Volume III

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153-20170321-WRI-01-02-EN
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
14937
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
AFFAIRE RELATIVE À L’OBLIGATION DE NÉGOCIER UN ACCÈS
À L’OCÉAN PACIFIQUE
(BOLIVIE c. CHILI)
RÉPLIQUE DU GOUVERNEMENT DE L’ÉTAT PLURINATIONAL
DE BOLIVIE
VOLUME 3
(Annexes 278-313)
21 MARS 2017
[Traduction du Greffe]
TABLE DES MATIÈRES
ANNEXE

TITRE SOURCE Page
278 Déclaration de S. Exc. M. Gabriel
Gonzalez Videla, président du Chili, au
sujet des négociations portuaires,
29 mars 1951
Ministère bolivien des affaires
étrangères, bulletin
d’information, nº 22 (janvierjuin
1951), p. 18-24
1
279 Communiqué du ministère des affaires
étrangères de la Bolivie relatif à la
déclaration du président du Chili,
30 mars 1951
Ministère bolivien des
affaires étrangères, bulletin
d’information, nº 22 (janvierjuin
1951), p. 24 et 25
6
280 Rapport du président du Chili,
S. Exc. M. Gabriel González Videla, au
Congrès national inaugurant la période
des sessions ordinaires, 21 mai 1951,
p. 56 [extrait]
7
281 A. Ostria Gutiérrez, Une oeuvre et une
destinée, la politique internationale de
la Bolivie après la guerre du Chaco,
1953, p. 65-67 [extrait]
8
282 Rapport en date du 31 décembre 1953,
intitulé «Déclaration relative à la
question du port», adressé à M. Walter
Guevara Arze, ministre bolivien des
affaires étrangères, par M. Jorge
Escobari Cusicanqui, envoyé spécial de
la Bolivie au Chili
Archives du ministère bolivien
des affaires étrangères
10
283 Nations Unies, doc. A/CONF.13/29/
Add.1, 3 mars 1958 [extrait]
Conférence des Nations Unies
sur le droit de la mer,
documents officiels, volume I,
documents préparatoires,
24 février-27 avril 1958, p. 328-
330
http://legal.un.org/diplomatic
conferences/lawofthesea-19
58/vol/english/PrepDocs_vol_I_
e.pdf
17
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
286 Note en date du 17 février 1963
adressée à M. Gonzalo Facio, président
du Conseil permanent de l’OEA, par
M. José Fellman Velarde, ministre
bolivien des affaires étrangères
Archives du ministère bolivien
des affaires étrangères
22
- ii -
287 Discours prononcé le 3 avril 1963 par
M. José Fellman Velarde, ministre
bolivien des affaires étrangères, en
réponse aux déclarations de M. Carlos
Martinez Sotomayor, ministre chilien
des affaires étrangères
Service de presse du ministère
bolivien des affaires étrangères,
«Cap sur la mer, documents
importants» (1963), p. 45-76
(Présentée par le Chili en tant
qu’annexe 165 de son contremémoire)
23
288 Service de presse du ministère bolivien
des affaires étrangères, «Cap sur la mer,
documents importants» (1963), p. 7 et 8
[extrait]
35
289 «La Bolivie maintient fermement sa
décision de ne pas reprendre les
relations diplomatiques avec le Chili»,
El Diario (Bolivie), 15 juin 1963
Journal El Diario (Bolivie) 36
290 Message de M. Victor Paz Estenssoro,
président de la République de Bolivie,
au Congrès national, 6 août 1963,
p. 101 [extrait]
Bureau d’information national
de la présidence de la Bolivie
37
291 Lettre en date du 25 septembre 1963
adressée à M. Conrado Rios Gallardo,
ancien ministre chilien des affaires
étrangères, par M. José Fellman
Velarde, ministre bolivien des affaires
étrangères
C. Rios Gallardo, Un contact
informel entre le Chili et la
Bolivie (1966), p. 46-48
38
292 Lettre en date du 13 janvier 1964
adressée à M. Conrado Rios Gallardo,
ancien ministre chilien des affaires
étrangères, par M. José Fellman
Velarde, ministre bolivien des affaires
étrangères
C. Rios Gallardo, Un contact
informel entre le Chili et la
Bolivie (1966), p. 66-72
40
293 C. Rios Gallardo, Un contact informel
entre le Chili et la Bolivie (1966), p. 35-
39 [extrait]
43
294 A. Alessandri Palma, Mémoires de mon
gouvernement, volume I (1967), p. 76 et
77 [extrait]
46
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
296 Rapport en date du 19 novembre 1970
adressé à M. Emilio Molina Pizarro,
ministre bolivien des affaires
étrangères, par M. Frank Rück Uriburu,
consul général de Bolivie à Santiago
Archives du ministère bolivien
des affaires étrangères
47
- iii -
297 Minutes de la réunion tenue entre les
ministres bolivien et chilien des affaires
étrangères à San José (Costa Rica),
rédigées par M. Fernando Laredo, soussecrétaire
bolivien aux affaires
étrangères, 14 avril 1971
Archives du ministère bolivien
des affaires étrangères
51
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
300 «Le Chili est déterminé à aborder
franchement le problème de
l’enclavement», Ultima Hora (Bolivie),
1er mars 1975
Journal Ultima Hora (Bolivie) 53
301 «La Bolivie et le Chili conjuguent leurs
efforts pour régler le problème de
l’enclavement», Hoy (Bolivie), 4 mars
1975
Journal Hoy (Bolivie) 55
302 ««La Bolivie et le Chili s’efforceront de
concrétiser l’«esprit de Charaña»»,
déclare M. Gutiérrez», Hoy (Bolivie),
9 avril 1975
Journal Hoy (Bolivie) 57
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
305 Note no 674/259/75 en date du
9 décembre 1975 adressée à M. Alberto
Guzmán Soriano, ministre bolivien des
affaires étrangères et des cultes, par
M. Guillermo Gutiérrez Vea Murguía,
ambassadeur de Bolivie au Chili
Archives du ministère bolivien
des affaires étrangères
58
306 «Des documents fondamentaux
confirment que la Bolivie et le Chili
sont d’accord sur la question maritime»,
El Diario (Bolivie), 6 janvier 1976
L.F. Guachalla, Bolivie-Chili :
les négociations maritimes,
1975-1978 (1982), p. 92-95
62
307 Note no 130/85/76 en date du 19 février
1976 adressée à M. Alberto Guzmán
Soriano, ministre bolivien des affaires
étrangères et des cultes, par
M. Guillermo Gutiérrez Vea Murguía,
ambassadeur de Bolivie au Chili
Archives du ministère bolivien
des affaires étrangères
68
308 Note no 204/136/76 en date du 19 mars
1976 adressée à M. Alberto Guzmán
Soriano, ministre bolivien des affaires
étrangères et des cultes, par
M. Guillermo Gutiérrez Vea Murguía,
ambassadeur de Bolivie au Chili
Archives du ministère bolivien
des affaires étrangères
71
309 Eclaircissements donnés par le
ministère bolivien des affaires
étrangères, 19 avril 1976
L.F. Guachalla, Bolivie-Chili :
les négociations maritimes,
1975-1978 (1982), p. 96 et 97
74
- iv -
310 Note en date du 3 mai 1976 adressée à
M. Adalberto Violand, ambassadeur de
Bolivie au Chili, par M. Oscar
Adriazola Valda, ministre bolivien des
affaires étrangères et des cultes
Archives du ministère bolivien
des affaires étrangères
76
311 Procès-verbal de la 18e séance plénière,
trente et unième session de l’Assemblée
générale, Nations Unies,
doc. A/31/PV.18, 5 octobre 1976
[extrait]
http://www.un.org/ga/search/vie
w_doc.asp?symbol=A/31/PV.18
&Lang=F
79
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
___________
ANNEXE 278
DÉCLARATION DE S. EXC. M. GABRIEL GONZALEZ VIDELA, PRÉSIDENT DU CHILI,
AU SUJET DES NÉGOCIATIONS PORTUAIRES, 29 MARS 1951
Ministère bolivien des affaires étrangères, bulletin d’information, no 22
(janvier-juin 1951), p. 18-24
En ouvrant la conférence ministérielle de Washington, événement d’une importance
considérable pour notre continent, le président des Etats-Unis d’Amérique a souhaité rappeler la
conversation que nous avions eue l’année dernière lors de ma visite officielle dans son pays, au
sujet de l’utilisation des eaux de l’Altiplano pour promouvoir la transformation et le
développement financier et agricole des provinces du nord du Chili, du sud du Pérou et d’une partie
conséquente du territoire bolivien, utilisation en échange de laquelle la Bolivie pourrait obtenir un
accès à l’océan. Dans son allocution, le président Truman a souligné les possibilités et les
perspectives associées à la solidarité interaméricaine, en rappelant les remarquables potentialités de
développement financier offertes aux républiques de notre continent. Il a ajouté que «ces
possibilités ne deviendr[aie]nt réalité qu’au prix d’une collaboration et d’une planification
communes de longue haleine». Le président a évoqué la possibilité de développer de vastes zones
incultes des versants orientaux des Andes en les transformant en terres agricoles, avant de rappeler
que le Brésil, le Chili et d’autres pays américains étaient parvenus à se doter d’une industrie lourde
et à construire des usines et des ouvrages hydrologiques avec l’aide reçue des Etats-Unis.
C’est à propos de ces projets et de ces objectifs que le président Truman a fait référence à
notre conversation et présenté ma suggestion comme une illustration claire et objective des
retombées potentielles de la coopération entre les peuples d’Amérique. Renvoyant à mes propos, il
a déclaré textuellement qu’il avait plaisir à se «rappeler notre conversation, qui évoquait la
possibilité d’utiliser ces lacs d’altitude situés entre la Bolivie et le Pérou pour transformer la côte
orientale de l’Amérique du Sud en terres agricoles pour le Chili et le Pérou, et d’octroyer en
échange à la Bolivie un port maritime sur le Pacifique». Il était bien naturel que, lors de mon
déplacement aux Etats-Unis, au moment d’analyser, avec le président Truman, les diverses facettes
des relations entre les peuples américains, j’aie fait allusion aux problèmes fondamentaux touchant
à la coopération entre ces pays, à la nécessité vitale de stimuler le développement économique de
ces régions du monde et, de manière spécifique et appuyée, aux moyens précis d’introduire de
nouveaux modes de production et de prospérité dans nos provinces septentrionales. Il était
également à attendre que le chef d’Etat américain soit impressionné par les perspectives d’un projet
susceptible de transformer les zones désertiques des provinces du nord du Chili, du sud du Pérou et
de l’est de la Bolivie en une vaste région agricole, donnant par là même un élan formidable et
inespéré au développement économique de ces trois pays. Mes chers compatriotes, je me félicite
que, devant un auditoire tel que celui de la réunion de concertation, ce grand homme d’Etat
américain ait pris acte de notre souhait constant de trouver des solutions efficaces en matière de
développement financier, susceptibles de bénéficier autant au Chili qu’à d’autres nations
américaines, et qu’il ait, dans le même temps, mis en avant notre volonté de prêter l’oreille au désir
d’un pays frère et démocratique, soulignant au travers de ce double exemple le soutien général et
enthousiaste que nous manifestons pour tout ce qui peut contribuer au rapprochement entre les
peuples de cet hémisphère.
- 2 -
S’il est évident que les propos du président Truman ne peuvent laisser supposer quelque
ingérence que ce soit dans les échanges directs entre le Chili et la Bolivie, je crois nécessaire de
rappeler une fois encore, ne fût-ce que brièvement, le contexte historique de cette négociation,
acceptée par nous dans l’intention fraternelle de déterminer si, compte tenu de nos moyens, nous
sommes en mesure de satisfaire les aspirations de ce pays frère et de resserrer les liens qui nous
unissent.
Il est de notoriété publique que le Gouvernement bolivien a exprimé à plusieurs reprises son
désir d’obtenir un débouché sur l’océan Pacifique.
A cet égard, le Gouvernement du Chili a toujours affiché la même position, exprimant sa
volonté d’écouter toute proposition de la Bolivie visant à mettre fin à son enclavement, à condition
que ladite proposition nous soit présentée directement et qu’elle ne suppose pas que nous
renoncions à notre doctrine traditionnelle de respect des traités internationaux, essentielle selon
nous à la coexistence pacifique des nations.
Dès 1920, lors de la présentation d’une demande par la Bolivie devant la première assemblée
de la Société des Nations, M. Augustin Edwards, chef de la délégation chilienne, déclarait ceci, et
je cite :
«La Bolivie peut chercher à obtenir satisfaction dans le cadre de négociations
directes et librement consenties. Le Chili ne lui a jamais fermé cette porte et je suis en
mesure de déclarer que rien ne nous serait plus agréable que de réfléchir directement
avec la Bolivie au meilleur moyen de contribuer à son développement.»
Par la suite, en 1922, l’ancien président Arturo Alessandri, exerçant alors les fonctions de chef de
l’Etat, affirmait, dans une allocution prononcée devant le Congrès national, que
«dans un climat de fraternité et d’harmonie, la conviction s’impose en Bolivie qu’il
existe dans notre pays une volonté cordiale de rechercher des solutions pouvant
satisfaire ses aspirations dans la mesure du possible, tout en tenant compte de nos
droits».
Un an plus tard, M. Luis Izquierdo, ministre des affaires étrangères du Chili, déclarait
officiellement au plénipotentiaire bolivien que notre Gouvernement était
«toujours animé de l’intention d’examiner, dans un total esprit de conciliation et
d’équité, les propositions que le Gouvernement bolivien souhaiterait lui soumettre,
afin de conclure un nouveau pacte tenant compte de la situation de la Bolivie, sans
pour autant modifier le traité de paix et interrompre la continuité du territoire chilien».
Quelques années plus tard, M. Jorge Matte Gormaz, autre homme d’Etat chilien éminent, qui
occupait alors les fonctions de ministre des affaires étrangères, déclarait au Gouvernement des
Etats-Unis que le Gouvernement du Chili n’avait pas rejeté «l’idée de céder une bande de territoire
et un port à la nation bolivienne».
Dans la logique de cette politique qui est la nôtre depuis plus de trente ans, j’ai accueilli avec
bienveillance et compréhension, inspiré des plus sincères sentiments américanistes, les démarches
entreprises auprès de mon gouvernement, dès qu’elles ont commencé. Elles furent d’abord menées
par l’ancien ministre des affaires étrangères Aniceto Solares, qui présidait la délégation de son pays
lors des cérémonies d’investiture présidentielle de novembre 1946, puis par l’ambassadeur
Ostria Gutiérrez, suivi de l’ancien président de Bolivie, M. Enrique Hertzog. Les réflexions et les
échanges de vues ont dès le départ été fondés sur le principe, clairement établi par moi-même, du
caractère irrévocable de la décision du Chili d’exclure le port d’Arica de toute solution du dossier.
Ces discussions ont débouché en juin dernier sur un échange de notes entre l’ambassadeur bolivien
- 3 -
et le ministre chilien des affaires étrangères, dont le texte, qui a été communiqué à la presse, est
largement connu dans l’ensemble de la République. Soulignant les sentiments américanistes qui
nous inspirent, ainsi que la profonde affection que nous éprouvons envers le peuple bolivien et la
loyauté dont nous sommes redevables à son Gouvernement démocratique, nous avons indiqué
publiquement dans notre réponse que le Chili était disposé à entamer officiellement des
négociations directes, en vue de trouver une formule qui pourrait permettre à la Bolivie de se voir
accorder son propre accès à l’océan Pacifique. Comme on pourra aisément le comprendre, ceci
constitue un premier pas sur une voie qu’il conviendra d’explorer avec circonspection avant de
pouvoir s’y engager en toute sécurité. Il s’agit du seul élément concret de ce dossier.
Chaque fois que la Bolivie a réitéré son voeu d’obtenir un accès à la mer, s’est naturellement
posée la question des compensations qu’elle pourrait nous offrir si un accord était trouvé sur ce
point avec le Chili et le Pérou, pays avec lequel il serait nécessaire de mener des pourparlers en
temps utile, en application des dispositions du traité de 1929. Parmi les idées et les suggestions
formulées à cet égard, il a été fait mention de l’utilisation des eaux provenant de l’Altiplano afin de
produire une très grande quantité d’énergie hydroélectrique à des fins industrielles et d’amener à la
surface les eaux souterraines de régions actuellement stériles, comme la pampa de Tamarugal. On
peut affirmer que, depuis le début du siècle, l’idée d’utiliser le débit des lacs Titicaca, Poopó et
Coipasa et du fleuve Desaguadero à des fins agricoles et industrielles a fasciné les techniciens
renommés de divers pays.
C’est ainsi que le prestigieux ingénieur Luis Lagarrigue a réalisé des études sur cette
question en Bolivie, que la société Mauricio Hochschild dispose de trois rapports complets établis
par les autorités compétentes sur ce sujet et que, déjà avant la dernière guerre, la société allemande
de renommée mondiale Siemens-Schuckert a réalisé une étude complète portant sur l’installation
d’une centrale hydroélectrique gigantesque, destinée à produire de l’énergie grâce au débit naturel
des eaux, pour permettre l’irrigation artificielle et augmenter l’utilisation de l’électricité par
l’industrie en Bolivie et dans le nord du Chili, en fournissant à la province de Tarapaca une quantité
remarquable d’électricité.
Je connais personnellement nos provinces du nord. J’ai vu de mes yeux la rude existence que
mènent les travailleurs de la Pampa, j’admire leur esprit héroïque et industrieux, et j’ai toujours
rêvé qu’un jour il serait possible de transformer radicalement leurs vies, en introduisant de
nouveaux paramètres pour les rendre moins dures, plus confortables, plus humaines. Compte tenu
des progrès technologiques accomplis dans la construction de centrales hydroélectriques au Chili et
aux Etats-Unis, je suis convaincu qu’il sera possible d’amener l’énergie électrique dans notre pays
à faible coût et d’exploiter ainsi toutes les eaux souterraines des provinces du nord, qui pourraient
un jour se transformer en Californie moderne.
Je sais que les eaux de l’Altiplano n’attendent que le déclic qui les rendra fécondes et fera
surgir la richesse et l’abondance dans ce qui n’est actuellement qu’un désert stérile. Une nouvelle
ère de prospérité s’annonce non seulement pour le Chili, mais aussi pour la Bolivie et le Pérou.
S’agissant du Chili, l’exploitation de l’énergie hydroélectrique des lacs de l’Altiplano nous donne
non seulement la possibilité d’irriguer les terres arides des rudes régions du nord, de fournir une
énergie abondante pour l’exploitation du cuivre et du salpêtre, en réduisant les coûts de production,
mais constitue également un socle essentiel pour la création d’une industrie chimique lourde en
attente d’une énergie bon marché et abondante pour développer le processus technique de
transformation des dépôts de salpêtre et de leurs sous-produits.
