars
2015, consultable à l’adresse suivante : https://tbinternet.ohchr.org/Treaties/CRC/Shared%
20Documents/IRN/INT_CRC_NGO_IRN_19809_E.pdf.
111 CRC/C/IRN/CO/3-4, par. 35-36.
112 Voir les paragraphes 46 à 49 ci-dessus.
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celui-ci avait été condamné à une peine de prison. Cependant, par la suite, la Cour suprême
a annulé cette décision et, dans le cadre d’un nouveau procès, il a été condamné à mort113.
5. Incohérence de la mise en oeuvre du droit à un nouveau procès
66. Les informations reçues par le Rapporteur spécial montrent que l’article 91 n’a pas
permis d’éviter l’exécution d’enfants qui étaient déjà en attente d’exécution. L’une des
raisons à cela est que l’article 91 ne prévoit pas de réexamen automatique des affaires.
Plutôt, les enfants délinquants en attente d’exécution ou leur famille doivent soumettre une
demande de nouveau procès. Comme susmentionné, nombre de ces enfants font partie des
groupes socioéconomiques les moins favorisés, sont peu instruits, ne bénéficient guère de
réseaux de soutien et connaissent moins bien leurs droits. Il se peut donc qu’ils ignorent
qu’ils peuvent demander à être rejugés ou qu’ils n’aient pas les moyens de le faire. Pour
d’autres, leur demande de nouveau procès a été rejetée. Le prédécesseur de l’actuel
Rapporteur spécial avait attiré l’attention sur cette tendance, signalant que les demandes de
Zeinab Sekaanvand et de trois autres enfants délinquants avaient été rejetées par la Cour
suprême, sans explication114.
67. Alors même que leur demande de nouveau procès avait été acceptée, certains enfants
ont été une nouvelle fois condamnés à mort. Le Comité des droits de l’enfant et le
prédécesseur de l’actuel Rapporteur spécial se sont dits préoccupés par cette question
en 2016115 et 2017116, respectivement.
6. Évaluation de l’application de l’article 91
68. Le Rapporteur spécial a fait état de limites fondamentales et graves à l’application
de l’article 91, tout en précisant que, dans certains cas, des enfants délinquants avaient été
exemptés de la peine de mort. L’évaluation du développement mental au moment de
l’infraction est arbitraire et n’est pas systématique, et elle est laissée à l’entière discrétion
du juge, qui peut choisir, ou non, de solliciter un avis médical. Ces évaluations manquent
d’autant plus de crédibilité qu’elles sont basées sur des critères incohérents, en particulier
lorsqu’elles sont réalisées des années après que l’infraction a été commise. Dans certains
cas, les conclusions de l’évaluation ont de toute façon été annulées en appel. Dans d’autres,
les demandes de nouveau procès déposées au titre de l’article 91 et au nom d’enfants
délinquants en attente d’exécution ont été rejetées. Dans d’autres encore, alors que
l’ouverture d’un nouveau procès avait été accordée, il a été conclu au bon développement
mental de l’enfant délinquant et la peine de mort a été maintenue.
IV. Conclusions et recommandations
A. Situation des droits de l’homme
69. Le Rapporteur spécial constate que les manifestations qui ont commencé en
décembre 2017 en République islamique d’Iran sont l’expression de griefs de longue
date liés aux droits de l’homme, notamment à la jouissance des droits économiques,
culturels et sociaux. Des faits nouveaux encourageants ont été observés, comme la
modification apportée à la loi sur le trafic de stupéfiants, qui a entraîné une baisse non
négligeable du nombre d’exécutions. Néanmoins, des difficultés économiques
croissantes ont intensifié les revendications, qui pourraient être encore exacerbées par
le récent rétablissement de sanctions unilatérales. Le mécontentement s’est exprimé
par les manifestations disparates de différents groupes dans le pays.
Le Gouvernement a pris des mesures visant à atténuer les difficultés économiques,
mais a également renforcé les limites imposées aux droits à la liberté d’opinion,
113 Voir www.ohchr.org/en/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=23216&LangID=E (en
anglais).
114 A/72/322, par. 67.
115 CRC/C/IRN/CO/3-4, par. 35-36.
116 A/72/322, par. 68.
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d’expression, de réunion et d’association. Parallèlement à cela, on constate une
évolution inquiétante, la réaction de l’État se faisant de plus en plus sévère, comme en
témoignent les arrestations d’avocats, de défenseurs des droits de l’homme et de
militants syndicaux. Leur emprisonnement compromet la protection de tous les droits,
notamment le droit à un procès équitable. Cette évolution est inquiétante, compte tenu
de la tendance observée à recourir aux mauvais traitements pour arracher des aveux
dans les premières phases de l’enquête et du fait que les personnes accusées
d’infractions graves se voient refuser la possibilité de faire appel à un avocat de leur
choix. Dans le même temps, la peine de mort continue d’être largement appliquée,
notamment pour des infractions autres que l’homicide volontaire.
70. Le Rapporteur spécial recommande au Gouvernement et au Parlement :
a) Dans l’attente de l’abolition de la peine de mort, de retirer du champ
d’application de celle-ci toute infraction autre que celles n’entrant pas dans la
catégorie des « infractions les plus graves », qui ne concernent que l’homicide
volontaire, et de faire en sorte que la peine de toutes les personnes condamnées à mort
pour d’autres infractions soit commuée. De modifier la législation afin de garantir que
toute personne condamnée à mort, notamment en application du qisas, puisse
solliciter auprès de l’État la grâce ou la commutation de sa peine ;
b) De faire en sorte de protéger les prisonniers de toutes les formes de
torture et autres mauvais traitements. De garantir que les aveux obtenus par de tels
moyens ne soient jamais admis comme preuves à charge contre l’accusé ;
c) De modifier le Code pénal et le Code de procédure pénale afin de
garantir que des aveux à eux seuls ne puissent être considérés comme un aveu de
culpabilité ;
d) De veiller à ce que des soins médicaux soient prodigués de toute urgence
aux détenus qui en ont besoin, notamment ceux mentionnés dans le présent rapport,
compte tenu de la menace imminente qui pèse sur leur vie ou du risque de
détérioration grave de leur état de santé. De faire en sorte que toutes les
personnes placées en détention reçoivent rapidement et régulièrement des soins de
santé adéquats, notamment des soins spécialisés selon qu’il convient, sous réserve de
leur consentement éclairé ;
e) De veiller à ce que les décès survenus en détention et les allégations de
violation des garanties d’une procédure régulière et de mauvais traitements fassent
rapidement l’objet d’une enquête indépendante, impartiale et efficace par une
autorité indépendante compétente en vue de traduire en justice les personnes dont la
responsabilité pénale pourrait être engagée, dans le respect de leur droit à un procès
équitable ;
f) De veiller à ce que toutes les personnes accusées d’une infraction quelle
qu’elle soit se voient garantir l’accès à un avocat de leur choix à tous les stades de la
procédure judiciaire, notamment lors de l’enquête préliminaire et de l’interrogatoire,
et qu’elles bénéficient d’une aide judiciaire selon que de besoin ;
g) De faire en sorte que tous les détenus malades pour lesquels la
prolongation du séjour en prison aurait pour conséquence une détérioration de leur
état de santé ne soient pas détenus dans ce type d’établissement, et de prononcer une
peine de substitution si ceux-ci n’ont aucune perspective de guérison, en appliquant
pleinement l’article 502 du Code de procédure pénale ;
h) De protéger les droits de toutes les personnes appartenant à une minorité
ethnique ou religieuse, de lutter contre toutes les formes de discrimination à leur
égard et de libérer toutes celles qui ont été emprisonnées pour avoir exercé leur droit
à la liberté de religion ou de croyance ;
i) De faire en faire en sorte que toutes les personnes arrêtées pour avoir
pacifiquement exercé leurs droits à la liberté d’opinion, d’expression, de réunion et
d’association soient libérées. D’informer au plus vite les familles du lieu où se trouvent
les personnes placées en détention et de leur situation ;
- 229 -
A/HRC/40/67
20 GE.19-01422
j) De veiller à ce que les défenseurs des droits de l’homme, notamment les
femmes qui défendent ces droits, les avocats et les journalistes ne soient pas menacés
ou victimes d’actes d’intimidation, de harcèlement, d’arrestation arbitraire, de
privation de liberté ou d’autres sanctions arbitraires, et de libérer toutes les personnes
détenues pour des motifs liés à leur profession ;
k) De mettre en oeuvre les recommandations formulées dans les avis du
Groupe de travail sur la détention arbitraire, et de lutter contre les violations
récurrentes mises en évidence par le Groupe de travail en ce qui concerne les
binationaux et les ressortissants étrangers ;
l) De prendre toutes les mesures nécessaires pour atténuer certains des
effets des sanctions économiques et pour satisfaire aux obligations leur incombant au
titre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels,
notamment en matière de protection des groupes vulnérables. De créer un mécanisme
financier transparent afin de continuer d’importer des médicaments et d’autres
produits humanitaires essentiels.
71. Le Rapporteur spécial recommande aux pays qui ont imposé des sanctions à la
République islamique d’Iran de prendre toutes les mesures nécessaires pour que
celles-ci ne portent pas atteinte aux droits de l’homme, notamment de mettre en place
des garanties et des exemptions humanitaires et procédurales visant à prévenir toute
incidence néfaste sur l’exercice des droits de l’homme.
B. Exécutions d’enfants délinquants
72. Le Rapporteur spécial constate que les exécutions d’enfants délinquants se
poursuivent depuis des dizaines d’années, en violation des obligations internationales
qui incombent à la République islamique d’Iran en matière de droits de l’homme. Les
filles peuvent être condamnées à mort dès l’âge de 9 ans et les garçons dès l’âge de
15 ans. L’appui du Gouvernement aux efforts de médiation visant à obtenir la grâce
pour les infractions relevant du qisas et l’entrée en vigueur de l’article 91 du Code
pénal ont permis à des enfants d’éviter la peine de mort. Toutefois, au moins
21 enfants ont été condamnés à mort et 33 ont été exécutés depuis l’entrée en vigueur
de cet article. Ces chiffres confirment que les dispositions de l’article 91 sont
insuffisantes et que leur mise en oeuvre n’est pas efficace. Dans de nombreux cas,
l’évaluation du développement mental prévue à l’article 91 a été faite des années après
la commission présumée de l’infraction. Les informations examinées montrent que
nombre des enfants condamnés à mort font partie des groupes socioéconomiques les
moins favorisés, sont peu instruits et ne bénéficient guère de réseaux de soutien, et,
dans certains cas, ont vécu des situations extrêmement difficiles, notamment
le mariage forcé et la violence familiale. Toutefois, la législation n’autorise pas les
tribunaux à tenir compte de circonstances atténuantes dans les affaires où la peine de
mort est envisagée. En outre, s’il est convenu qu’une diya sera versée, les enfants issus
de familles modestes auront davantage de mal à « racheter » leur liberté et seront
tributaires de tiers pour rassembler la somme qui permettra de les sauver. C’est
pourquoi les exécutions se poursuivent au même rythme.
73. Le Rapporteur spécial recommande au Parlement :
a) De modifier au plus vite la législation de façon à interdire l’exécution de
personnes ayant commis une infraction tombant sous le coup des houdoud ou du qisas
alors qu’elles avaient moins de 18 ans et qu’elles étaient donc des enfants.
D’également modifier au plus vite la législation pour commuer toutes les peines des
enfants délinquants en attente d’exécution ;
b) De retirer la réserve générale à la Convention relative aux droits de
l’enfant, compte tenu du fait que ladite réserve est incompatible avec l’objet et le but
de la Convention ;
c) De modifier le Code pénal afin de relever l’âge de la responsabilité
pénale pour les infractions relevant du qisas et des houdoud à 18 ans pour tous les
- 230 -
A/HRC/40/67
GE.19-01422 21
enfants, et de veiller à ce que tous les enfants soient traités de manière égale et sans
discrimination au sein du système de justice pénale.
74. Le Rapporteur spécial recommande au pouvoir judiciaire :
a) De suspendre sans attendre toutes les exécutions d’enfants délinquants
prévues et de commuer toutes les peines de mort prononcées à l’encontre d’enfants
délinquants pour des infractions relevant du qisas et des houdoud ;
b) De publier sans délai, dans l’attente d’une révision législative, une
circulaire ordonnant à tous les juges de ne pas condamner à mort des enfants accusés
d’infractions relevant du qisas ou des houdoud et enjoignant les présidents des
tribunaux d’ordonner de nouveaux procès pour tous les enfants en attente
d’exécution, dans le cadre desquels il ne soit pas recouru à la peine de mort.
75. Dans l’attente de la mise en oeuvre des recommandations susmentionnées, et
sans préjudice de l’interdiction de condamner des enfants à mort et d’exécuter des
enfants délinquants énoncée dans la Convention relative aux droits de l’enfant et le
Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Rapporteur spécial
recommande au pouvoir judiciaire :
a) D’imposer aux tribunaux l’obligation de procéder à une évaluation
complète du développement mental des enfants dans toutes les affaires, conformément
à l’article 91 du Code pénal, et de toujours solliciter l’avis d’experts des domaines du
développement de l’enfant, de la psychologie de l’enfant, de la psychiatrie et des
services sociaux liés à l’enfance, ainsi que de l’Organisation iranienne de médecine
légale, afin que l’intéressé soit exempté de la peine de mort ;
b) De veiller à ce que toute évaluation menée au titre de l’article 91 le soit
en partant du principe qu’il y a une incertitude quant au développement mental de
l’enfant et qu’à ce titre la peine de mort ne peut pas être imposée. De faire en sorte
qu’il soit toujours à la charge de l’accusation de prouver de façon certaine le bon
développement mental de l’enfant, conformément à l’article 91. De garantir que
l’enfant se voie accorder le bénéfice du doute si l’évaluation n’est pas faite
immédiatement après l’infraction ;
c) De procéder à un examen rapide, efficace et transparent des dossiers de
tous les enfants délinquants en attente d’exécution et de veiller à ce que ceux-ci soient
représentés en justice et bénéficient de l’appui financier ou autre nécessaire pour
exercer leur droit à un nouveau procès, conformément à ce qui est prévu par
l’article 91 du Code pénal ;
d) De garantir que les enfants qui ont été placés en détention ou arrêtés
soient interrogés uniquement en présence de l’avocat de leur choix, bénéficient
immédiatement d’une aide judiciaire si nécessaire et aient la possibilité de prendre
contact avec le membre de leur famille de leur choix à tout moment, indépendamment
de l’infraction dont ils sont accusés ;
e) De veiller à ce que les juges, au moment d’apprécier la qualité et la
véracité du témoignage ou des aveux de l’enfant, tiennent compte de toutes les
circonstances dans lesquelles l’interrogatoire a été mené, en particulier de l’âge de
l’intéressé, de la durée de la détention et de l’interrogatoire et de la présence
éventuelle de représentants légaux ou d’autres représentants et parents durant
l’interrogatoire ;
f) D’exiger que toutes les personnes qui ont affaire à des enfants au sein du
système de justice pénale, en particulier les juges, les procureurs, les experts
médicaux, les enquêteurs de la police et les autres professionnels de l’application des
lois, suivent des formations spécialisées, continues et systématiques sur les droits de
l’enfant. Dans le cadre de ces formations, les participants devraient apprendre à tenir
compte du développement physique, psychologique, mental et social de l’enfant selon
des modalités qui soient compatibles avec les obligations qui incombent à la
République islamique d’Iran en vertu du droit international des droits de l’homme ;
- 231 -
A/HRC/40/67
22 GE.19-01422
g) D’établir, dans toutes les provinces, des tribunaux de première instance
et d’appel spécialisés et distincts pour enfants, qui seront chargés d’examiner les
affaires qui concernent des enfants accusés d’infractions relevant du qisas et des
houdoud. De s’assurer que les juges qui président ces tribunaux et les procureurs
habilités à les saisir aient un niveau minimum de qualifications professionnelles et de
formation spécialisée en sociologie de l’enfant, en psychologie de l’enfant et en
sciences comportementales de l’enfant ;
h) De veiller à ce que les tribunaux tiennent compte des circonstances dans
lesquelles vit l’enfant concerné et dans lesquelles l’infraction présumée a été commise,
notamment en établissant et en présentant des rapports préalables à la sentence, et en
en tenant pleinement compte. De veiller à ce que les tribunaux disposent de toutes les
informations pertinentes concernant l’enfant, comme son origine sociale et familiale,
sa situation financière, son niveau d’instruction et les circonstances de son mariage.
