Volume V

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153-20170321-WRI-01-04-EN
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
14939
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
AFFAIRE RELATIVE À L’OBLIGATION DE NÉGOCIER UN ACCÈS
À L’OCÉAN PACIFIQUE
(BOLIVIE c. CHILI)
RÉPLIQUE DU GOUVERNEMENT DE L’ÉTAT PLURINATIONAL
DE BOLIVIE
VOLUME 5
(Annexes 345-373)
21 MARS 2017
[Traduction du Greffe]
TABLE DES MATIÈRES
ANNEXE
Nº TITRE SOURCE Page
345 Procès-verbal de la quatrième séance plénière,
vingt-neuvième session ordinaire de
l’Assemblée générale de l’OEA, 8 juin 1999
Organisation des Etats
américains, Assemblée générale,
vingt-neuvième session ordinaire,
1999, documents de travail,
vol. II, OEA/Ser.P/XXIX-O.2
(1999)
1
346 Procès-verbal de la 20e séance plénière,
cinquante-quatrième session de l’Assemblée
générale, Nations Unies, doc. A/54/PV.20,
1er octobre 1999
http://www.un.org/en/ga/search/v
iew_doc.asp?symbol=A/54/PV.2
0&Lang=F
9
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
348 Procès-verbal de la quatrième séance plénière
de la trentième session ordinaire de
l’Assemblée générale de l’OEA, 6 juin 2000
Organisation des Etats
américains, Assemblée générale,
trentième session ordinaire, 2000,
vol. II, OEA/Ser.P/XXX-O.2
(2000)
14
349 Procès-verbal de la 25e séance plénière,
cinquante-cinquième session de l’Assemblée
générale, Nations Unies, doc. A/55/PV.25,
20 septembre 2000, [extrait]
https://documents-dds-ny.un.org/
doc/UNDOC/GEN/N00/650/24/p
df/N0065024.pdf?OpenElement
18
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
354 A. Violand Alcazar, Retour souverain à la
mer. Des négociations contrariées (2004),
p. 286 et 287 [extrait]
23
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
360 U. Figueroa Pla, La demande maritime de la
Bolivie devant des instances internationales
(2007), p. 95-99, 208-215, 221 et 222
[extrait]
25
361 Procès-verbal de la quatrième séance plénière,
trente-septième session ordinaire de
l’Assemblée générale de l’OEA, 5 juin 2007
Organisation des Etats
américains, Assemblée générale,
trente-septième session ordinaire,
2007, vol. II, OEA/Ser.P/
XXXVII-O.2 (2007)
37
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
364 «Moreno et la question de l’enclave : «il n’est
pas bon d’envisager des options qui divisent
le pays»», La Tercera (Chili), 6 décembre
2010
Journal La Tercera (Chili) 44
- ii -
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
368 Débat entre les présidents Morales et Piñera,
CELAC 2013, 28 janvier 2013
Journal El Dia (Bolivie) 46
369 «La mystérieuse proposition de Piñera à la
Bolivie», La Tercera (Chili), 11 janvier 2015
Journal La Tercera (Chili) 48
370 Note en date du 26 juillet 2016 adressée à
M. Philippe Couvreur, greffier de la Cour
internationale de Justice, par
M. Carlos Herrera, ambassadeur du Pérou au
Royaume des Pays-Bas
Archives du ministère bolivien
des affaires étrangères
50
371 Discours prononcé par M. Evo Morales
Ayma, président de l’Etat plurinational de
Bolivie, à la 33e période de sessions du
Conseil des droits de l’homme des Nations
Unies à Genève, le 23 septembre 2016
Archives du ministère bolivien
des affaires étrangères
56
372 Note no MBNU-370/41 en date du 10 octobre
2016 adressée à la présidence du Conseil des
droits de l’homme par la mission permanente
de l’Etat plurinational de Bolivie auprès de
l’Organisation des Nations Unies et d’autres
organisations internationales
Archives du ministère bolivien
des affaires étrangères
62
373 Précisions historiques sur l’origine du
différend opposant la Bolivie au Chili
64
___________
ANNEXE 345
PROCÈS-VERBAL DE LA 4E SÉANCE PLÉNIÈRE, VINGT-NEUVIÈME SESSION ORDINAIRE DE
L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L’OEA, 8 JUIN 1999
Organisation des Etats américains, Assemblée générale, vingt-neuvième session ordinaire,
1999, documents de travail, vol. II, OEA/Ser.P/XXIX-O.2 (1999)
Procès-verbal de la quatrième séance plénière1
Date : 8 juin 1999
Heure : 15 h 15
Lieu : Camino Real Hotel
Président : Ernesto Stein Barillas,
ministre guatémaltèque des affaires étrangères
3. Rapport sur le problème de l’accès de la Bolivie à la mer
Le PRESIDENT : Le prochain point à l’ordre du jour est le problème de l’accès de la Bolivie
à la mer. Pour traiter ce point, je suis heureux de passer la parole au ministre des affaires étrangères
et du culte de la délégation bolivienne.
Le CHEF DE LA DELEGATION BOLIVIENNE : Merci, Monsieur le président.
Monsieur le secrétaire général, Messieurs les ministres des affaires étrangères et chefs de
délégation, l’Amérique latine est une région de paix.
Telle a peut-être été sa principale contribution à la communauté internationale durant le
siècle qui vient tout juste de s’achever. Elle n’a pas été exempte de confrontations armées, mais
celles-ci sont restées limitées en nombre et ne sauraient être comparées au niveau de cruauté qui a
dévasté d’autres continents.
Ce qui rend cette région différente en ce siècle, c’est sa capacité à prévenir les conflits et à
les régler par la voie de la négociation, avec l’appui, les bons offices et la médiation d’autres pays
du système interaméricain.
Les accords de paix conclus par l’Equateur et le Pérou, suite au processus de négociations
soutenu et accompagné par les pays garants, le Brésil, les Etats-Unis, l’Argentine et le Chili,
constituent l’exemple le plus remarquable et le plus récent de l’extraordinaire ductilité du système
régional.
Dans ces accords sont rassemblés tous les éléments qui caractérisent ce que l’on pourrait
qualifier de qualité de l’Amérique latine. Ils mettent un terme à un différend territorial dont les
origines remontent à l’époque à laquelle les Etats nationaux du continent ont été établis ; ils mettent
fin à un épisode d’antagonisme et de défiance qui n’a que trop duré, et ouvrent la voie de l’amitié et
de la coopération.
Ce résultat a été obtenu, car la participation amicale des pays du système interaméricain a
fait cesser ce conflit armé et favorisé les négociations diplomatiques et, par-dessus tout, il s’est
1 Classé antérieurement sous les références AG/ACTA 362/99.
- 2 -
matérialisé parce que les gouvernements et les chefs d’Etat des deux pays avaient la stature et la
vision caractéristiques des hommes d’Etat, qui sont nécessaires pour briser les entraves du passé et
régler les problèmes issus du XIXe siècle en regardant vers le prochain millénaire.
L’Amérique latine progresse vers l’intégration, non seulement en raison des exigences
impérieuses du développement ou de la mondialisation de l’économie, mais aussi en raison d’un
mandat historique. Cela était écrit, pour ainsi dire, dans l’héritage génétique des peuples
d’Amérique. Nous étions nés pour nous unir.
C’est ainsi que nos pères fondateurs l’avaient compris, et c’est le travail auquel nous nous
sommes attelés, en surmontant d’immenses difficultés, telles que celles qu’imposerait la
géographie de n’importe quel continent aussi vaste.
A la fin de ce siècle, le MERCOSUR et la Communauté andine ne sont plus uniquement des
postulats mais sont devenus des projets concrets, et des réalités pleinement tangibles.
L’identité de l’Amérique latine qui correspond à ce siècle doit se consolider dans ces deux
éléments : la capacité à prévenir et à régler les conflits, et la capacité à définir les économies et les
sociétés de notre continent.
L’on peut oser dire, sans cacher notre fierté, que l’Amérique latine n’a pas abrité les
abominables conflits armés qui ont agité l’humanité en ce siècle, avec deux guerres mondiales, la
menace d’un holocauste nucléaire, les affrontements entre fanatiques dans le conflit idéologique
opposant l’Orient et l’Occident, l’horreur du génocide et le nettoyage ethnique.
En rappelant ces événements, je dois toutefois ajouter que la tâche n’est pas terminée, qu’il y
a encore fort à faire, et qu’il reste des problèmes à régler. L’un de ces conflits concerne directement
mon pays. Il y a plus d’un siècle, la Bolivie a été privée d’un vaste territoire côtier et, par
conséquent, de son accès direct à la mer.
Je ne m’arrêterai pas, cette fois, pour récapituler les conséquences économiques et politiques
que cet événement désastreux a eues pour mon pays. Dans le rapport que j’ai présenté l’année
passée à cette même assemblée, j’ai mis en avant certaines statistiques pour tenter de quantifier ce
qui, envisagé selon une autre perspective, est inquantifiable car les dégâts sont innombrables.
Aujourd’hui, je préférerais souligner les conséquences de cette guerre au sein du système
interaméricain. La Bolivie et le Chili n’ont plus de relations diplomatiques depuis plus de vingt ans.
Il y a quelques années, alors que le gouvernement venait de transférer l’administration de
l’entreprise nationale des chemins de fer à une firme chilienne, des réactions populaires complexes
se sont fait jour dans la ville de La Paz en signe de rejet de cette mesure.
En d’autres termes, Monsieur le président, Messieurs les ministres des affaires étrangères, les
blessures de 1879 n’ont pas encore cicatrisé et ces deux nations qui devraient être unies se sont
tourné le dos, et tout cela à la fin de ce siècle, sur un continent de paix. C’est avec un profond
regret, Monsieur le président, que je dis cela. Je peux affirmer, à la défense de la Bolivie, que nous
avons déployé tous les efforts imaginables pour régler ce conflit. Au niveau bilatéral, nous avons
tenté de mener à bien au moins dix négociations directes pour atteindre l’objectif d’un débouché
souverain sur l’océan Pacifique. Pourtant, tous ces efforts ont été réduits à néant pour des motifs
qui ne sauraient être attribués à mon pays.
Il y a exactement vingt ans, lors de l’assemblée générale historique qui s’est tenue à La Paz,
l’Organisation des Etats américains a écouté la demande de la Bolivie et exprimé la réalité en des
termes non équivoques et clairs. Selon le texte de la résolution qui en découle,
- 3 -
«il est de l’intérêt permanent du continent de rechercher une solution équitable qui
assure à la Bolivie un accès souverain et utile à l’océan Pacifique, et … d’asseoir une
paix durable … qui a été directement touchée par les conséquences de l’enclavement
de la Bolivie».
Il convient de rappeler, Monsieur le président, que cette résolution ne se fondait pas
seulement sur la justice historique étayant la demande de mon pays. Elle avait été adoptée dans une
perspective d’avenir, sur la justification que l’enclavement de la Bolivie faisait barrage à
l’intégration régionale et était la cause de tensions et conflits potentiels.
Telles sont les raisons qui expliquent l’intérêt que les autres nations du continent ont à
trouver une solution à ce problème, intérêt qui ne s’éteint pas, tout comme les idéaux de la
coexistence harmonieuse soutenus par nos pays et la justice ne peuvent s’éteindre.
Cet éloignement prolongé entre la Bolivie et le Chili ne joue aucun rôle dans l’amélioration
des relations politiques et diplomatiques globales sur le littoral du Pacifique. Cela prouve que la
Bolivie et le Chili sont les seuls pays du continent qui, je le répète, n’entretiennent aucune relation
diplomatique depuis plus de vingt ans.
Cette résolution recommandait «aux Etats les plus directement concernés par le problème
susvisé d’entamer des négociations en vue de la concession à la Bolivie d’un accès territorial libre
et souverain à l’océan Pacifique».
Afin de ne laisser aucune place au doute concernant ce qu’elles souhaitaient dire, les nations
de la communauté de ce continent ont fait consigner que «l’on pourrait envisager, entre autres
éléments, l’établissement d’une zone portuaire de développement multinational intégré ; de même,
l’on pourrait retenir la position prise par la Bolivie qui s’oppose à toute compensation territoriale».
Je dois déclarer ici solennellement que, depuis l’adoption de cette résolution, mon pays s’est
efforcé de concrétiser ces objectifs par tous les moyens. Parmi les nombreuses démarches
effectuées, deux l’ont été après 1979 : celle de 1984, menée sous l’égide du Gouvernement
colombien ; et les négociations qui ont reçu un soutien particulier en Amérique, et plus précisément
ici, au Guatemala, pays qui nous reçoit de nouveau aujourd’hui.
Ici, dans le cadre de la session ordinaire de l’Assemblée générale de l’OEA, en 1986, les
ministres bolivien et chilien des affaires étrangères ont exprimé leur volonté d’entamer un dialogue
orienté vers le règlement du problème de l’accès de la Bolivie à la mer. Il s’agit du plus récent
précédent concernant des intentions réitérées pendant plus d’un siècle.
Cependant, la situation n’a pas changé. Malheureusement, l’incompréhension entre les deux
nations persiste, et continue d’entraver et de compliquer l’intégration de la région des Andes en
Amérique latine.
Cent vingt ans ont passé depuis la guerre du Pacifique, et vingt ans depuis que la
communauté de ce continent a pris conscience de l’ampleur du problème et formulé l’une des plus
nobles résolutions de son histoire. De nombreuses années encore peuvent s’écouler, mais la Bolivie
ne renoncera jamais à sa demande de réintégration maritime. Jamais.
Toutefois, Monsieur le président, en faisant cette allocution, mon intention n’est pas de
répertorier d’anciens griefs, devant cette noble assemblée qui se réunit sur cette chère terre du
Guatemala. Je préfère que l’on se souvienne de la tenue de cette assemblée comme marquant le
début d’un nouveau voyage vers la paix et la compréhension en Amérique latine.
C’est pourquoi, ici et maintenant, à l’occasion de la dernière assemblée du siècle, en
présence de toute l’Amérique, la Bolivie propose de débuter sans tarder les négociations bilatérales
- 4 -
avec le Chili, de manière à régler, dans le cadre d’un accord exceptionnel de coopération politique
et d’intégration économique, toutes les questions pendantes entre les deux nations, sans exception,
en gardant à l’esprit la teneur de la résolution de 1979 citée à maintes reprises.
Nous ne pouvons embrasser le nouveau millénaire en prônant des attitudes du XIXe siècle.
Notre responsabilité envers les générations futures est immense. Nous devons aspirer à un accord
qui débouchera sur des bénéfices pour nos deux nations, dénué de tout égoïsme. Toutefois, un
accord à part entière ne peut être que le résultat d’un dialogue diplomatique à part entière, qui
n’élude aucun aspect majeur.
Je suis convaincu que les pays frères d’Amérique, ceux-là mêmes qui ont signé la résolution
adoptée en 1979, seront désireux de proposer leur soutien à la concrétisation de ces négociations,
dans le même esprit que celui avec lequel le Gouvernement du Venezuela, patrie du libérateur
Simón Bolívar, avait demandé, lors du dernier sommet présidentiel andin, que le continent soit
libéré de l’un des plus graves sujets de préoccupation à l’ordre du jour interaméricain pour le siècle
à venir.
L’expression d’une solidarité au sujet de la revendication maritime de la Bolivie ne saurait
être considérée comme un acte inamical ou une provocation. Cela serait inacceptable et
constituerait une attitude intolérante, contraire aux postulats américanistes.
Par la présente, la Bolivie affirme sa détermination indéfectible à déployer tous les efforts
possibles pour concrétiser son souhait de débuter le millénaire en posant les fondations d’une
amitié et d’une coopération véritables entre la Bolivie et le Chili. Nous ne pouvons laisser aux
générations futures un héritage de méfiance entre des pays voisins.
Assurément, l’honorable ministre chilien des affaires étrangères  et je dis cela avec le plus
grand respect  nous répondra qu’il n’y a aucun problème en suspens avec la Bolivie. Nous avons
déjà entendu cela par le passé. En au moins dix occasions  je l’ai déjà dit , nous avons négocié
sur la base de la cession à la Bolivie d’un accès à la mer qui lui soit propre, et cet engagement a été
formalisé en huit occasions solennelles. C’est là la preuve irréfutable qu’il existe un problème non
réglé qui nécessite une solution définitive.
On pourrait nous dire que la Bolivie n’avance aucune proposition concrète ; pourtant,
l’engagement de 1950, ratifié dix ans plus tard, la proposition de 1975 et les pourparlers qui ont eu
lieu en 1984 et 1986, pour ne citer qu’eux, comportent des éléments essentiels qui permettent
d’entamer des négociations.
Le Chili soutient qu’un dialogue doit être rétabli sans aucune condition. Nous sommes
d’accord, mais pensons qu’il convient tout d’abord de fixer des conditions garantissant l’évolution
de ce dialogue vers une véritable compréhension. Un dialogue qui ne se limite pas au règlement des
aspects secondaires, mais se propose plutôt d’aborder des aspects de fond.
Le Chili pourrait également nous dire qu’il est désireux d’envisager des facilités d’accès à la
mer. Mais il n’est question que du libre transit, qui fait déjà partie intégrante des obligations
contractuelles entre les deux Etats. Il ne s’agit que d’une vision tournée vers un port ; or, la Bolivie
a besoin d’une côte. Elle a besoin de retrouver sa situation d’Etat côtier.
Le Chili pourrait également soutenir que le commerce et les investissements se développent
de façon bénéfique, mais la vérité est qu’en matière d’échange on constate une nette asymétrie au
détriment de la Bolivie. En outre, les investissements productifs n’augmentent pas. Par conséquent,
il existe un véritable obstacle à ce que la Bolivie utilise, en tant que bénéfice commun, l’immense
potentiel de notre complémentarité. La nature nous a reliés, mais l’histoire nous a séparés.
- 5 -
Il est vrai que nous avons établi des canaux de communication. Cela démontre, malgré tout,
que la Bolivie est toujours ouverte à la compréhension et que, même dans des situations moins
favorables, elle ne renonce pas au dialogue.
Enfin, on pourrait également dire que l’OEA n’est pas compétente pour s’immiscer dans des
questions qui ne concernent pas directement les Etats. La résolution adoptée en 1979 et les onze
résolutions qui ont suivi ne sauraient être considérées comme des immixtions dans des décisions
souveraines ; par ailleurs, aveuglés par les susceptibilités, on ne saurait priver l’organisation de la
mission permanente qui lui a été confiée de se pencher sur, et d’appuyer activement, des solutions
visant à l’amélioration de la coexistence interaméricaine.
Hier, nous soutenions avec une profonde affection la résolution qui rend hommage à l’accord
historique conclu entre le Pérou et l’Equateur, fruit d’une généreuse abnégation et de la volonté
courageuse de surmonter un passé marqué par les antagonismes et de le remplacer par un avenir
forgé dans la communauté d’intérêts.
Par ailleurs, nous avons célébré l’entrée en vigueur des accords passés entre le Chili et
l’Argentine concernant la glace terrestre. Prochainement, nous assisterons avec joie à l’acte majeur
par lequel la souveraineté sur la zone du canal sera restituée au Panama, pays frère, en vertu d’une
décision qui honore les Etats-Unis et la République du Panama.
C’est maintenant au tour de la Bolivie et du Chili de faire face à ce défi et d’aborder le
nouveau siècle avec une relation fondée sur une amitié véritable et fraternelle entre deux Etats qui
ont la capacité de régler leurs différends avec dignité et courage.
C’est de cette manière uniquement que nous mènerons à bien notre tâche. Ce n’est qu’alors
que nous serons capables d’affirmer que l’Amérique est un espace de paix.
Merci, Monsieur le président.
Le PRESIDENT : Merci, Monsieur le ministre des affaires étrangères. Je cède la parole à la
délégation chilienne.
Le MINISTRE CHILIEN DES AFFAIRES ETRANGERES : Merci, Monsieur le président.
Le discours du ministre bolivien des affaires étrangères m’oblige à rappeler certaines
considérations que nous avons formulées préalablement au sujet de cette affaire, tout comme il
m’oblige à répéter certains arguments que le ministre a déjà exposés. Je le fais, étant entendu qu’il
s’agit d’un point à titre informatif  le dernier inscrit à l’ordre du jour , car la charte de
l’Organisation des Etats américains ne donne pas à cette organisation la compétence ni la charge de
se pencher sur des questions concernant la souveraineté d’Etats membres.
Le ministre des affaires étrangères a déclaré que ce prétendu conflit pouvait être réglé, en
particulier, grâce à la nouvelle atmosphère créée par l’accord de paix conclu par le Pérou et
l’Equateur, auquel le Chili, l’Argentine, le Brésil et les Etats-Unis ont participé en qualité de
garants. Il a expliqué, dans des termes fort judicieux, que cet accord mettait un terme à un conflit
territorial et refermait un chapitre d’antagonisme et de méfiance, avec la participation amicale
- 6 -
d’autres Etats. Toutefois, il a omis de souligner que la base de cet accord entre le Pérou et
l’Equateur était le respect des traités valides et que la participation de ces garants découlait
précisément du fait que cette mesure était entérinée dans le traité en vigueur entre le Pérou et
l’Equateur.
C’est pourquoi cette comparaison nous inquiète, car une question complètement différente
en termes de circonstances est présentée comme un conflit frontalier en suspens. Une paix plus que
centenaire règne entre le Chili et la Bolivie, et le traité de paix et d’amitié de 1904, qui a réglé tous
les différends frontaliers entre les deux pays, est pleinement en vigueur. En conséquence, oui, je le
répète, il n’existe aucune question frontalière en suspens entre la Bolivie et le Chili. La frontière
entre les deux nations a été établie solennellement et de manière définitive par ce traité, qui a été
signé librement par les deux pays en 1904 et ratifié par leur congrès. Cela a eu lieu vingt-quatre ans
après la fin des hostilités déclenchées par le conflit armé dans lequel ils s’étaient engagés. La
frontière a été délimitée sur toute sa longueur. Cette situation n’est en aucun cas comparable à la
question concernant le champ de glace méridional entre le Chili et l’Argentine, pour lequel la
délimitation de la frontière, fondée sur un traité valide, a fait apparaître certains problèmes.
J’ignore quelles sont les questions pendantes à régler concernant la frontière entre le Chili et
la Bolivie. Leur frontière a été acceptée, je le répète, en 1904, en vertu d’un traité ratifié par les
deux pays. Les jalons de la frontière ont été placés sur toute sa longueur et sont tout simplement
respectés par les deux pays.
En conséquence, pour que nous sachions bien de quoi nous parlons, Monsieur le président, il
me semble qu’il faut comprendre qu’il n’existe aucun différend frontalier résultant d’une absence
d’accord ou de difficultés à délimiter la frontière. Il existe purement et simplement une proposition
de modifier la frontière existante, qui a été fixée et délimitée selon le droit international.
Je souhaiterais rappeler qu’une partie importante des frontières au sein de notre continent
résulte d’accords similaires, dont beaucoup découlent de conflits douloureux. Soutenir des projets
ayant trait à la revision du traité susciterait, pour notre région, une instabilité inacceptable. Quelle
frontière remanierons-nous après cela ? S’il existe tant de circonstances analogues dans les
Amériques, pourquoi ne devrions-nous remanier qu’une seule frontière, dont la délimitation
procédait d’un conflit et de traités ultérieurs ? En outre, la situation est stable et contribue
considérablement à la paix régionale dont le ministre bolivien des affaires étrangères vantait les
mérites à juste titre.
Monsieur le président, lors de l’assemblée générale qui s’est tenue à Caracas l’année
dernière, je vous ai fait savoir que, depuis que la nouvelle administration présidentielle a pris ses
fonctions en Bolivie, le Chili n’a reçu aucune demande pour examiner directement l’état des
relations. Cette année, je suis en mesure de faire savoir à cette assemblée que la situation reste
malheureusement inchangée. La Bolivie ne parle au Chili que par journaux interposés et fait part de
ses avis et propositions aux organismes internationaux, et aucune rencontre présidentielle ni
ministérielle traitant de ce sujet n’a eu lieu au cours des vingt-deux derniers mois.
En outre, il y a quelques jours, nous avons su par la presse que le Gouvernement bolivien ne
souhaitait pas débattre de cette question avec le Gouvernement chilien actuel, car il ne resterait en
place que neuf mois. Ainsi, il attendra l’entrée en fonction du nouveau gouvernement chilien pour
en discuter. Je souhaite rappeler que, lorsque le nouveau gouvernement prendra ses fonctions au
Chili, trois mois après avoir été établi, il restera un an avant l’élection d’un nouveau gouvernement
en Bolivie, et cette situation pourrait perdurer pendant de nombreuses années sans que nous soyons
en mesure d’examiner directement ces questions.
- 7 -
C’est pourquoi, Monsieur le président, nous devons nous demander s’il est constructif de
continuer à débattre, devant des organismes internationaux, d’une politique de confrontation,
uniquement sous prétexte de porter à l’attention de la communauté internationale un conflit qui
n’est pas examiné de manière directe.
Monsieur le président, malgré l’absence de relations diplomatiques  relations qui ont été
suspendues de manière unilatérale par le Gouvernement bolivien il y a plus de vingt ans , je
souhaite souligner le fait que la frontière entre le Chili et la Bolivie fonctionne parfaitement, et que
les flux commerciaux et touristiques ainsi que le dispositif de coopération bilatérale se développent
harmonieusement et de manière croissante.
Comme preuve irréfutable de cette normalité, je soulignerais que chaque mois plus de trois
mille camions boliviens traversent la seule ville d’Arica et que plus de cinq cents touristes ont
visité les régions d’Arica et d’Iquique ces dernières années.
Notre dispositif de consultations politiques a tenu de nombreuses réunions pour débattre de
thèmes tels que la collecte de zinc et de plomb boliviens à Arica et à Antofagasta, la coopération
énergétique, les programmes des secteurs vétérinaire et sanitaire, le renouvellement de la
concession maritime de l’oléoduc Sica Sica-Arica, le transport aérien, le transport terrestre de
marchandises et de passagers, les échanges d’informations en matière de trafic de stupéfiants,
d’énergie et de minerais, la coordination d’organismes internationaux, etc.
Avec la CEPAL, nous avons créé un système de transit intégré dont l’objectif est de faciliter
les importations et les exportations de marchandises boliviennes par les ports d’Arica et
Antofagasta, système auquel les autorités portuaires et des représentants des transports, des
douanes et du secteur privé des deux pays ont participé. Je souhaite préciser ici que ces facilités
portuaires sont supérieures à celles recommandées par la CNUCED pour les pays enclavés.
La première réunion du comité pour les frontières entre la Bolivie et le Chili, créé en 1997, a
été organisée en 1998 pour obtenir des améliorations concernant la frontière entre les deux pays,
tant en termes d’infrastructures que de services fiscaux. Les accords passés lors de cette première
réunion sont pleinement en vigueur et une convention visant à obtenir la reconnaissance des permis
de conduire sera prochainement conclue.
De la même manière, il existe des conventions entre universités, ainsi que des conventions
de coopération entre les forces de police et l’armée des deux pays. La convention passée entre les
forces de police envisage la participation d’officiers étudiants de l’académie de police chilienne
(Escuela de Carabineros).
Sur le plan culturel, en septembre prochain, des historiens boliviens et chiliens se réuniront
pour analyser les textes utilisés dans l’enseignement de l’histoire et des sciences sociales des deux
pays.
Nous avons passé un accord de coopération scientifique et technique en 1995.