Il n’est pas hasardeux d’affirmer que, si la coopération financière des Etats-Unis nous permet
de mener à bien une entreprise de cette ampleur, les historiens du futur la salueront comme l’une
des initiatives les plus ambitieuses de la vie de notre nation et comme la preuve de l’existence d’un
esprit de solidarité sincère et dynamique au sein du peuple et du Gouvernement du Chili. Toutefois,
la mise en oeuvre d’un projet d’une telle envergure, capable de révolutionner complètement la
- 4 -
production agricole et industrielle du Chili, de la Bolivie et du Pérou, doit encore faire l’objet d’une
évaluation portant sur une dimension fondamentale : son financement.
Ce n’est un mystère pour personne qu’aucun de ces trois pays ne dispose des capitaux
nécessaires. Seule la puissance financière des Etats-Unis, associée à son énorme potentiel industriel
et à sa volonté, clairement exprimée en maintes occasions, d’aider les nations d’Amérique latine à
mieux valoriser leurs ressources naturelles, permettra la réalisation d’une entreprise aussi
ambitieuse. C’est la raison pour laquelle je suis reconnaissant au président Truman d’avoir,
lorsqu’il a évoqué les travaux réalisés grâce à la coopération entre les Etats-Unis et d’autres Etats
américains, et réfléchi à ceux qui pourraient être inclus dans le cadre de son vaste plan de solidarité
économique, fait expressément référence à notre projet, qui entre ainsi dans une phase où il sera
possible de surmonter le seul obstacle sérieux ayant empêché sa concrétisation. Enfin, je souhaite
dire à mes compatriotes avec la plus grande franchise que j’estime absurde de considérer la
déclaration du président Truman comme une ingérence dans notre politique internationale.
Les faits que je viens d’exposer et le texte de l’allocution du chef d’Etat américain montrent
clairement que ce dernier a évoqué avec enthousiasme une suggestion du président chilien, la
présentant comme un exemple de coopération interaméricaine et l’incluant spontanément dans les
possibilités qui, pour reprendre ses mots, «deviendront réalité au prix d’une collaboration et d’une
planification communes de longue haleine» et pour la réussite desquelles les Etats-Unis sont
déterminés à faire tout ce qui est en leur pouvoir, en dépit des restrictions que leur programme de
défense pourrait leur imposer. Pour autant, le fait que le président Truman ait choisi la conférence
ministérielle pour, dans un élan de sa noble et généreuse nature, donner un parfait exemple des
réalisations et des retombées positives de la coopération interaméricaine, ne signifie aucunement
que le problème de l’enclavement de la Bolivie aurait pu être abordé à cette occasion. Les ministres
des affaires étrangères du continent se rencontraient dans le but exclusif d’examiner les questions
figurant à un ordre du jour convenu d’avance, dont l’intérêt, pour tous les pays de l’hémisphère,
découle de l’état d’urgence auquel sont confrontées les démocraties libres occidentales. La volonté
de la Bolivie de disposer d’un débouché sur le Pacifique est une question qui peut uniquement être
abordée dans le cadre de discussions directes entre le Chili, la Bolivie et le Pérou, en application du
traité de 1929. Telle a toujours été la doctrine du ministère chilien des affaires étrangères et c’est
également la position du Gouvernement et du président de la République actuels.
J’estime parfaitement naturel de laisser une large place au droit à la critique dans un dossier
d’une telle importance. Je respecte ce droit civique, particulièrement chez les partis d’opposition à
mon gouvernement. Je dois toutefois mettre en garde sur le fait que mes attributions
constitutionnelles font clairement apparaître une limite à ce droit, dans l’intérêt de la nation. De
fait, la Constitution politique de l’Etat, en définissant les fonctions et les attributions du président
de la République dans le domaine des affaires étrangères, indique que, je cite :
«le développement de relations politiques avec les puissances étrangères, la conduite
de négociations, l’élaboration d’accords préliminaires, la conclusion et la signature de
tous traités de paix, d’alliance, d’armistice, de neutralité, de commerce, de concordats
et d’autres conventions relèvent des attributions spéciales du président de la
République. Avant leur ratification, les traités doivent être soumis à l’approbation du
Congrès. Les discussions et les délibérations y afférentes restent confidentielles si le
président l’exige.»
Si j’ai cité le texte de la Constitution politique applicable en l’espèce, c’est dans le seul but
de corriger une grave idée fausse qui tend malheureusement à se répandre. Elle consiste à croire
que le président de la République est tenu de consulter le Congrès national avant d’adopter les
initiatives de cette nature ou pendant leur mise en oeuvre. Or, comme on peut le constater, le texte
de la Constitution prévoit exactement le contraire. Toutefois, je n’exige, ne demande ou ne suggère
pas que le silence ou le secret soit gardé sur les aspects fondamentaux de cette question. Je
demande simplement qu’on n’y mêle ni les élans de la passion, ni les manoeuvres politiciennes. Je
- 5 -
rappelle à ce titre ce qui est connu de tous : chaque fois que l’intérêt général et immuable de la
nation a été en jeu, je n’ai jamais reculé face aux difficultés, quelle qu’en soit la gravité, pas plus
que je n’ai hésité devant aucun sacrifice. C’est tout naturellement que je me suis conformé à ces
règles de conduite au moment de protéger nos droits sur la région antarctique. L’attitude que j’ai
adoptée alors, tout comme celle qui est la mienne aujourd’hui, sont caractérisées par la même
détermination ferme et réfléchie, inspirée par le désir de renforcer la position internationale du
Chili, de garantir le plein exercice de ses droits et d’obtenir le respect et la considération de toutes
les nations. Je demande à mes compatriotes de me faire confiance, car il en va de l’intérêt du pays.
J’assume l’entière responsabilité, tant du point de vue juridique que constitutionnel, de la
démarche dont je viens d’expliquer les fondements historiques. J’ai la conviction profonde qu’elle
débouchera sur des résultats des plus avantageux pour nous. Ce qui relevait hier encore d’une
simple réflexion autour d’une idée dépassant totalement nos possibilités économiques et financières
vient de se transformer en espérance. Voilà la vertu essentielle de la déclaration spontanée du
président des Etats-Unis. L’américanisme sincère du Chili, son esprit fraternel, la droiture de son
comportement international rayonnent une fois encore. Je crois avoir suffisamment de motifs d’être
fier de ces premiers effets de mon initiative. Je suis en outre absolument certain que, quels que
soient les résultats, le prestige du Chili restera considérable et que ses droits inaliénables ne seront
en rien amoindris. J’en réponds à mon pays avec l’assurance de ma parole de dirigeant.
Santiago, le 29 mars 1951.
___________
- 6 -
ANNEXE 279
COMMUNIQUÉ DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA BOLIVIE RELATIF
À LA DÉCLARATION DU PRÉSIDENT DU CHILI, 30 MARS 1951
Ministère bolivien des affaires étrangères, bulletin d’information,
nº 22 (janvier-juin 1951), p. 24 et 25
Le ministère des affaires étrangères, s’exprimant au sujet des déclarations faites à la radio
par le président du Chili, M. Gabriel González Videla, dans lesquelles celui-ci a commenté le
problème portuaire auquel il était fait allusion dans le discours du président des Etats-Unis,
M. Harry Truman, fait savoir que :
Il se félicite de l’attitude cordiale du chef d’Etat chilien et de sa décision d’examiner le
problème portuaire de la Bolivie, dont le président a une nouvelle fois reconnu qu’il fallait y
apporter une solution.
1) Il prend acte du fait que le projet d’utilisation des lacs boliviens, présenté au président des
Etats-Unis par le président du Chili, n’a pas encore été officiellement proposé au Gouvernement
bolivien, qui, en conséquence, n’a pas eu l’occasion d’y répondre favorablement ou
défavorablement.
2) Concernant l’idée que soit cédée une zone située au nord d’Arica, le ministère des affaires
étrangères précise que celle-ci n’a abouti à aucun résultat ni, a fortiori, à un accord, et
3) Le seul point d’accord à ce jour entre la Bolivie et le Chili est consigné dans les notes
échangées à Santiago entre l’ambassadeur bolivien, M. Alberto Ostria Gutiérrez, et le ministre
des affaires étrangères du Chili, M. Horacio Walker Larraín, les 1er et 20 juin 1950, telles que
publiées le 31 août dernier, dans lesquelles notre pays propose que les Gouvernements de la
Bolivie et du Chili «entament officiellement des négociations directes en vue de satisfaire au
besoin vital que représente pour la Bolivie un accès souverain à l’océan Pacifique, et de
résoudre ainsi le problème de l’enclavement de ce pays» et le Chili accepte d’«entamer
officiellement des négociations directes en vue de trouver la formule qui permettrait à la Bolivie
de se voir accorder un accès souverain à l’océan Pacifique, et au Chili d’obtenir des
compensations de nature non territoriale tenant pleinement compte de ses intérêts.
La Paz, le 30 mars 1951.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
___________
- 7 -
ANNEXE 280
RAPPORT DU PRÉSIDENT DU CHILI, S. EXC. M. GABRIEL GONZÁLEZ VIDELA,
AU CONGRÈS NATIONAL INAUGURANT LA PÉRIODE DES SESSIONS
ORDINAIRES, 21 MAI 1951, P. 56 [EXTRAIT]
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Relations avec la Bolivie  Durant de nombreuses années, et à chaque fois qu’elle l’a jugé
opportun, la Bolivie a fait part de son aspiration à obtenir un débouché sur le Pacifique et,
invariablement, le Chili a répondu que, sans modifier notre principe inviolable en matière de
respect des traités, il était disposé à écouter toute proposition concrète de la Bolivie, pour autant
qu’elle soit formulée de manière directe.
En accord avec cette ligne de conduite et animé d’un esprit panaméricain, mon
gouvernement a répondu, dans la note du 20 juillet 1950, à la communication en date du 1er de ce
mois faite au nom de son pays par l’ambassadeur de Bolivie au Chili, S. Exc. M. Alberto Ostria
Gutiérrez, déclarant qu’il était «disposé à entamer officiellement des négociations directes en vue
de trouver la formule qui permettra d’assurer à la Bolivie un accès souverain à l’océan Pacifique
qui lui soit propre, et au Chili d’obtenir des compensations de nature non territoriale tenant
pleinement compte de ses intérêts».
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ANNEXE 281
A. OSTRIA GUTIÉRREZ, UNE OEUVRE ET UNE DESTINÉE, LA POLITIQUE INTERNATIONALE
DE LA BOLIVIE APRÈS LA GUERRE DU CHACO, 1953, P. 65-67
[EXTRAIT]
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C’est ainsi que la chose fut comprise par le ministre bolivien des affaires étrangères, qui, à la
veille de la conférence régionale des pays de la Plata (en janvier 1941), invita son homologue
chilien à se rendre à La Paz pour un échange de vues sur la situation internationale.
Cette attitude franche et cordiale fut très bien reçue par le Gouvernement chilien et c’est
ainsi que, pour la première fois dans l’histoire des relations entre les deux peuples, le ministre
chilien des affaires étrangères se rendit en visite officielle en Bolivie, dans le cadre d’une mission
placée sous le signe d’une réelle bonne volonté et d’un rapprochement sincère.
A cette occasion, MM. Alberto Ostria Gutiérrez et Manuel Bianchi, ministres des affaires
étrangères de la Bolivie et du Chili, signèrent (parallèlement à deux accords relatifs à l’échange
d’enseignants et d’étudiants des deux pays et à la constitution d’une commission mixte «chargée de
soumettre à l’examen des deux Gouvernements de nouveaux projets d’accords visant à régulariser
leurs relations économiques») d’importantes déclarations réciproques ayant trait à la non-agression
et à la non-reconnaissance des annexions territoriales par la force. Ces documents se lisent comme
suit :
«La Paz, le 16 janvier 1941
Monsieur le ministre,
Afin de consolider les relations cordiales existant entre nos deux pays et de
donner plein effet aux conventions en vigueur, j’ai l’honneur de confirmer que votre
Excellence et moi-même adhérons pleinement aux deux déclarations suivantes.
1) Les Gouvernements de la Bolivie et du Chili réaffirment solennellement qu’ils
condamnent les guerres d’agression dans leurs relations mutuelles comme dans
leurs relations avec l’ensemble des autres Etats, et que tout différend ou conflit
pouvant surgir entre eux ne saurait être réglé que par le biais de procédures
pacifiques établies par les accords internationaux dont ils sont tous deux des
parties contractantes.
2) Ils réaffirment également leur accord total sur le principe de la non-reconnaissance
de l’annexion de territoires par la force tel qu’énoncé dans la déclaration des Etats
américains du 3 août 1932, dans le pacte contre la guerre signé à Rio de Janeiro le
10 octobre 1933 et dans la résolution XXVI de la huitième conférence
internationale des Etats américains, dans les termes où ces accords ont été signés.
3) Ils confirment également leur adhésion aux dispositions de l’article 8 de la
convention concernant les droits et les devoirs des Etats, signée à Montevideo le
26 décembre 1933, qui dispose qu’aucun Etat n’a le droit d'intervenir dans les
affaires internes ou externes d'un autre.»
Le consensus relatif à la non-agression permit de garantir la sécurité exigée par le peuple
bolivien à la frontière avec le Chili, comme cela avait été le cas avec le Pérou.
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Ainsi se trouvaient établies les relations entre la Bolivie et le Chili. Or, il restait, et il reste
toujours en vérité, un problème fondamental à régler : celui de la réintégration maritime de la
Bolivie.
Aussi s’attendait-on à ce que le ministre bolivien des affaires étrangères, obéissant à un
devoir patriotique élémentaire, propose une solution à ce problème au cours de ses échanges avec
son homologue chilien. Et il le fit de façon claire et franche.
Compréhensif, le ministre chilien des affaires étrangères ne rejeta pas la proposition
bolivienne d’entamer des négociations directes entre les deux pays, mais fit observer qu’il
convenait d’instaurer au préalable un climat adapté afin de parvenir à un accord reposant sur
l’acceptation entière des deux peuples[25] :
«Comment peut-on envisager de parvenir à un arrangement répondant au voeu de la Bolivie,
si ce voeu s’exprime sur le ton de l’agression, certains représentants de la presse bolivienne se
laissant aller aux pires excès ?»
Le ministre bolivien des affaires étrangères, bien que reconnaissant la justesse de cette
observation, maintint sa position en soulignant que la solution au problème portuaire de la Bolivie
constituait une étape essentielle pour parvenir à un accord complet et définitif avec le Chili.
Sur le plan juridique, l’enclavement de la Bolivie avait été scellé par la signature du traité de
paix de 1904, qui avait légalisé la prise de possession du littoral bolivien après la défaite de ce pays
au cours de la guerre du Pacifique (1879). Or, une aspiration subsistait au sein du peuple bolivien
qui ne pouvait et ne voulait se résigner à vivre sans communication maritime directe avec le
monde. Cette aspiration allait au-delà du territoire cédé au titre du traité de 1904 et ne disparaîtrait
ni avec ce dernier, ni avec aucun autre traité.
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ANNEXE 282
RAPPORT EN DATE DU 31 DÉCEMBRE 1953, INTITULÉ «DÉCLARATION RELATIVE À LA
QUESTION DU PORT», ADRESSÉ À M. WALTER GUEVARA ARZE, MINISTRE BOLIVIEN
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, PAR M. JORGE ESCOBARI CUSICANQUI,
ENVOYÉ SPÉCIAL DE LA BOLIVIE AU CHILI
Archives du ministère bolivien des affaires étrangères
DÉCLARATION RELATIVE AU PROBLÈME PORTUAIRE
A l’attention de M. Wálter Guevara Arze,
Ministre des affaires étrangères et du culte
Remis en mains propres
Monsieur le ministre,
Je confirme, par la présente, l’information que j’ai eu l’occasion de transmettre oralement à
son Exc. M. le président de la République, à vous-même, monsieur le Ministre, au ministre des
affaires étrangères par intérim, M. Federico Fortún, au vice-secrétaire aux affaires étrangères,
M. Germán Quiroga Galdo, à l’ambassadeur de Bolivie au Chili, M. Fernando Iturralde Chinel, et
au vice-secrétaire aux affaires étrangères par intérim, M. Alvaro Pérez del Castillo, s’agissant de la
mission qui m’a été confiée à Santiago dans le cadre du souhait manifesté par notre gouvernement
de s’enquérir de la possibilité que, à l’occasion de la réunion prévue dans cette même capitale entre
les présidents de la Bolivie et du Chili, puisse être signée une déclaration incluant, outre les
questions ayant trait à la relation économique entre les deux pays, un paragraphe sur le problème
portuaire bolivien.
A mon arrivée à Santiago (le 8 novembre dernier), suite à la demande adressée par notre
ambassade en vue d’obtenir une entrevue avec le président de la République, le général
Carlos Ibáñez del Campo, et avec le ministre des affaires étrangères, M. Oscar Fenner Marín, j’ai
été reçu le mardi 10 novembre par le ministre en sa résidence privée. Je me suis rendu à l’entrevue
en compagnie du chargé d’affaires par intérim, M. Luis Alberto Alipaz.
J’ai informé le ministre des affaires étrangères du Chili que, comme annoncé par le ministère
bolivien des affaires étrangères à l’ambassadeur du Chili, M. Luis Rau Bravo, le 5 novembre
dernier, l’objet de ma visite était de lui remettre en personne un projet de déclaration en vue de sa
signature lors de la réunion présidentielle susmentionnée. En remettant à M. Fenner le document en
question, j’ai précisé que, le Gouvernement de la Bolivie ayant été informé du souhait du
président Ibáñez de conclure un acte ou une déclaration avec le président Paz Estenssoro, il avait
exprimé par avance sa satisfaction à l’ambassadeur du Chili à La Paz dans une note datée du
5 novembre. J’ai ajouté que le texte qui m’avait été confié entendait retranscrire ce souhait de
même que l’esprit de cordiale amitié qui a encouragé les deux présidents à resserrer les liens
fraternels que nos pays cultivent en bonne intelligence.
J’ai fait savoir au ministre chilien des affaires étrangères chilien que ledit projet de
déclaration faisait état de questions dont l’examen bienveillant par les deux gouvernements ne
pourrait que contribuer à l’amitié bolivo-chilienne. J’ai fait référence au champ d’application d’une
convention de rapprochement économique et d’échanges commerciaux qui, d’après ledit document,
serait préalablement mise à l’étude par la commission mixte chargée de poser les fondements
nécessaires à la conclusion de l’instrument international susvisé. J’ai souligné l’opportunité de
charger la commission mixte d’examiner les aspects suivants : régime douanier adéquat pour les
deux pays, facilités de paiement pour les marchandises et produits, dispositions relatives au
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contrôle opéré par la police aux frontières en vue de la répression de la contrebande, questions
ferroviaires (régime tarifaire, administration et exploitation de la ligne de chemin de fer reliant
Arica à La Paz), problèmes touchant au réseau routier et à la navigation aérienne, et diverses
possibilités d’échanges de produits, parmi lesquelles l’approvisionnement en hydrocarbures et la
fourniture de viande bolivienne aux centres ouvriers du nord du Chili.