De faire en sorte que les services sociaux soient dotés des capacités adéquates voulues
pour établir lesdits rapports et aient pour mandat de fournir des conseils en la
matière ;
i) De veiller à ce que la détention avant jugement ne soit utilisée qu’en
dernier recours et pour la durée la plus courte possible pour les enfants accusés
d’infractions, notamment d’infractions relevant du qisas et des houdoud ;
j) De communiquer la liste de tous les enfants qui sont en attente
d’exécution au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et au
Rapporteur spécial.
76. Dans l’attente de l’abolition de la peine de mort pour les enfants délinquants, le
Rapporteur spécial recommande à l’Organisation iranienne de médecine légale et à
d’autres organes d’experts appelés à réaliser des évaluations au titre de l’article 91 :
a) D’évaluer les enfants délinquants de manière à pouvoir déterminer de
manière scientifique, en s’appuyant sur l’observation des faits, s’il y a une certitude
totale quant à leur stade de développement mental au moment de l’infraction,
conformément à l’article 91 du Code pénal. De veiller à ce que ces évaluations
correspondent aux conclusions des experts de tous les domaines pertinents,
notamment ceux du développement de l’enfant, de la psychologie de l’enfant, de la
psychiatrie et des services sociaux liés à l’enfance ;
b) D’accorder le bénéfice du doute à l’enfant délinquant et de conclure
qu’il y a une incertitude lorsqu’il n’est pas possible de se prononcer scientifiquement
et avec une certitude absolue, en particulier si l’évaluation n’est pas faite
immédiatement après l’infraction présumée. D’élaborer et de publier une méthode de
conduite de ces évaluations.
- 232 -
GE.17-16701 (F) 061217 071217

Conseil des droits de l’homme
Groupe de travail sur la détention arbitraire
Avis adoptés par le Groupe de travail sur la détention
arbitraire à sa soixante-dix-neuvième session
(21-25 août 2017),
Avis no 49/2017 concernant Siamak Namazi et Mohammed
Baquer Namazi (République islamique d’Iran)
1. Le Groupe de travail sur la détention arbitraire a été créé par la Commission des
droits de l’homme dans sa résolution 1991/42. Son mandat a été précisé et renouvelé dans
la résolution 1997/50 de la Commission. Conformément à la résolution 60/251 de
l’Assemblée générale et à sa décision 1/102, le Conseil des droits de l’homme a repris le
mandat de la Commission. Dans sa résolution 33/30, du 30 septembre 2016, il a reconduit
le mandat du Groupe de travail pour une nouvelle période de trois ans.
2. Le 23 mai 2017, conformément à ses méthodes de travail (A/HRC/33/66), le Groupe
de travail a transmis au Gouvernement de la République islamique d’Iran une
communication concernant Siamak Namazi et Mohammed Baquer Namazi.
Le Gouvernement n’a pas répondu à la communication. L’État est partie au Pacte
international relatif aux droits civils et politiques.
3. Le Groupe de travail estime que la privation de liberté est arbitraire dans les cas
suivants :
a) Lorsqu’il est manifestement impossible d’invoquer un quelconque fondement
légal pour justifier la privation de liberté (comme dans le cas où une personne est
maintenue en détention après avoir exécuté sa peine ou malgré l’adoption d’une loi
d’amnistie qui lui serait applicable) (catégorie I) ;
b) Lorsque la privation de liberté résulte de l’exercice de droits ou de libertés
garantis par les articles 7, 13, 14, 18, 19, 20 et 21 de la Déclaration universelle des droits de
l’homme et, en ce qui concerne les États parties au Pacte international relatif aux droits
civils et politiques, par les articles 12, 18, 19, 21, 22, 25, 26 et 27 de cet instrument
(catégorie II) ;
c) Lorsque l’inobservation, totale ou partielle, des normes internationales
relatives au droit à un procès équitable, établies dans la Déclaration universelle des droits de
l’homme et dans les instruments internationaux pertinents acceptés par les États intéressés,
est d’une gravité telle qu’elle rend la privation de liberté arbitraire (catégorie III) ;
d) Lorsque des demandeurs d’asile, des immigrants ou des réfugiés font l’objet
d’une rétention administrative prolongée sans possibilité de contrôle ou de recours
administratif ou juridictionnel (catégorie IV) ;
Nations Unies A/HRC/WGAD/2017/49
Assemblée générale Distr. générale
22 septembre 2017
Français
Original : anglais
Annexe 78
- 233 -
A/HRC/WGAD/2017/49
2 GE.17-16701
e) Lorsque la privation de liberté constitue une violation du droit international
pour des raisons de discrimination fondée sur la naissance, l’origine nationale, ethnique ou
sociale, la langue, la religion, la situation économique, l’opinion politique ou autre, le sexe,
l’orientation sexuelle, le handicap ou toute autre situation, qui tend ou peut conduire à
ignorer le principe de l’égalité des êtres humains (catégorie V).
Informations reçues
Communication émanant de la source
4. Siamak Namazi, né en 1971, a la double nationalité iranienne et américaine. Né en
République islamique d’Iran, il a acquis la nationalité américaine par naturalisation en
1993. Il réside habituellement à Dubaï (Émirats arabes unis).
5. La source fait savoir que Siamak Namazi a vécu dans de nombreux pays, notamment
en République islamique d’Iran et aux États-Unis d’Amérique, et qu’il s’est installé
aux Émirats arabes unis en 2007. Également en 2007, Siamak Namazi a été désigné comme
membre des Young Global Leaders (jeunes dirigeants mondiaux) par le Forum économique
mondial. Plus récemment, de 2013 à 2015, il a occupé le poste de directeur de la
planification stratégique pour la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord au sein
d’une compagnie pétrolière, à Dubaï. Selon la source, il n’a jamais fait de politique.
Interrogatoires, arrestation et détention de Siamak Namazi
6. D’après la source, le 18 juillet 2015, M. Namazi a été intercepté par des membres
du Corps des gardiens de la révolution islamique en civil alors qu’il se rendait à l’aéroport
de Téhéran. Il s’apprêtait à retourner aux Émirats arabes unis après avoir rendu visite à ses
parents, à Téhéran, le temps d’un week-end. Les soldats de la Garde révolutionnaire lui ont
brièvement présenté un document, affirmant qu’il s’agissait d’un mandat d’arrêt assorti
d’une interdiction de quitter le territoire. Pendant les quelques secondes où il a pu lire le
document, il aurait aperçu le membre de phrase « collaboration avec le groupe des
Young Global Leaders ».
7. Selon la source, les agents ont escorté M. Namazi jusqu’à une voiture garée dans le
parking de l’aéroport et l’ont forcé à s’asseoir à l’arrière du véhicule. Ils l’ont alors
interrogé pendant plusieurs heures. Tous ses appareils électroniques, notamment son
ordinateur portable, sa tablette et ses appareils mobiles, ont été immédiatement saisis, et ses
passeports américain et iranien lui ont été confisqués. À la fin de l’interrogatoire, les agents
ont dit à M. Namazi qu’ils « resteraient en contact » avec lui et lui ont donné ordre de ne
pas quitter Téhéran. Ils lui ont remis une liste manuscrite des objets qui lui avaient été
confisqués.
8. La source signale que, pendant les trois mois qui ont suivi, Siamak Namazi a été
régulièrement interrogé par des soldats de la Garde révolutionnaire. Il recevait chaque fois
un appel anonyme, au cours duquel son interlocuteur lui indiquait le lieu où il devait se
présenter et l’heure à laquelle il était attendu. La durée et la fréquence des interrogatoires
étaient imprévisibles. Au début, M. Namazi était soumis à un nouvel interrogatoire presque
chaque jour, puis seulement deux ou trois fois par semaine. Parfois, il pouvait se passer
plusieurs jours sans qu’on le convoque. Selon la source, les interrogatoires avaient lieu à
huis clos dans des locaux secrets, et portaient essentiellement sur les liens qu’entretenait
M. Namazi avec l’Occident. Les agents auraient accusé M. Namazi d’espionnage pour le
compte de l’Occident et n’auraient cessé de le sommer à la fois de « prouver son
innocence » et « d’avouer les faits ». Pour lui faire peur, ils lui auraient fait croire à
plusieurs reprises qu’il allait être arrêté. Au milieu d’un interrogatoire, ils faisaient en sorte
que l’on entende crisser des pneus à l’extérieur du bâtiment et lui disaient qu’on allait
l’emmener en prison.
9. Selon la source, M. Namazi avait engagé un avocat pour le représenter, mais ce
dernier n’a pas eu les moyens de le défendre. On aurait en effet fait savoir à l’avocat que,
selon la politique officielle, quiconque était accusé d’atteinte à la sécurité nationale devait
être représenté par un « avocat agréé ». L’avocat a demandé à plusieurs reprises qu’on lui
montre la liste censée comporter le nom des avocats agréés, mais il n’a jamais pu la voir.
- 234 -
A/HRC/WGAD/2017/49
GE.17-16701 3
M. Namazi n’a donc pas pu bénéficier de la présence d’un avocat au cours de ses
interrogatoires.
10. La source signale que, le 13 octobre 2015, des soldats de la Garde révolutionnaire
ont arrêté M. Namazi pour espionnage et collusion avec un État ennemi, sans produire
aucune preuve formelle, ni présenter de mandat. M. Namazi aurait été arrêté dans un lieu où
il se rendait régulièrement depuis trois mois pour y être interrogé. La source note que, s’il
se peut qu’un document établissant la « base légale » de son arrestation ait été brièvement
montré à M. Namazi au moment de son inculpation, les avocats de l’intéressé n’ont pas pu
consulter ce document. M. Namazi aurait été inculpé en secret ; aucun acte d’inculpation
n’aurait été publié ou remis à ses avocats.
11. D’après la source, depuis la date de son arrestation, M. Namazi est détenu dans le
quartier 2A de la prison d’Evin, qui est administré par la Garde révolutionnaire. Au cours
de sa détention provisoire, ni sa famille, ni ses avocats n’auraient été informés des motifs
exacts de son arrestation et des dispositions du droit iranien qu’il était précisément accusé
d’avoir enfreintes. D’après la source, il est possible que M. Namazi ait été informé, en
privé, des chefs retenus contre lui au cours de sa détention, mais c’est peu probable. Depuis
sa condamnation, l’intéressé est détenu pour « collaboration avec un Gouvernement
hostile », en référence aux États-Unis. Il a par la suite été précisé qu’il avait été condamné
sur le fondement de l’article 508 du Code pénal islamique, lequel dispose que quiconque
coopère, par quelque moyen que ce soit, avec d’autres États en vue de nuire à
la République islamique d’Iran, s’il n’est pas considéré comme un mohareb (ennemi
de Dieu), est passible d’une peine d’une à dix années d’emprisonnement.
Arrestation et détention de Mohammed Baquer Namazi
12. Mohammed Baquer Namazi, né en 1936, a la double nationalité iranienne et
américaine. Il est marié et est le père de Siamak Namazi. Il réside habituellement à Téhéran.
13. Le source explique que Baquer Namazi était gouverneur de la province
de Khuzestan sous le régime du Shah. Lorsque le régime a été renversé en 1979, il a quitté
le Gouvernement et a continué de vivre en République islamique d’Iran pendant plusieurs
années. Soumis à des pressions de plus en plus fortes, il aurait fui le pays en 1983 et se
serait finalement installé aux États-Unis, dont il a acquis la nationalité par naturalisation. Il
aurait consacré le reste de sa carrière à la lutte contre la pauvreté. De 1984 à 1997, il a
exercé les fonctions de représentant du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF)
et a travaillé dans plusieurs pays, s’intéressant essentiellement à la cause des personnes
vulnérables et à l’aide aux femmes et aux enfants touchés par la guerre. Il a cessé d’exercer
ses fonctions à l’UNICEF en 1997, mais a continué d’oeuvrer à l’élimination de la pauvreté
en tant que bénévole au sein de la société civile.
14. La source fait savoir qu’après l’arrestation et l’incarcération de son fils, M. Namazi
a tenté deux ou trois fois chaque semaine de rendre visite à ce dernier à la prison d’Evin,
mais n’a jamais été autorisé à le voir, même sur présentation de lettres d’autorisation
émanant de l’administration pénitentiaire.
15. Le 21 février 2016, ou aux alentours de cette date, alors que Baquer Namazi se
rendait à Dubaï pour rendre visite à des membres de sa famille, son épouse a reçu un appel
d’un responsable de la prison d’Evin, qui l’a informée qu’une autorisation spéciale avait été
accordée à Baquer Namazi pour lui permettre de rendre visite à son fils, mais que cette
autorisation n’était valable que pour le 24 février 2016. À l’époque, on venait également
d’apprendre que Siamak Namazi avait entamé une grève de la faim. Baquer Namazi a
immédiatement modifié ses projets de voyage pour retourner à Téhéran.
16. D’après la source, Baquer Namazi a été arrêté au bureau de contrôle des passeports
de l’aéroport de Téhéran à son arrivée, le 22 février 2016. Il aurait été intercepté par
environ sept ou huit soldats de la Garde révolutionnaire. Il a ensuite été interrogé par les
soldats de la Garde révolutionnaire et escorté jusqu’à son domicile, qui a fait l’objet d’une
perquisition minutieuse.
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A/HRC/WGAD/2017/49
4 GE.17-16701
17. Selon la source, les soldats de la Garde révolutionnaire n’ont pas présenté de mandat
d’arrêt délivré par une autorité judiciaire. Pendant la perquisition au domicile de
M. Namazi, ils ont présenté un document dont ils disaient qu’il s’agissait d’un mandat de
perquisition, assorti d’une autorisation de présenter M. Namazi à un juge, mais M. Namazi
n’a pas pu vérifier qu’ils disaient vrai, puisqu’il n’avait pas d’avocat à ses côtés à ce
moment-là et n’a, du reste, jamais pu obtenir de copie de ce document. Quoi qu’il en soit, la
source souligne qu’il ne s’agissait pas d’un mandat d’arrêt ; d’ailleurs, les soldats de
la Garde auraient assuré à M. Namazi et à son épouse qu’ils ne procédaient pas à
l’arrestation de M. Namazi. Au cours de la perquisition, les soldats de la Garde auraient
confisqué les appareils électroniques de M. Namazi, ainsi que ses passeports et plusieurs
photographies et documents personnels. Quelques jours plus tard, bon nombre des
photographies confisquées auraient été diffusées dans les médias publics iraniens dans le
cadre de leurs comptes rendus de l’affaire.
18. Pendant toute la durée de la perquisition, Baquer Namazi a demandé des nouvelles
de son fils, mais les soldats de la Garde auraient refusé de le renseigner. M. Namazi a été
conduit à la prison d’Evin le soir même et placé dans le quartier administré par la Garde
révolutionnaire dans lequel se trouvait son fils. Quelques jours après son arrestation, il a
laissé un message sur le répondeur de son domicile − il s’agissait là de son premier contact
avec l’extérieur depuis son arrestation − demandant à sa famille de ne pas ébruiter
l’arrestation et faisant savoir qu’il avait été inculpé des mêmes chefs de caractère général
que son fils.
19. Selon la source, s’il est possible que Baquer Namazi ait été informé de vive voix
qu’il était arrêté pour collaboration avec les États-Unis, on ne lui a présenté, ni au moment
de son arrestation, ni plus tard au cours de sa détention, aucun document écrit précisant les
dispositions législatives qu’il était accusé d’avoir enfreintes.
20. D’après la source, les autorités ont par la suite retenu les chefs d’espionnage et de
collusion avec un État ennemi pour justifier l’arrestation de M. Namazi sans produire aucun
élément de preuve formel. Elles n’ont pas précisé les motifs exacts de l’arrestation de
M. Namazi au cours de sa détention provisoire. Depuis sa condamnation, l’intéressé est
détenu pour « collaboration avec un Gouvernement hostile », en référence aux États-Unis,
également sur le fondement de l’article 508 du Code pénal islamique.
21. Au moment où la source a soumis la communication, M. Namazi était encore détenu
dans le quartier 2A de la prison d’Evin.
Jugement et appel
22. D’après la source, les seules et uniques audiences tenues dans le cadre des procès de
première instance des intéressés ont eu lieu au début du mois d’octobre 2016 : le 1er octobre
pour Siamak Namazi, le 5 pour Baquer Namazi. Les deux audiences se seraient tenues à
huis clos (ni la presse, ni le public n’ayant été autorisés à y assister) devant le Président de
la 15e chambre du Tribunal révolutionnaire islamique de Téhéran, lequel serait connu pour
prononcer de lourdes peines dans les affaires de nature politique.