Dans les ports d’Arica et d’Antofagasta, une zone de 30 000 kilomètres carrés est affectée
aux importations boliviennes en transit dans ce pays pour permettre leur libre stockage pendant une
durée d’un an. En ce qui concerne les exportations de minerais de plomb et de zinc, malgré les
problèmes de pollution environnementale qui se posent, avec 350 000 tonnes par an, elles
bénéficient de soixante jours de libre stockage et de 4 hectares supplémentaires pour leur collecte.
Par ailleurs, dans les deux ports, des entrepôts couverts de 10 000 mètres carrés et des zones
protégées ont été affectés au stockage des marchandises dangereuses.
- 8 -
Quoi qu’il en soit, dans un esprit de fraternité et en réponse à une requête de la Bolivie, le
Chili a réaffirmé sa volonté d’étendre les installations de transit dont bénéficie actuellement la
Bolivie à Arica et Antofagasta à d’autres ports chiliens, et de renforcer l’efficacité et la fluidité au
sein de ces installations afin de mieux répondre au défi croissant du commerce extérieur bolivien
en plein essor. C’est dans ce contexte que, la dernière semaine de mai, nous avons organisé une
première rencontre entre les deux pays en vue de développer ces installations.
Le commerce bilatéral avoisine les 300 millions de dollars, et les investissements chiliens en
Bolivie dépassent les 367 millions de dollars. Nous souhaitons souligner qu’en avril dernier
l’accord sur la protection et la promotion des investissements entre les deux pays a été ratifié.
Il est vrai que le commerce reste déséquilibré en faveur du Chili. Ainsi, il me semble qu’il
est éloquent de dire qu’en mars dernier le Chili a proposé à la Bolivie d’exonérer à 0 %, sans délai
et sans réciprocité, 98,7 % des tarifs douaniers des produits boliviens, et nous ne demandons pas à
la Bolivie une réduction analogue, mais sommes prêts à accepter un rythme nettement plus lent à
compter de la cinquième année.
Je crois que tout cela montre, Monsieur le président, qu’il existe une divergence manifeste
entre la réalité des échanges, l’intégration, la complémentarité économique et les négociations
concrètes qui caractérisent les relations entre le Chili et la Bolivie, d’une part, et la vision
tristement dénaturée qui est présentée ici et en d’autres lieux, d’autre part.
Monsieur le président, je pense qu’il est important de rappeler ici notre volonté, dans tous les
cas, de maintenir des relations normales avec la Bolivie. Je souhaiterais réaffirmer l’empressement
de mon gouvernement à reprendre à tout moment le dialogue interrompu. Nous avons toujours dit,
et répétons, que nous sommes prêts à rétablir les relations diplomatiques avec la Bolivie. Nous ne
les avons pas interrompues. Nous sommes prêts à les renouer sans délais et sans conditions, dans la
certitude que cette normalisation contribuerait à la création d’une meilleure atmosphère permettant
d’examiner tous nos problèmes. L’absence de relations diplomatiques est un expédient obsolète qui
ne sert aucun objectif constructif. Je dis que nous sommes désireux de le faire sans condition, car
nous ne sommes pas libres d’envisager, en échange de ces relations, le transfert de souveraineté audelà
des traités existants ni d’accepter l’intervention de tiers dans des affaires qui, par nature, sont
bilatérales.
Nous avons dit, Monsieur le président, et nous le répétons aujourd’hui, qu’il existe une voie
constructive permettant de forger une véritable fraternité entre le Chili et la Bolivie. Une voie qui
implique une intégration économique, un dialogue politique et la recherche d’accords d’une plus
vaste portée pour renforcer le plein accès de la Bolivie à l’océan. C’est une voie de paix et d’avenir.
Les tentatives de modifier les frontières et d’ignorer les traités existants ne conduiraient au
contraire qu’à des déboires et des désaccords.
Je vous remercie, Monsieur le président.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
___________
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ANNEXE 346
PROCÈS-VERBAL DE LA 20E SÉANCE PLÉNIÈRE, CINQUANTE-QUATRIÈME SESSION DE
L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE, NATIONS UNIES, DOC. A/54/PV.20,
1ER OCTOBRE 1999
http://www.un.org/en/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/54/PV.20&Lang=F
Nations Unies A/54/PV.20
99-85999 (F) Ce procès-verbal contient le texte des déclarations prononcées en français et l’interprétation des autres
déclarations. Les rectifications ne doivent porter que sur les textes originaux des interventions. Elles
doivent être indiquées sur un exemplaire du procès-verbal, porter la signature d’un membre de la
délégation intéressée et être adressées au Chef du Service de rédaction des procès-verbaux de séance,
bureau C-178. Les rectifications seront publiées après la clôture de la session dans un rectificatif
récapitulatif.
Assemblée générale Documents officiels
Cinquante-quatrième session
20e séance plénière
Vendredi 1er octobre 1999, à 10 heures
New York
Président : M. Gurirab . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (Namibie)
La séance est ouverte à 10 h 5.
Allocution de M. Emomali Rakhmonov, Président de
la République du Tadjikistan
Le Président (parle en anglais) : Ce matin, l’Assemblée
va tout d’abord entendre une allocution du Président de
la République du Tadjikistan.
M. Emomali Rakhmonov, Président de la République
du Tadjikistan, est escorté dans la salle de l’Assemblée
générale.
Le Président (parle en anglais) : Au nom de l’Assemblée
générale, j’ai le plaisir de souhaiter la bienvenue à
S. E. M. Emomali Rakhmonov, Président de la République
du Tadjikistan, et je l’invite à prendre la parole devant
l’Assemblée.
Le Président Rakhmonov (parle en russe) : Tout
d’abord, je voudrais vous féliciter, Monsieur le Président, de
votre élection à la fonction élevée de Président de l’Assemblée
générale. Nous sommes certains que grâce à votre
sagesse et à votre expérience, vous saurez guider avec
succès les travaux de cette instance majeure.
Au cours des 100 dernières années, l’humanité a
avancé à grand pas pour promouvoir le progrès général. Elle
a, avec une force jusqu’à présent inégalée, démontré le
génie et le potentiel de création de l’esprit humain. Cependant,
ce siècle a malheureusement mis en lumière les
faiblesses inhérentes à la nature humaine qui sont à l’origine
de terribles bouleversements sociaux et politiques, de
l’exacerbation des problèmes mondiaux et de l’apparition de
nouveaux problèmes.
L’un des acquis les plus importants du XXe siècle est
la création de l’Organisation des Nations Unies, en même
temps que de son cadre juridique et de mécanismes lui
permettant d’organiser l’action collective des États pour
contrer les menaces du moment ou les menaces futures.
Le Tadjikistan est favorable au renforcement de l’ONU
et de son Conseil de sécurité, en tant qu’organe chargé du
maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Au seuil du XXIe siècle, il est extrêmement utile et
opportun de repenser en termes philosophiques les leçons
tirées du passé afin de définir les principaux paramètres
d’un ordre mondial futur et d’élaborer un plan d’action pour
les mettre en oeuvre.
Bon nombre d’idées précieuses et enrichissantes se
font jour dans des initiatives telles que l’organisation en l’an
2000, à la cinquante-cinquième session de l’Assemblée
générale, du Sommet du millénaire; la proposition de Russie
de définir la notion de paix au XXIe siècle; l’idée de
dialogue entre les civilisations proposée par l’Iran et les
projets d’un certain nombre d’États concernant une culture
de la paix et d’autres initiatives.
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Assemblée générale 20e séance plénière
Cinquante-quatrième session 1er octobre 1999
Président de l’Assemblée générale, à sa cinquante-quatrième
session. Nous vous assurons de notre détermination à rendre
l’Organisation des Nations Unies plus forte que jamais,
Organisation qui, nous en conviendrons tous, j’en suis sûr,
est irremplaçable.
Le Président (parle en anglais) : Je donne maintenant
la parole au Ministre des affaires étrangères et du culte de
la Bolivie, S. E. M. Javier Murillo de la Rocha.
M. Murillo de la Rocha (Bolivie) (parle en espagnol)
: Autrefois, les peuples des Andes scrutaient le ciel
pour déchiffrer et prédire l’avenir. S’ils observaient le
firmament aujourd’hui, ils ne parviendraient sans doute pas
à comprendre le message qu’il recèle. D’un côté, il y a la
promesse d’une prospérité sans limites, l’homme maîtrisant
en apparence la nature et son environnement grâce aux progrès
stupéfiants de la connaissance, aux flux incessants de
données et de ressources financières, à la transformation
fondamentale des moyens de transport et de communication,
à la généralisation de la liberté et à la réaffirmation des
valeurs démocratiques à l’échelle planétaire.
Cependant, d’un autre côté, le nouveau millénaire s’accompagne
de présages inquiétants. Les crises financières sont
plus fréquentes et plus aiguës. Le fossé entre les nantis et
les démunis ne fait que s’élargir. Le chaos, la peur et l’incertitude
prévalent dans une grande partie du monde. C’est pourquoi
il faut voir dans la mondialisation les deux côtés d’une
même pièce : les promesses et les risques.
Les deux effets du processus se font sentir avec une
intensité particulière en Amérique latine. La crise des
marchés financiers et la chute constante des prix des produits
de base ont frappé au coeur même des économies
régionales et les ont soumises à des pressions parfois
intolérables. Rien ne paraît plus être à sa place et peu
d’entre nous se risquent encore à prédire l’avenir.
Malgré cela, les peuples d’Amérique latine ont le droit
de garder l’espoir. Mon propre pays nourrit un optimisme
prudent. Il y a encore peu, la Bolivie traversait de plein
fouet le drame qui sévit encore dans d’autres pays d’Amérique
latine. Le trafic de drogues, la dette extérieure, l’effondrement
de l’industrie minière, la crise du système politique,
tout concourait à créer une situation de confusion et d’angoisse
qui paraissait sans issue.
Ce que nous avons fait depuis fait partie d’une autre
histoire que je vais évoquer brièvement ici sans autre but
que de partager notre expérience parce que notre tâche ne
fait que commencer.
Las d’une confrontation politique stérile et épuisante,
les Boliviens ont décidé de s’engager sur la voie de la concertation
et du dialogue. Les gouvernements de coalition,
sur lesquels s’étaye et s’édifie le système politique depuis
le début des années 80, mettent en évidence le bien-fondé
de l’ancienne norme constitutionnelle mais aussi le faut que
la lettre de la loi n’a aucune valeur si elle n’est pas animée
de l’esprit dans lequel elle a été rédigée. C’est dans cet
esprit de recherche d’un consensus que la Constitution a été
modifiée, que l’indépendance véritable de la Cour électorale
nationale a pu être garantie, que la Cour constitutionnelle,
le Conseil judiciaire et de protection des citoyens ont été
créés. Enfin, les institutions et les organisations sociales ont
été intégrées dans le débat portant sur les deux grands problèmes
de la nation par le biais d’un dialogue ouvert par le
Président Bánzer au début de son mandat pour que les travaux
du Gouvernement reçoivent l’appui d’un large consensus
civique.
M. Morel (Seychelles), Vice-Président, assume la
présidence.
Nous pouvons tirer une première conclusion de ce bref
aperçu, à savoir qu’il est impossible de moderniser l’économie
sans s’appuyer sur la base solide d’une réforme politique.
En fait, c’est sur ce fondement politique, sur la base de
la volonté populaire incarnée par les partis, que nous avons
pu promouvoir la modernisation et l’ouverture de l’économie
bolivienne. Nous avons réussi à endiguer l’inflation,
nous avons pu renégocier le fardeau de la dette extérieure
et transférer le contrôle des entreprises publiques au secteur
privé et nous sommes parvenus à créer les conditions
nécessaires pour assurer un développement durable.
Néanmoins, au moment où il semblait que le pays
avait retrouvé l’élan nécessaire pour permettre un nouveau
décollage menant à des progrès soutenus, la crise asiatique
et ses répercussions dans notre région ont brusquement
freiné le rythme de notre croissance, alors que les revenus
de nos habitants avaient connu une progression modeste
pendant près de 10 ans. Cette tourmente finira sans doute
par passer mais il est incontestable que les attentes légitimes
de développement ont été ébranlées par le retour subit et
imprévu de vieux fantasmes.
On sait comment la Bolivie est parvenue à contrôler
son économie et l’on connaît les chiffres qui montrent
comment nous avons pu augmenter nos réserves, réduire
notre déficit fiscal et juguler l’inflation qui dépassait le taux
de 20 000 % par an en 1984 pour le ramener à 4 % en
1998, pour ne citer que quelques chiffres importants.
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Assemblée générale 20e séance plénière
Cinquante-quatrième session 1er octobre 1999
Mais il y a d’autres aspects qui, souvent sont négligés.
L’un d’entre eux étant le processus de transformation
structurelle qui exige de la persévérance et du temps. La
Bolivie a fait preuve de persévérance, peut-être parce
qu’elle avait connu de graves difficultés par le passé. Il n’en
reste pas moins qu’il lui a fallu plus de 10 ans pour sortir
de cette situation d’urgence. D’autre part, des années de
sacrifice et de labeur peuvent être anéanties dans un moment
d’inattention ou de négligence.
Malgré toutes les limites et les difficultés que nous
avons rencontrées au cours du processus de transition
amorcé au début des années 80, les conditions de vie des
Boliviens se sont sensiblement améliorées comme nous
pouvons le voir d’après les chiffres publiés dans le dernier
Rapport mondial sur le développement humain, établi par
l’ONU. Les dépenses publiques pour l’éducation sont
passées de 2,1 % du produit intérieur brut en 1985 à 5,6 %
en 1997. L’analphabétisme chez les jeunes de moins de
15 ans a presque disparu. Le taux de mortalité des nourrissons
est passé de 144 à 69 pour 1 000 naissances vivantes
entre 1976 et 1997 et l’espérance de vie est passée de
45 ans à 61 ans pendant la même période. Néanmoins, force
est de reconnaître que le rythme de croissance reste insuffisant
et inégal.
Comme dans d’autres pays, notre développement est
centré sur une fraction de la société bolivienne. C’est
pourquoi la lutte contre la pauvreté est la mission principale
que s’est assigné le Gouvernement du Président Bánzer.
L’élément clef de cette stratégie est par conséquent la
participation active des secteurs mêmes de la population qui
avaient été auparavant écartés de ces choix, grâce à un
mécanisme habile et actif de décentralisation. Nous sommes
pleinement conscients du fait que l’accès aux moyens de
production doit accompagner l’effort déjà consenti pour
allouer des ressources en vue d’étayer la politique sociale et
les efforts faits en matière d’éducation et de santé.
Au début des années 80, lorsque nous avons amorcé ce
processus démocratique dont je viens de parler, le trafic
illicite des stupéfiants jetait une ombre sur les perspectives
de développement de la Bolivie. Lorsque l’industrie d’extraction
de l’étain s’est effondrée, la culture de la coca qui
employait des milliers de personnes sans emploi, est devenue
une source importante de revenus pour ces familles et
pour l’économie bolivienne. Mais pis encore, le risque que
le narcotrafic s’infiltre dans les rouages de l’économie et de
la politique est devenu une possibilité très réelle.
La situation actuelle est radicalement différente. La
Bolivie sortira du cercle vicieux coca-cocaïne dans les trois
prochaines années, c’est l’objectif que s’est fixé le Président
Bánzer au début de son mandat, en dépit du scepticisme
général et de celui de ses amis comme des critiques.
En août 1997, les cultures excédentaires de coca
couvraient une superficie de plus de 40 000 hectares. En
l’espace de 25 mois pendant lesquels le plan dénommé
Dignité a été mis en oeuvre, 25 000 hectares ont été éliminés
et les 15 000 autres restants devraient être éradiqués
dans les délais prévus, voire avant. Le succès indéniable de
ce plan s’explique avant tout par le fait que le peuple
bolivien est convaincu que le cancer du trafic des drogues
doit être éradiqué du corps de la société nationale.
Le Président Bánzer a eu le mérite de comprendre ce
souhait et de le concrétiser en en faisant une ligne de
politique irrévocable. Il a appliqué cette politique sans
changer d’un iota la structure des institutions démocratiques
et sans compromettre le climat de paix et de sécurité dans
jouit mon pays. Le Gouvernement a su maîtriser les frictions
occasionnelles qui sont apparues au début en exigeant
des forces de police qu’elles s’acquittent de leur tâche dans
le strict respect des droits de l’homme.
La communauté internationale a salué cette stratégie
nationale comme étant l’une des stratégies les plus efficaces
et exemplaires du continent. Il faut toutefois reconnaître que
cette tâche n’est pas achevée et qu’elle a besoin d’être
appuyée pour créer des sources d’emploi et donner des possibilités
de développement productif et légal aux paysans
qui ont renoncé à la culture de la coca. Alors seulement,
nous pourrons crier victoire.
Ce siècle s’achève en Amérique latine sur les nouvelles
prometteuses d’un accord de paix entre l’Équateur et le
Pérou et l’annonce que le Chili et le Pérou vont parvenir,
après des années de patients efforts, à résoudre les questions
en suspens dans le cadre du traité de 1929. Ce sont des
événements très importants auxquels viennent s’ajouter les
traités qui ont permis à l’Argentine et au Chili de régler
leurs différends sur la longue frontière qui les sépare. Ainsi,
les pays de cette partie de l’Amérique du Sud en finiront
avec l’héritage d’affrontements et de conflits que des
hommes d’une autre époque leur ont légué en d’autres
circonstances.
Il n’en reste pas moins qu’une plaie ouverte continue
d’affliger la conscience de l’Amérique, je veux parler de
l’injustice longue de plus d’un siècle qui frappe mon pays
en le privant d’un accès à la mer. Chacun sait comment la
Bolivie a perdu cette longue frange côtière qui lui appartenait
lors de son avènement à l’indépendance et quel coût
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Assemblée générale 20e séance plénière
Cinquante-quatrième session 1er octobre 1999
énorme représente cette perte pour le développement de
mon pays. C’est sans aucun doute une des principales causes
du retard de la Bolivie, comme je l’ai fait remarquer
dans mon allocution de l’an dernier avec plus de détails et
de précision.
Je peux affirmer que mon pays a fait tout son possible
pour trouver une solution amicale et pacifique à ce problème
d’enclavement. Nous n’avons ménagé aucune démarche.
Dans chaque instance, la Bolivie a étayé sa revendication
à avoir un accès souverain à l’océan Pacifique par des
arguments irréfutables sur le plan juridique, historique,
politique et économique.
Avec une détermination et une persévérance renouvelées,
mon pays a cherché à avoir des contacts directs avec
le Chili et à entamer des négociations en vue de trouver, par
le biais du dialogue, une solution amicale qui réponde aux
intérêts de nos deux pays. Au cours du XXe siècle, nous
avons entamé au moins cinq négociations bilatérales, malheureusement,
aucune d’entre elles n’a abouti pour des
raisons qu’il n’est pas nécessaire de rappeler ici. J’en parle
seulement pour montrer que cette voie a été explorée sous
les auspices de pays amis du Chili et de la Bolivie et pour
signaler que le Chili a officiellement accepté d’accorder à
la Bolivie un accès souverain vers l’océan Pacifique dont le
tracé est bien connu.
Aujourd’hui, à l’aube d’un nouveau siècle, la Bolivie
est déterminée à insister pour reprendre un dialogue direct
portant sur tous les aspects de nos relations avec le Chili.
J’ai confiance que nous pourrons bientôt déterminer avec le
Ministre des affaires étrangères Valdés les modalités de ce
dialogue qui doit, à mon avis, porter sur l’ensemble des
aspects de nos relations et nous permettre d’identifier les
moyens de coopération et de complémentarité économique,
culturelle et politique qui uniront nos deux pays lorsque la
Bolivie aura retrouvé sa qualité d’État maritime. L’expérience
du passé ne nous décourage pas. À nouvelle époque,
de nouveaux hommes, de nouvelles réalités et de nouvelles
solutions. C’est ce que nous espérons.
Le système des Nations Unies qui a été l’une des réalisations
les plus importantes de ce siècle, est exposé à de
graves tensions à l’orée du nouveau millénaire. Sa fonction
de vecteur de l’aide publique au développement a été limitée
à cause de la privatisation des organismes de financement
et de technologies qui vont des pays avancés vers
les marchés émergents.
Son rôle en tant qu’instance de négociation et de
dialogue entre le Nord et le Sud de même qu’entre pays
développés et pays en développement est éclipsé par une
structure nouvelle et différente qui tourne autour de mécanismes
essentiellement techniques comme le Fonds monétaire
international, la Banque mondiale et l’Organisation
mondiale du commerce dans lesquels les négociations
s’articulent d’une manière différente de celle que nous
connaissions auparavant. Son rôle même de système de
sécurité collective semble parfois être pris de vitesse par
l’action unilatérale de pays ou de groupes de pays bien
décidés à faire passer leurs objectifs avant ceux du mécanisme
mondial.
Je mentionne ici ces transformations comme un argument
à l’appui de l’idée qu’il est nécessaire d’aborder la
réforme du système comme s’il s’agissait de le créer de
toutes pièces et non pas d’un point de vue nostalgique, en
tentant d’arrêter le temps. Je suis convaincu que c’est aussi
l’avis des hommes d’État qui représentent l’ONU, et dont
le travail de patience, mais aussi de persévérance, portera
ses fruits, j’en suis sûr, très bientôt.
La Bolivie est bien sûr disposée, comme toujours, à
apporter sa contribution.
Le Président par intérim (parle en anglais) : Je
donne maintenant la parole au Ministre des affaires étrangères
et de la coopération internationale du Malawi, S. E.
M. Brown Mpinganjira.
M. Mpinganjira (Malawi) (parle en anglais) : Le
Président de l’Assemblée générale a assumé la présidence
à un moment décisif, le seuil du nouveau millénaire. Nous
nous apprêtons ainsi à quitter un siècle qui nous aura révélé
à la fois les dimensions positives et négatives de l’expérience
humaine. Côté négatif, ce siècle aura été caractérisé
par le colonialisme, les conflits armés, le racisme et la
discrimination raciale, l’apartheid, la dictature, l’Holocauste,
le génocide, le nettoyage ethnique, l’intolérance religieuse
et d’autres maux encore. Dans leur foulée, de nombreuses
personnes, notamment des femmes et des enfants, ont perdu
la vie ou été mutilées, traumatisées, déshumanisées, déplacées
et forcées à l’exil. La pauvreté et le sous-développement
ont également fait des ravages.
De l’autre côté, l’humanité a su se montrer magnanime
et surmonter avec courage souffrances et désespoir. Nous
avons déployé d’énormes efforts pour éliminer l’esclavage,
le colonialisme, la discrimination raciale et l’apartheid de la
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ANNEXE 348
PROCÈS-VERBAL DE LA 4E SÉANCE PLÉNIÈRE DE LA TRENTIÈME SESSION ORDINAIRE DE
L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L’OEA, 6 JUIN 2000
Organisation des Etats américains, Assemblée générale, trentième session ordinaire,
2000, vol. II, OEA/Ser.P/XXX-O.2 (2000)
Acte de la 4e séance plénière2
Date : 6 juin 2000
Heure : 15 h 20
Lieu : Cleary Centre
Président : M. Lloyd Axworthy,
ministre canadien des affaires étrangères
6. Rapport sur le problème de l’accès de la Bolivie à la mer
Le PRESIDENT : Je souhaiterais passer au rapport portant sur le problème de l’accès de la
Bolivie à la mer. Pour traiter ce sujet, j’ai le plaisir de céder la parole à S. Exc. le ministre bolivien
des affaires étrangères.
Le CHEF DE LA DELEGATION BOLIVIENNE : Merci, Monsieur le président. Le
Gouvernement bolivien n’a eu de cesse de maintenir sans aucune hésitation que la voie des
négociations et de la compréhension est la plus adaptée, et sans aucun doute la seule, pour régler
véritablement les problèmes de relations entre les nations de la communauté de ce continent. C’est
pour nous un point de doctrine et une méthode d’administration que nous appliquons également en
matière de politique intérieure.
Aussi la réponse du Gouvernement du président Banzer aux mobilisations citoyennes
rapportées par la presse internationale il y a trois mois visait-elle à améliorer le dialogue national
entamé au début de cette administration en vue d’élargir et de consolider les dispositifs de
participation citoyenne. Parallèlement, le président de la République vient d’avoir un entretien
fructueux avec le chef [du parti] de l’opposition en vue de renforcer et renouveler le processus de
concertation nationale sur lequel repose le système démocratique bolivien.
Tout cela exprime la maturité d’un système politique qui s’est affermi et a ouvert la
démocratie bolivienne, et modernisé et stabilisé l’économie de mon pays, dans un exercice
pluraliste soutenu tout au long de cinq administrations gouvernementales durant près de vingt ans.
On ne saurait dire que les problèmes ont été réglés par la mise en oeuvre de ces initiatives, mais on
peut affirmer sans aucun doute que cela a changé le ton de nos débats, en élargissant
considérablement l’espace de participation et de délibération de la société bolivienne et, dans cette
mesure, en permettant de trouver plus facilement des solutions avec les efforts et la contribution de
tous.
2 Publiés antérieurement sous la référence de classification AG/ACTA 368/00.
- 15 -
Lors de la dernière assemblée générale de l’organisation, qui s’est tenue dans la ville de
Guatemala en juin 1999, j’ai commencé à souligner la capacité de l’Amérique latine à régler ses
différends d’une manière paisible et négociée. J’ai mentionné, avec un sentiment de fierté, les
accords de paix signés entre l’Equateur et le Pérou, qui se sont ajoutés à ceux déjà conclus entre le
Chili et l’Argentine. Dans une autre zone de la région, le Honduras et le Nicaragua ont recouru à la
même méthode pour confronter leurs points de vue.
J’ai également relevé qu’en dépit de tous les progrès la tâche n’avait pas été terminée, et ai
mentionné la persistance du problème qui empêchait mon pays d’obtenir un accès à l’océan
Pacifique depuis plus d’un siècle. Je n’ai pas souhaité m’attarder sur les nombreuses conséquences
déjà bien connues de ce conflit sur le développement économique, social et politique de la Bolivie,
et ai préféré centrer ma réflexion sur la nécessité d’un grand cadre de coopération politique et
d’intégration économique entre la Bolivie et le Chili, susceptible de régler définitivement toutes les
questions pendantes entre les deux nations, sans aucune exception, en tant que responsabilité
directe des deux Parties, conformément à l’esprit et à la teneur des résolutions adoptées par
l’assemblée générale depuis la rencontre d’octobre 1979.
En effet, la communauté de ce continent n’a eu de cesse d’exprimer ouvertement son intérêt
durable pour l’accès souverain de la Bolivie à l’océan Pacifique, exhortant les Parties directement
impliquées à entreprendre des négociations afin de trouver une solution à ce problème. A ce
propos, mon pays a fait, et continue de faire, tout ce qui est en son pouvoir pour respecter les
recommandations de nos frères d’Amérique.
Dans cet esprit, nous avons entamé des pourparlers avec le ministre chilien des affaires
étrangères, M. Juan Gabriel Valdés, dont les principaux ont eu lieu en Algarve au Portugal le
22 février de cette année, et au cours desquels les ministres des affaires étrangères ont résolu de
«créer un agenda de travail, destiné à être officialisé lors des phases ultérieures du dialogue,
intégrant sans aucune exception les points essentiels des relations bilatérales». Il a été expressément
déclaré que «les suites de ce dialogue viseront à surmonter les différends qui ont empêché une
pleine intégration entre la Bolivie et le Chili, dans la ferme intention de rechercher et parvenir à des
solutions aux problèmes qui entravent leurs relations politiques et économiques».