J’ai par ailleurs indiqué que le projet de déclaration susmentionné contenait, outre la section
sur le rapprochement économique et les échanges commerciaux entre les deux pays, un paragraphe
dans lequel la Bolivie et le Chili réaffirment leur intention de trouver une solution, par la voie de
négociations directes et sur des bases tenant compte des intérêts des deux républiques, à la question
de l’accès souverain de la Bolivie à l’océan Pacifique.
J’ai précisé à M. Fenner que l’inclusion de ce paragraphe dans la déclaration trouvait une
résonance dans le propos général qu’elle renferme, étant dans l’intérêt des deux gouvernements
d’accorder une attention respectueuse aux questions revêtant une importance fondamentale pour les
liens d’amitié cordiale qu’entretiennent les deux républiques. J’ai ajouté qu’aux termes de cette
section, il ne serait aucunement fait obligation aux parties de régler séance tenante le problème
portuaire bolivien, le texte se limitant à rappeler l’engagement pris par la Bolivie et le Chili dans
les notes échangées à Santiago le 1er juin 1950 et le 20 juin 1950, en vertu desquelles les deux pays
sont convenus au cours de la même année d’entamer des négociations directes en vue de trouver la
formule qui permettrait à la Bolivie de se voir accorder un accès souverain à l’océan Pacifique.
J’ai insisté sur le fait que le Gouvernement du Chili, en signant cette déclaration, traduirait
dans les faits la politique qu’il a définie en décembre 1944 concernant le voeu de la Bolivie de
disposer d’un accès à la mer ; au cours de cette même année, le président du Chili a spontanément
fait savoir à l’ambassade de Bolivie à Santiago que son gouvernement était «disposé à envisager
toute forme de négociation directe tendant à la résolution du problème portuaire». Cette politique,
qui s’est exprimée avec éloquence le 4 décembre 1926  quand le Chili a, en réponse à la
proposition Kellogg, affirmé l’ambition qui était la sienne d’«aider à la satisfaction des aspirations
boliviennes» , a été officialisée en novembre 1946 à l’occasion de la visite du ministre bolivien
des affaires étrangères à Santiago ; en avril et juillet 1947 quand le chef d’Etat chilien a manifesté
sa ferme intention de «faciliter progressivement l’accès de la Bolivie à l’océan Pacifique» ; dans les
notes échangées entre l’ambassade de Bolivie à Santiago et le ministère des affaires étrangères du
Chili les 1er et 20 juin 1950 ; ainsi que dans le discours prononcé par le président du Chili le
29 mars 1951.
J’ai dit que le Mouvement nationaliste révolutionnaire, profondément attaché à consolider
les acquis et les enjeux de la Révolution nationale, parmi lesquels la nationalisation des mines, la
réforme agraire et la réforme éducative, et actuellement déterminé à étudier et à mettre en oeuvre
les importants programmes internes de diversification économique et de structuration du régime
politique et social de la République, ne se proposait pas de régler le problème portuaire de la
Bolivie dans l’immédiat. Cependant, la perspective de la réunion entre les présidents de la Bolivie
et du Chili rend inévitable, pour des motifs internes et internationaux procédant de la tradition
historique et diplomatique de la Bolivie, que soit signée à cette occasion une déclaration commune
relative à la revendication maritime de la Bolivie.
Si pareille déclaration n’était pas signée, ai-je ajouté, cela risquerait de susciter en Bolivie
une réaction négative à l’égard du Chili et de la rencontre entre les deux présidents, d’autant que la
question portuaire suscite l’unanimité du peuple bolivien. J’ai souligné qu’une telle réaction
défavorable nuirait aux relations cordiales que les deux gouvernements s’efforcent de renforcer et
pourrait ainsi faire naître  ce qui serait regrettable  une certaine animadversion contre la
politique de rapprochement avec le Chili.
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J’ai informé le ministre des affaires étrangères du Chili que, dans une note adressée à
l’ambassadeur Rau Bravo en date du 5 novembre, le ministre des affaires étrangères par intérim de
la Bolivie, M. Fortún, avait confirmé la teneur de la conversation qu’il avait eue à cette date avec
ce représentant diplomatique au sujet des questions susvisées, prenant acte de l’esprit d’entente et
de justice qui animait le chef de la mission chilienne quand il a évoqué lesdites questions. J’ai
ajouté que, dans cette note, le ministre des affaires étrangères par intérim avait souligné que les
idées qu’il avait formulées à cette occasion s’accordaient harmonieusement et traduisaient
fidèlement les idées exprimées par l’ambassadeur du Chili à La Paz, le président de la République
et le ministre des affaires étrangères Guevara Arze.
Enfin, j’ai indiqué que le Chili avait montré avec éloquence qu’il accueillait et comprenait
les acquis et enjeux de la Révolution nationale bolivienne, et que le Gouvernement bolivien était
certain que le Gouvernement chilien apprécierait comme il se doit les motifs légitimes justifiant la
proposition d’inclusion de la section afférente au port dans le projet de déclaration susmentionné et
qu’il attendait à ce sujet une réponse consacrant cet esprit de loyale et solide amitié.
Le ministre des affaires étrangères du Chili, M. Oscar Fenner, a écouté avec grand intérêt
mon exposé. En réponse, il m’a fait part de la grande satisfaction avec laquelle il avait pris note du
souhait sincère du Gouvernement bolivien de parvenir, au côté du Gouvernement chilien, à une
solution positive, que ce dernier a lui-même appelée de tous ses voeux, témoignant du même souci
d’amitié cordiale à l’égard de notre pays. Il a ajouté que, conformément à cette politique de
rapprochement prometteuse, le Gouvernement du général Ibáñez accorderait une attention
bienveillante à l’examen des points pour lesquels une solution immédiate et effective pouvait être
trouvée, tels que les questions touchant aux relations économiques et commerciales entre les deux
républiques. En ce sens, a-t-il ajouté, le ministère des affaires étrangères du Chili étudiera avec le
plus grand intérêt le projet de déclaration que j’ai remis entre ses mains, en particulier les questions
qui pourraient être renvoyées devant la commission mixte chargée de jeter les bases de ces
échanges économiques.
«Concernant la possibilité de mentionner la revendication maritime de la Bolivie au cours de
la rencontre présidentielle, a-t-il indiqué, je me dois de vous informer que je me suis entretenu avec
le président Ibáñez, à qui j’ai fait savoir que j’étais d’avis qu’il serait inopportun de faire référence
à cette question à cette occasion.» Il a ajouté que le général Ibáñez partageait ce sentiment, compte
tenu du climat hostile à l’évocation du problème bolivien prévalant dans le paysage politique
interne du Chili. La mention du problème bolivien pourrait susciter de vives critiques à l’égard du
gouvernement parmi les groupes de l’opposition, déterminés à mettre en difficulté le régime de
M. Ibáñez. Le ministre a affirmé qu’au cours des négociations directes engagées entre le ministre
des affaires étrangères, M. Horacio Walker, et l’ambassadeur de Bolivie, M. Ostria Gutiérrez, les
réactions suscitées au Chili avaient déjà été défavorables aux ententes susmentionnées, ces
dernières ayant été révélées de manière inopportune. Il a précisé que son gouvernement était
sincèrement disposé à contribuer à la recherche d’une solution au problème bolivien, mais que,
pour répondre au souhait concerté des deux pays d’examiner les bases d’un dispositif, des
négociations strictement confidentielles pourraient être amorcées, négociations qui, a-t-il insisté, ne
devraient en aucune manière être divulguées tant que les deux gouvernements n’auraient pas décidé
que c’était utile et opportun. Au préalable, a-t-il ajouté, il serait nécessaire de bénéficier d’un
contexte harmonieux dans les deux pays ; évoquant en particulier l’opinion publique chilienne, il a
indiqué qu’il «fallait la préparer en amont, afin qu’elle contribue spontanément à un climat propice
à une solution satisfaisante». Enfin, il a déclaré qu’il consulterait le président Ibáñez au sujet de la
réponse définitive à donner, se proposant de me tenir informé dans les plus brefs délais.
Le même jour, le mardi 10 novembre, par l’intermédiaire de l’ambassade à Santiago, j’ai
adressé à notre ministère des affaires étrangères le câblogramme confidentiel suivant :
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«236.  Mi.  235.  Protocole a accordé audience aujourd’hui mardi à
19 h 30. Escobari transmet les points suivants. Accompagné du chargé d’affaires, je
me suis rendu à l’entrevue organisée dans la résidence privée du ministre des affaires
étrangères du Chili, à qui j’ai expliqué les arguments que le ministère m’avait donné
instruction de présenter et remis le projet de déclaration. Le ministre des affaires
étrangères du Chili se dit défavorable à l’inclusion de la revendication maritime
bolivienne dans la déclaration. Il a indiqué que le président Ibáñez était du même avis,
et juge inopportun de mentionner la question portuaire au cours de la rencontre
présidentielle, compte tenu des critiques que cela pourrait susciter à l’égard de son
gouvernement au sein des groupes de l’opposition. Il a fait savoir qu’une réaction tout
aussi défavorable avait été suscitée au Chili par les négociations directes menées entre
le ministre des affaires étrangères, Horacio Walker, et Alberto Ostria Gutiérrez. Il a
ajouté que, dans un souci de rapprochement des intérêts des deux gouvernements par
rapport au problème posé, des négociations strictement confidentielles pourraient être
amorcées, négociations qui ne devraient en aucun cas être divulguées. Evoquant en
particulier l’opinion publique chilienne, il a indiqué qu’il «fallait la préparer en amont,
afin qu’elle contribue spontanément à un climat propice à une solution satisfaisante».
Il a déclaré qu’il consulterait le président Ibáñez au sujet de la réponse définitive à
donner, se proposant de me tenir informé dans les plus brefs délais. L’ambassade a
demandé que me reçoive le président Ibáñez. Escobari. Alipaz.»
Trois jours plus tard, le vendredi 13 novembre, j’ai été convoqué au cabinet du ministre des
affaires étrangères du Chili. Je m’y suis rendu en compagnie du chargé d’affaires par intérim,
M. Luis Alberto Alipaz.
Au cours de cette seconde rencontre, le ministre des affaires étrangères Oscar Fenner Marín
m’a fait savoir qu’après s’être entretenu avec le général Ibáñez, sur instruction expresse du
président chilien, il lui fallait réitérer les vues qu’il m’avait communiquées précédemment, à savoir
que son gouvernement jugeait inopportun qu’une déclaration sur la revendication maritime
bolivienne soit adoptée au cours de la rencontre entre les présidents des deux pays.
Il m’a alors remis un projet de déclaration, établi à partir de notre version, dans lequel, par
certains changements apportés à celle-ci, n’apparaissaient plus que les questions touchant aux liens
économiques et commerciaux entre les deux républiques. Le ministre a précisé que son
gouvernement avait l’ambition générale de contribuer au règlement de la question portuaire
bolivienne, mais qu’au vu de certaines difficultés temporaires survenues dans les relations chilopéruviennes
et de la vive opposition observée au sein du Congrès à l’égard du régime du général
Ibáñez, cette question ne pouvait être soulevée sans courir le risque d’éveiller des suspicions au
Pérou et d’exacerber les critiques à l’endroit de son gouvernement. Il a ajouté qu’en tout état de
cause, il ne fallait nullement voir dans sa réponse un geste d’indifférence à l’égard de la
revendication maritime bolivienne, ou une «marche arrière» du Gouvernement chilien dans les
négociations relatives au port, mais qu’il avait bon espoir qu’une fois ce climat hostile apaisé, la
Bolivie et le Chili pourraient reprendre ces négociations afin de donner suite à la demande
bolivienne. A cette occasion, a-t-il précisé, la participation du Pérou sera indispensable à
l’obtention d’un règlement tripartite.
Dans l’immédiat, le ministre des affaires étrangères chilien, ayant relayé notre souhait d’être
reçu par le président Carlos Ibáñez del Campo, a donné instruction au service du protocole
d’organiser cette audience. Quelques minutes plus tard, le président chilien nous a reçus au Palacio
de la Moneda.
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Après avoir transmis au général Ibáñez les salutations du président Víctor Paz Estenssoro, je
lui ai expliqué les raisons de ma venue à Santiago et j’ai refait l’exposé que j’avais présenté au
ministre des affaires étrangères, M. Fenner. J’ai ajouté que la Bolivie était sincèrement touchée par
les marques éloquentes d’amitié qu’il avait témoignées à notre pays, notamment à travers les
mesures prises par son gouvernement quand les compagnies minières nationalisées ont tenté
d’entraver le libre transit des minéraux boliviens à travers le territoire chilien.
Le président Ibáñez a exprimé avec enthousiasme sa gratitude au président Paz Estenssoro,
ainsi que l’admiration et la sympathie que lui inspiraient les acquis et les enjeux de la Révolution
nationale bolivienne, laquelle, a-t-il indiqué, bénéficiait d’un accueil très favorable et d’une
compréhension pleine et entière auprès du Gouvernement et du peuple chiliens. Il a ensuite
confirmé en termes généraux les propos du ministre Fenner concernant l’inopportunité de
mentionner le problème portuaire de la Bolivie au cours de la rencontre présidentielle à venir.
«C’est une question», a-t-il déclaré, «qui inquiète aussi le Gouvernement du Chili, lequel est
disposé à l’examiner avec toute l’attention requise en temps opportun.», ajoutant que, pour
résoudre ce problème, la coopération d’organisations internationales, telles que l’Organisation des
Nations Unies et l’Organisation des Etats américains, devait être prise en compte, et que les pays
voisins de la Bolivie pourraient plus particulièrement prendre part à un règlement de portée
continentale.
Je tiens ici à signaler que la proposition du président chilien de porter le problème portuaire
bolivien à l’attention d’organisations internationales et d’autres Etats s’écarte de la politique menée
par le Chili appelant à une entente directe entre les gouvernements des deux pays. Lorsque le
général Ibáñez a évoqué les solutions susmentionnées, il l’a fait de manière manifestement
décousue, affecté par d’évidents troubles mentaux, comme en témoigne le fait qu’il ne se rappelait
plus les noms des institutions internationales qu’il souhaitait mentionner, puis les a citées au prix de
lourds efforts, non sans avoir d’abord utilisé les appellations qui étaient les leurs avant la dernière
guerre mondiale. A cet égard, j’ai été informé à Santiago que l’une des raisons du discrédit du
régime Ibáñez tenait au fait que le chef d’Etat chilien avait commis d’innombrables méprises
imputées à son âge avancé, telles que le fait de convoquer à la présidence, en leur qualité de
ministres, des personnes qui n’étaient plus en fonction.
S’agissant de la deuxième rencontre avec le ministre des affaires étrangères chilien et de
l’entrevue que m’a accordée le président Ibáñez, j’ai pu adresser à notre ministère des affaires
étrangères, le jour même de la rencontre, le 13 novembre, par l’intermédiaire de l’ambassade, le
câblogramme confidentiel suivant :
«236.  Mi.  236.  Aujourd’hui, une seconde entrevue nous a été accordée
avec le ministre des affaires étrangères, qui nous a reçus après le président Ibáñez. Le
ministre a indiqué qu’après s’être entretenu avec le président, il réaffirmait la position
du Gouvernement chilien, qui juge inopportune une déclaration sur le problème
portuaire au cours de la rencontre entre les deux présidents. Il m’a remis un projet de
déclaration, établi à partir de notre version, dans lequel n’apparaissent plus que les
questions touchant aux liens économiques et commerciaux. Le ministre a indiqué que
le Chili avait l’ambition générale de collaborer au règlement de la question bolivienne,
mais qu’au vu de la vive opposition observée au sein du Congrès à l’égard de
l’exécutif chilien, cette question ne pouvait être soulevée, dans la mesure où elle
servirait de prétexte pour exacerber les critiques nourries à l’égard du général Ibáñez.
Il a ajouté qu’il ne souhaitait aucunement que l’on voie dans sa réponse le signe d’une
indifférence du Chili à l’égard de la revendication bolivienne, ou une «marche arrière»
dans les négociations relatives au port, mais a estimé qu’une fois le climat hostile
apaisé, la Bolivie et le Chili pourraient reprendre les négociations afin de donner suite
à la demande bolivienne et que le Pérou devrait participer à un règlement tripartite. A
notre demande, le ministre a immédiatement demandé une entrevue avec le président
de la République, qui nous a été accordée quelques instants plus tard. Le général
- 15 -
Ibáñez, après avoir agréé les salutations du président Paz Estenssoro, s’être félicité des
idées entourant l’objectif de resserrement des liens d’amitié entre les deux pays et
écouté mon exposé sur les dossiers avec le Chili, a abordé le problème portuaire,
corroborant en termes généraux les déclarations du ministre Fenner. Escobari.
Alipaz.»
Pendant mon séjour d’une semaine à Santiago, j’ai pu observer l’intense campagne de
contestation menée à l’encontre du gouvernement Ibáñez, encouragée par les groupes de
l’opposition. La presse hostile au régime maintient que l’électorat chilien a vu ses espoirs déçus
lorsque le général a été porté à la présidence, affirmant que celui-ci n’est plus «la personne qui a
gouverné le Chili de 1927 à 1931», et que son administration a jusqu’à présent mis en oeuvre des
mesures inconséquentes et dangereuses pour l’ordre interne du pays. D’aucuns affirment que, dans
une large mesure, ces erreurs peuvent être attribuées aux pouvoirs extraordinaires qui ont été
reconnus à l’exécutif par voie législative. La contestation du régime Ibáñez est principalement
menée par les cercles conservateurs, en particulier le mouvement dit de la «droite économique»,
qui détient une large majorité au Sénat ainsi que de puissants moyens de propagande tant dans la
presse qu’à la radio. Pendant cette période, le Gouvernement chilien s’attelait à résoudre un
problème sérieux causé par le considérable renchérissement du coût de la vie ; les enseignants ont
décrété une grève générale car leurs exigences en matière d’augmentation salariale n’avaient pas
été entendues ; la fédération nationale des agents de la fonction publique et la fédération nationale
des assimilés de la fonction publique se sont jointes au mouvement de grève de la Fédération
nationale des enseignants du Chili. Le Gouvernement a intenté un procès contre les responsables de
la grève des enseignants et déclaré la fin de l’année scolaire. La Fédération des étudiants du Chili a
décrété une grève de quarante-huit heures. Par ailleurs, les groupes de droite du Congrès ont
présenté un dossier d’accusation à l’encontre de l’ancien ministre de l’économie du général Ibáñez,
M. Tarud, reprenant les chefs suivants : vente d’acier, abolition de la loi sur l’or et acquisition de
bus. Les forces de gauche se sont alliées pour défendre, non pas l’administration Ibáñez à
proprement parler, mais les acquis sociaux qu’elle a obtenus. La mise en accusation a été rejetée à
quelques voix près, après un intense débat.