23. Avant les audiences, MM. Siamak Namazi et Mohammed Baquer Namazi ont eu un
accès extrêmement limité à une représentation en justice. Ils n’auraient été autorisés à voir
leurs avocats que trente minutes quelques jours avant les audiences, et ce bien qu’ils aient
préalablement tenté à de nombreuses reprises de s’entretenir avec ceux-ci. Les avocats
n’ont pu prendre connaissance des dossiers des deux affaires et des preuves à charge que
quelques jours avant l’ouverture des procès ; il leur a donc été pratiquement impossible de
préparer convenablement la défense des intéressés. En outre, ils ont uniquement été
autorisés à consulter les dossiers sur place et n’ont pas pu en faire ou en obtenir de copies.
D’après la source, on ignore d’ailleurs si ces dossiers étaient complets.
24. Selon la source, les audiences ont duré à peine deux heures, au cours desquelles
MM. Siamak Namazi et Mohammed Baquer Namazi auraient été privés du droit fondamental
d’être jugés équitablement. Ils n’ont pas été autorisés à produire de preuves, ni à faire
entendre des témoins et n’ont pas véritablement eu la possibilité de contester les accusations
portées contre eux et les preuves à charge, alors même que la Garde révolutionnaire les avait
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A/HRC/WGAD/2017/49
GE.17-16701 5
interrogés sans relâche pendant plusieurs mois au préalable et sans autoriser la présence d’un
avocat à leurs côtés.
25. Le 17 octobre 2016, les deux individus auraient été condamnés à une peine de
dix années d’emprisonnement pour « collusion avec un État ennemi », en référence
aux États-Unis. Il s’agirait là de la peine maximale dont sont passibles les infractions visées
par l’article 508 du Code pénal islamique. Les Namazi n’ont reçu aucune copie des
jugements. En parallèle, des sites Web et des médias rattachés à la Garde révolutionnaire
auraient mené sans relâche une campagne de dénigrement à l’égard des deux hommes, les
qualifiant d’« infiltrés » à la solde des États-Unis et diffusant des images de leurs
passeports et des photographies, prises au domicile de la famille Namazi par les soldats de
la Garde révolutionnaire.
26. D’après la source, MM. Siamak Namazi et Mohammed Baquer Namazi ont
immédiatement fait appel de leur condamnation, mais il s’agissait là d’un recours pour le
moins sommaire puisqu’ils n’avaient pu consulter ni les preuves à charge, ni le jugement
définitif rendu par le tribunal de première instance.
27. La source signale qu’une audience d’appel s’est tenue le 1er mars 2017 devant la
36e chambre de la Cour d’appel ; à cette occasion, la Cour a examiné les deux affaires.
L’audience a duré en tout et pour tout deux ou trois heures. Siamak Namazi serait arrivé
dans la salle d’audience en retard, les soldats de la Garde qui l’escortaient ayant prétendu
s’être égarés ; pour la source, il est probable que ces derniers aient volontairement cherché
à compromettre le bon déroulement de la procédure d’appel. Le juge n’a ni renvoyé, ni
prolongé l’audience pour rattraper ce retard. En conséquence, l’affaire concernant
Baquer Namazi a été examinée pendant environ deux heures, tandis que celle concernant
Siamak Namazi ne l’a été que pendant trente à quarante-cinq minutes.
28. D’après la source, les deux affaires devaient être examinées en appel par une
formation de trois juges ; or, un seul juge était en réalité présent à l’audience. La presse et
le public n’ont pas été, là non plus, autorisés à assister à l’audience. On ignore en outre
quand la Cour d’appel se prononcera sur les deux affaires.
Situation actuelle
29. Selon la source, les Namazi sont détenus dans le quartier 2A de la prison d’Evin.
Il s’agit d’un quartier particulier de la prison qui est placé sous l’autorité exclusive de
la Garde révolutionnaire, laquelle l’administrerait sans aucun semblant de transparence, ni
de légalité. Siamak Namazi, qui aurait fait l’objet de tentatives d’intimidation, est
régulièrement soumis à de longs interrogatoires par les soldats de la Garde révolutionnaire,
et ce même depuis qu’il a été condamné. Il lui arrive encore d’être placé à l’isolement
pendant de longues périodes. Sa cellule est obscure, froide et humide, et n’est même pas
équipée d’un lit, ce qui l’oblige à dormir à même le sol de béton. Au départ, M. Namazi
n’avait reçu aucun vêtement chaud, même en hiver, lorsque la température avait commencé
à chuter. Il aurait en outre été torturé par des soldats de la Garde, qui l’auraient roué de
coups, lui auraient administré des décharges de pistolet à impulsion électrique et l’auraient
forcé à regarder des vidéos de propagande diffusées à son sujet par les pouvoirs publics,
dans lesquelles on pouvait voir des images de son père en prison.
30. Selon les informations reçues, M. Namazi a également été informé plusieurs fois que
son père était gravement malade et qu’on l’avait emmené à l’hôpital. En prison, il aurait
entamé une grève de la faim et aurait déjà perdu 12 kilos. Bien qu’il ait signalé à différentes
occasions aux soldats de la Garde révolutionnaire qu’il était souffrant, il n’a reçu aucun
traitement. La source fait savoir que les souffrances physiques et psychiques délibérément
infligées à M. Namazi, auxquelles s’ajoute son isolement de longue durée, ont entraîné une
détérioration de son état de santé physique et mentale. Les membres de sa famille avec
lesquels il s’est entretenu craignent fort, au vu des conversations qu’ils ont eues avec lui,
qu’il ne soit désormais suicidaire.
31. Baquer Namazi, qui est âgé de 81 ans, serait détenu dans des conditions tout aussi
difficiles, et notamment soumis à de longues périodes d’emprisonnement cellulaire.
M. Namazi souffre de troubles cardiaques graves, notamment d’arythmie cardiaque,
affection qui nécessite un traitement médicamenteux. Son état cardiaque lui a déjà valu de
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6 GE.17-16701
subir un triple pontage. Depuis qu’il a été incarcéré, il a perdu au moins 14 kilos et n’a plus,
loin s’en faut, le dynamisme dont il faisait preuve auparavant. D’après la source, depuis
l’arrestation de M. Namazi, la Garde révolutionnaire a fait transférer ce dernier par deux
fois dans un hôpital externe où il a séjourné pendant plusieurs jours, sans que sa famille
reçoive aucune explication à ce sujet. Cette mesure, très inhabituelle, atteste l’état de santé
critique de l’intéressé. Le 8 avril 2017, on a posé à M. Namazi un holter cardiaque. Selon la
source, il se pourrait que l’arythmie dont souffre M. Namazi nécessite la mise en place d’un
stimulateur cardiaque. Avant l’arrestation et la détention de M. Namazi, son médecin avait
noté que la mise en place d’un tel dispositif serait à envisager à l’avenir ; aujourd’hui,
l’intervention immédiate d’un médecin est impérative. La famille de M. Namazi a demandé
en urgence que le cardiologue de ce dernier soit autorisé à l’examiner, mais la demande n’a
pas abouti et le Bureau d’État aux affaires médicales a informé la famille qu’il lui faudrait
sans doute « plusieurs mois » pour examiner le dossier.
32. Depuis plus d’un an, les Namazi n’auraient que très rarement la possibilité de voir
leur famille. Jusque récemment, on ne leur autorisait qu’une seule visite par mois, alors que
d’autres détenus placés dans le même quartier de la prison auraient la possibilité de recevoir
des visites hebdomadaires. En outre, les intéressés sont uniquement autorisés à recevoir la
visite de la mère de Siamak Namazi, qui est aussi l’épouse de Baquer Namazi.
Baquer Namazi a reçu une visite mensuelle d’une durée d’environ quarante-cinq minutes ;
quant à Siamak Namazi, il reçoit chaque mois une visite d’une durée de quinze à
vingt minutes à peine. Avant le 28 février 2017, père et fils n’étaient pas autorisés à se voir,
alors même qu’ils étaient détenus dans le même quartier de la prison.
Classification employée par le Groupe de travail
33. La source affirme que la détention de MM. Siamak Namazi et Mohammed Baquer
Namazi constitue une privation arbitraire de liberté relevant des catégories II et III de la
classification employée par le Groupe de travail lorsqu’il examine les affaires dont il est saisi.
Catégorie II
34. La source affirme que le Gouvernement de la République islamique d’Iran a fait
arrêter et détenir les Namazi par représailles, ni plus, ni moins, pour les punir d’avoir
exercé leur droit à la liberté d’association. Elle avance que le maintien en détention des
intéressés résulte directement de l’exercice, par ceux-ci, de leur droit à la liberté
d’association, puisque toutes les accusations portées contre eux se fondent sur leurs liens
avec des organisations occidentales. Les deux hommes ont la nationalité américaine et ont
travaillé aux États-Unis. Siamak Namazi a été scolarisé aux États-Unis et entretient des
liens avec différentes institutions américaines. En outre, au cours des interrogatoires
auxquels a été soumis M. Namazi, ainsi que pendant son procès et au moment de sa
condamnation, il a été sans cesse rappelé que, si le Gouvernement avait des soupçons à son
égard, c’était essentiellement en raison de ces liens. D’après la source, la vidéo de
propagande diffusée sur Internet par l’agence de presse judiciaire de la République
islamique d’Iran environ un an après l’arrestation de M. Namazi est sans doute le
témoignage le plus flagrant des motivations des pouvoirs publics, qui à l’évidence s’en sont
pris aux Namazi en raison de leurs liens avec l’Occident. On voit dans cette vidéo des
images de l’arrestation de M. Namazi directement juxtaposées à une photographie du
passeport américain de M. Namazi et à « un montage d’images axées sur une thématique
anti-américaine ».
Catégorie III
35. La source avance que, le Gouvernement ayant violé, en l’espèce, bon nombre de
règles de procédure tant internationales que nationales, le maintien en détention des Namazi
est arbitraire en ce qu’il relève de la catégorie III. D’après la source, le Gouvernement a
arrêté les deux hommes sans mandat d’arrêt formel, les a maintenus en détention dans des
conditions difficiles pendant des mois sans les inculper, ne leur donnant que très rarement
la possibilité de voir leur famille, n’a pas fait en sorte qu’ils soient jugés publiquement par
un tribunal indépendant et impartial, les a empêchés de préparer leur défense, de faire
entendre des témoins et d’en interroger, ainsi qu’ils en avaient le droit, et a empêché leurs
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A/HRC/WGAD/2017/49
GE.17-16701 7
avocats de prendre connaissance des preuves retenues contre eux. Aucune preuve valable
ou crédible n’a du reste été apportée contre les intéressés.
36. En outre, le Gouvernement n’a pas respecté le droit à la présomption d’innocence, et
a limité considérablement l’exercice, par les intéressés, de leur droit de bénéficier des
services d’un avocat et de leur droit d’obtenir un examen adéquat de leur affaire par un
organe d’appel en vertu de la loi. Il a, de plus, systématiquement refusé que les Namazi
soient détenus dans des conditions médicalement adaptées, ce qui constitue un traitement
cruel, inhumain et dégradant. À ce propos, la source relève que, si l’on n’intervient pas, on
ignore combien de temps les Namazi pourront encore supporter les souffrances physiques
et psychiques que leur infligent les soldats de la Garde révolutionnaire. Selon la source, les
souffrances subies par les deux hommes risquent fort de nuire de façon irréversible à leur
santé physique et mentale, ou même d’entraîner leur décès.
Réponse du Gouvernement
37. Le 23 mai 2017, le Groupe de travail a transmis les allégations de la source
au Gouvernement selon sa procédure ordinaire. Il a demandé au Gouvernement de lui faire
parvenir, au plus tard le 24 juillet 2017, des renseignements détaillés sur la situation
actuelle de MM. Siamak Namazi et Mohammed Baquer Namazi, ainsi que toutes
observations relatives aux allégations de la source.
38. Le Groupe de travail regrette de ne pas avoir reçu de réponse du Gouvernement,
d’autant que celui-ci n’a pas demandé de prolongation du délai fixé pour fournir les
informations demandées, ce que les méthodes de travail du Groupe de travail l’autorisent
pourtant à faire.
Examen
39. En l’absence de réponse du Gouvernement, le Groupe de travail a décidé de rendre
le présent avis, conformément au paragraphe 15 de ses méthodes de travail.
40. Les règles de la preuve sont définies dans la jurisprudence du Groupe de travail.
Lorsque la source établit une présomption de violation des règles internationales
constitutive de détention arbitraire, la charge de la preuve incombe au Gouvernement dès
lors que celui-ci décide de contester les allégations (voir A/HRC/19/57, par. 68).
En l’espèce, le Gouvernement a décidé de ne pas contester les allégations à première vue
crédibles formulées par la source.
41. La source affirme que la détention de MM. Siamak Namazi et Mohammed Baquer
Namazi relève des catégories II et III. Le Groupe de travail examinera tour à tour les
allégations concernant l’une et l’autre catégories.
42. La source affirme que la détention de MM. Siamak Namazi et Mohammed Baquer
Namazi relève de la catégorie II en ce qu’elle résulte directement de l’exercice par ces
derniers du droit à la liberté d’association qu’ils tiennent de l’article 22 du Pacte.
Elle soutient que si les Namazi ont été arrêtés et condamnés, c’est uniquement du fait de
leurs liens avec des organisations occidentales puisque, au cours des interrogatoires
auxquels les intéressés ont été soumis, ainsi que pendant leur procès et au moment de leur
condamnation, il a été sans cesse rappelé que le Gouvernement avait des soupçons à leur
égard essentiellement en raison de ces liens.
43. Le Groupe de travail note que la présente affaire est caractéristique d’une tendance
qui se dégage de façon manifeste, à son sens, du traitement réservé par la République
islamique d’Iran aux personnes qui entretiennent des liens avec différentes institutions
occidentales attachées aux valeurs de la démocratie − en particulier aux personnes qui ont
une double nationalité. Il estime que la source a démontré qu’à première vue l’arrestation et
la détention des Namazi avaient été motivées par un facteur discriminatoire, à savoir la
double nationalité américano-iranienne des intéressés et leurs liens avec différentes
organisations sises hors de la République islamique d’Iran. Le Groupe de travail a tenu
compte de différents faits présentés par la source, que le Gouvernement iranien n’a pas
contestés. Premièrement, MM. Siamak Namazi et Mohammed Baquer Namazi ont été
condamnés pour « collaboration avec un Gouvernement hostile », en référence
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aux États-Unis, et sont détenus pour ce motif ; de plus, leurs liens avec les États-Unis et des
« organisations occidentales » ont été au centre de tous les interrogatoires auxquels ils ont
été soumis et de toutes les accusations portées contre eux. Deuxièmement, pendant toute la
durée de l’instruction, les autorités se sont uniquement intéressées aux liens passés et
présents de MM. Siamak Namazi et Mohammed Baquer Namazi avec ces différentes
organisations, et tout particulièrement à leurs liens avec les États-Unis. Troisièmement, les
médias iraniens ont lancé une campagne de dénigrement à l’égard des Namazi en octobre
2016, les qualifiant d’« infiltrés » à la solde des États-Unis et diffusant des images de leurs
passeports ainsi que des photographies, prises au domicile de la famille Namazi par
la Garde révolutionnaire.
44. Le Groupe de travail a conclu, dans plusieurs affaires, au caractère arbitraire de la
détention de binationaux en République islamique d’Iran1. En outre, dans un rapport publié
dernièrement, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République
islamique d’Iran a fait état de la détention de binationaux (voir A/71/418, par. 36 à 38).
Le Groupe de travail estime que la privation arbitraire de liberté de personnes ayant une
double nationalité est en passe de se généraliser en République islamique d’Iran.
45. En outre, rien ne porte à croire que Siamak Namazi et Baquer Namazi aient eu un
casier judiciaire, notamment qu’ils se soient rendus coupables d’atteintes à la sûreté de
l’État, et rien ne permet d’affirmer qu’ils ont jamais agi dans le but de nuire aux intérêts de
la République islamique d’Iran. Siamak Namazi ne s’est d’ailleurs rendu dans le pays que
pour rendre visite à sa famille ; quant à Baquer Namazi, il était retraité et résidait
en République islamique d’Iran. Le Groupe de travail estime par conséquent que
les Namazi ont été pris pour cible en raison de leur origine nationale ou sociale, c’est-à-dire
de leur double nationalité. En l’espèce, il n’est pas convaincu par l’argument, invoqué par
la source, selon lequel MM. Siamak Namazi et Mohammed Baquer Namazi auraient été
arrêtés pour avoir exercé le droit qui leur est reconnu par l’article 22 du Pacte. Il note qu’au
moment de leur arrestation, aucun des deux hommes n’avait exercé ce droit ; il ne dispose
donc pas d’éléments suffisants lui permettant de conclure que l’arrestation et la détention de
MM. Siamak Namazi et Mohammed Baquer Namazi étaient liées à l’exercice par ceux-ci
d’un droit donné, et relevaient par conséquent de la catégorie II. En revanche, il est fondé à
conclure que les intéressés ont été arbitrairement privés de liberté pour des raisons de
discrimination fondée sur leur double nationalité (catégorie V).
