Volume IV

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153-20170321-WRI-01-03-EN
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
14938
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
AFFAIRE RELATIVE À L’OBLIGATION DE NÉGOCIER UN ACCÈS
À L’OCÉAN PACIFIQUE
(BOLIVIE c. CHILI)
RÉPLIQUE DU GOUVERNEMENT DE L’ÉTAT PLURINATIONAL
DE BOLIVIE
VOLUME 4
(Annexes 314-344)
21 MARS 2017
[Traduction du Greffe]
TABLE DES MATIÈRES
ANNEXE
Nº TITRE SOURCE Page
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
316 Ministère chilien des affaires étrangères,
Historique des négociations entre le Chili et
la Bolivie, 1975-1978 (1978), p. 5-9 [extrait]
1
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
319 Procès-verbal de la sixième séance plénière,
neuvième session ordinaire de l’Assemblée
générale de l’OEA, 24 octobre 1979
Organisation des Etats
américains, Assemblée générale,
neuvième session ordinaire, 1979,
vol. II, OEA/Ser.P/IX.O.2 (1980)
(Présentée par la Bolivie en tant
qu’annexe 202 de son mémoire)
6
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
321 «M. Orfila loue l’initiative de la Colombie
concernant l’enclavement de la Bolivie»,
Ultima Hora (Bolivie), 21 novembre 1983
Journal Ultima Hora (Bolivie) 19
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
325 Aide-mémoire «Rencontre avec le ministre
Jaime del Valle», 26 avril 1984
Archives du ministère bolivien
des affaires étrangères
21
326 Rapport du ministère bolivien des affaires
étrangères concernant les négociations
bolivio-chiliennes tenues entre 1983 et 1984,
9 novembre 1984
Archives du ministère bolivien
des affaires étrangères
23
327 H. Muñoz, La politique étrangère du
Gouvernement militaire chilien (1986), p. 142
et 143 [extrait]
25
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
329 Note CGB no 190-066/86 en date du 30 avril
1986 adressée à M. Valentin Abecia, ministre
bolivien des affaires étrangères, par M. Jorge
Siles Salinas, consul général de Bolivie au
Chili
Archives du ministère bolivien
des affaires étrangères
27
330 Note CGB nº 279-115/86 en date du 13 juin
1986 adressée à M. Guillermo Bedregal,
ministre bolivien des affaires étrangères, par
M. Jorge Siles Salinas, consul général de
Bolivie au Chili
Archives du ministère bolivien
des affaires étrangères
31
331 Note CGB no 586-240/86 en date du
2 novembre 1986, adressée à M. Guillermo
Bedregal, ministre bolivien des affaires
étrangères, par M. Jorge Siles Salinas, consul
général de Bolivie au Chili
Archives du ministère bolivien
des affaires étrangères
33
- ii -
332 Communiqué de M. Guillermo Bedregal,
ministre bolivien des affaires étrangères, en
date du 13 novembre 1986
Direction de la presse et de
l’information du ministère
des affaires étrangères et
des cultes de la Bolivie,
bulletin d’information, nº 032,
15-30 novembre 1986, p. 23 et 24
35
333 Communiqué de M. Jaime del Valle, ministre
chilien des affaires étrangères, en date du
13 novembre 1986
Direction de la presse et de
l’information du ministère
des affaires étrangères et
des cultes de la Bolivie,
bulletin d’information, nº 032,
15-30 novembre 1986, p. 24
36
334 Note en date du 20 novembre 1986 adressée à
M. Guillermo Bedregal, ministre bolivien des
affaires étrangères, par M. Jorge Gumucio,
représentant permanent de la Bolivie auprès
de l’Organisation des Nations Unies
Archives du ministère bolivien
des affaires étrangères
37
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
336 Procès-verbal de la deuxième séance plénière,
vingt-deuxième session ordinaire de
l’Assemblée générale de l’OEA, 19 mai 1992
Organisation des Etats
américains, Assemblée générale,
vingt-deuxième session ordinaire,
1992, vol. II, OEA/Ser.P/
XXII.O.2 (1993)
40
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
338 Procès-verbal de la troisième séance de la
commission générale, vingt-troisième session
ordinaire de l’Assemblée générale de l’OEA,
9 juin 1993
Organisation des Etats
américains, Assemblée générale,
vingt-troisième session ordinaire,
1993, vol. II, OEA/Ser.P/
XXIII.O.93 (1994)
47
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
342 Procès-verbal de la troisième séance de la
commission générale, vingt-troisième session
ordinaire de l’Assemblée générale de l’OEA,
9 juin 1993
Organisation des Etats
américains, Assemblée générale,
vingt-troisième session ordinaire,
1993, vol. II, OEA/Ser.P/
XXIII.O.93 (1994)
56
343 Procès-verbal de la troisième séance de la
commission générale, vingt-troisième session
ordinaire de l’Assemblée générale de l’OEA,
9 juin 1993
Organisation des Etats
américains, Assemblée générale,
vingt-troisième session ordinaire,
1993, vol. II, OEA/Ser.P/
XXIII.O.93 (1994)
58
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
___________
ANNEXE 316
MINISTÈRE CHILIEN DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, HISTORIQUE DES NÉGOCIATIONS
ENTRE LE CHILI ET LA BOLIVIE, 1975-1978 (1978), P. 5-9
[EXTRAIT]
INTRODUCTION
Le 17 mars 1978, le Gouvernement bolivien a décidé de suspendre ses relations
diplomatiques avec le Chili. La note (annexe 1) que le ministre bolivien des affaires étrangères a
remise ce jour-là au chargé d’affaires du Chili à La Paz précisait que le Gouvernement bolivien
avait pris cette décision en se fondant sur les faits suivants :
a) La reprise des relations diplomatiques entre les Gouvernements de la Bolivie et du Chili était
fondée sur la proposition d’assigner au rétablissement du dialogue l’objectif primordial de
parvenir à «une solution juste au problème de l’enclavement, qui a été imposé à la Bolivie il y a
quatre-vingt-dix-neuf ans».
b) Depuis lors, le Gouvernement bolivien a déployé des efforts considérables afin de trouver des
conditions équitables pour les points d’accord nécessaires aux négociations.
c) Le Gouvernement chilien n’a pas manifesté la moindre souplesse en maintenant l’intégralité des
conditions énoncées dans le document en date du 19 décembre 1975, lequel constituait sa
réponse à la proposition bolivienne, «et non seulement contredit la substance de tout processus
de négociation, mais écarte toute possibilité de règlement».
d) De récentes démarches confidentielles entreprises par un fonctionnaire bolivien ont donné à ce
gouvernement la preuve que le Gouvernement chilien était revenu sur son engagement essentiel
sous-tendant la reprise du dialogue, dont l’objectif fondamental était d’obtenir un accès direct et
souverain à la mer, ôtant ainsi toute «raison d’être» à ce dialogue.
Comme on le verra ci-après, les déclarations boliviennes contredisent la réalité et ne vont pas
dans le sens du processus de négociation objectivement conçu pour octroyer à la Bolivie un accès
souverain à l’océan Pacifique.
Avant d’entreprendre une analyse détaillée de ce processus de négociation, certains faits
élémentaires doivent être soulignés pour replacer précisément cette négociation dans son juste
contexte.
Il n’existe aucun problème territorial ou frontalier pendant entre la Bolivie et le Chili. Les
frontières entre les deux Etats ont été fixées de manière définitive par le traité librement conclu
entre ces deux pays le 20 octobre 1904 (annexe 2). L’article 2 de ce traité a reconnu «la
souveraineté absolue et perpétuelle du Chili sur les territoires qu’il occupe en vertu de l’article 2 de
la convention d’armistice du 4 avril 1884».
Le Chili, pour sa part, s’est engagé dans le même document international à s’acquitter de
certaines obligations importantes vis-à-vis de la Bolivie, engagement qu’il a respecté dans sa
totalité. La Bolivie n’a donc aucun droit d’aucune sorte sur une quelconque partie du territoire
chilien.
- 2 -
En dépit de ce postulat incontestable sur les plans historique et juridique, le Gouvernement
chilien était disposé à satisfaire les aspirations boliviennes en matière d’accès souverain à
l’océan Pacifique afin de résoudre, «dans le respect des intérêts et des aspirations des peuples
bolivien et chilien», les problèmes créés par sa situation d’enclavement (point 4 de la déclaration
commune de Charaña).
C’est dans cet esprit, et nul autre, que s’est déroulée la discussion amorcée à la réunion de
Charaña susmentionnée.
1. PREMIÈRES ÉTAPES DES NÉGOCIATIONS
A. Réunion de Charaña
Le 8 février 1975, à l’initiative du président du Chili, le général don Augusto Pinochet
Ugarte, une réunion entre les chefs d’Etat des deux pays a eu lieu dans la zone frontalière de
Charaña et Vis[v]iri.
A cette réunion, il a été décidé de normaliser les relations diplomatiques entre le Chili et la
Bolivie, qui étaient suspendues depuis avril 1962.
A l’issue de cette réunion, un accord a été conclu par lequel les deux Etats se sont engagés à
faire progresser
«le dialogue à différents niveaux … afin de trouver une solution aux problèmes vitaux
auxquels sont confrontés nos deux pays, et notamment celui de l’enclavement
territorial de la Bolivie, d’une manière mutuellement bénéfique et en tenant compte
des aspirations des peuples bolivien et chilien» (annexe 3).
Après le rétablissement des relations diplomatiques, un processus intensif de contacts et de
discussions a débuté, destiné à trouver la formule permettant d’atteindre les objectifs qui avaient
guidé le président Pinochet et le président Banzer.
B. Bases de négociation
Le 26 août 1975, l’ambassade de Bolivie à Santiago a établi un aide-mémoire (annexe 4), qui
présentait les lignes directrices d’une négociation devant permettre de trouver des solutions qui
seraient mutuellement avantageuses et adaptées à la situation d’enclavement de la Bolivie.
Les grandes lignes des propositions boliviennes étaient les suivantes :
1) «La cession à la Bolivie d’une côte maritime souveraine située entre la Línea de la Concordia et
la limite de la région métropolitaine d’Arica et d’une bande de territoire souverain se
prolongeant jusqu’à la frontière bolivo-chilienne et incluant la voie ferrée Arica-La Paz.»
2) «La cession à la Bolivie d’une parcelle de territoire côtier souverain de 50 kilomètres de long et
de 15 kilomètres de large, dans une zone à déterminer, à proximité d’Iquique, d’Antofagasta ou
de Pisagua.»
3) Des facteurs supplémentaires qui doivent être spécifiques à la cession demandée au nord de la
ville d’Arica ainsi qu’à la bande de territoire souverain susmentionnée dans les zones à
proximité d’Iquique, d’Antofagasta ou de Pisagua.
- 3 -
Cette proposition bolivienne a été étudiée avec attention par le Gouvernement chilien. Le
ministre chilien des affaires étrangères, le vice-amiral Patricio Carvajal Prado a transmis oralement
la réponse de son gouvernement à l’ambassadeur bolivien à Santiago le 12 décembre 1975.
La Bolivie a accepté, par la note no 681/108 émise par son ambassade le 16 décembre 1975
(annexe 5), les termes généraux de la proposition faite oralement par le Chili. Dans le même temps,
cette note demandait au Chili d’envoyer une réponse écrite dans les mêmes termes que celle
présentée oralement.
En réponse à la demande bolivienne, le Gouvernement chilien a envoyé à l’ambassadeur de
Bolivie à Santiago, le 19 décembre 1975, la note no 686 (annexe 6), qui a confirmé par écrit les
déclarations faites oralement.
La réponse chilienne peut se résumer comme suit :
a) Il convient d’examiner la réalité actuelle sans faire revivre les précédents historiques.
b) Le Chili souhaite parvenir à un arrangement de convenance mutuelle «qui tiendrait compte des
intérêts des deux pays, sans entraîner aucune modification des dispositions du traité de paix,
d’amitié et de commerce signé par le Chili et la Bolivie le 20 octobre 1904».
c) Cession à la Bolivie d’une côte maritime souveraine, reliée au territoire bolivien par une bande
de territoire également souveraine.
d) Le Chili serait disposé à négocier avec la Bolivie au sujet de la cession d’une bande de territoire
au nord d’Arica jusqu’à la ligne de Concordia (Línea de la Concordia) sur la base de la
délimitation ci-après :
Frontière nord : la frontière actuelle avec le Pérou ;
Frontière sud : la vallée de Gallinazos et la rive nord supérieure de la vallée de la rivière Lluta,
etc.
La cession inclurait ce territoire terrestre et un territoire maritime situé entre des parallèles
tracés à partir des extrémités du segment de côte qui serait cédée (mer territoriale, zone
économique et plateau continental).
e) Le Chili rejette, comme inacceptable, la cession de territoires situés au sud de la limite
indiquée, qui pourrait avoir une incidence sur la continuité territoriale du pays.
f) La cession à la Bolivie serait conditionnée à une cession territoriale simultanée au profit du
Chili, qui recevrait dans le même temps, à titre de compensation, une zone au moins
équivalente à la zone territoriale et maritime cédée à la Bolivie. Le territoire que le Chili
recevrait de la Bolivie serait continu ou composé de plusieurs portions de territoire frontalier.
g) Le Gouvernement bolivien autoriserait le Chili à utiliser les eaux du fleuve Lauca.
h) Le territoire cédé par le Chili serait déclaré zone démilitarisée, et, conformément aux
discussions menées précédemment, le Gouvernement bolivien s’engagerait à obtenir de l’OEA
la garantie expresse du caractère inviolable de la bande de territoire cédée.
i) Les deux gouvernements s’engageraient à ne pas céder à une tierce puissance les territoires
ainsi échangés.
j) La Bolivie devait s’engager à respecter les servitudes dont le Pérou bénéficiait au titre du traité
de 1929.
- 4 -
k) La validité de cet accord dépendait du consentement préalable du Pérou, conformément à
l’article premier du protocole complémentaire au traité susmentionné (annexe 7).
Ainsi la note no 686 a-t-elle seulement confirmé les propositions chiliennes qui avaient été
transmises oralement au représentant bolivien. Non seulement celles-ci ont été acceptées de
manière générale par la Bolivie dans la note no 681/108 susmentionnée, mais le Gouvernement
bolivien a également exprimé ses remerciements dans les termes suivants :
«Je tiens en outre à remercier votre illustre gouvernement au nom du
Gouvernement bolivien de la décision annoncée par S. Exc. le président de la
République, le général don Augusto Pinochet Ugarte, par l’intermédiaire du ministre
des affaires étrangères, de céder à la Bolivie une côte maritime souveraine reliée au
territoire bolivien par une bande de territoire également souveraine.»
Au vu de l’acceptation par la Bolivie des propositions faites dans la note en date du
19 décembre, le Chili a consulté le Pérou pour informer le Gouvernement de La Paz de ce fait.
Deux éléments essentiels ressortent de ces bases de proposition acceptées par la Bolivie : la
cession d’une bande ou d’un couloir souverains avec une continuité territoriale au nord d’Arica et
de la mer adjacente correspondante et, d’autre part, la compensation territoriale que la Bolivie
devait accorder sous la forme d’une zone d’une superficie équivalente à la cession dont elle aurait
bénéficié.
En 1976, plusieurs réunions ont eu lieu entre les ministres des affaires étrangères des deux
pays et les ambassades accréditées dans leurs capitales respectives. Au cours de ces discussions
s’est posé le problème des «aspects» sous certaines conditions pour lesquels le Gouvernement
bolivien a demandé des éclaircissements et des détails. Ces «aspects» ou problèmes concernaient la
compensation pour la zone maritime, l’utilisation des eaux du fleuve Lauca et la question de la
démilitarisation du territoire cédé. Une discussion franche et réaliste offrant la perspective de
trouver une solution a eu lieu sur ces points.
C. Les «aspects»
La zone maritime
Il convient de rappeler que, dans la note chilienne en date du 19 décembre 1975, la bande de
territoire concernée a été définie comme s’étendant du nord d’Arica jusqu’à la Línea de la
Concordia (litt. d)), et il a été précisé que la cession inclurait «ce territoire terrestre et un territoire
maritime situé entre des parallèles tracés à partir des extrémités du segment de la côte qui serait
cédée (mer territoriale, zone économique et plateau continental)». En se fondant sur le fait que la
lettre e) de cette même note indiquait expressément que le Chili recevrait en échange, à titre de
compensation, une zone au moins équivalente à la zone territoriale «et maritime» cédée à la
Bolivie, le Gouvernement de La Paz a déclaré qu’il n’existait aucun accord concernant l’extension
de la mer territoriale, de la zone économique et du plateau continental dans la conférence sur le
droit de la mer ni, partant, en droit international. Il a donc demandé que, aux fins de l’échange, le
Chili clarifie la zone maritime susceptible de pouvoir être cédée.
Après un certain nombre de discussions, au cours desquelles la Bolivie a déclaré que la
portion de 200 milles marins (mer patrimoniale) était excessive et que le Chili céderait une zone
maritime qui ne lui appartenait puisqu’elle ne relevait pas de la mer territoriale, notre
gouvernement a informé la Bolivie qu’il limitait la compensation territoriale à l’extension de la mer
territoriale telle qu’établie par le droit international au moment de la conclusion du traité avec la
Bolivie.
- 5 -
Utilisation des eaux du fleuve Lauca
Le deuxième «aspect» ou problème concernait l’interprétation à donner à la condition
énoncée au litt. i) dans la note chilienne en date du 19 décembre. Il y est déclaré que le
«Gouvernement bolivien autoriserait le Chili à utiliser les eaux du fleuve Lauca». Le
Gouvernement de La Paz a fait valoir que, avec cette formulation, le Chili bénéficierait non
seulement des eaux transportées par le fleuve Lauca à travers le territoire chilien, mais également
des eaux qui traversent le territoire bolivien.
Le Chili a accepté d’interpréter cette condition de manière restrictive. Le ministre des
affaires étrangères a fait observer oralement à l’ambassadeur de Bolivie que cette condition
devait être interprétée comme autorisant à faire usage du volume d’eau traversant le territoire
national.
Démilitarisation
Un troisième «aspect» ou problème inquiétait le Gouvernement bolivien : les implications
pratiques de la condition énoncée au litt. j) dans la note en date du 19 décembre, selon laquelle «le
territoire cédé par le Chili serait déclaré zone démilitarisée».
Le Chili a d’abord accepté que soit incluse dans un éventuel traité une clause selon laquelle
la Bolivie disposerait seulement des forces nécessaires pour maintenir l’ordre et assurer les services
de police dans la zone. Plus tard, sur l’insistance de la Bolivie, le Chili a convenu qu’une
stipulation de ce type ne serait pas incluse et qu’il suffirait d’avoir une déclaration officielle du
Gouvernement bolivien à cet égard quand ils demanderaient à l’OEA une garantie d’inviolabilité.
Les discussions tenues sur ces points, comme indiqué précédemment, laissaient supposer que
les questions traitées étaient telles qu’il serait aisé pour les deux pays de parvenir à un accord. Il
n’a pas été possible de conclure un tel accord en l’absence d’une décision de la part du
Gouvernement bolivien. Quoi qu’il en soit, la souplesse dont le Gouvernement chilien a fait preuve
dans ces négociations reste prouvée.
___________
- 6 -
ANNEXE 319
PROCÈS-VERBAL DE LA SIXIÈME SÉANCE PLÉNIÈRE, NEUVIÈME SESSION ORDINAIRE
DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L’OEA, 24 OCTOBRE 1979
Organisation des Etats américains, Assemblée générale, neuvième session ordinaire,
1979, vol. II, OEA/Ser.P/IX.O.2 (1980)
(présentée par la Bolivie en tant qu’annexe 202 de son mémoire)
Organisation des Etats américains
Assemblée générale
AG
Neuvième période ordinaire de sessions OEA/Ser.P
22 octobre 1979 AG/ACTA 134/79
La Paz, Bolivie 24 octobre 1979
Verbatim
Procès-verbal de la sixième séance plénière
Date : 24 octobre 1979
Heure : 15 heures
Lieu : salle de séances plénières (salle «Libertad» Sheraton)
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Le PRESIDENT : Je donne maintenant la parole au chef de la délégation du Chili.
Le REPRESENTANT DU CHILI (M. Daza) : Monsieur le président, Messieurs les chefs de
délégation, Monsieur le secrétaire général, Monsieur le secrétaire général adjoint, en premier lieu,
je tiens à féliciter M. Alejandro Orfila pour sa réélection au poste de secrétaire général, ainsi que
l’ambassadeur Valerie McComie pour avoir été élu secrétaire général adjoint.
A la demande du Gouvernement bolivien, le «rapport sur le problème maritime de la
Bolivie» a été ajouté à l’ordre du jour de l’assemblée.
Bien que nous n’ayons pas encore pris connaissance de ce rapport, les déclarations faites par
différentes autorités boliviennes et principalement celles émises par le président constitutionnel par
intérim de la Bolivie, M. Wálter Guevara Arze, confirment que, à travers ce thème, l’intention est
d’apporter aux débats de cette assemblée une question qui ne relève pas de sa compétence.
- 7 -
La déclaration faite par le président de la Bolivie montre qu’il est demandé à l’OEA
d’intervenir dans une affaire qui enfreint la souveraineté territoriale du Chili, et que l’objectif
poursuivi est de modifier la situation définie par un traité international.
Je réaffirme ici avec la plus grande insistance que l’OEA n’a pas compétence, et que mon
pays ne la considère pas compétente, pour se prononcer sur les droits territoriaux du Chili.
Comment peut-on vouloir utiliser l’OEA à cette fin, alors qu’elle n’est pas habilitée à le faire
et que, conformément à sa charte, cette organisation a été créée précisément pour «défendre la
souveraineté et l’intégrité territoriale» des Etats d’Amérique (art. 1), dans des circonstances dans
lesquelles ceux-ci ont réaffirmé le principe selon lequel l’«ordre international est basé
essentiellement sur le respect de la souveraineté des Etats ainsi que sur le fidèle accomplissement
des obligations découlant des traités et des autres sources du droit international» (art. 3 b)) ?
Peut-on ignorer que si la demande bolivienne recevait l’aval de l’OEA, tous les Etats
américains manqueraient collectivement à l’obligation qui leur est imposée de «respecter les droits
dont jouissent les autres Etats conformément au droit international» (art. 11) et la règle selon
laquelle «les droits fondamentaux des Etats ne sont susceptibles d’altération d’aucune sorte»
(art. 12) ? Car, Monsieur le président, il ne fait aucun doute que le Chili exerce ses droits de
souveraineté territoriale «dans le respect du droit international», conformément aux traités qui sont
en vigueur et pleinement valables. De même, personne ne peut contester que le droit de tout Etat de
protéger son territoire et les frontières qui l’entourent est plus fondamental encore si l’on garde à
l’esprit que ce droit est étroitement lié à son existence.
C’est pourquoi j’invite tous les Etats ici présents à réfléchir sereinement aux valeurs
essentielles qui sont en jeu ici.
De surcroît, toute modification apportée à la situation établie par le traité de paix, d’amitié et
de commerce de 1904 qui ne serait pas le fruit d’un accord direct entre les parties placerait
l’organisation en contradiction ouverte avec le principe du respect des traités, qui a été consacré à
maintes reprises par les Etats américains comme l’un des piliers fondamentaux de l’ordre juridique
international et du système interaméricain lui-même.
Dans la déclaration des principes américains, adoptée à la huitième conférence internationale
américaine (Lima, 1938), l’OEA avait déjà affirmé ce qui suit :
«Le respect et l’observance fidèle des traités sont de règle pour le
développement des relations pacifiques entre les Etats, et les traités ne peuvent être
revisés qu’avec le consentement des parties.»
Ce principe a été répété et développé à la troisième réunion de consultation des ministres des
affaires étrangères de l’Organisation des Etats américains (Rio de Janeiro, 1942), qui a abouti à
l’adoption d’une déclaration sur «la solidarité continentale dans le respect des traités
internationaux». Cette déclaration affirme que «le respect de la parole donnée dans les traités
internationaux repose … à la fois sur des préceptes juridiques inachevés et sur des principes
moraux» ; «que les accords de cette nature, bilatéraux ou multilatéraux, ne doivent pas être
modifiés ou rester sans effet, à moins que ceux qui ont concouru à leur élaboration y consentent» ;
«que la coexistence pacifique entre les peuples serait pratiquement impossible sans la stricte
observance des pactes solennels conclus».
Est-il donc possible, Messieurs les représentants, que l’OEA, en s’arrogeant des
compétences qui ne sont pas les siennes, soit consciemment disposée à mettre en danger la paix et
l’harmonie qui heureusement existent dans cette région de l’Amérique ?
- 8 -
Nous pensons sincèrement que non et que, au contraire, notre organisation doit respecter
scrupuleusement l’article 17 de sa charte, qui se lit comme suit :
«Le respect et l’observance fidèle des traités sont de règle pour le
développement des relations pacifiques entre les Etats…»
Ce concept est réaffirmé en son article 3 b), selon lequel
«[l]’ordre international est basé essentiellement sur le respect de la personnalité, de la
souveraineté et de l’indépendance des Etats ainsi que sur le fidèle accomplissement
des obligations découlant des traités et des autres sources du droit international ;»
Qui plus est :
Il n’existe aucun différend international d’aucune sorte entre le Chili et la Bolivie qui
justifierait l’intervention de l’OEA ou le recours aux procédures de règlement pacifiques prévues
par sa charte, et j’invite officiellement la délégation bolivienne à réfuter ces affirmations.