En outre, mon pays a proposé un ordre du jour et une procédure pour organiser ce dialogue.
Il a suggéré l’établissement de trois modules de travail visant à examiner toutes les questions de
relations bilatérales, historiques, politiques, commerciales, économiques et culturelles. Dans ce
cadre, l’accent a été mis en particulier sur l’application d’un programme de développement
commun dans le nord du Chili et l’ouest de la Bolivie. En outre, mon pays aspire à ce que le sud du
Pérou soit associé à cette entreprise, ce qui implique la mobilisation de ressources et de capacités
de ces trois régions pour la reconstruction de l’espace économique et culturel disloqué par le conflit
armé du XIXe siècle.
Nous ne doutons pas que cette initiative créera les conditions nécessaires pour faciliter la
prise en compte et le règlement d’autres questions et problèmes de l’ordre du jour bilatéral et dans
une perspective contemporaine tournée vers l’avenir, contribuera à l’organisation des bassins de
l’Atlantique et du Pacifique, et rapprochera les économies et marchés de la Bolivie, du Chili et du
Pérou de ceux du Brésil et d’autres pays du MERCOSUR.
Avec la clarté et la franchise qui ont toujours caractérisé l’exposé de son point de vue, mon
pays a relevé que ce programme devait être entendu uniquement comme traçant la voie à suivre, et
non pas comme étant un succédané de la solution effective à apporter en réponse à la proposition
de rétablissement du statut d’Etat côtier de la Bolivie.
Nous avons reçu du nouveau gouvernement du président Lagos des signaux positifs quant à
sa volonté de poursuivre et amplifier les progrès importants accomplis à Algarve et nous espérons
que les voix qui exhortent à regarder vers l’avenir, et à le construire, l’emporteront sur celles qui
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préfèrent le maintien d’un statu quo qui revient, dans la pratique, à vivre dans le passé en faisant
traîner en longueur les conséquences économiques et politiques qui nous hantent depuis plus d’un
siècle.
Monsieur le président, nous soulignons à présent les dix années de participation constructive
du Canada dans l’organisation régionale, et nous vous félicitons de la manière fructueuse dont vous
avez mené les discussions au cours de cette trentième session ordinaire de l’Assemblée générale de
l’OEA, et de la proposition relative à la sécurité humaine qui constitue le cadre de développement
intégral de l’homme dans la perspective de ce nouveau millénaire, qui mérite la considération
enthousiaste de tous les Etats membres. Merci beaucoup.
Le PRESIDENT : Je remercie le ministre pour sa présentation et ses aimables observations.
Je cède à présent la parole aux autres délégations pour entendre leurs commentaires. Je laisse la
place au ministre chilien.
Le CHEF DE LA DELEGATION CHILIENNE : Merci. Monsieur le président et Messieurs
les chefs de délégation, le ministre bolivien des affaires étrangères a présenté un rapport sur le
problème de l’accès de la Bolivie à la mer à cette assemblée générale. Je souhaiterais rappeler la
position de mon pays concernant l’inclusion de cette question à notre ordre du jour.
Comme nous le savons, la délégation chilienne s’est élevée contre l’inclusion de cette
question, car l’OEA  ainsi que nous l’avons invoqué  n’est pas compétente pour régler un
problème susceptible de compromettre l’intégrité du territoire souverain de l’un de ses Etats
membres.
Il n’existe aucun différend territorial entre le Chili et la Bolivie, étant donné que toutes les
questions de souveraineté territoriale ont été définitivement réglées avec le traité de paix et d’amitié
de 1904  pleinement en vigueur  et, par là même, la frontière entre nos pays a été
définitivement délimitée. Ce qui précède n’empêche pas que, de manière strictement bilatérale et
sans l’ingérence d’organisations internationales ni la participation de pays tiers, nous tenions
compte des aspects pratiques qui ont trait aux relations bilatérales et permettent, dans un esprit de
dialogue et d’intégration, de regarder vers un avenir constructif et favorable.
Monsieur le président, à titre d’information uniquement, je souhaiterais mentionner certains
aspects importants des relations entre le Chili et la Bolivie. Je dois souligner que nous avons
progressé dans l’amélioration et la modernisation du système de libre transit. Ces dernières années,
des centres de collecte de minéraux ont été ouverts et des pourparlers ont eu lieu en vue de
permettre aux nouveaux ports de faciliter le système de libre transit au profit de la Bolivie.
Nos pays ont également fait des progrès en matière d’investissements réciproques. Le
commerce extérieur, dans le cadre de l’accord de complémentation économique, a connu une
hausse significative ces dix dernières années. Un programme de coopération technique horizontale
rentable est en cours et nous avons tenu des consultations sur la possibilité de signer des accords
dans des domaines importants tels que l’exploitation minière, la sécurité sociale et l’extension de la
double taxation. Plusieurs dispositifs bilatéraux sont axés sur le régime de transport terrestre
bilatéral et coordonnent en outre des investissements dans de nouvelles autoroutes. Ainsi, le Chili
et la Bolivie entretiennent une relation de voisinage intense, riche et dynamique. Le territoire
chilien et ses ports sont ouverts à l’intégration bilatérale et régionale. Le Chili a affecté d’énormes
ressources financières à l’amélioration de l’intégration de la Bolivie et d’autres pays d’Amérique
du Sud dans le Pacifique. Nous faisons cela, convaincus que l’intégration constitue un facteur
commun du développement.
- 17 -
Monsieur le président et Messieurs les ministres des affaires étrangères, mes confrères, j’ai
écouté très attentivement les paroles du ministre bolivien des affaires étrangères quant à la
nécessité d’initier et de poursuivre un dialogue avec notre pays afin de traiter toutes les questions
bilatérales. En effet, l’année dernière, les ministres chilien et bolivien des affaires étrangères ont
tenu des réunions qui ont permis d’accomplir des progrès en nous orientant vers la matérialisation
possible d’un dialogue bilatéral visant à créer les conditions de confiance nécessaires pour avancer
dans la normalisation de nos relations.
Le gouvernement de mon pays, animé d’un esprit constructif, s’efforce d’améliorer ses
relations avec la Bolivie sur la base de l’intégration et de rapports de bon voisinage. Nous sommes
persuadés que, malgré les difficultés existantes, nous avons la capacité d’aller de l’avant en
construisant un environnement favorable pour mener à bien cet objectif.
Concernant l’accès à la mer, tout en rappelant notre position, nous aimerions souligner que
nous sommes prêts à envisager des formules imaginatives, modernes, pratiques et réalistes
susceptibles de parfaire les facilités d’accès de la Bolivie à la mer. Je le répète, Monsieur le
président, notre gouvernement est désireux de veiller à ce que ce dialogue et cette intégration
constituent des instruments efficaces dans nos relations et nos objectifs de développement
commun. La Bolivie peut compter sur la bonne disposition du Gouvernement chilien à ce sujet.
Je vous remercie, Monsieur le président.
___________
- 18 -
ANNEXE 349
PROCÈS-VERBAL DE LA 25E SÉANCE PLÉNIÈRE, CINQUANTE-CINQUIÈME SESSION
DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE, NATIONS UNIES, DOC. A/55/PV.25,
20 SEPTEMBRE 2000, [EXTRAIT]
https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N00/650/24/pdf/N0065024.p…?
OpenElement
Nations Unies A/55/PV.25
Assemblée générale
Cinquante-cinquième session
25e séance plénière
Mercredi 20 septembre 2000, à 15 heures
New York
Documents officiels
Ce procès-verbal contient le texte des déclarations prononcées en français et l’interprétation des
autres déclarations. Les rectifications ne doivent porter que sur les textes originaux des
interventions. Elles doivent être indiquées sur un exemplaire du procès-verbal, porter la
signature d’un membre de la délégation intéressée et être adressées au Chef du Service de
rédaction des procès-verbaux de séance, bureau C-178. Les rectifications seront publiées après
la clôture de la session dans un rectificatif récapitulatif.
00-65024 (F)
`````````
Président : M. Holkeri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (Finlande)
La séance est ouverte à 15 heures.
Point 9 de l’ordre du jour (suite)
Débat général
Le Président (parle en anglais) : Je donne tout
d’abord la parole au Ministre des affaires étrangères du
Libéria, S. E. M. Monie Captan.
M. Captan (Libéria) (parle en anglais) : Je suis
honoré de participer à cette session historique, au nom
de S. E. M. Charles Ghankay Taylor, Président de la
République du Libéria.
J’ai le plaisir de vous féliciter, Monsieur le Président,
pour votre élection à la présidence de la cinquante-
cinquième session de l’Assemblée générale. Ma
délégation reconnaît la finesse diplomatique et la sagesse
appréciée de tous qui vous ont conduit à ce poste.
C’est pourquoi nous savons que cette session sera un
succès. Nous vous assurons de la complète coopération
de la délégation libérienne.
Je profite aussi de l’occasion pour rendre hommage
au Président sortant, M. Theo-Ben Gurirab, de la
Namibie, mon frère et collègue, pour la grande compétence
avec laquelle il a conduit la cinquantequatrième
session de l’Assemblée générale.
Dans le même esprit, je félicite notre Secrétaire
général, M. Kofi Annan, pour sa vision, la manière efficace
et visionnaire avec laquelle il continue de remplir
son mandat.
Cette session a pour tâche de déterminer comment
la communauté internationale va gérer les problèmes
essentiels de la paix et du développement. Cette
session doit aider à prévenir les conflits au sein des
États, entre les États, et au niveau régional. Elle doit
aussi faire en sorte que la recherche de solutions
s’effectue par une approche équilibrée et non partisane.
Elle doit, de plus, réfléchir à la façon de rendre équitable
la structure financière actuelle de l’Organisation.
Malgré les dividendes tant annoncés de la mondialisation,
les pays en développement sont toujours assaillis
par les fardeaux de l’endettement qui s’accumule, par
des pratiques commerciales injustes, par la baisse de
l’aide officielle au développement, par de médiocres
systèmes de soins de santé et par des flux de ressources
insuffisants. Durant nos délibérations, nous ne devons
pas ignorer le besoin extrême d’améliorer les conditions
de la mondialisation en prenant en compte les
besoins des pays en développement.
Les objectifs et principes de la Charte se sont
avérés d’une valeur durable au fil des années. Aujourd’hui,
comme par le passé, le Libéria réaffirme son
attachement à cet instrument. La structure qui a évolué
continue d’offrir le cadre indispensable à de meilleures
relations internationales. Mais les États Membres ne
peuvent pas continuer d’appuyer l’ONU seulement en
paroles. Ils doivent éviter d’exploiter l’ONU dans un
esprit opportuniste alors qu’ils poursuivent d’étroites
ambitions nationales, qui ne manquent jamais d’en discréditer
d’autres.
- 19 -
10 n0065024.doc
A/55/PV.25
Il n’y en a pas. Nous inclurons donc les États fédérés
de Micronésie dans la liste.
Je donne d’abord la parole à S. E. M. Fernando
Messmer Trigo, Vice-Ministre des affaires étrangères
de Bolivie.
M. Messmer Trigo (Bolivie) (parle en espagnol)
: Le Gouvernement bolivien m’a chargé de vous
transmettre ses félicitations les plus sincères à
l’occasion de votre élection à la présidence de la cinquante-
cinquième Assemblée générale, ce qui constitue
une reconnaissance de vos mérites personnels et un
hommage à votre pays. Je voudrais également remercier
S. E. M. Theo-Ben Gurirab pour ses activités pendant
la cinquante-quatrième session de l’Assemblée
générale et pour son dévouement durant les préparations
du Sommet du millénaire et de l’Assemblée du
millénaire.
Des remerciements particuliers vont au Secrétaire
général Kofi Annan pour son rapport préalable au
Sommet du millénaire, dont le contenu nous a offert
l’occasion de réfléchir sur le traitement de questions
particulières qui ont intéressé l’ONU tout au long de
ses 55 années d’existence.
Nous nous félicitons aussi de l’admission récente
de Tuvalu, nouveau Membre à part entière de notre
Organisation.
Le Sommet du millénaire qui s’est tenu récemment
a confirmé la reconnaissance par la communauté
internationale de l’importance, de la signification et
des perspectives de l’Organisation des Nations Unies.
Le Sommet a aussi clairement souligné l’urgence
d’adapter l’ONU à la nouvelle réalité que nous vivons,
qui est certainement assez différente de la situation et
des circonstances qui régnaient lorsque notre Organisation
a vu le jour, et de lui offrir les moyens pour ce
faire.
Aujourd’hui, les préoccupations des peuples et
des gouvernements sont également différentes. La pauvreté,
le sous-développement et les inégalités accentuées
sont des facteurs qui contribuent à engendrer des
divisions nouvelles, lesquelles risquent de conduire à la
violence. Ces réalités doivent être corrigées, car elles
sont susceptibles d’engendrer des conflits qui, s’ils
persistent, pourraient gravement mettre en danger la
stabilité économique et politique mondiale, et, cela va
sans dire, la stabilité et la paix internationales du même
coup.
Notre organisation doit être renforcée de telle
façon qu’elle puisse réussir à canaliser les attentes et
les possibilités qu’offre la mondialisation tout en maîtrisant,
voire en empêchant, les dangers implicites
qu’elle comporte, notamment pour les économies les
plus vulnérables, qui aujourd’hui se voient menacées
de nouvelles formes d’exclusion.
L’ONU doit être renouvelée pour demeurer
l’instrument efficace de dialogue qu’exige l’édification
d’un monde où régneraient une grande sécurité et davantage
de solidarité.
Nous devons donc redéfinir les priorités de
l’Organisation pour qu’elles se traduisent en actions
claires et efficaces. Il faut pour ce faire engager des
réformes substantielles des organes économiques et
financiers du système, envisager une modernisation des
méthodes de travail de l’Assemblée générale et une
adaptation du Conseil de sécurité à ces nouvelles réalités.
D’autres tâches, non moins importantes, consistent
à assurer à notre institution les ressources nécessaires,
à obtenir le financement du développement et
des opérations de maintien de la paix, à ajuster le barème
des quotes-parts conformément au principe de
base qu’est la capacité de paiement des pays.
Il y a quelques jours seulement, au Sommet du
millénaire, le Président de la Bolivie, Hugo Banzer, a
évoqué le lien étroit entre liberté et pauvreté, et entre
pauvreté et violence. Il a lancé un appel pour qu’une
lutte contre la pauvreté soit menée conformément au
principe de la responsabilité partagée, en prenant
des engagements véritablement démocratiques afin de
réduire les inégalités actuelles, qui risquent de
s’accentuer.
Il est injuste que dans une économie ouverte, les
marchés se ferment et que des mesures discriminatoires
soient appliquées à des fins protectionnistes. Il est
d’autre part impératif de favoriser les pays petits sur le
plan économique en leur accordant des flux de capitaux
et des programmes d’allégement de la dette plus importants.
La science et la technologie doivent devenir un
patrimoine de l’humanité. Les connaissances scientifiques
et technologiques ne doivent pas creuser davantage
les fossés et les divisions déjà existants.
Lors de la réunion historique des Présidents de
l’Amérique du Sud, tenue récemment à Brasilia, les
chefs d’État de la région ont souligné l’importance de
- 20 -
n0065024.doc 11
A/55/PV.25
l’accès à cette nouvelle ère de l’information et des
connaissances, qui fraiera à nos pays la voie du renforcement
d’un système d’éducation continu garantissant
l’éducation à tous les niveaux, aux secteurs les plus
vastes de la société, et permettant l’accès illimité aux
connaissances et à l’information.
La démocratie, qui aspire fondamentalement à
organiser la vie de l’homme en société, est un concept
vital qui change et s’adapte au rythme des sociétés elles-
mêmes, sans perdre pour autant ses valeurs essentielles.
Persuadés que nous sommes que la démocratie
doit aller au-delà des mises en scène électorales et que
la souveraineté revient au peuple, qui l’exprime par le
biais de ses représentants, nous avons affirmé en Bolivie
que le principe de la concertation politique doit
constituer le fondement d’un système de démocratie
pluraliste et participative.
Dans ce contexte, la pratique du dialogue national
a été établie au cours du mandat du Président Banzer.
Ce mécanisme vise à établir une nouvelle relation, qui
consiste à unir les efforts et à partager les responsabilités
entre les institutions gouvernementales, le système
politique et les organisations dans toute la société. La
détermination concertée d’importantes politiques de
l’État a été le fruit du premier dialogue national, tenu
en 1997.
Cette année, un dialogue national a été ouvert une
seconde fois pour donner un élan nouveau aux réformes
institutionnelles et pour élaborer un programme
national de lutte contre la pauvreté. Un nouveau plan,
auquel participent plus de 3 000 citoyens de toutes les
communes de la Bolivie, est en cours d’élaboration. Il
vise à répartir des droits et des responsabilités qui permettent,
dans le cadre d’une économie de marché, de
lutter contre la pauvreté; une pauvreté qui, malgré près
de 20 ans de vie démocratique, n’a cessé d’affecter de
vastes secteurs de notre population.
Peu après son entrée en fonctions, en août 1997,
le Président Banzer s’est engagé à faire sortir une fois
pour toutes la Bolivie des circuits du trafic des stupéfiants
au cours de son mandat, à travers la mise en oeuvre
d’une politique globale qui comprend d’autres
voies de développement, l’élimination des cultures illicites
de coca, des mesures de confiscation, prévention
et réinsertion.
En dépit des doutes quant à la viabilité de ce plan,
nous sommes aujourd’hui en mesure d’affirmer que
nous aurons tenu notre engagement plus tôt que prévu.
En 1997, il y avait en Bolivie quelque 38 000 hectares
plantés de cultures de coca illicites. Aujourd’hui, plus
de 80 % de ces cultures illicites de coca ont été éliminés.
Il reste à savoir si nous sommes en mesure de
maintenir ces résultats : c’est cela qui nous préoccupe.
Les conditions doivent être créées pour empêcher tout
retour vers la production de la feuille de coca, faute
d’emplois et de revenus. L’essentiel de nos efforts est
consacré à la recherche d’autres voies de développement,
afin que les revenus illicites du coca soient remplacés
par des revenus légaux provenant d’autres activités
productives. Si nous n’obtenons pas des résultats
concrets, nous courons le risque de voir tous ceux qui
ne peuvent pas aspirer à d’autres moyens d’existence
céder de nouveau à la tentation de cultiver du coca.
Cela reviendrait à capituler devant le trafic des stupéfiants,
et signifierait en même temps un échec non
seulement pour la Bolivie, mais pour l’ensemble de la
communauté internationale.
Ce dont la Bolivie a besoin, en conséquence, c’est
d’un appui dans deux domaines fondamentaux : premièrement,
l’investissement pour promouvoir la croissance
économique dans les secteurs qui créeront le plus
grand nombre d’emplois; deuxièmement, l’ouverture
de marchés sûrs pour nos exportations.
Lors de précédentes sessions de l’Assemblée, la
Bolivie a fait connaître les arguments historiques, politiques
et économiques sur lesquels repose son besoin
absolu de retrouver la vocation maritime qui était la
sienne lors de son accession à l’indépendance. À cette
fin, la Bolivie a encouragé un dialogue direct avec la
République du Chili.
Du fait de contacts précédents, les Ministres des
affaires étrangères de la Bolivie et du Chili se sont réunis
en février dernier au Portugal, où un accord portant
sur un programme de travail a été conclu; il sera
officialisé aux étapes suivantes du dialogue, incorporera
sans aucune exclusion les questions essentielles de
nos rapports bilatéraux et cherchera à surmonter les
divergences qui ont empêché une intégration totale entre
la Bolivie et le Chili, le principal obstacle ayant été
sans aucun doute cette revendication maritime non résolue
de la Bolivie. Dans une avancée significative, à
l’occasion de la réunion récente des Présidents
d’Amérique du Sud, les Présidents de la Bolivie et du
Chili, Hugo Banzer et Ricardo Lagos, ont réaffirmé que
leurs gouvernements étaient disposés à avoir un dialo-
- 21 -
12 n0065024.doc
A/55/PV.25
gue sur tous les sujets ayant trait aux questions bilatérales,
sans aucune exclusion, afin de créer un climat de
confiance réciproque permettant l’établissement de
liens plus étroits basés sur le cadre et les positions
adoptés par les deux pays.
La communauté internationale, et tout particulièrement
la région des Amériques, suit avec grand intérêt
le développement et les progrès de ce processus diplomatique.
La proposition de dialoguer sur toutes les
questions, sans aucune exclusion, représente un défi à
l’imagination, et met à l’épreuve notre volonté politique
de corriger une fois pour toutes une situation injuste
qui remonte à 1879. De plus, cela renforcera
également la capacité de l’Amérique latine de résoudre
ses conflits de façon juste, pacifique et négociée, et
représentera une avancée sur la voie de l’intégration
régionale.
Dans ce contexte, nous proposons de mettre en
oeuvre un programme de développement intégré de
l’ouest de la Bolivie et du nord du Chili. Nous avons
aussi la certitude que le Pérou s’associera à ce programme
pour mobiliser les ressources et les capacités
des trois pays de cette région. De cette façon, une
contribution sera apportée à l’articulation des bassins
liant l’Atlantique et le Pacifique. La persistance de
l’enclavement de la Bolivie au coeur du continent est,
sans aucun doute, un obstacle à la création d’un grand
espace d’entente et de dialogue dans cette région de
l’Amérique du Sud, et retire aux objectifs d’intégration
en cours de réalisation dans la région une partie de leur
efficacité.
L’occasion se prête à remercier le Secrétaire général,
Kofi Annan, de son intérêt pour les relations entre
la Bolivie et le Chili, dûment transmis aux autorités
des deux pays. Le Secrétaire général a exprimé sa satisfaction
quant aux échanges tenus au niveau des chefs
d’État, des ministres des affaires étrangères et des autres
autorités de la Bolivie et du Chili, dans les termes
où se sont exprimées les parties.
Mon pays s’engage à faire les plus grands efforts
pour que la volonté récemment exprimée par les Présidents
de la Bolivie et du Chili se traduise en des actes
qui permettent aussi bien aux Boliviens qu’aux Chiliens
d’avancer dans la solution de leurs différends,
avec une vision de l’avenir et dans un esprit fraternel.
Le Président (parle en anglais) : Je donne à présent
la parole au Ministre des affaires étrangères du
Myanmar, S. E. M. Win Aung.
M. Aung (Myanmar) (parle en anglais) : Je voudrais
tout d’abord vous féliciter chaleureusement à
l’occasion de votre élection méritée à la présidence de
cette historique Assemblée du millénaire. Nous sommes
fermement convaincus que sous votre direction
compétente, la première session de l’Assemblée générale
dans ce siècle nouveau sera couronnée de succès.
Cette session nous donne l’occasion de faire le point
des réalisations de l’Organisation, de ses succès et des
domaines où il faut la renforcer pour qu’elle soit à la
hauteur des défis du siècle nouveau.
Je voudrais aussi remercier votre prédécesseur,
M. Theo-Ben Gurirab, de la Namibie, pour les talents
de dirigeant dont il a fait preuve dans les préparatifs de
cette Assemblée du millénaire, pour ses efforts inlassables
et son dévouement, pour ses compétences et la
gestion intelligente dont il a fait preuve pendant sa présidence
de la dernière session de l’Assemblée générale
au XXe siècle, dont les travaux ont connu le succès.
Ma délégation est très heureuse de voir parmi
nous Tuvalu, nouveau Membre de l’Organisation mondiale.
Avec l’admission de Tuvalu en tant que
189e Membre de l’ONU, l’objectif de l’adhésion de
tous les pays devient moins éloigné. Au nom de la délégation
de l’Union du Myanmar, je voudrais féliciter
chaleureusement la délégation de Tuvalu.
Après la Seconde Guerre mondiale, et en vertu de
la Charte des Nations Unies, nous avons mis en place
le système actuel de sécurité collective. Depuis lors,
nous avons assisté à des changements importants dans
les réalités géopolitiques du monde, qui ont abouti à de
nouvelles réalités dans les relations internationales. Il
existe un fort consensus au sein de l’Organisation en
faveur d’une réforme; l’Organisation doit s’adapter aux
nouvelles réalités pour pouvoir plus efficacement relever
les nouveaux défis. Ce consensus a eu pour résultats
différentes mesures et propositions de réforme de
l’Organisation, y compris un processus visant à rendre
le Conseil de sécurité plus efficace, démocratique,
transparent et responsable.
Lorsque le processus a commencé en 1993, nous
avions espéré que la réforme du Conseil serait terminée
au début du nouveau millénaire. Mais, après sept années
de débats sur la manière de réformer le Conseil, la
réalité montre que le problème auquel nous nous attaquons
est tellement complexe qu’il ne peut pas être
réglé rapidement. Il y a eu une convergence d’idées
dans certains domaines, mais dans d’autres on s’est
- 22 -
- 23 -
ANNEXE 354
A. VIOLAND ALCAZAR, RETOUR SOUVERAIN À LA MER. DES NÉGOCIATIONS
CONTRARIÉES (2004), P. 286 ET 287 [EXTRAIT]
En Bolivie, les réactions de protestation à l’encontre du Chili empirèrent, depuis la presse
quotidienne jusqu’aux partis politiques en passant par les sociétés professionnelles et les comités
civiques. Nombreux étaient ceux qui demandaient la dénonciation du traité de 1904, tout comme
ceux qui réclamaient la rupture des relations avec le Chili.
Le journal El Mercurio publia deux articles : l’un, intitulé «Une agitation indésirable»,
indiquait que l’échange de territoires était une condition sine qua non des négociations avec la
Bolivie, suggérant que le ministère chilien des affaires étrangères publie un livre blanc sur la
progression des négociations ; le second article affirmait que l’ancien ambassadeur
Gutiérrez Vea Murguía prônait l’échange de territoires.
Le ministre des affaires étrangères Adriazola, présent à l’Assemblée générale des
Nations Unies à New York, déclara le 26 septembre que le fait qu’une solution au problème
maritime de la Bolivie se fasse attendre mettait à rude épreuve la bonne foi des négociations et
risquaient de démentir les «solidarités prétendues», et il exprima l’espoir que le Chili obtienne
l’accord du Pérou afin de trouver une solution qui satisfasse les attentes de la nation bolivienne et
les demandes que la justice impose au monde contemporain. Adriazola et le ministre des affaires
étrangères Carvajal déjeunèrent ensemble au Waldorf Astoria Hotel, pour tenter de remédier à la
situation.
Néanmoins, le jour suivant, l’implacable journal chilien critiquait le ministre bolivien des
affaires étrangères, qui s’était «plaint auprès des Nations Unies», affirmant que le Chili n’acceptait
pas d’être conduit devant un forum international pour débattre des aspirations maritimes de la
Bolivie.
Le 29 septembre, à marche forcée, les ministres chilien, péruvien et bolivien des affaires
étrangères, Patricio Carvajal, José de la Puente et Oscar Adriazola, se rencontrèrent à New York et
convinrent de nommer des représentants spéciaux ayant pour mission de faire avancer les
négociations. El Mercurio intervint pour publier que l’accord tripartite nommant les représentants
spéciaux «ne signifiait pas que les négociations entre le Chili et la Bolivie étaient devenues des
négociations tripartites». Le ministre péruvien des affaires étrangères affirma que «la Bolivie et le
Chili devaient parvenir à un accord sur l’accès à la mer avant que le Pérou n’envisage la possibilité
de donner son consentement».