46. La source affirme également que l’arrestation et la détention des Namazi relèvent de
la catégorie III. Selon elle, les Namazi ont été arrêtés sans mandat officiel, détenus pendant
plusieurs mois dans des conditions difficiles sans être inculpés et en n’ayant que très
rarement la possibilité de voir leur famille, et n’ont pas été jugés publiquement par un
tribunal indépendant et impartial. La source affirme également que le Gouvernement
iranien a empêché les Namazi de préparer leur défense, de faire entendre des témoins et
d’en interroger, ainsi qu’ils en avaient le droit, et n’a pas permis à leurs avocats de
consulter les preuves retenues contre eux.
47. Le Groupe de travail estime que les allégations de la source font apparaître des
violations du droit de MM. Siamak Namazi et Mohammed Baquer Namazi à un procès
équitable. Plus précisément, les intéressés ont été privés du droit qu’ils tiennent du
paragraphe 3 a) de l’article 14 du Pacte d’être informés dans les plus brefs délais des
accusations portées contre eux, ainsi que du droit qui leur est reconnu par les
paragraphes 3 b) et 3 d) de l’article 14 du Pacte d’être représentés par un avocat. Ils ont
également été privés du droit d’interroger les témoins à charge et n’ont pas pu consulter
l’ensemble des preuves à charge, ce qui constitue une violation du paragraphe 3 e) de
l’article 14 du Pacte. En outre, ils ont tous deux été privés du droit de se défendre au cours
de leur procès puisqu’on les obligeait à garder le silence sauf lorsqu’ils devaient répondre
aux questions posées par le juge, ce qui constitue une violation du paragraphe 3 d) de
l’article 14 du Pacte.
1 Voir, par exemple, les avis nos7/2017, 28/2016, 44/2015 et 18/2013.
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48. Le Groupe de travail note que MM. Siamak Namazi et Mohammed Baquer Namazi
n’ont pas pu obtenir le texte écrit des jugements, ce qui constitue une violation du
paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte, et que le Gouvernement de la République islamique
d’Iran n’a pas donné de raisons pour justifier cela. Il note également que le fait de ne pas
mettre à disposition le texte écrit d’un jugement porte atteinte au droit de recours, en
violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Comme l’a indiqué le Comité des droits
de l’homme au paragraphe 49 de son observation générale no 32 (2007) sur le droit à
l’égalité devant les tribunaux et les cours de justice et à un procès équitable :
Le droit de faire examiner la déclaration de culpabilité ne peut être exercé
utilement que si la personne déclarée coupable peut disposer du texte écrit des
jugements, dûment motivés, de la juridiction de jugement et au moins de ceux de la
première juridiction d’appel lorsque le droit interne prévoit plusieurs instances
d’appel 2 ainsi que d’autres documents, tels que les comptes rendus d’audience,
nécessaires à l’exercice effectif du droit de recours.
49. Le Groupe de travail estime en outre que Siamak Namazi n’a pas pleinement
bénéficié de la présomption d’innocence, consacrée au paragraphe 2 de l’article 14
du Pacte. En l’espèce, la source affirme qu’une vidéo de l’agence de presse judiciaire de
la République islamique d’Iran a été diffusée sur Internet dans laquelle on pouvait voir des
images de l’arrestation de M. Namazi et, en regard, une photographie du passeport
américain de ce dernier et « un montage d’images axées sur une thématique
anti-américaine ». Le Groupe de travail note que cela se serait passé immédiatement avant
ou pendant le procès de M. Namazi et que le Gouvernement de la République islamique
d’Iran a eu l’occasion de s’expliquer en réponse à ces allégations, mais ne l’a pas fait.
50. Au paragraphe 30 de l’observation générale no 32 (2007), il est souligné que du fait
de la présomption d’innocence, consacrée par le paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte, non
seulement les autorités publiques doivent s’abstenir de préjuger de l’issue d’un procès, mais
les médias doivent également éviter de rendre compte de l’actualité d’une manière qui porte
atteinte à la présomption d’innocence. En l’espèce, des informations qui, à l’évidence,
portaient préjudice à Siamak Namazi ont été diffusées par l’agence de presse judiciaire, une
agence de presse officielle publique. Le Groupe de travail estime qu’il s’agissait là d’une
violation des droits reconnus à M. Namazi par le paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte.
51. Compte tenu de toutes les violations énumérées ci-dessus, le Groupe de travail
conclut que les violations de l’article 14 du Pacte sont d’une gravité telle qu’elles rendent la
privation de liberté des Namazi arbitraire (catégorie III).
52. En outre, le Groupe de travail tient à exprimer sa profonde inquiétude au sujet de la
détérioration de l’état de santé de MM. Siamak Namazi et Mohammed Baquer Namazi, en
particulier des allégations de la source selon lesquelles Mohammed Baquer Namazi ne
bénéficie pas de soins médicaux suffisants, ce qui pourrait causer des dommages
irréversibles à sa santé et représente un risque réel pour sa vie. Le Groupe de travail estime
que le traitement subi par les intéressés constitue une violation du droit que ceux-ci tiennent
du paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte d’être traités avec humanité et avec le respect de la
dignité inhérente à l’être humain, et est très loin de satisfaire aux dispositions de
l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus
(Règles Nelson Mandela), en particulier aux règles 24 à 27, 30 et 31, 37, 43 et 45.
53. Enfin, le Groupe de travail prend acte avec préoccupation du silence
du Gouvernement, qui n’a pas saisi l’occasion qui lui était donnée de répondre en temps
voulu aux graves allégations formulées tant dans la communication qui fait l’objet du
présent avis que dans d’autres communications3. Le Groupe de travail renvoie également la
2 Voir communications no 903/1999, Van Hulst c. Pays-Bas, par. 6.4 ; no 709/1996, Bailey c. Jamaïque,
par. 7.2 ; n° 663/1995, Morrison c. Jamaïque, par. 8.5.
3 Voir, par exemple, les avis suivants, rendus par le Groupe de travail concernant la République
islamique d’Iran : nos50/2016, 28/2016, 25/2016, 2/2016, 1/2016, 44/2015, 16/2015, 55/2013,
52/2013, 28/2013, 18/2013, 54/2012, 48/2012, 30/2012, 8/2010, 2/2010, 6/2009, 39/2008, 34/2008,
39/2000, 14/1996, 28/1994 et 1/1992. La République islamique d’Iran a déjà, par le passé,
- 241 -
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10 GE.17-16701
présente affaire au Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République
islamique d’Iran.
54. Le Groupe de travail tient à rappeler 4 qu’il serait heureux d’être invité à se rendre
en République islamique d’Iran pour y collaborer avec le Gouvernement de façon
constructive et lui offrir son assistance en vue de répondre aux préoccupations relatives à la
privation arbitraire de liberté. À ce propos, il note que le 24 juillet 2002, le Gouvernement a
adressé une invitation permanente à tous les titulaires de mandat au titre des procédures
spéciales thématiques.
Dispositif
55. Compte tenu de ce qui précède, le Groupe de travail rend l’avis suivant :
La privation de liberté de M. Siamak Namazi et de M. Mohammed Baquer
Namazi est arbitraire en ce qu’elle est contraire aux articles 9, 10 et 11 de
la Déclaration universelle des droits de l’homme et aux articles 9, 10, 14 et 26 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques et relève des catégories III et V.
56. En conséquence, le Groupe de travail demande au Gouvernement de la République
islamique d’Iran de prendre les mesures qui s’imposent pour remédier sans tarder à la
situation de M. Siamak Namazi et de M. Mohammed Baquer Namazi et la rendre
compatible avec les règles et principes énoncés dans les normes internationales relatives à
la détention, notamment dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte
international relatif aux droits civils et politiques.
57. Le Groupe de travail estime que, compte tenu de toutes les circonstances de
l’espèce, la mesure appropriée consisterait à libérer immédiatement M. Siamak Namazi et
M. Mohammed Baquer Namazi et à leur accorder le droit d’obtenir réparation, notamment
sous la forme d’une indemnisation, conformément au droit international.
58. Conformément au paragraphe 33 a) de ses méthodes de travail, le Groupe de travail
renvoie la présente affaire au Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme
en République islamique d’Iran.
Procédure de suivi
59. Conformément au paragraphe 20 de ses méthodes de travail, le Groupe de travail
prie la source et le Gouvernement de l’informer de toutes mesures prises pour appliquer les
recommandations formulées dans le présent avis, et notamment de lui faire savoir :
a) Si M. Siamak Namazi et M. Mohammed Baquer Namazi ont été mis en
liberté et, le cas échéant, à quelle date ;
b) Si M. Siamak Namazi et M. Mohammed Baquer Namazi ont obtenu
réparation, notamment sous la forme d’une indemnisation ;
c) Si la violation des droits de M. Siamak Namazi et de M. Mohammed Baquer
Namazi a fait l’objet d’une enquête et, le cas échéant, quelle a été l’issue de celle-ci ;
d) Si la République islamique d’Iran a modifié sa législation ou sa pratique afin
de les rendre conformes aux obligations mises à sa charge par le droit international, dans le
droit fil du présent avis ;
e) Si d’autres mesures ont été prises en vue de donner suite au présent avis.
60. Le Gouvernement est invité à informer le Groupe de travail de toute difficulté
rencontrée dans l’application des recommandations formulées dans le présent avis et à lui
faire savoir s’il a besoin qu’une assistance technique supplémentaire lui soit fournie, par
exemple dans le cadre d’une visite du Groupe de travail.
communiqué des informations au Groupe de travail concernant diverses communications ; voir les
avis nos 58/2011, 21/2011, 20/2011, 4/2008, 26/2006, 19/2006, 14/2006, 8/2003 et 30/2001.
4 Voir les avis nos 9/2017, 7/2017, 28/2016, 25/2016 et 50/2015.
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A/HRC/WGAD/2017/49
GE.17-16701 11
61. Le Groupe de travail prie la source et le Gouvernement de lui fournir les
informations demandées dans les six mois suivant la communication du présent avis. Il se
réserve néanmoins le droit de prendre des mesures de suivi si de nouvelles informations
préoccupantes concernant l’affaire sont portées à son attention. Cela lui permettra de faire
savoir au Conseil des droits de l’homme si des progrès ont été accomplis dans l’application
de ses recommandations ou si, au contraire, rien n’a été fait en ce sens.
62. Le Groupe de travail rappelle que le Conseil des droits de l’homme a engagé tous
les États à coopérer avec lui et les a priés de tenir compte de ses avis, de faire le nécessaire
pour remédier à la situation de toutes personnes arbitrairement privées de liberté et de
l’informer des mesures prises à cette fin5.
[Adopté le 22 août 2017]
5 Voir la résolution 33/30 du Conseil des droits de l’homme, par. 3 et 7.
- 243 -
GE.18-15646 (F) 051118 071118

Conseil des droits de l’homme
Groupe de travail sur la détention arbitraire
Avis adoptés par le Groupe de travail sur la détention
arbitraire à sa quatre-vingt deuxième session
(20-24 août 2018)
Avis no 52/2018, concernant Xiyue Wang (République islamique d’Iran)
1. Le Groupe de travail sur la détention arbitraire a été créé par la Commission des
droits de l’homme dans sa résolution 1991/42. Son mandat a été précisé et renouvelé dans
la résolution 1997/50 de la Commission. Conformément à la résolution 60/251 de
l’Assemblée générale et à sa décision 1/102, le Conseil des droits de l’homme a repris le
mandat de la Commission. Dans sa résolution 33/30, il a reconduit le mandat du Groupe de
travail pour une nouvelle période de trois ans.
2. Le 31 janvier 2018, conformément à ses méthodes de travail (A/HRC/36/38),
le Groupe de travail a transmis au Gouvernement de la République islamique d’Iran une
communication concernant Xiyue Wang. Le Gouvernement a répondu à la communication
le 3 mai 2018. L’État est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
3. Le Groupe de travail estime que la privation de liberté est arbitraire dans les cas
suivants :
a) Lorsqu’il est manifestement impossible d’invoquer un quelconque fondement
légal pour justifier la privation de liberté (comme dans le cas où une personne est
maintenue en détention après avoir exécuté sa peine ou malgré l’adoption d’une loi
d’amnistie qui lui serait applicable) (catégorie I) ;
b) Lorsque la privation de liberté résulte de l’exercice de droits ou de libertés
garantis par les articles 7, 13, 14, 18, 19, 20 et 21 de la Déclaration universelle des droits de
l’homme et, en ce qui concerne les États parties au Pacte international relatif aux droits
civils et politiques, par les articles 12, 18, 19, 21, 22, 25, 26 et 27 de cet instrument
(catégorie II) ;
c) Lorsque l’inobservation, totale ou partielle, des normes internationales
relatives au droit à un procès équitable, établies dans la Déclaration universelle des droits
de l’homme et dans les instruments internationaux pertinents acceptés par les États
intéressés, est d’une gravité telle qu’elle rend la privation de liberté arbitraire
(catégorie III) ;
d) Lorsque des demandeurs d’asile, des immigrants ou des réfugiés font l’objet
d’une détention administrative prolongée sans possibilité de contrôle ou de recours
administratif ou juridictionnel (catégorie IV) ;
e) Lorsque la privation de liberté constitue une violation du droit international
pour des raisons de discrimination fondée sur la naissance, l’origine nationale, ethnique ou
sociale, la langue, la religion, la situation économique, l’opinion politique ou autre, le sexe,
Nations Unies A/HRC/WGAD/2018/52
Assemblée générale Distr. générale
21 septembre 2018
Français
Original : anglais
Annexe 79
- 244 -
A/HRC/WGAD/2018/52
2 GE.18-15646
l’orientation sexuelle, le handicap ou toute autre situation, qui tend ou peut conduire à
ignorer le principe de l’égalité des êtres humains (catégorie V).
Informations reçues
Communication émanant de la source
4. M. Wang est un citoyen des États-Unis d’Amérique naturalisé, né à Beijing,
en Chine. Il est âgé de 37 ans et réside la plupart du temps dans le New Jersey, aux
États-Unis.
5. Selon la source, M. Wang prépare actuellement une thèse de doctorat au
Département d’histoire de l’Université de Princeton. Il étudie principalement l’histoire de
l’Europe et de l’Asie. M. Wang est titulaire d’une licence de l’Université de Washington et
d’une maîtrise de l’Université d’Harvard, en études russes et eurasiennes. En septembre
2013, il a entamé un doctorat à l’Université de Princeton. Lorsqu’il a été arrêté par les
autorités iraniennes, à Téhéran, il était sur le point d’entamer pour sa thèse des recherches
sur les questions de gouvernance locale sous les dynasties Kadjar et Pahlavi dans la Perse
historique.
6. En 2016, avec l’autorisation du Gouvernement de la République islamique d’Iran et
l’aval de son programme de troisième cycle de l’Université de Princeton, M. Wang a
effectué deux voyages en Iran pour mener ses recherches, avec un visa étudiant délivré par
le Ministère iranien des affaires étrangères. Le premier de ces voyages, que M. Wang a
effectué avec la permission du Ministère des affaires étrangères pour étudier le farsi au
Dehkhoda Lexicon Institute et au Centre international d’études perses, a eu lieu du
25 janvier au 10 mars 2016 et s’est déroulé sans incident. La source signale toutefois que
M. Wang a soupçonné un piratage de son ordinateur pendant ce voyage.
7. Le 1er mai 2016, M. Wang est retourné en République islamique d’Iran afin de
poursuivre ses études linguistiques et de rassembler des documents d’archives qui
pourraient servir à sa thèse. Il avait l’intention pour cela d’utiliser les archives nationales.
La source indique que M. Wang n’a jamais rien caché de l’objet de ses recherches
historiques et que le Ministère des affaires étrangères avait approuvé son plan de recherche.
Le Département d’histoire de l’Université de Princeton a accordé une bourse à M. Wang
pour couvrir ses frais de voyage, ses cours de langues et ses frais de subsistance pendant
son séjour en Iran. M. Wang a également reçu une subvention supplémentaire du Sharmin
and Bijan Mossavar-Rahmani Center for Iran and Persian Gulf Studies, programme
universitaire apolitique de recherche sur la région rattaché à l’Université de Princeton.
8. Selon la source, lorsque M. Wang se trouvait en République islamique d’Iran, il a
demandé l’autorisation d’examiner deux séries de documents historiques portant sur la
gouvernance régionale à la fin de la période impériale de la dynastie Kadjar. Les dates des
documents demandés allaient de 1880 à 1921. M. Wang n’a effectué aucune recherche et
n’a demandé aucun document sur l’histoire contemporaine. Aucun des documents qu’il a
choisis pour examen n’était confidentiel.