Concernant les relations chilo-péruviennes, il y a lieu de noter que les événements ci-après
sont survenus à cette occasion : le Gouvernement du Pérou a refusé d’accéder à la demande qu’a
présentée le Chili en vue de la nomination de l’ancien ministre des affaires étrangères,
Arturo Olavarría, au rang d’ambassadeur à Lima, compte tenu des marques de sympathie que ce
dernier avait témoignées aux Gouvernements de la Bolivie et de l’Equateur. Par ailleurs, les cercles
officiels et diplomatiques ont été informés de la protestation des athlètes chiliens qui ont disputé la
course organisée par l’Automobile Club péruvien, au cours de laquelle les pilotes du Chili ont
déclaré avoir été victimes de sabotage au Pérou. Le Gouvernement du Chili a rappelé son
ambassadeur à Lima, M. Enrique Gallardo Nieto, au motif qu’il était allé trop loin dans la
réclamation présentée au Gouvernement péruvien au sujet des incidents survenus pendant la course
automobile.
Les motifs avancés par le ministre des affaires étrangères et le président du Chili concernant
le climat politique interne du pays et les relations chilo-péruviennes se sont alors imposés de
manière évidente pour justifier l’avis émis concernant le caractère inopportun de la mention du
problème portuaire au cours de la rencontre présidentielle à venir. Toutefois, il apparaît de manière
tout aussi évidente que les résultats des investigations que j’ai menées à Santiago de Chile à la
demande du Gouvernement suprême confirment les éléments d’appréciation que j’avais dû
consigner dans un rapport daté du 4 octobre 1953, dans lequel, après avoir dressé la liste détaillée
des politiques internationales observées par la Bolivie, le Chili et le Pérou concernant notre voeu de
disposer d’un accès à la mer, j’ai indiqué les incidences du décret-loi chilien daté du
25 juillet 1953, en vertu duquel Arica s’est vu octroyer un statut similaire à celui de «port franc» :
ce décret portera préjudice au commerce et à l’économie nationale ; il réaffirme la souveraineté du
Chili sur Arica et fait s’éloigner les possibilités de voir aboutir notre revendication portuaire.
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Au vu de ces antécédents, il convient que le Gouvernement de la Révolution nationale, sans
préjudice de la considération que méritent les importants problèmes internes du pays, s’attache à
l’examen de l’action diplomatique à mettre en oeuvre en temps voulu.
La Paz, le 31 décembre 1953.
(Signé) Jorge ESCOBARI CUSICANQUI.
___________
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ANNEXE 283
NATIONS UNIES, DOC. A/CONF.13/29/ADD.1,
3 MARS 1958 [EXTRAIT]
Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, documents officiels,
volume I, documents préparatoires, 24 février-27 avril 1958,
p. 328-330
http://legal.un.org/diplomaticconferences/lawofthesea-1958/vol/
english/PrepDocs_vol_I_e.pdf
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ANNEXE 286
NOTE EN DATE DU 17 FÉVRIER 1963 ADRESSÉE À M. GONZALO FACIO, PRÉSIDENT DU
CONSEIL PERMANENT DE L’OEA, PAR M. JOSÉ FELLMAN VELARDE,
MINISTRE BOLIVIEN DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Archives du ministère bolivien des affaires étrangères
A l’intention de Son Excellence
M. Gonzalo J. Facio,
président du Conseil de l’OEA
Remis en main propre
La Paz, le 17 février 1963
Monsieur le président,
Répondant, avec grande satisfaction, à votre demande verbale, et compte tenu du vif désir du
Gouvernement bolivien de faciliter, par tous les moyens, la réussite des négociations que vous
conduisez en tant que président du Conseil de l’Organisation des Etats américains afin de parvenir
à la reprise des relations diplomatiques entre la Bolivie et le Chili, j’ai l’honneur de vous informer
de la position de mon Gouvernement au sujet d’une possible solution au problème qui se traduit,
pour la Bolivie, par l’absence d’accès propre et souverain à l’océan Pacifique.
1. La Bolivie, en l’état actuel des choses, ne cherche pas à modifier la situation juridique créée par
le traité de paix signé avec le Chili en 1904. Elle ne demande pas non plus que l’accès propre et
souverain évoqué plus haut soit situé sur des territoires dont le Chili ne peut disposer librement,
en application de ses accords avec la République du Pérou. Enfin, la Bolivie ne souhaite pas
non plus que la solution à son absence d’accès à l’océan Pacifique soit obtenue au prix de
l’interruption de la continuité territoriale du Chili.
2. Elle envisage plutôt comme solution réaliste l’octroi par le Chili d’une enclave portuaire, dont
les attributs de souveraineté serait reconnus par le droit international, et qui serait reliée à la
ligne de chemin de fer Antofagasta-La Paz, ou pourrait l’être facilement.
3. En retour, la Bolivie serait disposée à faciliter, pour autant qu’il n’en resulte pas pour elle un
préjudice grave, l’utilisation par le Chili des eaux des cours d’eau internationaux traversant le
territoire de l’un et l’autre pays.
Il semble superflu de préciser que la Bolivie ne se considérera pas tenue par les positions
susmentionnés en dehors du cadre des efforts déployés par l’Organisation des Etats américains ou
des négociations directes résultant desdits efforts.
Veuillez agréer, etc.
Le ministre des affaires étrangères,
(Signé) Jose FELLMANN VELARDE.
___________
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ANNEXE 287
DISCOURS PRONONCÉ LE 3 AVRIL 1963 PAR M. JOSÉ FELLMAN VELARDE,
MINISTRE BOLIVIEN DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, EN RÉPONSE AUX
DÉCLARATIONS DE M. CARLOS MARTINEZ SOTOMAYOR,
MINISTRE CHILIEN DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Service de presse du ministère bolivien des affaires étrangères,
«Cap sur la mer, documents importants» (1963), p. 45-76
(présentée par le Chili en tant qu’annexe 165
de son contre-mémoire)
RÉPONSE DU MINISTRE BOLIVIEN DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES JOSE FELLMAN VELARDE
Hommes et femmes de Bolivie,
Hommes et femmes du Continent,
Jeudi dernier, avec l’appui des médias de son pays, le ministre chilien des affaires étrangères
a présenté à son peuple une version incomplète des relations entretenues par la Bolivie et le Chili. Il
a fait une déclaration concernant la question du port de la Bolivie qui, si elle était confirmée,
signifierait le renoncement aux engagements actuels entre les deux pays et annoncerait une
nouvelle ligne de conduite à l’égard de la Bolivie, contraignant ainsi le Gouvernement bolivien à
définir à son tour une nouvelle ligne de conduite à l’égard du Chili.
Ces faits obligent le Gouvernement bolivien à répondre, par le biais de son ministre des
affaires étrangères, au ministre chilien des affaires étrangères. Je n’ai aucunement l’intention de
soulever une controverse, car toute controverse est susceptible de blesser ses protagonistes dans
leur amour-propre, tendant ainsi à susciter de l’irritation et à limiter les possibilités de parvenir à un
accord  une situation qui ne devrait jamais se produire dans le cadre des relations de voisinage
entre deux pays.
C’est pourquoi je me contenterai de compléter la version du ministre chilien des affaires
étrangères concernant les relations entre la Bolivie et le Chili, notamment pour informer le peuple
chilien et demander à son Gouvernement, compte tenu des engagements actuels entre les deux
pays, de définir ses pensées concernant la question du port de la Bolivie, et enfin pour faire
connaître au peuple bolivien, ainsi que nous l’avons toujours fait, la ligne de conduite adoptée par
le Gouvernement dans ses relations avec le Chili.
Précisions
Avant d’aborder ce sujet, je considère qu’il convient d’apporter des précisions importantes,
qui découlent de la nécessité de mettre un terme aux tentatives incessantes du Gouvernement
bolivien d’impliquer son peuple dans les problèmes entre nos deux pays. Le Gouvernement
bolivien et son peuple n’ont jamais accepté la possibilité que le peuple chilien se trouve compromis
dans ces problèmes, n’ont jamais essayé de le compromettre, et ont toujours, à tout moment et en
toutes occasions, fait la distinction entre les paroles et les actes du Gouvernement chilien d’une
part, et les sentiments et la réflexion du peuple chilien d’autre part.
Le Gouvernement bolivien et son peuple ont toujours agi ainsi, car ils comprennent
l’immense responsabilité que représente le fait de laisser la voie libre aux griefs entre deux peuples
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et d’ériger des obstacles à leur compréhension, en particulier étant donné que ces deux peuples sont
appelés à vivre ensemble dans le même coin de la planète.
Ces constatations ne reposent pas sur des motifs superficiels ou fondés sur des présomptions,
mais sont étayées par des faits concrets. Bien que le Gouvernement chilien ait retiré les Boliviens
des administrations publiques chiliennes, incitant ainsi [les secteurs de] l’industrie et [du] le
commerce à lui emboîter le pas, le Gouvernement bolivien n’a retiré aucun Chilien travaillant dans
l’administration publique bolivienne, y compris dans les forces de l’ordre. Si la police politique du
Chili expulse nombre de Boliviens qui vivent sur son territoire, pas un seul Chilien, parmi la vaste
colonie habitant en Bolivie, n’a été troublé dans son travail ni inquiété par des mots ou des actes.
De plus, le 14 avril de l’année dernière, le Gouvernement chilien a entrepris de détourner les
eaux du fleuve Lauca  qui prend sa source au Chili et se déverse en Bolivie  sans l’accord de la
Bolivie. Le jour suivant, faisant usage des mêmes arguments et mêmes droits, le Gouvernement
bolivien aurait pu entreprendre de détourner les eaux du Silalaz qui, à l’inverse du fleuve Lauca,
prend sa source en Bolivie et se jette au Chili. La Bolivie ne l’a pas fait, bien qu’elle eût été en
mesure de le faire, pour mettre ainsi un terme à son irritation justifiée, car les eaux de ce fleuve
sont utiles à la ville d’Antofagasta et leur détournement lui aurait porté préjudice.
Ces faits, auxquels l’on pourrait en ajouter de nombreux autres, montrent que pour le
Gouvernement bolivien et son peuple les problèmes en suspens avec le Gouvernement chilien ne
sont pas des problèmes en suspens avec le peuple chilien.
Cette distinction soigneusement préservée est due à la différence qui existe entre le
Gouvernement chilien et le peuple chilien. Parlons de la guerre de 1879, et des 150 000 kilomètres
carrés de territoire bolivien sur la côte Pacifique qui sont passés aux mains du Chili. Ce territoire
est riche en salpêtre et guano, et c’est pourquoi la guerre a éclaté, une guerre impérialiste, sans
aucune circonstance atténuante, et ce territoire est encore riche en cuivre et autres minéraux. Il
serait bon de se demander si toute cette richesse, cette immense richesse, a bénéficié aux paysans,
aux ouvriers, ou encore à la classe moyenne au Chili, ou si elle n’a servi qu’à développer quatre ou
cinq compagnies immensément puissantes et immensément riches.
Parlons du fleuve Lauca. Le peuple chilien ne connaît assurément pas la liste des
propriétaires de la vallée d’Azapa, qui est actuellement irriguée par les eaux boliviennes. Dans le
cas contraire, il constaterait qu’elle se limite à quelques privilégiés, et que pas un paysan de la liste
ne possède la terre qu’il travaille de ses propres mains.
Pour ces raisons, nous  le Gouvernement bolivien et son peuple  pensons qu’il n’est pas
déshonorant d’apporter au peuple, je le répète, au peuple chilien, des explications concernant ce qui
aurait pu lui sembler blessant dans nos actes ou nos paroles, car nous n’avions pas l’intention de le
blesser.
La distinction permanente que le peuple bolivien et son Gouvernement opèrent entre le
peuple chilien et son Gouvernement, par opposition aux tentatives persistantes de ce dernier
d’impliquer son peuple dans les problèmes existants entre les deux pays, amène les Boliviens à se
demander pourquoi le Gouvernement chilien semble si déterminé à agir de la sorte, sans se
préoccuper des conséquences qu’entraînerait la séparation de deux peuples liés par leur géographie,
leur tradition et leur histoire.
Crise interne
Le ministre chilien des affaires étrangères, dans son discours de jeudi dernier, a ouvertement
accusé le Gouvernement bolivien de mettre artificiellement en avant la question de l’enclavement
de la Bolivie à des fins de politique interne. Aucun fait ne vient étayer cette accusation et nombre
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d’éléments prouvent plutôt l’inverse, à savoir que le Gouvernement chilien s’efforce d’impliquer
son peuple dans les problèmes existant entre les deux pays, à des fins de politique interne.
Telle semble être la réponse. Un mois avant le détournement des eaux du fleuve Lauca en
direction d’Arica, cette ville, qui jouissait d’un avantageux statut de port libre, a été privée de ce
statut et la réaction des habitants a été telle qu’il a fallu recourir à la violence pour rétablir l’ordre.
Le détournement des eaux du fleuve Lauca, réalisé avec l’argument qu’il transformerait Arica en
véritable région agricole, apparaît  au regard de cette circonstance incontestable  comme une
mesure de politique interne destinée à faire taire les protestations du peuple d’Arica aux dépens des
droits d’un autre pays.
L’année dernière, le Gouvernement chilien a soutenu une loi limitant la liberté d’expression,
mais omis d’accélérer l’adoption de ladite loi au Congrès. Les problèmes avec la Bolivie et les
critiques à l’égard de sa conduite dans ce cadre lui ont permis de relancer sa campagne en faveur de
l’adoption de cette loi.
Enfin, on ne saurait ignorer le fait que le Gouvernement chilien n’est qu’à quelques jours
d’élections importantes et qu’il agit comme s’il pensait qu’une politique de rigueur apparente à
l’encontre de la Bolivie pourrait lui procurer des voix supplémentaires.
De son côté, le Gouvernement bolivien n’a aucune raison d’attiser les problèmes entre les
deux pays à des fins de politique interne. Et ceci est tellement vrai que lorsqu’il a lancé son
accusation irréfléchie, le ministre chilien des affaires étrangères n’a pas été en mesure de l’étayer
par une quelconque preuve concrète, comme toute personne lançant une accusation serait
raisonnablement supposée le faire.
Contrairement au Gouvernement chilien, le Gouvernement bolivien ne se trouve pas
confronté à un mécontentement populaire croissant suscité par des difficultés économiques, une
instabilité monétaire ou un manque de soutien de son peuple. Le ministre chilien des affaires
étrangères n’aurait pas formulé une telle accusation contre le Gouvernement bolivien s’il avait pris
le temps de comparer la nature même de son Gouvernement et du nôtre, s’il avait pris le temps
d’observer lequel des deux pays connaît les plus grandes difficultés économiques, lequel des deux
possède une monnaie stable et l’autre pas, et enfin s’il s’était souvenu que le Gouvernement
bolivien s’est constitué avec plus de 75 % de vote populaire, contre moins de 35 % pour le
Gouvernement chilien.
Pour être clair, en Bolivie personne n’a attisé quoi que ce soit de manière artificielle, car
nous sommes un pays dont le peuple sait penser pour lui-même. Le ressentiment causé par le
détournement du fleuve Lauca et, par-dessus tout la volonté inflexible d’un retour à la mer, sont
ancrés en chaque Bolivien sans distinction, quelles que soient ses opinions politiques, ses
croyances ou sa situation.
Le ressentiment causé par le détournement du fleuve Lauca découle de la manière
unilatérale, arbitraire et despotique dont il a été effectué, et la volonté du retour à la mer obéit à une
nécessité vitale pour le pays tout entier. L’on dira qu’il existe d’autres nations enclavées dans le
monde, et c’est la vérité ; cependant, contrairement à la Bolivie, dans la plupart de ces autres
nations, les grands centres de consommation sont reliés à la mer par des voies fluviales facilement
navigables, dont le cours ne peut être modifié par personne.
Une nation captive
L’enclavement de la Bolivie, imposé à la force des armes, a rendu le pays prisonnier, et cette
situation entrave ses contacts intellectuels avec le reste du monde, déforme sa psychologie politique
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et retarde son développement économique. Je l’ai dit et le répète : «aucun peuple, tout au long de
son histoire, n’a payé un tribut plus élevé pour une défaite».
L’on prétend que les Boliviens devraient se satisfaire du soi-disant libre transit ; mais cela
revient à dire à une personne injustement emprisonnée de se satisfaire de la fenêtre de sa cellule ;
car, en fait, le soi-disant libre transit qui, dans le libellé des traités, est supposé sans entrave, n’a
jamais été vraiment exempt de restriction ni véritablement libre.
Ces traités ont été signés en 1904. Toutefois, en 1932, lorsque la Bolivie a pris part à un
conflit international, le Gouvernement chilien de l’époque a décidé d’interdire le transit des armes à
destination de la Bolivie par ses ports. En 1952, lorsque la Bolivie a nationalisé les grandes
compagnies minières, la justice chilienne a ordonné l’embargo des machines et des vivres destinées
à ces mines et à leurs ouvriers. En 1956, lorsque la Bolivie a été en mesure d’exporter des
hydrocarbures, elle a dû négocier un accord spécial à ce sujet. En 1962, l’administration chilienne
des douanes a donné l’ordre que les exportations de minerais boliviens soient soumises à certaines
dispositions qui étaient expressément interdites par des accords valides entre les deux pays. Et il y a
moins de deux mois  pour ne pas aller plus loin , la farine importée pour nourrir les mineurs
boliviens a été entreposée sur une cargaison de goudron à Antofagasta, ce qui l’a rendu totalement
inutilisable. En outre, selon ces traités, le peuple bolivien et les marchandises du pays doivent
franchir la douane chilienne. Ce qui signifie que la Bolivie doit rendre des comptes au Chili
concernant toutes ses importations, ses exportations, et ses faits et gestes.
Par ailleurs, à chaque fois qu’un problème survient entre les deux pays, les autorités
chiliennes trouvent les moyens d’entraver, de retarder et de perturber le transit à travers ses ports
pour contraindre la Bolivie à se plier à ses injonctions. Ce qui signifie que le destin de la Bolivie est
soumis à la volonté du Gouvernement chilien. En d’autres termes, la Bolivie n’est pas réellement
libre.
Lors de son discours de jeudi dernier, le ministre chilien des affaires étrangères nous a
proposé de meilleures prestations dans le cadre de ce soi-disant libre transit. Cela revient à un aveu
de culpabilité et prouve que le transit à travers le Chili n’est ni libre ni exempt de restriction car,
s’il l’était, il ne nécessiterait pas d’amélioration. Et cette proposition ne nous éblouit en aucun cas.