Parallèlement, le général Pinochet, qui participait à une réception à laquelle j’avais
également été convié, me demanda de transmettre au général Banzer son désir de le rencontrer à la
frontière, en ajoutant qu’il s’agirait d’une entrevue destinée à apaiser l’opinion publique des deux
pays, bien que visiblement cette rencontre n’impliquerait pas d’avancées substantielles dans les
négociations proprement dites. La réponse était claire : si aucun progrès substantiel ne devait être
fait, il n’y avait aucune raison d’organiser une rencontre présidentielle à la frontière.
Mario Gutiérrez, ambassadeur auprès des Nations Unies, mentionna les deux visages du
Gouvernement chilien, et Mario Rolón, l’ambassadeur au Venezuela, indiqua que «la politique
internationale du Chili semblait incohérente, contradictoire, et répondait à des désirs colonialistes».
Le Gouvernement chilien protesta.
Le 15 octobre, le ministre des affaires étrangères Adriazola fit l’annonce suivante à la
presse : «Il a été décidé de rétablir notre ambassadeur à Santiago.» La presse bolivienne reçut cette
- 24 -
annonce comme une réaction du Gouvernement bolivien aux déclarations malheureuses du ministre
des affaires étrangères Carvajal.
Malgré la déclaration du président Banzer à Cochabamba, indiquant que le retour de
l’ambassadeur Violand à Santiago n’entraverait pas les relations entre le Chili et la Bolivie,
l’instruction que j’avais reçue «d’un retour hâtif mais dans les règles officielles» reflétait le
contraire.
Une phrase prononcée par le ministre chilien des affaires étrangères à un moment inopportun
avait hâté la fin des négociations. J’avais toujours l’impression que l’amiral Carvajal dissimulait
une affection qui le torturait, malgré son amabilité et ses manières de parfait gentleman qui
contrastaient avec ses expressions directes et souvent rudes.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
___________
- 25 -
ANNEXE 360
U. FIGUEROA PLA, LA DEMANDE MARITIME DE LA BOLIVIE DEVANT DES INSTANCES
INTERNATIONALES (2007), P. 95-99, 208-215, 221 ET 222
[EXTRAIT]
VI. L’enclavement en tant qu’élément de pression pour le rétablissement
des relations diplomatiques
L’obsession pour la reprise des relations diplomatiques
Pour la Bolivie, la reprise des relations diplomatiques avec le Chili, suspendues le 15 avril
1962, devint un élément de pression et de conditionnement devant le désir constant et permanent du
Chili de trouver une façon de les normaliser. A l’origine, il s’agissait d’un élément de pression pour
tenter d’obtenir une compensation sous une forme ou une autre pour les travaux de captation d’eau
réalisés sur le fleuve Lauca. Au bout de quelques semaines, la Bolivie commença à mentionner «le
problème majeur», à savoir l’accès souverain au Pacifique et, progressivement, quelques années
plus tard, elle abandonna toutes allusions au [fleuve] Lauca.
Indubitablement, sur le plan de la politique interne, [pour la Bolivie,] il était plus bénéfique
de mentionner l’enclavement plutôt que le [fleuve] Lauca, car cela révéla rapidement l’absence des
prétendus dommages qu’elle invoquait suite au détournement d’une partie de ses eaux.
A partir de 1962, de fréquents pourparlers eurent lieu dans le but de rétablir les relations
diplomatiques. Pratiquement tous se déroulèrent lors de rencontres internationales auxquelles
participaient des délégations des deux pays.
Des progrès semblaient parfois avoir été faits, créant alors des illusions passagères au Chili
lorsque «le problème majeur» n’était pas immédiatement abordé. Cela véhiculait une impression
d’optimisme. Mais ce n’était que le fruit d’entretiens menés avec un interlocuteur qui avait un désir
sincère de rapprochement. Ce désir était, sans conteste, personnel. Lorsque arrivait le moment de
l’adoption de la décision politique finale, les autorités boliviennes se trouvaient confrontées à la
réalité des opinions publiques instruites par les gouvernements successifs.
Des conditions finissaient toujours par être imposées, même au dernier moment. Les
pourparlers étaient paralysés tant que le Chili ne faisait pas la promesse explicite de se pencher sur
un accès souverain au Pacifique pour la Bolivie.
Ce scénario ne cessa de se répéter des années durant.
Au fil du temps, le Gouvernement de La Paz affermit son objectif de conditionner la reprise
des relations diplomatiques avec le Chili à l’obtention de son «propre» accès «souverain» à l’océan
Pacifique ou, tout au moins, à la promesse officielle du Chili d’entamer des négociations sans
tarder, immédiatement après la reprise des relations diplomatiques.
Les dirigeants boliviens, malgré leur volonté personnelle de soutenir un renforcement des
liens, ne disposent pas en Bolivie d’un espace politique confortable leur permettant de développer
leurs relations avec le Chili. Au fil du temps, leur domaine d’action s’est trouvé réduit par les
mesures et les précédents que les gouvernements antérieurs ont laissé en héritage aux pouvoirs
publics en place.
Un rapprochement avec le Chili a un coût politique en Bolivie. Plus il sera marqué, plus le
coût sera élevé. Si nous ajoutons à cela la reprise de relations diplomatiques sans négociations
portuaires, le coût politique sera non seulement très élevé pour le Gouvernement bolivien, mais il
- 26 -
bouleversera en outre les relations d’une manière générale et sapera toute tentative de nouer des
liens plus amicaux et plus constructifs.
Parfois, les responsables chiliens semblent avoir fermé les yeux sur la réalité et préféré se
bercer de l’illusion passagère produite par une ancienne amitié, une poignée de main, une étreinte,
un sourire bolivien qui n’étaient rien de plus que des bonnes manières.
A d’autres moments, ils se sont laissé emporter par la tentation facile d’appliquer des
politiques personnelles, ou élaborées en cercles restreints, qui ont fini par se heurter à la réalité
implacable qu’ils refusaient tout d’abord de voir.
Les mesures de politique étrangère, dans les domaines délicats, doivent être conçues au sein
du ministère des affaires étrangères, en particulier dans les domaines classés sensibles. Les
connaissances accumulées par la chancellerie sont immenses et son expérience est riche. C’est là
que nous trouverons le meilleur outil pour l’étude de la politique internationale à la disposition du
président de la République et pour la mise en oeuvre de ces mesures en accord avec les intérêts
supérieurs du pays.
Et si l’on peut tirer une conclusion aujourd’hui, avant de rappeler certaines des nombreuses
démarches entreprises pour renouer les relations diplomatiques, ce serait qu’après tous les efforts
déployés l’expérience a montré que dans une politique de rapprochement avec la Bolivie nous ne
pouvons agir comme si rien ne s’était passé entre les deux pays après la signature du traité de 1904.
Les premières tentatives de renouer les relations diplomatiques (1962 et 1963)
Dès que le débat au sujet de la question du fleuve Lauca prit fin au conseil de l’OEA,
l’organisation entreprit des démarches pour parvenir à la normalisation des relations entre le Chili
et la Bolivie.
A l’occasion de l’Assemblée générale des Nations Unies, en octobre 1962, à l’initiative de la
Bolivie, des pourparlers officieux se tinrent entre les ministres des affaires étrangères
Martínez Sotomayor et Fellman Velarde en vue de rétablir des relations et de rechercher une
solution amicale et pratique au différend du fleuve Lauca. La Bolivie proposa les bases suivantes :
a) le rétablissement des relations diplomatiques ;
b) le renoncement à la proposition de médiation bolivienne et à la proposition d’arbitrage chilien
sur le [fleuve] Lauca ;
c) le retrait par la Bolivie de sa condition préalable portant sur la fermeture des vannes du Lauca.
En échange, le Chili devait s’engager à :
a) fournir à la frontière un volume supérieur d’eau provenant du [fleuve] Lauca, qui serait obtenu
par le biais de travaux supplémentaires de captation d’eau à la source de ce fleuve ;
b) pouvoir vendre l’électricité produite dans la centrale électrique de Chapiquiña avec l’eau
provenant du fleuve Lauca ;
c) prendre des mesures pour l’annulation des dettes exigibles pour la voie ferrée d’Arica à La Paz ;
et
d) rechercher des formules de développement dans les zones frontalières.
- 27 -
Il fut convenu qu’à Washington les deux Parties élaboreraient un projet de loi, qui devait être
échangé le 31 octobre, pour permettre la reprise des relations. Le 3 novembre, le Chili soumit un
projet de loi, et trois jours plus tard la Bolivie déclara que le document chilien ne contenait aucune
solution à la question du [fleuve] Lauca, pour laquelle la Bolivie avait proposé deux variantes. Le
Chili estimait avoir élaboré la loi sur la base des points débattus par leurs ministres des affaires
étrangères respectifs aux Nations Unies et s’être penché sur l’élaboration d’un traité susceptible
d’établir les principes et normes étayant une solution à tout nouveau problème susceptible de se
faire jour à l’avenir quant à l’utilisation des eaux internationales.
Les deux variantes, dévoilées plus tard par la Bolivie, consistaient en ce que le Chili restaure
le plus petit débit des eaux du fleuve pénétrant alors en Bolivie ou en ce que les deux pays
recourent à une organisation internationale nécessitant la nomination d’une commission technique
pour examiner si le détournement des eaux du fleuve Lauca portait ou non préjudice à la Bolivie et,
en fonction du résultat, pour étudier des compensations.
Le Chili réaffirma son désir de trouver une solution à l’amiable à la question du fleuve
Lauca, et la Bolivie accepta de prendre en considération le projet de loi sur le rétablissement des
relations élaboré par le Chili. Ladite loi serait signée lors d’une réunion spéciale des deux ministres
des affaires étrangères, assortie de l’ajout des variantes proposées.
La Bolivie suggéra ensuite deux amendements supplémentaires à la loi : l’un, intégrant une
phrase qui indiquait que le Chili rechercherait une solution à l’amiable à la question du fleuve
Lauca ; le second mentionnant que parmi les sujets que les deux ministres des affaires étrangères
devraient prendre en compte figurerait l’amorce de négociations directes sur la question de l’accès
à la mer, conformément à la note du 20 juin 1950 et au mémorandum du 10 juillet 1961 (pour
rappel, la note susmentionnée avait été diffusée en 1950 par le chancelier Horacio Walker et
proposait des pourparlers directs concernant l’accès à la mer).
La Bolivie saisit alors l’opportunité d’inclure, dans les entretiens, la question de son
enclavement. Les négociations de 1962 furent arrêtées à ce point. Le chancelier Carlos Martínez
Sotomayor n’accepta pas l’inclusion de la question maritime et mit fin aux discussions.
A son retour de Washington, dans des déclarations faites à la presse de son pays le
30 décembre 1962, le ministre bolivien des affaires étrangères et du culte, José Fellman Velarde,
expliqua que «la question du fleuve Lauca est le vecteur qui a permis à la Bolivie de faire prendre
conscience à son peuple du problème de son enclavement».
Ces paroles du chancelier bolivien récapitulaient avec une éloquence particulière la politique
de ce gouvernement et plaçaient la question du fleuve Lauca dans une perspective bien différente
de celle que les représentants de ce pays s’étaient efforcés de mettre en avant lorsqu’ils s’étaient
rendus au conseil de l’Organisation des Etats d’Amérique.
Parallèlement, la chancellerie de La Paz lança une campagne de propagande et de
provocations dirigée contre le Chili. Manifestations quotidiennes de hauts fonctionnaires
gouvernementaux, commentaires de presse, interviews et déclarations alimentèrent cette campagne.
Cette virulente offensive conduisit à la présentation, devant le conseil de l’OEA, de la proposition
bolivienne d’inclure à l’ordre du jour de la onzième conférence interaméricaine le thème de «la
question du port bolivien». Cette conférence devait avoir lieu à une date ultérieure, qui n’était pas
encore fixée.
A cette fin, le 11 décembre 1962, la représentation bolivienne envoya au secrétaire général
de l’OEA, José Antonio Mora, la note UP29, dont la teneur était la suivante :
- 28 -
«Monsieur le secrétaire général,
Conformément aux instructions reçues de mon gouvernement, j’ai l’honneur de
m’adresser à Votre Excellence afin de vous demander de transmettre à l’honorable
président du conseil de l’Organisation des Etats américains la demande de la Bolivie
de faire consigner, dans la partie concernée de l’ordre du jour de la onzième
conférence interaméricaine qui doit se tenir à Quito en Equateur, le point suivant,
conformément aux dispositions du règlement intérieur de la conférence
interaméricaine : «La question du port de la Bolivie».
Je vous en remercie par avance et vous réitère, Excellence, l’assurance de ma
considération la plus haute et la plus distinguée.
(Signé) Emilio SARMIENTE CARUNCHO.»
Il convient de rappeler que la onzième conférence internationale des Etats américains, qui
devait se tenir dans la ville de Quito en Equateur, n’eut pas lieu.
A la fin de l’année 1962 et au début de l’année 1963, le président de l’OEA, l’ambassadeur
Gonzalo Facio, entama des négociations officieuses dans le but de rétablir les relations entre le
Chili et la Bolivie. Il proposa aux deux pays un projet de loi sur la reprise des relations
diplomatiques, fort semblable à celui présenté par le Chili le 3 novembre de l’année précédente.
Le Chili fit part de son accord, mais la Bolivie insista sur la clause relative à l’accès à la mer.
Dans une tentative de conciliation, l’ambassadeur Facio fit un voyage en Bolivie, où il
rencontra les autorités du pays. A La Paz, le chancelier Fellman Velarde insista sur l’importance de
relier la normalisation des relations diplomatiques avec le Chili à l’engagement d’accorder à la
Bolivie un accès souverain au Pacifique. Le 17 février, il remit un mémorandum comportant une
autre proposition qui envisageait la concession d’une enclave portuaire.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
L’Assemblée générale de l’OEA de 1983
Lors de cette assemblée, la stratégie bolivienne visait  dès les mois de sa préparation,
lorsque les ambassadeurs Crespo, à Genève, et Salazar, à Washington, avaient tenu des pourparlers
à cette fin  à créer une atmosphère de tranquillité au Chili. Il ne devait y avoir aucune
confrontation. L’idée était d’envisager de nouvelles voies et de renforcer la compréhension.
Selon l’ambassadeur Salazar, un projet de résolution bolivien ne serait pas présenté, bien que
l’ambassadeur Crespo ait affirmé le contraire à Genève. La Colombie devait être autorisée à
poursuivre ses efforts et formuler, devant l’assemblée générale, un appel aux deux pays à entamer
le dialogue.
Dans son allocution lors du débat général aux Nations Unies, le ministre bolivien des affaires
étrangères en fit la démonstration en mentionnant avec noblesse le problème de l’enclavement de
son pays, et le Chili ne répondit pas.
Au début de l’Assemblée générale de l’OEA à Washington, une rencontre officieuse fut
organisée entre les représentants Pedro Daza, du Chili, et Alfonso Crespo, ambassadeur bolivien à
Genève, présidée par l’ambassadeur colombien, Francisco Posada. L’ambassadeur Crespo annonça
l’intention de la Bolivie de présenter un projet de résolution, provoquant ainsi la surprise tant chez
le représentant chilien que chez l’ambassadeur colombien. Il déclara que pour l’opinion publique
- 29 -
bolivienne l’absence d’une telle résolution serait incompréhensible, mais que dans tous les cas la
résolution devrait refléter l’atmosphère créée par les réunions organisées entre les ministres des
affaires étrangères.
Lorsque les ministres chilien, bolivien et colombien des affaires étrangères, à savoir
Schweitzer, Ortiz Mercado et Lloreda, se rencontrèrent, le ministre bolivien des affaires étrangères
rappela la façon positive et éminente dont la question de l’enclavement de la Bolivie avait été
traitée. Dans cet état d’esprit, il sortit de sa poche un projet de résolution préliminaire qu’il avait
esquissé et dont la teneur était la suivante :
«Vu
La résolution AG/RES.426, adoptée lors de la neuvième session ordinaire, qui
indique «qu’il est de l’intérêt permanent du continent de trouver une solution équitable
qui assure à la Bolivie un accès souverain et utile à l’océan Pacifique».
Les résolutions AG/RES.481, AG/RES.560 et AG/RES.602, adoptées par
l’assemblée générale lors de ses dixième, onzième et douzième sessions ordinaires,
qui ratifient la résolution 426.
Considérant
Qu’il est nécessaire d’établir des procédures d’application pour une négociation
menant à un règlement du problème susmentionné.
Que l’article 24 de la charte prescrit l’action des bons offices comme l’une des
procédures d’application.
Décide
1. De réaffirmer son appui à la teneur des résolutions susmentionnées.
2. De ratifier le principe d’un règlement pacifique des différends, conformément
à la charte de l’OEA, en réaffirmant sa décision de coopérer au maintien de la
paix et de la sécurité internationales sur le continent.
3. De nommer une commission des bons offices intégrée par des représentants
des pays suivants …
4. Que la Commission nomme, conjointement ou séparément, des représentants
des Gouvernements bolivien et chilien pour examiner la situation actuelle
concernant l’absence de relations diplomatiques entre deux Etats, avant de
formuler les propositions qu’elle considérera appropriées.
5. D’exhorter les Gouvernements bolivien et chilien à apporter leur soutien aux
missions confiées à la commission mentionnées dans l’article précédent.
6. D’autoriser une commission à nouer, si elle le juge judicieux, des contacts
avec tout autre pays impliqué dans le problème de l’enclavement de la
Bolivie.
7. De demander à la commission visée à l’article 3 de présenter un rapport sur la
progression ou les résultats de ses démarches devant la quatorzième réunion
de l’Assemblée générale de l’OEA.»
- 30 -
Le ministre Ortiz Mercado expliqua que l’objectif de ce projet de résolution, conformément
aux discussions à ce sujet avec les deux ministres des affaires étrangères, était de modifier le
traitement dont son pays avait fait l’objet dans le cadre du problème d’enclavement de la Bolivie au
sein des assemblées de l’OEA et de faire un pas en avant dans le rapprochement entre les deux
pays, en gardant à l’esprit les contraintes et impératifs qu’imposait une affaire aussi délicate que
celle-ci dans l’opinion publique des deux pays.
Le ministre des affaires étrangères Schweitzer se montra catégorique en expliquant que le
texte proposé par la Bolivie était parfaitement inacceptable pour le Chili et qu’il ne pouvait en
aucun cas le prendre en considération. Néanmoins, si l’intention était de favoriser un
rapprochement, il souscrivait pleinement à cet objectif. Pour ce faire, un projet de résolution ne
pouvait finalement que pousser les Parties à entamer un processus de rapprochement susceptible de
soutenir le rétablissement des relations diplomatiques. Cela permettrait aux deux pays d’aborder les
questions les intéressant, notamment celle de l’enclavement de la Bolivie.
Un autre entretien eut lieu afin d’examiner un nouveau projet de résolution. La Bolivie
proposa le texte suivant :
«Vu,
Les résolutions AG/RES.426 (IX-0/79) en date du 31 octobre 1979,
AG/RES.481 (X-0/80) en date du 27 novembre 1980, AG/RES.560 (XI-0/81) en date
du 10 décembre 1981, et AG/RES.602 (XII-0/82) en date du 20 novembre 1982, dans
lesquelles, respectivement, elle [l’assemblée générale] a déclaré et rappelé qu’il est de
l’intérêt permanent du continent de trouver une solution équitable qui assure à la
Bolivie un accès souverain et utile à l’océan Pacifique ;
Et
Considérant :
Qu’il demeure nécessaire d’atteindre, dans un esprit de fraternité et
d’intégration américaine, l’objectif signalé au paragraphe précédent et de consolider
un climat de paix et d’harmonie propre à stimuler le progrès économique et social
dans la région de l’Amérique qui est directement touchée par les conséquences de
l’enclavement de la Bolivie,
Décide
1. De prendre acte du rapport présenté par le Gouvernement de la Bolivie sur le
problème de l’accès à la mer de ce pays.
2. De réaffirmer les résolutions susmentionnées.
3. D’exhorter la Bolivie et le Chili à rétablir de manière concomitante des relations
diplomatiques pour entamer des négociations directes afin de trouver une formule
visant à assurer à la Bolivie sa propre passerelle souveraine vers l’océan Pacifique,
sur des bases qui tiennent compte des avantages mutuels et des intérêts véritables
des deux peuples.
4. Que chacune des Parties peut demander 1’inscription de 1a question «rapport sur
le problème de l’accès de la Bolivie à la mer» à l’ordre du jour de la prochaine
session ordinaire de l’assemblée générale.»
Le ministre Schweitzer rejeta également avec véhémence ce second projet de résolution
préliminaire. Le Chili ne pouvait accepter l’inclusion, dans le second paragraphe, des
- 31 -
résolutions 426 et 602, à laquelle il s’opposait catégoriquement. Il n’avait jamais accepté les
conditions posées à la reprise des relations diplomatiques ni le fait que celles-ci puissent être reliées
au problème de l’enclavement de la Bolivie.
Les trois ministres chilien, bolivien et colombien des affaires étrangères préparèrent un
nouveau texte pour remplacer les deux premiers paragraphes. Ce texte incluait la demande du
Pérou de faire figurer le mot «droits», avant le mot «intérêts», à la fin du second paragraphe. Les
préambules «Vu» et «Considérant» devaient rester inchangés. Le dispositif du texte retenu était le
suivant :
«Décide
1. De prendre acte du rapport présenté par le Gouvernement de la Bolivie sur le
problème de l’accès à la mer de ce pays, des observations formulées par les
Gouvernements du Chili et de la Bolivie sur les décisions prises à cet égard par
l’organisation, ainsi que de l’esprit constructif qui anime les deux pays.
2. D’exhorter la Bolivie et le Chili à entamer, dans un esprit de fraternité américaine,
un processus de rapprochement des peuples bolivien et chilien, et de resserrement
de leurs liens d’amitié, axé sur l’établissement de relations normales propres à leur
permettre de surmonter les difficultés qui les séparent, et de trouver tout
particulièrement une formule visant à assurer à la Bolivie une passerelle territoriale
et souveraine vers l’océan Pacifique, sur des bases qui tiennent compte des
avantages mutuels et des droits et intérêts des parties concernées.
3. Que chacune des Parties peut demander 1’inscription de la question «rapport sur le
problème de l’accès de la Bolivie à la mer» à l’ordre du jour de la prochaine
session ordinaire de l’assemblée générale.»
Dans un esprit de cordialité, il fut convenu d’aborder, devant la commission générale de
l’assemblée, la manière de traiter cette affaire en évitant toute confrontation.
Le ministre des affaires étrangères José Ortiz Mercado devait présenter le rapport bolivien.
Le ministre des affaires étrangères Schweitzer mettrait en avant le point de vue chilien. Le ministre
Rodrigo Lloreda les enjoindrait ensuite à entamer un dialogue, en annonçant que le Gouvernement
colombien inviterait les deux ministres des affaires étrangères à tenir des pourparlers à Bogotá, et
les deux ministres des affaires étrangères répondraient à cette invitation et l’accueilleraient dans
des termes favorables. Puis le ministre des affaires étrangères Lloreda soumettrait le projet de
résolution et demanderait à l’assemblée générale de l’approuver.
Le ministre bolivien des affaires étrangères, José Ortiz Mercado, présenta le rapport à ce
sujet. Il s’agissait du cinquième rapport sur ce thème. Ce n’était rien de plus qu’un discours fait à
l’initiative de l’orateur. Cette année-là, les résolutions adoptées précédemment furent rappelées, en
évitant tout commentaire sur celles adoptées en 1980 et 1981. Le ministre déplora le fait qu’aucun
progrès n’avait été fait en vue d’atteindre les objectifs de ces résolutions et, mentionnant la
question maritime, déclara qu’elle devait être abordée selon une perspective tournée vers l’avenir.
Il expliqua que l’accès à la mer n’était pas une simple aspiration, mais une question vitale
pour l’avenir de la Bolivie. Il rappela que son pays bénéficiait jadis d’un accès souverain au
Pacifique et qu’il en avait été privé par une guerre injuste et par un traité qui lui avait été imposé. Il
- 32 -
exhorta l’assemblée à appliquer les résolutions adoptées et à mettre un terme à la situation actuelle,
qui entravait l’amitié qui devait prévaloir entre les nations de ce continent3.
Le ministre chilien des affaires étrangères, qui participait à cette occasion au débat au sein de
la commission générale et ne l’avait pas abandonné, contrairement à l’année précédente, expliqua
la position chilienne à l’égard du sujet traité. Il déclara que la frontière avec la Bolivie avait été
démarquée et que l’OEA n’était pas compétente pour émettre des avis sur les questions
territoriales. Toute négociation avec la Bolivie visait à satisfaire son aspiration et résulterait d’un
processus d’amélioration et de normalisation de leurs relations.
Il ajouta que le Chili était désireux d’entamer un processus de rapprochement et souligna que
le fait que la Bolivie déplorait l’absence de progrès quant au respect des résolutions adoptées
précédemment à ce sujet consignait le rejet de ces résolutions par le Chili et ne pouvait donc
déboucher sur aucun progrès4.
Le ministre colombien des affaires étrangères, Rodrigo Lloreda, présenta le projet de
résolution. Etant donné que ce projet exhortait la Bolivie et le Chili à entamer un processus de
rapprochement, il déclara que si cette décision était acceptée par les deux Parties, son
gouvernement, et en particulier le président Betancur, inviterait la Bolivie et le Chili à se rencontrer
à une date convenue, à Bogotá ou ailleurs, afin d’engager les pourparlers sur les objectifs formulés
dans la résolution.
Le ministre Lloreda rappela dans son discours que l’objectif était de commencer «un
processus de rapprochement visant à normaliser les relations, à surmonter les difficultés et à
rechercher la formule qui concrétiserait les désirs et attentes des deux nations soeurs»5.
A cette même occasion, les ministres chilien et bolivien des affaires étrangères acceptèrent
l’invitation de la Colombie.
La résolution fut adoptée par consensus sous la référence AG/RES.686 (XIII-0/83) en date
du 18 novembre 19836.
Alors que la résolution était sur le point d’être adoptée en séance plénière, le Chili formula
une réserve quant au préambule, car il mentionnait des résolutions qui avaient suscité un vote
négatif lors de leur adoption.
La résolution ayant été adoptée par consensus, elle fut même applaudie par les représentants
présents. L’immense majorité des délégations rivalisaient d’éloquence pour exprimer leur
satisfaction quant à l’accord conclu. Les mots et adjectifs pour décrire les actions du ministre
colombien des affaires étrangères Rodrigo Lloreda faisaient défaut dans le dictionnaire de
l’académie royale de la langue espagnole. Il était parvenu à ce qu’il recherchait depuis si
longtemps.
La résolution adoptée  la résolution 686  était identique à celles des années précédentes
quant au préambule «Vu». Elle rappelait les décisions adoptées antérieurement et soulignait
notamment la déclaration indiquant qu’il était de l’intérêt du continent de trouver une solution
équitable qui assure à la Bolivie un accès souverain à l’océan Pacifique.
3 Le texte du discours fait par le ministre bolivien des affaires étrangères, José Ortiz Mercado, figure à
l’annexe 23.
4 Le texte du discours fait par le ministre chilien des affaires étrangères, Miguel Angel Schweitzer, figure à
l’annexe 24.
5 Le texte du discours improvisé par le ministre colombien des affaires étrangères, Rodrigo Lloreda, figure à
l’annexe 25.