A moins que, en transformant le bien en mal et la lumière en obscurité, l’on soutienne que
l’exercice légitime des droits, le respect des obligations ou l’acceptation des situations découlant de
traités librement consentis, comme cela est précisément le cas du traité qui a fixé les frontières
entre le Chili et la Bolivie, peuvent être sujets à controverse.
Non, Messieurs les représentants, clairement et catégoriquement, non !
L’aspiration de la Bolivie à obtenir son propre accès souverain au Pacifique, qui a été
reconnue par notre pays, ne constitue pas et ne pourra jamais donner lieu à une quelconque
controverse, car ce désir, qu’il soit considéré raisonnable ou non, ne confère pas à la Bolivie un
droit inexistant et ne rend pas le Chili responsable d’une obligation inexistante.
Messieurs les représentants,
Le raisonnement qui précède nous amène à affirmer que l’examen de la question maritime
bolivienne par l’assemblée générale de l’OEA, dans le sens donné par les autorités de la Bolivie,
établirait un précédent grave pour les relations interaméricaines. En effet, en élargissant sa
compétence ou en ignorant des principes tels que le respect des traités, l’organisation interviendrait
indûment dans les affaires étrangères d’un Etat membre, en contradiction avec l’article 18 de la
charte. De cette façon, l’OEA consacrerait, de fait, la violation de sa propre légalité, ce qui
causerait des dommages insoupçonnés à l’harmonie et la coexistence interaméricaines.
Messieurs les représentants, cette délégation, mon pays, ne peut pas imaginer qu’un Etat
membre puisse souhaiter un destin aussi sinistre à notre organisation, qui a été laborieusement et
patiemment construite au cours des dernières décennies.
Notre charte ne comporte aucune disposition qui confère à cette assemblée la faculté de
reviser les traités, de se prononcer sur leur validité ou de s’immiscer dans des questions qui
relèvent de la souveraineté exclusive de ses Etats membres.
Si cette assemblée le fait, nous entrerions sur le terrain dangereux de la rupture de la légalité
sur laquelle se fonde notre coexistence.
En procédant ainsi, nous ouvririons la porte à l’examen et à la contestation de toutes les
frontières qui ont été établies par voie de traités, comme cela est notre cas, ainsi que des situations
qui sont actuellement pendantes.
- 9 -
Les ministres ici présents accepteraient-ils que l’OEA, ou un organe politique comme cette
assemblée, intervienne dans la modification des frontières de l’Amérique ?
Les ministres accepteraient-ils que l’OEA discute de l’Histoire, des guerres qui ont eu lieu
sur le continent, des résultats de ces guerres ou des traités frontaliers signés à maintes reprises à la
suite de ces conflits ?
Naturellement, la réponse doit être négative.
Le président de la Bolivie, dans son allocution à la session inaugurale, a donné une
interprétation des causes de la guerre de 1879 entre le Chili et la Bolivie qui n’est pas confirmée
par l’Histoire et qui ne correspond pas aux circonstances à l’origine de ce conflit, que le Chili
n’avait pas recherché.
Cette référence à la guerre m’oblige à analyser, de manière assez détaillée, les circonstances
historiques qui ont provoqué ce conflit.
Lors de leur accession à l’indépendance, les diverses régions de l’Amérique espagnole ont
adopté leurs limites territoriales en s’appuyant sur le principe de l’uti possidetis de 1810, à savoir la
délimitation géographique que l’Espagne avait établie à des fins administratives dans les différentes
vice-royautés et capitaineries générales, dans l’espoir que cette règle leur permettrait de fixer, sans
autres complications, les frontières de ces nouveaux Etats.
Les choses ne se déroulèrent pas comme prévu par les premiers pères fondateurs. L’Espagne
n’avait pas soigneusement défini les limites des capitaineries générales ni celles des vice-royautés.
Les limites avaient été modifiées trop fréquemment, et les divers décrets et ordres royaux en vertu
desquels elles avaient été modifiées se contredisaient. Les dispositions administratives ne
correspondaient pas aux dispositions légales, et ces dernières n’étaient pas conformes au principe
de l’uti possidetis.
Nous connaissons tous la quantité de conflits que cette situation a engendrés sur notre
continent.
De nombreuses dispositions réglementaient les limites nord de la capitainerie générale du
Chili. Parmi elles, il y avait même un décret royal qui définissait les limites entre la capitainerie
générale du Chili et l’audience royale de Lima, laissant l’audience de Charcas (Bolivie) sans un
accès à la mer.
Mais il existe également d’autres précédents historiques qui confirment cette assertion et qui
viennent du libérateur Simón Bolívar en personne, lequel, dans le but de doter la Bolivie d’un
littoral, a essayé d’échanger avec le Pérou, en 1826, un territoire côtier au sud du fleuve Sama
contre des territoires situés sur les hauts plateaux. Ces démarches ont cependant échoué.
Poussant plus loin cette intention, le général irlandais Burdett O’Connor a été chargé
d’explorer le littoral chilien d’Atacama pour trouver un port maritime. La caleta de Cobija a alors
été considérée adaptée à cette fin, et fut, en fin de compte, l’unique et précaire inclinaison maritime
montrée par la Bolivie.
Cette réalité a été confirmée ultérieurement par la Bolivie elle-même, qui, en
novembre 1906, en dénonçant le traité d’amitié, de commerce et de navigation conclu avec la
Grande-Bretagne, a déclaré au Gouvernement britannique que, dans les faits, dès 1840, la Bolivie
avait perdu ses ports maritimes et qu’en conséquence une grande partie de ce traité avait été rendue
inapplicable.
- 10 -
Ainsi, la Bolivie a reconnu quarante ans avant le début du conflit qu’elle n’avait aucune
présence sur ce territoire côtier.
Tous ces antécédents illustrent bien la complexité de la question qui a été examinée par nos
deux pays durant ces années.
En 1842, quand il a été découvert que le guano pouvait être utilisé en tant qu’engrais, son
exploitation a naturellement suscité l’intérêt. Le Chili s’est déclaré en 1843, par voie de décret,
propriétaire fiscal des gisements de guano situés au sud de la baie de Mejillones, convaincu qu’il
exerçait ainsi sa compétence sur le territoire qui était exclusivement chilien.
Jusque-là, la Bolivie n’avait jamais contesté les limites territoriales du Chili. La Bolivie n’a
agi ainsi qu’en raison dudit décret, ce qui a ensuite donné lieu à une longue et active discussion au
cours de laquelle, de manière érudite, les représentants respectifs des deux pays ont invoqué des
titres historiques basés sur différentes dispositions expresses émises par l’Espagne coloniale.
Dans ce long processus diplomatique ont eu lieu de nombreux événements qui démontrent
que le Chili revendiquait des droits légitimes sur le territoire à l’origine du conflit. La guerre ne fut
pas un acte prémédité par le Chili. Son origine n’est pas celle mentionnée par le président. Elle fut
le résultat d’une controverse qui était restée latente pendant plus de trente-cinq ans.
Durant cette période, plusieurs traités ont été conclus pour résoudre le différend créé. Un
traité signé en 1866 avec le Gouvernement bolivien du général Melgarejo puis dénoncé par le
successeur de ce général ; un modus vivendi conclu en 1872 par le Gouvernement bolivien et rejeté
par le Congrès de ce pays ; le traité de 1874 qui n’a pas été respecté par le Gouvernement bolivien ;
et des demandes répétées du Chili pour soumettre ce différend à un arbitrage international,
lesquelles ont reçu en réponse des actions boliviennes dirigées contre les droits chiliens et la
population chilienne. En 1863, l’Assemblée législative bolivienne a même autorisé l’exécutif
bolivien à déclarer la guerre au Chili.
Cependant, de son point de vue, le Chili n’entendait pas seulement obtenir des droits, mais
également défendre sa présence effective dans la région à l’origine du conflit.
Les représentants ignorent sûrement la dimension réelle de la présence chilienne dans le
désert et l’absence de la Bolivie dans cette région. Des sources boliviennes apportent des données
très révélatrices en la matière. Selon l’historien bolivien Alcides Arguedas, en 1874, la population
d’Antofagasta était composée comme suit : 93 % de Chiliens ; 2 % de Boliviens ; 1,5 %
d’Européens ; 2 % d’Américains du Nord et du Sud ; et 1,5 % d’Asiatiques et autres.
La vie dans le désert est uniquement due aux efforts, aux capitaux et aux hommes chiliens.
Les capitaux étrangers n’ont insufflé aucune vie dans l’aridité de ce désert.
Il importe en outre d’examiner les traités conclus entre les deux pays à l’époque, dans la
mesure où leur non-respect par la Bolivie est à l’origine de la guerre.
Le traité de 1866, qui était une transaction, a établi la frontière entre les deux nations le long
du 24e parallèle. Ces deux pays ont également décidé de se partager les produits provenant de
l’exploitation des dépôts de guano découverts et restant à découvrir entre les 23e et 25e parallèles,
ainsi que les droits d’exportation qui seraient perçus sur les minéraux extraits dans cette zone.
Un nouveau Gouvernement bolivien, en 1871, a toutefois déclaré caducs tous les actes
réalisés par le gouvernement qui avait conclu ce traité.
- 11 -
Une autre étape de ces négociations intenses a été franchie en 1874, avec la signature d’un
nouveau document. Ce nouveau traité a maintenu la frontière entre le Chili et la Bolivie au
24e parallèle, et mis fin au régime de copropriété économique de la région revendiquée par les deux
Etats.
A titre de compensation pour cette modification, la Bolivie s’était engagée, pour une durée
de vingt-cinq ans, à ce que «les ressortissants, industries et capitaux chiliens» de la zone à laquelle
le Chili renonçait au nord du 24e parallèle ne soient assujettis à «aucune contribution, de quelque
nature que ce soit, autre que celles qui s’appliquent actuellement».
Cette clause était fondamentale pour la transaction qui venait d’être conclue. Elle visait à
remplacer les droits d’exploitation partagés qui représentaient les intérêts des deux pays. Toutefois,
un nouveau gouvernement bolivien dirigé par le général Hilarión Daza a adopté une loi qui grevait
d’un impôt de 10 cents tout quintal de salpêtre exporté par la société des salpêtres et chemins de fer
d’Antofagasta (Compañía de Salitre y Ferrocarril de Antofagasta), société qui appartenait
notamment aux Chiliens.
Le Gouvernement chilien a entrepris à La Paz les démarches nécessaires à la mise en oeuvre
complète de ce traité. Ces démarches sont toutefois restées vaines, le Gouvernement bolivien du
général Daza n’ayant pas renoncé à sa position.
Dans le cadre d’une nouvelle tentative, le Gouvernement chilien a chargé son représentant à
La Paz de proposer au Gouvernement bolivien de soumettre l’affaire à un arbitrage et de suspendre
la loi en question jusqu’à ce que la question soit résolue en suivant cette voie.
Cette nouvelle demande d’arbitrage est non seulement restée sans réponse, mais la Bolivie a
pris des mesures directes contre les droits du Chili.
Le représentant chilien a été retiré de La Paz et la dernière note qu’il a adressée au
Gouvernement bolivien a pris acte de la nature du problème à l’origine de la guerre. La note était
rédigée en ces termes :
«Avec la rupture du traité du 6 août 1874, due au non-respect par la Bolivie des
obligations qui y sont stipulées, renaissent pour le Chili les droits qu’il a fait
légitimement valoir avant le traité de 1866 sur le territoire visé par ce traité. En
conséquence, le Gouvernement chilien prendra toutes les mesures nécessaires pour
défendre ses droits, et le Gouvernement de la Bolivie ne doit voir dans ces mesures
que le résultat logique de la rupture provoquée par son refus répété de rechercher une
solution juste et également honorable pour les deux pays.»
Et quels étaient les droits que le Chili défendait ? Les mêmes que ceux qu’il avait fait valoir
tout au long du long processus diplomatique que j’ai évoqué ; les droits que le Chili avait cédés
sous condition dans une transaction qui n’a pas été respectée et qui, autre fait important que j’ai
souligné, supposait sa présence active dans la région à l’origine du conflit.
J’ai rappelé ces antécédents dans le but de démontrer que la guerre n’a pas été provoquée par
une action prédéterminée et délibérée imputable au Chili, mais parce que, à un moment donné dans
l’Histoire, nos nations ont malheureusement été touchées par un événement comparable à ceux qui
se sont déroulés sur le continent et face auquel chacun de nos pays a réagi pour défendre ce qu’il
considérait être ses droits.
Le président de la Bolivie a déclaré que le terme «aspiration» n’est pas la façon adéquate
d’aborder ce problème. Il fonde les droits présumés de la Bolivie sur le fait que son pays a été forcé
de conclure un traité.
- 12 -
Cette affirmation est contraire à la réalité.
Le traité de 1904 a été conclu vingt-quatre ans après la fin du conflit armé. Il a été élaboré de
manière patiente et réfléchie et signé au bout d’une longue période de négociations au cours
desquelles les parties ont pu expliquer leurs points de vue. Ce fait le distingue à lui seul des autres
traités de paix, qui sont généralement imposés à une partie par une autre. Après 1880, année où la
Bolivie s’est retirée du conflit armé, trois ans se sont écoulés avant que des contacts ne soient repris
à l’initiative de la Bolivie et ne mènent à la convention d’armistice, qui, comme son nom l’indique,
était de nature temporaire.
En 1895, dans la quête d’une paix permanente, un traité et deux protocoles qui donnaient à la
Bolivie un accès à la mer ont été signés. Ils ont cependant échoué en raison du Parlement bolivien.
En 1900, après quelques changements de gouvernement en Bolivie, le ministre bolivien à
Santiago, M. Claudio Pinilla, a informé le Gouvernement chilien que la Bolivie considérait que les
négociations de 1895 étaient closes et qu’elle était prête à chercher d’autres solutions.
Notre délégation à La Paz s’est activement attelée à la préparation des négociations.
En 1902, de nouvelles négociations de paix ont débuté avec le voyage confidentiel à
Santiago d’un représentant officiel de la Bolivie en la personne du diplomate Félix Avelino
Aramayo.
Les bases présentées au Gouvernement chilien par M. Aramayo étaient les suivantes :
1. Abandon, par la Bolivie, de toute prétention à un port sur le Pacifique.
2. Indépendance commerciale de la Bolivie, pour laquelle le Chili devait lui accorder la clause de
la nation la plus favorisée.
3. Paiement par le Chili d’une somme d’argent qui serait versée chaque année pour construire des
voies ferrées devant permettre aux produits boliviens d’accéder facilement au Pacifique.
Le Gouvernement bolivien a chargé M. Alberto Ostria Gutiérrez, en tant que ministre et
envoyé au Chili, de défendre ces bases en 1902. Les contacts informels de M. Aramayo ont ainsi
pris fin, et les négociations officielles ont commencé. Celles-ci ont abouti à la signature du traité de
1904, sur la base de la proposition bolivienne initialement présentée par M. Aramayo.
Le traité de 1904, par lequel la Bolivie a renoncé à son littoral, imposait de lourdes
obligations au Chili.
La première était d’«accorde[r] à la République de Bolivie, à titre perpétuel, un droit de
transit commercial absolu et inconditionnel sur son territoire et dans ses ports situés sur le
Pacifique».
Cette disposition permettait à la Bolivie d’utiliser tous les ports situés sur la côte chilienne,
tandis qu’une autre disposition de ce même traité l’autorisait à contrôler ses échanges commerciaux
au moyen de postes douaniers qu’elle pouvait établir dans les ports de son choix.
De plus, le Chili convenait de construire, à ses frais, une voie ferrée reliant Arica à La Paz et
de transférer à la Bolivie la propriété de la portion traversant son territoire, ce qu’il a fait en 1928.
La vérité est que ce sont ces efforts chiliens qui ont permis de relier la Bolivie aux routes
océaniques du Pacifique, routes auxquelles elle n’avait pas accès.
Le Gouvernement chilien s’engageait en outre à garantir les obligations que la Bolivie
pourrait contracter à hauteur de 5 % maximum du capital destiné à être investi dans la construction
- 13 -
des lignes de chemin de fer suivantes : d’Uyuni à Potosí ; d’Oruro à La Paz ; d’Oruro, via
Cochabamba, à Santa Cruz ; de La Paz à la région de Beni ; et de Potosí à Santa Cruz.
Le Chili s’engageait également à verser la somme de 300 000 livres sterling, qui était la
monnaie en vigueur à cette époque.
Peut-on légitimement affirmer ensuite que cet instrument a été imposé par la force ?
Existe-t-il un autre précédent dans l’Histoire montrant qu’un pays vainqueur, qui en l’espèce
désirait supposément voir la Bolivie mutilée, se serait lui-même imposé de lourdes obligations ?
J’ai demandé aux représentants de confirmer si un traité qui prévoit de telles obligations
répond au schéma d’un document imposé par la force. La vérité est que cet instrument était le
résultat d’une négociation au cours de laquelle les deux gouvernements ont librement apprécié
leurs intérêts nationaux.
Le général José María Pando, dont le mandat arrivait à son terme, était le président de la
Bolivie quand les négociations du traité de paix de 1904 ont commencé. Un de ses ministres, le
général Ismael Montes, s’est présenté aux élections présidentielles avec un programme qui faisait
de la renonciation définitive de la Bolivie à un port sur le Pacifique une base essentielle du traité de
paix avec le Chili.
Le général Montes a été élu président de la République après une victoire écrasante aux
élections. Ainsi, le traité de 1904 a été négocié par deux gouvernements boliviens.
A propos du traité de 1904 et du programme électoral du général Montes, l’historien et
diplomate bolivien M. Alberto Gutiérrez a écrit ce qui suit :
«Toute la population bolivienne a pu prendre connaissance de ce programme et
apprécier sa portée et ce qu’il envisageait. Après avoir vu ce plan gouvernemental, qui
avait été communiqué franchement, la population bolivienne a voté aux élections de
1904 en offrant une majorité sans précédent dans l’histoire des élections libres dans
notre pays.»
Les deux négociateurs boliviens du traité de 1904 étaient des présidents de la République
élus. Il serait incompréhensible qu’une population responsable, une nation sérieuse, leur ait permis
d’occuper les plus hautes fonctions de l’Etat, en leur confiant la direction de leur destin national,
s’ils avaient été les protagonistes d’un acte contraire aux intérêts de la Bolivie.
Le traité de 1904 a été librement conclu par les deux pays. Il répondait aux intérêts des deux
nations et octroyait des droits au Chili. Toute modification de ces droits constitue donc pour la
Bolivie une aspiration.
Monsieur le président, on a tenté dans cette assemblée de comparer la situation du canal de
Panama avec le traité de 1904 conclu entre le Chili et la Bolivie.
Une telle comparaison est absurde. Il n’existe aucune ressemblance. Au contraire, il s’agit de
situations opposées tant sur le plan moral qu’aux niveaux juridique et pratique.
Des Chiliens et des Boliviens responsables et respectables ont conclu le traité de 1904 entre
le Chili et la Bolivie. Ce traité a en outre été communiqué aux opinions publiques des deux pays,
qui l’ont approuvé et ratifié.
Le traité de 1903 relatif au canal de Panama a été conclu subrepticement, au nom du
Panama, par un citoyen français, M. Bunau-Varilla, avant que la mission diplomatique du Panama
ne se rende à Washington pour discuter précisément de cette question.
- 14 -
Dans les discussions qui ont eu lieu à Washington au sujet des nouveaux traités sur le canal,
le président Carter a reconnu qu’aucun Panaméen n’avait vu le traité de 1903 avant sa conclusion.
Comme des sources officielles aux Etats-Unis l’ont elles-mêmes révélé, les intérêts personnels et
financiers de M. Bunau-Varilla l’ont emporté sur toute condition d’équité pour la nation
panaméenne lors de la signature du traité de 1903. En d’autres termes, cet accord a été clairement
conclu sans la participation du peuple panaméen.
Le traité chiléno-bolivien est un traité frontalier qui a été conclu à la suite de longues
négociations et qui a établi à titre perpétuel les frontières entre ces deux nations. Il a définitivement
résolu un conflit frontalier en reconnaissant expressément la souveraineté du Chili sur les territoires
visés par ses dispositions.
La stabilité et la permanence de ce type de traités ont été reconnues par la convention sur le
droit des traités, qui prévoit expressément en son article 64 2) que la clause rebus sic stantibus ne
s’applique pas aux traités définissant des frontières.
Le traité Hay-Bunau-Varilla n’est pas un traité frontalier. Les Etats-Unis n’ont pas obtenu la
souveraineté du canal, mais le droit d’utiliser cette zone comme s’ils en avaient la souveraineté et
d’exercer ainsi un contrôle qui a affecté les Panaméens et donné lieu à une enclave coloniale qui a
évidemment blessé la dignité du peuple panaméen.
Si l’on voulait citer deux traités entièrement différents l’un de l’autre, ce serait précisément
le cas du traité de 1903 sur le canal de Panama et du traité chiléno-bolivien de 1904.
Le président de la Bolivie a déclaré que son pays est enclavé et que cette réalité ne peut être
masquée en parlant de «facilités» ; que les facilités dépendent exclusivement de la volonté de ceux
qui les accordent, et que ceux qui les reçoivent sont à la merci des premiers.
La Bolivie n’est ni enclavée, ni bénéficiaire de «facilités» octroyées à titre discrétionnaire.
Les «facilités» dont la Bolivie dispose sont issues de traités internationaux ; elles constituent, par
conséquent, des droits pour la Bolivie et des obligations pour le Chili, obligations que mon pays a
scrupuleusement respectées, en allant même bien au-delà.
Les autorités boliviennes persistent à décrire le prétendu «enclavement» de leur pays,
oubliant qu’un régime juridique lui donne, au travers du territoire chilien, le plus large et le plus
libre transit commercial pour les marchandises à destination et en provenance de la Bolivie.
Pour des raisons que je ne souhaite pas juger, l’on demande de désavouer ce régime qui, par
ailleurs, n’a pas été statique mais s’est continuellement perfectionné au fil du temps.
Il est également utile de rappeler que, en sus des dispositions du traité de 1904, une
convention sur le commerce a été signée en août 1912, à Santiago, afin de réglementer les
importations et les exportations de et vers la Bolivie ainsi que le rôle décisif alloué aux douaniers
boliviens.
En août 1937, une convention de transit a été conclue afin de préciser davantage encore le
sens de la convention précédente.
Le 31 janvier 1955, un traité de complémentarité économique entre le Chili et la Bolivie a
été signé afin d’étendre et de faciliter le système de libre transit qui avait été convenu. Le
préambule de cet instrument souligne que
- 15 -
«les Gouvernements du Chili et de la Bolivie, mus par l’idéal américain d’intégration
économique continentale, ont décidé de regrouper leurs efforts pour développer une
action coordonnée en vue de parvenir, par phases successives, à une complémentation
économique et de contribuer à la consolidation de l’indépendance économique de
leurs peuples».
Ces postulats fraternels ont été réitérés cinquante et un ans après la conclusion du traité de
1904 ; le chef de la diplomatie bolivienne était M. Wálter Guevara Arze, ministre des affaires
étrangères et du culte à l’époque, et actuel président de la République ; sa signature figure sur le
traité susmentionné ainsi que sur son protocole complémentaire.
De surcroît, il convient de souligner que le traité de janvier 1955 comportait un autre élément
très important, qui donnait au libre transit un contenu bien plus large, qui n’a pas pu être consacré
par les conventions qui ont été perfectionnées au niveau international pour favoriser le transit des
Etats sans littoral. Cet élément était l’engagement pris par le Chili d’accorder des facilités à la
Bolivie pour construire, en territoire chilien, un oléoduc permettant d’exporter le pétrole bolivien
vers les marchés internationaux. Cet engagement a été amélioré et concrétisé par la suite au travers
de divers accords, créant une servitude, en territoire chilien, qui dépasse le concept traditionnel de
libre transit.
La seule chose certaine est que la Bolivie n’a pas profité des facilités et des capacités dont
elle bénéficie au travers des ports chiliens, en dépit d’un traitement préférentiel et de franchises liés
aux tarifs, stockage, services, etc., pour les marchandises exportées à destination et en provenance
de Bolivie, notamment par Arica et Antofagasta.
En 1974, les Gouvernements du Chili et de la Bolivie ont recouru à la commission
économique pour l’Amérique latine afin de rationaliser les systèmes de transit et les procédures
documentaires des chargements boliviens passant par les ports d’Arica et d’Antofagasta.
Ces études ont abouti à la mise en place d’un système intégré de transit dans les ports
d’Arica et d’Antofagasta, dont l’efficacité a été expressément saluée par les autorités boliviennes.
En ce qui concerne les routes, le Chili a déployé des efforts considérables. Il a construit une
route qui relie Arica à la frontière. Mon pays a investi 80 millions de dollars dans cette route, dont
la Bolivie est le principal bénéficiaire. Toutefois, la Bolivie n’a rien fait pour prolonger cette route
sur son territoire, alors qu’elle disposerait du financement nécessaire auprès d’organismes
internationaux de prêt. Qui plus est, l’importance de cette route a été reconnue dans la
décision no 94 de la commission de l’accord de Carthagène, qui a considéré que cette voie faisait
partie intégrante de l’axe central du réseau routier andin. Le Chili, qui n’est plus partie à l’accord
de Carthagène, a compris et respecté cette décision. La Bolivie, Etat partie à ce schéma sousrégional,
l’a ignorée jusqu’à présent.