9. La source fait savoir que dans ses communications avec son directeur de thèse et
d’autres responsables de l’Université de Princeton, M. Wang a mentionné le fait qu’un
garde des archives nationales avait exprimé des réserves quant à sa présence dans le
bâtiment des archives et avait laissé entendre que les autorités le considéraient comme un
espion. Toutefois, puisque le Gouvernement l’avait autorisé à mener ses recherches, qui de
surcroît ne portaient que sur de vieux documents d’archives sans aucun rapport avec la
sécurité nationale, M. Wang ne s’est pas inquiété.
10. Le 17 juillet 2016, M. Wang a informé les responsables de l’Université de Princeton
qu’il serait de retour dans les dix jours. Il s’était déjà inquiété de la possibilité que les
autorités iraniennes puissent surveiller ses communications. Le 21 juillet 2016, quatre jours
après que M. Wang eut informé l’Université de Princeton de ses projets, la police
diplomatique iranienne l’a convoqué et l’a interrogé pendant quatre heures, sans la présence
d’un avocat. La source affirme que lors de cette entrevue, l’ordinateur portable et le
passeport de M. Wang lui ont été confisqués et qu’il a reçu l’ordre de regagner son
appartement et d’attendre de nouvelles instructions. La police diplomatique l’a une
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nouvelle fois interrogé une semaine plus tard. Dans l’intervalle, M. Wang a pris contact
avec un avocat iranien. Il a également tenté de communiquer avec les responsables
diplomatiques iraniens pour leur expliquer les raisons de son séjour dans le pays.
11. Le 7 août 2016, la police diplomatique a demandé à M. Wang de se rendre à l’hôtel
Azadi, à Téhéran, pour un nouvel interrogatoire. Plus tard dans la journée, M. Wang a
appelé sa famille et l’a informée que la police diplomatique était avec lui à son appartement
et lui avait demandé de faire ses valises ; il allait être escorté à l’aéroport et pourrait renter
aux États-Unis. Au lieu de cela, le même jour, M. Wang a été arrêté et incarcéré dans le
quartier 209 de la prison d’Evin. La source affirme qu’aucun mandat n’a été présenté et que
l’on ignore donc quelle autorité a ordonné la mise en détention. La source affirme
également que M. Wang a été gardé au secret pendant sept jours sans que sa famille et son
avocat ne sachent où il se trouvait ; ils n’ont appris son incarcération qu’après que son
avocat s’est rendu à la prison d’Evin.
12. Selon la source, M. Wang a passé au moins dix-huit jours en isolement à la prison
d’Evin. De plus, même après que son avocat a appris où se trouvait M. Wang, il n’a été
autorisé à rencontrer son client que le 13 septembre 2016, soit plus d’un mois après son
arrestation, et ce bien qu’il ait introduit de multiples requêtes auprès du tribunal et de la
prison.
13. La source affirme que M. Wang a été interrogé à plusieurs reprises sans la présence
d’un avocat. La source note également que, bien que la République islamique d’Iran et les
États-Unis soient tous deux parties à la Convention de Vienne sur les relations consulaires,
la République islamique d’Iran n’a notifié ni les États-Unis, ni la Suisse (qui représente
le Gouvernement des États-Unis en République islamique d’Iran) de la détention de
M. Wang, en violation de l’article 36 de la Convention.
14. En outre, la source souligne que le Gouvernement a attendu plus de cinq mois avant
d’inculper M. Wang. Entre le 11 et le 13 décembre 2016, un juge d’instruction a tenu des
audiences au cours desquelles M. Wang a été interrogé. Le 22 janvier 2017, le juge a
renvoyé l’affaire devant la section 15 du tribunal révolutionnaire. À ce moment,
le Gouvernement a officiellement accusé M. Wang d’espionnage et de collaboration avec
« l’État hostile » des États-Unis d’Amérique contre la République islamique d’Iran, en
vertu des articles 501 et 508 du Code pénal islamique.
15. La source indique qu’il est difficile de savoir quelles autres dispositions légales ont
pu être invoquées dans l’acte d’accusation car nul n’a eu accès à ce document, hormis
l’avocat iranien de M. Wang. Toutefois, il semblerait que l’acte indiquait que M. Wang
aurait accédé aux archives gouvernementales contre la volonté du Ministère des affaires
étrangères et aurait rassemblé 3 000 pages de documents sensibles qui n’étaient pas
pertinents pour ses recherches. L’acte précisait en outre que M. Wang avait envoyé ces
documents à des entités cherchant à renverser la République islamique d’Iran, parmi
lesquels aurait figuré son directeur de thèse à l’Université de Princeton, lequel aurait
d’ailleurs versé 12 000 dollars à M. Wang en dédommagement de son travail. La source
affirme que toutes ces allégations sont fausses.
16. Selon la source, la section 15 du tribunal révolutionnaire a jugé M. Wang à huis
clos, en violation de son droit à une procédure régulière. Le 29 avril 2017, le Président du
tribunal révolutionnaire a déclaré M. Wang coupable d’espionnage et de collaboration et l’a
condamné à une peine de dix ans d’emprisonnement. L’avocat iranien de M. Wang a
interjeté appel de cette décision. Le 14 août 2017, la section 54 du tribunal révolutionnaire,
siégeant en formation de trois juges, a rejeté l’appel. L’avis du tribunal, qui ne contenait
qu’une seule page, stipulait simplement que ce dernier était d’accord avec la peine imposée
en première instance, sans donner les motifs du rejet de l’appel.
17. La source fait savoir que la détention, le procès et la condamnation de M. Wang
n’ont été rendus publics que le 17 juillet 2017, près d’un an après son arrestation, lorsque
Mizan News Agency, un service de presse qui aurait des liens avec la justice iranienne, a
publié un compte rendu des accusations portées contre lui. Mizan News a avancé que des
centres de recherche américains avaient envoyé leurs représentants et espions
professionnels en République islamique d’Iran pour recueillir des documents et des
informations sous le couvert d’activités universitaires légitimes. Selon le rapport, un
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prétendu « réseau » avait envoyé M. Wang pour s’introduire dans le pays afin de
rassembler des documents classifiés et hautement confidentiels.
18. La source affirme que les autorités ont soumis M. Wang à des traitements cruels et
dégradants qui ont gravement nui à sa santé et mis sa vie en danger. Les communications
échangées par M. Wang avec sa famille pendant son incarcération révèlent qu’après plus de
deux ans de détention, son état mental, émotionnel et physique se détériore rapidement. Il a
perdu du poids et souffre de douleurs thoraciques, de douleurs dorsales sévères, de fièvre,
d’éruptions cutanées, de maux de tête, de vomissements, de maux d’estomac, de douleurs
dentaires aiguës, de blessures aux pieds, d’arthrite, de constipation, d’insomnie et de
diarrhée. La source fait état d’un appel téléphonique entre M. Wang et sa famille, le
21 mars 2017, au cours duquel M. Wang, alors détenu depuis deux cent vingt-sept jours, a
indiqué qu’il souffrait de maux de dos parce qu’il dormait sur un sol dur ainsi que
d’éruptions cutanées qui le démangeaient sur tout le corps. Trois semaines plus tard, il a
signalé que ses genoux étaient si gonflés et douloureux qu’il ne pouvait pas utiliser les
petites toilettes installées de sa cellule.
19. La source affirme également que M. Wang est confiné à l’intérieur pendant de
longues périodes et qu’il lui arrive de ne pas voir la lumière du jour pendant près d’une
semaine. En outre, depuis qu’il est incarcéré, M. Wang souffre de dépression et exprime
des pensées suicidaires à sa famille. Après avoir détenu M. Wang au secret et l’avoir
soumis à des interrogatoires répétés, les autorités l’auraient placé dans une série de cellules
sales, surpeuplées et insalubres du quartier 209. De mars à août 2017, M. Wang a été forcé
de dormir sur le sol d’une cellule de 20 mètres carrés avec jusqu’à 25 autres détenus.
20. Selon la source, M. Wang a également fait l’objet de transferts soudains et
inexpliqués entre quartiers pénitentiaires. Le 14 mars 2017, il a été transféré du quartier 4,
qui abrite des prisonniers de droit commun, au quartier 209. La source note que les
conditions de détention dans le quartier 209 sont pires que dans le quartier 4, et que les
détenus du quartier 209 sont soumis à des interrogatoires prolongés et placés à l’isolement.
Plus récemment, M. Wang a été inopinément transféré dans le quartier 7.
21. Par ailleurs, la source affirme que les autorités n’ont pas séparé M. Wang des autres
détenus. En tant que citoyen américain, M. Wang a été contraint de partager une cellule
avec des détenus extrêmement hostiles, dont un membre du mouvement taliban.
Le 19 juillet 2017, M. Wang a indiqué qu’il avait été roué de coups par ses compagnons de
cellule. Le 6 décembre 2017, après son transfert soudain dans le quartier 7, M. Wang a fait
savoir qu’un détenu appartenant au mouvement taliban avait exprimé sa haine des
États-Unis et menacé de le tuer. Bien que cet incident ait été signalé aux autorités, M. Wang
se trouve toujours dans le quartier 7.
22. La source affirme que les conditions de détention dans la prison, conjuguées aux
mauvais traitements psychologiques et parfois physiques infligés par les gardiens et les
autres détenus, ont eu de graves répercussions sur la santé physique et mentale de
M. Wang. Malgré la détérioration de son état, M. Wang ne reçoit que rarement la visite du
médecin de la prison, qui ne lui fournit qu’un traitement limité. M. Wang n’a pas vu de
dentiste depuis son arrestation. Le 11 septembre 2017, le tribunal a autorisé M. Wang à
recevoir la visite d’un médecin qui puisse traiter les problèmes médicaux négligés par le
médecin de la prison. Néanmoins, M. Wang n’a pas eu accès à des installations médicales
spécialisées extérieures, malgré les multiples demandes de son avocat iranien et de
l’ambassade de Suisse. La source fait valoir que ce comportement viole l’Ensemble de
règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela),
en particulier les règles 24, 25, 27 et 30.
23. La source affirme en outre qu’un représentant de l’ambassade de Suisse n’a pu
effectuer que cinq visites consulaires à M. Wang, la première n’ayant pu avoir lieu que plus
de deux semaines après son arrestation. M. Wang et son avocat iranien ont demandé à
plusieurs reprises que M. Wang ait accès aux livres et aux vêtements expédiés en
République islamique d’Iran par sa famille, mais ils se sont heurtés à la résistance et au
refus du procureur et des gardiens de la prison. L’accès de M. Wang à un téléphone varie
selon le quartier où il est détenu et la bonne volonté des autorités pénitentiaires.
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24. La source ajoute qu’en novembre 2017, la chaîne d’information publique iranienne
Channel 2 a diffusé un reportage de six minutes sur les accusations d’espionnage portées
contre M. Wang, affirmant que le Gouvernement des États-Unis lui avait assigné le sujet de
sa thèse à l’Université de Princeton et qu’il avait rassemblé 4 500 pages de documents à
envoyer aux services secrets américains. Le reportage entrecoupait ces accusations
d’extraits d’un interrogatoire enregistré de M. Wang. La source affirme que cet
interrogatoire a eu lieu après dix-huit jours d’isolement. Au cours de l’interrogatoire,
M. Wang aurait été encerclé par des gardiens de prison et subi d’énormes pressions
destinées à lui extorquer des aveux.
25. Enfin, la source fait observer que, bien qu’il reste techniquement une voie de recours
interne (un recours extraordinaire devant la Cour suprême de la République islamique
d’Iran), cette option n’est pas réellement disponible ou ne constitue pas un moyen de
recours efficace pour un ressortissant des États-Unis tel que M. Wang. Il n’y a aucune
possibilité réaliste que M. Wang puisse avoir gain de cause devant ce tribunal. En droit
international général, un recours local est considéré comme inefficace s’il n’offre pas une
possibilité raisonnable de réparation.
26. Deux ans se sont maintenant écoulés depuis l’arrestation de M. Wang, le 7 août
2016. Il est toujours détenu à la prison d’Evin. La source fait valoir que la détention de
M. Wang est arbitraire en ce qu’elle relève des catégories I, II, III et V.
Catégorie I : absence de fondement légal pour justifier la détention
27. En ce qui concerne la catégorie I, la source fait valoir que les autorités ont arrêté et
emprisonné M. Wang sans fournir de fondement légal, en violation des obligations
internationales de la République islamique d’Iran, et notamment du Pacte. En particulier,
le Gouvernement a violé les paragraphes 1 et 2 de l’article 9 du Pacte, les autorités n’ayant
informé M. Wang ni des raisons de son arrestation, ni des charges retenues contre lui.
La source conclut que les autorités iraniennes n’ont pas fourni de fondement légal pour
l’arrestation de M. Wang, notant qu’aucune accusation formelle n’a été portée contre lui
pendant les cinq mois et demi qui ont suivi son arrestation, le 7 août 2016.
28. En outre, la source affirme que le Gouvernement a violé l’obligation qui lui incombe
en vertu du paragraphe 3 de l’article 9 du Pacte en ne traduisant pas M. Wang devant un
juge dans les meilleurs délais après son arrestation et en le maintenant au secret pendant
une semaine. M. Wang n’a comparu devant un juge d’instruction que le 11 décembre 2016,
soit plus de quatre mois après son arrestation.
29. S’agissant de la durée de la détention provisoire de M. Wang, la source fait observer
que l’affaire n’a été renvoyée devant le Tribunal révolutionnaire que le 22 janvier 2017.
Ce n’est que le 11 mars 2017, plus de sept mois après son arrestation, qu’il a comparu pour
la première fois devant la section 15 du tribunal révolutionnaire, le tribunal qui l’a
finalement jugé et condamné. Bien que le droit international ne fixe pas de limite stricte à
une période « raisonnable » de détention provisoire, les circonstances de cette affaire
permettent de conclure que cette période prolongée de détention n’était pas raisonnable.
La source note que le Gouvernement n’a jamais expliqué le retard pris dans le dépôt
d’accusations officielles et le jugement de l’affaire de M. Wang.
30. La source affirme que lorsque les autorités ont finalement inculpé M. Wang, elles
l’ont fait pour crime d’espionnage, ce qui est une accusation vague et exagérément large
que le Gouvernement utilise régulièrement comme prétexte pour arrêter des étrangers. Cette
accusation ne satisfait pas à l’exigence du Pacte selon laquelle le fondement juridique de la
détention doit être défini avec suffisamment de précision pour éviter une interprétation ou
une application trop large ou arbitraire1.
31. De plus, M. Wang a été reconnu coupable d’espionnage et de coopération avec un
État hostile sans fondement légal en droit iranien. Selon la source, rien n’indique que
M. Wang ait commis les actes correspondant à la définition du crime dont il est accusé, tels
1 Voir Comité des droits de l’homme, observation générale no 35 (2014) sur la liberté et la sécurité de
la personne, par. 22.
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que définis aux articles 501 et 508 du Code pénal islamique. Les demandes de recherche de
M. Wang ne portaient que sur des documents publiés entre 1880 et 1921, et ne pouvaient
contenir aucune information relative aux politiques nationales ou internationales de l’État
iranien moderne. En outre, les documents demandés par M. Wang ne portaient aucune
marque indiquant un contenu sensible. Il s’agissait essentiellement de coupures de
journaux, et les informations qu’elles contenaient étaient donc, à l’origine, accessibles au
public. De même, M. Wang n’a pas coopéré avec des États étrangers contre la République
islamique d’Iran, car il n’a reçu aucun financement du Gouvernement des États-Unis pour
ses recherches et n’a jamais servi dans l’armée américaine ni été employé par
le Gouvernement américain.
Catégorie II : exercice des droits fondamentaux
32. En ce qui concerne la catégorie II, la source affirme que la détention de M. Wang
résulte directement d’un comportement protégé par l’article 19 du Pacte. M. Wang s’est
rendu en République islamique d’Iran pour y effectuer des recherches sur la gouvernance
des dynasties Kadjar et Pahlavi au XIXe et au début du XXe siècles. Il exerçait
pacifiquement son droit de rechercher et de recevoir des informations à des fins
académiques sous la forme de documents historiques détenus par un organisme public.
33. En outre, la source note que de toute évidence, les documents que M. Wang a
cherché à examiner ne compromettent nullement la sécurité nationale de la République
islamique d’Iran. Rappelons que les documents en question étaient des documents
historiques non classifiés datant de plus d’un siècle. Ils ne contenaient aucune information
relative à la sécurité nationale, n’avaient aucun lien avec les opérations du Gouvernement
actuel et n’avaient pas été classifiés ou marqués comme tels. En vertu du paragraphe 3 de
l’article 19 du Pacte, les lois iraniennes sur l’espionnage ne s’appliquent pas à M. Wang car
il ne s’agit pas de défendre un intérêt légitime tel que la protection de la sécurité nationale.