Notre amère expérience du passé, ce qui s’est produit avec nos armes en temps de guerre, avec nos
machines et nos vivres lorsque nous étions en paix, et avec la farine pour faire notre pain, et la
pression politique à laquelle nous avons été indirectement soumis à d’innombrables reprises, nous
ont appris que tous les accords couchés sur le papier n’auront pas la moindre valeur si le
Gouvernement chilien ne veut pas y donner suite. La Bolivie, pour être libre, a besoin de son
propre port, d’ouvrir les portes qui l’emprisonnent, et non de décorer les fenêtres de son
confinement.
Le fleuve Lauca
Parlons du fleuve Lauca. Le ministre chilien des affaires étrangères a déclaré jeudi dernier
que le fleuve se meurt dans un salant, que son détournement ne porte pas préjudice à la Bolivie et,
de ce fait, que la question ne concerne pas véritablement le gouvernement bolivien.
Un simple coup d’oeil à la carte  ce qu’aurait dû faire le ministre chilien des affaires
étrangères  suffit à réfuter ces allégations. Le fleuve Lauca ne se meurt pas dans un salant mais
s’écoule dans le lac Coipasa et, avec deux autres cours d’eau douce, empêche la salinisation du lac
qui est entouré par le salant du même nom sur pratiquement deux-tiers de son périmètre total, et par
là-même la dégradation de l’habitabilité du haut plateau bolivien, tout cela grâce à sa présence et
celle des lacs Titicaca et Poopo.
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Ainsi, le fleuve Lauca ne se meurt pas dans un salant et son détournement entraîne des
dégâts visibles pour la Bolivie, du fait de la salinisation potentielle du lac Coipasa.
Pour mesurer l’ampleur de ces dégâts, nous devons également prendre en considération la
situation des trois mille familles de paysans dont les terres sont irriguées par le fleuve Lauca.
Depuis son détournement, le Gouvernement bolivien a dû transférer plus d’une centaine de ces
familles à Caranavi et Chapare, et il est nécessaire de poursuivre ces réinstallations car il n’existe
aucune autre solution.
Ainsi, un préjudice est causé, même si le Gouvernement chilien le nie ou le considère
comme sans conséquence pour lui-même. Comment pourrait-il être sans conséquence ? Selon une
version littérale de la presse uruguayenne, le député chilien Sergio Diaz, envoyé officiel du
Gouvernement chilien, a déclaré le 3 mai de l’année dernière que «concernant la question du fleuve
Lauca, si 150 000 personnes tirent profit de la situation et que seuls 6 000 autochtones en pâtissent,
il convient d’exterminer ces derniers».
Le Gouvernement bolivien, à l’inverse, défend ses droits de copropriété, non seulement pour
les dégâts subis, mais également pour le principe qui va de pair, à savoir qu’aucun pays ne saurait
utiliser les eaux d’un fleuve international sans l’accord de l’autre pays ni sans prendre en
considération ses droits de copropriété. La déclaration de Montevideo de 1937 est explicite à cet
égard. L’utilisation des eaux du fleuve Lauca par le Gouvernement chilien, sans l’accord de la
Bolivie, est un grave précédent qui met en péril l’ensemble de l’ordre juridique américain en la
matière.
Jeudi dernier au cours d’une déclaration, le ministre chilien des affaires étrangères a indiqué
que le détournement du fleuve Lauca ne causait aucun préjudice à la Bolivie ; cependant, la
chancellerie sait bien que cela est faux. Lors de conversations officieuses qui se sont tenues en
octobre dernier en Bolivie entre les ministres bolivien et chilien des affaires étrangères, j’ai proposé
que nos deux gouvernements conviennent de demander à une organisation internationale qu’une
commission technique vérifie sur place si le détournement du fleuve Lauca entraînait ou non un
préjudice pour la Bolivie. En outre, j’ai ajouté que si cette commission constatait l’absence d’un tel
préjudice, la Bolivie n’insisterait plus sur ce sujet. La proposition a été ratifiée par un mémorandum
en date du 19 décembre de l’année dernière, et remis par l’ambassadeur de Bolivie auprès de
l’organisation des Etats américains à son homologue l’ambassadeur du Chili.
Je vous demande donc pourquoi le ministre chilien des affaires étrangères, s’il est si sûr
 ainsi qu’il l’a déclaré jeudi dernier dans son allocution  que le détournement des eaux du
fleuve Lauca n’entraîne aucun préjudice pour la Bolivie, n’a-t-il pas accepté cette proposition ?
Pourquoi le ministre chilien des affaires étrangères cache-t-il au peuple chilien l’existence de cette
proposition bolivienne ? Pourquoi ne mentionne-t-il pas son existence dans le libro blanco (livre
blanc) publié par sa chancellerie, ni dans son allocution de jeudi dernier ? Le peuple chilien sait-t-il
que le mémorandum bolivien du 19 décembre n’a même pas reçu de réponse de la part de son
Gouvernement ?
Passons à un autre aspect de la question. La Bolivie possède des intérêts et des droits sur le
fleuve Lauca, parce qu’il s’écoule sur 250 kilomètres à travers son territoire, parce qu’il constitue
un facteur de régulation du climat sur le haut plateau, et parce que ses eaux soutiennent
l’agriculture d’une partie non négligeable de son territoire. Malgré cela, le Gouvernement bolivien
a réitéré, par des notes officielles et des déclarations publiques de ses représentants, qu’il n’était
pas indifférent aux besoins en eau à des fins de production alimentaire dans le nord du Chili, à
condition que ces intérêts soient pris en compte et ces droits soient respectés. Le peuple chilien le
sait-t-il ? Sait-t-il, dans ce contexte, que la question du fleuve Lauca n’aurait jamais pris une telle
ampleur si le Gouvernement, au lieu de choisir la voie du despotisme le 14 avril de l’année
dernière, avait continué à réfléchir avec la Bolivie sur la nécessité d’un accord, le préjudice causé et
les compensations dues ?
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Le Gouvernement chilien prétend que c’est le Gouvernement bolivien qui a interrompu ces
pourparlers. Cela est faux. Le 15 avril de l’année dernière, l’ambassadeur du Chili à La Paz a
présenté une note au ministre bolivien des affaires étrangères indiquant que cela allait «à l’encontre
de cette demande … le Gouvernement chilien a décidé de suspendre les négociations et S. Exc. le
président de la République a émis les instructions relatives à l’utilisation d’une partie des eaux du
fleuve Lauca». Quelle était la demande de la Bolivie ? Que l’affaire soit soumise à la procédure
établie par la déclaration de Montevideo sur l’utilisation et l’exploitation des eaux. En d’autres
termes, que les pourparlers sur la nécessité d’un accord, le préjudice causé et la question des
réparations se poursuivent.
C’est donc le Gouvernement chilien, comme le montre cette note, qui a résolu de suspendre
les négociations avec la Bolivie sur la question du fleuve Lauca. Le peuple chilien le sait-il ? Le
peuple chilien sait-t-il que tout problème aurait pu être évité si le Gouvernement avait poursuivi les
pourparlers qui étaient en cours ?
Non à la révision
Passons au problème d’un débouché sur la mer pour la Bolivie. Le ministre chilien des
affaires étrangères, dans son discours de jeudi dernier, a déclaré que le Gouvernement bolivien
demandait à ce sujet une révision du traité de 1904. Je peux comprendre, sans le justifier, pourquoi
il a fait une telle déclaration. La révision du traité de 1904 supposerait de remettre en question les
droits que possède le Chili sur plus de 150 000 kilomètres carrés passés aux mains du Chili à
l’issue de la guerre du Pacifique, et tous les Chiliens verraient tout naturellement cette possibilité
d’un mauvais oeil. Cela créerait en outre un précédent pour la révision de nombre des traités qui
définissent les frontières entre plusieurs pays de cet hémisphère, et les pays qui en sont les
bénéficiaires s’en offusqueraient bien évidemment. De ce fait, cette déclaration du ministre chilien
des affaires étrangères visait à mobiliser le soutien des Chiliens à l’égard de leur Gouvernement et
à priver la Bolivie de la sympathie de plusieurs pays américains.
Je répète que je peux donc comprendre la déclaration du ministre chilien des affaires
étrangères, mais ne saurais la justifier. Et je ne saurais la justifier car elle est erronée. Jamais, dans
aucun document ni aucune déclaration, le Gouvernement bolivien ni aucun de ses représentants n’a
demandé, ni même suggéré, la révision du traité de 1904. Qui plus est, dans une note datée du
17 février dernier et soumise au président du Conseil de l’OEA, suite aux efforts de médiation
déployés, le Gouvernement chilien a été informé par le biais de son ministre des affaires étrangères
que «la Bolivie, dans les circonstances actuelles, ne cherche pas à modifier la situation juridique
créée par le traité de paix signé avec le Chili en 1904».
Cela signifie que le ministre chilien des affaires étrangères savait sans aucun doute, quarante
jours avant son discours de jeudi dernier, que l’objectif de la Bolivie dans le cadre du problème de
son débouché sur la mer n’était pas la révision du traité de 1904. Je vous le demande, pourquoi
a-t-il déclaré le contraire ? Pourquoi n’a-t-il pas porté à la connaissance du peuple chilien la note
bolivienne du 17 février 1963 ? Pourquoi a-t-il caché cette note ?
Dans sa déclaration de jeudi dernier, le ministre chilien des affaires étrangères a déclaré que
le Gouvernement bolivien avait artificiellement soulevé le problème de son débouché sur la mer
afin de bloquer la possibilité de renouer des relations diplomatiques avec le Chili. Ceci est
également faux, et le ministre chilien des affaires étrangères le sait bien.
La question d’un débouché sur la mer pour la Bolivie est apparue lors des négociations
visant à rétablir finalement les relations diplomatiques entre la Bolivie et le Chili, tout d’abord
parce que le Gouvernement chilien a provoqué cette situation en détournant, de manière despotique
 mettant ainsi fin aux pourparlers entre les deux pays , les eaux du fleuve Lauca ; parce que la
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Bolivie et le Chili se sont officiellement engagés à rechercher une solution à ce problème ; et enfin
parce que le problème d’un débouché sur la mer pour la Bolivie est pendant entre les deux pays.
Le Gouvernement chilien était dans l’obligation, à l’égard de son propre peuple, de prévoir
que le détournement unilatéral et arbitraire du fleuve Lauca, sans autre démarche, et en faisant fi de
ce que pouvait ressentir la Bolivie, raviverait tout naturellement une douleur encore latente et
jamais oubliée, d’une manière unilatérale et arbitraire, sans prendre en considération ni se soucier
des sentiments du peuple bolivien  une douleur remontant à 1904, lorsque la Bolivie s’était
retrouvée confinée dans ses hautes montagnes.
Les eaux du fleuve ont été détournées le 14 avril dernier. Le jour suivant, un groupe
constitué pour l’essentiel d’étudiants et d’ouvriers est descendu dans les rues de La Paz pour
manifester, à juste titre, contre la dépossession de 1962 et celle de 1879.
Le Gouvernement chilien ne pouvait escompter que le peuple bolivien, blessé pour la
seconde fois, oublierait qu’il l’avait été auparavant. Le Chili n’avait aucune raison d’espérer que
l’enclavement de la Bolivie, qui constitue son principal problème, ne ferait pas surface alors qu’il
reste présent dans l’âme de chaque Bolivien.
C’est donc le Gouvernement chilien qui a fait de la question d’un débouché sur la mer pour
la Bolivie l’un des enjeux actuels entre les deux pays. Le Gouvernement bolivien n’a rien fait de
plus que rassembler et interpréter les sentiments de son peuple, et il a agi ainsi en gardant à l’esprit
l’engagement officiel, pris par la Bolivie et le Chili, de trouver une solution à ce problème. Le
Gouvernement bolivien n’a rien fait d’autre que se plier à ces engagements. Le Gouvernement
chilien espérait-il que le Gouvernement bolivien en oublierait l’existence, simplement du fait de
l’apparition d’un autre problème, celui du fleuve Lauca ?
Le 1er juin 1950, l’ambassadeur de Bolivie à Santiago a fait parvenir une note au
Gouvernement chilien, dont la partie qui nous intéresse est ainsi libellée :
«Au vu de ces précédents majeurs, qui attestent une orientation claire de la
politique internationale suivie par la République chilienne au sujet de cette question,
j’ai l’honneur de proposer à Votre Excellence que les Gouvernements bolivien et
chilien entament officiellement des négociations directes visant à répondre au besoin
fondamental de la Bolivie d’obtenir son propre accès souverain à l’océan Pacifique,
afin de régler le problème de son enclavement sur des bases qui tiennent compte des
bénéfices mutuels et des intérêts véritables des deux peuples.»
Le 20 du même mois, le ministre chilien des affaires étrangères, Horacio Walker Larraín, a
répondu à cette note par une autre, dont le passage essentiel est le suivant :
«par la présente, j’ai l’honneur de faire savoir à Votre Excellence que mon
Gouvernement respectera cette position et que, animé par un esprit de fraternité envers
la Bolivie, il est désireux d’entamer officiellement des négociations directes visant à
trouver une formule qui permettrait d’accorder à la Bolivie son propre accès souverain
à l’océan Pacifique, et au Chili une compensation d’une nature non territoriale tenant
réellement compte de ses propres intérêts».
Lors de son discours, le ministre chilien des affaires étrangères a mentionné ces notes mais
n’en a pas lu le texte. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ? Pourquoi le texte de ces notes reste-t-il
dissimulé au peuple chilien ?
Par l’échange de notes des 1er et 20 juin 1950, le Chili et la Bolivie se sont officiellement
engagés, au regard des normes du droit international, à octroyer à la Bolivie son propre débouché
souverain à l’océan Pacifique, en échange de quoi le Chili recevra une compensation appropriée de
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nature non territoriale. Cet engagement est indissociable du régime juridique régissant les relations
entre la Bolivie et le Chili et il est garanti, comme tout autre échange de notes, par la foi des deux
Etats et leur honneur national.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
La marche de la mer
En ce qui concerne la «marche de la mer», qui a eu lieu le 23 mars en l’honneur
d’Eduardo Abaroa, et qui semble avoir été le motif déterminant du discours fait par le ministre
chilien des affaires étrangères jeudi dernier, le peuple chilien n’a pas été informé du fait qu’il s’agit
d’une commémoration non seulement célébrée cette année, mais qui se déroule en outre depuis
plusieurs dizaines d’années. Sait-il que chaque 23 mars, depuis au moins vingt ans, les
représentations diplomatiques et consulaires de Bolivie à travers le monde hissent le drapeau du
pays ? Sait-il  pour corroborer cela  que le 23 mars 1961 le chargé d’affaires chilien en
Bolivie, dans le cadre de cette commémoration, a déposé une couronne devant le monument
d’Eduardo Abaroa ?
Pourquoi, dans ce cas, cette attitude de surprise et d’indignation pour la «marche de la mer»
qui a eu lieu en 1963 ?
Il est vrai que cette année la marche s’est déroulée avec beaucoup plus de force et
profondeur d’esprit que par le passé. Il est vrai que tous les Boliviens, hommes, femmes et enfants,
sont venus de tous les coins du pays, comme ils l’avaient rarement fait auparavant. Et il est
également vrai que cette année la «marche de la mer», en sus de son motif commémoratif, revêtait
un véritable caractère de protestation.
Comment pourrions-nous ne pas protester si les eaux du fleuve Lauca, suite à une manoeuvre
despotique, continuent de s’écouler vers le Chili ; si le Gouvernement chilien refuse de respecter
son engagement d’entamer des négociations directes concernant notre problème de port ; si certains
Chiliens persistent à prétendre avec une véritable audace que la mer bolivienne n’a jamais
appartenu à la Bolivie ; si nous devons nous satisfaire d’un transit soi-disant libre et exempt de
restriction mais qui ne l’est pas ; et enfin si à tout cela s’ajoute le souvenir de la menace que
constituait la présence de troupes armées chiliennes sur notre frontière en avril, mai et juin de
l’année passée ?
Lors de son discours, le ministre chilien des affaires étrangères s’est plaint d’insultes dont,
selon lui, le Chili aurait fait l’objet à la radio et dans la presse en Bolivie. Je pourrais lui répondre
que la radio et la presse de mon pays sont libres de s’exprimer sans craindre d’être traduites en
justice, accusées et mises en prison pour les opinions qu’elles formulent. Mais je ne le ferai pas.
Je ne le ferai pas car je ne pense pas que le Gouvernement bolivien soit redevable
d’explications au Gouvernement chilien au sujet de ce que la radio diffuse ou la presse écrit. Et la
Bolivie ne doit aucune explication à ce sujet, car elle n’en a pas sollicité au sujet de ce que certains
organismes chiliens de presse orale ou écrite diffusent.
Au sujet de la radio, et parce que les paroles s’envolent, je rappellerai simplement qu’une
station chilienne détenue par les héritiers du butin de 1879 et qui, par là-même, avait de bonne
raison de formuler de tels propos, a qualifié la Bolivie de «pays d’autochtones en proie à la
schizophrénie».
- 31 -
Les insultes
Quant à la presse chilienne, à certains médias, je le répète, les insultes auxquelles est
soumise la Bolivie  je ne dirais pas qu’elles nécessitent que l’on s’en plaigne  sont pathétiques
dans certains cas, et révélatrices dans d’autres.
Le 22 décembre de l’année dernière, le journal La Tercera de Santiago qualifiait les
Boliviens de «masses mal-informées et illettrées». Le 27 mars, le journal Clarin décrivait la
population de Bolivie comme «divisée en trois secteurs très différents : les autochtones qui
constituent la majorité, l’aristocratie des blancs qui ne représentent que deux pourcents, et les
métisses  porteurs d’une véhémente et sordide rancoeur raciale , qui sont presque autochtones,
presque blancs, et presque rien». Le journal Golpe du 4 mars publiait une lettre du président
bolivien et du vice-président, qui commençait ainsi : «M. Victor Paz et M. Juan Lechin, cessez
d’être fous et cyniques». Le 5 mars, Noticias Gráficas qualifiait les Boliviens de «joueurs de quena
(flûte indienne), consommateurs de feuilles de coca et buveurs de chica (liqueur de maïs rouge)».
Le 21 mars, dans son éditorial, ce même journal indiquait : «être bolivien, c’est être stupide, et
ressembler de surcroît à un huemul (cerf du sud andin)». Le 23 février, le journal Golpe traitait le
Gouvernement bolivien de «lâche». Le 5 mars, Clarin prétendait que «50 pourcent des Boliviens
sont atteints d’une maladie vénérienne».