6 Le texte de la résolution figure à l’annexe 47.
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Le «Considérant» était rigoureusement identique à celui de la résolution adoptée l’année
précédente, à savoir qu’une paix stable serait préservée si les objectifs d’accorder à la Bolivie un
accès souverain à l’océan Pacifique étaient atteints, favorisant ainsi les progrès économiques dans
la région directement touchée par l’absence d’accès propre à la mer en Bolivie. Le concept
d’«enclavement» (enclaustramiento) avait été supprimé et remplacé par «l’absence d’accès propre
à la mer pour la Bolivie».
Le premier paragraphe du dispositif prenait acte du rapport bolivien et des observations
formulées tant par le Chili que par la Bolivie sur les décisions adoptées par l’organisation. Ce
paragraphe plaçait les arguments chiliens et boliviens sur un pied d’égalité et, surtout, reconnaissait
la validité de la position du Chili, dans la mesure où les observations chiliennes portant sur le
rapport présenté à cette occasion, mais également sur «les décisions adoptées à ce sujet par
l’organisation», étaient prises en compte.
Le second paragraphe exhortait «la Bolivie et le Chili à entamer … un processus de
rapprochement et de resserrement de [leurs] liens d’amitié». Il exprimait l’idée constante du Chili
qu’un rapprochement entre les deux pays nécessiterait la préexistence d’une atmosphère
appropriée. Ce processus serait axé sur «l’établissement de relations normales». Dans un sens, cela
reflétait les réflexions contenues dans les résolutions de 1980 et 1981 concernant le fait qu’un
dialogue devait être mené «par les voies appropriées».
Ce processus de rapprochement et de resserrement des liens d’amitié devait permettre de
«surmonter les difficultés qui les séparent», et notamment de trouver «une formule visant à assurer
à la Bolivie une passerelle territoriale et souveraine vers l’océan Pacifique». Le nouveau texte
mentionnait les aspirations maritimes et les qualifiait de «difficultés», l’intitulé du point à l’ordre
du jour étant le «problème» de l’accès de la Bolivie à la mer.
La formule recherchée pour satisfaire les aspirations d’un accès à la mer devait tenir compte
des «avantages mutuels» et des droits et intérêts des parties concernées. Le concept d’«avantages
mutuels» était nouveau et, en tant que notion subjective et vague, rendait ce paragraphe complexe.
Le troisième paragraphe était identique à celui adopté l’année précédente et ne constituait
rien de plus qu’une reconnaissance de la faculté dont disposait tout Etat membre de demander
qu’un thème relevant de son intérêt soit inscrit à l’ordre du jour.
La résolution adoptée fut un succès pour la nouvelle stratégie bolivienne mise en oeuvre à
l’assemblée de 1983. La Bolivie obtenait ainsi ce qu’elle recherchait sans recourir à des
déclarations virulentes ni conflictuelles.
En substance, la résolution adoptée n’était guère différente des précédentes. Ainsi qu’on le
voit, elle ne comporte que peu de nouveaux éléments. Elle répète et présente les mêmes idées en
des termes différents. L’appel à entamer un processus de rapprochement était intégré dans les
résolutions de 1980 et 1981, qui exhortaient également à engager un dialogue «par les voies
appropriées».
L’élément perturbateur de la réunion de l’OEA de 1983 était l’ingérence non sollicitée de la
Colombie, qui devait continuer d’être présente après la fin de l’assemblée générale et l’année
suivante. Dans tous les cas, son échec n’était pas imputable au Chili, qui, à tous moments, s’était
montré clair et catégorique dans ses vues concernant la signification, la portée et l’objectif de la
démarche que la Colombie se proposait de mener à bien.
Le jour même où l’Assemblée générale de l’OEA adoptait la résolution 686, le président
colombien, Belisario Betancur, envoya des câbles aux présidents chilien et bolivien, le général
- 34 -
Augusto Pinochet et Hernán Siles, invitant les deux gouvernements à organiser une rencontre à
Bogotá7.
Dans ladite invitation, le président Betancur expliquait ce qui suit :
«Afin d’avancer dans les objectifs formulés, ce serait un honneur particulier
pour la Colombie de servir de lieu de rencontre, à une date ultérieure, entre les deux
gouvernements, représentés par leurs ministres des affaires étrangères. A cet égard, je
suis heureux de convier votre gouvernement à participer à cette rencontre, confiant
qu’elle contribuera au rapprochement de nos deux pays et constituera un exemple
admirable de maturité politique pour le continent et le monde.»
Le 30 novembre, le président chilien répondit par l’affirmative à l’invitation formulée par le
président Betancur. Le président Pinochet déclara8 :
«Afin d’avancer dans les objectifs formulés, Votre Excellence a eu la courtoisie
de proposer la Colombie comme lieu de rencontre entre les deux gouvernements,
représentés par leurs ministres des affaires étrangères. J’ai demandé au ministre des
affaires étrangères Miguel Schweitzer de participer à cette rencontre à la date qui
semblera appropriée.»
Ainsi, la démarche préconisée par la Colombie fut officialisée au plus haut niveau.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Les deux ministres des affaires étrangères, lors de différentes réunions, élaborèrent des
directives générales provisoires en vue de la rencontre de Bogotá. Les réunions furent organisées à
Montevideo (avril) lors de la seconde rencontre ministérielle de l’ALADI, à Cartagena de Indias (le
21 juin) lors de la rencontre ministérielle sur la dette extérieure des principaux pays débiteurs
d’Amérique latine, et durant la conférence de Mar del Plata (13 septembre) organisée par le groupe
de consensus de Cartagena.
Durant les pourparlers de Montevideo, le ministre Del Valle rappela au ministre Fernandez
les bonnes dispositions du Gouvernement chilien quant à l’organisation des pourparlers visant à un
rapprochement entre les deux pays. De son côté, le ministre Fernandez déclara que son
gouvernement réalisait des consultations à un niveau représentatif de l’opinion publique dans
l’intention de s’assurer un soutien dans le cadre de cette affaire et qu’il pensait que cela
nécessiterait un peu de temps.
Pour sa part, l’ancien président Wálter Guevara Arze, qui assumait alors les fonctions
d’ambassadeur au Venezuela et, par ailleurs, présidait le groupe de consultation interne bolivien sur
la question, fit à la presse la déclaration suivante :
«le Gouvernement examine une stratégie pour évoquer le problème de l’accès à la
mer. Son analyse consiste à mettre en oeuvre un plan au niveau du continent, non pas
pour une occasion particulière, et encore moins pour celle qui s’est fait jour cette
année (1984). Au contraire, il est nécessaire d’élaborer une stratégie à long terme.
Ainsi, cette étude est actuellement en cours et examinée de manière systématique.»
De retour à Cartagena de Indias, le ministre Gustavo Fernández déclara à la presse que la
reprise des relations diplomatiques avec le Chili était subordonnée au règlement du problème
maritime, qui ne devait pas envisager de compensations territoriales.
7 Le texte du câble envoyé par le président Betancur figure à l’annexe 26.
8 Le texte du câble envoyé en réponse par le président Pinochet figure à l’annexe 27.
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Lors des pourparlers tenus à l’occasion de la conférence de Mar del Plata (13 septembre), à
la veille du début de l’Assemblée générale des Nations Unies et deux mois avant l’Assemblée
générale de l’OEA, le ministre Fernández fit savoir que son gouvernement avait achevé un
processus de consultation interne et qu’un consensus interne en faveur de la réunion de Bogotá
avait été atteint.
A cette fin, le ministre bolivien des affaires étrangères proposa un programme qui
envisageait les actions suivantes :
a) l’organisation d’une rencontre entre ministres des affaires étrangères à New York lors de
l’Assemblée générale des Nations Unies, pour poursuivre les négociations de manière à
favoriser la base d’un rapprochement ;
b) l’établissement d’une commission mixte spéciale chargée d’éliminer les aspects constituant des
entraves au dialogue et la création d’une atmosphère propice au rapprochement ;
c) la nomination d’une personnalité en tant que consul général de Bolivie à Santiago ;
d) la constitution d’une équipe de conseillers afin d’initier des négociations sur le fond de l’affaire.
Le Gouvernement chilien accepta de suivre cette procédure. Après quoi la Bolivie annonça
qu’elle inclurait la question maritime à l’ordre du jour de l’Assemblée générale de l’OEA, ainsi
qu’elle l’avait fait durant cinq ans.
Le Chili demanda à la Bolivie de s’abstenir d’inclure ce point, dans la mesure où cela
affecterait sérieusement le cadre du rapprochement bilatéral. Conscient de la faiblesse chilienne, le
ministre bolivien des affaires étrangères ne tint pas compte de la demande chilienne. Le Chili
n’était pas dans les conditions politiques appropriées pour adopter des mesures précipitées dans la
sphère multilatérale.
Et les choses se déroulèrent ainsi. La Bolivie inséra ce point et rien ne se produisit. Les
pourparlers se poursuivirent.
Durant l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies tenue en 1984, les
ministres des affaires étrangères Del Valle et Fernández organisèrent plusieurs réunions de travail,
dont certaines en présence du ministre colombien des affaires étrangères. Lors de ces dernières
réunions, un accord fut conclu en vue de signer un communiqué conjoint entre le Chili et la
Bolivie, indiquant, une fois les différents entretiens organisés, qu’un accord sur les aspects
fondamentaux, contextuels et liés à la procédure avait été passé afin de mettre en oeuvre la
résolution 686 de l’Assemblée générale de l’OEA adoptée en novembre 1983. Ce communiqué
conjoint concluait en observant que, de cette manière, les ministres des affaires étrangères
considéraient que les étapes préparatoires à la réunion de Bogotá  qui aurait lieu dans les
quatre-vingt-dix jours suivants  étaient terminées.
A cette fin, ils convinrent d’organiser une cérémonie à la mission permanente de la
Colombie auprès des Nations Unies le 3 octobre à 12 heures, lors de laquelle les ministres chilien et
bolivien des affaires étrangères signeraient un communiqué conjoint en présence du ministre
colombien des affaires étrangères en tant que témoin.
Quelques heures avant la signature de ce document, le ministre bolivien des affaires
étrangères Gustavo Fernández fit une déclaration lors du débat général des Nations Unies. Il
consacra quatre pages et demie à l’analyse des effets de la guerre de 1879. Il s’attarda sur les
sentiments d’isolement et de méfiance découlant de cette guerre injuste, sur l’enclavement
contraint de la Bolivie, sur les pertes économiques que les réserves naturelles se trouvant sur les
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territoires cédés à la Chili entraînaient pour le développement de la Bolivie, et sur le sousdéveloppement
du pays du fait qu’il ne disposait pas d’un littoral.
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ANNEXE 361
PROCÈS-VERBAL DE LA 4E SÉANCE PLÉNIÈRE, TRENTE-SEPTIÈME SESSION ORDINAIRE
DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L’OEA, 5 JUIN 2007
Organisation des Etats américains, Assemblée générale, trente-septième
session ordinaire, 2007, vol. II, OEA/Ser.P/XXXVII-O.2 (2007)
2. Rapport sur le problème de l’accès de la Bolivie à la mer
Le PRESIDENT : Nous passons au point suivant de l’ordre du jour, le rapport sur le
problème de l’accès de la Bolivie à la mer.
Ainsi que les délégations le savent, la résolution AG/RES.989 (XIX-O/89), adoptée en 1989,
stipulait que cette question pouvait être examinée «lors de toute session ordinaire de l’assemblée
générale» si l’une des parties impliquées le sollicitait.
A cet égard, le Gouvernement bolivien a demandé l’inclusion de cette question à l’ordre du
jour de l’assemblée générale du 24 janvier 2007, devant le sous-comité sur l’ordre du jour et la
procédure de la commission préparatoire. Par ailleurs, la représentation chilienne auprès de l’OEA
a consigné sa déclaration à ce sujet, qui apparaît dans le document AG/doc.4650/07. Pour sa
présentation, je suis heureux de laisser la place au ministre bolivien des affaires étrangères et du
culte, M. David Choquehuanca Céspedes.
Le CHEF DE LA DELEGATION BOLIVIENNE : Merci beaucoup, Monsieur le président.
Je vous salue au nom de mes frères autochtones, du peuple bolivien et de mon président,
Evo Morales Ayma.
Monsieur le président, nous sommes de nouveau réunis à l’occasion de cette assemblée
générale pour débattre du point à l’ordre du jour intitulé «rapport sur le problème de l’accès de la
Bolivie à la mer». Il s’agit d’un point qui, comme vous le savez, a été inscrit par le biais de la
résolution AG/RES.426 (IX-0/79), établissant l’intérêt permanent de notre continent à trouver une
solution équitable par laquelle la Bolivie puisse obtenir un accès souverain et utile à l’océan
Pacifique.
Pour cette raison, l’enclavement imposé à la Bolivie n’est pas seulement un problème
bilatéral, qui concerne exclusivement le Chili et la Bolivie, mais également une question d’intérêt
pour notre continent afin de garantir l’équilibre et le processus d’intégration de la région.
Aujourd’hui, plus d’une dizaine d’années après l’adoption de la résolution et plus de
quarante ans après la rupture des relations diplomatiques entre la Bolivie et le Chili, nous déplorons
que cette question n’ait pas encore été réglée. A cet égard, je dois indiquer clairement que l’absence
de relations diplomatiques entre les deux pays  les seules relations suspendues entre deux Etats
d’Amérique du Sud suite à un différend territorial  résulte précisément d’une réalité aussi
difficile et précise que la question en suspens de l’accès de la Bolivie à la mer.
Par conséquent, la reprise des relations diplomatiques, de notre perspective, sera
l’aboutissement et non le commencement de la solution à notre revendication vitale et urgente.
Nous constatons avec tristesse que ce problème est l’un des plus anciens en Amérique latine et que,
hormis la revendication de la République d’Argentine sur les îles Falkland, il n’en existe pas
d’autre d’une telle envergure sur notre continent. Il convient de noter que la différence notable
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entre ces deux problèmes est que celui des îles Falkland ne crée pas de controverse avec un autre
pays d’Amérique, contrairement à la réintégration maritime de la Bolivie.
Cette situation ingrate constitue un obstacle permanent à la réalisation de progrès concrets
vers l’intégration de notre continent et discrédite notre image internationale, puisqu’elle montre
l’incapacité de nos pays à trouver une solution définitive à notre enclavement  état malheureux
qui dure depuis plus d’un siècle.
Malgré cela, et au vu d’une telle adversité, mon pays a fait, et continue de faire, preuve de
constance dans sa quête inlassable d’une solution satisfaisante à son enclavement forcé et a tenté à
plusieurs reprises un rapprochement avec la République du Chili. Dans ce sens, je me contenterai
d’évoquer les mesures prises ces deux dernières années.
Déployant les mêmes efforts que la Bolivie dans sa quête d’une solution à son problème
d’accès à la mer au siècle dernier, en juin 2006, lors de la trente-sixième session ordinaire de
l’assemblée générale de cette organisation, tenue dans la ville de Santo Domingo en République
dominicaine, la délégation de mon pays a exhorté la délégation chilienne à entamer un processus de
dialogue bilatéral et de rapprochement, fondé sur le principe consistant à susciter une confiance
réciproque quant à la recherche d’une solution à notre problème d’accès à la mer, en respectant
scrupuleusement les autres accords conclus par les présidents Evo Morales et Michelle Bachelet.
Il ne fait aucun doute qu’à l’époque l’accord passé entre les deux pays constituait une mesure
bénéfique et fondamentale du nouveau processus de rapprochement que nous avions lancé. Dans ce
sens, nous étions convenus de préciser la méthodologie selon laquelle notre dialogue bilatéral
fonctionnerait et avions défini fondamentalement un ordre du jour bilatéral consistant en treize
points, parmi lesquels la question de l’accès à la mer. Cet accord occupait une large place dans la
réunion bilatérale tenue les 17 et 18 juillet 2006.
Depuis, les deux pays se sont engagés à créer un environnement de confiance mutuelle dans
le but, et avec la volonté résolue, de parvenir à une solution finale à l’enclavement de la Bolivie.
Dans le cadre de ce rapprochement bilatéral, et convaincus que le passé d’inimitié pouvait être
surmonté par la volonté et la générosité sincère de nos peuples, des responsables issus de divers
secteurs de la société civile des deux pays ont organisé des visites officielles, notamment des
rencontres entre journalistes d’opinion, historiens, étudiants d’université, autorités des
municipalités frontalières, hauts fonctionnaires de nos gouvernements, hommes d’affaire, ainsi
qu’avec nos commandants militaires et nos honorables sénateurs et députés.
Parmi ces activités, je soulignerais l’hommage rendu par l’armée chilienne au héros bolivien
de la guerre du Pacifique, M. Eduardo Abaroa Hidalgo, le 10 avril 2007, lors d’une cérémonie dans
la ville de Calama, où avait eu lieu la bataille historique de Topáter.
De même, les deux pays se sont de nouveau rencontrés à La Paz les 17 et 18 mai de cette
année pour analyser et évaluer les progrès faits jusqu’alors concernant les treize points à l’ordre du
jour. Dans ce contexte, nos gouvernements se sont montrés satisfaits de l’étendue du dialogue et
ont souligné les principaux points d’accord dans l’analyse des différents aspects du problème de la
mer, en concluant que des avancées avaient été réalisées dans la définition de points d’intérêt
commun et de critères partagés.
C’est dans ce nouveau contexte, et avec une force renouvelée et une véritable vision
américaniste, que je soumets à cette assemblée générale le rapport sur le problème de l’accès de la
Bolivie à la mer.
Je souhaite dire en particulier à vous, Monsieur le président, et à vous, Messieurs les
délégués, que le peuple bolivien réaffirme, par le biais de cette délégation, la confiance qu’il place
dans la solidarité et les bonnes dispositions de la communauté de notre continent, afin qu’elle
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puisse manifester son inclination véritable et son engagement à soutenir et accompagner le
processus de dialogue que les deux pays, la Bolivie et le Chili, ont initié l’année dernière, pour
trouver une solution définitive et mutuellement satisfaisante à l’enclavement que mon pays
continue d’endurer.
Telle est la requête retentissante des forces sociales, des peuples autochtones, des ouvriers,
des intellectuels et de tous les Boliviens d’une manière générale, qui demandent à juste titre que la
Bolivie retrouve son accès à la mer.
C’est pourquoi, ainsi que cela a été répliqué à d’autres occasions dans ce même forum
multilatéral, le retour de la Bolivie à la mer est une question qu’il convient de comprendre dans sa
dimension juridique, morale et économique.
Pour la Bolivie, la solution de l’enclavement n’était, n’est, et ne sera pas un souhait. Sa
demande à propos d’une solution à son enclavement forcé se situe au-delà des considérations de
«désir» ou de simple volontarisme. C’est la conscience claire que tout un peuple n’a pas accepté, et
n’acceptera pas, le confinement injuste qui, jusqu’à aujourd’hui, nous frappe tous, nous, les
Boliviens.
Monsieur le président et Messieurs les délégués, plus de cent vingt-huit ans se sont écoulés
depuis que la Bolivie a perdu son accès libre et souverain à l’océan Pacifique, avec lequel elle était
née en tant que nation indépendante. Cette perte résulte d’une guerre déséquilibrée et découle de la
quête désespérée en matières premières menée par les grandes puissances du XIXe siècle, qui ont
arraché les richesses naturelles de pays qui commençaient tout juste leur vie d’indépendance. Ce
furent cent vingt-huit années d’enclavement douloureux, étouffant et insoutenable.
Nous pensons que cette situation d’angoisse pour mon pays finira par être également
l’angoisse de notre continent car, nous devons le reconnaître une fois de plus, l’absence de solution
satisfaisante et définitive à ce problème sera un facteur de perturbation et une menace à la stabilité
de la paix et la sécurité de la région.
C’est pourquoi notre communauté d’Etats d’Amérique, représentée par ces illustres
délégations, doit comprendre que les facilités que le Chili accorde à la Bolivie, par le biais du libre
transit dans ses ports du Pacifique, et qui constituent une obligation découlant du traité de 1904, ne
correspondent pas à, ni ne représente, une partie substantielle et décisive de notre revendication
maritime.
Par ailleurs, ces dernières années, cela a entraîné un préjudice pour le commerce extérieur de
mon pays, conséquence fâcheuse de la hausse unilatérale des tarifs douaniers. Et je répète une fois
encore devant cette assemblée que la politique de privatisation des ports d’Antofagasta et Arica,
menée par la République du Chili, continue de compromettre les accords bilatéraux, la présence
physique de l’Etat bolivien dans les ports du Chili, ainsi que les droits boliviens en termes de libre
transit absolu et inconditionnel.
Monsieur le président et Messieurs les délégués, la Bolivie pense que, tout comme le
Gouvernement du président Evo Morales a exprimé sa volonté de rechercher tous les moyens et
formules possibles recevant l’accord des représentants de nos pays pour s’atteler au problème de
l’accès à la mer et trouver une solution à son enclavement, cette assemblée générale doit également
déployer les efforts nécessaires pour garantir que les résolutions successives en l’espèce sont
dûment mises en oeuvre dans le cadre du dialogue interaméricain et d’un esprit de fraternité et
d’intégration continentale.
Par ailleurs, nous exhortons tous les Etats membres de cette organisation à soutenir le
processus de dialogue que la Bolivie et le Chili ont entrepris.
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La satisfaction mutuelle que ressentiront la Bolivie et le Chili lorsque la question de l’accès à
la mer sera résolue sera, à n’en pas douter, partagée par cette communauté, et nous serons alors en
mesure de parler véritablement d’intégration continentale ; une intégration fondée sur la solidarité,
la complémentarité et l’équilibre, à l’image de la conception et des usages quotidiens de tous les
peuples autochtones de notre continent ; une véritable intégration nous permettant de partager des
expériences, initiatives, rêves et visions d’un avenir commun.
A cet égard, et au vu de la question centrale sur laquelle s’accorde cette assemblée générale
au sujet de l’énergie et du développement durable, nous pensons qu’il s’agit d’un catalyseur pour
l’intégration continentale. Dans ce sens, la Bolivie est disposée à partager son potentiel énergétique
dans un grand esprit de solidarité, afin de surmonter les adversités et souffrances causées par les
carences de nos nations soeurs.
Monsieur le président, distingués délégués, le peuple bolivien, avec son gouvernement, est
déterminé à parvenir à une solution qui permettra à mon pays de disposer d’un plein accès
souverain et utile à l’océan Pacifique.
C’est avec cet objectif ferme que nous exhortons le Gouvernement chilien et son peuple,
dans un cadre de compréhension et de confiance mutuelles, comme celui que nous construisons, à
prendre toutes les mesures requises pour renforcer les efforts en vue de parvenir à une solution
satisfaisante. Nous sommes conscients des difficultés et des efforts nécessaires pour régler une
question de cette envergure. Mais tel est notre objectif, et je pense que le souhait de chacun d’entre
vous est que lors de notre prochaine rencontre à cette même assemblée générale nous soyons en
mesure de déclarer avec une grande satisfaction que la Bolivie a retrouvé son accès à la mer.
Merci beaucoup.
[Applaudissements.]
Le PRESIDENT : Merci beaucoup, Monsieur le ministre. Ouvrant cette instance à la
participation des délégations qui le souhaitent, je suis heureux de céder la parole au chancelier de la
République du Chili, Alejandro Foxley.
Le CHEF DE LA DELEGATION DU CHILI : Merci beaucoup, Monsieur le président. J’ai
écouté avec beaucoup d’attention les paroles de mon cher ami, David Choquehuanca, ministre des
affaires étrangères de la République de Bolivie. Je souhaiterais mentionner succinctement un
processus dont nous avons été les protagonistes durant cette dernière année et demie, un processus
de dialogue  je peux le dire d’un point de vue personnel, qui est indubitablement partagé par tous
au sein de mon gouvernement et, bien sûr, par la présidente Michelle Bachelet , un processus de
dialogue constructif, par lequel, comme l’a déclaré David il y a quelques instants, un ordre du jour
a été défini sans exclusion avec treize points. Les deux gouvernements  je le dis avec un degré
élevé de bonne volonté  ont noué un dialogue qui se reflète dans les avancées réalisées pour ces
treize points à l’ordre du jour.
De toute évidence, nous devons reconnaître l’indéniable : ces processus sont très complexes,
et présentent des progrès immédiats dans certains domaines. D’autres processus sont plus lents.
L’important est de maintenir de bonnes intentions réciproques, une persistance en termes d’efforts
et une bonne volonté pour parvenir à des résultats.
L’intention du Gouvernement de la présidente Michelle Bachelet est de partager, non
seulement avec le Gouvernement bolivien mais également avec son peuple, une voie d’intégration
aux niveaux du voisinage et de la région, et une voie de rayonnement commun de la Bolivie et du
Chili à l’égard du reste du monde. Ainsi que nous l’avons déclaré à plusieurs reprises devant cette
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assemblée générale, la relation avec la Bolivie constitue une priorité majeure de notre politique
étrangère. Cet aspect est ressorti lors des réunions, déjà nombreuses, qui se sont déroulées entre la
présidente Michelle Bachelet et le président Evo Morales dans, je dois le dire  car j’étais présent
à plusieurs de ces rencontres , un excellent esprit de réciprocité et beaucoup d’empathie, en vue
de réaliser des avancées probantes dans l’ordre du jour qui a été défini par les deux pays.
Ces derniers mois, il est vrai que nous sommes parvenus à des points de convergence, non
pas de l’ordre de la rhétorique mais très concrets, fondés sur un processus actif d’instauration d’une
confiance mutuelle. Un échange très intense s’est développé, créant ainsi un réseau de coopération
extrêmement important. On peut citer les visites réciproques des ministres, vice-ministres d’Etat,
sénateurs et députés, et les visites majeures rendues par des chefs des forces armées à un pays ou
un autre, par des hommes d’affaires, des représentants de la société civile et du monde de la
culture. En outre, David a mentionné récemment l’existence de rencontres réellement
déterminantes avec des invités issus des médias boliviens au Chili. Nous avons eu des discussions
approfondies sur toutes les questions, en particulier avec l’idée que chaque pays se mette à la place
de l’autre pour comprendre les difficultés, et tenter de les surmonter et d’aller ensemble de l’avant.
Dans ce contexte, nos divers dispositifs de coopération et d’intégration politiques et
économiques ont débouché sur des résultats concrets. Plusieurs rencontres ont eu lieu dans le but
d’améliorer l’accès de la Bolivie à l’océan Pacifique par le biais de ports chiliens, conformément au
traité de paix, d’amitié et de commerce de 1904.
Ainsi, nous soulignons ici que l’aménagement du port d’Iquique pour la Bolivie fera bientôt
l’objet d’amélioration afin de pouvoir être intégré au système de libre transit, dont le pays bénéficie
déjà dans les ports d’Arica et d’Antofagasta. Il convient de noter que, dans le cas du Chili,
l’administration de ces ports a été confiée au secteur privé. Des investissements considérables ont
été faits en vue de les moderniser, pour permettre une utilisation plus efficace de ces fenêtres vers
le reste du monde, et, dans certains cas, cela a bien évidemment entraîné des hausses des tarifs
douaniers pour ces services portuaires. Cela s’inscrit dans une politique générale de l’Etat chilien ;
par ailleurs, nous l’avons fait dans le cadre de concessions pour les infrastructures internes du pays,
avec une modernisation extraordinaire de ces infrastructures, et quiconque visite le Chili pourra le
constater.