Catégorie III : droit à une procédure régulière
34. S’agissant de la catégorie III, la source fait valoir que des violations des normes de
procédure les plus élémentaires ont été constatées tout au long de la détention de M. Wang,
avant et après son jugement. Plus précisément, la source affirme que la détention provisoire
de M. Wang viole l’article 9 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et
l’article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Les autorités ont
arrêté M. Wang sans l’informer des raisons de son arrestation ni des accusations portées
contre lui. Aucune accusation n’a été officiellement portée pendant les cinq mois et demi
qui ont suivi son arrestation, période pendant laquelle M. Wang a été maintenu en
détention, y compris à l’isolement. M. Wang n’a pas été immédiatement traduit devant un
juge et a été détenu pendant plus de sept mois avant le début de son procès.
35. La source affirme également que le procès de M. Wang constitue une violation de
l’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et le paragraphe 1 de
l’article 14 du Pacte. Le procès de M. Wang n’a été ni équitable ni public, et le tribunal
n’était ni indépendant ni impartial. M. Wang a été jugé par le tribunal révolutionnaire
devant un juge connu pour ses procès-spectacles politiques et soupçonné d’avoir des liens
avec la communauté du renseignement, qui ne peut donc être considéré comme impartial
par un observateur raisonnable2.
36. Le droit de M. Wang à un procès public a également été bafoué, puisque la
procédure s’est déroulée à huis clos. La source fait valoir que l’exclusion du public et des
avocats américains de M. Wang lors du procès ne saurait être justifiée par l’exception
relative à la sécurité nationale et à l’ordre public prévue par le Pacte, qui est
traditionnellement invoquée en cas d’activité terroriste, de fuite d’informations
confidentielles et d’autres menaces graves pour la sécurité publique. L’avocat iranien de
2 Voir Comité des droits de l’homme, observation générale no 32 (2007) sur le droit à l’égalité devant
les tribunaux et les cours de justice et à un procès équitable, par. 21. Voir aussi l’avis no 44/2015
du Groupe de travail, par. 13, dans lequel la source a présenté une communication similaire
concernant le même juge, notant que ce dernier avait été sanctionné par l’Union européenne en 2011
pour violation des droits de l’homme.
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M. Wang n’a même pas été autorisé à communiquer des informations à ses confrères
américains, ce qui a entravé les efforts qu’ils mettaient en oeuvre pour lui venir en aide.
Il n’a pas non plus été autorisé à appeler des témoins ou à parler au nom de M. Wang
jusqu’à la fin du procès.
37. La source affirme en outre que le Gouvernement a violé l’article 11 de
la Déclaration universelle des droits de l’homme et le paragraphe 3 de l’article 14 du Pacte,
car les limites imposées par le pouvoir judiciaire, notamment l’extrême confidentialité,
rendent impossible la présentation d’une défense adéquate. Seul l’avocat iranien de
M. Wang a eu accès à l’acte d’accusation et aux preuves à charge. En outre, sans aucune
explication, le tribunal révolutionnaire a rejeté la demande de M. Wang de faire appel aux
services d’un avocat iranien expérimenté pour l’assister dans sa défense. La source note que
la Cour a peut-être retiré du dossier certains éléments de preuve recueillis par les services
de renseignement iraniens, empêchant l’avocat iranien de M. Wang de contester les charges
retenues contre son client.
38. Selon la source, les autorités iraniennes ont violé les paragraphes 2 et 3 g) de
l’article 14 du Pacte en forçant M. Wang à signer des aveux sous la contrainte. En outre, la
source fait valoir que les conditions de détention médiocres ont nui à la capacité de
M. Wang de préparer sa défense.
Catégorie V : discrimination
39. En ce qui concerne la catégorie V, la source fait valoir que l’arrestation de M. Wang
était discriminatoire et violait les obligations de la République islamique d’Iran en matière
de droits de l’homme énoncées au paragraphe 1 de l’article 2 et à l’article 26 du Pacte.
Les poursuites engagées contre M. Wang, les déclarations publiques du pouvoir judiciaire
iranien, la discrimination fondée sur la nationalité exercée par la République islamique
d’Iran et le contexte politique général sont autant d’éléments qui indiquent que la détention
de M. Wang était motivée par son statut de citoyen américain.
Réponse du Gouvernement
40. Le 31 janvier 2018, suivant sa procédure ordinaire, le Groupe de travail a transmis
les allégations de la source au Gouvernement de la République islamique d’Iran et lui a
demandé de fournir, avant le 3 avril 2018, des informations détaillées sur la situation
actuelle de M. Wang. Le Groupe de travail a également demandé au Gouvernement de
clarifier les motifs juridiques justifiant le maintien en détention de M. Wang et de fournir
des précisions sur la conformité de cette détention avec les obligations de l’État au titre du
droit international humanitaire. Le Groupe de travail a par ailleurs demandé au
Gouvernement de garantir l’intégrité physique et mentale de M. Wang.
41. Le 2 février 2018, le Gouvernement a demandé une prolongation du délai de réponse
qui lui avait été imparti, prolongation qui lui a été accordée jusqu’au 3 mai 2018.
Le Gouvernement a transmis sa réponse le 3 mai 2018.
42. Dans sa réponse, le Gouvernement indique que M. Wang avait reçu un visa d’études
du Ministère de la science, de la recherche et de la technologie pour étudier le farsi au
Dehkhoda Institute. Toutefois, bien qu’il lui ait été interdit d’accéder aux documents et aux
lieux demandés, M. Wang a soudoyé des employés et obtenu illégalement l’accès aux
documents d’archives de la bibliothèque nationale, aux documents de l’Assemblée
consultative islamique (Parlement) et aux archives du Ministère des affaires étrangères3
sous prétexte de mener des recherches universitaires.
43. Selon le Gouvernement, une enquête plus approfondie a révélé que l’étude de
M. Wang avait servi de couverture pour le déclenchement d’une crise ethnique en
République islamique d’Iran. Il a été interrogé par la police au sujet de ces actes criminels.
3 Le Gouvernement indique que ces documents ont été demandés par M. Wang aux fins d’une étude
comparative de la gouvernance de la République islamique d’Iran et de l’Empire russe en ce qui
concerne la région et l’ethnicité turkmènes, c’est-à-dire une étude comparative du Turkménistan en
Fédération de Russie et du Turkmène Sahra en République islamique d’Iran.
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Le 17 août 2016, M. Wang a été inculpé dans le hall de l’hôtel Azadi et une ordonnance du
tribunal (no 950056) lui a été présentée. Il a été autorisé à contacter immédiatement sa
famille et a été informé des accusations portées contre lui dès le moment de son arrestation.
Le Gouvernement nie que M. Wang ait reçu l’autorisation de retourner aux États-Unis.
M. Wang a été conduit à la prison d’Evin, une prison enregistrée de Téhéran, où il a subi un
examen médical qui n’a révélé aucun problème de santé.
44. Le Gouvernement note que dans un nombre très limité d’affaires, le juge peut
ordonner le placement à l’isolement au cours de l’enquête afin de prévenir toute collusion
entre le suspect et d’éventuels complices. Conformément au paragraphe 4 de l’article 175
du décret exécutif relatif à l’organisation des établissements pénitentiaires,
l’emprisonnement en unité individuelle est prévu, à titre de sanction disciplinaire, pour une
durée maximale de vingt jours. Un détenu soumis à une telle sanction jouit des mêmes
droits que tous les autres. Le règlement définit les conditions d’application de cette
sanction, y compris son application aux personnes accusées d’infractions terroristes ou
d’activités compromettant la sécurité nationale.
45. Dans le cas de M. Wang, toutes les dispositions légales pertinentes ont été
scrupuleusement respectées : pendant les quelques jours qu’il a passés en isolement, il a été
supervisé par l’Organisation pénitentiaire et l’isolement a été ordonné par un juge pour
permettre d’achever l’enquête et prévenir toute collusion. Pendant la courte période de son
isolement, les droits de M. Wang ont été respectés et il a eu accès à la télévision, au
réfrigérateur, au mobilier, aux médias et aux installations sanitaires.
46. En outre, l’ambassade de Suisse à Téhéran a été informée par le Ministère des
affaires étrangères qu’un citoyen américain avait été arrêté. L’avocat de l’ambassade de
Suisse a pu suivre l’évolution de l’affaire dès la fin de la première semaine de détention de
M. Wang, et a rencontré ce dernier le 13 septembre 2016. L’ambassadeur de Suisse a
également rencontré M. Wang le 14 septembre 2016, et les autorités suisses ont rencontré
M. Wang à cinq reprises. Toutes les exigences légales applicables aux étrangers, y compris
l’accès à un interprète et la protection consulaire, ont été respectées.
47. Selon le Gouvernement, après réception d’un rapport de la police, M. Wang a été
convoqué par les autorités judiciaires. En raison de la nécessité d’achever l’enquête, l’ordre
de détention de M. Wang a été renouvelé tous les mois par les autorités judiciaires.
Le Gouvernement fait valoir que le délai de procédure était raisonnable.
48. Après la clôture de l’enquête, le 7 janvier 2017, l’acte d’accusation a été transmis à
la juridiction compétente pour fixer la date de l’audience. L’acte d’accusation préliminaire
contenait des détails sur les infractions présumées, y compris les contacts de M. Wang avec
des organisations cherchant à renverser la République islamique d’Iran. Il expliquait aussi
en détail comment M. Wang travaillait pour ces groupes et recevait de l’argent pour
recueillir des informations et des renseignements. Le Gouvernement note que l’accès aux
documents des bibliothèques et archives mentionnées dans la communication de la source
nécessite une autorisation que M. Wang n’avait pas et qu’il lui a été officiellement interdit
d’utiliser ces archives. Il n’a pu avoir accès aux documents que par la corruption, et ses
activités indiquaient qu’il se livrait délibérément à des actes d’espionnage.
49. Le tribunal a déclaré M. Wang coupable et, conformément aux articles 215 et 508
du Code pénal islamique, l’a condamné à une peine de dix ans d’emprisonnement. Il a été
demandé à M. Wang de rembourser les fonds qu’il avait reçus pour ses services illégaux.
Le Gouvernement déclare que les conditions d’un procès équitable ont été remplies.
L’article 352 du Code de procédure pénale dispose que le tribunal peut, à sa discrétion, se
réunir à huis clos et si la sécurité publique l’exige. Étant donné que les charges retenues
contre M. Wang impliquaient des activités d’espionnage, le tribunal a tenu le procès à huis
clos.
50. La décision a ensuite fait l’objet d’un appel, mais a été confirmée par la cour
d’appel. Le 12 août 2017, les trois juges de la cour d’appel ont indiqué que M. Wang
n’avait pas motivé sa demande ; ils ont conclu que le jugement initial avait été rendu
conformément aux preuves et d’une manière motivée et documentée sur la base des mêmes
documents soumis par le défendeur en première instance et en appel. Le pouvoir judiciaire
- 251 -
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GE.18-15646 9
n’est pas tenu de divulguer la nouvelle de l’arrestation ou du procès d’une personne, et une
condamnation ne peut être rendue publique qu’après le prononcé du verdict final.
51. Le Gouvernement déclare que M. Wang jouit des mêmes commodités que les autres
détenus, y compris la nourriture, la climatisation, les médias et les appels téléphoniques
avec sa famille. Il a accès aux installations médicales et thérapeutiques appropriées.
La santé de M. Wang est normale, hormis une allergie cutanée préexistante. M. Wang a une
certaine maîtrise du farsi et est autorisé à communiquer avec d’autres personnes dans la
prison. Le Gouvernement a fourni la liste des dates des contacts, des visites et des
rendez-vous médicaux de M. Wang.
52. Le Gouvernement rappelle que toutes les prisons de la République islamique d’Iran
sont sous le contrôle direct des procureurs, en particulier les unités dans lesquelles sont
détenus les personnes accusées ou condamnées pour atteinte à la sécurité nationale.
Le Ministère de la justice de chaque province effectue des inspections périodiques et
impromptues. En outre, l’Organisation des prisons, un organe indépendant qui fonctionne
sous contrôle judiciaire, supervise le traitement des détenus. L’Organisation des prisons ne
peut accepter aucun détenu sans un ordre judiciaire. Dans la pratique, une commission
centrale de surveillance et des commissions provinciales examinent les plaintes et donnent
suite aux allégations, et les agents pénitentiaires reçoivent la formation requise pour gérer
les détenus.
53. Selon le Gouvernement, des efforts sont faits pour améliorer l’hygiène, le traitement
et la nutrition des détenus dans tout le pays. Ceux-ci bénéficient de services médicaux
gratuits et des services médicaux spécialisés sont accessibles en dehors des prisons.
Des examens médicaux sont exigés pour tous les détenus au moins une fois par mois, et les
règles Nelson Mandela sont respectées et, dans certains cas, dépassées. Plus précisément, la
prison d’Evin a reçu la visite de délégations de l’intérieur et de l’extérieur de la République
islamique d’Iran ; 45 ambassadeurs résidents et représentants diplomatiques à Téhéran ont
en effet visité la prison le 5 juillet 2017. Des déclarations positives sur les conditions de
détention dans la prison ont été diffusées dans les médias. Le respect des droits des détenus
du quartier 209 de la prison d’Evin fait l’objet d’une surveillance étroite par les autorités.
54. Le Gouvernement déclare qu’aucun rapport n’indique que M. Wang souffre d’une
quelconque affection physique ou psychologique. Le Gouvernement reconnaît qu’il existe
des tensions entre détenus et que des mouvements entre quartiers ont lieu, mais souligne
que M. Wang est satisfait de ses conditions de détention et a remercié les autorités
pénitentiaires par écrit à deux reprises.
55. En ce qui concerne les observations de la source sur la classification employée par
le Groupe de travail, le Gouvernement fait valoir que le cas de M. Wang concerne des actes
illégaux et non des activités protégées par le Pacte qui relèveraient de la catégorie II. Quoi
qu’il en soit, le Gouvernement fait référence aux restrictions autorisées aux droits consacrés
par le Pacte, telles que celles qui sont nécessaires à la protection de la sécurité nationale en
vertu du paragraphe 3 de l’article 19.
56. Par ailleurs, le Gouvernement renvoie à ses arguments sur le fondement juridique
des accusations et sur la procédure équitable et impartiale appliquée à M. Wang, et fait
valoir que l’affaire ne relève pas de la catégorie III. Le Gouvernement nie l’allégation de la
source selon laquelle les aveux de M. Wang auraient été obtenus sous la contrainte.
Le verdict contre M. Wang n’a pas été rendu uniquement sur la base de ses aveux, mais
repose sur un grand nombre d’informations portées à la connaissance des tribunaux.
En outre, les représentants légaux de M. Wang étant des avocats de l’ambassade de Suisse
à Téhéran, le Gouvernement fait valoir que l’allégation de la source selon laquelle les
avocats américains n’ont pas pu participer à la défense de M. Wang est inexacte.
Les avocats de M. Wang ont pu le rencontrer et ont eu un accès suffisant au contenu de
l’affaire pour pouvoir le défendre.
57. Enfin, le Gouvernement indique que dans le cas présent, une procédure judiciaire a
été engagée sans tenir compte de la nationalité de l’intéressé et qu’il n’y a pas eu
discrimination. La loi iranienne s’applique de manière égale à tous les accusés, y compris
les citoyens américains, sans exception.
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10 GE.18-15646
Observations complémentaires de la source
58. Le 4 mai 2018, la réponse du Gouvernement a été envoyée à la source. La source a
répondu le 24 juillet 2018.
59. La source affirme que sa communication initiale contenait un compte rendu complet
de l’arrestation, de la détention et de la condamnation injustifiées de M. Wang. Les faits
ayant été établis, c’est au Gouvernement qu’il incombe de réfuter ces allégations. Au lieu
de cela, le Gouvernement n’a pas expliqué en quoi M. Wang a violé les lois du pays en
matière d’espionnage et a fait des déclarations catégoriques sur les installations des prisons
nationales, le tout sans apporter de pièces justificatives.
60. La source rappelle que M. Wang est un doctorant qui s’est rendu en République
islamique d’Iran pour étudier le farsi et faire des recherches sur les questions de
gouvernance au XIXe et au début du XXe siècles. M. Wang a clairement fait part aux
autorités iraniennes de son intention de mener des recherches, et ce préalablement à sa
visite. La source fait référence à une correspondance entre l’Université de Princeton et
la Section des intérêts de la République islamique d’Iran précisant le but des recherches de
M. Wang, ainsi qu’à un courrier de soutien à cette recherche de l’Institut Dehkhoda.
La source souligne que, loin de dissimuler son intention, M. Wang a également écrit à
l’Institut britannique d’études persanes pour le remercier de l’avoir mis en contact avec des
chercheurs de haut niveau des institutions d’archives et de bibliothèques iraniennes
compétentes.