En conséquence, aux yeux du Chili ou de tout observateur informé et objectif, la campagne
internationale menée par la Bolivie pour présenter à la communauté internationale sa prétendue
situation d’enclavement, en recherchant des marques de solidarité et de soutien pour tenter de la
surmonter, ne peut que sembler paradoxale.
Il existe un élément important que j’ai souligné à de précédentes occasions, lorsque j’ai eu à
répondre aux observations qui ont été formulées.
En 1965, à l’issue d’un long processus, l’Organisation des Nations Unies a convoqué une
conférence qui a abouti à la convention relative au commerce de transit des Etats sans littoral,
document qui a été laborieusement rédigé et qui incluait les principes et les règles que la
communauté internationale considérait adéquats pour résoudre les problèmes de transit rencontrés
par les pays présentant ces caractéristiques.
- 16 -
La Bolivie n’a pas ratifié cet instrument, car les facilités qu’il prévoit sont inférieures à celles
qui ont été accordées par mon pays au fil du temps et matérialisées dans des documents et des
actions que le Gouvernement bolivien connaît très bien et auxquels le président de la République,
M. Wálter Guevara Arze, a participé en tant qu’acteur important et reconnu.
C’est pourquoi nous pouvons affirmer que le prétendu enclavement de la Bolivie n’existe
pas.
Ecoutons ce qu’une importante personnalité publique bolivienne, l’ancien président
Víctor Paz Estenssoro, a déclaré dans une lettre adressée le 25 septembre 1950 à un autre éminent
Bolivien, l’ancien président Hernán Siles Zuazo. Cette lettre a été publiée le 19 juin 1964 dans le
journal La Nación de La Paz :
«Le problème du port ne fait, selon nous, pas partie des questions prioritaires
pour la Bolivie. Soutenir, comme on l’entend souvent, que le sous-développement de
notre pays est lié à l’absence d’accès à la mer est non seulement puéril, mais
également tendancieux, puisque l’on cherche ainsi à détourner l’attention de la
population des véritables causes de la stagnation de la Bolivie. Du point de vue de
l’intérêt de la nation, il est plus urgent et pratique de consacrer nos capacités, notre
énergie et nos ressources au développement des principaux atouts  tant humains
qu’économiques  dont dispose la Bolivie … Paradoxalement, il n’est donc pas dans
notre intérêt de faire en sorte d’obtenir le règlement immédiat de la question du port,
mais plutôt de le reporter à plus tard.»
Si l’on analyse sérieusement le sous-développement de la Bolivie, on pourra vérifier à quel
point les idées avancées en 1950 par l’ancien président Paz Estenssoro restent valides aujourd’hui.
Il est certain que la Bolivie dispose de facilités qu’elle n’exploite pas ainsi que d’une
infrastructure insuffisante pour utiliser les avantages que le Chili lui accorde.
Comme je l’ai dit, et je le répète, la Bolivie bénéficie d’un régime privilégié par rapport à
tous les autres Etats enclavés dans le monde, grâce aux facilités que mon pays lui a accordées et qui
dépassent de loin les obligations contractées avec elle.
Il a été soutenu ici, au sens d’une accusation, que l’enclavement de la Bolivie affecte la paix
et la sécurité du continent.
Je demande aux représentants boliviens d’indiquer une seule démarche chilienne susceptible
de représenter une menace pour la paix.
Au contraire, bien que les relations diplomatiques entre nos deux pays aient été rompues sur
décision de la Bolivie, de nombreuses démarches attestent de l’attitude absolument pacifiste de
notre pays.
La commission mixte des frontières de la Bolivie et du Chili a récemment achevé un travail
positif de repositionnement des bornes à la frontière ; nos autorités ferroviaires et portuaires
s’occupent en permanence de toutes les questions liées au transit des marchandises boliviennes ;
nos universités et hôpitaux continuent d’accueillir des boursiers et des stagiaires boliviens.
Et puisque j’affirme ici la volonté pacifiste de mon pays, la conclusion logique est que la
menace pour la paix peut uniquement provenir de la Bolivie.
Le fait que le pays qui peut porter atteinte à la paix soit celui qui prétend dénoncer ce danger
devant cette assemblée dénote une attitude des plus inconséquente et contradictoire.
- 17 -
Aucune autre interprétation n’est possible. Mon pays ne saurait donc accepter que la mise en
oeuvre et le respect légitime d’un traité valide et en vigueur puissent constituer une menace pour la
paix.
Monsieur le président, Messieurs les représentants, au vu de ce qui précède, il est clair :
 que la Bolivie a une aspiration et non un droit ;
 que le Chili s’est montré disposé à satisfaire cette aspiration ;
 que l’OEA n’a aucune compétence pour se prononcer sur des territoires chiliens dont les
frontières ont été définies par un traité international ;
 qu’en aucune circonstance exercer les droits qui découlent d’un traité pourrait constituer une
menace pour la paix ;
 que le sous-développement de la Bolivie n’a rien à voir avec son enclavement, dans la mesure
où elle dispose d’un large et libre accès à la mer.
Tout cela montre que la Bolivie a choisi le mauvais chemin en faisant appel à l’OEA pour
satisfaire son aspiration.
Elle ne pourra pas satisfaire son aspiration ici !
Je voudrais dire avec la plus grande fermeté que le Chili n’acceptera jamais que quelque
organisme international envisage ou prononce des décisions sur des questions qui relèvent de la
compétence exclusive de la souveraineté chilienne.
Comme je l’ai dit, c’est aux Chiliens et à eux seuls de décider du sort de leur territoire.
En 1975, le Gouvernement du Chili s’est engagé, sérieusement et avec la meilleure bonne
foi, à entamer des négociations pour donner à la Bolivie un accès souverain à l’océan Pacifique.
Ces négociations ont échoué à cause de la Bolivie.
Nous pouvons tous comprendre l’Histoire, en particulier l’Histoire récente. Certaines des
personnes qui ont pris part à ces événements pourraient même être présentes ici.
Non seulement la Bolivie a fait échouer ces négociations, mais elle a également perturbé,
avec une campagne antichilienne inutile, les démarches positives susceptibles d’être entreprises par
nos deux pays.
Il est nécessaire de rétablir le climat de respect, que les Chiliens n’ont pas brisé.
Messieurs les représentants, une fois cette atmosphère rétablie, seuls le dialogue, la
compréhension mutuelle et des propositions sérieuses permettront d’ouvrir la voie à un accès
souverain à la mer pour la Bolivie.
Il n’existe pas d’autre chemin viable !
Cherchons, une fois de plus, dans une synthèse parfaite entre la fraternité et la solidarité, les
voies qui pourront mener à une solution raisonnable et acceptable pour partager un destin commun,
en se tournant sans barrière vers un horizon rempli de possibilités et d’espoirs pour nos peuples.
- 18 -
Le PRESIDENT : Merci beaucoup, Monsieur le représentant du Chili.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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- 19 -
ANNEXE 321
«M. ORFILA LOUE L’INITIATIVE DE LA COLOMBIE CONCERNANT L’ENCLAVEMENT
DE LA BOLIVIE», ULTIMA HORA (BOLIVIE), 21 NOVEMBRE 1983
Journal Ultima Hora (Bolivie)
Ultima Hora, 21 novembre 1983
Le secrétaire général de l’OEA, M. Alejandro Orfila, a fait la déclaration suivante à
Washington vendredi dernier, suite à l’adoption par acclamation, à la treizième conférence de
l’organisation, de l’initiative prise par la Colombie pour que la Bolivie et le Chili réexaminent la
question de notre enclavement.
En particulier, M. Orfila a salué les efforts déployés par le ministre colombien des affaires
étrangères, M. Rodrigo Lloreda Caicedo, ainsi que l’invitation lancée par le président
Belisario Betancur pour la tenue d’une réunion des ministres des affaires étrangères de la Bolivie et
du Chili à Bogotá :
Lundi dernier, devant l’assemblée générale de l’Organisation des Etats
américains, j’ai évoqué l’itinéraire de l’Amérique. J’ai parlé du chemin parcouru et de
celui restant à parcourir pour consolider la patrie américaine. J’ai notamment exprimé
le souhait que la solidarité des parties intéressées puisse permettre de doter la Bolivie
d’un accès à la mer.
A la session de l’assemblée générale ce matin, il s’est produit un événement qui
pourrait constituer la base essentielle d’une éventuelle solution à cette question et un
premier pas important vers le renouveau et la revitalisation de l’OEA. L’assemblée a
applaudi debout la résolution qui exhorte la Bolivie et le Chili à entamer, dans un
esprit de fraternité américaine, un processus de rapprochement des peuples bolivien et
chilien, et de resserrement de leurs liens d’amitié, axé sur l’établissement de relations
normales propres à leur permettre de surmonter les difficultés qui les séparent, et de
trouver une formule visant à assurer à la Bolivie une passerelle territoriale et
souveraine vers l’océan Pacifique, sur des bases qui tiennent compte des avantages
mutuels et des droits et intérêts des parties concernées. Cette ovation a ravivé les
moments lumineux que l’organisation a vécus par le passé et permis d’entrevoir
l’efficacité et la grandeur qui doivent caractériser son avenir.
Les ministres chilien et bolivien des affaires étrangères sont les grands
architectes de cet accord de principe pouvant aboutir au règlement d’une situation qui
préoccupe tout le continent. Ils ont fait preuve d’une grande maturité politique et d’un
grand courage civique — comme cela a été dit à l’assemblée par le ministre colombien
des affaires étrangères, M. Rodrigo Lloreda Caicedo, lequel a servi de brillant
intermédiaire dans les négociations qui ont précédé la résolution adoptée par
l’assemblée.
Il convient également de souligner le geste du président colombien,
M. Belisario Betancur, qui a exprimé sa volonté de favoriser la tenue d’une réunion
entre les ministres bolivien et chilien des affaires étrangères afin de lancer le processus
de rapprochement, de solidarité et de négociation. Ce geste a démontré une fois de
plus l’esprit pionnier avec lequel le président colombien contribue à faciliter la
résolution des problèmes américains.
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La vitalité qui a caractérisé la session de l’assemblée générale tenue aujourd’hui
est de bon augure et devrait encourager la nouvelle OEA, une institution dynamique,
solidaire, ambitieuse et moderne ; une organisation qui doit se consacrer à la
résolution des problèmes cruciaux de l’hémisphère, et oublier les intérêts mineurs qui
ont retenu une grande partie de son attention ces dernières années.
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ANNEXE 325
AIDE-MÉMOIRE «RENCONTRE AVEC LE MINISTRE JAIME DEL VALLE»,
26 AVRIL 1984
Archives du ministère bolivien des affaires étrangères
République de Bolivie,
ministre des affaires étrangères et du culte
Aide-mémoire
Réunion tenue avec le ministre des affaires étrangères Jaime del Valle
Montevideo, 26 avril 1984
1. La réunion a eu lieu au ministère uruguayen des affaires étrangères, durant la réception
offerte aux ministres présents à la conférence de l’ALADI. Aucun témoin n’était présent et la
réunion a duré près d’une heure.
2. M. Jaime del Valle a la réputation d’être un homme dur, de droite (il a été membre du
parti Patria y Libertad), mais il s’est efforcé de se montrer aimable et conciliant tout au long de la
réunion. Il a rappelé qu’il a une soeur (mariée à M. Jorge Siles Salinas) qui vit à La Paz, et que luimême
a des liens avec la Bolivie. Il a dit que même si ces circonstances pouvaient lui porter
préjudice, il était disposé à tout faire pour normaliser les relations avec la Bolivie et résoudre la
question maritime.
3. Il a répété que le président Pinochet et lui portaient un intérêt réel au règlement de cette
question, mais que le général nourrissait peu d’espoir à cet égard en raison des revirements et de
l’inconstance de la Bolivie. Je pense que cette question n’offre pas de perspective de dénouement
imminent, mais pourrait demander un à deux ans et demi d’efforts.
4. Il a montré qu’il tenait beaucoup à ce que le dialogue engagé depuis Washington et sous
les auspices du président Betancur ne soit pas interrompu. Il a suggéré à plusieurs reprises que les
négociations se poursuivent à Genève.
(A l’ALADI, il a proposé que la prochaine réunion des ministres des affaires étrangères se
tienne à Santiago, réunion à laquelle — comme je le lui ai dit — la Bolivie ne pouvait pas assister.)
Il a semblé soucieux de rompre l’isolement international du Chili.
5. Il a indiqué que, pour le Chili, le dialogue avec la Bolivie comportait trois
étapes  normalisation, reprise des relations et négociation — pour résoudre ces problèmes (la
négociation devant s’ouvrir dès la reprise des relations), mais que le Chili ne pouvait pas accepter
les conditions de la Bolivie. Il a insisté sur le fait que le Chili avait également des difficultés avec
son opinion publique. En revanche, il a souligné que l’opinion publique bolivienne semblait
manipulée par le gouvernement, qui relançait la question à chaque fois qu’il était confronté à des
problèmes internes.
6. Pour lui, la normalisation (qui pourrait plutôt être vue comme une détente) est un
prérequis indispensable pour améliorer l’atmosphère de dialogue entre les deux pays. Eviter les
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attaques directes, accroître les échanges, encourager les visites sportives, etc., pourraient être des
facteurs positifs dans cette direction.
7. Il a demandé que nous fassions des déclarations publiques au sujet de notre réunion, et que
nous disions que les réunions se poursuivaient à Genève et que nous allions bientôt nous réunir à
Bogotá.
8. En résumé, ma réponse a été la suivante :
a) Le président Siles a autant, voire plus, intérêt à résoudre la question maritime. Nous sommes
heureux de connaître cette position, qui vise à négocier avec sincérité, mais l’expérience nous a
appris à être prudents.
b) Nous ne voulons pas manquer d’égards envers le président Betancur, mais nous devons nous
assurer de la profondeur et du sérieux de ce dialogue. La détente doit être accompagnée de
conversations sérieuses sur la question de fond, que ces conversations soient confidentielles ou
publiques. Il n’y aura pas de normalisation ni de reprise des relations sans ce prérequis.
c) L’opinion publique bolivienne n’est pas manipulée par le gouvernement. Il existe une prise de
conscience nationale sur la question maritime que le Chili ne peut ignorer.
d) La Bolivie requiert un processus de consultation interne afin de formuler une position de
consensus national.
Je me suis entretenu avec le ministre chilien des affaires étrangères, M. Jaime del Valle, à
l’occasion de la conférence des ministres des affaires étrangères de l’ALADI. Nous avons parlé des
thèmes de la réunion et échangé des idées sur la poursuite des contacts entre nos pays, qui ont
débuté avec l’invitation du président de la Colombie, M. Belisario Betancur, lancée en application
de la résolution adoptée par l’assemblée de l’OEA à Washington.
J’ai précisé au ministre des affaires étrangères que la question de l’enclavement de la Bolivie
est une question d’intérêt national permanent, qui se situe au-dessus de tout différend politique et
idéologique interne. C’est pour cela qu’il est indispensable de commencer immédiatement le
processus de consultation en Bolivie, afin de définir une position de consensus national qui
constituera la base sur laquelle les contacts susmentionnés pourront se poursuivre.
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ANNEXE 326
RAPPORT DU MINISTÈRE BOLIVIEN DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES CONCERNANT LES
NÉGOCIATIONS BOLIVIO-CHILIENNES TENUES ENTRE 1983 ET 1984,
9 NOVEMBRE 1984
Archives du ministère bolivien des affaires étrangères
Rapport
1. Le 31 octobre 1979, l’assemblée générale de l’OEA a adopté la résolution 426, déclarant
qu’il «est de l’intérêt permanent du continent de trouver une solution équitable qui assure à la
Bolivie un accès souverain et utile à l’océan Pacifique», afin «d’asseoir une paix durable, qui
stimule le progrès économique et social dans la région du continent directement touchée par les
conséquences de l’enclavement de la Bolivie». A cette fin, la résolution recommandait aux Etats
concernés par ce problème «d’entamer des négociations en vue de la concession à la Bolivie d’un
accès territorial libre et souverain à l’océan Pacifique». Dans la conduite de ces négociations,
«l’on devrait tenir compte des droits et intérêts des parties en cause et … envisager,
entre autres éléments, l’établissement d’une zone portuaire de développement
multinational intégré ; l’on pourrait de même retenir la position prise par la Bolivie,
qui s’oppose à toute compensation territoriale».
2. La treizième assemblée générale de l’OEA, réunie en novembre 1983 à Washington, a
adopté la résolution 686, qui exhortait la Bolivie et le Chili à entamer, dans un esprit de fraternité
américaine, un processus de rapprochement des peuples bolivien et chilien, et de resserrement de
leurs liens d’amitié, axé sur l’établissement de relations normales propres à leur permettre de
surmonter les difficultés qui les séparent, et de trouver tout particulièrement une formule visant à
assurer à la Bolivie une passerelle territoriale et souveraine vers l’océan Pacifique, sur des bases
qui tiennent compte des avantages mutuels et des droits et intérêts des parties concernées.
Par la suite, le 19 novembre 1983, le président de la République de Colombie,
M. Belisario Betancur, a proposé aux Gouvernements de la Bolivie et du Chili que leurs ministres
des affaires étrangères se réunissent à Bogotá pour trouver une solution à l’enclavement de la
Bolivie qui envisagerait un accès souverain et utile à l’océan Pacifique.
3. Pour atteindre cet objectif, les ministres bolivien et chilien des affaires étrangères ont
profité de diverses conférences internationales pour entamer des discussions visant à définir le
processus et le contexte dans lesquels la résolution 686 de l’assemblée de l’OEA pourrait être mise
en oeuvre.
A Montevideo, lors de la réunion de l’ALADI tenue en avril 1984, la Bolivie a maintenu
qu’il était nécessaire d’assurer la continuité et la profondeur du dialogue, et sollicité un délai pour
mener un processus interne de consultation qui puisse lui permettre de parvenir à un consensus
national sur les négociations, consensus qui serait ensuite soumis au Chili.
A la réunion de Mar del Plata, le 20 juin 1984, la Bolivie a proposé d’entamer des
pourparlers sur la question de fond : son accès à l’océan Pacifique. La normalisation des relations
et leur éventuel rétablissement officiel devaient avancer de pair avec le traitement de la question de
fond. Le ministre chilien des affaires étrangères a proposé de répondre à la proposition bolivienne
dans le cadre de la réunion de New York.
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4. Ces conversations ont abouti à New York le 2 octobre dernier, à l’occasion de
l’Assemblée générale des Nations Unies, en présence du ministre des affaires étrangères de la
Colombie, à la conclusion d’un accord sur le déroulement et la portée des négociations qui devaient
débuter à Bogotá avec une réunion entre les ministres des affaires étrangères de la Bolivie et du
Chili, afin d’entamer des pourparlers sur tous les problèmes bilatéraux pendants, en particulier sur
une «formule qui permettrait de donner à la Bolivie son propre accès souverain à l’océan
Pacifique». Dans le même temps, les deux ministres des affaires étrangères devaient approuver la
liste et le calendrier des démarches de rapprochement bilatéral, préalablement préparés par la voie
diplomatique, afin d’éliminer tout élément susceptible de perturber le dialogue entre les deux pays.
Cet accord indiquait que si la proposition bolivienne visait à résoudre le problème dans les
territoires visés par le protocole complémentaire au traité du 3 juin 1929, la République du Pérou
serait invitée à participer aux prochains pourparlers. En outre, la Bolivie et le Chili s’engageaient à
tenir le Gouvernement colombien informé de l’état d’avancement des négociations et à faire appel
aux bons offices de la Colombie lorsqu’ils le jugeaient opportun pour maintenir le dialogue.
Il a également été convenu que, pendant la durée des pourparlers, les pays présenteraient le
problème maritime de la Bolivie devant les instances internationales d’une manière conforme à
l’état d’avancement de la négociation.
5. Un communiqué conjoint de la Bolivie et du Chili devait officialiser cet accord à
New York, en précisant que la phase préparatoire des négociations s’était achevée avec l’entente
des parties sur la procédure à suivre. Le ministre chilien des affaires étrangères a remis aux
ministres bolivien et colombien un projet de ce communiqué le 3 octobre 1984.
6. Le 3 octobre 1984, le ministre chilien des affaires étrangères a informé les ministres des
affaires étrangères de la Colombie et de la Bolivie que son gouvernement avait décidé de suspendre
la signature du communiqué conjoint, dans lequel l’accord susmentionné devait être publié,
invoquant des discordances avec le discours prononcé par le ministre bolivien des affaires
étrangères à l’ONU, qui délimitait le cadre des droits maritimes de la Bolivie.
Malgré cela, dans les contacts entretenus par l’intermédiaire du ministre colombien des
affaires étrangères, la Bolivie et le Chili ont par la suite affirmé leur intention de poursuivre les
pourparlers. La Bolivie était disposée à le faire conformément à la déclaration faite par son ministre
des affaires étrangères le 7 juin, selon laquelle «la Bolivie reste inaltérablement fidèle à sa volonté
de répondre à l’exhortation des pays américains à mener des négociations avec les parties
concernées, dans le cadre du système interaméricain et sur la base des accords de New York».
7. La Bolivie, fidèle à sa position de principe et de respect des accords de l’OEA, maintient
son intention d’engager, avec les parties concernées, un dialogue franc, ouvert et sans condition sur
l’enclavement de la Bolivie et les difficultés qui séparent les pays de la région.
La Paz, le 9 novembre 1984.
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ANNEXE 327
H. MUÑOZ, LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE DU GOUVERNEMENT MILITAIRE CHILIEN (1986),
P. 142 ET 143 [EXTRAIT]
Relations du Chili avec les pays voisins
Bolivie
La qualité des relations nouées entre le Chili et ses voisins constitue un élément
traditionnellement caractéristique de la politique étrangère du Chili. Dans ce contexte, l’isolement
politique du Chili est mis en exergue par le soutien sans précédent manifesté à la Bolivie depuis la
fin des années 1970 concernant ses aspirations à un accès au Pacifique à travers le territoire chilien.
Bien que, dans le passé, la diplomatie chilienne ait empêché que l’enclavement de la Bolivie ne soit
discuté dans les forums internationaux16, des efforts similaires déployés par le Gouvernement du
général Pinochet n’ont guère été couronnés de succès.
Début 1975, le général Pinochet a pris l’initiative de régler les revendications de la Bolivie,
qui étaient déjà centenaires. Le 8 février, il a rencontré son homologue bolivien, M. Hugo Banzer,
dans les villes frontalières de Charaña et de Visviri, où ils ont accepté de renouer les relations
diplomatiques — interrompues depuis treize ans — et pris l’engagement «d’identifier des
mécanismes permettant de résoudre, dans le respect des intérêts et des aspirations des peuples
bolivien et chilien, les problèmes vitaux auxquels sont confrontés les deux pays»17. En août, le
Gouvernement bolivien a transmis des propositions au ministère chilien des affaires étrangères, qui
consistaient essentiellement en la cession d’un couloir destiné à relier son territoire à l’océan, et
d’une enclave de 750 kilomètres carrés en territoire chilien située autour de certains de ses
principaux ports maritimes. Dans sa réponse, communiquée à la mi-décembre, le Chili n’a accepté
que l’idée du couloir et d’une bande côtière souveraine pour la Bolivie en échange d’une
compensation territoriale au moins équivalente en superficie à la zone territoriale et maritime cédée
à la Bolivie18.
Bien que le Gouvernement de Banzer ait semblé disposé à négocier l’échange de territoires,
les conversations ont fini par s’enliser en raison de l’opposition rencontrée dans l’Altiplano et lors
des consultations qui ont dû être menées avec le Pérou du fait que la région concernée faisait partie
de la zone contestée pendant la guerre de 1879 et visée par l’article premier du protocole
complémentaire au traité de Lima, par lequel le Chili et le Pérou ont réglé leur conflit en 1929. Cet
article prévoit qu’aucun des deux pays ne peut «sans accord préalable entre eux, céder à une tierce
puissance la totalité ou une partie des territoires qui, conformément au traité de même date, sont
placés sous leur souveraineté respective»19. Lors de la consultation chilienne sur la cession d’une
bande de territoire à la Bolivie, qui supposait uniquement une réponse par «oui» ou par «non», le
ministère péruvien des affaires étrangères a répondu en introduisant de nouveaux éléments qui
visaient à établir l’existence de droits péruviens sur la région du nord du Chili. Cette situation a
16 Par exemple, avant le sommet des chefs d’Etat américains qui devait se tenir à Punta del Este en 1967, la
Bolivie a soumis sa participation à l’inscription à l’ordre du jour d’un point consacré à son enclavement. Le Chili s’est
opposé à cette demande bolivienne et ce point n’a pas été discuté. Le président bolivien a renoncé, en conséquence, à
participer à ce sommet.
17 «Déclaration commune de Charaña», cité par Luis Jerez Ramírez, Chile: la vecindad difícil (Pays-Bas, sans
date), p. 139.
18 Pour une analyse détaillée des relations entre le Chili et la Bolivie, voir le remarquable travail de Luis Jerez,
ibid., p. 88 à 161.
19 Ibid., p. 328.
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créé un nouveau scénario qui ne répondait pas à la consultation effectuée ; le ministère chilien des
affaires étrangères n’a donc pas examiné les nouveaux éléments péruviens.