Pourquoi poursuivre ? Je me bornerai à citer le gros titre de La Tercera du 23 mars
annonçant le décès d’un aviateur bolivien de la manière suivante : «un pilote bolivien s’écrase
ridiculement»  comme si ce décès lui procurait une satisfaction ou constituait un motif de
moquerie.
Le ministre chilien des affaires étrangères, qui se plaint si bruyamment de ce qu’écrit notre
presse, peut-il, pour étayer sa plainte, se référer à des insultes analogues à l’encontre du peuple
chilien dans les journaux boliviens ?
Ce ministre maintient que
«les insultes de la Bolivie à l’encontre du Chili, la rupture des relations diplomatiques,
l’accusation devant l’OEA, la tentative de faire intervenir cette organisation pour
régler son problème avec le Chili, les communications des représentants boliviens
auprès des Nations Unies et l’exacerbation organisée des factions anti-chiliennes
durant cette semaine de la mer ont tant envenimé les relations entre la Bolivie et le
Chili que l’inclination à écouter la Bolivie, démontrée par le Chili en 1961 et à
plusieurs reprises par le passé, a disparu».
Ces arguments ne sont pas fondés. Tout d’abord, il ne s’agit pas de l’inclination ou du
manque d’empressement du Gouvernement chilien «à écouter la Bolivie», mais d’un engagement
officiel entre les deux pays. Par ailleurs, tout cela aurait été évité si le Gouvernement chilien avait
conféré lui-même, par lui-même uniquement, la faculté d’utiliser les eaux sur lesquelles la Bolivie
possède des droits de copropriété. Que voulait le ministre chilien des affaires étrangères ? Qu’en
échange de l’attention dont il nous a fait l’aumône nous laissions son Gouvernement prendre
aujourd’hui le [fleuve] Lauca, et demain un autre fleuve ?
En avançant le même argument, je pourrais dire qu’un détournement unilatéral et arbitraire
des eaux du fleuve Lauca, les attaques de la part de la presse chilienne à l’encontre de la Bolivie, le
refus du Gouvernement chilien de se conformer aux Résolutions du Conseil de l’OEA, l’attaque de
notre correspondance officielle, l’expulsion non justifiée de citoyens boliviens hors du territoire
chilien, le nombre anormalement élevé de ses documents officiels, les obstacles permanents érigés
à l’encontre du soi-disant libre transit, et les assertions du Gouvernement chilien visant à exacerber
les passions anti-boliviennes ont envenimé les relations entre les deux pays à un point tel que le
Gouvernement bolivien a décidé de rejeter le traité de 1904.
- 32 -
Par ailleurs, lors de son discours de jeudi dernier, le ministre chilien des affaires étrangères
s’est évertué à prouver que le Gouvernement bolivien avait tenté, en vain, d’isoler le Chili du reste
du monde.
Cela est faux. Le Gouvernement bolivien n’a aucun besoin d’isoler le Chili et n’a jamais
tenté de le faire. Ce que le pays a fait, et continuera de faire, c’est rechercher le soutien croissant de
l’opinion publique chilienne et du continent pour trouver une solution juste à ses problèmes. Si le
Gouvernement chilien reçoit des visites ou en effectue, c’est son problème. Si ces organisations
internationales ou d’autres comptent des représentants chiliens, nous ne pensons pas que cela est
mal, car elles comptent également des Boliviens. Si le Gouvernement chilien bénéficie de la
sympathie d’un dirigeant ou d’un autre  même si j’ignore si tel est le cas , il est normal qu’il
s’en réjouisse. Le Gouvernement bolivien ne sombrera pas dans l’absurdité consistant à protester à
cet égard, lui qui respecte le droit de tous les gouvernements américains à se forger leurs propres
critères au sujet d’une question qui préoccupe tout le continent.
Le Gouvernement bolivien n’agit pas avec étroitesse d’esprit. Si le Chili a un problème et si
nous confirmons, à juste titre, qu’il a raison, nous le soutiendrons. Si le Chili présente des candidats
à certains postes dans des organisations internationales et que nous considérons qu’ils sont
qualifiés, compte tenu de la rotation qui est d’usage au sein des nations d’Amérique latine, nous
donnerons notre voix à ces candidats.
Le ministre bolivien des affaires étrangères n’a nul besoin d’enjoliver ses efforts ni de
dissimuler des faits de politique étrangère. Le peuple bolivien sait qu’il existe des alternatives
possibles à toutes les activités internationales et il a acquis le droit d’être constamment et
parfaitement informé de ce que fait, ou ne fait pas, le Gouvernement qu’il a choisi.
Une nouvelle ligne de conduite
Dans cet esprit, et pour conclure cette allocution, il est de mon devoir de rendre compte au
peuple bolivien de la ligne de conduite adoptée par le Gouvernement dans ses relations avec le
Chili.
En ce qui concerne la question du fleuve Lauca, je dois rappeler que la Bolivie ne
reconnaîtra jamais le droit allégué par le Gouvernement chilien d’utiliser les eaux de ce fleuve,
totalement ou partiellement, sans l’accord de la Bolivie. En outre, à l’avenir la Bolivie ne prendra
en considération aucune proposition relative à un accord tant que les vannes de Chapiquiña ne
seront pas fermées, c’est-à-dire tant que les eaux continueront de s’écouler vers le Chili, eaux sur
lesquelles la Bolivie possède des droits de copropriété.
En ce qui concerne la question du port, la ligne de conduite que nous avons fixée est tout
aussi claire. Lors de son discours de jeudi dernier, le ministre chilien des affaires étrangères a
déclaré que le Gouvernement «n’est pas enclin à entamer des pourparlers susceptibles de porter
atteinte à la souveraineté nationale ou qui supposeraient des cessions territoriales d’un genre ou
d’un autre».
Cette déclaration semble contredire les engagements que son Gouvernement a pris librement,
de bon gré et spontanément, par le biais de l’échange de notes de juin 1950, et cela revêt une
importance extraordinaire. Je voudrais dire que le Gouvernement chilien, en premier lieu, ne
respecte pas ses engagements et, en second lieu, n’a tenu aucun compte d’une partie indissociable
du régime juridique qui régit les relations entre la Bolivie et le Chili.
Cette phrase, prononcée par le ministre chilien des affaires étrangères, fait partie d’une note
adressée au président du Conseil de l’OEA. Etant donné que nous n’avons pas eu connaissance de
cette note, nous avons demandé au président de la transcrire pour nous dans son intégralité.
- 33 -
Lorsque nous serons en possession de cette transcription, nous demanderons officiellement
au Gouvernement chilien, par le même biais, une explication qui ne laissera aucune place au doute.
Le Gouvernement bolivien agira en fonction de cette explication. Toute prise de position
adoptée au préalable pourrait entraîner d’autres malentendus, de nouveaux désaccords graves, et un
plus grand éloignement. Il n’est pas souhaitable de se presser, en oubliant qu’il vaut mieux être
patient et remplacer les blessures de l’amour propre par un discernement avisé.
La possibilité de renouer des relations diplomatiques avec le Chili dans un environnement
d’entente mutuelle et franche ou, à défaut, la possibilité que la Bolivie soit libre de réviser d’autres
aspects du régime juridique qui régit les relations entre les deux pays dépendra de cette explication.
Nous, Boliviens  le peuple et le Gouvernement  avons la certitude absolue que la
question du port de la Bolivie sera forcément résolue. Nous sommes disposés à renoncer à de
nombreuses choses pour parvenir à une solution, et sommes également prêts à faire davantage
d’efforts et de sacrifices si nécessaire.
C’est pourquoi l’explication du Gouvernement chilien, bien qu’importante pour nous
permettre d’agir en conséquence, n’est pas décisive et n’ébranlera pas la volonté irrévocable qui
nous incite au retour vers la mer. Nous sommes en droit de demander que le Gouvernement chilien
respecte les engagements qu’il a pris avec la Bolivie en 1950, car nous n’avons jamais omis
d’honorer ceux que nous avons pris avec le Chili ; toutefois, parallèlement, nous savons que le
Chili peut revenir sur ces engagements et même prétendre, comme dans le cas du mémorandum du
10 juillet 1961, qu’il ne s’agit pas réellement d’engagements.
S’il agissait ainsi, cela ne signifierait pas que les possibilités de trouver une solution rapide à
notre enclavement par le biais de négociations avec le Gouvernement chilien actuel ont été
repoussées ; cela signifierait que ces possibilités n’ont jamais existé. En d’autres termes, soit que le
Gouvernement chilien de 1963 n’a jamais eu l’intention de respecter les engagements du
Gouvernement de 1950, soit que le Gouvernement chilien de 1950 n’avait pas pris ces
engagements avec l’intention véritable de s’y conformer ; et que ces engagements, comme l’a
confirmé la confusion du ministre chilien des affaires étrangères jeudi dernier, concernant le
mémorandum du 10 juillet 1961, n’ont été pris que dans le cadre d’une manoeuvre malintentionnée.
La volonté des peuples
Une confirmation serait opportune. Si elle s’avérait, cela corroborerait quelque chose que
nous savons déjà tous, ou tout au moins soupçonnons, à savoir que le problème de notre
enclavement sera résolu non pas parce que le Gouvernement chilien le souhaite ou arrête de le
souhaiter, mais par la volonté des peuples. Tout d’abord et avant tout par la volonté du peuple
bolivien, puis par la volonté du peuple chilien et de tous les peuples du continent.
Cette situation confère à la Bolivie une raison d’être supplémentaire et accentue ce sentiment
national intense et chaleureux que nous venons tout juste de redécouvrir et qui nous unit comme
rien d’autre ne nous a unis auparavant.
Elle nous impose également de contribuer, chacun dans sa propre sphère, au but commun.
Elle impose au Gouvernement le devoir de rester au niveau de ceux qui sont appelés à représenter
ce sentiment national et de s’efforcer d’atteindre cet objectif commun. Elle impose à la chancellerie
la tâche permanente d’étendre et de renforcer le soutien du Chili et de l’Amérique pour trouver une
solution juste qui conviennent aux deux Parties ; elle impose aux ouvriers et aux paysans
l’obligation de contribuer à consolider la nation par un travail constructif ; elle impose à chaque
Bolivien, où qu’il soit, le besoin d’affirmer, sans repos et sans faiblir, le crédo sacré de notre retour
à la mer.
- 34 -
Nous devons concrétiser ces objectifs, car le sort de notre pays emprisonné en dépend, et
nous allons le faire, sans aucun doute, car tous les Boliviens  chacun d’entre eux sans
exception  souhaitent laisser une Bolivie libre à leurs enfants.
Dans cette tâche à laquelle nous nous attelons avec honnêteté, loyauté et persévérance, nous
sommes aidés par la loi et la raison, et accompagnés par la sympathie et le soutien des Amériques.
C’est la raison pour laquelle, alors même que le conflit avec le Chili commençait, j’ai
déclaré : «la Bolivie n’est pas seule», et cela s’est avéré ; aujourd’hui, je dirais plus, et je suis sûr
que le temps confirmera mes paroles : la Bolivie est appelée à la grandeur et rien ni personne ne
pourra l’arrêter.
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ANNEXE 288
SERVICE DE PRESSE DU MINISTÈRE BOLIVIEN DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
«CAP SUR LA MER, DOCUMENTS IMPORTANTS» (1963), P. 7 ET 8
[EXTRAIT]
Le mercredi 27 mars, le ministre chilien des affaires étrangères, Carlos Martinez Sotomayor,
exprimant ce qui semblait être une nouvelle position de la part de son gouvernement, a fait un
discours qui constituait, dans un sens, une réponse à la «Semaine de la mer», organisée dans notre
pays à l’occasion de la commémoration de la mort d’Eduardo Abaroa, héros de la Guerre du
Pacifique.
Le ministre bolivien des affaires étrangères José Fellman Velarde a répondu une semaine
plus tard, le mercredi 3 avril, et analysé minutieusement l’approche du ministre chilien des affaires
étrangères pendant une heure et demie, en expliquant la position de la Bolivie en l’espèce.
Si tout cela semble parfaitement normal dans le domaine des relations internationales, la
vérité est que les discours des deux chanceliers, en moins de sept jours, ont montré ce qui n’avait
pas été suffisamment pris en compte en 84 ans : le fait que la position du Chili envers la Bolivie
n’était pas sincère, et que l’attitude de cette dernière quant à son enclavement avait évolué au fil du
temps, tant et si bien qu’il s’agissait désormais d’un sujet bien établi qui ne tolérait aucun théorie à
son encontre. Ainsi, nombre des arguments habituels de la diplomatie chilienne, tel que
l’irréversibilité des traités, jouent aujourd’hui en faveur de la Bolivie. Un exemple : la Bolivie ne
demande pas la révision des traités de 1904, qui ont traditionnellement scellé l’usurpation
impérialiste de 1879. À l’inverse, suivant les mêmes principes juridiques, elle appelle à l’exécution
d’engagements. Or, la note du ministère chilien des affaires étrangères en date du 20 juin 1950 et le
mémorandum du 10 juillet 1961 constituent des engagements.
Quelle que soit l’orientation prise par les deux pays dans leurs relations à venir, les
documents qui présentent aujourd’hui une valeur décisive sont les discours du 27 mars et du
3 avril, la note chilienne de 1950 et le Mémorandum de la Chancellerie chilienne du 10 juillet
1961. C’est pourquoi nous les publions, ensemble, pour la première fois. Dans les relations
internationales, il y a des documents qui, trop souvent négligés, attestent de la parole donnée.
Les publications sont classées par ordre chronologique dans ce fascicule : tout d’abord, les
documents, puis le discours du Chancelier Martinez Sotomayor, contestant sa validité, et enfin la
réponse du Chancelier Fellman Velarde.
Tous ces aspects mettent en lumière une grande vérité : la Bolivie revendique son droit
d’accès à la mer.
Ministère des affaires étrangères,
Service de presse.
La Paz, le 4 avril 1963.
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ANNEXE 289
«LA BOLIVIE MAINTIENT FERMEMENT SA DÉCISION DE NE PAS REPRENDRE LES
RELATIONS DIPLOMATIQUES AVEC LE CHILI», EL DIARIO (BOLIVIE),
15 JUIN 1963
Journal El Diario (Bolivie)
Le 15 juin 1963.
La Bolivie maintient fermement sa décision de ne pas reprendre les relations diplomatiques
avec le Chili
tant que ce pays n’aura pas tenu ses engagements.
Le communiqué suivant a été publié hier :
En référence au communiqué du ministère des affaires étrangères du Chili traitant des
relations entre la Bolivie et le Chili, le ministère des affaires étrangères bolivien estime nécessaire
de préciser ce qui suit :
1. Il est évident que la Bolivie maintient fermement sa décision de ne pas rétablir ses
relations diplomatiques avec le Gouvernement du Chili tant qu’il n’aura pas honoré les
engagements pris par lui envers la Bolivie dans l’échange de notes de juin 1950, où il se disait prêt
à étudier «la formule susceptible de permettre à la Bolivie de se voir accorder un accès propre et
souverain à l’océan Pacifique, et au Chili d’obtenir des compensations de nature non territoriale».
Le Gouvernement bolivien confirme cette position et continuera à la maintenir résolument.
2. Le Gouvernement bolivien n’a jamais, en aucun cas, considéré que les efforts déployés par
M. Facio, président du Conseil de l’OAE l’étaient «à titre personnel», étant donné qu’ils
découlaient de la résolution en date du 24 mai 1962, dans laquelle l’organisation offrait à la Bolivie
ses bons offices de médiation dans le conflit l’opposant au Chili. Ceci est confirmé par plusieurs
éléments, le plus manifeste étant constitué par les déclarations que M. Facio a faites en personne,
d’abord au bureau de Lima de l’Associated Press le 19 février, où il affirme : «La voie est ouverte
vers un arrangement direct avec le Chili, conformément à la résolution du conseil de l’OAE», puis
au journal Presencia de La Paz, à qui il déclare, en évoquant son échange de vues avec les
représentants du Gouvernement suprême : «Les discussions que nous avons eues au sujet des
problèmes en relation avec l’OAE ont été très satisfaisantes.»
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ANNEXE 290
MESSAGE DE M. VICTOR PAZ ESTENSSORO, PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE BOLIVIE,
AU CONGRÈS NATIONAL, 6 AOÛT 1963, P. 101
[EXTRAIT]
Bureau d’information national de la présidence de la Bolivie
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Il est nécessaire de souligner, une fois encore, que, s’agissant de la question du recouvrement
de son accès à la mer, notre pays exige que le Gouvernement chilien tienne les promesses qu’il a
faites en juin 1950 et juillet 1961 et, concernant la question du fleuve Lauca, demande que le
Gouvernement chilien se conforme aux nécessités du consentement auquel il est lié par la
déclaration de Montevideo de 1937.
Ni le peuple bolivien ni son Gouvernement n’ont intérêt à, ni ne souhaitent, maintenir en
l’état la situation avec le Chili.
Je rappelle à cette occasion que lorsque le Gouvernement de ce pays se montrera disposé à
honorer les engagements qu’il a contractés en juin 1950, la Bolivie ne s’opposera pas à la reprise
des relations diplomatiques entre les deux pays, en vue de rechercher une solution amiable et
équitable de la question du Lauca, et de contribuer à l’établissement d’un climat favorable à une
entente de coexistence dans le règlement de la question du port.
Car tant que la Bolivie n’obtiendra pas son propre débouché souverain sur l’océan Pacifique,
son commerce extérieur restera dans une situation de dépendance et son développement
économique et culturel continuera d’être entravé. D’un autre côté, le pays a beaucoup à offrir au
Chili sans devoir recourir à une compensation territoriale. Dans cette nouvelle atmosphère
d’interrelation et de solidarité qui règne sur le continent, il est bien difficile de trouver des raisons
de s’élever contre cet accord de coexistence mutuelle.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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ANNEXE 291
LETTRE EN DATE DU 25 SEPTEMBRE 1963 ADRESSÉE À M. CONRADO RIOS GALLARDO,
ANCIEN MINISTRE CHILIEN DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, PAR
M. JOSÉ FELLMAN VELARDE, MINISTRE BOLIVIEN
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
C. Rios Gallardo, Un contact informel entre le Chili et la Bolivie (1966),
p. 46-48
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ministère bolivien des affaires étrangères et du culte
M. Conrado Ríos Gallardo
Santiago – Chili
La Paz, le 25 septembre 1963
Cher Monsieur Ríos,
Je n’ai reçu votre aimable lettre qu’hier, 16 septembre, en raison des aléas du courrier.