61. En ce qui concerne l’affirmation du Gouvernement selon laquelle les recherches
universitaires de M. Wang étaient « une couverture pour le déclenchement d’une crise
ethnique en République islamique d’Iran », la source note que M. Wang n’effectuait que
des recherches historiques et n’avait aucun contact avec des groupes ethniques ni dans le
pays, ni à l’étranger. S’agissant des affirmations du Gouvernement selon lesquelles il aurait
obtenu la preuve que M. Wang était impliqué dans des groupes utilisant des fonds secrets
pour renverser la République islamique d’Iran et qu’il avait reçu de l’argent pour recueillir
des informations, la source indique que si de telles preuves existent, le Gouvernement
aurait pu et aurait dû les joindre à sa réponse, ou du moins en fournir une description
détaillée. M. Wang n’avait aucun contact avec des groupes secrets, ne planifiait aucune
action contre le Gouvernement et n’a jamais reçu d’argent pour recueillir des informations
pour le compte d’une personne ou d’un gouvernement.
62. La source réitère ses allégations concernant les catégories I, II, III et V. En ce qui
concerne l’absence de fondement légal pour l’arrestation et la détention, la source souligne
que contrairement à ce qu’affirme le Gouvernement, les autorités iraniennes n’ont pas
présenté à M. Wang de charges officielles ni informé sa famille ou l’ambassade de Suisse
de son arrestation. M. Wang a dit à l’ambassade de Suisse qu’on l’emmenait à l’aéroport,
mais il n’y est jamais arrivé. De même, les autorités n’ont informé ni la famille de
M. Wang, ni l’Université de Princeton, ni l’ambassade de Suisse, ni le Département d’État
des États-Unis, ni l’avocat local de M. Wang de l’endroit où il se trouvait. Ce n’est
qu’après que son avocat s’est renseigné à la prison d’Evin que les autorités ont confirmé
que M. Wang y était détenu, mais elles ne lui ont pas permis de le voir ou de lui parler.
63. La source souligne des faits reconnus par le Gouvernement. Premièrement,
le Gouvernement a admis que M. Wang avait été placé à l’isolement à la prison d’Evin, et
n’a pas contesté que cet isolement avait duré dix-huit jours. Deuxièmement,
le Gouvernement a confirmé que M. Wang n’avait rencontré son avocat iranien que le
13 septembre 2016, soit plus d’un mois après son arrestation. Troisièmement,
le Gouvernement a reconnu que M. Wang n’avait pas reçu de visite consulaire avant le
14 septembre 2016 et qu’il n’avait eu le droit de recevoir que cinq visites de ce type en
deux ans. Quatrièmement, le Gouvernement a admis que l’acte d’accusation avait été publié
en janvier 2017, plus de cinq mois après l’arrestation de M. Wang.
64. Selon la source, M. Wang a été traduit en justice et condamné en avril 2017, après
plus de huit mois de prison. Bien que M. Wang et son avocat n’aient appris sa
condamnation qu’à la fin du mois d’avril, il semble qu’il ait été condamné le 9 avril 2017,
lendemain de la clôture de son procès. Dans sa réponse, le Gouvernement note que
M. Wang a été condamné pour violation des articles 215 et 508 du Code pénal islamique.
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GE.18-15646 11
Pourtant, M. Wang et son avocat ont appris qu’il avait été condamné en vertu des
articles 501 et 508, alors que la cour d’appel iranienne n’a mentionné que les articles 215
et 508 dans son jugement4. Le Gouvernement n’a fourni aucune preuve, que ce soit pendant
le procès ou dans sa réponse, pour étayer ses allégations selon lesquelles M. Wang aurait
violé l’une quelconque de ces trois dispositions.
65. Le Gouvernement a affirmé que M. Wang avait été en contact avec des
organisations et des groupes qui s’opposaient au régime et qu’il avait eu accès à certains
documents grâce à des pots-de-vin, ce qui indiquait que des actes d’espionnage avaient été
commis à dessein. Toutefois, le Gouvernement n’a pas démontré, ni au procès de M. Wang
ni dans sa réponse, que M. Wang avait été en contact avec un quelconque gouvernement
étranger ou groupe d’opposants. Le Gouvernement de la République islamique d’Iran
semble considérer que les communications de M. Wang avec son directeur de thèse de
l’Université de Princeton, spécialiste de l’histoire russe et eurasienne, constituaient une
coopération avec une organisation d’opposants ou un gouvernement étranger. Le directeur
de thèse de M. Wang n’a aucun lien avec des groupes d’opposants iraniens ni aucun contact
avec des gouvernements étrangers concernant la République islamique d’Iran.
66. Enfin, la source rappelle que M. Wang est incarcéré depuis deux ans dans des
conditions déplorables. Plutôt que de démontrer qu’il a respecté le Pacte et les Règles
Nelson Mandela, le Gouvernement insiste sur le fait que M. Wang reçoit d’excellents soins
médicaux. Les affirmations du Gouvernement concernant les conditions de détention à la
prison d’Evin ne sont pas crédibles étant donné la condamnation généralisée de cet
établissement − la prison la plus tristement célèbre du pays. M. Wang a été soumis à des
traitements cruels, inhumains et dégradants tout au long de sa détention, ce qui entravé sa
capacité à se défendre et constitue toujours une menace pour sa santé et sa sécurité.
Examen
67. Le Groupe de travail remercie la source et le Gouvernement pour leurs
communications.
68. Pour déterminer si la privation de liberté de M. Wang est arbitraire, le Groupe de
travail tient compte des principes établis dans sa jurisprudence pour traiter les questions
relatives à la preuve. Lorsque la source établit une présomption de violation des règles
internationales constitutive de détention arbitraire, la charge de la preuve incombe
au Gouvernement dès lors que celui-ci décide de contester les allégations. Le simple fait
d’affirmer que les procédures légales ont été suivies ne suffit pas à réfuter les allégations de
la source (voir A/HRC/19/57, par. 68).
69. La source affirme que la police n’a pas présenté de mandat d’arrêt et n’a pas informé
M. Wang des raisons de son arrestation, le 7 août 2016. Le Gouvernement nie ces
allégations mais ne fournit aucun élément de preuve à l’appui de ses affirmations. Aux
termes du paragraphe 1 de l’article 9 du Pacte, nul ne peut être privé de liberté si ce n’est
pour des motifs et conformément à la procédure prévus par la loi. Le Groupe de travail
constate que M. Wang a été arrêté sans mandat d’arrêt et sans avoir été informé à ce
moment-là des raisons de son arrestation, en violation des paragraphes 1 et 2 de l’article 9
du Pacte. En outre, comme le Gouvernement l’a confirmé, l’acte d’accusation contre
M. Wang n’a été publié qu’en janvier 2017, cinq mois après son arrestation. M. Wang n’a
donc pas été rapidement informé des charges retenues contre lui, en violation du
paragraphe 2 de l’article 9 du Pacte. En conséquence, étant donné qu’aucun mandat d’arrêt
n’a été présenté au moment de l’arrestation, que les motifs de l’arrestation n’ont pas été
communiqués et que M. Wang n’a pas été informé rapidement des charges retenues contre
lui, les autorités n’ont pas établi de base légale pour sa détention.
70. En outre, le Groupe de travail constate que le Gouvernement a violé l’obligation qui
lui incombe en vertu du paragraphe 3 de l’article 9 du Pacte en ne traduisant pas M. Wang
devant un juge dans les meilleurs délais après son arrestation et en le maintenant au secret
pendant une semaine. Le Gouvernement a indiqué que l’ordonnance de détention était
4 La source cite expressément l’article 215 du Code pénal islamique, notant qu’il décrit ce qu’un
tribunal ou un procureur peut faire des biens confisqués.
- 254 -
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12 GE.18-15646
renouvelée chaque mois par une autorité judiciaire, mais rien n’indique que M. Wang ait
été traduit devant un tribunal avant le 11 décembre 2016, plus de quatre mois après son
arrestation. Rien n’indique non plus que M. Wang ait eu la possibilité d’engager une
procédure pour contester sa détention, ce qui constitue une violation du paragraphe 4 de
l’article 9 du Pacte. Le contrôle judiciaire de la privation de liberté est une garantie
fondamentale de la liberté individuelle5 et est essentiel pour garantir que la détention ait un
fondement juridique.
71. Pour ces raisons, le Groupe de travail estime que l’arrestation et la détention de
M. Wang n’ont aucun fondement juridique. Sa privation de liberté est arbitraire en ce
qu’elle relève de la catégorie I.
72. La source affirme en outre que M. Wang a été privé de liberté pour avoir exercé
pacifiquement son droit à la liberté d’expression en vertu de l’article 19 de la Déclaration
universelle des droits de l’homme et de l’article 19 du Pacte. Le Gouvernement nie cette
allégation, insistant sur le fait que M. Wang a été arrêté pour ses actions illégales.
73. Bien que le Gouvernement n’ait fourni que peu de détails sur les charges précises
retenues contre M. Wang, il ressort du jugement de la cour d’appel que M. Wang a été
condamné en vertu des articles 215 et 508 du Code pénal islamique. M. Wang semble avoir
été condamné à la peine maximale prévue à l’article 508, soit dix ans d’emprisonnement.
L’article 508 du Code pénal islamique dispose ce qui suit :
Quiconque coopère par quelque moyen que ce soit avec des États étrangers
contre la République islamique d’Iran, s’il n’est pas considéré comme un ennemi
de Dieu, est passible d’une peine d’emprisonnement allant d’un à dix ans.
74. Le Groupe de travail rappelle que la liberté d’expression, qui est protégée par le
droit international des droits de l’homme, comprend le droit de rechercher, de recevoir et de
répandre des informations et des idées de toute espèce6. Dans le cas présent, M. Wang s’est
rendu en République islamique d’Iran pour y effectuer des recherches sur la gouvernance
des dynasties Kadjar et Pahlavi au XIXe et au début du XXe siècles. Dans sa réponse,
le Gouvernement n’a pas expliqué de quelle manière M. Wang avait coopéré avec un État
étranger (qui, d’après l’acte d’accusation, semble être les États-Unis) contre la République
islamique d’Iran, ni en quoi l’accès aux archives historiques relatives à une période de
gouvernance qui remonte à plus d’un siècle pouvait constituer une tentative de
renversement du Gouvernement. En conséquence, le Groupe de travail conclut que
M. Wang exerçait pacifiquement son droit de rechercher et de recevoir des informations à
des fins académiques sous la forme de documents historiques détenus par un organisme
public, ce qui s’inscrit dans le cadre de la liberté d’expression.
75. Le Gouvernement fait référence aux restrictions autorisées à la liberté d’expression
prévues au paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte, en particulier pour la protection de la
sécurité nationale. Toutefois, M. Wang a cherché à examiner des documents historiques,
notamment des coupures de journaux publiés entre 1880 et 1921. Le Gouvernement n’a pas
établi de lien clair entre cette activité et les intérêts contemporains en matière de sécurité
nationale protégés par le paragraphe 3 de l’article 19. En vertu du paragraphe 3 de
l’article 19 du Pacte, les lois iraniennes sur l’espionnage ne s’appliquent pas à M. Wang car
il ne s’agit pas de défendre un intérêt légitime tel que la protection de la sécurité nationale.
De même, le Gouvernement n’a pas démontré en quoi porter des accusations contre
M. Wang était une réponse nécessaire et proportionnée à ses activités présumées.
76. Dans tous les cas de figure, le Conseil des droits de l’homme a demandé aux États
de s’abstenir d’imposer des restrictions en vertu du paragraphe 3 de l’article 19 qui ne sont
pas conformes au droit international des droits de l’homme7. En outre, comme l’a déclaré
le Comité des droits de l’homme, les États parties doivent veiller avec une extrême
prudence à ce que les lois sur la trahison et les dispositions similaires relatives à la sécurité
5 Voir aussi les Principes de base et lignes directrices des Nations Unies sur les voies et procédures
permettant aux personnes privées de liberté d’introduire un recours devant un tribunal, par. 3.
6 Voir Comité des droits de l’homme, observation générale no 34 (2011) sur la liberté d’opinion et la
liberté d’expression, par. 11 et 18.
7 Voir la résolution 12/16 du Conseil des droits de l’homme, par. 5 p).
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GE.18-15646 13
nationale, qu’elles soient qualifiées de secrets officiels, de lois sur la sédition ou autres,
soient élaborées et appliquées d’une manière conforme aux strictes prescriptions du
paragraphe 3 de l’article 19. Il n’est pas compatible avec le paragraphe 3 de l’article 19, par
exemple, d’invoquer ces lois pour supprimer ou cacher au public des informations d’intérêt
public légitime qui ne portent pas atteinte à la sécurité nationale ou pour poursuivre des
chercheurs ou autres personnes pour avoir diffusé ces informations8.
77. Le Groupe de travail conclut que M. Wang a été privé de liberté pour avoir exercé
pacifiquement son droit à la liberté d’expression en vertu de l’article 19 de la Déclaration
universelle des droits de l’homme et de l’article 19 du Pacte. Sa privation de liberté est
arbitraire en ce qu’elle relève de la catégorie II. Le Groupe de travail renvoie ce cas
au Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et
d’expression.
78. Le Groupe de travail considère que certaines dispositions du Code pénal islamique,
en particulier l’article 508, sont si vagues et si larges qu’elles peuvent, comme dans le cas
présent, donner lieu à des sanctions à l’encontre de personnes qui auraient simplement
exercé leurs droits en vertu du droit international. Comme le Groupe de travail l’a déclaré,
le principe de légalité exige que les lois pénales soient formulées avec suffisamment de
précision pour que l’individu puisse avoir accès au droit, le comprendre et régler sa
conduite en conséquence9. Dans ce cas, l’application de dispositions vagues et trop larges
renforce la conclusion du Groupe de travail selon laquelle la privation de liberté de
M. Wang relève de la catégorie II. Le Groupe de travail estime que dans certaines
circonstances, les lois sont si vagues et si larges qu’il est impossible de les invoquer comme
fondement juridique justifiant la privation de liberté.
79. Étant donné qu’il a conclu que la privation de liberté de M. Wang était arbitraire en
ce qu’elle relevait de la catégorie II, le Groupe de travail souligne que le procès de
M. Wang n’aurait pas dû avoir lieu. Toutefois, il a été jugé par la section 15 du tribunal
révolutionnaire en mars 2017 et condamné le 9 avril 2017. Le Groupe de travail considère
qu’il y a eu de multiples violations de son droit à un procès équitable :
a) Les autorités n’ont informé ni la famille, ni l’avocat de M. Wang du lieu où il
se trouvait après son arrestation, en violation des principes 15, 16 1), 18 et 19 de
l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme
quelconque de détention ou d’emprisonnement ;
b) Les autorités n’ont informé ni les États-Unis, ni la Suisse de la détention de
M. Wang 10 , en violation de l’article 36 de la Convention de Vienne sur les relations
consulaires. Le Gouvernement a affirmé qu’il avait notifié l’arrestation de M. Wang à
l’ambassade de Suisse, mais n’avait fourni aucun autre détail. Le représentant de
l’ambassade de Suisse n’a été autorisé à rendre que cinq visites consulaires à M. Wang, la
première de ces visites ayant eu lieu plus d’un mois après son arrestation, en violation de la
règle 62 des Règles Nelson Mandela. Bien que le Gouvernement ait fait valoir que toutes
les conditions applicables aux ressortissants étrangers étaient remplies, il a concédé que
M. Wang n’avait pas été autorisé à recevoir de visite consulaire avant le 14 septembre 2016
et qu’on ne lui avait accordé que cinq visites consulaires en deux ans ;
c) M. Wang a été placé en détention provisoire pendant plus de sept mois avant
sa première comparution devant le tribunal révolutionnaire, le 11 mars 2017.
Le Gouvernement n’a pas contesté cette allégation, faisant valoir que ce délai était
raisonnable eu égard à la nécessité d’achever l’enquête. Selon le paragraphe 3 de l’article 9
du Pacte, la détention provisoire devrait être l’exception plutôt que la règle et rester aussi
brève que possible. Sept mois constituent une période déraisonnablement longue, d’autant
qu’aucune alternative à la détention ne semble avoir été envisagée ;
8 Ibid., par. 30.
9 Voir, par exemple, l’avis no 41/2017, par. 98 et 99.
10 Comme indiqué au paragraphe 13 ci-dessus, la Suisse représente les intérêts du Gouvernement
des États-Unis en République islamique d’Iran.