Après ces événements, le Gouvernement chilien a redoublé d’efforts pour faire avancer le
dialogue déliquescent entamé à Charaña, se montrant disposé à examiner les propositions
intermédiaires avancées par la Bolivie au début de mars 1978, notamment la concession sur la voie
de chemin de fer reliant Arica à La Paz et l’instauration d’un régime d’autonomie dans la bande de
territoire qui avait été proposée lors des négociations, mais sans cession de souveraineté. Toutefois,
une semaine plus tard, le ministère bolivien des affaires étrangères a décidé de rompre les relations
diplomatiques avec le Chili, invoquant l’absence de «volonté sincère» du Gouvernement Pinochet à
poursuivre le dialogue.
Immédiatement après, le Gouvernement bolivien a relancé ses efforts diplomatiques en vue
de multilatéraliser ses revendications maritimes, qui allaient récolter des succès inattendus les
années suivantes. De l’avis de Luis Jerez, il existe un lien direct entre l’isolement international subi
par le Chili et l’audience grandissante que les arguments boliviens commencent à rencontrer. Dès
le mois de juin 1978, quand il a ouvert la huitième assemblée générale de l’OEA, le président des
Etats-Unis a fait écho aux revendications de la Bolivie, exprimant sa confiance que ce différend
serait résolu dans un souci de paix, et affirmant la volonté «de son gouvernement...».
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ANNEXE 329
NOTE CGB NO 190-066/86 EN DATE DU 30 AVRIL 1986 ADRESSÉE À M. VALENTIN ABECIA,
MINISTRE BOLIVIEN DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, PAR M. JORGE SILES SALINAS,
CONSUL GÉNÉRAL DE BOLIVIE AU CHILI
Archives du ministère bolivien des affaires étrangères
Consulat général de Bolivie
Santiago-Chili
CGB N° 190-066/86 Confidentiel
Santiago, le 30 avril 1986
Monsieur le ministre,
Comme convenu hier au cours de ma conversation téléphonique avec M. le ministre des
affaires étrangères Bedregal Gutiérrez, à qui j’ai alors exposé les grandes lignes de mon entretien
avec M. le ministre des affaires étrangères del Valle, j’ai l’honneur de vous rendre compte de ladite
réunion sous tous ses aspects et avec les réserves habituelles, la communication téléphonique ne
m’ayant permis de donner qu’un bref aperçu de la teneur de la présente note.
Ladite réunion a eu lieu dans le salon rouge du ministère des affaires étrangères et a duré
plus d’une heure. Ce n’était bien sûr pas la première fois que je rencontrais le ministre, puisque
nous avions eu l’occasion de nous saluer et d’échanger des propos de nature générale lors de
réunions à caractère social et familial, au nombre desquelles je dois mentionner un déjeuner à son
domicile quelques jours après mon arrivée.
Le ministre a commencé par me souhaiter chaleureusement la bienvenue, en se disant très
satisfait de la reprise du dialogue signalée par le Gouvernement bolivien, notamment grâce aux
déclarations du président Paz en février dernier. Il m’a fait savoir que je bénéficierais, dans les
sphères officielles, du traitement réservé à un ambassadeur, marquant ainsi une juste réciprocité
avec le statut du consul général accrédité à La Paz, et que nos rencontres pourraient se dérouler
aussi bien dans son bureau que dans sa résidence ou dans la mienne. D’après la presse chilienne, le
texte des déclarations du président Paz Estenssoro au journal La República de Lima a été
commenté des deux côtés, ces commentaires ayant souligné l’importance de la nouvelle stratégie
d’ouverture engagée entre le Chili et la Bolivie, ainsi que la complémentarité économique des deux
nations. J’ai évoqué les commentaires du ministre des affaires étrangères del Valle, qui étaient
reproduites dans l’édition du même jour du journal El Mercurio ; je lui ai indiqué que selon moi ces
observations étaient de très bon augure, car elles étaient conformes au point de vue du président de
la Bolivie.
Passant aux questions de fond, il m’a indiqué que, de l’avis du président Pinochet et de
lui-même, il convenait de suivre une procédure à deux niveaux : le premier correspondant à un
contact direct entre les ministres des affaires étrangères de la Bolivie et du Chili dans les
négociations maritimes visant à trouver la formule précise permettant d’octroyer à la Bolivie un
accès au Pacifique ; le second renvoyant à la négociation menée à l’échelon consulaire, visant un
rapprochement réciproque dans le but spécifique de créer un climat adapté à la recherche d’une
solution à la question maritime bolivienne, solution qui sera trouvée dans le cadre du dialogue entre
les ministres des affaires étrangères.
Le ministre del Valle estime donc que ce sont les consuls généraux de Santiago et de La Paz,
et surtout le premier des deux, qui seront chargés d’accompagner la réalisation de l’objectif concret
final, à savoir l’accord relatif à une sortie sur la mer.
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Dans l’intervalle, del Valle estime que des pourparlers doivent être menés entre les deux
ministres des affaires étrangères ; ces entretiens pourraient d’abord avoir un caractère informel et se
dérouler lors de rencontres dans la capitale chilienne, au gré des déplacements familiaux du
ministre des affaires étrangères Bedregal, ou lors de conférences internationales auxquelles
assistent les deux ministres ; mon interlocuteur m’a répété que le premier contact pourrait avoir lieu
«quand le ministre des affaires étrangères Bedregal le souhaiterait» et que cet entretien devrait être
prévu à brève échéance.
Le point de départ des pourparlers entre les ministres des affaires étrangères constitue une
question fondamentale. Del Valle estime qu’il doit correspondre à l’état d’avancement des
pourparlers de 1984, au moment de leur interruption provoquée par un malentendu à Washington
après le discours du ministre bolivien des affaires étrangères devant l’Assemblée des
Nations Unies. Selon moi, ce point revêt la plus haute importance, puisqu’il signifie que les
discussions ne repartiront pas de zéro, mais valideront les points d’accord convenus lors des
négociations de 1984. Cela signifie en particulier que les relations diplomatiques antérieures ne
constitueront pas un sujet de discussion. S’agissant de la question spécifique de l’échange
territorial, M. le ministre del Valle l’a jugée d’une très grande importance, me déclarant quasi
textuellement :
«Cette question ne devrait être abordée ni par nous ni par vous, car si l’on
venait à dire, par exemple, que la Bolivie serait prête à parler avec le Chili du moment
qu’aucune condition relative à un échange territorial ne lui soit imposée, ceci
risquerait d’être mal perçu par l’opinion publique et pourrait donner lieu à des
divergences provoquées par la presse ou par des commentaires sur cette question.»
Le ministre estime donc que, la question étant délicate, il convient de l’éviter, et que si elle
n’est pas évoquée, si elle est systématiquement éludée, on peut faire disparaître et éliminer le
problème sans qu’il soit demandé au Chili de le faire ; «le Chili ne va pas évoquer la question,
m’a-t-il dit, mais il ne serait pas judicieux qu’elle soit soulevée ou mentionnée par le
Gouvernement bolivien, forçant alors le ministère des affaires étrangères chilien à se prononcer».
Cette question mérite une attention particulière. On sait que ce fut la pierre d’achoppement
des négociations de 1975. Il est de notoriété publique que l’opinion bolivienne n’acceptera jamais
d’échange territorial. Dans les circonstances actuelles, c’est également un motif de différend
potentiel pouvant gravement entraver l’accord. Dans une perspective plus optimiste toutefois, il
faut rappeler que l’on estimait, en 1984 et au cours des années ultérieures, dans les milieux
diplomatiques chiliens et boliviens, que le ministère chilien des affaires étrangères avait finalement
décidé de ne plus insister sur la compensation territoriale, sujet central des négociations de 1975,
qui avait été surmonté au cours des négociations de 1984. Il n’existe aucun document qui établisse
ce fait de manière catégorique, mais nombre de personnes dignes de foi affirment qu’un accord
verbal avait déjà été conclu en 1984.
Le ministre chilien des affaires étrangères m’a par ailleurs indiqué, qu’en signe concret de
rapprochement et de bonne volonté de la part de son Gouvernement et de respect pour la Bolivie
sur le plan diplomatique, le président Pinochet me recevrait bientôt, et que cette rencontre pourrait
avoir lieu au mois de juin après la venue du ministre des affaires étrangères Allan Wagner et de son
homologue équatorien, l’arrivée de ces deux personnalités étant prévue pour les semaines à venir.
A la suite de cet entretien, le président pourrait prononcer une déclaration faisant acte de
l’intention claire du Chili d’envisager favorablement un débouché sur la mer pour la Bolivie.
Abordant une autre question, le ministre des affaires étrangères m’a dit avoir été souvent
déçu par les responsables boliviens rencontrés lors des discussions bilatérales au sujet de la solution
de l’enclavement de la Bolivie. Il a souligné à nouveau les sentiments de sincère sympathie et
amitié qu’il éprouve pour la Bolivie et son intention d’agir avec notre pays de la même façon
qu’avec l’Argentine et le Pérou, c’est-à-dire dans le but de parvenir à un arrangement définitif, ceci
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constituant son voeu le plus cher ; il a systématiquement et loyalement oeuvré dans ce sens, mais il a
été déçu, notamment en 1984, quand le ministre des affaires étrangères Gustavo Fernandez a
d’abord eu avec lui des conversations cordiales, faisant preuve du même état d’esprit que lors de
leur précédente rencontre, quelques mois auparavant, à l’Assemblée de l’OAE, et évitant toute
attitude susceptible de perturber le climat des négociations entre la Bolivie et le Chili. Or, l’attitude
adoptée par le ministre Fernandez à l’OAE en 1984 a changé lors de leur rencontre suivante en
octobre de la même année à New York, dans le cadre de l’Assemblée générale des Nations Unies ;
le ministre des affaires étrangères Fernandez a prononcé un long discours dans lequel il a de
nouveau évoqué les antécédents historiques de la guerre du Pacifique, une extrémité à laquelle la
Bolivie et le Chili étaient convenus de ne pas se livrer, les deux pays ayant déjà décidé sur le
principe que les antécédents historiques ne feraient pas l’objet des pourparlers et que l’on partirait
de la situation actuelle.
Selon le ministre chilien des affaires étrangères, des signes de changement positif sont
perceptibles depuis peu du côté du nouveau Gouvernement bolivien. Les déclarations du président
Paz Estenssoro en février ont bien entendu été considérées au Chili comme allant dans le sens d’un
rapprochement avec ce pays, avec l’objectif d’améliorer le niveau des relations bilatérales, de les
intensifier et de les pérenniser, en réactivant les échanges commerciaux et en recherchant les
complémentarités économiques et commerciales entre les deux pays.
J’ai jugé opportun de signaler au ministre des affaires étrangères chilien que le soussecrétaire
Abecia m’avait informé par téléphone que l’ambassadeur d’Espagne devait être décoré
aujourd’hui au ministère des affaires étrangères à La Paz et que le consul du Chili, tout comme les
ambassadeurs accrédités à La Paz, avait été invité à cette cérémonie protocolaire. Désormais, il
participera à toutes les cérémonies du corps diplomatique, se voyant ainsi accorder le traitement
correspondant à celui d’un ambassadeur. D’autre part, j’ai insisté sur les propos du président
Paz Estenssoro reproduits aujourd’hui dans la presse chilienne au sujet de la nouvelle politique
d’ouverture mise en place entre les deux pays. J’ai ensuite mentionné les déclarations, que j’ai
qualifiées de très bon augure, du ministre chilien des affaires étrangères publiées ce jour-même par
le journal El Mercurio et d’autres agences de presse, dans lesquelles il fait référence aux
déclarations du président Paz Estenssoro à la presse péruvienne et en donne une analyse très
positive du point de vue bolivien. Je lui ai fait savoir qu’avant notre entretien, j’avais téléphoné à
La Paz pour transmettre le texte intégral de ces déclarations, en donnant lecture à partir du journal
El Mercurio.
Evoquant l’avenir proche, le ministre des affaires étrangères a indiqué que se dérouleraient
en septembre et en novembre de nouvelles conférences internationales susceptibles d’engendrer des
frictions entre les deux pays, puisque la question de l’accès de la Bolivie à l’océan y serait de
nouveau évoquée. J’ai répondu que ceci s’expliquait par la décision prise il y a des années de
systématiquement soulever cette question et d’appeler les pays concernés à chercher la formule
nécessaire pour apporter une solution définitive au problème de l’enclavement de la Bolivie. Le
ministre des affaires étrangères del Valle a répondu que ce qui se passerait alors serait d’une très
grande importance et que nous devrions faire preuve de la plus grande prudence dans nos discours,
afin que ces deux réunions ne soient, comme cela a été le cas par le passé, causes de déception ou
d’éloignement, ce qui serait très regrettable pour les deux Gouvernements.
J’ai répondu que je me devais d’exprimer le voeu de voir le Chili manifester la volonté
d’aborder le problème maritime bolivien avec la ferme intention de parvenir à un arrangement
définitif ; en d’autres termes que la Bolivie avait besoin d’un signe d’ouverture clair de la part du
Chili. Le ministre des affaires étrangères del Valle m’a répété que la déclaration publiée ce jour,
dans laquelle il s’exprime sur les opinions exposées par le président Paz à la presse péruvienne,
constitue une manifestation claire des intentions du Gouvernement du Chili.
- 30 -
Pour finir, j’ai insisté sur deux points dont j’ai souligné toute l’importance : j’ai d’abord
expliqué que le Chili ne devait donner à la Bolivie aucun motif d’interpréter sa politique
gradualiste comme un moyen de retarder la solution et d’éviter de traiter le problème. Il a déclaré
que ce n’était nullement l’objectif recherché, mais que nous devions veiller à éviter les faux pas,
pour ne pas donner la possibilité à un quelconque adversaire de profiter de circonstances favorables
pour entraver la négociation, s’y mêler et compliquer le processus.
J’ai ensuite évoqué la nécessité de prendre en compte le troisième angle, à savoir celui du
Pérou ; il a répondu que cette nécessité serait bien entendu prise en compte dans toutes les
négociations relatives à la question maritime bolivienne, qui est une question autant bolivienne, que
chilienne et péruvienne.
Enfin, le ministre des affaires étrangères m’a expliqué qu’il estimait nécessaire de préparer
l’opinion publique, tout en recherchant avec prudence, mais sans retard, une formule pour un
règlement définitif du problème de l’accès de la Bolivie à l’océan.
Il a mis fin à notre entretien sur le même ton amical avec lequel il l’avait ouvert ; j’ai jugé
utile, avant de me retirer, de faire une observation sur un thème abordé au cours de notre
conversation. J’ai indiqué au ministre des affaires étrangères que je ne souhaitais pas devoir
interpréter ses remarques sur la possibilité de voir surgir, au cours des prochaines sessions des
assemblées de l’OAE et des Nations Unies, des divergences entre nos deux pays, comme signifiant
que l’attitude de nos délégués «ferait l’objet d’une surveillance» de la part du Chili. Il a
immédiatement répondu que ce n’est pas ainsi qu’il fallait entendre ses propos, son intention étant
d’éviter toute friction pouvant surgir pendant les négociations entre les deux pays. Estimant ainsi
dissipé un motif bien naturel de méfiance de ma part, j’ai pris congé du ministre des affaires
étrangères, qui a répété son souhait de rencontrer bientôt le ministre Bedregal.
Veuillez agréer, etc.
Le consul général de Bolivie à Santiago,
(Signé) Jorge SILES SALINAS.
___________
- 31 -
ANNEXE 330
NOTE CGB Nº 279-115/86 EN DATE DU 13 JUIN 1986 ADRESSÉE À M. GUILLERMO BEDREGAL,
MINISTRE BOLIVIEN DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, PAR M. JORGE SILES SALINAS,
CONSUL GÉNÉRAL DE BOLIVIE AU CHILI
Archives du ministère des affaires étrangères de la Bolivie
Consulat général de Bolivie à Santiago-Chile
A l’attention de Son Excellence
M. Guillermo Bedregal Gutiérrez,
ministre des affaires étrangères et du culte
La Paz  Bolivie
CGB Nº 279-115/86 Diffusion restreinte
Santiago, le 13 juin 1986
Monsieur le ministre,
C’est avec une satisfaction particulière que j’ai pris connaissance de la déclaration commune
signée par Votre Excellence et le ministre des affaires étrangères péruvien, M. Allan Wagner, au
cours de sa récente visite à La Paz. C’est avec le même plaisir que j’ai consulté la note
d’accompagnement que vous m’avez fait parvenir.
Je pense que les succès que représente la signature de ce document commun renvoient aux
problèmes fondamentaux touchant à nos relations avec le Pérou sur une large gamme de points
englobant tout ce qui a trait à l’élaboration d’une solution aux problèmes en souffrance entre les
deux pays, ainsi qu’à la mise en marche d’échanges réciproques. Il ne fait aucun doute que le
point 13, relatif à l’enclavement de la Bolivie, ressort du contenu global des questions examinées,
témoignant de l’attitude claire et définie de la diplomatie péruvienne en faveur de la cause maritime
qui est la nôtre, ce qui atteste par ailleurs la prédisposition favorable du Pérou à l’égard de la
négociation chilo-bolivienne.
Compte tenu de ce qui précède, Monsieur le ministre, je dois vous témoigner mon soutien
personnel pour ce qui est de ce résultat positif, lequel recouvre une part importante des pourparlers
avec le Chili et, par là même, vide de toute substance les commentaires malveillants que l’on peut
lire dans une certaine presse concernant une présumée position hostile du Gouvernement péruvien.
Il est à déplorer que de telles méprises puissent encore se produire aujourd’hui, à l’exemple de ce
que rapporte le quotidien El Mercurio dans un communiqué retransmis par l’Agence France Presse
(AFP) (dont je vous joins des photocopies), dans lequel sont mentionnées des critiques à l’égard de
la visite du ministre des affaires étrangères péruvien, qui «n’a présenté aucune position du
Gouvernement de Lima concernant la revendication historique de la Bolivie, en dépit des efforts de
la diplomatie bolivienne». Il est inconcevable, alors même que le point 13 susmentionné a été
rendu public, que ce que relèvent ces articles de presse puisse encore s’écrire.
D’après les observations que j’ai recueillies ces derniers jours, la déclaration dans laquelle le
ministre des affaires étrangères, M. Jaime del Valle, fait allusion au document officiel signé à
La Paz par les ministres des affaires étrangères de la Bolivie et du Pérou revêt une signification
forte, ayant valeur d’affirmation explicite de la part d’un ministre des affaires étrangères chilien
reconnaissant, pour la première fois, l’entière légitimité d’une coopération directe entre la Bolivie
et le Pérou en vue de consultations sur notre question maritime.
- 32 -
En ce qui concerne l’absence d’évocation de l’intangibilité des traités par le ministre des
affaires étrangères péruvien, je tiens à émettre une réserve dans le sens où il est de mon avis que le
Pérou ne pourra jamais déroger au principe pacta sunt servanda puisque le traité de Rio de Janeiro
accorde au Pérou la propriété de vastes territoires cédés par l’Equateur.
Veuillez agréer, etc.
ANNEXE
Le consul général de Bolivie à Santiago,
(Signé) Jorge SILES SALINAS.
___________
- 33 -
ANNEXE 331
NOTE CGB NO 586-240/86 EN DATE DU 2 NOVEMBRE 1986, ADRESSÉE À
M. GUILLERMO BEDREGAL, MINISTRE BOLIVIEN DES AFFAIRES
ÉTRANGÈRES, PAR M. JORGE SILES SALINAS,
CONSUL GÉNÉRAL DE BOLIVIE AU CHILI
Archives du ministère des affaires étrangères de la Bolivie
Consulat général de Bolivie à Santiago-Chile
A l’attention de Son Excellence
M. Guillermo Bedregal Gutiérrez,
ministre des affaires étrangères et du culte
La Paz  Bolivie
CGB Nº 586-240/86 Diffusion restreinte
Santiago, le 2 novembre 1986
Monsieur le ministre,
Concernant l’entretien que le vice-secrétaire Jorge Valdés et moi-même avons eu au cours
des derniers jours avec le ministre des affaires étrangères Jaime del Valle afin de lui présenter le
texte que la Bolivie entend soumettre à la seizième session ordinaire de l’Organisation des Etats
américains sur le thème récurrent du Rapport sur le problème maritime de la Bolivie, il me semble
pertinent de vous faire part de quelques brèves observations fondées sur une sérieuse réflexion
engagée au sujet de la manière dont s’est déroulé l’entretien.
Je ne peux que partager l’avis émis par M. Jorge Valdés concernant le caractère cordial de la
conversation qui s’est tenue en présence de M. l’ambassadeur Gastón Illanes, conseiller auprès du
ministre des affaires étrangères du Chili. La rencontre était libre de toutes frictions et il n’y a pas eu
le moindre malentendu, le ton de la rencontre étant au contraire placé sous le signe de l’amitié qui
caractérise à ce jour la relation diplomatique réciproque. L’attitude dont a fait preuve le ministre à
la lecture du document préparé par le ministère des affaires étrangères bolivien me semble de très
bon augure.
De fait, en soi, le document ne s’est heurté à aucune objection catégorique de la part de nos
interlocuteurs. Si le ministre s’est contenté de proposer quelques amendements sur la forme, il a
toutefois manifesté avec insistance son refus de voir apparaître le point 3 relatif à la possibilité
qu’aurait toute partie de demander l’inscription de la question maritime à l’ordre du jour de la
prochaine session ordinaire. Il ne fait aucun doute qu’il s’agira là du principal point de désaccord.
Le ministre ne s’est pas opposé à l’évocation, en début de déclaration, de la série continue de
résolutions adoptées entre 1979 et 1985 ; en d’autres termes, la référence aux précédents dont naîtra
la nouvelle résolution de 1986 ne constitue pas un motif de contrariété, mais il a réagi à la mention
de futures résolutions prises dans l’enceinte des prochaines assemblées ordinaires, dans le sens où
il estime qu’à ce moment-là, il ne sera pas nécessaire de prononcer de nouvelles déclarations
puisque la question fondamentale qui nous divise aura été réglée. Cela signifie que le ministre se
montre optimiste quant au déroulement des négociations appelées à s’ouvrir à la date qui doit être
arrêtée lors de la réunion prévue au Guatemala dans le but d’analyser et de définir la question
particulière de l’enclavement de la Bolivie.
- 34 -
Dans ce contexte, je tiens à préciser que, selon moi, il serait possible de supprimer le point 3
susmentionné, dans la mesure où son inclusion serait inutile dès lors qu’il existe un accord de
principe susceptible à terme d’effacer les motifs de désaccord entre les deux pays. A défaut de
supprimer le point 3, il serait possible d’y ajouter un membre de phrase en réponse à l’inquiétude
chilienne, le paragraphe se lisant alors comme suit : «3. Que l’une quelconque des parties peut
demander l’inscription du point «Rapport sur le problème maritime de la Bolivie» à l’ordre du jour
de la prochaine session ordinaire de l’Assemblée générale, dans le cas où aucun accord satisfaisant
n’aurait été trouvé d’ici là entre les deux parties.»
D’après le ministre del Valle, si le point 3 devait être maintenu, il ne serait probablement pas
en mesure, au Guatemala, de déclarer unilatéralement que son gouvernement est disposé à entamer
des pourparlers avec la Bolivie sur la question de son accès à la mer, dans une capitale amie, telle
que Montevideo.
Afin que les discussions tenues à ce jour puissent se poursuivre sur le même ton amical, suite
à la déclaration du président Paz Estenssoro en mars dernier, le ministre del Valle est, par
conséquent, disposé à laisser passer le projet de résolution porté à sa connaissance, pour lequel il
faut s’attendre à un vote défavorable, probablement du Chili (conformément à son positionnement
politique habituel opposé à toute ingérence de l’Organisation des Etats américains sur les questions
ayant trait à la souveraineté de deux Etats), ou à une abstention.
Cela dit, le Chili prononcerait par ailleurs une déclaration, comme indiqué plus haut, afin de
faire connaître son intention de s’entretenir avec la Bolivie dans un avenir proche, dans une autre
capitale amie, sur la question maritime.
Voilà, selon moi, l’état d’esprit qui anime le ministre des affaires étrangères. Je suis certain
que ces éléments d’appréciation rencontrent l’assentiment de M. le vice-secrétaire. La prochaine
réunion des ministres des affaires étrangères attendue au Guatemala sera donc d’une importance
capitale dans la recherche d’une issue favorable à nos intérêts, dans le prolongement des réunions
tenues à Bogotá, New York et Lima. De cette rencontre dépend la réussite de l’ensemble du
processus suivi jusqu’ici. Je suis convaincu qu’à cette occasion, le ministre des affaires étrangères
agira avec la même précision et la même sagesse que celles dont il a fait montre ces derniers mois.
Je ne peux pour ma part que vous souhaiter tout le succès possible en cette difficile conjoncture.
Veuillez agréer, etc.
Le Consul général de Bolivie à Santiago,
(Signé) Jorge SILES SALINAS.