C’est pourquoi, en disant que nous allons de l’avant pour faciliter l’accès au port d’Iquique,
nous nous efforçons de régler certains problèmes pratiques que j’ai soulignés. La vérité est que
l’engagement qui existe, et que nous allons respecter rigoureusement, porte sur un système de libre
transit pleinement en vigueur qui procure un service extrêmement efficace et performant à ceux qui
l’utilisent pour le transport de marchandises depuis la Bolivie vers d’autres régions du monde.
Je souhaiterais par ailleurs souligner le fait que le groupe de travail sur les affaires bilatérales
a systématisé un ordre du jour. J’aimerais appeler l’attention sur la seizième réunion du dispositif
de consultations de politique bilatérale des vice-chanceliers, qui s’est tenue le 18 mai, lorsque nos
gouvernements ont abordé l’ensemble de l’ordre du jour établi, composé de treize points.
Par ailleurs, peut-être à simple titre d’information pour les confrères de cette assemblée de
l’OEA, je souhaiterais souligner que, en vertu de l’accord de complémentation économique n° 22,
le Chili a octroyé à la Bolivie, de manière asymétrique, une préférence tarifaire de 100 % sur les
importations de tous ses produits d’origine, à l’exception du sucre, du blé et de la farine de blé.
Aujourd’hui, ce matin même, j’ai mentionné le fait que nous avions signé des accords de
libre-échange avec 56 pays, dont certains très exigeants lors des négociations relatives à l’ouverture
des marchés. Je souhaite dire avec réalisme, mais aussi en toute modestie, que l’accord auquel nous
sommes parvenus avec la République de Bolivie en matière commerciale signifie, pour l’économie
chilienne, le plus grand degré d’ouverture vers d’autres économies du monde, car les tarifs
- 42 -
douaniers ont été abaissés à zéro pour tous, absolument tous les produits, si ce n’est les deux ou
trois que je viens de citer.
On entend parfois, lors de rencontres multilatérales dans la région, qu’il convient de
remédier à des asymétries. Eh bien, il s’agit au moins, selon moi, d’une mesure qui peut également
s’appliquer à d’autres situations d’asymétrie dans la région, lorsqu’un pays décide d’ouvrir
entièrement son économie avec un droit de douane à taux zéro à un autre pays. Et nous l’avons fait
car nous pensons qu’il est très important pour nous de pouvoir, à moyen et long termes, sentir que
nous sommes de véritables partenaires de la République de Bolivie et oeuvrer ensemble vers le reste
du monde.
Dans ce contexte, le Chili s’est également engagé à coopérer avec la Bolivie pour
promouvoir les exportations, non seulement vers notre pays  le Chili , mais également vers
d’autres destinations. Lors d’une discussion que nous avons eue avec le président Evo Morales,
nous avons cerné l’immense complémentarité de nos exportations, par exemple les fruits : nos
fruits tropicaux des climats tempérés de Bolivie, et la possibilité de les exporter ensemble vers la
zone Asie-Pacifique afin de proposer un panier d’exportation complémentaire, dont nous pourrions
assurer ensemble la promotion, en invitant les petits groupements paysans des deux pays à devenir
partenaires, peut-être par exemple dans le cadre de la Communauté andine, pour leur permettre de
toucher des marchés asiatiques et collaborer ainsi à ce processus. Par la suite, bien sûr, des emplois
seraient créés dans des secteurs paysans relativement isolés, ce qui pourrait avoir une importance
économique majeure.
Nous avons mentionné la création de profils de marché pour les produits des deux pays, et
leur confrontation avec la demande sur les nouveaux marchés qui sont en train de s’ouvrir  la
Chine, le Japon, etc. , ainsi qu’un autre ensemble de questions qui incluent des aspects aussi
spécifiques et concrets que les échanges au niveau des personnes qui s’effectuent dans les carrières
diplomatiques, et les échanges de personnes travaillant dans les bureaux de commerce de l’un et
l’autre des pays, en vue d’apprendre ensemble de ce rayonnement de nos économies vers le reste
du monde.
En outre, je pense qu’il est important de vous communiquer tout simplement une
information, de la partager avec vous  nos collègues du Gouvernement bolivien connaissent tous
cette information , à savoir que nous nous sommes tous engagés à mener une série de
programmes de coopération bilatérale dans de nombreux domaines, par exemple dans les secteurs
des douanes, du tourisme et des infrastructures.
Nous mettons en oeuvre un accord de contrôle frontalier intégré, qui traduit un processus de
collaboration étroite entre les entités respectives des deux pays. Je pourrais continuer à illustrer cet
aspect par de nombreux exemples. Je veux dire qu’il s’agit d’un processus complexe, qui comporte
de nombreuses étapes qui n’ont pas été interrompues, que nous allons de l’avant, que nous
organisons de très fréquentes rencontres, au cours desquelles nous mettons sur la table chacun des
aspects qui nous intéresse, chaque partie rendant compte des avancées réalisées à cet égard.
En fait, dans son récent message sur l’état de la nation devant le Congrès, la présidente
Michelle Bachelet, se référant au voisinage, a clairement indiqué que son gouvernement
consoliderait les relations avec la Bolivie, pays que nous considérons, sincèrement et non de
manière rhétorique, comme un pays frère, avec lequel nous pouvons et devons faire face, avec une
vision commune, aux défis du XXIe siècle.
Ces paroles que nous prononçons, sincèrement et sans équivoque, soulignent l’importance du
dialogue que nous souhaitons maintenir avec la Bolivie. Avec une confiance mutuelle, en
renforçant les dispositifs de coopération, en agissant conjointement sur des questions d’intérêt
commun pour la région ou le reste du monde, nous désirons aller de l’avant à une vitesse
convenable, et je souhaite mettre cela en lumière, dans la construction du consensus national
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nécessaire pour soutenir la consolidation ultérieure des relations. De tels consensus n’existent pas
toujours, ils ne sont pas toujours aisés à obtenir ; il s’agit de tâches de persuasion qui doivent être
menées à bien, en montrant dans l’intervalle des résultats concrets dans de nombreux domaines.
Le Gouvernement chilien est convaincu que le dialogue bilatéral progressif et sans condition
que préservent la présidente Michelle Bachelet, le président Morales et leurs gouvernements
constitue la bonne voie pour avancer vers une relation de coopération, une intégration réelle et, pardessus
tout, l’amitié.
Monsieur le président, je souhaite dire que j’ai mentionné ce vaste et constructif ordre du
jour bilatéral, mais que nous sommes persuadés que nous devons continuer à progresser, en
établissant une confiance mutuelle et en prenant des mesures qui consolideront peu à peu ce que
nous avons déjà obtenu et qui, par-dessus tout  ainsi que je l’ai dit récemment , auront un
impact positif sur l’opinion publique des deux pays, jusqu’à ce que nos peuples sentent en fait que
ce destin commun sous-entend un véritable approfondissement des relations à tous les niveaux. Les
destins du Chili et de la Bolivie ont une vocation d’unité. Nous avons eu des gestes emblématiques
de rapprochement et de fraternité qui nous semblent essentiels pour nous tourner vers les relations
bilatérales avec optimisme. Le dialogue a été fécond et montre des coïncidences importantes. Nous
ratifions ainsi une voie qui devrait nous mener, une fois les problèmes en suspens résolus, vers une
meilleure qualité de vie pour nos peuples.
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ANNEXE 364
«MORENO ET LA QUESTION DE L’ENCLAVE : «IL N’EST PAS BON D’ENVISAGER DES OPTIONS
QUI DIVISENT LE PAYS»», LA TERCERA (CHILI), 6 DÉCEMBRE 2010
Journal La Tercera (Chili)
La Tercera (Chili), le 6 décembre 2010.
Le chancelier a expliqué les raisons pour lesquelles la proposition de Bachelet portant sur
une formule d’enclavement avait été écartée.
Cinq sénateurs se sont rendus à La Paz hier pour examiner la question de l’accès à la mer
avec les autorités locales.
«Il nous semble qu’il n’est pas bon d’envisager des options qui divisent le pays», a déclaré
hier le ministre des affaires étrangères Alfredo Moreno, en expliquant les raisons pour lesquelles le
Gouvernement de Sebastián Piñera avait dû écarter, en début d’année, la formule d’une enclave
côtière pour la Bolivie, sur laquelle Bachelet et Evo Morales avaient réalisé des avancées.
Hier, alors qu’il était interrogé sur les dispositifs envisagés par le gouvernement, le ministre
des affaires étrangères Moreno a expliqué ce qui suit lors d’un entretien avec TVN (la télévision
nationale chilienne) : «[N]ous voulons trouver toutes les solutions possibles qui contribuent à un
meilleur accès à la mer pour la Bolivie, mais toujours en recherchant les intérêts du Chili, et
l’intérêt du Chili ne sera jamais quelque chose qui divise le pays en deux.»
Au milieu de l’année 2007, ainsi que l’indiquait hier le journal La Tercera, les
vice-chanceliers Alberto van Klaveren et Hugo Fernández se sont penchés sur la possibilité d’une
enclave bolivienne sur la côte de la région I, plus précisément au sud du ravin de Camarones et au
nord d’Iquique. Au milieu de l’année 2009, la Bolivie a envoyé une équipe technique dans la zone
pour examiner la situation concernant cette enclave sur le terrain, témoignant ainsi de son intérêt
pour les avancées réalisées dans ce dispositif. Le Gouvernement bolivien a demandé un territoire
d’environ 400 kilomètres carrés, un dock pour l’exportation de minéraux, et la possibilité de
construire une zone urbaine et touristique sur le site.
En octobre 2009, au vu du changement imminent de gouvernement au Chili, La Paz a
exhorté le ministre chilien des affaires étrangères à signer un acte consignant la preuve que des
progrès avaient été réalisés durant les pourparlers liés à la question de la mer et indiquant les
mesures à prendre dans les années à venir.
L’acte est arrivé à Santiago fin décembre, après le premier tour des présidentielles. Dans ce
contexte, le Gouvernement de Bachelet a choisi de ne pas signer le document et d’attendre l’arrivée
des nouvelles autorités. En février, le ministre des affaires étrangères de l’époque,
Mariano Fernández, a montré l’acte à l’équipe des affaires étrangères du futur gouvernement, qui a
stoppé les pourparlers. Le document, d’après des sources du gouvernement actuel, a été considéré
comme excessif. Selon des proches de Piñera, le président trouvait que la formule d’une enclave
n’était pas la solution définitive à l’aspiration bolivienne concernant un accès à la mer et que, au
contraire, elle pouvait devenir une nouvelle nuisance. Pour Piñera, la solution idéale à ce problème
restait un couloir au nord du fleuve Lluta, qui ne divise pas le Chili.
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A cet égard, le chef de la diplomatie chilienne, bien qu’il ait refusé de fournir des précisions,
a souligné qu’une formule impliquant la souveraineté pour la Bolivie n’était pas à l’ordre du jour.
«Ce que nous cherchons, c’est à améliorer son accès à la mer et à trouver toutes les solutions qui
soient possibles pour nous, concrètes pour eux et  point très important  utiles», a déclaré
Moreno.
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ANNEXE 368
DÉBAT ENTRE LES PRÉSIDENTS MORALES ET PIÑERA, CELAC 2013,
28 JANVIER 2013
Journal El Dia (Bolivie)
(http://www.eldia.com.bo/index.php?cat=1&pla=3&id_articulo=109124)
Sommet de la CELAC
Lundi, le 28 janvier 2013
Evo propose du gaz en échange d’un accès à la mer. Piñera répond que le Chili ne négociera
pas la souveraineté
Dans le cadre de la demande de la Bolivie de disposer d’un accès souverain à l’océan
Pacifique, le président du Chili, Sebastián Piñera, a affirmé lundi que son pays ne souhaitait ni
couper ni diviser son territoire, répondant ainsi au président Evo Morales, qui avait proposé que le
Chili puisse bénéficier du gaz naturel bolivien en échange d’un accès à la mer.
Piñera a enjoint Morales à parler clairement et sincèrement en ce qui concerne le respect du
traité de 1904, conclu entre les deux Etats vingt ans après le conflit armé de la guerre du Pacifique
de 1879 à 1833, approuvé par les gouvernements et ratifié par les Congrès de la Bolivie et du Chili.
«Le Chili est disposé à fournir les installations requises pour un gazoduc, pour
un pôle industriel, et à octroyer des exonérations fiscales à la Bolivie afin que celle-ci
puisse faire le meilleur usage possible de son gaz, mais il est un aspect sur lequel je
souhaite que vous ne vous mépreniez pas, président Morales : les questions de
souveraineté ne sont pas négociables, sauf pour des intérêts économiques. Pour le
Chili et l’immense majorité du monde, les questions de souveraineté sont des points
sensibles»,
a déclaré Piñera, qui a été applaudi par les présidents présents en concluant ainsi son discours lors
du premier sommet de la Communauté des Etats d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC, en
espagnol) et de l’Union européenne.
«Je veux vous dire ce que je vous ai déjà dit lors de la campagne de candidature,
et ai répété à maintes reprises : le Chili ne souhaite ni couper ni diviser son territoire et
je pense que l’on ne saurait demander une telle chose à aucun Etat au monde. En
revanche, nous sommes désireux, et l’avons toujours été, de trouver des facilités par le
biais du dialogue, de la bonne volonté et de la coopération»,
a déclaré Piñera en rappelant qu’il avait demandé à Morales de faire appel à des comités et groupes
de travail spécialisés pour qu’ils se penchent sur les questions du libre transit, des ports et des voies
ferrées, en ajoutant que «la Bolivie n’avait participé à aucune réunion».
Selon lui, son pays soutenait la revendication de l’Argentine sur les îles Falkland, car cellesci
n’avaient conclu aucun traité avec l’Angleterre. Toutefois, la situation était différente entre la
Bolivie et le Chili, dans la mesure où le traité de 1904, qui garantit le libre transit perpétuel et les
exemptions fiscales pour le commerce bolivien, était en vigueur et respecté par le Gouvernement
chilien malgré la privatisation des ports d’Arica et Antofagasta.
- 47 -
Il a invité le président Morales à rechercher de meilleures solutions au sein des groupes de
travail spécialisés qui avaient été établis pour s’attaquer aux treize points à l’ordre du jour. Il a
rappelé que le traité de 1904 était appliqué depuis plus d’un siècle, et qu’il garantissait la stabilité
aux frontières et permettait à la Bolivie et au Chili d’entretenir à la fois de bonnes et de mauvaises
relations, de sorte qu’il demandait à Morales Ayma de respecter cette convention internationale
parfaitement valide et en vigueur.
Par ailleurs, il a déclaré que si le commerce terrestre avec les pays frontaliers était exclu,
plus de 70 % du commerce bolivien entrait par les ports chiliens ou en sortaient.
«C’est la meilleure preuve que les conditions offertes par les ports chiliens sont
favorables, car la Bolivie dispose d’autres solutions que vous nous avez rappelées
maintes fois … Le Gouvernement chilien est plus que disposé  vous le savez et j’ai
pu moi-même en faire l’expérience en de nombreuses occasions  à respecter
scrupuleusement ce qui a été établi en vertu du traité de 1904, voire à aller au-delà de
ce qui a été fixé dans le cadre de conventions internationales portant sur le traitement
des pays enclavés … Le Chili souhaite entretenir les meilleures relations avec la
Bolivie. Mais je veux également que vous sachiez que ce président défendra la
souveraineté de notre pays, car c’est non seulement mon droit, mais également mon
devoir, et si vous souhaitez trouver des solutions en respectant comme il se doit les
traités internationaux que nos deux pays ont conclus ainsi que le droit international,
vous trouverez invariablement la meilleure disposition d’esprit et la plus grande
ouverture possible dans notre pays. Mais si vous recherchez des solutions en marge du
respect du traité de 1904, le Chili prendra tout naturellement, en tant que signataire de
ce traité et étant donné qu’il se conforme à tous ses traités, les mesures nécessaires
dans le cadre du droit international pour faire en sorte que ce même traité soit
observé»,
a-t-il déclaré.
A cet égard, il a demandé que le chef d’Etat bolivien mette un terme à ce «dialogue de
sourds» qui se noue souvent entre deux pays et qu’il attende le sommet du CELAC pour trouver
des solutions pour l’avenir, dans le cadre de la solidarité, de l’amitié et de la fraternité qui doivent
prévaloir entre deux pays voisins et frères, comme c’est le cas de la Bolivie et du Chili : «Et,
naturellement, dans le respect des traités et du droit international, la position du Chili est sans
équivoque, sincère et constructive, mais également ferme.»
De la même manière, il a relevé que les traités pouvaient faire l’objet d’améliorations, ainsi
que l’avait fait le Chili en 1907, d’un commun accord avec la Bolivie, dans la mesure où il pensait
qu’il n’était pas possible de modifier une convention internationale par la volonté unilatérale de
l’une des parties, car cela risquait d’entraîner des problèmes frontaliers.
___________
- 48 -
ANNEXE 369
«LA MYSTÉRIEUSE PROPOSITION DE PIÑERA À LA BOLIVIE», LA TERCERA (CHILI),
11 JANVIER 2015
Journal La Tercera (Chili)
Journal La Tercera, le 11 janvier 2015
Une enclave sans souveraineté à l’extrémité septentrionale de la plage de Las Machas à
Arica  où un pôle d’aménagement immobilier touristique et industriel pourrait être construit  a
été offerte en février 2011 par le Gouvernement de Sebastián Piñera à la Bolivie. Cette mystérieuse
proposition a été négociée par le chef de bureau, Jorge Bunster, représentant spécial du chancelier
Alfredo Moreno, et le vice-chancelier bolivien Mónica Soriano, qui se sont rendus à Arica pour
inspecter la zone. Les «pourparlers préliminaires de haut niveau» sont toujours restés officieux et
ont pris fin brusquement le 23 mars de cette même année, lorsque Evo Morales a demandé que le
Chili soumette par écrit une solution. En réponse au refus chilien, le président Morales a annoncé le
dépôt d’une plainte devant la Cour internationale de Justice de La Haye. Pour ceux qui avaient
connaissance de ces pourparlers confidentiels, l’idée de cette enclave non souveraine est apparue
comme une alternative à la formule qui avait été examinée par le Chili et la Bolivie à la fin du
Gouvernement Bachelet. Piñera n’était pas favorable à un couloir exempt de souveraineté jusqu’à
l’anse de Pisagua et le ravin de Tiliviche, dans la communauté de Huara, car il considérait que cela
divisait le territoire chilien. C’est en décembre, lors d’une rencontre bilatérale à Foz de Iguaçu dans
le cadre d’un sommet du MERCOSUR, que Piñera et Evo Morales ont convenu de créer une
commission spéciale, dirigée par les ministres des affaires étrangères, destinée à accélérer la mise
en oeuvre des treize points à l’ordre du jour, «honorant ainsi ce qui avait été décidé par les deux
pays lors de la dernière rencontre entre les vice-chanceliers, afin de rechercher des solutions
concrètes, utiles et réalistes qui soient bénéfiques à nos deux peuples», a déclaré Piñera à l’issue
d’une réunion de plus de deux heures avec le président bolivien. Quelques semaines après cette
réunion, les ministres des affaires étrangères David Choquehuanca et Alfredo Moreno se sont
rencontrés à Santiago. Ils sont convenus de nommer un délégué spécial pour mener à bien les
négociations. Du côté du Chili, l’on s’attendait déjà à ce que l’ingénieur commercial et ancien
directeur général de la COPEC, Jorge Bunster, qui deviendrait plus tard le ministre de l’énergie,
soit nommé délégué spécial. Toutefois, la Bolivie a repoussé la nomination de son représentant, en
incitant à une concurrence intense pour ce poste entre le consul général bolivien au Chili de
l’époque, Walker Sán Miguel, et le vice-chancelier Mónica Soriano. San Miguel a même
démissionné de ses fonctions dans l’espoir d’être nommé représentant de La Paz lors de ces
négociations. Le 7 février 2011, Moreno s’est rendu en Bolivie pour poursuivre les pourparlers. Il
s’agissait de la première visite d’un chancelier chilien à La Paz en plus de soixante ans. Bunster
faisait également partie de la délégation. C’est lors de cette rencontre à La Paz que la délégation
chilienne a soulevé pour la première fois l’idée d’envisager des territoires sans souveraineté pour la
Bolivie à Arica. Fin février, Bunster a rencontré à Arica le vice-chancelier Soriano et quelques
techniciens boliviens, avec lesquels il est allé examiner la zone de la plage de Las Machas
susceptible d’être octroyée dans le cadre d’un prêt à titre gratuit. A l’époque, Soriano l’avait
prévenu qu’il restait peu de temps et que s’il n’y avait pas de progrès concret, Morales taperait du
poing sur la table [et quitterait les négociations]. Selon un responsable chilien qui participait à ces
visites d’exploration, les discussions ne laissaient pas apparaître clairement le régime particulier
qui régirait le territoire offert à la Bolivie. Bunster a rencontré au moins deux fois le vicechancelier
Soriano afin de progresser sur le sujet. Mais les discussions ont subi un coup sévère le
1er mars 2001 (sic) lorsque le président Morales a congédié Soriano. Peu de temps après, Bunster a
rencontré le nouveau vice-chancelier, Juan Carlos Alurralde, qui avait lui-même dirigé la visite
technique des responsables boliviens à Pisagua et Tiliviche en 2009 pour examiner l’enclave
offerte par Bachelet. Le Gouvernement bolivien a alors demandé au Chili une proposition écrite.
- 49 -
Celui-ci a fait valoir qu’il convenait en premier lieu de parvenir à un consensus avant de soumettre
officiellement une proposition ; dans le cas contraire, les écrits du Chili seraient contestés
ultérieurement par La Paz. Alors qu’aucune proposition écrite n’avait été faite officiellement, le
23 mars, lors de son discours pour le Jour de la mer, Morales a annoncé le dépôt d’une plainte
devant la Cour de La Haye. Manifestement, pour le Chili et la Bolivie, le temps d’envisager des
solutions était révolu.
___________
- 50 -
ANNEXE 370
NOTE EN DATE DU 26 JUILLET 2016 ADRESSÉE À M. PHILIPPE COUVREUR, GREFFIER
DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE, PAR M. CARLOS HERRERA,
AMBASSADEUR DU PÉROU AU ROYAUME DES PAYS-BAS
Archives du ministère bolivien des affaires étrangères
J’ai l’honneur, par la présente, de porter à votre connaissance et à celle de Mmes et MM. les
membres de la Cour internationale de Justice certaines considérations du Gouvernement du Pérou
(ci-après le «Pérou») quant à l’affaire relative à l’Obligation de négocier un accès à l’océan
Pacifique (Bolivie c. Chili), sans qu’il s’agisse d’une requête à fin d’intervention au sens de
l’article 62 du Statut et de l’article 81 du Règlement de la Cour.
1. Le Pérou a déjà exprimé l’intérêt qu’il porte à l’affaire susmentionnée, ce qui a donné lieu
à la décision prise par le président de la Cour en vertu du paragraphe 1 de l’article 53 du Règlement
de tenir à sa disposition des exemplaires des pièces de procédure et documents annexés présentés
en ladite affaire par l’Etat plurinational de Bolivie (ci-après la «Bolivie») et la République du Chili
(ci-après le «Chili»), décision que vous avez officiellement fait connaître à l’ambassade du Pérou
au Royaume des Pays-Bas le 14 mai 20149.
2. Le Pérou a de nouveau manifesté son intérêt dans une lettre qui vous a été adressée le
13 mai 2015, en raison d’une référence erronée au point de départ de la frontière terrestre entre le
Pérou et le Chili (selon l’article 2 du traité de Lima du 3 juin 192910) contenue sur la figure 4 du
volume 1 (p. 40) de l’exception préliminaire soulevée par le Chili en l’affaire. Dans cette lettre, le
Pérou a précisé que le point de départ de cette frontière était le point Concordia et que la mention
d’un «point 1» sur le croquis en cause était inexacte11.
3. En examinant les écritures présentées par les Parties à l’instance, et plus particulièrement
le contre-mémoire que le Chili a déposé le 13 juillet 2016, le Pérou a en outre relevé plusieurs
références historiques auxquelles il ne souscrit pas ou est ouvertement opposé. A cet égard, il
renvoie respectueusement la Cour au chapitre 1 (voir les paragraphes 1.1 à 1.44) du mémoire qu’il
a déposé le 20 mars 2009 dans l’affaire du Différend maritime (Pérou c. Chili), dont il réitère en
particulier les développements concernant l’indépendance du Pérou, du Chili et de la Bolivie ; le
fait que, après l’indépendance des trois Etats, le Pérou n’avait de frontières qu’avec la Bolivie, et
pas avec le Chili ; la confédération Pérou-Bolivie ; la guerre du Pacifique ; le traité d’Ancón de
1883 et le plébiscite concernant Tacna et Arica ; et le traité de Lima de 1929.
4. Par ailleurs, bien que, aux termes de l’article 59 du Statut de la Cour, les décisions de
celle-ci ne soient obligatoires que pour les Parties et dans le cas qui a été décidé, le Pérou estime
qu’il y a lieu de clarifier certains aspects du processus de Charaña (1975-1978) auquel la Bolivie et
le Chili se sont tous deux référés dans leurs écritures :
9 Note no 143771 en date du 14 mai 2014 adressée au chargé d’affaires a. i. de l’ambassade du Pérou au Royaume
des Pays-Bas par le greffier.
10 Traité entre la République du Pérou et la République du Chili réglant le différend relatif à Tacna et Arica, signé
à Lima le 3 juin 1929.
11 Note adressée le 13 mai 2015 au greffier de la Cour par l’ambassadeur du Pérou auprès du Royaume des
Pays-Bas.
- 51 -
4.1. Le premier point sur lequel le Pérou souhaite appeler l’attention de la Cour est le fait que
«la ligne de Concordia» («la Línea de la Concordia») est mentionnée dans l’aide-mémoire de
l’ambassade de Bolivie au Chili daté du 26 août 197512 ; dans la note du 19 décembre 1975
adressée à l’ambassadeur de Bolivie au Chili par le ministre chilien des affaires étrangères13 ; dans
la note adressée le même jour au ministre péruvien des affaires étrangères par le ministre chilien
des affaires étrangères14 ; et dans la proposition faite par le Pérou au Chili le 18 novembre 197615,
en réponse à la note chilienne datée du 19 décembre 1975.
A cet égard, il convient de noter que, ainsi que la Cour l’a rappelé dans l’arrêt qu’elle a
rendu le 27 janvier 2014 au sujet de la délimitation maritime entre le Pérou et le Chili (voir le
paragraphe 153 de cette décision)16, «la ligne de Concordia» correspond à la frontière terrestre
entre les deux pays qui a été convenue et délimitée conformément à l’article 2 du traité de Lima de
1929.