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14 GE.18-15646
d) M. Wang a été placé à l’isolement pendant dix-huit jours au moins après son
arrestation. Le Gouvernement a déclaré que toutes les procédures légales avaient été
respectées pendant les « quelques jours » pendant lesquels il avait été nécessaire de placer
M. Wang à l’isolement afin d’éviter toute collusion, mais n’a pas nié que cet isolement
avait duré dix-huit jours. Selon la règle 45 des Règles Nelson Mandela, une mesure
d’isolement doit s’accompagner de certaines garanties : elle ne doit être utilisée que dans
des cas exceptionnels, en dernier recours et pour une durée aussi brève que possible, et faire
l’objet d’un examen indépendant. Ces conditions ne semblent pas avoir été respectées.
En outre, l’isolement de plus de quinze jours consécutifs est interdit en vertu de l’alinéa b)
du paragraphe 1 de la règle 43 et de la règle 44 des Règles Nelson Mandela ;
e) Le procès de M. Wang s’est déroulé à huis clos, en violation de son droit à
une audience publique en vertu du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte. Le Gouvernement
a confirmé que le procès s’était tenu à huis clos parce qu’il impliquait des accusations
d’espionnage, soulignant que les audiences à huis clos étaient autorisées si la sécurité
publique le justifiait. Il n’a pas expliqué en quoi les accusations d’espionnage portées
contre M. Wang constituaient une menace à la sécurité nationale si grave qu’elles
justifiaient une audience à huis clos. En outre, les conclusions, les éléments de preuve et les
motifs essentiels auraient dû être rendus publics conformément au paragraphe 1 de
l’article 14 du Pacte11 ;
f) Les tribunaux révolutionnaires qui ont jugé M. Wang et statué sur son appel
ne répondent pas aux normes d’un tribunal indépendant et impartial au sens du
paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte12 ;
g) M. Wang s’est vu refuser l’accès à un avocat, en violation du paragraphe 3 b)
de l’article 14 du Pacte. Après son arrestation, il a été interrogé sans la présence d’un
avocat et, comme le Gouvernement l’a confirmé, n’a rencontré son avocat que plus d’un
mois après son arrestation. Les personnes privées de liberté ont droit à l’assistance d’un
conseil de leur choix à tout moment de leur détention, y compris immédiatement après leur
arrestation13. L’avocat iranien de M. Wang n’a pas été autorisé à partager des informations
avec ses confrères américains. Cela a limité la capacité de M. Wang d’assurer sa défense,
étant donné qu’on lui reprochait d’avoir coopéré avec des institutions aux États-Unis et
avec le Gouvernement américain. M. Wang n’a pas été autorisé à engager un conseiller
juridique local expérimenté ;
h) Pendant toute la durée du procès, l’avocat iranien de M. Wang n’a pu ni
convoquer de témoins, ni parler au nom de son client, en violation des alinéas d) et e) du
paragraphe 3 de l’article 14 du Pacte. Bien que le Gouvernement ait noté que les avocats de
M. Wang avaient eu un accès suffisant au dossier et avaient pu défendre leur client, il n’a
pas expressément nié cette allégation ;
i) M. Wang a été contraint de signer des aveux après son isolement.
Le Gouvernement nie cette allégation et affirme que le verdict contre M. Wang n’a pas été
rendu uniquement sur la base de ses aveux, mais aussi sur la base d’autres preuves.
Il incombe au Gouvernement de prouver que la déclaration de M. Wang a été faite en
dehors de toute contrainte14, et il ne l’a pas fait. Le Groupe de travail considère que des
aveux forcés entachent l’ensemble de la procédure, qu’il existe ou non d’autres éléments de
preuve à l’appui du verdict15, car ils violent le principe de la présomption d’innocence
prévue au paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte et le droit d’une personne à ne pas être
forcée de s’avouer coupable prévu à l’alinéa g) du paragraphe 3 de ce même article 14 ;
11 Voir Comité des droits de l’homme, observation générale no 32, par. 29.
12 Voir le rapport du Groupe de travail sur sa visite en République islamique d’Iran
(E/CN.4/2004/3/Add.2, par. 65). Le Groupe de travail estime que les conclusions qu’il a formulées
dans ce rapport concernant les tribunaux révolutionnaires restent d’actualité (voir l’avis no 19/2018,
par. 34).
13 Voir les Principes de base et lignes directrices des Nations Unies sur les voies et procédures
permettant aux personnes privées de liberté d’introduire un recours devant un tribunal, principe 9 et
ligne directrice 8.
14 Voir Comité des droits de l’homme, observation générale no 32, par. 41.
15 Voir avis no 34/2015, par. 28.
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j) Les conditions surpeuplées, insalubres et inhumaines dans lesquelles
M. Wang a été détenu ont entravé sa capacité de participer à sa défense et de la préparer16.
80. Le Groupe de travail conclut que l’inobservation des normes internationales
relatives au droit à un procès équitable est d’une gravité telle que la privation de liberté de
M. Wang revêt un caractère arbitraire, relevant de la catégorie III.
81. Par ailleurs, le Groupe de travail considère que la source a établi que M. Wang était
détenu en raison de son statut d’étranger. Le Gouvernement nie cette allégation, affirmant
que la loi iranienne s’applique de manière égale à tous les accusés. Toutefois, plusieurs
facteurs amènent le Groupe de travail à conclure que la détention de M. Wang était motivée
par le fait qu’il est un citoyen américain. Premièrement, rien ne prouve que M. Wang était
présent en République islamique d’Iran pour une raison autre que la poursuite de ses
travaux de thèse. En effet, avant son arrestation, il s’était rendu sans incident en République
islamique d’Iran de janvier à mars 2016 et avait informé les autorités de l’objet de ses
recherches. Deuxièmement, le Groupe de travail estime que ce n’est pas une coïncidence si
les accusations portées contre M. Wang sont liées à sa relation avec des établissements
universitaires aux États-Unis17. Troisièmement, la peine d’emprisonnement de M. Wang,
d’une durée de dix ans, semble être d’une sévérité disproportionnée, car rien ne prouve
qu’il avait un casier judiciaire, ni qu’il agissait en tant qu’espion ou aux fins de provoquer
une crise ethnique en République islamique d’Iran, ou qu’il en avait l’intention.
82. Dans sa jurisprudence, le Groupe de travail a constaté à maintes reprises que
la République islamique d’Iran avait pour pratique de cibler les ressortissants étrangers afin
de les placer en détention18. Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme
en République islamique d’Iran a également constaté récemment cette tendance, faisant
spécifiquement référence au cas de M. Wang et notant que selon les estimations actuelles,
30 ressortissants étrangers et binationaux au moins avaient été emprisonnés depuis 201519.
Le Groupe de travail considère que le présent cas s’inscrit dans cette lignée. M. Wang a été
privé de liberté pour des motifs discriminatoires, c’est-à-dire sur la base de son origine
nationale ou sociale, en violation des articles 2 et 7 de la Déclaration universelle des droits
de l’homme et des articles 2, paragraphe 1, et 26 du Pacte. Sa privation de liberté est
arbitraire en ce qu’elle relève de la catégorie V.
83. Compte tenu des graves violations des droits de M. Wang, le Groupe de travail
renvoie ce cas au Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République
islamique d’Iran.
84. Le Groupe de travail tient à exprimer sa vive préoccupation au sujet de la santé de
M. Wang, qui se détériorerait rapidement après deux ans de détention. M. Wang souffre de
dépression et a exprimé des pensées suicidaires à sa famille. Il n’a pas reçu de traitement
médical adapté à ses problèmes de santé actuels. Selon la source, M. Wang a également été
soumis à des traitements cruels, inhumains et dégradants, notamment des transferts entre
quartiers pénitentiaires sans explication, des menaces et des violences de la part d’autres
détenus, des actes d’intimidation et des sévices physiques commis par des gardiens, des
conditions de détention déplorables et l’interdiction d’accéder aux livres et vêtements
envoyés par sa famille. Le Gouvernement nie ces allégations, insistant sur le fait que
16 Voir avis no 47/2017, par. 28. Voir aussi A/HRC/2004/3/Add.3, par. 33 ; et avis no 92/2017, par. 56.
17 La source se réfère à un reportage de l’agence de presse Mizan datant de juillet 2017, qui expliquait
que des « centres de recherche américains » envoyaient des espions en République islamique d’Iran
sous le couvert d’activités académiques, et à un reportage de Channel 2 datant de novembre 2017
dont les auteurs affirmaient que les États-Unis avaient choisi le sujet de thèse de M. Wang.
18 Voir, par exemple, les avis nos 49/2017, 7/2017 et 28/2016. Voir aussi l’avis no 92/2017 concernant la
détention d’un citoyen iranien résidant en Suède, et les avis nos 50/2016, 44/2015, 28/2013 et 18/2013
concernant la détention de citoyens américains dont certains ont également la nationalité iranienne.
19 Voir A/HRC/37/68, par. 51 à 57. Le Rapporteur spécial note que ces cas sont des exemples
symptomatiques de manquements aux garanties d’une procédure régulière, dans la mesure où ils ont
généralement trait à la simple suspicion d’activités dirigées contre l’État sans accusations précises.
Le Secrétaire général s’est également déclaré préoccupé par les poursuites engagées contre des
étrangers et des personnes ayant la double nationalité en République islamique d’Iran, dont M. Wang
(A/HRC/37/24).
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16 GE.18-15646
M. Wang est en bonne santé et satisfait de ses conditions de détention à la prison d’Evin.
Le Gouvernement a fourni la liste des dates des visites et des rendez-vous médicaux de
M. Wang. Ayant tenu compte de toutes les informations disponibles, le Groupe de travail
estime que le Gouvernement n’a pas fourni d’informations ou de preuves convaincantes à
l’appui de ses affirmations.
85. De l’avis du Groupe de travail, le traitement réservé à M. Wang ne répond pas aux
normes énoncées, entre autres, dans les règles 1, 12, 13, 24, 25, 27, 30, 31 et 42 des Règles
Nelson Mandela. Le Groupe de travail demande instamment au Gouvernement de libérer
immédiatement M. Wang et de veiller à ce qu’il soit transféré d’urgence dans un
établissement hospitalier. Le Groupe de travail renvoie ce cas au Rapporteur spécial sur la
torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
86. Ce cas n’est pas le seul concernant la privation arbitraire de liberté en République
islamique d’Iran dont le Groupe de travail ait été saisi au cours des cinq dernières années20.
Le Groupe de travail note que dans de nombreux cas impliquant la République islamique
d’Iran, on retrouve un schéma récurrent d’arrestation et de détention en dehors des
procédures légales ; de détention provisoire prolongée sans possibilité de recours ; de
détention au secret et de mise à l’isolement prolongé ; de refus d’accéder à un avocat ; de
poursuites pénales formulées de manière vague et sans preuves suffisantes ; de procès à
huis clos et d’appels devant des tribunaux non indépendants ; de condamnations
excessivement lourdes ; de torture et de mauvais traitements ; et de privation de soins
médicaux. Le Groupe de travail rappelle que, dans certaines circonstances,
l’emprisonnement généralisé ou systématique ou d’autres formes graves de privation de
liberté en violation des règles du droit international peuvent constituer des crimes contre
l’humanité21.
87. Le Groupe de travail souhaiterait avoir la possibilité de travailler de manière
constructive avec le Gouvernement pour lutter contre les privations arbitraires de liberté
en République islamique d’Iran. Étant donné qu’une longue période s’est écoulée depuis sa
dernière visite en République islamique d’Iran, en février 2003, le Groupe de travail estime
que le moment est venu d’effectuer une nouvelle visite. Le Groupe de travail rappelle que
le Gouvernement a adressé une invitation permanente à tous les titulaires de mandat
thématique au titre des procédures spéciales en date du 24 juillet 2002 et attend une réponse
positive à sa demande de visite envoyée le 10 août 2016.
88. Étant donné que le bilan de la République islamique d’Iran en matière de droits de
l’homme sera examiné au cours du troisième cycle de l’Examen périodique universel, en
novembre 2019, le Gouvernement souhaitera peut-être saisir cette occasion pour renforcer
sa coopération avec les procédures spéciales et mettre sa législation en conformité avec le
droit international des droits de l’homme.
Dispositif
89. Compte tenu de ce qui précède, le Groupe de travail rend l’avis suivant :
La privation de liberté de Xiyue Wang est arbitraire en ce qu’elle est
contraire aux articles 2, 7, 9, 10, 11, paragraphe 1, et 19 de la Déclaration universelle
des droits de l’homme et aux articles 2, paragraphe 1, 9, 14, 19 et 26 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques, et relève des catégories I, II, III et V.
90. Le Groupe de travail demande au Gouvernement de la République islamique d’Iran
de prendre les mesures qui s’imposent pour remédier sans tarder à la situation de
Xiyue Wang et la rendre compatible avec les normes internationales applicables,
notamment celles énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et
le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
91. Le Groupe de travail estime que, compte tenu de toutes les circonstances de
l’espèce, en particulier le risque pour la santé de Xiyue Wang, la mesure appropriée
20 Voir, par exemple, les avis nos 19/2018, 92/2017, 49/2017, 48/2017, 9/2017, 7/2017, 50/2016,
28/2016, 25/2016, 2/2016, 1/2016, 44/2015, 16/2015, 55/2013, 52/2013, 28/2013 et 18/2013.
21 Voir, par exemple, l’avis no 47/2012, par. 22.
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consisterait à libérer immédiatement M. Wang et à lui accorder le droit d’obtenir
indemnisation et réparation, conformément au droit international.
92. Le Groupe de travail prie instamment le Gouvernement de veiller à ce qu’une
enquête complète et indépendante soit menée sur les circonstances entourant la privation
arbitraire de liberté de Xiyue Wang, y compris les mauvais traitements que lui auraient
infligés d’autres prisonniers, et de prendre des mesures appropriées contre les personnes
responsables des violations de ses droits.
93. Le Groupe de travail prie le Gouvernement de mettre sa législation, et en particulier
l’article 508 du Code pénal islamique, en conformité avec les recommandations formulées
dans le présent avis et avec les engagements pris par la République islamique d’Iran en
vertu du droit international des droits de l’homme.
94. Comme prévu au paragraphe 33 a) de ses méthodes de travail, le Groupe de travail
renvoie le cas au Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté
d’opinion et d’expression, au Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en
République islamique d’Iran, et au Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants.
95. Le Groupe de travail demande au Gouvernement de diffuser le présent avis par tous
les moyens disponibles et aussi largement que possible.
Procédure de suivi
96. Conformément au paragraphe 20 de ses méthodes de travail, le Groupe de travail
prie la source et le Gouvernement de l’informer de toutes mesures prises pour appliquer les
recommandations formulées dans le présent avis, et notamment de lui faire savoir :
a) Si M. Wang a été mis en liberté et, le cas échéant, à quelle date ;
b) Si M. Wang a obtenu réparation, notamment sous la forme d’une
indemnisation ;
c) Si la violation des droits de M. Wang a fait l’objet d’une enquête et, le cas
échéant, quelle a été l’issue de celle-ci ;
d) Si la République islamique d’Iran a modifié sa législation ou sa pratique afin
de les rendre conformes aux obligations mises à sa charge par le droit international, dans le
droit fil du présent avis ;
e) Si d’autres mesures ont été prises en vue de donner suite au présent avis.
97. Le Gouvernement est invité à informer le Groupe de travail de toute difficulté
rencontrée dans l’application des recommandations formulées dans le présent avis et à lui
faire savoir s’il a besoin qu’une assistance technique supplémentaire lui soit fournie, par
exemple dans le cadre d’une visite du Groupe de travail.
98. Le Groupe de travail prie la source et le Gouvernement de lui fournir les
informations demandées dans les six mois suivant la communication du présent avis. Il se
réserve néanmoins le droit de prendre des mesures de suivi si de nouvelles informations
préoccupantes concernant l’affaire sont portées à son attention. Cela lui permettra de faire
savoir au Conseil des droits de l’homme si des progrès ont été accomplis dans l’application
de ses recommandations ou si, au contraire, rien n’a été fait en ce sens.
99. Le Groupe de travail rappelle que le Conseil des droits de l’homme a engagé tous les
États à coopérer avec lui et les a priés de tenir compte de ses avis, de faire le nécessaire
pour remédier à la situation de toutes personnes arbitrairement privées de liberté et de
l’informer des mesures prises à cette fin22.
[Adopté le 23 août 2018.]
22 Voir la résolution 33/30 du Conseil des droits de l’homme, par. 3 et 7.
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Volume II - Annexes 51 à 80

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