___________
- 35 -
ANNEXE 332
COMMUNIQUÉ DE M. GUILLERMO BEDREGAL, MINISTRE BOLIVIEN DES AFFAIRES
ÉTRANGÈRES, EN DATE DU 13 NOVEMBRE 1986
Direction de la presse et de l’information du ministère des affaires étrangères et
des cultes de la Bolivie, bulletin d’information, nº 032, 15-30 novembre 1986,
p. 23 et 24
COMMUNIQUÉ DES MINISTRES DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
DE LA BOLIVIE ET DU CHILI AU GUATEMALA
A l’issue de leurs entretiens au Guatemala, MM. Guillermo Bedregal Gutiérrez et
Jaime del Valle, respectivement ministres des affaires étrangères de la République de Bolivie et de
la République du Chili, ont publié chacun une déclaration dont voici le libellé :
Communiqué du ministre bolivien des affaires étrangères
Le ministère bolivien des affaires étrangères estime important de rendre compte de certaines
des dimensions de sa politique étrangère concernant le Chili.
Parmi les questions bilatérales évoquées au cours des premiers contacts avec ce pays, les
suivantes présentent un intérêt particulier :
1. La résolution de tout problème impose le recours à un système fondé sur la conciliation
pacifique, le dialogue et la compréhension. Aucune question de nature à compromettre la paix
entre les nations ne peut s’affranchir des modèles de négociations obéissant aux principes
convenus dans l’intérêt commun des nations civilisées.
2. Les négociations menées entre les ministres des affaires étrangères du Chili et de la Bolivie en
1986 ont permis de trouver d’importants points de rapprochement et de compréhension mutuels,
ceci allant dans le sens de réelles avancées dans la résolution des multiples problèmes communs
examinés dans le cadre institutionnel d’une commission binationale, qui a commencé ses
travaux dans la ville de La Paz et les poursuivra avec le même mandat en décembre prochain à
Santiago.
3. Les divers aspects de la question de l’accès de la Bolivie à la mer, considérée comme une
question fondamentale, ainsi que les sujets s’y rapportant, seront officiellement examinés lors
d’une réunion prévue pour avril 1987 en République orientale d’Uruguay, dont nous remercions
le Gouvernement du président Julio María Sanguinetti pour son hospitalité.
Guatemala, le 13 novembre 1986.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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- 36 -
ANNEXE 333
COMMUNIQUÉ DE M. JAIME DEL VALLE, MINISTRE CHILIEN DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
EN DATE DU 13 NOVEMBRE 1986
Direction de la presse et de l’information du ministère des affaires étrangères et
des cultes de la Bolivie, bulletin d’information, nº 032,
15-30 novembre 1986, p. 24
COMMUNIQUÉ DU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES CHILIEN
Nous sommes convenus avec le ministre bolivien des affaires étrangères que, sans préjudice
des entretiens et démarches importants et fructueux que poursuivra la commission bilatérale pour le
rapprochement, les deux ministres des affaires étrangères se rencontreront à Montevideo fin avril
afin pour discuter des questions de fond intéressant l’un et l’autre gouvernements.
A cette occasion, saisis d’un ordre du jour large et ouvert, nous aurons la possibilité
d’engager un dialogue franc et amical, rendu possible par le climat favorable que les deux
gouvernements ont contribué de concert à instaurer.
Guatemala, le 13 novembre 1986.
___________
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ANNEXE 334
NOTE EN DATE DU 20 NOVEMBRE 1986 ADRESSÉE À M. GUILLERMO BEDREGAL,
MINISTRE BOLIVIEN DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, PAR M. JORGE GUMUCIO,
REPRÉSENTANT PERMANENT DE LA BOLIVIE AUPRÈS DE L’ORGANISATION
DES NATIONS UNIES
Archives du ministère bolivien des affaires étrangères
Confidentiel
Mission permanente de la Bolivie auprès des Nations Unies
Note pour les archives
Le 9 novembre 1986, sur instruction du ministre des affaires étrangères, je me suis rendu
dans la ville de Guatemala pour rejoindre la délégation de la Bolivie à la seizième assemblée de
l’Organisation des Etats américains et ainsi contribuer aux discussions entre les délégations
bolivienne et chilienne, qui ont suivi celles tenues à New York lors du débat général de la quarante
et unième session en septembre et octobre 1986.
Conformément aux instructions du ministre Guillermo Bedregal, le 10 novembre, lorsque
j’ai salué l’ambassadeur Gaston Illanes, directeur de la politique étrangère du ministère chilien des
affaires étrangères, qui était mon homologue aux réunions de New York, j’ai dit à ce dernier que
j’étais venu au Guatemala pour examiner avec lui les aspects techniques de la «question de fond»
qui serait traitée à la réunion des ministres des affaires étrangères prévue pour se tenir en avril à
Montevideo. L’ambassadeur Illanes m’a répondu qu’il n’avait pas reçu d’instructions à ce sujet et
qu’il allait consulter son ministre.
Le 11 novembre, je me suis rendu auprès du ministre chilien des affaires étrangères,
M. Jaime del Valle, pour lui parler de ma conversation avec l’ambassadeur Illanes ; je lui ai
également demandé si nous, les deux ambassadeurs, pouvions consacrer du temps aux aspects
techniques de la réunion en vue de faciliter le travail des ministres. Le ministre chilien des affaires
étrangères m’a dit qu’il comprenait l’inquiétude de certains diplomates boliviens, y compris celle
du consul général à Santiago, mais que nous devions avoir confiance et que le Gouvernement
chilien souhaitait résoudre le problème de fond avec la Bolivie. Il m’a dit à titre confidentiel — et
m’a demandé d’informer le ministre bolivien des affaires étrangères Guillermo Bedregal — que
son ministère prenait les dispositions nécessaires pour nommer un nouvel ambassadeur du Chili à
Montevideo, qui serait un général d’armée, spécialiste du nord du Chili et doté d’une connaissance
approfondie des relations entre la Bolivie et le Pérou ; ce général était très disposé à résoudre le
problème avec la Bolivie d’une manière mutuellement avantageuse pour les deux pays.
Le ministre chilien des affaires étrangères a ajouté que ses collaborateurs et lui devaient
déployer des efforts particuliers pour préparer leur opinion publique ainsi que celle de secteurs
importants, comme les forces armées, et qu’ils devaient donc gérer opportunément «le temps» des
annonces du calendrier élaboré avec le ministre bolivien des affaires étrangères, car les opinions
chilienne et bolivienne étaient tout aussi sensibles sur cette question si délicate.
- 38 -
Le ministre chilien des affaires étrangères m’a confirmé qu’à la fin de l’assemblée de
l’Organisation des Etats américains, il publierait un communiqué officiel déclarant qu’une réunion
aurait lieu en avril 1987 sur la question de fond avec la Bolivie. Le ministre des affaires étrangères
a dit qu’aucune discussion technique n’était nécessaire pour le moment, qu’il espérait que la
Bolivie présenterait à Montevideo une proposition solide et viable que le Chili pourra examiner
avec toute l’attention et le sérieux requis, et que la Bolivie et le Chili ne devaient pas répéter les
erreurs commises dans les négociations de 1975-1976, quand la Bolivie avait présenté un document
solide mais qu’aucune solution satisfaisante n’avait pu être dégagée.
Le 12 novembre, après que l’assemblée de l’OEA a adopté la résolution sur la question
maritime bolivienne, j’ai rencontré par hasard le ministre chilien des affaires étrangères, qui m’a dit
avec effusion que les efforts déployés pour résoudre les problèmes entre le Chili et la Bolivie
devraient être couronnés de succès. «Nous allons y arriver, je me suis engagé à résoudre ce
problème historique», a-t-il affirmé.
Puis il a ajouté : Ambassadeur, je veux vous dire quelque chose pour que vous le
transmettiez au ministre Bedregal. Les hommes passent et les pays restent. Je souhaite que le
ministre qui vous parle et le ministre Bedregal laissent un accord signé pour que nos pays puissent
résoudre leurs différends. Si l’on songe que les négociations du Beagle, avec la médiation du Saint-
Père, ont duré près de trois ans, nous ne devons pas espérer que la négociation avec la Bolivie sera
de courte durée ; chaque pas effectué doit donc être sûr et constituer une obligation qui permette de
faire le pas suivant.
En l’espèce, si la Bolivie présente une proposition solide à la fin d’avril 1987, le Chili devra
l’étudier avec la meilleure bonne volonté et y répondre avant la fin de 1987, après quoi le Pérou
devra être consulté, ce qui prendra également quelques mois. Cela signifie qu’une fois que nos
gouvernements seront parvenus à un accord, dans le courant de l’année 1988, ce traité devra être
soumis au Congrès bolivien pour ratification et le Chili devra aussi ratifier ce traité conformément
à sa constitution. Cela nous amène à la fin de 1988, voire au début de 1989.
Le ministre chilien des affaires étrangères a ajouté qu’avec la meilleure bonne volonté du
Chili et de la Bolivie, le processus de négociation prendrait environ deux ans à compter
d’avril 1987 et que, dans ce contexte, il était nécessaire de tenir compte du fait que les présidents
bolivien et chilien, ainsi que les ministres des affaires étrangères Bedregal et Del Valle, étaient
mortels et que le rapprochement entre le Chili et la Bolivie devait être sérieux et non tributaire de la
bonne volonté de leurs présidents ou de leurs ministres des affaires étrangères respectifs. C’est
pourquoi il était très important pour le ministre Del Valle que, à partir d’avril 1987, tous les progrès
réalisés entre les deux pays soient documentés et constituent des obligations pour les négociateurs
suivants, au cas où les personnes en charge des négociations étaient remplacées.
J’ai dit au ministre chilien des affaires étrangères que je souhaitais que la négociation
aboutisse dès que possible et que l’idéal serait que les ministres des affaires étrangères Bedregal et
Del Valle mènent les négociations ensemble du début à la fin, car ils avaient développé une bonne
relation personnelle et suivaient avec sérieux les étapes fondamentales requises pour une
négociation solide. Le ministre Del Valle m’a dit que c’était aussi son souhait mais qu’il fallait être
réaliste et tenir compte des contingences possibles et que, dans ce contexte, il voulait construire les
bases d’une solution à la question bolivienne, dans l’éventualité où il ne pourrait pas rester jusqu’à
la fin de la négociation.
Le ministre chilien des affaires étrangères m’a répété qu’à la fin de l’assemblée, il publierait
un communiqué officialisant la réunion de Montevideo ; il m’a dit qu’il était très satisfait des
déclarations faites par le ministre Bedregal à la presse chilienne, bien qu’elles aient encore irrité
certains éditorialistes parce que la Bolivie avait insisté sur l’adoption d’une résolution par l’OEA.
Plus tard, j’ai fait parvenir au ministre chilien des affaires étrangères un projet de déclaration
commune préparé par le ministre Bedregal, selon laquelle la réunion consacrée à la question de
- 39 -
fond devait se tenir à Montevideo en avril 1987. Le 13 novembre au matin, le ministre Del Valle
m’a annoncé qu’il estimait important que chaque ministre des affaires étrangères publie son propre
communiqué. Dans ce contexte, chaque ministre des affaires étrangères a donc remis son
communiqué séparément à l’OEA et aux organes de presse.
A New York, le 20 novembre 1986.
L’ambassadeur,
(Signé) M. Jorge GUMUCIO GRANIER.
___________
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ANNEXE 336
PROCÈS-VERBAL DE LA DEUXIÈME SÉANCE PLÉNIÈRE, VINGT-DEUXIÈME SESSION ORDINAIRE
DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L’OEA, 19 MAI 1992
Organisation des Etats américains, Assemblée générale, vingt-deuxième session ordinaire,
1992, vol. II, OEA/Ser.P/XXII.O.2 (1993)
Commission générale
Procès-verbal de la deuxième séance plénière
Date : 19 mai 1992
Heure : 12 h 20
3. Rapport sur le problème maritime de la Bolivie (AG/Doc. 2817/92) (point 5 de l’ordre du
jour)
Le PRESIDENT : Le troisième point que nous devons aborder concerne les questions
assignées à la commission, selon le plan de travail que nous venons d’adopter. A cet égard, je
soumets à votre examen le rapport sur les problèmes maritimes de la Bolivie. Je tiens à souligner
que ce point est associé à un document qui a été distribué aux délégations sous la
cote AG/doc.2817/92. Je cède la parole au ministre bolivien des affaires étrangères pour
commencer l’examen de cette question.
Le MINISTRE BOLIVIEN DES AFFAIRES ETRANGERES ET DU CULTE : Merci,
Monsieur le président. Tout d’abord, je souhaite remercier l’assemblée pour avoir fait passer cette
question en premier en raison de son importance, et, avec votre autorisation, je passe
immédiatement à son examen. Puisque le point 5 à l’ordre du jour de la présente période ordinaire
de sessions doit maintenant être examiné, je tiens à apporter des précisions sur la mise en oeuvre de
la résolution AG/RES.989 (XIX-0/89) de l’assemblée.
Comme vous vous en souvenez, cette résolution a été précédée par la
résolution AG/RES.426 (IX-0/79), adoptée à la neuvième période de sessions ordinaires ; elle est
également conforme aux résolutions ensuite adoptées par l’assemblée sur le même sujet.
Par la résolution AG/RES.426 (IX-0/79), la communauté des Etats membres de
l’Organisation a affirmé qu’il était dans l’intérêt permanent du continent américain de trouver une
solution au problème maritime de la Bolivie, et recommandé aux «Etats les plus directement
concernés par [cette question] d’entamer des négociations en vue de la concession à la Bolivie d’un
accès territorial libre et souverain à l’océan Pacifique». De cette façon, Monsieur le président, cette
résolution, adoptée dans le cadre juridique de la charte de l’OEA, a explicité les compétences de
cette organisation relatives aux fonctions qu’elle est appelée à exercer pour préserver, promouvoir
et renforcer l’harmonie et la compréhension entre les Etats de l’hémisphère. Dans le même temps,
cette résolution a énoncé les règles à suivre pour harmoniser les pouvoirs de l’organisation avec les
compétences et les responsabilités des Etats membres. Par conséquent, une interprétation correcte
de cette résolution conduit à la conclusion que l’action multilatérale de l’organisation, destinée à
créer un climat approprié pour renforcer les relations pacifiques et la coopération dans la région,
- 41 -
n’est pas incompatible avec les démarches multilatérales et bilatérales qui relèvent de la
compétence des Etats membres, mais contribue à celles-ci.
A ce propos, il convient de rappeler que, selon l’engagement de Santiago envers la
démocratie et la rénovation du système interaméricain, «l’OEA est le forum politique pour le
dialogue, la compréhension et la coopération entre tous les pays de l’hémisphère». L’appel à un
dialogue large et sans restriction acquiert ainsi une dimension particulière pour la recherche d’une
solution adéquate au problème maritime de la Bolivie et à la suspension de nos relations avec la
République du Chili.
La résolution AG/RES.426 (IX-0/79) et les onze autres résolutions qui ont été adoptées par
l’assemblée sur cette question ont pris un nouveau sens à l’heure actuelle. La conduite proposée par
ces résolutions peut compter ces temps-ci sur une atmosphère internationale nouvelle et
prometteuse caractérisée par l’ouverture d’esprit, la concertation et des comportements qui
favorisent le dialogue et la négociation par-delà les positions belligérantes, les tendances
isolationnistes et la concurrence hostile.
Comme rarement vu dans l’histoire contemporaine, l’intérêt supérieur de la paix, de
l’harmonie et de la coopération s’affirme en tant que principe de base des efforts visant
l’ajustement réciproque des intérêts partiaux des Etats. Cette même conviction a été confirmée par
le président du Gouvernement démocratique du Chili, M. Patricio Aylwin, au siège de l’OEA, le
14 mai dernier.
C’est dans ce cadre et ce nouveau climat international que la Bolivie non seulement
réaffirme, mais réinterprète et propose également un contenu instrumental renouvelé pour sa
politique étrangère traditionnelle, dont l’objectif est de retrouver son statut d’Etat côtier, qui est
inhérent à sa configuration territoriale d’origine, en tant que pays riverain du Pacifique. Pour cette
raison, il convient d’expliquer certains aspects liés à la mise en oeuvre des résolutions 426 et 989 de
l’assemblée générale susmentionnées et de rappeler les éléments fondamentaux qui inspirent la
politique bolivienne.
Monsieur le président et Messieurs les représentants, comme il a été expliqué à maintes
reprises, la réintégration d’un littoral pacifique est le principal objectif de la politique étrangère
bolivienne. Les actions visant à réaliser cet objectif sont inspirées par la volonté de garantir à l’Etat
bolivien tous les éléments nécessaires pour affirmer son indépendance et son développement
intégral, et pour améliorer les conditions de son intégration au sein du système régional, du bassin
Pacifique et de l’économie internationale.
Lorsque la Bolivie a vu le jour en tant que nation souveraine et indépendante et en qualité
d’acteur sur la scène régionale, en projetant légitimement sa juridiction et son autorité sur les
territoires et les côtes de l’océan Pacifique, cet Etat pouvait compter sur tous les facteurs et les
ressources clefs à même de garantir son développement intégral et de le doter des capacités et du
potentiel requis pour faire partie, sans limitation, de la communauté économique internationale.
Des circonstances historiques particulières, que la communauté des Etats de la région connaît
très bien, ont contraint mon pays à renoncer à ces territoires et à ces côtes sur le Pacifique, altérant
de manière substantielle les fondations de l’Etat bolivien. La signification profonde de ces
modifications territoriales est la perte de vastes territoires qui étaient les plus riches en cuivre dans
le monde et la perte de son statut d’Etat riverain du Pacifique.
Nous n’ignorons pas que certains postulats de la politique étrangère de la Bolivie, visant à
retrouver notre statut d’Etat côtier, donnent lieu à des désaccords ou à des différends naturels avec
nos pays frères, qui, pour des raisons juridiques ou guidés par des objectifs historiques, stratégiques
et politiques, se retrouvent concernés.
- 42 -
La Bolivie reste fermement convaincue de la pertinence des moyens pacifiques pour
concilier voire allier les intérêts et les objectifs nationaux des Etats concernés, d’une façon ou
d’une autre, par la question que nous devons examiner.
Dans ces circonstances, la Bolivie a choisi à plusieurs reprises le chemin de la négociation
directe, considérant qu’il était le plus approprié pour surmonter ces différends et parvenir à une
entente qui soit mutuellement avantageuse. Nous sommes convaincus que le dialogue est le moyen
le plus efficace pour concilier les divergences et faciliter la compréhension des objectifs et des
intérêts en conflit. La négociation est certainement l’instrument le plus approprié pour dégager,
entre les parties prenantes, des avantages réciproques, et convenir, sur cette base, des conditions
d’une nouvelle coexistence.
Des précédents historiques positifs existent et méritent d’être rappelés. Par exemple, en
1950, les Gouvernements de la Bolivie et du Chili, au travers d’un échange de communications, ont
exprimé leur intention commune, que je cite textuellement, «[d’]entame[r] officiellement des
négociations directes en vue de satisfaire à ce besoin fondamental que représente pour la Bolivie un
accès souverain à l’océan Pacifique» et pour permettre, ont-ils ajouté, «au Chili d’obtenir des
compensations de nature non territoriale tenant pleinement compte de ses intérêts».
Les deux pays sont convenus que, de cette façon, une solution au problème d’enclavement
de la Bolivie serait trouvée. De même, ils sont convenus que les négociations en question devaient
déboucher sur un accord conclu, je cite, «dans la perspective d’avantages réciproques pour les deux
peuples et le respect de leurs intérêts véritables».
De la même manière, il est important de mentionner le processus de négociations entamé par
la Bolivie et le Chili en 1975, qui a abouti à la proposition officielle de donner à la Bolivie «une
côte maritime souveraine» et «une bande de territoire partant de la côte et se prolongeant jusqu’à la
frontière bolivo-chilienne». Ces expériences démontrent avec éloquence que le dialogue est le
recours idéal pour chercher des solutions mutuellement avantageuses lorsque les Etats promeuvent
ou défendent des intérêts et des objectifs qui semblent être en conflit, quelle qu’en soit la difficulté.
Monsieur le président et Messieurs les représentants, des solutions temporaires aux
difficultés endurées par mon pays, du fait de la perte de son statut d’Etat côtier et de sa position
géographique particulière, sont proposées grâce à une intervention extérieure visant à obtenir, en
coopération avec les autres pays limitrophes et ceux de la région, de meilleures facilités d’accès
aux systèmes de transport maritime. A cet égard, il est important et utile de mentionner le récent
accord conclu entre la Bolivie et le Pérou pour l’utilisation d’une zone franche dans le port d’Ilo et
le développement d’un projet multisectoriel sur les plages adjacentes à ce port, comprenant, entre
autres, une zone franche commerciale et industrielle sous administration bolivienne ainsi que la
construction d’installations portuaires et la formation de flottes de pêche binationales.
Les accords d’Ilo conclus entre le Pérou et la Bolivie sont un bon exemple de coopération
fondée sur une conception intégrationniste des intérêts et des besoins des pays. Cette conception,
qui repose sur la notion de nécessité pour la Bolivie d’accéder plus facilement et plus librement aux
systèmes de transport maritime, est compatible avec les intérêts du Pérou, qui sont, d’une part, de
créer les conditions adéquates pour promouvoir le développement économique d’une région de son
territoire, et, d’autre part, d’accéder à l’océan Atlantique à travers la Bolivie en utilisant les
nouvelles installations portuaires et fluviales offertes par la grande voie navigable (hidrovía)
formée par les fleuves Paraguay et Paraná.
Cependant, tout en soulignant que nous sommes favorables à un accord avec le Chili, nous
devons répéter que nous cherchons des solutions transitoires aux problèmes qui affectent notre
commerce extérieur, sans préjudice ni remise en question de la nécessité de retrouver notre statut
d’Etat côtier, lequel est indispensable pour notre développement intégral.
- 43 -
La politique étrangère de mon pays sert ce développement d’une manière concrète, au
moyen de diverses formes de coopération, principalement dans le domaine des relations
économiques avec les pays voisins et, en particulier, avec le Chili. Ces efforts, au-delà de porter sur
les sujets plus urgents liés aux relations de bon voisinage, ont pour objectif, selon nous, d’améliorer
le climat de ces relations, et de faciliter une meilleure compréhension de la nature de nos besoins et
de la justesse de notre cause, en créant les conditions propices au règlement nécessaire et inévitable
de toutes les questions inscrites à l’ordre du jour de nos relations bilatérales.
Suivant cette ligne d’action, dans la période récente, des travaux importants ont été menés
dans le cadre de la commission mixte des frontières de la Bolivie et du Chili, grâce auxquels les
difficultés ont pu être surmontées pour continuer les activités de démarcation de la longue frontière
entre nos deux pays. Les progrès réalisés sont le résultat d’une approche pragmatique et
constructive adoptée de manière avisée par les Gouvernements du Chili et la Bolivie ; ces progrès
attestent également des possibilités offertes par le dialogue pour faire face aux questions les plus
diverses et les plus difficiles concernant les relations entre nos deux pays.
De même, des efforts accrus ont été fournis pour explorer ensemble un nouveau cadre visant
à réglementer les échanges commerciaux entre la Bolivie et le Chili, et même à jeter les bases
d’une complémentarité et d’une intégration progressive des économies de ces deux pays. Ces
efforts sont aussi inspirés par l’identification d’intérêts communs, ainsi que par les orientations
données à nos politiques économiques.
Monsieur le président et Messieurs les représentants, mon pays entend aborder, avec
pragmatisme et responsabilité, les différentes questions attenant aux relations entre le Chili et la
Bolivie, convaincu qu’il est nécessaire de générer des intérêts communs et une solidarité réelle
pour soutenir sur des fondations plus solides les efforts déployés en faveur d’une bonne entente, de
la compréhension et de l’harmonie entre nos deux pays.
Dans le même temps, cependant, cette intention est inspirée par la conviction que ces efforts
trouveront leur véritable sens et auront de meilleures perspectives de réussite s’ils sont
accompagnés de l’intention commune d’affronter avec la même détermination et la même franchise
toutes les questions qui concernent nos relations bilatérales et, en particulier, celle de la
réintégration de la côte pacifique au sein du territoire bolivien.
Il est indispensable de trouver une solution permanente et mutuellement avantageuse à cette
question complexe pour que les relations entre les deux pays puissent entrer dans une ère nouvelle.
Il s’agit également d’une condition essentielle pour que ces relations puissent se projeter vers une
coexistence complète, riche en futures perspectives complémentaires, qui garantisse aux deux pays
une intégration accrue et un mieux-être.
Enfin, Monsieur le président et Messieurs les représentants, j’ai le plaisir d’affirmer devant
cette noble assemblée que le Gouvernement bolivien, au nom du système démocratique qui régit
nos deux pays, est entièrement disposé à entamer des discussions franches, amicales et fraternelles
avec le Chili afin de trouver des solutions définitives et mutuellement avantageuses au problème
maritime centenaire qui, tant qu’il ne sera pas résolu, maintiendra le Cône Sud dans un climat latent
de méfiance et d’incertitude néfaste qui entrave le grand projet américain d’intégration croissante
entre nos nations. Merci beaucoup.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur le ministre. J’ai maintenant l’honneur de
donner la parole au ministre chilien des affaires étrangères.
Le MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES DU CHILI : Monsieur le président,
Messieurs les ministres des affaires étrangères, Messieurs les représentants, j’ai écouté avec un
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intérêt particulier l’allocution de mon cher ami, le ministre des affaires étrangères de la Bolivie. Le
contenu de son intervention se décline en deux parties parfaitement définies, dont l’une renvoie à
des concepts anciens que l’assemblée générale de l’OEA connaît bien puisqu’ils ont déjà été
présentés à maintes réunions ; je ne les évoquerai donc pas pour des raisons évidentes.