Comme cela est prévu dans cette disposition, la frontière terrestre entre le Pérou et le Chili
commence en un point de la côte appelé Concordia, situé à dix kilomètres au nord du pont qui
enjambe le fleuve Lluta. Dans sa réplique du 9 novembre 2010 (voir les paragraphes 2.12 à 2.37)
en l’affaire du Différend maritime (Pérou c. Chili), le Pérou a expliqué en détail que, aux termes de
l’accord que constituaient les instructions identiques données par les ministres péruvien et chilien
des affaires étrangères aux membres de la commission conjointe de démarcation les 24 et
28 avril 1930, la frontière devait commencer au point d’intersection entre la côté et un arc de
dix kilomètres de rayon tracé à partir du premier pont de la ligne de chemin de fer reliant Arica et
La Paz, sur la Lluta, et qu’il s’agirait là du point de départ de la ligne de délimitation entre le Pérou
et le Chili. Ces instructions prévoyaient également qu’«[u]ne borne frontière [serait] placée en un
quelconque point de l’arc, aussi près que possible de la mer mais à l’abri de l’action destructrice
des flots». Première d’une série de 80, cette borne frontière (no 1) a été placée à quelques mètres de
la mer pour ne pas être détruite ou déplacée sous l’effet des flots. L’acte final de la commission
conjointe, daté du 21 juillet 1930, se lit comme suit :
«La ligne frontière abornée part de l’océan Pacifique, à un point du littoral situé
à dix kilomètres au nord-ouest du premier pont de la ligne de chemin de fer reliant
Arica et La Paz, sur la Lluta, et prend fin dans la cordillère des Andes à la borne
frontière V de l’ancienne ligne de délimitation entre le Chili et la Bolivie.» (Voir les
paragraphes 2.42 à 2.44 de la réplique du Pérou.)
Conformément aux dispositions de l’article 4 du traité de 1929, l’acte signé par les
plénipotentiaires des deux pays le 5 août 1930, quant à lui, se contente de fournir une liste
numérotée des bornes frontière placées par la commission conjointe dans le cadre du processus de
démarcation, qui ne saurait modifier d’aucune manière la délimitation convenue à l’article 2 du
traité (voir les paragraphes 2.38 à 2.48 de la réplique du Pérou).
12 Aide-mémoire du 26 août 1975 adressé au ministère des affaires étrangères du Chili par l’ambassade de Bolivie
au Chili (annexe 174 du mémoire de la Bolivie et annexe 177 du contre-mémoire du Chili en l’affaire relative à
l’Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili)).
13 Note no 686 du 19 décembre 1975 adressée à l’ambassadeur de Bolivie au Chili par le ministre chilien des
affaires étrangères (annexe 73 du mémoire de la Bolivie et annexe 180 du contre-mémoire du Chili en l’affaire relative à
l’Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili)).
14 Note no 685 du 19 décembre 1975 adressée au ministre péruvien des affaires étrangères par le ministre chilien
des affaires étrangères (annexe 72 du mémoire de la Bolivie et annexe 179 du contre-mémoire du Chili en l’affaire
relative à l’Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili)).
15 La proposition a été formellement présentée aux autorités chiliennes le 18 novembre 1976 par l’ambassadeur
Luis Marchand, alors secrétaire général du ministère des affaires étrangères du Pérou, qui s’est rendu à Santiago de Chile
à cette fin.
16 Arrêt rendu par la Cour le 27 janvier 2014 en l’affaire du Différend maritime (Pérou c. Chili).
- 52 -
S’agissant du point de départ de la frontière terrestre entre le Pérou et le Chili, il convient de
souligner qu’il est expressément indiqué dans l’arrêt rendu le 27 juillet 2014 (voir le paragraphe
175) au sujet du différend maritime entre les deux Etats que
«[l]a Cour n’est pas appelée à se prononcer sur l’emplacement du point Concordia, où
commence la frontière terrestre. Elle relève que ce dernier point pourrait ne pas
coïncider avec le point de départ de la frontière maritime, tel qu’il vient d’être défini.
La Cour note cependant qu’une telle situation serait la conséquence des accords
intervenus entre les Parties.»17
4.2. Dans la note que le ministre chilien des affaires étrangères a adressée le 19 décembre
1975 à l’ambassadeur de Bolivie au Chili, le gouvernement du Chili a répondu aux lignes
directrices de la négociation et expressément indiqué que celle-ci serait soumise à un certain
nombre de conditions, parmi lesquelles :
«m) La Bolivie s’engage à respecter les servitudes dont bénéficie le Pérou au titre du
traité signé par celui-ci et le Chili le 3 juin 1929.
n) La validité du présent accord dépendra du consentement préalable du Pérou,
conformément à l’article premier du protocole complémentaire au traité
susmentionné.»18
Dans la note adressée le même jour au ministre péruvien des affaires étrangères par son
homologue chilien, il était indiqué ce qui suit :
«Le Gouvernement de la Bolivie, afin de définir les lignes directrices d’une
négociation permettant de trouver une solution à l’enclavement de son pays, a proposé
à mon gouvernement que soit cédée à la Bolivie une côte maritime souveraine située
entre la ligne de Concordia et la limite septentrionale de la ville d’Arica.
Une bande de terre devra relier ladite côte à la frontière entre le Chili et la
Bolivie, en incluant la ligne de chemin de fer entre Arica et La Paz.
Le Gouvernement du Chili serait disposé à négocier avec le Gouvernement de
la Bolivie au sujet de cette proposition mais, en raison de l’incidence que celle-ci a sur
les dispositions du protocole complémentaire au traité de Lima de 1929, il souhaite
auparavant savoir si le Gouvernement du Pérou souscrit à la cession demandée par la
Bolivie…
Je vous informe en outre que mon gouvernement a fait connaître au
Gouvernement de la Bolivie que toute solution devrait être conforme aux dispositions
du traité de Lima, et notamment aux servitudes dont bénéficie le Pérou au titre des
articles 2 et 7 de cet instrument.»19
Sur ce point, le Pérou tient à souligner que, comme l’indique son titre même, le traité de
1929 avait pour objet de régler le différend relatif à Tacna et Arica, territoires qui, en application
du traité d’Ancón de 1883 (qui avait mis fin à la guerre du Pacifique) devaient demeurer sous le
contrôle du Chili pendant une période de dix ans, jusqu’à ce que soit organisé le plébiscite
déterminant définitivement s’ils appartenaient au Pérou ou au Chili. Plusieurs années plus tard,
17 Arrêt rendu par la Cour le 27 janvier 2014 en l’affaire du Différend maritime (Pérou c. Chili). (Voir le
paragraphe 175).
18 Voir note 5 ci-dessus.
19 Voir note 6 ci-dessus.
- 53 -
comme il s’était révélé impossible de ternir ce plébiscite, les deux Etats convinrent, en 1929, que
Tacna reviendrait au Pérou, et Arica, au Chili. Ce nonobstant, considérant que les deux territoires
formaient une entité unique appelée à subsister en tant que telle et qu’Arica était le port naturel de
Tacna, le traité de Lima de 1929 comprenait des dispositions accordant au Pérou des droits
perpétuels et servitudes à Arica (sans préjudice de la souveraineté du Chili) sur les canaux de
l’Uchusuma et du Mauri, la ligne de chemin de fer péruvienne reliant Arica à Tacna et la section
chilienne de cette même ligne, et décidant la construction, au profit du Pérou, d’un môle de
débarquement pour les vapeurs à fort tirant d’eau dans la baie d’Arica.
De même, eu égard au caractère particulier des territoires faisant l’objet du partage, les
parties conclurent un protocole complémentaire au traité du 3 juin 1929, signé le même jour en tant
que partie intégrante dudit traité et dont l’article premier se lit comme suit :
«Les Gouvernements du Chili et du Pérou ne pourront, sans accord préalable
entre eux, céder à une tierce Puissance la totalité ou une partie des territoires qui,
conformément au traité de même date, sont placés sous leur souveraineté respective et
ils ne pourront pas non plus, sans remplir cette condition, construire de nouvelles
voies ferrées internationales traversant ces territoires.»
Enfin, il convient de préciser que le traité de 1929 et son protocole complémentaire sont
entrés en vigueur au moment de l’échange des instruments de ratification, le 28 juillet 1929, et sont
enregistrés dans le Recueil des traités de la Société des Nations sous le no 2157, ayant été déposés
la même année.
4.3. Après un examen approfondi de la question, afin d’établir les bases permettant de
parvenir à l’accord prescrit à l’article premier du protocole complémentaire au traité de 1929, et
avec la ferme intention de trouver une solution définitive à l’enclavement de la Bolivie, le
Gouvernement du Pérou a, le 18 novembre 1976, présenté une proposition au Gouvernement du
Chili20 . Celle-ci prévoyait les points suivants :
a) Cession éventuelle du Chili à la Bolivie de la souveraineté sur une bande de territoire au nord
de la province d’Arica et parallèle à la ligne de Concordia, allant de la frontière entre la Bolivie
et le Chili jusqu’au tronçon de la route interaméricaine situé dans ladite province, qui relie le
port d’Arica et la ville de Tacna.
b) Cette éventuelle cession était conditionnée à la création, dans la province d’Arica, parallèlement
à la bande de territoire en question, d’une zone relevant de la souveraineté partagée des trois
Etats  le Pérou, la Bolivie et le Chili  au sud de la frontière entre le Pérou et le Chili, entre
la ligne de Concordia, la route interaméricaine, la portion septentrionale de la ville d’Arica et la
côte Pacifique.
c) Cette condition concernant la création d’une zone de souveraineté partagée, qui est au coeur
même de la proposition du Pérou, était en outre elle-même assortie des conditions suivantes :
c.1. Mise en place d’une administration trinationale du port d’Arica.
c.2. Octroi à la Bolivie du droit de construire un port relevant de sa souveraineté exclusive.
c.3. Souveraineté exclusive de la Bolivie sur la mer adjacente à la côte continentale du
territoire placé sous souveraineté partagée.
20 Communiqué officiel no 30-76 du ministère des affaires étrangères du Pérou, Lima, 19 novembre 1976
(annexe 155 du mémoire de la Bolivie et annexe 207 du contre-mémoire du Chili en l’affaire relative à l’Obligation de
négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili)).
- 54 -
c.4. Création, par les trois pays, d’un pôle de développement économique dans le territoire
placé sous souveraineté partagée, auquel les organisations financières multinationales
pourraient participer.
4.4. Cependant, alors que la Bolivie en avait elle aussi été informée21, le Chili annonça
quelques jours plus tard, le 26 novembre 1976, qu’il refusait d’examiner la proposition du Pérou,
au motif que celle-ci avait une incidence sur des questions relevant de sa souveraineté nationale
exclusive et entraînerait manifestement une modification des clauses du traité de 1929 qui avaient
définitivement établi sa souveraineté sur Arica22.
A cet égard, le Pérou tient à souligner que, conformément aux déclarations faites à l’époque
par son ministre des affaires étrangères, il attache une grande importance au respect des traités et a,
en la matière, une tradition de longue date qui remonte aux tout premiers temps de son
indépendance. La proposition qu’il a faite au Chili le 18 novembre 1976 ne visait donc pas à
modifier le traité de 1929 ou à se soustraire aux dispositions qui y sont énoncées23.
La proposition que le Chili avait présentée au Pérou le 19 décembre 1975 entraînait un
changement important de la géographie politique consacrée dans le traité de 1929, puisqu’elle
tendait à placer dans la zone en question un troisième Etat, la Bolivie, en tant que voisin du Pérou.
C’est pourquoi celui-ci a formulé à son tour une proposition qui répondait aux nouvelles
circonstances ainsi créées et aurait été bénéfique aux trois pays concernés (création d’un pôle de
développement économique trinational). Par ailleurs, la proposition péruvienne prévoyait non
seulement la souveraineté exclusive de la Bolivie sur la mer adjacente à la côte du territoire placé
sous souveraineté partagée, mais aussi le droit pour cet Etat de construire un port relevant de sa
souveraineté exclusive ; prenant en compte — parmi d’autres éléments — le coût élevé de pareille
opération et le temps requis par celle-ci, elle prévoyait en outre la mise en place d’une
administration trinationale du port d’Arica24.
L’un des principaux aspects de l’article premier du protocole complémentaire au traité de
1929 conclu entre le Pérou et le Chili est que la mention qui y est faite d’un «accord préalable» ne
revient pas à dire qu’il s’agit simplement d’accepter ou de rejeter une proposition ; cela signifie
aussi qu’il est possible d’échanger des propositions et d’en discuter afin de parvenir à un tel accord.
Dans le cas particulier du processus de Charaña, la Bolivie a formulé une proposition au mois
d’août 1975, laquelle a donné lieu à une contre-proposition du Chili en décembre de la même
année. Cette dernière a été adressée au Pérou. Comme il est tout à fait naturel et raisonnable, celuici
était fondé à formuler des propositions assorties de nouveaux éléments et conditions afin de
préserver ses droits et intérêts et de promouvoir l’harmonie, la paix et le développement de la
région, tout en répondant à l’aspiration de la Bolivie à avoir accès à la mer25.
Le Pérou a démontré ainsi qu’il entendait faire un usage constructif du pouvoir qu’il tient de
l’article premier du protocole complémentaire au traité de 1929, en ne s’opposant pas à la cession
éventuelle d’une bande de terre à la Bolivie mais en y souscrivant sous conditions, par
l’établissement d’une zone de 66 kilomètres carrés de souveraineté partagée par les trois Etats26.
21 Conférence de presse du ministre péruvien des affaires étrangères, S. Exc. M. José de la Puente, le
21 novembre 1976.
22 Mémorandum du ministère des affaires étrangères du Chili en date du 26 novembre 1976 (annexe 212 du
contre-mémoire du Chili en l’affaire relative à l’Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili)).
23 Déclaration du ministre péruvien des affaires étrangères en date du 26 novembre 1976.
24 Voir notes 13 et 15 ci-dessus.
25 Voir ibid.
26 Voir note 15 ci-dessus.
- 55 -
Le 26 novembre 1976, le ministre péruvien des affaires étrangères a déclaré ce qui suit :
«au vu du protocole complémentaire au traité de 1929 conclu entre le Pérou et le Chili,
il est difficile de comprendre et d’accepter que, après avoir mené des consultations
visant à jeter les bases d’un accord préalable au sens de l’article premier de ce
protocole — disposition qui confère des pouvoirs étendus au Gouvernement du Pérou,
y compris un droit de veto —, ils ne consentent pas à examiner, sans discussion
préalable des ministres des affaires étrangères, la réponse dudit gouvernement, qui
constitue une proposition préservant les intérêts fondamentaux de la nation
péruvienne, offrant une solution réelle et définitive à l’enclavement de la Bolivie,
garantissant la paix et favorisant le développement de la zone en question.»27
5. Pour les raisons exposées ci-dessus, le Pérou prie respectueusement la Cour de prendre
note des considérations exprimées dans la présente lettre, qui, je le répète, démontrent l’intérêt qu’il
porte à l’instance entre la Bolivie et le Chili, et d’inclure cette lettre parmi les documents officiels
de l’affaire. Le Pérou demande également que celle-ci soit transmise aux ambassades de Bolivie et
du Chili au Royaume des Pays-Bas, une version espagnole étant jointe à leur intention.
En fonction des éléments et circonstances qui pourraient se faire jour dans la suite de la
procédure, le Pérou se réserve par ailleurs la possibilité de demander à la Cour de l’autoriser à
intervenir au procès, conformément à l’article 62 du Statut et à l’article 81 du Règlement.
Veuillez agréer, etc.
___________
27 Déclaration du ministre péruvien des affaires étrangères en date du 26 novembre 1976 (voir note 15 ci-dessus) :
«resulta difícil comprender y aceptar, a mérito del Protocolo Complementario al Tratado de 1929 celebrado entre el Perú
y Chile, que habiendo sido formulada una consulta orientada a obtener las bases para el Acuerdo Previo que señala el
artículo 1odel citado Protocolo Complementario, que da las más amplias facultades al Gobernio del Perú, incluso para
ejercer el derecho de veto, no se acepte considerar, sin previo diálogo a nivel de Cancilleres, su respuesta consistente en
un planteamiento que cautela los altos intereses de la Nación peruana, comporta una solución real y definitiva a la
mediterraneidad boliviana, garantiza la paz y promueve el desarrollo de la región concernida».
- 56 -
ANNEXE 371
DISCOURS PRONONCÉ PAR M. EVO MORALES AYMA, PRÉSIDENT DE L’ETAT PLURINATIONAL
DE BOLIVIE, À LA 33E PÉRIODE DE SESSIONS DU CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME DES
NATIONS UNIES À GENÈVE, LE 23 SEPTEMBRE 2016
Archives du ministère bolivien des affaires étrangères
Etat plurinational de Bolivie
Discours de S. Exc. le président Evo Morales Ayma
Trente-troisième session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies
Genève, le 23 septembre 2016
Frère président du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Salutations aux frères
et soeurs membres du Conseil des droits de l’homme, à toutes les institutions et aux gouvernements
membres de cette grande assemblée pour les droits de l’homme dans le monde.
Il y a de nombreuses années, je me suis rendu dans cette organisation importante à Genève,
en Suisse, en tant que dirigeant de syndicat pour préserver les droits de l’homme du mouvement
paysan autochtone, en particulier les producteurs de feuilles de coca, afin de défendre notre
identité, et défendre la feuille de coca à l’état naturel. Aujourd’hui, je reviens devant vous, dans
cette organisation, cette fois en tant que président de l’Etat plurinational [de Bolivie], pour défendre
les droits de mon peuple, le peuple bolivien. Il ne saurait exister meilleur lieu pour faire entendre la
voix de plus de 10 millions de Boliviens.
Frères et soeurs,
En cette occasion, avec beaucoup de respect et d’admiration, je félicite le Conseil des droits
de l’homme pour ses dix années d’existence depuis sa création et son oeuvre au service de
l’humanité.
Pour souligner certaines contributions positives du conseil, telles que l’adoption de la
déclaration universelle des droits des peuples autochtones, je voudrais dire que la Bolivie a été le
premier pays à constitutionnaliser tous les droits reconnus dans cette déclaration.
Je souhaite par ailleurs mettre en lumière l’inclusion de plusieurs résolutions prenant en
considération notre Terre nourricière et ses liens avec les droits de l’homme à l’Assemblée
générale, ainsi que le droit à l’alimentation.
Une autre question d’une grande importance pour mon pays est le droit de l’homme à l’eau,
qui, pour nous, constitue un droit de l’homme fondamental ; l’eau doit être un service public et non
une entreprise privée. De la même manière, les services de base doivent être considérés comme un
droit de l’homme à travers le monde.
Par ailleurs, il est important de mettre en exergue le groupe dirigé par les Boliviens en charge
de la négociation d’une déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres
personnes travaillant dans les zones rurales.
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En outre, je profite de l’occasion, frères et soeurs, [pour préciser] qu’il existe des questions
pendantes à partir desquelles il convient d’oeuvrer pour les droits collectifs et en particulier les
droits de la Terre nourricière. Au regard du mouvement paysan autochtone, de notre expérience en
Bolivie, nous sommes convaincus que les êtres humains ne peuvent exister sans la Terre
nourricière, et que celle-ci peut mieux se porter en l’absence d’êtres humains. C’est pourquoi il est
important de hâter, et d’approuver ici, l’évolution des droits de la Terre nourricière.
Frères et soeurs du conseil,
Nous avons pris d’importantes mesures pour concrétiser la protection et la pleine mise en
oeuvre des droits de l’homme, mais nous devons encore faire face à de nombreux défis.
Un problème fort délicat qui motive ma présence à ce conseil est celui auquel mon pays, la
Bolivie, est confronté dans le domaine des atteintes aux droits de l’homme dont font l’objet
femmes, hommes et enfants, des familles entières qui vivent du transport des marchandises et des
hommes depuis la Bolivie jusqu’aux côtes maritimes, en traversant le territoire chilien pour
atteindre les ports du Pacifique.
La communauté internationale sait que mon pays a perdu son statut d’Etat côtier suite à une
invasion militaire menée par la République du Chili en 1879, avec la participation de compagnies
transnationales anglaises. En raison de cette dépossession, la Bolivie a été contrainte de signer le
traité de 1904, un traité imposé, un traité injuste et un traité non appliqué, puisqu’il devrait
théoriquement garantir le libre transit commercial de mon pays.
En raison de cet enclavement forcé, environ 1600 véhicules boliviens, dont 70 % affectés au
transport de marchandises, franchissent les frontières du Chili.
Par les routes et ports chiliens transitent 80 % des exportations boliviennes et 50 % des
importations boliviennes.
L’article 6 du traité de 1904 définit deux engagements fondamentaux de la part du Chili en
faveur de la Bolivie :
a) Il reconnaît, «à titre perpétuel, un droit de transit commercial absolu et inconditionnel sur le
territoire du Chili et dans les ports de celui-ci situés sur le Pacifique» ;
b) l’obligation de convenir «d’actes spéciaux portant sur le procédé adapté pour garantir» le droit
de transit absolu et inconditionnel.
Ces obligations ont été régulées par des accords complémentaires tels que, notamment, la
convention sur le trafic commercial de 1912, la convention sur le transit de 1937, la déclaration
d’Arica de 1953, l’acte de Cochabamba de 1955, et l’acte de Viña del Mar de 1996.
Dans ce cadre, le droit de la Bolivie doit être un droit de transit absolu, inconditionnel et sans
restriction, perpétuel et non réciproque à travers le territoire chilien et dans ses ports situés sur le
Pacifique, pour toutes les personnes et tous les types de marchandises, à tous moments et en toutes
circonstances, sans exception ; l’exemption des contrôles internes par les autorités chiliennes et le
paiement pour le stockage, ainsi que les marchandises provenant de l’étranger, doivent relever de la
juridiction et de la compétence exclusives des autorités boliviennes.
Toutefois, frères et soeurs, ce droit n’est ni mis en oeuvre ni respecté par le Gouvernement
chilien et, pis encore, il est systématiquement refusé, de manière préméditée, au peuple bolivien.
Des centaines de témoignages de Boliviens traumatisés, maltraités et victimes d’atteintes
récurrentes aux droits de l’homme rendent compte de pratiques racistes et discriminatoires basées
sur la nationalité. Chaque jour, à la frontière avec le Chili et dans les ports chiliens, ainsi que sur les
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routes de transit, le Chili se livre à des confiscations, actions restrictives et attaques qui vont à
l’encontre des droits de nos compatriotes. Il ne s’agit pas d’événements isolés, mais de pratiques
régulières de la part des autorités chiliennes, qui traduisent une politique gouvernementale de siège
et d’étranglement permanent.
Frères et soeurs du conseil,
Pour nous permettre de connaître plus en détail cette réalité brute, nous avons ici présents
des transporteurs boliviens qui, chaque jour, sont directement confrontés à cette situation.
Je souhaite maintenant vous relater certains faits, à titre d’exemple, auxquels nous sommes
confrontés chaque jour dans notre transit contraint depuis notre pays enclavé vers les ports du
Pacifique au Chili.
1. On relève des restrictions et limitations au transit des marchandises provenant de Bolivie
à la frontière et des atteintes aux droits de l’homme des transporteurs et de leurs familles
sur les routes
Les contrôles, demandes et mesures imposés unilatéralement par le Chili contraignent des
centaines de camions à attendre des jours durant à la frontière, formant ainsi de longues queues
pour entrer dans le pays, ce qui oblige les transporteurs à supporter le climat extrêmement froid de
la zone  jusqu’à 15 degrés Celsius en dessous de zéro, à une altitude de plus de 4500 mètres audessus
du niveau de la mer , tout en endurant l’absence de soins médicaux dans la région et le
manque de nourriture et de services de base.
Faute d’accès à la nourriture dans les lieux d’attente, de contrôle et d’inspection, les
transporteurs doivent préparer ou emporter leurs propres repas, en les dissimulant aux officiers
chargés du contrôle, car ceux-ci appliquent des amendes élevées pour le transport et la préparation
d’aliments sur la route, dans un véhicule personnel, portant ainsi atteinte au droit élémentaire à
l’alimentation et à la survie, tout en tentant de justifier ces restrictions par des mesures sanitaires.
Nombreux sont les transporteurs voyageant avec leurs familles  car les femmes aident les
conducteurs durant le trajet, accompagnées de leurs enfants  qui n’ont pas eu le droit de préparer
leurs repas ou, pis encore, de manger les aliments préparés sur la route.
De la même manière, sur la longue route de plus de 190 kilomètres, les transporteurs ne
bénéficient pas de services d’hygiène qui leur permettraient de se laver et de satisfaire leurs besoins
physiologiques dans le respect de leur dignité. Ils n’ont pas accès à l’eau pour leur consommation
personnelle, ce qui constitue un manque de considération et une atteinte à leur condition humaine.
Malgré cette situation dramatique, la police des frontières sur le territoire chilien persécute,
intimide, voire punit les transporteurs qui satisfont à leurs besoins physiologiques dans la nature ou
sur la route.
Outre les obstacles imposés pour entrer au Chili, qui prouvent un manque absolu de
sensibilité, les agents chiliens travaillent par équipes pendant quelques heures et avec très peu de
personnel, ce qui oblige les familles à dormir à la frontière dans des conditions extrêmement
difficiles.
La situation se révèle encore plus critique lorsque la frontière est fermée suite aux grèves et
arrêts de travail constants des institutions chiliennes, les transporteurs et leurs familles devant alors
attendre des semaines jusqu’à ce que les conflits internes soient réglés.
S’ajoute à cela le fait que la route principale qui relie la frontière au port chilien est en piètre
état et ne fait pas l’objet d’un entretien digne d’une route internationale. Aussi, un trajet de
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simplement 190 kilomètres, qui ne devrait pas nécessiter plus de trois heures, demande plus de
sept heures de voyage. Tout cela montre clairement le total désintérêt du Gouvernement chilien
quant à ses engagements bilatéraux.
Un autre exemple patent du non-respect des normes internationales par le Gouvernement
chilien réside dans les contrôles phytosanitaires de nos marchandises étrangères imposés par le
service de l’agriculture et du bétail, au mépris manifeste des accords internationaux et bilatéraux,
qui stipulent que de tels contrôles ne doivent pas être effectués pour les marchandises qui transitent
dans des pays tiers, et que les certificats du pays d’origine doivent être respectés.
En outre, le Chili entrave le commerce extérieur bolivien en ouvrant les containers et en
examinant les marchandises dont la destination finale n’est pas le Chili, enfreignant ainsi le traité
de 1904, la déclaration d’Arica de 1953 et même l’article 5 de l’accord général sur les tarifs
douaniers et le commerce de l’Organisation mondiale du commerce (ci-après «OMC»).
Ces actions du Gouvernement chilien bafouent plusieurs normes internationales, parmi
lesquelles je souhaiterais citer :
1. La convention sur le trafic commercial de 1912, qui établit ce qui suit :
Article 2. Les marchandises sont déclarées «exemptées de tous contrôles autres
qu’externes», … «les contrôles doivent être effectués par des employés chiliens et boliviens
nommés par les responsables des douanes chiliennes et l’agence des douanes de Bolivie».
2. La déclaration d’Arica de 1953 :
Point 1 : «Tous les types de marchandise, sans exception, en transit sur le territoire chilien, en
provenance ou en direction de la Bolivie, relèvent de la juridiction et de la compétence exclusives
des autorités douanières boliviennes.»
3. L’article 5 de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de l’OMC : les
transports de marchandises en transit «ne seront pas soumis à des délais ou à des restrictions
inutiles et seront exonérés de droits de douane et de tous droits de transit ou de toute autre
imposition en ce qui concerne le transit».
De la même manière, le Gouvernement chilien ne se conforme pas aux accords relatifs aux
transports terrestres internationaux, qui mentionnent que les pays de transit doivent respecter les
inspections des véhicules des différents pays. Les autorités chiliennes imposent des inspections
unilatérales des véhicules boliviens n’importe où le long de l’itinéraire et souvent sans fondement
ni support juridique, arrêtant ainsi les flux commerciaux de notre pays.