Comme je vous l’ai dit au cours de notre conversation au Paraguay, je sais qu’il est vain de
regarder vers le passé si nous avons la volonté de nous tourner vers l’avenir. Toutefois, et sans
nulle intention de mettre en doute votre mémoire, je souhaiterais souligner qu’au cours de cette
conversation, j’ai évoqué tout d’abord mon désir de trouver une solution mutuellement avantageuse
aux problèmes qui divisent nos deux pays et de surmonter les obstacles qui se sont opposés à cette
volonté, en raison d’une tendance revendicative croissante au sein de l’opinion publique
bolivienne. J’ai également mentionné les difficultés endurées par la Bolivie du fait de son manque
d’accès à l’océan Pacifique, tant en termes de libre transit que sur le plan individuel. La
«note Facio» a été révélée après que je vous eus informé que, dans l’état actuel des choses, le
Gouvernement bolivien n’avait pas l’intention de rentrer en possession du [département du]
Litoral, de diviser le territoire chilien, ni d’accéder à l’océan par le biais des territoires relevant des
accords conclus en 1929 entre le Chili et le Pérou.
J’insiste sur ce que je vous ai dit alors. Selon moi, cette note n’implique aucune revision du
traité de paix de 1904. Si vous lisez les notes échangées en juin 1950 et les mémorandums de 1961,
vous constaterez que le Gouvernement chilien est disposé, sous réserve de préserver la situation
juridique créée par le traité de 1904, à entamer des négociations officielles et directes avec la
Bolivie, afin de lui donner un accès propre et souverain à l’océan Pacifique et de permettre au Chili
d’obtenir des compensations de nature non territoriale, ceci constituant pratiquement une citation
verbatim desdites notes. Le Gouvernement bolivien maintient cette position.
Je crois en outre, bien qu’il ne s’agisse là que de mon point de vue personnel, que le thème
de la souveraineté devrait être abordé, comme toute question abstraite, non pas en tant que tel, mais
par rapport à son contenu. En conséquence, j’aurais souhaité connaître de la manière la plus
détaillée possible ce que le Gouvernement du Chili est en mesure d’offrir pour tenter de trouver une
solution aux problèmes qui, pour la Bolivie, se traduisent par le fait qu’elle ne possède pas de quais
où les cargaisons boliviennes puissent être prises en charge par des Boliviens payés en monnaie
bolivienne, avec des entrepôts et des postes douaniers, ainsi que des bureaux tenus par les autorités
boliviennes compétentes, des plages sur lesquelles les Boliviens puissent se rendre sans passeport
ni permis, ce problème signifiant également que le pays ne possède pas de garanties concrètes et
suffisantes sur le respect, à l’avenir, du régime de transit libre et inconditionnel convenu au titre du
traité de 1904.
- 39 -
J’écris ces lignes avec la même sincérité que celle dont vous faites preuve, sincérité que
j’apprécie. Aucun gouvernement bolivien, sachant que le fond compte plus que la forme, ne
renoncera jamais à invoquer les engagements pris par le Chili en 1950 et en 1961, indépendamment
des circonstances dans lesquelles ces engagements ont été assumés.
Nous aurions pu avancer sur les questions de fond. Je dois malheureusement convenir avec
vous que nos positions respectives paraissent actuellement diamétralement opposées.
Il est fort regrettable qu’il en soit ainsi. Il n’a pas été facile pour moi de plaider en faveur de
la création d’un climat approprié et de ne trouver aucun écho, pas même «l’exequatur» de
M. Fuentes. Le processus restait pourtant ouvert à toute proposition constructive. Je vous prie de
croire qu’il est agréable de trouver, au milieu de ces vicissitudes, des personnes animées de la
même volonté que celle que je pense posséder, et qui mérite le respect dû à tous ceux qui défendent
leur patrie dans un esprit positif.
Veuillez agréer, etc.
José FELLMANN VELARDE.
___________
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ANNEXE 292
LETTRE EN DATE DU 13 JANVIER 1964 ADRESSÉE À M. CONRADO RIOS GALLARDO,
ANCIEN MINISTRE CHILIEN DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, PAR
M. JOSÉ FELLMAN VELARDE, MINISTRE BOLIVIEN
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
C. Rios Gallardo, Un contact informel entre le Chili et la Bolivie (1966),
p. 66-72
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
La Paz, le 13 janvier 1964
M. Conrado Ríos Gallardo
Santiago  Chili
Cher Monsieur Ríos,
J’attendais avec optimisme votre courrier du 9 de ce mois. Je viens de le recevoir et je me
dois de vous dire honnêtement que la réalité est bien en deçà de mes espérances.
Je pense, tout comme vous, que dans l’affaire qui nous occupe, l’actualité est décisive. Les
relations internationales sont presque toujours un sujet polémique dans les processus électoraux et
on ne peut jamais savoir avec certitude si une alternance politique, ou même un simple
remaniement de l’exécutif, signera ou non un retour à la case départ dans une négociation portant
sur des questions en souffrance entre deux pays.
Dans ce contexte, je pense qu’il est de mon devoir de commenter votre courrier avec la plus
grande franchise.
Je comprends que le Gouvernement chilien ne veuille pas renoncer aux droits qu’il tient du
traité de 1904 et je ne doute pas que vous comprendrez pour votre part que le Gouvernement
bolivien ne veuille pas renoncer aux attentes suscitées par la note de juin 1950. Et ce, sans même
considérer les circonstances, de quelque ordre que ce soit, dans lesquelles ces deux instruments ont
été conclus.
Il me semble toutefois qu’entre ces deux positions, il existe une forme de no man’s land, et
que, s’il subsistait une véritable volonté de trouver des solutions, nous devrions nous y être
aventurés avant de nous rencontrer, si possible, à mi-chemin.
Sur la question du libre transit, les termes de votre courrier ne semblent pas annoncer un
geste en ce sens. Ils reviennent sur des droits déjà acquis par la Bolivie, en vertu d’accords en
vigueur, ou sur les points qu’elle a déjà rejetés, dans des circonstances plus favorables,
lorsqu’en 1961, les ministres des travaux publics des deux pays devaient se rencontrer. Et,
honnêtement, je ne peux souscrire à ces termes. Peut-être ignorez-vous qu’à l’époque, même les
terres que la Bolivie était censée recevoir à Arica pour ses entrepôts et bureaux avaient été
mentionnées.
Vous dites qu’aucune nation n’a octroyé de droits et privilèges semblables à ceux que le
Chili concède aujourd’hui à la Bolivie sur son territoire. Permettez-moi de ne pas être de cet avis.
Si l’on veut être juste, il nous faut rappeler qu’il ne s’agit pas d’une concession, mais bien d’une
compensation, comme l’établit clairement le traité de 1904. Par ailleurs, même en dehors de ce
- 41 -
cadre, je ne pense pas que la Bolivie soit la nation enclavée disposant des meilleures facilités de
transit, pour ce qui concerne le Chili.
A l’appui de votre courrier, vous me rappelez les termes de la convention de 1937 ainsi que
ceux de la déclaration de 1953, sans toutefois admettre que l’ensemble des droits ou privilèges que
ces instruments octroient à la Bolivie ne naissent  comme le précise le paragraphe premier de la
troisième page de votre courrier  qu’à partir du moment où les autorités chiliennes remettent les
marchandises boliviennes aux autorités boliviennes. En d’autres termes, entre la nation qui expédie
un bien vers la Bolivie ou celle qui reçoit un bien en provenance de la Bolivie se trouve l’autorité
chilienne.
N’oublions pas qu’il existe des nations enclavées en mesure d’échanger avec d’autres
nations, sans que soit nécessaire la présence ou l’intervention d’une tierce partie. C’est cet état de
fait qui est à l’origine des frictions et du ressentiment. On déplore des marchandises perdues, des
langueurs dans leur manutention, des retards… Bien que cela ne soit pas strictement vrai dans tous
les cas, tout ceci est, selon nos importateurs et exportateurs, le fait de cette tierce partie.
Pourquoi n’avons-nous pas pensé à éliminer ce motif de friction et de ressentiment dans
l’intérêt de tous ? Je ne pense pas le Chili y eût perdu à autoriser des transactions directes entre la
Bolivie et les pays importateurs et exportateurs. De plus, dans la mesure où ils sont interprétés de
manière adéquate, c’est ce que prévoient les termes de liberté et d’inconditionnalité du traité
de 1904.
L’idée que je me faisais d’un arrangement satisfaisant sur la question du transit était celle
d’une zone franche, relevant de la juridiction et de la compétence des autorités boliviennes, où des
docks existent ou puissent être construits, ou qui communique ou puisse aisément communiquer
avec l’un des réseaux ferroviaires qui relient la Bolivie au Pacifique, et qui couvre une superficie
suffisamment grande pour qu’on puisse y bâtir des bureaux, des entrepôts, des logements pour les
salariés, un commissariat pour les approvisionner, un petit hôtel et une piste d’atterrissage. En bref,
quelques kilomètres carrés, qui, en termes de transit, constituent une gare, libre de la présence de
tiers, entre la Bolivie et le monde, où, sans entrave à leur liberté de sortir, les Boliviens peuvent
entrer sans autre forme de cérémonie.
La Suisse possède des zones franches semblables, répondant à différentes dénominations, en
France et en Allemagne, par exemple. Nous sommes en train de négocier un arrangement similaire
avec la République d’Argentine à Barranqueras. Pourquoi le Chili ne pourrait-il pas consentir à un
dispositif de ce type ?
Quand je vous ai parlé de Mejillones, où pourrait être créée une zone franche, quelle qu’en
soit l’appellation, j’avais en tête qu’on y trouve un petit dock d’où nous exportons déjà un peu
d’étain, qui est relié à la ligne de chemin de fer d’Antofagasta et qui compte peu d’habitants, et je
pensais surtout aux difficultés qu’il y a à créer une zone franche dans un port tel qu’Arica ou
Antofagasta, où des problèmes peuvent se poser avec les travailleurs portuaires, où l’espace
pourrait manquer, et où pourraient subsister des intérêts anciens susceptibles de s’opposer à la
création de la zone franche.
Les avantages économiques que présentent Arica et Antofagasta par rapport à une telle zone
franche sont incontestables, et cela aurait amené la Bolivie à continuer d’utiliser ces ports pendant
de nombreuses années. Une situation plus favorable encore si l’on y trouve les installations que
vous détaillez dans votre courrier. Mais ce qui compte pour les Boliviens, ce sont les avantages
moraux, l’indépendance de leurs communications.
Dans ce cadre, il semble nécessaire de souligner que nous n’avions pas l’intention de
contraindre le Chili à construire des docks qui n’existent pas ou encore un aéroport. Le moment
venu, nous nous en serions chargés nous-mêmes. L’intention n’était pas non plus de supprimer la
- 42 -
charge totale actuellement gérée à Arica ou Antofagasta, opération qui, comme on peut le voir au
premier coup d’oeil, est physiquement impossible, inappropriée sur le plan économique et peut faire
l’objet d’un accord.
Je pense que l’idée que je me fais d’une zone franche, telle qu’exposée plus haut, même si
elle devait se situer dans ce no man’s land à cheval entre le traité de 1904 et la note de 1950
 position que je ne partage pas , n’implique en rien que le Chili cède des droits dont il s’estime
dépositaire. Je ne voyais pas, comme je l’ai écrit, l’utilité de débattre l’épineuse condition de la
souveraineté, ni même celle de l’extraterritorialité, dans le cas où seraient actés les détails pratiques
du statut de zone franche, ou toute autre désignation qu’on voudrait lui donner.
J’ose avancer ici que, personnellement, j’aurais pu soutenir un tel accord devant mon
gouvernement et, plus important encore, devant l’opinion publique de mon pays. De surcroît, je ne
pense pas qu’il eût été inapproprié, dès lors que la proposition était acceptée dans son principe, de
rétablir les relations entre nos deux pays afin que le détail puisse en être examiné.
Les termes de votre courrier, à mon grand regret, ne sauraient servir de base de négociation.
En telles circonstances, je pense que c’est une responsabilité trop lourde pour moi,
personnellement, que de maintenir mon gouvernement dans l’expectative. Au sein de mon propre
parti, certains défendent, avec une insistance croissante, que la politique actuelle du ministère des
affaires étrangères nuit aux intérêts du pays et place les candidats officiels en position de faiblesse
face à leurs opposants, qui sont libres de développer leur ligne sans contrainte.
Notre satisfaction est celle d’avoir fait un effort honnête. Je déplore vivement qu’il soit resté
vain, que nous ne soyons pas même parvenus à nous entendre sur certains points, et je pense que
vous déplorez la situation tout autant que moi. Quoi qu’il en soit, notre rencontre et nos échanges
cordiaux et francs me laissent la satisfaction d’avoir gagné un ami.
Veuillez agréer, etc.
___________
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ANNEXE 293
C. RIOS GALLARDO, UN CONTACT INFORMEL ENTRE LE CHILI ET LA BOLIVIE (1966),
P. 35-39 [EXTRAIT]
M’étant entièrement retiré de mes fonctions diplomatiques, je fus surpris, au cours des
premiers jours d’août 1963, de recevoir un appel urgent du ministre des affaires étrangères,
M Carlos Martinez Sotomayor, qui, au nom du président de la République M. Jorge Alessandri, me
demandait de présider la mission diplomatique spéciale que notre pays enverrait au Paraguay à
l’occasion de l’entrée en fonction du président, le général Alfredo Stroessner, une distinction que
j’acceptai en raison de mon amitié pour le peuple guarani et des égards du Gouvernement à mon
encontre.
La mission réunissait les membres suivants : Carlos Montane C., Guillermo Rivera B., et
Edmundo Eluchans M. ; les commandants en chef de l’armée, de la marine et de l’armée de l’air, à
savoir respectivement le général de division Oscar Izurieta M., le vice-amiral Hernan Cubillos L.,
et le général des forces aériennes Eduardo Jensen F. ; le secrétaire de la mission
M. Jorge Valdobinos et les assistants de commandement respectifs. Comme cela est d’usage dans
de telles circonstances, la représentation du pays au Paraguay, dirigée par M. Jaime Egaña
Barahona, ambassadeur fort compétent, faisait partie de la mission spéciale.
Le 12 août, nous atterrissions à l’aéroport d’Asunción à l’issue d’un vol direct depuis
Santiago en seulement deux heures. En 1939, j’étais arrivé depuis Buenos Aires par le fleuve, après
un voyage de quatre jours, pour présider la mission spéciale de notre pays pour l’entrée en fonction
du président le général Felix Estigarribia, habile dirigeant et vainqueur de la guerre du Chaco.
Près d’un quart de siècle s’était écoulé. Durant ce bref intervalle, la majestueuse capitale du
Paraguay, source de rayonnement de l’ère coloniale, s’était métamorphosée  sans que ses
habitants ne perdent leur élégante simplicité et que ses rues ne se déparent du charme de leurs
orangers parfumés  en une métropole moderne. De l’ancienne cité, seul ce qui méritait d’être
préservé l’avait été, et la nouvelle ville s’était érigée entre de larges avenues et de hauts immeubles
s’élevant jusqu’au ciel. Le peuple, qui aimait sa terre, vivait dans la joie et goûtait aux bénéfices du
progrès. La noble jeunesse de la ville  hommes et femmes , garante d’un grand avenir pour la
nation, y faisait régner une atmosphère de bien-être.
Deux jours avant la fin des sessions officielles, dans l’après-midi du 16 août, le secrétaire de
la mission spéciale de la Bolivie appela le secrétaire de notre mission au téléphone, afin de
solliciter une rencontre entre le chef de la mission chilienne et le ministre des affaires étrangères de
son pays, M. José Fellman Velarde, avec qui je n’avais échangé que de discrètes salutations lors de
diverses cérémonies. En dépit de la rupture des liens diplomatiques, depuis avril 1962, des
mandataires d’une courtoisie incontestable frappaient à notre porte, et il s’agissait précisément de
ceux-là mêmes qui avaient mis un terme aux relations.
La rencontre fut fixée à 21 h 30 le soir même, et à l’heure dite le représentant diplomatique
du Palacio Quemado frappait à la porte de la chambre 513 dans le magnifique et moderne hôtel
Guarani où nous séjournions. Nous nous trouvions face à face pour la première fois de notre vie,
dans une pièce de 5 m sur 3, et nous échangeâmes une poignée de main cordiale. Nous ne nous
étions jamais rencontrés auparavant. J’avais entendu parler de lui, et il est probable qu’il avait
également entendu parler de moi. Nous nous regardions et nous mesurions spontanément du regard.
Nous avions des statures similaires, il était dans la force de l’âge et je l’avais largement dépassée.
Cette rencontre était unique en son genre ; nos personnalités étaient marquées, avec ou sans raison,
comme respectivement anti-chilienne et anti-bolivienne. Pourtant, cet entretien fut cordial et il ne
se départit jamais de sa chevalerie.
- 44 -
La conversation débuta sans hésitation, et il procéda immédiatement à une brève analyse de
l’évolution des relations entre les deux pays suite au traité de 1904, pour se concentrer sans
attendre sur les divers épisodes de ces quatre dernières années, en terminant par l’ouverture brutale
des vannes du fleuve Lauca et en assurant que cette provocation avait contraint son Gouvernement
à rompre les relations diplomatiques avec le Chili. Il souligna qu’après cet événement, un puissant
courant d’opinion en faveur de la revendication maritime s’était de nouveau fait jour dans son pays
et que certaines personnes déchaînées étaient même venues réclamer la proclamation de la guerre.
Ces faits, ajouta-t-il, lapidaient la chancellerie et le couvraient lui-même de honte.
Il m’assura qu’il ne partageait pas ces opinions extrêmes, qui ne cadraient pas avec la réalité.
Il pensait même qu’il n’était pas possible d’aspirer à un territoire dans le Pacifique, mais que s’il
exprimait une telle prise de position il risquait de se trouver relégué à l’arrière-plan dans son pays.
Il ajouta qu’Arica était le port naturel du département de La Paz, mais qu’au vu de son
extraordinaire développement, son importante population chilienne, sa puissance industrielle
croissante et les fonds publics substantiels qui y étaient investis, ce territoire ne pouvait faire
raisonnablement l’objet d’une revendication.
A ce point, je l’interrompis en expliquant qu’il était fort préjudiciable à un rapprochement
concret de créer des illusions au sein de la population au sujet de la possibilité que le Chili cède le
moindre centimètre de territoire, et je déclarai sans ambages que le traité de paix de 1904 avait
définitivement fixé nos frontières.
Quoi qu’il en soit  répondit-il , la note envoyée par le ministre des affaires étrangères
Walker et le mémorandum Trucco ont ouvert la voie à des négociations sur la question du port, et il
a demandé que soit faite une déclaration portant sur les deux documents, mais sans succès. Je lui
rappelai qu’il en avait obtenu une indirectement avec la réponse du ministre des affaires étrangères
Sotomayor à l’ambassadeur Facio, et que le Chili ne souhaitait pas entamer de pourparlers ayant
des incidences sur l’intégrité de sa souveraineté nationale.