Nous voulons regarder vers l’avenir, et nous voulons le regarder dans un esprit de fraternité
et d’harmonie, comme nous l’avons fait jusqu’à présent. Il me suffit, Monsieur le président, de
rappeler que cette question a déjà été débattue à l’assemblée d’Asunción en 1990 et à celle de
Santiago en 1991, et, fort heureusement, je pense maintenant être en mesure d’informer l’honorable
assemblée de l’OEA que nous n’avons pas perdu notre temps ces dernières années. Nous ne l’avons
pas perdu parce que, ainsi que mon homologue l’a déjà rappelé, le président Aylwin a déclaré dès
sa prise de fonctions le 11 mars 1990, et après le rétablissement de la démocratie dans notre pays,
qu’il entendait marcher main dans la main avec ses pairs d’Amérique latine. Et, face au souhait
formulé chez nous, selon lequel le Chili doit se tourner vers l’Europe et les autres continents
puisqu’il a quitté le monde en développement, le président Aylwin a affirmé catégoriquement que
nous voulons cheminer avec nos frères d’Amérique latine, car nous pensons que l’intégration est
l’objectif ultime de notre continent.
Notre ministère des affaires étrangères a donc reçu des instructions précises de notre chef
d’Etat sur cette intégration : nous devons agir avec la République de Bolivie et principalement avec
les pays du Cône Sud, mais également avec tout le continent, dans un esprit de profonde fraternité,
pour montrer qu’il n’existe aucun problème dans le Cône Sud du continent et que rien ne peut
actuellement affaiblir le degré d’harmonie qui caractérise les relations de travail des pays du
Cône Sud. C’est en procédant ainsi que nous avons pu mettre un terme à tous les conflits frontaliers
que nous avons connus, dont beaucoup étaient plus que centenaires.
Je souligne avec une réelle satisfaction, à titre d’illustration, que c’est par la voie des
négociations directes que nous avons été capables de résoudre vingt-quatre différends frontaliers
avec la République argentine soeur, laissant ainsi un témoignage qui a servi d’exemple aux autres
pays frères du continent.
Comme le ministre des affaires étrangères de la Bolivie vient également d’en convenir, c’est
avec la même harmonie, par la voie des commissions mixtes, que nous avons heureusement réglé
neuf questions pendantes liées aux bornes ou à l’emplacement des bornes le long de notre frontière,
d’une manière qui a été saluée non seulement dans notre pays mais également en République soeur
de Bolivie.
Les problèmes relatifs à la question maritime qu’évoque mon éminent collègue ont, il le sait
parfaitement, été réglés par voie conventionnelle, nos pays n’ayant jamais cessé de réaffirmer le
principe de l’inviolabilité des traités. Revenir sur le passé ne nous intéresse donc pas. Ce qui nous
intéresse aujourd’hui, c’est d’entrer dans le futur main dans la main avec la Bolivie et tous les
autres pays du continent.
Mon éminent collègue a déclaré que, au niveau bilatéral, le Chili et la Bolivie font de bons
progrès, et c’est tout à fait vrai, Monsieur le président. J’ose même dire que ces deux dernières
années, de l’assemblée d’Asunción en 1990 jusqu’à nos jours, nous avons davantage progressé, au
plan de l’harmonie de nos relations avec la Bolivie, que toutes les années précédentes.
Au risque de lasser cette honorable assemblée, je voudrais simplement mentionner, à titre
d’exemple, ce que nous avons accompli ces deux dernières années. En premier lieu, nous avons
avancé dans les négociations visant à conclure un accord de complémentarité économique ou de
libre-échange avec la Bolivie. Cela aurait été impensable ou incroyable dans le passé. Nous tenons
à dire que les commissions travaillent à un tel degré d’harmonie qu’il est très probable, Monsieur le
président, que nous aurons bientôt un accord de complémentarité entre nos deux pays. Je voudrais
également ajouter que ces progrès ne sont pas uniquement à porter au crédit de nos gouvernements,
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mais qu’ils sont également dus à l’initiative des secteurs d’activité respectifs qui, réunis à La Paz
l’an dernier, ont élaboré ce qu’on appelle l’«acte de La Paz», exhortant les Gouvernements du Chili
et de la Bolivie à parvenir à un accord de complémentarité économique.
C’est pourquoi nous travaillons en harmonie et en créant réciproquement un climat de prise
de conscience collective, afin de dissiper la méfiance qui a existé dans le passé, non seulement
entre nos deux gouvernements, mais également entre nos citoyens. Nous avons le désir fervent et la
conviction que, pour que les relations entre nos pays soient de plus en plus harmonieuses, il est
essentiel que nos peuples se comprennent. Tant que nous ne prendrons pas collectivement
conscience de la juste nécessité pour les pays de notre région d’agir en frères en ce début de
XXIe siècle, il ne fait aucun doute, Monsieur le président, que très peu pourra être fait au plus haut
niveau.
Outre les aspects que je viens d’évoquer concernant la complémentarité économique, nous
travaillons ensemble, dans une large coopération, dans le domaine de l’énergie et de la construction
d’un oléoduc qui approvisionnera le nord du Chili en gaz, en investissant et en utilisant le gaz
naturel provenant de Bolivie. Nous avons créé la chambre de commerce chiléno-bolivienne, et nous
avons remarquablement augmenté nos échanges commerciaux bilatéraux. En 1991, nous avons
atteint le record de 132 millions de dollars d’échanges commerciaux entre la Bolivie et le Chili, soit
une augmentation de plus de 100 % par rapport aux chiffres enregistrés en 1989, sans tenir compte
des activités de la Zof[r]i à Iquique, liées au commerce avec la Bolivie, qui dépassaient les
200 millions de dollars en 1991.
Notre pays a encouragé la construction d’une route qui doit relier Arica à la frontière
(La Paz) via Tambo Quemado. Le côté chilien progresse si vite qu’il ne manque que 20 kilomètres
pour terminer la construction de cette route en territoire chilien. La Bolivie a heureusement pu
contracter un prêt auprès de la BID, pour ainsi financer cette route à laquelle elle pourra bientôt
accéder. Quoi qu’il en soit, la partie chilienne sera achevée au premier semestre de l’année
prochaine ; La Paz et Arica seront ainsi reliées par une route de premier ordre, en six heures et
demie. Cela montre, comme la réalité l’a prouvé, qu’en faisant preuve d’un réel pragmatisme, nos
nations peuvent s’unir dans un franc désir d’intégration.
Le Gouvernement du président Aylwin a unilatéralement pris la décision de supprimer
l’obligation faite aux touristes et citoyens boliviens d’obtenir un visa pour se rendre au Chili car,
n’ayant plus de relations diplomatiques, nous ne pouvions pas le faire par la voie d’un accord entre
les deux parties. Cette obligation a été supprimée depuis un certain temps maintenant, ce qui
permet aux touristes, citoyens et frères boliviens de visiter notre pays librement, sans obstacles
susceptibles d’entraver leurs déplacements. Tout de suite après l’adoption de cette mesure, nous
avons appris que le Gouvernement bolivien avait fait de même, ce qui signifie qu’il est tout à fait
possible d’atteindre des objectifs communs au plan bilatéral tant qu’existent le désir et l’élan d’agir
en harmonie, ce qui est précisément ce que nous faisons.
Je voudrais également annoncer que, en plus de la suppression de l’obligation de visa, qui est
indubitablement importante pour que nos pays et nos peuples puissent se rapprocher, nous avons pu
nous entendre sur onze secteurs qui — comme je l’avais précisé — présentaient des difficultés de
démarcation pour nos frontières.
Mais nous sommes allés encore plus loin dans ce court laps de temps, Monsieur le président.
Le chef de l’Etat chilien nous a transmis un projet de loi, que le Congrès de la République examine
en ce moment, levant l’interdiction faite aux citoyens de la Bolivie et des autres pays limitrophes
d’acquérir des biens immobiliers sur notre territoire. Une fois approuvée, ce qui ne fait aucun
doute, cette loi permettra aux frères boliviens d’acheter des biens immobiliers dans le nord de notre
pays ou dans toute autre région, à des fins touristiques ou pour un usage industriel. Je tiens
également à rappeler qu’une zone industrielle a récemment été créée à Arica et que, dès l’adoption
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de ce projet de loi, les entrepreneurs boliviens pourront acheter des terrains dans cette zone pour y
installer leurs entreprises.
Comme l’honorable assemblée de l’OEA le sait bien, le Chili a construit à ses frais, en
application des dispositions du traité de 1904, la voie ferrée reliant Arica à La Paz. Cette voie
ferrée appartient au Chili dans la portion qui traverse son territoire, et la portion située en territoire
bolivien a été transférée à la Bolivie. Nous sommes même allés plus loin et nous avons maintenant
proposé au Gouvernement bolivien de lui céder gratuitement l’intégralité de cette ligne ferroviaire
pour qu’elle soit exploitée par la République soeur de Bolivie.
La Bolivie a répondu avec une proposition complémentaire, en déclinant notre aimable
proposition et en proposant à la place la création d’une société privée chiléno-bolivienne pour gérer
cette voie ferrée ensemble. Nous sommes d’accord pour faire cela. Nous pensons que cela
équivaudra à privatiser une entreprise qui appartient actuellement aux deux Etats. Pour nous, l’une
ou l’autre de ces formules importe peu, l’objectif précis du Gouvernement chilien étant
d’harmoniser progressivement, comme cela n’avait jamais été fait auparavant, nos relations avec la
Bolivie. Le fait que les instituts géographiques militaires des deux pays aient établi une
cartographie commune de leurs territoires respectifs témoigne de l’ampleur des progrès qui peuvent
être accomplis lorsqu’il existe une volonté manifeste en ce sens.
Pour finir, la signature en avril 1992 d’un mémorandum d’entente définissant les bases d’un
futur accord sur la prévention, la surveillance, le contrôle et la répression de la consommation et du
trafic illicite de stupéfiants démontre une fois de plus que, malgré l’absence de relations
diplomatiques entre les deux pays — situation que nous n’avons pas choisie et qui est due à des
circonstances malheureuses —, nous avons fait des progrès au plan bilatéral, domaine dans lequel
le Chili a toujours maintenu que les relations entre la Bolivie et le Chili devaient tendre vers
l’harmonisation.
Dans les domaines que sont l’éducation, la culture, l’enseignement, la musique et la
coopération, les activités menées conjointement par la Bolivie et le Chili, ou par les citoyens
boliviens et chiliens, ont également une grande importance.
En un mot, Monsieur le président, et je conclus mon allocution sur ce point, nous
développons avec la Bolivie un ensemble d’activités qui ont été déclarées prioritaires ces dernières
années et qui permettront de réunir les volontés des deux pays et d’avancer ensemble vers ce qui,
par la force de l’Histoire et des faits, constituera sans aucun doute l’intégration centraméricaine
annoncée il y a plus de cent soixante ans au congrès de Panama par l’un des pères fondateurs de
l’hémisphère.
Le bref mais important récapitulatif que je viens de faire démontre clairement que l’entente
et le dialogue entre le Chili et la Bolivie sont déjà en cours. Comme mon honorable ami, le ministre
des affaires étrangères de la Bolivie l’a très bien dit, nous sommes même parvenus à nous entendre
sur des questions au sujet desquelles nous avions tous les deux admis qu’il existait de réels
désaccords, ce qui nous permet d’envisager l’avenir de nos pays avec grand espoir. En
conséquence, j’ose même demander à cette honorable assemblée de laisser la Bolivie et le Chili
avancer sur la voie du bilatéralisme, domaine dans lequel nous avons fait beaucoup de progrès ces
deux dernières années, quand la lumière d’espoir avec laquelle nous envisageons l’avenir de nos
deux pays frères a définitivement dissipé les dissensions et les différends qui, sans nul doute,
appartiennent aujourd’hui au passé. Merci.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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ANNEXE 338
PROCÈS-VERBAL DE LA TROISIÈME SÉANCE DE LA COMMISSION GÉNÉRALE,
VINGT-TROISIÈME SESSION ORDINAIRE DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
DE L’OEA, 9 JUIN 1993
Organisation des Etats américains, Assemblée générale, vingt-troisième session ordinaire,
1993, vol. II, OEA/Ser.P/XXIII.O.93 (1994)
10. Rapport sur le problème maritime de la Bolivie (AG/doc.2941/93) (point 14 de l’ordre du
jour)
Le PRESIDENT : Nous en venons à l’examen de la question liée au problème maritime de la
Bolivie. Le ministre des affaires étrangères et du culte de la Bolivie a la parole.
Le MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES ET DU CULTE DE LA BOLIVIE : Je
vous remercie beaucoup, Monsieur le président. Je vais maintenant lire le rapport correspondant,
avec une brève clarification préalable. Etant donné l’importance de cette déclaration, qui annonce
officiellement un changement dans la politique étrangère pratiquée par la Bolivie ces dernières
années, cette lecture sera nécessairement longue. Je vais tâcher dans la mesure du possible de
résumer ce rapport, qui revêt tant d’importance pour la Bolivie.
Monsieur le président, Messieurs les ministres et les représentants, Monsieur le secrétaire
général :
Le point 14 de l’ordre du jour de cette période ordinaire de sessions étant à l’examen, j’ai
l’honneur de rendre compte de certains aspects liés à la mise en oeuvre de la
résolution AG/RES.989 (XIX-0/89) de l’assemblée. Comme vous vous en souvenez, cette
résolution a été précédée par la résolution AG/RES.426 (IX-0/79), adoptée à la neuvième période
ordinaire de sessions de l’assemblée générale.
Par cette résolution, l’assemblée générale a déclaré qu’il était dans l’intérêt permanent du
continent américain de trouver une solution équitable qui assure à la Bolivie un accès souverain et
utile à l’océan Pacifique, et recommandé aux Etats directement concernés d’«entamer des
négociations en vue de la concession à la Bolivie d’un accès territorial libre et souverain à
l’océan Pacifique». La résolution AG/RES.426, ainsi que les autres résolutions adoptées par
l’assemblée sur ce point, précise, conformément aux règles juridiques de la charte de l’OEA, les
compétences de l’organisation relatives aux fonctions qu’elle doit exercer pour préserver,
promouvoir et renforcer l’harmonie et la compréhension entre les Etats de l’hémisphère. Dans le
même temps, cette résolution énonce les règles à suivre pour harmoniser les pouvoirs de
l’organisation avec les compétences et les responsabilités des Etats membres.
Selon nous, l’action de l’organisation relative à cette question, et à celles qui présentent un
intérêt pour le renforcement de l’harmonie régionale, complète les démarches unilatérales et
bilatérales qui relèvent de la compétence des Etats membres directement concernés par cette
question, et n’est pas incompatible avec ces démarches. Cette action ne représente pas une
ingérence dans les pouvoirs conférés à ces Etats. Et ce, d’autant moins si l’on garde à l’esprit que,
conformément aux prescriptions de la résolution AG/RES.426, l’organisation ne peut que
recommander aux Etats membres concernés de suivre une ligne de conduite déterminée.
Les résolutions adoptées par l’assemblée générale à ce sujet — dont certaines ont été
adoptées à l’unanimité par tous les Etats membres de l’organisation — concernent une question
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d’importance vitale pour la politique étrangère de mon pays et ont un lien direct avec l’objectif
stratégique de retrouver son statut d’Etat côtier, en réintégrant une côte pacifique dans son
territoire.
Pour cette raison, notre délégation propose périodiquement que l’assemblée générale
consacre son attention à l’examen d’événements qui sont, d’une manière ou d’une autre, liés à la
réalisation des objectifs énoncés dans ces résolutions. L’objectif principal de ce rapport est donc de
communiquer à l’assemblée générale notre appréciation et notre évaluation relatives à ces
événements. Nous pensons que celles-ci pourront nourrir la réflexion de l’assemblée quand elle
développera, en temps voulu, sa propre perception et son interprétation des facteurs qui influencent
la réalisation des objectifs énoncés dans les résolutions susmentionnées.
Le premier point que je souhaite partager avec MM. les ministres et les honorables
délégations est notre conviction que le nouveau climat qui prévaut sur la scène régionale aura, sans
aucun doute, une influence favorable sur l’aboutissement des solutions défendues par la Bolivie
pour réintégrer une portion du littoral pacifique au sein de son territoire.
Comme on l’a rarement vu dans l’histoire des relations entre les Etats du continent américain
et en particulier entre les Etats de la région sud-américaine, les volontés de compréhension et de
conciliation, ainsi que les attitudes qui favorisent le dialogue et la négociation, s’affirment de
manière irréversible. De même, comme rarement vu auparavant, l’intérêt supérieur de la paix, de
l’harmonie et de la coopération entre les Etats de la région tend à se renforcer en tant que principe
sous-tendant tous les efforts dirigés vers l’ajustement réciproque des intérêts partiaux des Etats.
Dans ce cadre et ce nouveau climat, la Bolivie réaffirme et réoriente, avec un contenu instrumental
renouvelé, sa politique traditionnelle visant à retrouver son statut d’Etat côtier, inhérent à sa
configuration territoriale d’origine de pays riverain du Pacifique.
Monsieur le président, Messieurs les ministres et les représentants, bien que dans cette étape
récente, à savoir, depuis la vingtième période de sessions ordinaires de l’assemblée générale,
aucune avancée significative n’ait été enregistrée s’agissant du respect des recommandations
formulées dans la résolution AG/RES.989, nous ne saurions manquer de souligner certains progrès
accomplis dans les relations entre la Bolivie, le Chili et le Pérou, qui ont un lien direct avec la
réalisation des objectifs énoncés dans cette résolution et dans celles qui ont été adoptées par
l’assemblée sur cette question.
Ces progrès peuvent également contribuer à progressivement créer un climat approprié pour
entreprendre les efforts conjoints nécessaires à la pleine mise en oeuvre des recommandations
contenues dans ces résolutions et, en particulier, celle formulée dans la résolution AG/RES.426.
Un événement d’une importance unique, que mon pays a observé avec une attention
particulière, est la signature récente, le 11 mai, par le Chili et le Pérou, d’accords relatifs à
l’application du traité de 1929 et de son protocole complémentaire. Ces accords sont le fruit
d’efforts déployés par les deux pays pour concilier leurs points de vue — encore récemment
divergents — et trouver ainsi des formules d’accord sur des questions découlant de la guerre de
1879, qui étaient dans l’attente d’une solution depuis de nombreuses années.
Du point de vue des intérêts de la Bolivie, cet événement et en particulier le contenu des
instruments signés par le Chili et le Pérou signifient deux choses : d’une part, ils nous rappellent la
corrélation conditionnelle entre les dispositions de l’article premier du protocole complémentaire
au traité de 1929 et les formules possibles visant à satisfaire le besoin pour la Bolivie d’obtenir un
accès souverain à l’océan Pacifique, et, d’autre part, ils dissipent le flou qui entoure les
caractéristiques et la portée des droits reconnus au Pérou en matière de travaux d’infrastructure
dans le port d’Arica.
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Le premier élément a servi de base à la position traditionnellement soutenue par la Bolivie,
selon laquelle trouver une solution adéquate permettant à mon pays de retrouver un accès au
Pacifique nécessitera forcément d’accorder ou de réconcilier les volontés de la Bolivie, du Chili et
du Pérou. De même, cet élément a permis, notamment aux spécialistes et analystes prestigieux, de
souligner que cette clause du protocole complémentaire au traité de 1929 constitue une contrainte
sui generis qui a principalement pour effet d’exiger que les intérêts des trois Etats soient pris en
compte pour parvenir à une entente qui réponde à la revendication de mon pays.
Etant donné que l’engagement juridique susmentionné a été conçu et adopté dans des
circonstances historiques différentes de celles que l’on connaît actuellement, la Bolivie espère que,
en temps voulu, l’interprétation et la mise en oeuvre de cet engagement seront inspirées par les
nouvelles conceptions, nécessairement plus flexibles et moins orthodoxes, imposées par les
nouvelles circonstances et le nouveau climat qui entourent les relations entre les Etats de notre
hémisphère ainsi que par le nouvel esprit qui semble guider les relations entre le Chili, le Pérou et
la Bolivie. Justement, les formules adoptées pour surmonter les divergences qui existaient
concernant l’application complète du traité de 1929, de même que les critères qui ont guidé ces
négociations, sont la preuve éloquente de l’efficacité des idées nouvelles et de l’assouplissement
des présupposés ou des paradigmes qui ont souvent fait obstacle au règlement des questions
anciennes.
A notre avis, les règles énoncées dans les accords conclus à Lima, s’agissant des droits
reconnus au Pérou en matière de projets infrastructurels dans le port d’Arica, perfectionnent lesdits
accords, définissent avec précision leur nature et leur portée, et dissipent les doutes qui existaient
concernant l’interprétation de cette clause du traité de 1929 et de son protocole complémentaire.
Maintenant que les difficultés qui ont entravé l’application complète de ces instruments ont
été surmontées, il est raisonnable de supposer que des conditions favorables sont apparues pour
faciliter une interprétation souple et efficace de l’article premier dudit protocole en ce qui concerne
les formules possibles pour satisfaire le besoin de la Bolivie d’obtenir un accès souverain au
Pacifique.
Les accords de Lima auront indubitablement des retombées favorables sur les relations entre
le Chili et le Pérou. Comme les représentants des deux pays l’ont déclaré, ces accords ouvrent la
voie à une nouvelle étape dans leurs relations, dans la mesure où ils permettront de surmonter des
obstacles dont les origines remontent au siècle passé.
Les conséquences de cette entente importante sont comparables aux effets sur les relations
entre la Bolivie et le Pérou des accords signés début 1992 concernant la participation de mon pays
au développement de la zone franche et de la gestion partagée du port d’Ilo en territoire péruvien,
et sont semblables également aux conséquences de l’accord de libre-échange signé fin 1992 avec le
Pérou, par lequel les deux pays se sont engagés à améliorer le régime applicable à la zone de libreéchange.
Les accords relatifs à la zone franche et au port d’Ilo sont le fruit d’une compréhension claire
et réciproque des intérêts des deux pays. Ils sont également le résultat d’une interprétation exacte,
par le Pérou, de la nécessité pour la Bolivie de projeter son système économique sur la vaste région
du bassin pacifique, de surmonter les difficultés entravant l’expansion de son commerce extérieur
et d’ouvrir de réelles perspectives pour promouvoir des projets de développement sur la côte
pacifique.
L’accord de libre-échange est lui aussi le résultat de l’intérêt commun de favoriser
l’intégration accélérée des marchés nationaux bolivien et péruvien, grâce à l’élimination complète
des obstacles aux échanges commerciaux bilatéraux ainsi qu’à l’adoption d’instruments visant à
promouvoir les investissements et la participation active des acteurs économiques privés dans le
développement des relations commerciales et économiques.
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Il est donc évident que l’entente qui a permis la signature des accords de Lima, et celle qui a
abouti à la conclusion des accords sur la zone franche et le port d’Ilo, ou encore l’accord de libreéchange
entre le Pérou et la Bolivie sont la preuve éloquente que les relations entre la Bolivie et le
Pérou, d’une part, et le Chili et le Pérou, d’autre part, sont entrées dans une nouvelle phase
caractérisée par le dépassement des anciennes difficultés et l’expérimentation de formules de
coopération imaginatives.
Cette évolution positive favorise, à notre avis, l’apparition de conditions qui, en temps
opportun, permettront également à la Bolivie et au Chili de parvenir à une entente — avec le
consentement nécessaire du Pérou — grâce à laquelle mon pays pourra satisfaire son besoin
d’obtenir un accès souverain à la mer, ce qui éliminera ainsi le principal obstacle à la pleine
harmonie et à une coopération et une intégration solides et larges entre les trois pays dans les
domaines économique et politique.
Monsieur le président, Messieurs les ministres et les représentants, nous pouvons également
voir, sous un autre angle, non moins pertinent, les efforts déployés par la Bolivie et le Chili ces
trois dernières années pour traiter les questions à l’ordre du jour de leurs relations bilatérales en
adoptant une approche différente.
Pour la Bolivie, ces efforts, en sus de viser à résoudre les questions les plus urgentes en
matière de relations de voisinage, ont pour objectif d’améliorer le climat des relations bilatérales et,
surtout, de créer les conditions propices au règlement ultérieur, indispensable et inévitable, de
toutes les questions pendantes au plan bilatéral.
Grâce à ces efforts, les deux pays ont trouvé, dans le cadre de la commission mixte bolivochilienne,
des solutions satisfaisantes aux différends relatifs à la démarcation des frontières, qui
perduraient depuis de nombreuses décennies.
D’autre part, après de longues négociations, la Bolivie et le Chili ont signé, en avril dernier,
un accord général de complémentarité économique visant à élargir et à approfondir leurs relations
commerciales et économiques et à asseoir les bases d’une complémentarité et d’une intégration
croissantes entre les économies des deux pays.
De même, en novembre 1992, les deux pays ont signé un accord de coopération en matière
de prévention, de surveillance, de contrôle et de répression du trafic illicite de stupéfiants et de
substances psychotropes, de produits chimiques essentiels et de précurseurs.
Par ailleurs, en mars dernier, au terme d’un fructueux processus de négociations entre les
autorités compétentes des deux pays, la Bolivie et le Chili ont conclu un accord en matière de
transport aérien international, visant à réglementer les services fournis par les entreprises nationales
boliviennes et chiliennes, tant entre les deux pays qu’entre ceux-ci et des pays tiers.