Frères et soeurs du conseil,
En raison de cette situation inadmissible, le 19 juillet de cette année, notre frère le chancelier
David Choquehuanca Céspedes, conjointement avec les autorités de l’Assemblée législative
plurinationale de mon pays, a vérifié personnellement et directement les conditions et le traitement
des transporteurs sur le territoire chilien.
La visite du ministre des affaires étrangères David Choquehuanca et de sa délégation dans
les ports d’Antofagasta et d’Arica s’est effectuée dans l’esprit d’amitié et de fraternité qui guide les
relations du Gouvernement bolivien avec les peuples et nations du monde, dans l’objectif de
prendre connaissance des difficultés et de fournir des solutions aux divers problèmes auxquels est
confronté le commerce extérieur bolivien transitant par le Chili.
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Le chancelier et sa délégation ont pu corroborer eux-mêmes ces exactions, puisqu’ils ont dû
attendre plus de six heures, debout, et dans un espace de 3 mètres carrés  sans faire l’objet de la
moindre courtoisie ni considération de la part des agents du terminal du port d’Arica , avant de
pouvoir entrer dans ce port.
Le délai imposé à la délégation dirigée par le ministre bolivien des affaires étrangères avant
qu’elle puisse entrer révèle en outre la volonté du Gouvernement chilien de dissimuler les graves
atteintes au droit de transit absolu et inconditionnel dont devrait bénéficier la Bolivie, qui est
consacré dans le traité de 1904 et les accords subséquents.
Malheureusement, frères et soeurs, la réponse à cette visite que nous avons reçue en riposte a
été la dénonciation d’un accord qui permettait l’entrée des autorités des deux pays sans nécessiter
de visa.
Malgré l’attitude hostile du Chili, la Bolivie ne requiert, ni ne requerra, de visa de la part des
autorités chiliennes qui souhaitent se rendre en Bolivie.
Notre frère le chancelier Choquehuanca et sa délégation se sont vu refuser l’accès aux ports.
2. Les ports maritimes ont été privatisés, et les marchandises et transporteurs boliviens y
font l’objet de mauvais traitements
Bien que plus de 80 % des marchandises réceptionnées dans le port d’Arica soient
boliviennes, le Chili a délégué unilatéralement l’exécution de ses obligations à des sociétés privées,
qui profitent de l’enclavement injuste de la Bolivie pour tirer des bénéfices de l’ordre de plusieurs
millions.
Ces sociétés, loin de respecter les obligations du Chili, n’accordent de priorité qu’aux
bénéfices et ne procèdent pas aux investissements nécessaires pour satisfaire la demande du
commerce extérieur bolivien.
Récemment, des garages ont été fermés, contraignant les transporteurs et leurs familles à
dormir des semaines durant sur la route, à l’intérieur de leurs véhicules, dans des conditions
inhumaines, sans accès aux services d’hygiène, victimes de crime et d’intolérance.
3. Les Boliviens souffrent de dénigrement et de traitement discriminatoire
D’une manière systématique et institutionnalisée, des agents de l’Etat chilien prennent des
dispositions et des mesures, et adoptent des normes de conduite, qui enfreignent les droits de
l’homme des Boliviens.
Les transporteurs sont victimes de traitements discriminatoires et racistes de la part du
Gouvernement chilien et des fonctionnaires chiliens fournissant des services à la frontière, qui
abusent sans relâche de leur pouvoir pour dénigrer nos compatriotes boliviens. Permettez-moi de
citer en guise d’exemples quelques douloureux témoignages de mes compatriotes :
 imposition de sanctions aux transporteurs, notamment le balayage de la route et des points
frontaliers ;
 intimidation et menaces contre nos compatriotes protestant contre le fait de devoir se laver avec
l’eau des radiateurs de leurs camions ;
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 menace faite à la sécurité personnelle des transporteurs et de leurs familles, qui doivent prendre
soin de leurs marchandises et passer la nuit sur la route, et sont souvent victimes de la
destruction de leurs marchandises et moyens de transport.
4. Les autorités chiliennes encouragent la discrimination raciale
Les diverses déclarations des autorités chiliennes encouragent la discrimination à l’encontre
du peuple bolivien. A titre d’exemple, on peut citer l’appel du maire d’Antofagasta le 18 juillet de
cette année, incitant au racisme et appelant publiquement à agir d’une manière «hostile» à l’égard
des autorités et du peuple de Bolivie. Tout cela est consigné dans les médias.
De ce qui précède, il apparaît clairement que le Gouvernement et les autorités du Chili
enfreignent de manière systématique les droits de l’homme des transporteurs boliviens sur le
territoire chilien.
Les droits bafoués sont notamment les suivants :
1. L’article 5 de la déclaration universelle des droits de l’homme : «Nul ne sera soumis à la
torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.»
2. L’article 11, paragraphe 1, du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux
et culturels : «Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à un
niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un
logement suffisants, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence.»
3. L’article 5 de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale : «b) Droit à la sûreté de la personne et à la protection de l’Etat contre les
voies de fait ou les sévices de la part soit de fonctionnaires du gouvernement, soit de tout individu,
groupe ou institution.»
Frères et soeurs, membres de cette institution majeure des peuples du monde,
Malgré la réalité qui défie les principes de base de la charte fondamentale des droits de
l’homme, d’autres instruments internationaux et des institutions multilatérales chargées de les
garantir, la Bolivie continue d’avoir foi dans la voie du dialogue, de la conciliation et d’un
règlement pacifique des différends entre Etats.
Nous demandons que ce conseil prête attention à ce noble objectif de protéger ceux qui
souffrent d’atteintes à leurs droits fondamentaux et nous accompagne dans cette démarche, afin que
travailleurs et transporteurs des pays enclavés puissent bénéficier de conditions de travail décentes
lors de leur transit vers les ports, ainsi que de la protection des droits les plus fondamentaux de leur
condition humaine.
Je veux vous dire, frères et soeurs, qu’après la visite du chancelier Choquehuanca à
Antofagasta et Arica nous avons officiellement sollicité une rencontre avec les autorités de l’Etat
chilien, afin de régler ces questions de manière bilatérale. Je déplore que l’on ne nous ait jamais
répondu ni écouté pour nous permettre de mettre en oeuvre un dialogue bilatéral afin de régler nos
problèmes. J’espère que ce conseil ne considérera pas comme une nuisance le fait que je soulève un
problème, une revendication fondamentale, dans le but de demander la protection des droits de
l’homme de mon peuple, les Boliviens.
Merci.
___________
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ANNEXE 372
NOTE NO MBNU-370/41 EN DATE DU 10 OCTOBRE 2016 ADRESSÉE À LA PRÉSIDENCE DU
CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME PAR LA MISSION PERMANENTE DE L’ETAT
PLURINATIONAL DE BOLIVIE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES
NATIONS UNIES ET D’AUTRES ORGANISATIONS
INTERNATIONALES
Archives du ministère bolivien des affaires étrangères
Mission permanente de l’Etat plurinational de Bolivie à Genève
«Ama Sua, Ama Llulla, Ama Quella»
(Ne sois ni voleur, ni menteur, ni oisif)
MBNU- 370/41
Etat plurinational de Bolivie,
mission permanente à Genève
A l’attention de l’honorable :
présidence du Conseil des droits de l’homme,
Genève
La mission permanente de l’Etat plurinational de Bolivie auprès des Nations Unies et
d’autres organisations internationales basée à Genève présente ses compliments à la présidence du
Conseil des droits de l’homme et a l’honneur de transmettre par la présente le discours prononcé
par S. Exc. Evo Morales Ayma, président de l’Etat plurinational de Bolivie, lors de la trentetroisième
session du Conseil des droits de l’homme.
Rien de ce que le président bolivien a exprimé dans le cadre de la trente-troisième session du
Conseil des droits de l’homme des Nations Unies ne saurait être décrit comme agressif, et encore
moins insidieux. Le président Evo Morales a porté à la connaissance de ce conseil un problème
extrêmement délicat lié à l’existence d’atteintes permanentes et systématiques aux droits de
l’homme endurées par les Boliviens qui vivent du transport de marchandises entre la Bolivie et les
ports chiliens dans l’océan Pacifique.
En ce sens, l’appel du président Morales exhortant les membres du conseil à prêter attention
à ce problème n’a pas été lancé sans fondements. Bien au contraire, ces fondements reposent sur
des témoignages de Boliviens traumatisés, maltraités et victimes d’atteintes récurrentes aux droits
de l’homme qui témoignent de pratiques racistes et discriminatoires de la part des autorités
chiliennes dans les ports de leur pays, ainsi que dans la zone frontalière que partagent les deux
pays.
Aussi ces allégations reposent-elles sur des situations objectives en matière d’atteintes aux
droits de l’homme.
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Les protestations du Gouvernement bolivien ne traduisent en aucun cas une intention de
contrarier deux nations soeurs, et encore moins de générer chez elles un sentiment de haine. La
Bolivie est un pays qui se perçoit comme un peuple doué d’une culture de paix et de tolérance entre
les hommes et les femmes quels que soient leur origine, statut économique ou nationalité.
La Bolivie a assisté à la trente-troisième session du Conseil des droits de l’homme, car il
s’agit d’une tribune libre qui traite des questions des droits de l’homme et aide les gouvernements
en formulant des recommandations, de sorte qu’il s’agit précisément du lieu où l’on se penche sur
les problèmes touchant les peuples du monde  dans le domaine des atteintes aux droits de
l’homme  et de l’instance responsable de la promotion et de la protection des droits de l’homme.
Le Gouvernement chilien a tort de souligner que la Bolivie a soulevé une question qui
dépasse entièrement la compétence de ce conseil, puisque le Secrétaire général des Nations Unies,
Ban Ki-moon, a déclaré à l’ouverture de la quatrième séance du Conseil des droits de l’homme, le
12 mars 2007, que «toutes les victimes d’atteintes aux droits de l’homme devraient pouvoir
considérer le Conseil des droits de l’homme comme une tribune pour l’action».
L’intervention du président Morales a fourni des précisions sur les droits de l’homme
bafoués par les autorités chiliennes. L’absence de conditions de vie dignes, les traitements
dégradants et le manque de sécurité contre les actes de violence constituent des atteintes aux droits
de l’homme, car tout cela va à l’encontre de la convention internationale sur l’élimination de toutes
les formes de discrimination raciale, du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux
et culturels, et de la déclaration universelle des droits de l’homme.
Quoi qu’il en soit, nous déplorons le fait que la délégation du Chili ait répondu en utilisant
des adjectifs péjoratifs non adaptés au Conseil des droits de l’homme, plutôt que d’expliquer à la
communauté internationale les infractions relatives aux droits de l’homme commises sur son
territoire. Cela témoigne une fois de plus du manque d’intérêt du Chili pour le dialogue et le
règlement de problèmes en suspens.
Nous savons qu’il est temps de dialoguer, d’oeuvrer ensemble pour trouver des solutions qui
nous permettent de régler les problèmes en souffrance d’une manière pacifique et dans le cadre de
la véritable intégration de nos peuples. La solution à ce conflit profitera non seulement au peuple
bolivien, mais également au peuple chilien et à l’intégration de l’Amérique latine.
L’Etat plurinational de Bolivie se fie au Conseil des droits de l’homme et continuera de
recourir aux tribunes appropriées, lorsqu’il sera nécessaire de défendre les droits de l’homme pour
son peuple.
La mission permanente de Bolivie demande cordialement à la présidence du Conseil des
droits de l’homme d’envoyer des copies de cette note aux coordinateurs des groupes régionaux de
manière à ce qu’ils puissent faire connaître sa teneur à leurs membres.
La mission permanente de l’Etat plurinational de Bolivie auprès des Nations Unies et
d’autres organisations internationales basées à Genève saisit l’occasion pour renouveler à la
présidence du Conseil des droits de l’homme l’assurance de sa très haute considération.
Genève, le 10 octobre 2016.
___________
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ANNEXE 373
PRÉCISIONS HISTORIQUES SUR L’ORIGINE DU DIFFÉREND
OPPOSANT LA BOLIVIE AU CHILI
Le chapitre 2 du contre-mémoire du Chili [ci-après «CMC»] dresse une description erronée
de l’origine du différend présentée par la Bolivie. Dans ce contexte, la Bolivie est tenue de préciser
et corriger les nombreuses déformations et inexactitudes figurant dans ce contre-mémoire.
1. La description inexacte que le Chili fait de l’indépendance de la Bolivie et des frontières en
Amérique du Sud
Le Chili insinue que c’est grâce à ses actions que la Bolivie a obtenu l’indépendance28. Or, la
guerre d’indépendance de l’ancienne audience royale de Charcas, qui a débuté en 1809, était
dirigée dans une large mesure par un ensemble de groupes pro-indépendants et de guérilla locale,
dont les luttes pour l’indépendance s’étendaient à diverses régions du territoire. C’est
Simón Bolívar et d’autres patriotes de renom qui ont obtenu l’indépendance pour la Bolivie.
De la même manière, le Chili entend dépeindre le continent comme un espace politique et
géographique dépourvu de règle et principe, et qui n’a pas suivi un ordre minimal de coexistence
internationale29. La vérité est que les nouvelles républiques de l’Amérique hispanique ont accepté
de respecter les frontières qui ont été établies par la Couronne espagnole et qui étaient en vigueur
en 1810, en application du principe d’uti possidetis. La suggestion du Chili selon laquelle tous les
traités frontaliers conclus par la Bolivie étaient le fruit d’une guerre ou avaient été signés pour en
empêcher une30 est également erronée.
2. Les attaques du Chili ont contraint la Bolivie à prendre des mesures défensives
Au milieu des années 1830, la Confédération péruvo-bolivienne a été établie. Le Chili la
considérait comme une menace à son hégémonie dans l’océan Pacifique. Partant du postulat que
«la Confédération [devait] disparaître à jamais de la scène américaine»31, le Chili l’a attaquée et
envahie en 1837 et 1838, et est parvenu à la désintégrer en 1839.
Par la suite, le littoral bolivien est devenu l’objet de l’expansionnisme politique, financier et
militaire du Chili, et a subi tout un ensemble d’incursions illégales et hostiles32.
28 CMC, par. 2.13.
29 CMC, par. 2.11.
30 CMC, par. 2.12, note de bas de page 59.
31 Lettre envoyée par le ministre chilien Diego Portales à Manuel Blanco Encalada, le 10 septembre 1836, dans
E. de la Cruz, Recueil de lettres de M. Diego Portales 1834-1837. Compilation et notes, vol. III (1938), p. 452-454.
32 Ainsi, en 1842, la frégate chilienne Lacaw a recueilli du guano sur la côte bolivienne pour le vendre en
Angleterre. La Bolivie a porté plainte et les tribunaux britanniques ont rendu un jugement en faveur des droits de la
Bolivie. En décembre 1847, la goélette de guerre Yanaqueo a pris possession de l’îlot Angamos, au sud de Mejillones, sur
la côte bolivienne. Toujours en 1847, la frégate Chile a fait une descente à Mejillones, où l’équipage construisait un fort
 alors détruit sur l’ordre des autorités boliviennes  sur le territoire bolivien. A. Vergara Vicuña, La Mer, un lien de
paix entre la Bolivie et le Chili, p. 104, 111, 113-114.
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En 1857, le navire chilien Esmeralda a occupé la baie de Mejillones et arrêté, sur le territoire
côtier bolivien, le navire marchand américain Sportman, autorisé par la Bolivie à opérer dans cette
région33. Cet acte a suscité la protestation des Gouvernements bolivien et américain. Ces attaques
se sont poursuivies lorsque les forces chiliennes ont occupé, en 1863, le port de Mejillones et ses
dépôts de guano, avec l’aide de navires de guerre.
Suite à ces incursions sur le littoral, le Congrès bolivien a donné au pouvoir exécutif
l’autorisation de déclarer la guerre au Chili «pour autant que, tous les moyens diplomatiques de
conciliation ayant été épuisés, il n’ait pas été en mesure de récupérer le territoire usurpé ou de
trouver une solution pacifique compatible avec notre dignité nationale»34. Ladite autorisation n’a
jamais été mise en oeuvre. A l’inverse, elle est restée sans effet deux années durant35, en signe de
bonne volonté à l’égard du Chili.
3. C’est le Chili, et non la Bolivie, qui a enfreint le traité sur les frontières de 1874
Le Chili fait une description erronée des précédents de l’invasion du port bolivien
d’Antofagasta et omet de mentionner plusieurs aspects fondamentaux. Il soutient que, par la loi du
14 février 1878, la Bolivie a enfreint l’article 4 du traité de 1874 en introduisant de nouvelles taxes
sur les minéraux exportés par la compagnie du salpêtre et des chemins de fer d’Antofagasta36.
Cependant, la réalité est que, le 27 novembre 1873, le Gouvernement bolivien a signé un
accord avec la compagnie susmentionnée, permettant à celle-ci de continuer à bénéficier des
généreuses concessions d’exploitation de salpêtre accordées par le gouvernement précédent37.
Toutefois, l’article 2 de la loi du 22 novembre 1872 faisait obligation au Gouvernement bolivien
«de rendre des comptes à la prochaine législature» au sujet de ces transactions. Dans ce sens, la loi
du 14 février 1878 a approuvé la transaction susmentionnée «sous réserve de l’application d’une
taxe d’au moins 10 cents par quintal de salpêtre»38.
Cette contribution, dont l’objectif était de lever des fonds pour atténuer les effets du séisme
et du raz-de-marée de 187739, était une condition pour parfaire la transaction de 1873, qui,
autrement, aurait été dépourvue de validité. En toute logique, la concession en question n’avait pas
été accordée officiellement et, par conséquent, n’était pas encore protégée par l’article 4 du traité
de 1874. En fait, la compagnie exploitait le salpêtre bolivien de manière tacite depuis 1873.
33 J. Siles Guevara, Essai critique sur Le Chili et la Bolivie. Plan d’un processus diplomatique, de
Jaime Eyzaguirre (1976), p. 32.
34 Loi bolivienne du 5 juin 1863, annexe 79 du CMC.
35 V. Abecia Baldivieso, Les Relations internationales dans l’histoire de la Bolivie, vol. I (1986), p. 600.
36 CMC, par. 2.19-2.20.
37 Transaction du 27 novembre 1873, annexe 82 du CMC.
38 Loi bolivienne du 14 février 1878, annexe 85 du CMC.
39 Ces catastrophes naturelles ont eu lieu le 9 mai 1877 sur la côte bolivienne et ont pratiquement détruit les
communautés portuaires boliviennes de Tocopilla, Cobija, Mejillones et Antofagasta. Mémoire de la Bolivie (ci-après
«MB»), par. 53. Voir également P. Cereceda T., A. M. Errázuriz K., M. Lagos, Séismes et tsunamis au Chili : apprendre
et prévenir (2011), p. 90.
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Le directeur de la compagnie ayant dénoncé officiellement40 la loi du 14 février 1878, le
Gouvernement bolivien a annulé, par le décret du 1er février 1879, la concession de 1873. En
conséquence, les effets de la loi du 14 février 1878 ont été suspendus41.
Le Chili prétend que la Bolivie n’a pas tenu compte de sa demande de soumettre le différend
à l’arbitrage42, en omettant le fait que c’est la Bolivie qui avait proposé un tel arbitrage43 par la note
du 26 décembre 1878, ainsi que l’a reconnu lui-même le chargé d’affaires chilien,
Pedro Nolasco Videla, dans la note du 8 février 1879 adressée au chancelier bolivien
Martin Lanza44.
Par cette mesure, la Bolivie espérait surmonter l’impasse et réorienter les relations avec le
Chili. Le ministre bolivien des affaires étrangères en a informé le chargé d’affaires du Chili à
La Paz en temps utile.
Par ailleurs, le Chili tente de faire accroire à la Cour que la compagnie du salpêtre et des
chemins de fer d’Antofagasta était disposée à émettre une obligation couvrant le montant de la taxe
en attendant que le différend soit réglé45. A cette fin, le Chili joint la note du 3 janvier 1879 qui,
selon lui, a été adressée par le ministre chilien des affaires étrangères au Gouvernement bolivien
mais qui correspond semble-t-il en fait aux instructions données par la chancellerie chilienne à son
consul à Antofagasta46. Ainsi, le Chili prétend présenter cette note interne comme une
communication officielle envoyée au Gouvernement bolivien. Aucune des autres preuves soumises
par le Chili pour étayer cette position ne mentionne ce projet de prétendue obligation.
Ainsi que cela a été indiqué ci-dessus, le 14 février 1879, le décret du 1er février était déjà en
vigueur, laissant sans effet la contribution instituée par la loi du 14 février 1878. Néanmoins, c’est
à cette date que les troupes chiliennes ont débarqué du cuirassé Blanco Encalada, stratégiquement
ancré en face d’Antofagasta depuis le 7 janvier 1879, ainsi que des navires de guerre Cochrane et
O’Higgins, envahissant le port bolivien d’Antofagasta et déclenchant la guerre du Pacifique47 ainsi
nommée.
Le Chili a ainsi violé la frontière convenue dans le traité de 1874 en invoquant la protection
de ses ressortissants et de ses biens d’un danger qui n’existait pas véritablement. Toutefois, son
véritable objectif obéissait à un objectif de longue date, celui de s’emparer de la richesse naturelle
du territoire côtier bolivien. Preuve en est que ses actions militaires s’étaient étendues à l’ensemble
du département du littoral48.
40 Le directeur de la compagnie, George Hicks, a déposé une protestation officielle devant le notaire
d’Antofagasta et fait consigner son objection à la loi du 14 février 1878. Cela a entraîné le retrait du consentement de la
compagnie aux fondements de la transaction du 27 novembre 1873, qui est ainsi restée sans effet en vertu de la résolution
du 1er février 1879.
41 Résolution du 1er février 1879, annexe 14 du MB.
42 CMC, par. 2.21.
43 Note envoyée par le ministre bolivien des affaires étrangères, Martin Lanza, au chargé d’affaires chilien à
La Paz, Pedro Nolasco Videla, le 26 décembre 1878, dans P. Ahumada Moreno, La Guerre du Pacifique, documents
officiels, correspondance et autres publications liées à la guerre (1884), p. 20-21, annexe 30 du MB ; annexe 87 du
CMC.
44 Note envoyée par le chargé d’affaires chilien à La Paz, Pedro Nolasco, au ministre bolivien des affaires
étrangères, Martin Lanza, le 8 février 1879. Annexe 94 du CMC.
45 CMC, par. 2.21.
46 Lettre du ministre chilien des affaires étrangères, Alejandro Fierro, le 3 janvier 1879, annexe 89 du CMC.
47 MB, par. 55. Le contre-mémoire du Chili confirme que l’armée chilienne a envahi le port bolivien
d’Antofagasta sans déclaration de guerre préalable. CMC, par. 2.22.
48 MB, par. 55-56.
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4. Un armistice a été signé, et non un traité de paix, car le Chili ne pouvait pas encore
accorder à la Bolivie un accès souverain à l’océan Pacifique
Le Chili affirme, dans son contre-mémoire, que la priorité de la Bolivie dans la négociation
du pacte de 1884 était d’obtenir les territoires de Tacna et d’Arica49, en omettant de mentionner que
cela répondait aux attentes créées par le Chili lui-même depuis le tout début de la guerre du
Pacifique50, et par la suite.
Cet aspect des choses était présent dans les esprits lorsque la convention d’armistice a été
conclue, lorsque les représentants boliviens Belisario Salinas et Belisario Boeto ont consigné
officiellement dans le protocole du 13 février 1884 que la Bolivie ne pouvait pas se résoudre à
l’absence de communication complète avec l’océan Pacifique51.
A cette fin, le Chili prétend délégitimiser les éléments d’appréciation présentés par la Bolivie
à la Cour dans son mémoire afin de prouver qu’en 1884 la Bolivie avait accepté de signer une
convention d’armistice mais pas un traité de paix, car la question de son accès souverain à la mer
n’avait pas encore été réglée. Dans ce but, il invoque l’inexactitude présumée de la traduction faite
par la Bolivie du terme «voie de communication» avec le Pacifique52. A cet égard, il convient de
souligner que le terme «débouché» (outlet en anglais), dans le contexte de ladite note, reflète
clairement la conception prônée par la Bolivie d’éviter l’exclusion de l’océan Pacifique, en
préservant une liaison propre avec le reste du monde.
L’interprétation correcte à donner à la teneur du protocole en date du 13 février 1884 est
qu’il existait alors un accord, ainsi entendu par les parties, selon lequel la question de l’accès
souverain à la mer devait être remise à plus tard. La position du Chili impliquait que le débouché
sur l’océan Pacifique qui serait accordé à la Bolivie ne devait pas interrompre la continuité
territoriale. Depuis, le Gouvernement bolivien, encouragé par le Gouvernement chilien, a préservé
cette attente.
Ainsi, cet aspect fondamental a été réaffirmé par le chancelier bolivien Eliodoro Villazón,
dans sa réponse du 15 octobre 1900 à Abraham König, notant que «la cession d’une zone de
territoire, située au nord du Chili, avait été laissée tacitement à de futures stipulations … depuis, la
chancellerie chilienne a maintenu la Bolivie dans l’espoir qu’elle obtiendrait un port»53.
Il ne fait aucun doute que la conclusion d’une convention d’armistice et non d’un traité de
paix traduit clairement le fait que les parties ont décidé de repousser le règlement de la question
d’un accès souverain de la Bolivie à la mer. Cette situation restera inchangée jusqu’à ce que le
Chili acquière une certaine liberté d’action et puisse disposer des territoires de Tacna et d’Arica, ou
bien jusqu’à ce que d’autres solutions définitives puissent être trouvées.
49 CMC, par. 55-56.
50 Par exemple, après la déclaration de guerre du Chili, le Gouvernement chilien s’est tourné vers le Chili et les
citoyens boliviens pour transmettre ses propositions au Gouvernement bolivien. En mai 1879, le président chilien a
autorisé un envoyé spécial auprès du Gouvernement bolivien, qui a présenté les bases officielles envisageant un accès
souverain à l’océan Pacifique pour la Bolivie, indépendamment du territoire occupé militairement par l’armée chilienne.
Voir le MB, par. 66-69.
51 MB, par. 65. Voir également le protocole en date du 13 février 1884 visant à trouver un arrangement pour
mettre fin à la guerre du Pacifique, ministère des affaires étrangères, direction de la documentation, département des
traités, traités, conventions et accords internationaux du Chili 1810-1976, traités bilatéraux entre le Chili et la Bolivie,
vol. II (1977), p. 52-55, annexe 103 du MB.
52 CMC, par. 2.30.
53 Lettre envoyée par le ministre bolivien des affaires étrangères, Eliodoro Villazón, au plénipotentiaire chilien à
La Paz, Abraham König, le 15 octobre 1900, dans les annexes du rapport du ministère des affaires étrangères et du culte
présentées devant le Congrès ordinaire de 1902 (1903), p. 403-404.
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Pour conclure, la Bolivie souhaite souligner qu’elle n’approuve pas le rapport que le Chili a
soumis dans son contre-mémoire en ce qui concerne les coûts financiers prétendument impliqués
dans la construction de la voie ferrée Arica-La Paz. Néanmoins, étant donné que ce sujet ne
concerne pas l’affaire en l’espèce, la Bolivie ne voit pas la nécessité de réagir devant la Cour au
sujet de cette somme. Par ailleurs, la Bolivie ne reconnaît pas l’acte de ré-inauguration présumée de
cette voie ferrée présenté par le Chili, car il va à l’encontre de la réalité des faits.
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