Enfin, suite aux conversations tenues entre les ministres de l’énergie de la Bolivie et du
Chili, les deux pays ont conclu, au milieu de l’année 1991, un protocole d’accord par lequel ils ont
déclaré leur intention de prendre des mesures conjointes pour promouvoir la mise en oeuvre de
projets dans le secteur de l’énergie, en particulier ceux prévoyant d’exporter du gaz naturel bolivien
au Chili. Par la suite et sur cette base, ils ont convenu d’adopter un cadre juridique approprié pour
ces mesures en intégrant, dans l’accord de complémentarité économique conclu en avril 1993, un
chapitre spécial sur la complémentarité énergétique.
Une bonne partie des efforts accomplis ces trois dernières années a été consacrée aux
relations économiques bilatérales, en tenant compte des intérêts immédiats des deux pays et de
l’existence de grandes convergences dans ce domaine.
- 51 -
Les efforts visant à améliorer la communication politique entre les deux pays ont été tout
aussi significatifs. Ceux-ci ont été menés au travers de discussions informelles entre les présidents
de la Bolivie et du Chili, et grâce à des rencontres entre les ministres des affaires étrangères et des
hauts fonctionnaires des gouvernements des deux pays. Ces efforts ont également pris la forme
d’échanges croissants entre les différents acteurs politiques des deux pays, dont les membres des
Congrès et les dirigeants des partis politiques respectifs.
Cette meilleure communication a certainement permis une identification plus précise des
points d’accord entre les deux nations. Pour mon pays, ces efforts ont donc avant tout un but
instrumental, en ce qu’ils visent à progressivement créer un climat et les conditions propices pour
relever le défi consistant à trouver, entre la Bolivie et le Chili, et avec la contribution du Pérou, une
solution qui satisfasse le besoin de la Bolivie d’avoir un accès souverain à l’océan Pacifique.
Monsieur le président, Messieurs les ministres et les représentants, comme nous l’avons
déclaré à plusieurs reprises et à l’occasion principalement de la vingt-deuxième période de sessions
ordinaires de l’assemblée générale, la réintégration d’une côte pacifique au sein du territoire
bolivien constitue l’objectif principal de la politique étrangère de mon pays. Les actions menées
pour atteindre cet objectif visent à garantir à l’Etat bolivien tous les éléments nécessaires pour
affirmer son indépendance, sa sécurité et son développement complet, et pour améliorer les
conditions de son insertion au sein du système international et, en particulier, dans le système
régional.
Des circonstances historiques particulières, qui sont bien connues de la communauté des
Etats de la région, ont contraint mon pays à céder les territoires et côtes sur l’océan Pacifique qui
faisaient partie du territoire bolivien, en application du principe de l’uti possidetis juris et
principalement des traités frontaliers signés avec le Chili en 1866 et 1874. Cette cession a entraîné
une transformation radicale des bases fondamentales de l’existence de l’Etat bolivien, le privant
également des gisements de cuivre les plus riches au monde et lui ôtant un statut qui était inhérent à
sa configuration territoriale d’origine : sa condition d’Etat côtier doté d’une façade pacifique.
Depuis lors et du fait de sa désintégration territoriale forcée, mon pays est confronté à des
restrictions draconiennes pour assurer sa défense et son développement complet. Faute d’accès
direct et souverain à la mer, ses ressources nationales sont très vulnérables. La pleine
compréhension, dans la perspective des besoins essentiels de l’Etat bolivien, de ces facteurs
historiques, juridiques et politiques, et une fibre populaire profondément enracinée dans tous les
secteurs de la société bolivienne, sans exclusions, constituent les fondements de la politique
étrangère de mon pays sur cette question.
Comme le président de la Bolivie, M. Jaime Paz Zamora, l’a souligné, la stratégie fixée par
la Bolivie pour atteindre l’objectif d’une pleine réintégration d’une côte pacifique sous sa
souveraineté est une stratégie de paix et d’intégration ; de paix, car elle écarte sans équivoque tous
les moyens qui n’impliquent pas des procédures pacifiques de résolution des différends entre les
Etats, consacrées dans la pratique et en droit international ; d’intégration, car elle suppose des
solutions reposant sur une compréhension réciproque des intérêts nationaux et sur le
développement d’intérêts communs capables de soutenir des arrangements de convenance mutuelle
et les bases solides d’une coexistence harmonieuse tournée vers l’avenir.
Cette politique, qui intègre la signification d’événements historiques précis et tire les leçons
du passé, n’est pas inconditionnellement arrimée à celui-ci. Bien au contraire, elle projette l’action
de mon pays vers l’avenir et postule l’urgence de recourir aux nouveaux moyens que les
modifications rapides et profondes du système international mettent à disposition des Etats pour
promouvoir leurs intérêts nationaux et concilier ces intérêts avec ceux des autres nations.
C’est aussi une politique réaliste, car elle n’ignore ni la constante évolution des circonstances
qui touchent la communauté internationale, ni les intérêts des Etats concernés.
- 52 -
En ce qui concerne le premier point, elle postule l’opportunité et la nécessité d’adapter ses
moyens d’action aux changements survenus au sein du système international et, en particulier, dans
le système régional.
En ce qui concerne le second point, cette politique n’ignore pas que certains de ses postulats,
et avant tout la réalisation de ses objectifs fondamentaux, sont à l’origine de désaccords ou de
divergences avec les Etats qui, pour des raisons juridiques, historiques, stratégiques ou politiques,
sont concernés par celle-ci.
Pour cette raison, Monsieur le président, en réaffirmant notre profond attachement aux
solutions pacifiques pour concilier voire unir les intérêts des Etats, mon pays privilégie la voie de la
négociation directe comme le moyen le plus efficace de satisfaire son besoin urgent d’obtenir un
accès souverain à la mer.
Autrement dit, la politique étrangère de la Bolivie en la matière entend refléter l’expérience
acquise durant le processus de consolidation de son système démocratique, caractérisé par la ferme
détermination de tous les acteurs politiques à recourir aux négociations et à la conciliation dans
l’intérêt de l’harmonie sociale, comme condition indispensable pour le progrès et le développement
de mon pays.
En résumé, cette action extérieure veut conjuguer, de manière appropriée et efficace,
l’objectif inaltérable directement lié aux fondements matériels de l’existence et du développement
intégral de la Bolivie, avec des moyens éminemment dynamiques, variés et souples, qui concordent
avec les nouvelles circonstances historiques du système régional.
Monsieur le président, Messieurs les ministres et les représentants, la confiance que la
Bolivie place dans les possibilités offertes par le dialogue direct pour explorer et, le cas échéant,
convenir de nouvelles formules qui lui permettront de réintégrer une côte pacifique, repose non
seulement sur une ferme conviction, mais également sur des enseignements décisifs et
convaincants tirés du passé.
A cet égard, il est utile de rappeler, par exemple, qu’en 1950 les Gouvernements de la
Bolivie et du Chili ont exprimé, au moyen d’un échange formel de communications, leur intention
commune d’entamer officiellement des négociations directes en vue de satisfaire à ce besoin
fondamental que représente pour la Bolivie un accès souverain à l’océan Pacifique et pour
permettre au Chili d’obtenir des compensations. A cette occasion, les deux pays sont ainsi
convenus de trouver une solution à l’enclavement de la Bolivie et que ces négociations devaient
conduire à un accord qui soit mutuellement bénéfique et qui prenne en compte les véritables
intérêts des deux pays.
De même, il est utile de rappeler le processus de négociation initié par la Bolivie et le Chili
en 1975, au bout duquel les deux pays ont accepté, sur le principe, de conclure un ajustement
territorial, selon lequel la Bolivie devait obtenir une côte maritime souveraine et une bande de
territoire entre les côtes et la frontière entre les deux pays. Dans ce cas, comme lors des
conversations tenues en 1950, il était entendu que la formule à adopter serait basée sur des
compensations équivalentes de la part de la Bolivie, qui seraient négociées avant la conclusion et
l’officialisation de l’accord concerné.
En outre, à cette occasion, le Pérou, après avoir été consulté conformément à l’obligation
énoncée à l’article premier du protocole complémentaire au traité de 1929 signé avec le Chili, a
exprimé, également sur le principe, son consentement à une entente possible entre la Bolivie et le
Chili, selon les conditions susmentionnées.
Ces expériences sont une démonstration éloquente des très grandes possibilités offertes par
le dialogue, comme moyen le plus adapté pour rechercher des solutions mutuellement avantageuses
- 53 -
aux situations particulières qui surviennent lorsque les Etats promeuvent ou défendent des intérêts
ou des objectifs nationaux apparemment contradictoires, mais qui, grâce à une communication
directe, peuvent se révéler potentiellement complémentaires.
Enfin, Monsieur le président, Messieurs les ministres et les représentants, comme je viens de
le souligner, la Bolivie entend résoudre avec réalisme et responsabilité toutes les questions figurant
à l’ordre du jour de ses relations avec le Chili, et renforcer ses liens avec le Pérou, intention qui
repose sur la certitude qu’il est nécessaire de dégager de véritables intérêts communs et solidaires
pour soutenir, sur des bases plus solides, les efforts visant à parvenir à une bonne entente, à une
compréhension et à une harmonie entre nos pays.
Pour le Chili, cependant, ces actions sont également inspirées par la conviction qu’elles
prendront leur véritable sens et auront davantage de chances de réussir en étant accompagnées de
l’intention d’affronter, avec le même réalisme et la même franchise, toutes les questions qui
concernent les relations bilatérales et, en particulier, celle liée à la recherche d’une formule
satisfaisante qui réponde au besoin de la Bolivie de disposer de son propre accès souverain à
l’océan Pacifique.
Trouver une solution mutuellement avantageuse à cette question complexe est la condition
essentielle pour que les relations entre la Bolivie et le Chili puissent entrer dans une nouvelle ère.
C’est également une condition indispensable pour que ces relations puissent envisager une
coopération solide et irréversible orientée vers l’avenir et l’intégration. Merci beaucoup.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur le ministre des affaires étrangères et du culte
de la Bolivie. Le sous-secrétaire des affaires étrangères du Chili a la parole.
Le SOUS-SECRETAIRE DES AFFAIRES ETRANGERES DU CHILI : Merci, Monsieur le
président. J’ai écouté avec intérêt l’intervention de mon estimé ami et ministre bolivien des affaires
étrangères et du culte, mais je considère nécessaire de communiquer l’opinion de mon pays sur ce
problème, dans le cadre, toutefois, d’une nouvelle relation historique qui favorise le dialogue
bilatéral entre les deux nations, auquel le Chili attribue la plus haute importance et pertinence.
Monsieur le président, nous l’avons déjà dit : notre gouvernement a la volonté la plus ferme
de continuer à promouvoir avec la Bolivie un grand projet d’entente, de coopération et de
développement bilatéral. C’est ce que nous avons fait ces trois dernières années, non seulement
avec la Bolivie, mais également avec tous les pays de la région.
Néanmoins, les paroles du ministre bolivien des affaires étrangères nous obligent à rappeler
ce que le Chili a invariablement affirmé : les questions territoriales que la Bolivie soulève ont été
réglées par un traité qui a été valablement conclu et reste pleinement en vigueur. Ce qui est en jeu
ici, c’est donc le respect des principes fondamentaux régissant la vie pacifique de nos peuples dans
le cadre du droit international et, en particulier, du système interaméricain ; je veux parler de
principes tels que le respect scrupuleux des traités, l’intégrité territoriale des Etats et la
non-ingérence dans les affaires souveraines des autres Etats.
A ce sujet, je voudrais faire quelques observations sur le cadre conceptuel qui guide la
politique étrangère et interaméricaine de notre pays.
La politique étrangère suivie par le président Aylwin accorde une priorité particulière aux
relations avec les pays limitrophes. Nous sommes fiers de souligner que nous entretenons des
relations amicales des plus fraternelles, basées sur le respect mutuel et sur une adhésion
inconditionnelle au droit international et aux traités.
- 54 -
De fait, ces derniers jours, nous avons signé avec la République soeur du Pérou une série
d’accords cruciaux qui couvrent un large éventail de sujets. Ces accords réaffirment une nouvelle
ère d’amitié, de confiance mutuelle et de coopération entre les deux pays.
Dans la même perspective, le Chili et l’Argentine ont conclu des conventions importantes
qui bénéficieront à leurs peuples, notamment en matière de complémentarité économique,
d’échange des biens, de capitaux et de services, de développement des régions frontalières et
d’exploitation des ressources naturelles.
Ainsi, notre politique étrangère est conforme à l’engagement américaniste du Chili.
Concernant ce que nous avons accompli avec nos pays frères, je dois ajouter les traités de libreéchange
conclus avec le Mexique et le Venezuela ; le traité de promotion et de protection
réciproque des investissements signé avec ce dernier, et les négociations en cours avec la Colombie
et le Brésil. Nous espérons également pouvoir entamer des négociations pour un accord de libreéchange
avec les Etats-Unis dans un avenir proche.
Monsieur le président, s’agissant de nos relations avec la Bolivie, je dois rappeler que le
Gouvernement chilien a également adopté une série de mesures visant à resserrer les liens et à
renforcer l’intégration et le développement de nos deux pays.
Concernant les liens entre nos peuples, il faut souligner la suppression de l’obligation faite
aux citoyens des deux pays d’obtenir un visa touristique.
Bien qu’aucune question frontalière ne soit pendante, la commission mixte des
frontières  mentionnée à juste titre par le ministre [bolivien] des affaires étrangères — a
effectivement permis la démarcation de onze bornes frontalières.
Des accords importants ont été conclus en matière de trafic aérien, de contrôle et de
répression du trafic de stupéfiants, d’utilisation de l’oléoduc de Sica Sica-Arica, etc.
Le Chili, qui assure le secrétariat pro tempore du Groupe de Rio, a organisé à
Santa Cruz de la Sierra, avec le Gouvernement bolivien, la réunion des ministres des affaires
étrangères tenue par ce groupe. A cette occasion, les ministres des affaires étrangères du Chili et de
la Bolivie ont signé, le 6 avril dernier, en présence des ministres des affaires étrangères présents, un
accord de complémentarité économique d’importance historique visant à approfondir les relations
économiques et commerciales entre les deux pays.
Permettez-moi, Monsieur le président et Messieurs les représentants, d’expliquer cet accord.
Cet accord a permis de définir une liste de produits exportables par pays entièrement exemptés de
tout droit de douane et comprenant des produits agricoles, industriels et miniers. Il inclut en outre
une liste de concessions unilatérales accordées par le Chili aux produits boliviens, pour un montant
total de 30 millions de dollars des Etats-Unis, afin de réduire l’écart commercial existant. Mais ce
n’est pas tout. En ce qui concerne l’intégration physique, notre pays s’apprête à terminer le
revêtement de l’autoroute entre Arica et Tambo Quemado, qui facilitera les communications entre
les deux peuples.
Tout cela, Monsieur le président, montre clairement que nous sommes animés d’une ferme
volonté d’intégration, qui est la base de tous ces accords que nous avons conclus.
La compréhension et la coopération que le Chili a approfondies avec plusieurs pays ont été
possibles grâce au respect plein et entier des obligations librement contractées dans différents
traités. Nous tenons à souligner que les mesures adoptées avec la Bolivie, ainsi que celles
convenues avec les autres pays de l’hémisphère, correspondent à l’engagement américaniste du
Chili, qui entend préserver, promouvoir et renforcer l’harmonie et la compréhension entre les Etats
d’Amérique dans un nouvel élan qui a été favorablement accueilli par les Etats frères mus par les
- 55 -
mêmes objectifs. On pourrait considérer que cette politique répond aux critères des instances
multilatérales.
Monsieur le président, le Gouvernement chilien a — comme il l’a démontré avec les faits
concrets que j’ai décrits cet après-midi — la volonté la plus ferme de poursuivre et d’approfondir
avec la Bolivie ces efforts bilatéraux d’entente, de coopération et de développement, fondés sur le
dialogue créatif et constructif qui a donné des résultats si fructueux ces derniers temps.
Il s’agit là d’un grand défi, que seuls le Chili et la Bolivie peuvent relever et qui garantira
aux deux pays et à leurs peuples un plus grand bien-être, une amitié renforcée et une meilleure
compréhension. Merci beaucoup.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
___________
- 56 -
ANNEXE 342
A. OSTRIA GUTIÉRREZ, NOTES CONCERNANT LES NÉGOCIATIONS PORTUAIRES
AVEC LE CHILI (1998), P. 4, 55 ET 56, 201 ET 202
[EXTRAIT]
Visite effectuée par le président Peñaranda à l’invitation du Gouvernement des Etats-Unis
d’Amérique. Le 13 avril 1943, l’ambassadeur Guachalla a présenté au sous-secrétaire du
département d’Etat, M. Lumner Wells, un mémorandum indiquant que le président de la Bolivie
«considère qu’il est impérativement de son devoir, au cours de ses entretiens avec le président des
Etats-Unis d’Amérique, d’aborder en particulier la situation d’enclavement qui affecte la Bolivie»
et les besoins de son pays en matière de «port souverain sur la côte pacifique».
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Autorisation pour signer les notes
Le ministre des affaires étrangères de la Bolivie, M. Pedro Zilveti Arce, se félicite de la
suggestion faite dans la note nº 510/349 en date du 10 juin 1950 selon laquelle la formulation «et
au Chili d’obtenir des compensations de nature non territoriale tenant pleinement compte de ses
intérêts» devrait remplacer «et au Chili d’obtenir des compensations tenant compte de ses intérêts».
En revanche, il suggère en outre que les termes «direct» et «libre» (câblogramme nº 84, 12 juin)
soient ajoutés aux termes «propre» et «souverain» (en référence à l’accès de la Bolivie à l’océan
Pacifique) dans les deux projets.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Politique appliquée par M. Eduardo Irrazabal Córdoba, nouveau ministre des affaires
étrangères
Dès sa prise de fonctions, le nouveau ministre chilien des affaires étrangères a fait preuve
d’ouverture à l’égard de la Bolivie. Il a réglé les questions liées au transit, notamment le fameux
impôt «sur les ventes» — prélevé depuis dix-sept ans sur les personnes et les biens qui transitaient
par les ports chiliens et qui se chiffrait en millions de pesos —, de même que la question … du
demi pour cent en faveur de la marine marchande chilienne.
Il n’a pas abordé la question du port parce qu’une période d’attente avait suivi la mise en
place d’un gouvernement de facto en Bolivie, après la démission du président Urriolagoitia. Le
président González Videla avait toujours maintenu que cette question pouvait seulement être
négociée entre deux gouvernements constitutionnels.
Informations fournies par le chef du Gouvernement militaire bolivien
Le 9 décembre 1951, l’ambassadeur de la Bolivie au Chili s’est rendu à La Paz, où il avait
été appelé pour participer à la rédaction de certaines notes confidentielles avec le Brésil. Le 21 du
même mois, avant de rentrer à Santiago, il a expliqué tous les aspects des négociations portuaires
au général Hugo Ballivián, président du gouvernement militaire, et au colonel Tomas Suárez,
ministre des affaires étrangères. Ils ont tous deux exprimé leur accord avec tout ce qui avait été fait
à cet égard, et ils ont demandé oralement à l’ambassadeur bolivien au Chili d’insister auprès du
président González Videla sur la nécessité de réaliser des études pour déterminer s’il existait un
port approprié au nord d’Arica.
- 57 -
A son retour à Santiago, l’ambassadeur bolivien a exécuté ces instructions lors d’une
entrevue avec le président González Videla. Ce dernier lui a répondu qu’il avait déjà ordonné à la
navire chilienne de mener l’étude demandée, mais qu’on avait besoin de certains instruments qui
avaient été confiés aux Etats-Unis et avec lesquels on espérait terminer cette étude et parvenir à une
conclusion précise. Pour le reste, il s’était montré favorable à l’aspiration de la Bolivie à un port.
Déclarations faites à la presse de La Paz
A l’occasion de sa visite, l’ambassadeur Alberto Ostria Gutiérrez a fait de longues
déclarations à la presse de La Paz sur divers sujets. Voici ce qu’il a dit concrètement au journal
El Diario, le 23 décembre 1951 :
«Le problème portuaire
 Souhaitez-vous dire quelque chose à propos du problème portuaire ?
 Cet idéal perdure et perdurera tant qu’il ne sera pas atteint. Tous les Boliviens le
savent. Les négociations — dont la phase initiale a été officialisée par les notes en
date des 1er et 20 juin 1950 — sont entrées dans une période d’attente.
Naturellement, les affaires internationales ne peuvent être résolues en une journée,
comme c’est le cas des questions d’ordre privé.»
Le même jour, après avoir été interrogé sur l’état du problème portuaire, il a dit ce qui suit au
journal La Razón :
 «Je vais répéter ce que j’ai déjà dit : le problème portuaire est l’idéal le plus sacré
de la nation et il perdurera aussi longtemps que vivra la nation s’il n’est pas
concrétisé.»
 «Comme je l’ai dit dans le discours que j’ai prononcé en remettant le Cóndor de
Los Andes au ministre chilien des travaux publics, M. Merino Segura, et à
l’ancien ministre des affaires étrangères, M. Walker Larraín, les notes que j’ai eu
l’honneur de signer avec ce dernier les 1er et 20 juin 1950 ouvrent une étape
d’entente loyale entre la Bolivie et le Chili, car le Gouvernement bolivien y
proposait d’«entam[er] officiellement des négociations directes en vue de
satisfaire à ce besoin fondamental que représente pour la Bolivie un accès
souverain à l’océan Pacifique, et de résoudre ainsi le problème de l’enclavement
de ce pays, dans la perspective d’avantages réciproques pour les deux peuples et le
respect de leurs intérêts véritables», tandis que le Gouvernement du Chili y
déclarait pour sa part que, «dans un esprit d’amitié fraternelle envers la Bolivie, il
[était] disposé à entamer officiellement des négociations directes en vue de trouver
la formule qui permettrait d’assurer à la Bolivie un accès souverain à l’océan
Pacifique qui lui soit propre, et au Chili d’obtenir des compensations de nature
non territoriale tenant pleinement compte de ses intérêts.»
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
___________
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ANNEXE 343
PROCÈS-VERBAL DE LA 21E SÉANCE PLÉNIÈRE, CINQUANTE-TROISIÈME SESSION
DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE, NATIONS UNIES, DOC. A/53/PV.21,
30 SEPTEMBRE 1998
http://www.un.org/en/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/53/PV.21&Lang=F
Nations Unies A/53/PV.21
98-85943 (F) Ce procès-verbal contient le texte des déclarations prononcées en français et l’interprétation des autres
déclarations. Les rectifications ne doivent porter que sur les textes originaux des interventions. Elles
doivent être indiquées sur un exemplaire du procès-verbal, porter la signature d’un membre de la
délégation intéressée et être adressées, dans un délai d’un mois à compter de la date de la séance,
au Chef du Service de rédaction des procès-verbaux de séance, bureau C-178. Les rectifications
seront publiées après la clôture de la session dans un rectificatif récapitulatif.
Assemblée générale Documents officiels
Cinquante-troisième session
21e séance plénière
Mercredi 30 septembre 1998, à 10 heures
New York
Président : M. Opertti . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . (Uruguay)
La séance est ouverte à 10 heures.
Point 9 de l’ordre du jour (suite)
Débat général
Allocution de S. E. M. Edison James, Premier
Ministre et Ministre des relations extérieures, des
affaires juridiques et du travail du Commonwealth
de la Dominique
Le Président (interprétation de l’espagnol) : L’Assemblée
va d’abord entendre une allocution du Premier
Ministre et Ministre des relations extérieures, des affaires
juridiques et du travail du Commonwealth de la Dominique.
M. Edison James, Premier Ministre et Ministre des
relations extérieures, des affaires juridiques et du
travail du Commonwealth de la Dominique, est escorté
à la tribune.
Le Président (interprétation de l’espagnol) : J’ai
grand plaisir à souhaiter la bienvenue au Premier Ministre
et Ministre des relations extérieures, des affaires juridiques
et du travail du Commonwealth de la Dominique, S. E.
M. Edison James, et à l’inviter à prendre la parole devant
l’Assemblée générale.
M. James (Dominique) (interprétation de l’anglais) :
C’est pour moi un grand honneur et un privilège que de
prendre une fois encore la parole devant cette Assemblée.
Ce faisant, je voudrais, au nom du Commonwealth de la
Dominique, saisir cette occasion pour vous féliciter très
sincèrement, Monsieur le Président, de votre accession à la
présidence de l’Assemblée générale à sa cinquante-troisième
session. Mes remerciements vont également à l’Ambassadeur
Oudovenko, qui a dirigé de manière si compétente la
cinquante-deuxième session.
Notre Secrétaire général, M. Kofi Annan, a été infatigable
dans ses efforts pour rétablir la paix dans différents
pays et différentes régions. Nous le remercions et nous le
félicitons. L’an dernier, je lui ai adressé une invitation à se
rendre dans les Caraïbes. Il ne l’a pas encore fait. L’invitation
tient toujours.
La région des Caraïbes continue de se montrer attachée
au processus démocratique. Depuis notre dernière rencontre
dans cette instance, les populations de plusieurs de nos
États, dans le respect des règles en vigueur, ont choisi
librement ceux qui les conduiraient vers le nouveau millénaire.
Dire que la démocratie est bel et bien vivante ne
signifie pas que tout aille parfaitement bien dans la région.
La Charte des Nations Unies fait obligation à tous les
Membres de l’Organisation d’oeuvrer pour la paix, la
sécurité et le développement économique et social de tous
les peuples du monde. Alors que nous nous acquittons de
cette obligation, nous devons avoir à tout moment
- 59 -
Assemblée générale 21e séance plénière
Cinquante-troisième session 30 septembre 1998
Conseil de sécurité. La raison de ce manquement est politique.
La Commission spéciale et son Président opèrent sous
l’influence d’un État puissant et arrogant dont les motivations
politiques à l’encontre de l’Iraq n’ont aucun rapport
avec les résolutions sur l’Iraq adoptées par le Conseil de
sécurité.
Pour des raisons politiques, la Commission spéciale et
son Président s’abstiennent d’informer le Conseil de sécurité
que l’Iraq n’a en sa possession aucune des armes interdites
par la résolution 687 (1991) dans les domaines balistique,
chimique et biologique, même si la Commission spéciale ne
dispose d’aucune preuve concrète du contraire. La Commission
spéciale et son Président s’abstiennent d’informer le
Conseil que toutes les usines, tout le matériel et toutes les
installations qui, selon la Commission elle-même, n’ont pas
le moindre rapport avec ces armes, ont été détruits et que
les usines, installations et matériel à soi-disant double usage
qui demeurent tous placés sous un système de supervision.
Par conséquent, l’Iraq est dans l’incapacité de reprendre la
production de tels armements. Enfin, la Commission spéciale
et son Président s’abstiennent, également pour des
raisons politiques, d’informer le Conseil que depuis la mise
en place du système de supervision en 1994, la Commission
n’a relevé aucune violation de la part de l’Iraq concernant
la reprise de la production des armes interdites.
Ce parti pris de la part de la Commission spéciale et
de son Président a conduit à l’impasse et nous sommes dans
une situation inextricable. C’est pourquoi l’Iraq a été obligé
de suspendre sa coopération avec la Commission spéciale et
l’Agence internationale de l’énergie atomique car s’obstiner
dans des voies sans issue et des cercles vicieux ne peut
conduire qu’au maintien du blocus à l’encontre du peuple
iraquien, ce qui est inacceptable et même contraire à la
résolution 687 (1991) .
Pour tenter de sortir de cette impasse et de briser le
cercle vicieux créé par la Commission spéciale et par son
Président, l’Iraq a souscrit à la proposition d’un examen
d’ensemble présentée par le Secrétaire général, M. Kofi
Annan au Conseil de sécurité le 6 août dernier. L’Iraq a
souligné que cet examen d’ensemble constitue une obligation
juridique et morale dont le Conseil de sécurité a le
devoir de s’acquitter. Aux termes de la résolution 687
(1991), le Conseil a l’obligation de se conformer au paragraphe
22 de cette résolution concernant la levée des interdictions
touchant l’importation de biens et produits de base
d’origine iraquienne au vu de l’exécution par l’Iraq de
toutes les mesures envisagées dans la partie C de la résolution.
Le Conseil est aussi tenu de revoir, tous les 60 jours,
s’il y a lieu de réduire ou de lever les interdictions compte
tenu de l’exécution par l’Iraq de toutes ses obligations aux
termes des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.
Toutefois, les 40 examens effectués à ce jour n’ont été
qu’une formalité; ils ont été arbitraires et loin d’être complets.
Par conséquent, l’examen d’ensemble en conformité
avec la proposition du Secrétaire général n’est pas une
récompense offerte à l’Iraq mais un devoir que le Conseil
de sécurité se doit d’accomplir en vertu de ses propres
résolutions. L’Iraq a manifesté sa volonté de participer
efficacement à un tel examen d’ensemble — c’est l’un de
ses droits inaliénables. L’Iraq a également exprimé l’espoir
que cet examen relatif à la façon dont il s’est acquitté de
ses obligations de désarmement aux termes de la partie C
de la résolution 687 (1991) sera effectué le plus rapidement
possible. Nous formons le voeu qu’il soit complet, juste et
honnête et que l’Iraq aura toute latitude pour présenter ses
points de vue sur toutes les questions que pourront poser à
ce sujet la Commission spéciale, l’AIEA ou les membres du
Conseil de sécurité. L’Iraq souhaite également que l’examen
soit effectué sous la supervision personnelle du Secrétaire
général et que M. Annan veille à ce que cet examen se
déroule selon un calendrier clairement défini et ne devienne
pas un processus interminable et inutile.
Tout en donnant notre adhésion à cet examen complet
réalisé d’une manière objective, juste et impartiale, nous
affirmons que l’Iraq est en droit d’attendre du Conseil de
sécurité qu’il procède à la levée des sanctions inhumaines
imposées à l’encontre du peuple iraquien depuis huit ans
maintenant. Le peuple et les dirigeants de l’Iraq ne sauraient
accepter moins que cela.
Le Président par intérim (interprétation de l’anglais)
: L’orateur suivant est le Ministre des affaires étrangères
et du culte de la Bolivie, M. Javier Murillo, à qui je
donne la parole.
M. Murillo de la Rocha (Bolivie) (interprétation de
l’espagnol) : L’élection du Ministre des affaires étrangères
de l’Uruguay à la présidence de la présente session est une
source de grande satisfaction pour l’Amérique latine. C’est
aussi un hommage mérité aux qualités de M. Opertti, dont
l’expérience et les compétences diplomatiques sont gages du
succès de cette cinquante-troisième session.
Le Président assume la présidence.
Alors que nous pensions connaître une période de
stabilité, les signes d’une grave crise sont venus de nouveau
pointer à l’horizon. De fait, les prix des produits de base ont
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Cinquante-troisième session 30 septembre 1998
perdu, en moyenne, 30 % de leur valeur, et se retrouvent,
en termes réels, à leur niveau le plus bas depuis 30 ans. En
conséquence, les exportations de l’Amérique latine vers les
pays développés, consistant essentiellement en matières
premières, ont commencé à chuter alors que s’accroît du
même coup le déficit de la balance commerciale de la
région.
La croissance de la production ralentit en Amérique
latine. Les entreprises réduisent leurs volumes de production,
paient moins d’impôts et sont de plus en plus endettées
auprès des banques. L’épargne interne et l’investissement
dans l’infrastructure, dans la formation des ressources
humaines et dans la production des biens et services diminuent
en proportion. Le chômage apparent croît, et les activités
marginales gagnent du terrain.
Voici un résumé — qui, pour être bref, n’en est pas
moins dramatique — de la conjoncture actuelle, qui laisse
présager une dangereuse récession en Asie et en Amérique
latine.
Le fait que cette tourmente, née il y a près d’un an en
Asie, à l’autre bout du monde, soit arrivée jusqu’aux sommets
des Andes montre bien à quel point le système économique
mondial est maintenant interdépendant, à un degré et
avec des conséquences inimaginables il y a peu de temps
encore. Le monde est déjà ce «village planétaire» dont nous
parlions tous comme d’une vision futuriste.
Mais il y a un aspect plus sombre et plus injuste de la
mondialisation, que je voudrais mettre en évidence. Des
pays — et quand je parle de pays je ne fais pas référence
à des entités abstraites mais à des gens, à des êtres humains
qui ont des besoins matériels et spirituels — paient non
seulement leurs propres erreurs mais doivent aussi subir les
conséquences des erreurs et des négligences de la politique
économique des autres.
Je prendrai comme exemple mon pays : un petit pays
très limité au plan structurel, qui a fait des efforts gigantesques,
à grands frais et au prix d’immenses sacrifices, pour
remettre en ordre ses comptes et sa structure institutionnelle.
La Bolivie a vaincu l’hyperinflation, rétabli l’équilibre
macroéconomique, fait avancer les réformes structurelles de
première et de deuxième génération. Elle a instauré un
système démocratique qui, s’il n’est pas parfait, commence
à faire figure dans la région de modèle de concertation
politique et de dialogue social. Elle se prépare maintenant
à lutter de toutes ses forces contre le fléau historique de la
corruption et de la pauvreté.
Tous ces efforts, qui commencent à porter leurs fruits,
risquent d’être compromis pour des raisons qui échappent
à notre contrôle et à notre responsabilité. Certes nous
n’avançons peut-être pas à un rythme assez rapide. Notre
structure économique et sociale est peut-être encore précaire.
Mais la crise que nous connaissons aujourd’hui n’est pas
due à ces insuffisances.
La Bolivie et d’autres pays devront payer la facture
d’erreurs commises ailleurs, d’inconséquences lointaines.
Nous subissons, comme disent les analystes, l’effet de contagion
de la crise asiatique et nous devons prier plus que
jamais pour que rien n’arrive près de nos propres frontières,
dans les immenses espaces qui nous entourent.
Mon pays a fait ce qu’il devait faire et il l’a fait
correctement. Personne n’a envie de faire marche arrière. Il
ne viendrait à l’esprit d’aucun Bolivien sensé d’en revenir
à l’autoritarisme ou à l’hyperinflation, pas plus qu’à un État
bureaucratique. Non. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Mais
il ne s’agit pas non plus de faire comme si de rien n’était.
Comme si pour surmonter cette crise il suffisait simplement
d’administrer le même remède mais à plus forte dose. Ce
serait une erreur impardonnable.
La situation actuelle a mis en évidence de telles failles
dans le système international, en particulier dans les flux
financiers mondiaux, et combien il serait imprudent de le
maintenir en l’état. Les ministres des finances du Groupe
des Sept — le noyau des plus grandes puissances économiques
du monde — se réuniront le mois prochain pour décider
de notre avenir. Je ne sais s’ils nous entendront. Mais
je pense que cette Assemblée des peuples du monde est un
émissaire qui peut leur rappeler un certain nombre de
choses.
Il est impératif d’agir promptement, de manière concertée
entre pays avancés et pays en développement, pour
rendre moins volatiles les marchés financiers, grâce à des
règlements et des procédures communes d’incitation et de
sanction propres à corriger les principaux défauts du système.
Il faut accroître les ressources financières publiques
disponibles, au Fonds monétaire international et dans d’autres
institutions, de manière à dédommager rapidement et
efficacement les pertes éventuelles dues à une mauvaise
évaluation des risques dans un pays ou au comportement
capricieux ou imprudent des spéculateurs boursiers dans le
monde.
Il faut débattre rapidement de la nature des ajustements
et du nouveau rôle du Fonds monétaire international luimême
et de la Banque mondiale, qui ont été créés dans un
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Cinquante-troisième session 30 septembre 1998
contexte très différent de celui que nous connaissons actuellement
et qui sont à l’évidence dépassés par les événements
des dernières années, que personne n’a su prévoir. Leur
structure, leurs ressources, leur philosophie et leurs modes
de fonctionnement, sévèrement critiqués depuis les années
80 en Amérique latine, et dans cette Assemblée, ont été
insuffisants pour endiguer les répercussions de la crise
actuelle. Nous avons mondialisé la crise, la pauvreté et le
chômage, il faut maintenant mondialiser l’engagement de
résoudre ces problèmes.
En vertu du caractère universel de cette instance, en
vertu de ce que proclame la Charte de San Francisco et
parce qu’il faut examiner ici toutes les préoccupations et de
tous les problèmes auxquels sont confrontés les États
Membres de la plus grande organisation mondiale, je dois,
une fois de plus, revenir à la question connue comme le
problème maritime de la Bolivie.
Il y a près de 120 ans, dans un affrontement militaire
qu’elle n’avait pas provoqué, la Bolivie a perdu une partie
importante de sa façade littorale sur l’océan Pacifique. Elle
a perdu ainsi, temporairement, son statut maritime, son
accès souverain à la mer, condition essentielle à son existence
et à sa vocation géopolitique de pont reliant les grands
bassins d’Amérique du Sud.
Le préjudice économique en a été immense. Je ne parlerai
pas aujourd’hui des richesses minières et halieutiques
que recèle ce territoire, qui sont incalculables. Il suffit de
rappeler que le préjudice actuel dû à l’enclavement géographique
de mon pays se chiffre, selon les estimations ressortant
d’études récentes, à quatre milliards de dollars chaque
décennie, ce qui équivaut au total de notre dette extérieure.
Cependant, la conséquence la plus grave, peut-être, de
ce funeste événement a été de condamner mon pays à l’isolement
derrière la barrière des Andes, loin des grands
courants de biens, de personnes et de cultures qui sont la
sève même du développement des peuples. Parce que nous
avons toujours été conscients de l’ampleur du préjudice,
mon pays n’a jamais accepté cet état d’isolement forcé. Il
n’a jamais cessé de réclamer que l’on répare cette injustice.
Il l’a fait fidèle à sa vocation au dialogue, comme un peuple
pacifique qui refuse le conflit. Mais sa voix ne s’est jamais
tue.
Nous avons engagé des négociations bilatérales avec
le Chili et nous avons défendu notre cause auprès des instances
internationales.
À différentes reprises, les négociations bilatérales ont
abouti à des accords ou à des propositions concrètes de solution
dont l’objectif était de rendre à la Bolivie son accès
souverain à l’océan Pacifique, avec un littoral, son propre
port et une liaison terrestre. Pour des raisons que je ne vais
pas détailler ici, ces accords n’ont jamais été concrétisés et
ils sont venus s’ajouter à la longue liste d’occasions perdues
qui marquent les relations entre nos pays.
La cause bolivienne a toujours suscité la sympathie et
la compréhension de la communauté internationale. Les
expressions concrètes de cette solidarité ont été nombreuses.
J’en mentionnerai simplement deux, la première dans le
cadre du Mouvement des pays non alignés, et l’autre dans
le cadre de l’Organisation des États américains (OEA). Je
parlerai simplement de la partie essentielle de la résolution
adoptée à la neuvième Assemblée générale de l’Organisation
des États américains, qui s’est tenue à La Paz en 1979.
Selon le dispositif de cette résolution :
«il est de l’intérêt permanent de l’hémisphère de
trouver une solution équitable donnant à la Bolivie un
accès souverain et effectif à l’océan Pacifique ...»
dans le cadre d’une proposition visant à
«réaliser, dans un esprit de fraternité et d’intégration
américaine, l’objectif indiqué au point précédent et à
consolider une paix stable qui favorisera le progrès
économique et social dans une région des Amériques
directement touchée par les conséquences de l’enclavement
de la Bolivie.»
Malgré cela, le problème n’est toujours pas résolu. Il
est comme une espèce de vestige d’une autre époque, d’une
autre logique, d’une autre manière d’envisager les relations
entre peuples voisins, et il hante en permanence la conscience
de mon pays. C’est pourquoi je déclare clairement
devant cette Assemblée que la Bolivie ne renoncera pas à
sa revendication, qu’elle ne sera pas découragée par le
temps que cela prendra. La Bolivie a la constance et la
patience sans limites des nations millénaires et elle sait que
le moment du règlement définitif de cette question viendra.
Notre espoir devient certitude lorsque nous observons la
façon dont d’autres nations ont réussi à trancher le noeud
gordien de conflits autrement plus complexes que le nôtre.
La proposition que le Président Hugo Banzer a faite
l’an dernier à cette Assemblée tient toujours. Il l’a rappelée
à la douzième réunion au sommet du Groupe de Rio dans
les termes suivants :
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Cinquante-troisième session 30 septembre 1998
«Il n’y a pas de question dont on ne puisse débattre si
on le fait de bonne foi, sans préjugés. Les questions de
paix, de sécurité et de démocratie ne sont pas des
sujets réservés aux diplomates et aux spécialistes.
Toutes les institutions de la société ont une opinion à
présenter, des idées à apporter. Il faut les écouter et les
prendre en considération. Je voudrais par conséquent,
proposer que partout où il existe un conflit ouvert
entre nos pays, partout où, après d’anciens conflits, des
braises couvent encore, nous appelions nos sociétés à
nous aider à trouver le chemin des solutions, nous
ouvrions les fenêtres de la diplomatie latino-américaine
et laissions rentrer l’air frais de nouvelles idées, le son
de nouvelles voix. J’ai fait récemment la même proposition
pour que les Boliviens et les Chiliens se rencontrent
pour parler de l’immense potentiel de nos relations
et trouver un moyen de lever les obstacles qui
bloquent ce chemin. Je le fais à nouveau ici, car il faut
trouver un moyen de sortir du statu quo. Nous ne
pouvons pas rester prisonniers de l’héritage d’autres
époques et d’autres problèmes.»
De toute évidence, l’heure est à l’intégration économique
et à la politique de désenclavement et non pas à l’affrontement.
La nature du système mondial impose la formation
de grands espaces où circulent librement les idées et les
biens, où se construisent des institutions communes et où
s’épanouissent des cultures nouvelles, fruit de la rencontre
de peuples divers. Si cela est vrai quelque part c’est bien en
Amérique latine.
Pour que s’ouvrent ces grandes voies, il faut éliminer
les obstacles qui entravent notre marche vers l’intégration.
Dans les relations entre la Bolivie et le Chili, ce processus
signifie qu’il faut résoudre les différends de longue date qui
ont conduit à la rupture des relations diplomatiques entre
nos deux pays, à la fin des années 70. La libéralisation du
commerce, les accords de complémentarité économique, les
mécanismes de libre circulation sont des éléments importants
de la situation sans pour cela être les seuls.
Ce changement laisse supposer de la part des deux
pays vision et courage pour trouver de nouvelles solutions
différentes et adaptées à la situation actuelle et ne pas se
laisser empêtrer dans des dogmes d’ordre juridique, diplomatique
et militaire du passé. Pour trouver des réponses, il
faut sans doute aller au-delà des cercles dans lesquels ces
dossiers ont jusqu’ici été examinés. Tel est le sens de la
proposition du Président Banzer : ouvrir le dialogue aux
hommes d’affaires, aux travailleurs, aux ecclésiastiques, aux
cadres, aux peuples bolivien et chilien.
La communauté internationale a, bien sûr, un rôle
crucial à jouer dans cette recherche d’un accord. Les
conseils, les avis, l’aide des pays amis dans le cadre des
processus sous-régionaux d’intégration peuvent être le
facteur dont nous avons besoin pour entamer le dialogue,
afin que les diplomates s’engagent dans des négociations,
que les hommes d’État assument leurs responsabilités
historiques, qu’une solution soit trouvée et que les peuples
se rapprochent. Mon pays insiste pour que les problèmes de
fond soient examinés, car l’intégration ne sera possible que
si elle est étayée par des accords économiques ainsi que par
la volonté politique et la confiance des nations.
Beaucoup d’initiatives ne devraient pas rester lettre
morte. En juin dernier, lors de la session extraordinaire de
l’Assemblée générale consacrée au problème des drogues,
d’importantes propositions ont été faites. La Bolivie a
avancé l’idée de créer un mécanisme, similaire au groupe
consultatif, composé de pays qui aideraient à financer les
coûts élevés de la lutte contre le trafic de drogues. Nous
aimerions savoir quelles mesures ont été prises pour concrétiser
cette proposition et celles qui ont été présentées à
cette importante instance spécialisée.
Le phénomène de la corruption, phénomène commun
à la majorité des pays ici représentés, est un mal qui se
propage et qui mine nos structures institutionnelles, affaiblit
la légitimité de la démocratie, déstabilise l’économie, crée
des distorsions dans la gestion publique et corrode la moralité.
Conformément à une instruction présidentielle, le
21 septembre dernier nous avons eu l’honneur de signer un
accord entre les principales institutions de l’État représentant
les trois branches du pouvoir, par lequel est entré en
vigueur le Plan national d’intégrité, qui constitue une
stratégie globale de lutte contre la corruption. La base
juridique de notre Plan d’intégrité est étayée par la Convention
interaméricaine de lutte contre la corruption, qui a été
signée par les pays membres de l’OEA en 1996, et la Bolivie
a été la première nation à ratifier cette Convention sous
forme de loi nationale.
Après mûre réflexion, nous avons fait de cette politique
une des priorités du Gouvernement bolivien. Nous
avons mis en oeuvre les premières mesures concrètes visant
à combattre ce mal et à faire de cette proposition une
politique de l’État. Nous invitons maintenant la communauté
internationale à examiner attentivement l’effort que nous
avons entrepris et à appuyer notre initiative.
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Cinquante-troisième session 30 septembre 1998
La Bolivie s’associe au rejet énergique du terrorisme,
car cette pratique ignoble ne peut pas être justifiée, et elle
appuie toute initiative et toute mesure qui pourraient être
prises pour la combattre.
Dans un autre domaine, nous voulons souligner le rôle
joué par le Secrétaire général dans le processus de réforme
du système des Nations Unies. Nous pensons que des
progrès ont été accomplis pour réduire la bureaucratie,
rationaliser les dépenses et supprimer les doubles emplois
dans l’activité de l’Organisation. Nous pensons également
qu’il serait très salutaire de renforcer le Conseil économique
et social pour en faire un conseil économique, social,
scientifique et technologique. De même, il conviendrait
d’envisager de créer un conseil des affaires humanitaires
chargé de questions touchant les couches vulnérables de la
société contemporaine qui sont affectées par la pauvreté, le
chômage, la discrimination et les exclusions de tous ordres.
Chaque année, nous nous retrouvons pour échanger
nos craintes et nos réflexions, pour partager nos expériences
et réaffirmer notre foi dans les buts et principes de la
Charte de San Francisco. Chaque année, nous aimerions
voir des progrès accomplis dans la solution des problèmes,
dans les réactions conjointes aux crises, dans la propagation
de la paix dans le monde. C’est ainsi que les Nations Unies
se renforceraient encore plus. La Bolivie souhaite, comme
toujours, contribuer à la réalisation de ces objectifs.
Le Président (interprétation de l’espagnol) : L’orateur
suivant est le Ministre des affaires étrangères du Tadjikistan,
S. E. M. Talbak Nazarov.
M. Nazarov (Tadjikistan) (interprétation du russe) :
Monsieur le Président, qu’il me soit permis, tout d’abord, de
vous féliciter pour votre élection au poste éminent de
Président de l’Assemblée générale et de vous présenter tous
nos voeux de succès dans la conduite des travaux de cette
importance instance.
L’exemple du Tadjikistan illustre clairement combien
une coopération étroite entre l’Organisation des Nations
Unies et les organisations régionales peut être fructueuse
dans le cadre d’opérations de maintien de la paix et souligne
comme il est important que la communauté internationale
mette en oeuvre une stratégie coordonnée pour appuyer
les efforts du Gouvernement et du peuple d’un pays cherchant
à sortir d’une phase de crise et d’instabilité et à
trouver des solutions pour parvenir à une paix durable, à la
réconciliation nationale et à la prospérité. Nous saluons le
rôle clef joué par l’Organisation des Nations Unies dans la
coordination de cette mission multidimensionnelle.
Je souhaiterais exprimer, encore une fois, ma profonde
reconnaissance à tous les membres de l’Assemblée générale
et du Conseil de sécurité, ainsi qu’au Secrétaire général,
M. Kofi Annan, pour leur soutien multiforme croissant
apporté au processus de paix au Tadjikistan et pour l’attention
constante qu’ils accordent à nos problèmes qui, malheureusement,
restent graves.
Nous louons les initiatives de tous les États et organisations
internationales qui se sont portés garants de l’Accord
général sur l’instauration de la paix et de l’entente nationale
au Tadjikistan, conclu avec l’assistance de l’Organisation
des Nations Unies et signé à Moscou le 27 juin de l’année
dernière. Pendant pratiquement les cinq années de leur
stationnement sur le territoire du Tadjikistan, les forces
collectives de maintien de la paix de la Communauté des
États indépendants ont, par leur présence et par leurs actions,
contribué à stabiliser la situation dans notre pays et
nous ont aidés à poursuivre le complexe dialogue politique
inter-tadjik. Nous avons ainsi pu mettre en oeuvre les
accords historiques conclus au terme de ces pourparlers.
Nous exprimons notre profonde reconnaissance à tous
nos amis — les pays et les organisations internationales, et
en particulier les institutions des Nations Unies — qui
prennent à coeur les difficultés du peuple tadjik et s’efforcent
de l’aider à en venir à bout, au plus tôt.
Tout en rendant hommage à l’Organisation des Nations
Unies pour sa contribution à la consolidation de la paix et
de la réconciliation nationale au Tadjikistan, nous reconnaissons
que la responsabilité principale concernant le rétablissement
d’une vie pacifique dans notre pays et l’avenir de
notre patrie incombe aux dirigeants de la République du
Tadjikistan et à l’opposition tadjike.
Nous considérons que, malgré les difficultés, le processus
de paix au Tadjikistan est de plus en plus solide et
s’oriente vers l’entente nationale. J’en veux pour preuve que
les travaux de la Commission de réconciliation nationale,
qui sont à présent entrés dans une phase résolument
constructive. La majorité des réfugiés et des personnes
déplacées sont retournés dans leurs foyers. Le processus de
réintégration des formations armées de l’Opposition tadjike
unie au sein des structures militaires gouvernementales a
commencé. La majorité des membres des mouvements de
résistance militaire et politique ont bénéficié de l’amnistie
et ont été relâchés de prison et tous les prisonniers de
guerre ont également été libérés. La plupart des dirigeants
des forces de l’Opposition sont rentrés au pays et ils travaillent
et vivent aujourd’hui à Douchanbé. Les représentants
de l’Opposition ont été nommés à un certain nombre
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