Mettant cette question de côté, il aborda alors le régime du libre transit prescrit par le pacte
de 1904 et déclara que ce régime ne suffisait pas au développement de la Bolivie, que le transport
des marchandises continuait de se heurter à des difficultés, que le régime de libre transit avait été
écarté par la volonté des syndicats des gens de la mer et que ces derniers avaient récemment
menacé d’entamer une grève s’ils n’obtenaient pas la libération d’un conducteur de train, qui avait
roulé sur un homme traversant la voie de chemin de fer et l’avait tué.
Je répondis qu’aucun port sur terre n’était à l’abri d’une grève du travail, de New York à
Mollendo, de Liverpool à Arica, tout en ajoutant que les grèves sont sporadiques tandis que le libre
transit est éternel.
Le ministre des affaires étrangères Fellman Velarde  tout à la fois intelligent et
perspicace  aborda alors de nouveau la question du fleuve Lauca. Il fit état de différentes
propositions de formules visant à parvenir à une solution et souligna en particulier la nécessité de
nommer des ingénieurs neutres, réputés dans leur domaine, pour faire savoir aux deux pays si
l’utilisation des eaux par le Chili causait un quelconque préjudice à la Bolivie. Cette mesure serait
plus rapide que de faire appel à la Cour internationale de Justice de La Haye. Il m’assura que des
travaux continuaient dans le fleuve, à douze kilomètres de la frontière, et que des photos en
témoignant avaient été montrées au vice-secrétaire d’Etat pour l’Amérique latine et à
l’ambassadeur des Etats-Unis à La Paz. D’un ton conciliant, il ajouta que le Chili pouvait
augmenter le débit du fleuve Lauca, en tirant profit du bassin de Challaviento. Une fois de plus, il
insista sur la nécessité de trouver une solution à ce problème et assura que son pays y était tout
disposé.
- 45 -
Immédiatement après, il mentionna une proposition faite au président du Conseil de l’OEA,
l’ambassadeur Facio, consistant à fournir de meilleures installations  qui n’auraient aucune
répercussion sur la souveraineté du Chili  dans le port de Mejillones. Il justifia ce projet en
expliquant qu’un port pouvait être construit dans cette baie pour éviter ainsi les obstacles
rencontrés à Arica et Antofagasta, car ces deux villes connaissaient un trafic commercial intense,
tandis que le port de Mejillones pouvait se révéler plus performant pour la Bolivie, et ses habitants
pouvaient s’y rendre sans problème de transport pour s’y baigner et y prendre le soleil.
Je lui répondis que je n’avais pas connaissance de cette proposition, et il me dit qu’il me la
ferait parvenir par un biais sûr. A l’issue de cette conversation, nous échangeâmes nos
coordonnées, encouragés par une aspiration mutuelle à surmonter les difficultés qui divisaient nos
deux pays. Il s’agissait d’un noble objectif qui, malheureusement, n’était pas couronné de succès.
L’entretien prit fin, le ministre des affaires étrangères Fellman Velarde indiquant alors que le
président Paz Estenssoro  s’efforçant invariablement de venir à bout des obstacles  avait pensé
judicieux de tirer profit de la visite faite par l’ancien ministre des affaires étrangères Rios Gallardo
pour le rencontrer, en dehors des contacts officiels, afin qu’ils échangent leurs idées sans détour
pour trouver les moyens de rétablir les relations, dans la mesure où des résultats positifs ne
pouvaient être obtenus que dans le cadre d’échanges directs et que, tant que les relations n’étaient
pas rétablies, les deux pays continueraient de s’éloigner toujours plus et il deviendrait plus difficile
de mener à bien cette mission.
Je lui répondis que je partageais ces objectifs et me conformerais à ma tâche consistant à
informer le président Alessandri et le ministre des affaires étrangères Martinez Sotomayor des
idées et réflexions formulées ici dans des termes aussi clairs.
La rencontre dura deux heures, et ce que j’ai écrit ici n’est qu’un bref résumé des aspects
fondamentaux, consignés de la manière la plus fidèle possible. Si ce compte-rendu comporte des
erreurs, je prie M. José Fellman Velarde  dont j’ignore le sort, en ces temps incertains qui
caractérisent son pays  de me pardonner. J’aurais souhaité avoir son autorisation pour soumettre
ces lettres à l’opinion publique, même si cette correspondance n’appartient ni à lui ni à moi, mais
aux opinions publiques de nos pays respectifs qui en prendront connaissance et la jugeront.
___________
- 46 -
ANNEXE 294
A. ALESSANDRI PALMA,MÉMOIRES DE MON GOUVERNEMENT, VOLUME I (1967),
P. 76 ET 77 [EXTRAIT]
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Le 4 novembre 1921 s’est tenu le premier conseil des ministres du cabinet Tocornal Barros
Jarpa, au cours duquel a été défini le programme ministériel, un conseil sobre et digne, proposant
de travailler dans le respect de la loi, en maintenant le pouvoir en place jusqu’à la formation d’un
ensemble politique apte à soutenir un ministère efficace et consciencieux. Le ministère a été salué
par le sénat et la chambre des députés. J’ai recommandé au ministre Jaramillo de poursuivre en
particulier la construction de la transandine depuis Uspallata, et des voies ferrées de Salta et
d’Antofagasta, depuis Lonquimay jusqu’à Bahia Blanca et de Casablanca à Valparaiso, afin de
donner du travail aux chômeurs. Le même jour, j’ai reçu le nouveau ministre bolivien M. Macario
Pinilla, et bien que cela aille un peu à l’encontre du protocole, je lui ai dit que, s’il venait pour
solliciter une révision du traité de 1904, il était préférable qu’il ne perde pas son temps et ne me
fasse pas perdre le mien car, de mon côté, au nom du Chili, je n’accepterais jamais une telle
révision, ce qui n’excluait pas d’entendre, dans le cadre de nouvelles négociations, les aspirations
de la Bolivie en échange de compensations. «Nous considérons», ai-je déclaré, «que notre situation
avec la Bolivie est complètement réglée, nous ne devons rien à la Bolivie, même si nous ne
refusons pas de parler de nouvelles bases ou propositions d’accord sans lien avec le traité».
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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ANNEXE 296
RAPPORT EN DATE DU 19 NOVEMBRE 1970 ADRESSÉ À M. EMILIO MOLINA PIZARRO,
MINISTRE BOLIVIEN DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, PAR M. FRANK RÜCK URIBURU,
CONSUL GÉNÉRAL DE BOLIVIE À SANTIAGO
Archives du ministère bolivien des affaires étrangères
RESERVE
République de Bolivie
Ministère des affaires étrangères et des cultes
La Paz, le 19 novembre 1970
Objet : Mission confidentielle à Santiago au Chili
Monsieur le ministre,
Ce matin, le sous-secrétaire aux affaires étrangères, M. Fernando Laredo, m’a donné
l’instruction de vous soumettre un rapport sur les conclusions dégagées à Santiago au Chili, suite à
la mission confidentielle qui m’a été confiée par le Gouvernement bolivien auprès de celui du
Chili, tandis que je m’acquitte parallèlement de mes fonctions de consul général dans la capitale
chilienne.
Ces démarches  plutôt complexes, du fait des questions débattues et de la participation des
diplomates et responsables politiques chiliens  ont été menées conformément aux instructions
qui, avec l’autorisation du ministère des affaires étrangères, m’ont été données par le président de
la République de l’époque, le Général Alfredo Ovando, et ont débouché sur un rapport
circonstancié qui vous informera en détail, Monsieur le ministre des affaires étrangères, de tout ce
qui s’est passé dans ce cadre.
Parallèlement, et me conformant à vos instructions, Monsieur le ministre des affaires
étrangères, je dois vous informer brièvement des conditions sur lesquelles les deux pays se sont mis
d’accord  jusqu’à présent  concernant le rétablissement possible des relations diplomatiques,
qui ont été rompu durant huit ans en raison de la controverse soulevée par l’appropriation abusive,
par le Chili, des eaux du fleuve Lauca.
L’esprit de ces démarches  sur lesquelles se fondaient les instructions que j’ai reçues de
mon Gouvernement, et que le Chili approuve entièrement  est de tirer profit, avec un nouvel état
d’esprit, de la complémentation offerte par les économies de la Bolivie et du Chili afin d’agir dans
de meilleures conditions au sein du Groupe andin, en se rappelant invariablement non seulement le
cadre inébranlable de la dignité nationale, qui est manifeste, mais également l’objectif essentiel
consistant à emprunter la voie qui nous permettra d’obtenir le débouché souverain que la Bolivie
doit posséder en propre sur le Pacifique. Et l’on soutient qu’il est question de la «route» vers la mer
et pas seulement de «l’obtention» d’un port, car, puisque la diplomatie est la «science du possible»,
nous devons adapter  parfois à regret  nos actions aux possibilités qui nous sont offertes et non
à la réalité que, en vertu de la justice, nous devrions exiger.
Le ministre des affaires étrangères et du culte,
(Signé) Général Emilio Molina PIZARRO.
Remis en main propre
- 48 -
De cette manière, après dix mois de transactions confidentielles  menées durant sept mois
à Santiago et trois mois à La Paz et, bien sûr, ad referendum étant donné que le soussigné remplit
les fonctions de Consul , des conclusions concrètes approuvées dans leur intégralité par le
Gouvernement de l’Unidad Popular ont été dégagées avec le Gouvernement chrétien-démocrate du
président Frei, ainsi que j’ai eu l’honneur de vous le faire savoir, Monsieur le ministre des affaires
étrangères, dans les câbles qui consignent mes échanges avec le président Allende.
Les conditions sur lesquelles nous nous sommes mis d’accord pour une reprise possible des
relations sont les suivantes.
1. Publication simultanée, par les deux gouvernements, d’une déclaration à l’effet qu’ils
reprendront leurs relations diplomatiques, soutenus par l’objectif de rechercher des formules
permettant de régler les questions d’intérêt commun et dans le but de contribuer plus efficacement
à l’intégration sous-régionale et à l’unité de l’Amérique latine.
2. Publication également simultanée par eux des déclarations qu’ils jugeront utile de faire sur
la reprise des relations. (Explications complémentaires : selon moi, le président bolivien devrait
axer sa déclaration  faite simultanément avec la reprise concrète des relations  sur le fait que la
Bolivie prend cette décision historique avec trois objectifs à l’esprit : 1) négocier avec le Chili son
propre débouché souverain sur l’océan Pacifique, selon les termes clairement fixés dans les notes
échangées par les deux gouvernements le 1er et le 20 juin 1950 entre l’ambassadeur de Bolivie
Alberto Ostria Gutierrez et le ministre chilien des affaires étrangères Horacio Walker Larraín ;
2) régler le différend portant sur le fleuve Lauca ; et 3) préconiser la mise en oeuvre des pactes et
accords d’importance primordiale pour le développement d’infrastructures et celui du commerce
entre la Bolivie et le Chili, ce qui suppose des avancées positives dans l’application harmonieuse de
la grande perspective d’intégration menée à bien par les pays du groupe andin).
3. Annonce de la tenue d’une réunion de la commission technique mixte visant à examiner
l’utilisation du fleuve Lauca et à proposer des solutions tenant compte des intérêts légitimes et
réciproques des deux pays.
4. Annonce de la tenue d’une réunion de la commission technique mixte (traité de
complémentation économique) afin de régler les questions ci-dessous.
A. Amélioration des services de transit pour les personnes et les marchandises.
I. Elimination des passeports et visas, le Chili exerçant uniquement un contrôle sanitaire et
de police sur les véhicules et les personnes.
II. Exercice direct du commerce extérieur bolivien jusqu’à La Paz, d’autres villes, et
inversement, et non avec le code d’identification fiscal d’Arica, le CIF (par exemple CIF
Hambourg-La Paz, La Paz-CIF Hambourg, etc.).
III. Création d’un terminal maritime bolivien à Arica en charge d’une agence bolivienne des
douanes ; cession à la Bolivie de son propre dock ; cession à la Bolivie d’une zone dans
Arica pour construire un terminal terrestre (construction d’un hôtel, d’une station-service
pour les camions venant de Bolivie, etc.).
B. Route Arica-La Paz (achèvement) et Iquique-Oriro (construction).
C. Elargissement des pipelines et dépôts pour les oléoducs et extensions des tuyaux jusqu’aux
navires citernes en mer.
D. Evaluation de la pose de gazoducs qui, en traversant les principaux centres miniers boliviens,
atteignent la côte sur le Pacifique.
- 49 -
E. Echanges commerciaux : gaz et pétrole achetés par le Chili auprès de la Bolivie.
F. Evaluation de l’industrie pétrochimique, en tirant partie des accords de la sous-région andine.
G. Evaluation des projets avec des sociétés mixtes de sidérurgie.
H. Intensification des échanges intellectuels et des perspectives d’assistance technique.
Négociations verbales strictement réservées pour régler le problème
d’un port souverain pour la Bolivie sur l’océan Pacifique
Une fois rétablies les relations diplomatiques, les agents diplomatiques boliviens en poste à
Santiago enverront une note au ministre chilien des affaires étrangères, par laquelle ils
demanderont soit, a) une rencontre, soit, b) une réponse écrite
«en vue de la poursuite des négociations spécifiées dans les notes datées
respectivement du 1er et du 20 juin 1950 échangées par les deux gouvernements, et
signées par M. Alberto Ostria Gutierrez, ambassadeur de Bolivie au Chili et
M. Horacio Walker Larraín, ministre chilien des affaires étrangères aux fins de doter
la Bolivie d’un port souverain sur la côte de l’océan Pacifique».
Lors des récentes négociations menées avec l’actuel Gouvernement chilien, nous avons
convenu, progressant ainsi dans ce qui avait été décidé avec le gouvernement précédent, que
l’échange de ces notes aurait lieu quinze jours après la date de reprise des relations.
(Nous avons fixé ce délai étant donné qu’après un tel événement il serait nécessaire de
demander l’accord concernant l’ambassadeur bolivien ou l’échange d’ambassadeurs  dans ce
dernier cas, le sénat aurait besoin de davantage de temps pour signifier son approbation quant à la
nomination de l’ambassadeur chilien , et que le diplomate bolivien devrait rendre des visites
essentielles, par exemple au président du congrès, de la cour suprême, et au ministre de l’intérieur
qui, au Chili, remplace le président lorsque celui-ci n’est pas en mesure de remplir ses fonctions).
Permettez-moi de rappeler, Monsieur le ministre des affaires étrangères, que ces conditions
convenues pour la possibilité d’un rétablissement des relations avec le Chili devront faire l’objet
d’une analyse conjointement avec les fluctuations qui ont marqué le cours des négociations et ont
été consignées dans un rapport général que je vous soumettrai.
Dans l’intervalle, Monsieur le ministre, j’attends vos instructions pour soumettre oralement
des informations détaillées à vous-même ainsi qu’au président de la République lorsqu’il le jugera
opportun.
Je pense que ces négociations soulignent l’intérêt d’avoir rassemblé dans un seul et unique
ensemble les démarches effectuées au préalable par les représentants de la Bolivie et du Chili
concernant cette question, qui consignent également les avancées faites dans les domaines de la
pétrochimie et du gaz, l’amélioration des services de transit (élimination des visas et des contrôles)
et, surtout, la volonté du Chili de rétablir la validité des notes gouvernementales de 1950, qui
reconnaissent à la Bolivie de droit de mener des négociations débouchant sur sa réintégration
maritime.
- 50 -
Le Gouvernement révolutionnaire doit à présent déterminer l’intérêt de modifier, d’élargir,
de poursuivre ou de suspendre les négociations en cours. Le soussigné, en sa capacité de
fonctionnaire des affaires étrangères de la Bolivie et dans l’exercice de ses fonctions, ne peut
qu’attendre les instructions officielles et s’y conformer, ainsi qu’il l’a fait tout au long des
démarches qu’il porte à votre connaissance dans le présent document.
Enfin, je me dois de signaler la remarquable bonne volonté dont le président Allende, puis
son chancelier M. Almeyda, ont fait preuve à mon égard ces derniers jours pour parvenir à un
accord avec la Bolivie mettant un terme à la rupture des relations entre les deux pays.
Je vous réitère, Monsieur le ministre des affaires étrangères, l’assurance de ma considération
la plus élevée et la plus distinguée.
Le consul général de Bolivie au Chili,
(Signé) Franz Rück URIBURU.
___________
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ANNEXE 297
MINUTES DE LA RÉUNION TENUE ENTRE LES MINISTRES BOLIVIEN ET CHILIEN DES
AFFAIRES ÉTRANGÈRES À SAN JOSÉ (COSTA RICA), RÉDIGÉES PAR
M. FERNANDO LAREDO, SOUS-SECRÉTAIRE BOLIVIEN AUX
AFFAIRES ÉTRANGÈRES, 14 AVRIL 1971
Archives du ministère bolivien des affaires étrangères
COPIE
RESERVE
Réunion tenue entre les ministres bolivien et chilien des affaires étrangères
à San José, au Costa Rica
Le 14 avril 1971, sur invitation expresse du ministre chilien des affaires étrangères
M. Clodomiro Almeyda, les ministres bolivien et chilien des affaires étrangères, accompagnés du
sous-secrétaire Fernando Laredo, de l’ambassadeur Carlos Casp et des ambassadeurs Luis Herrera,
Armando Vargas Carreños et Mario Valenzuela, se sont longuement entretenus à l’occasion d’un
dîner de travail.
Au cours de cet entretien, ils ont abordé différents sujets politiques liés à la situation interne
des deux pays, à la position de Cuba à l’égard de l’OEA, et à des questions concernant cette
organisation, qui tiendra des sessions ordinaires auxquelles les deux délégations assisteront.
Parmi les sujets débattus entre les deux ministres des affaires étrangères ont figuré en
premier lieu la question des relations entre la Bolivie et le Chili et les démarches effectuées par le
consul bolivien à Santiago pour les rétablir sur la base de négociations visant à l’obtention, par la
Bolivie, de son propre accès souverain à l’océan Pacifique.
Le ministre des affaires étrangères Almeyda a entamé ces pourparlers en soulignant la
solidarité tacite qui existe entre les deux pays et la nécessité de normaliser leurs relations
diplomatiques, compte tenu du fait que leurs relations dans d’autres domaines étaient excellentes.
Le ministre des affaires étrangères Taborga a approuvé cette nécessité et ratifié
immédiatement les démarches effectuées par le consul général Franz Rück, en sa qualité d’agent
confidentiel du Gouvernement bolivien, en soulignant que son gouvernement était informé de ces
démarches et qu’il les approuvait. Il a ensuite appelé l’attention sur les dernières évolutions de la
situation et le statu quo qui régnait depuis quelques mois. Selon lui, l’initiative chilienne et la
réponse bolivienne en sa faveur montraient clairement que les problèmes susmentionnés avaient été
surmontés et qu’il convenait désormais de faire avancer les discussions.
Le ministre bolivien des affaires étrangères a mentionné les objectifs visés et les procédures
qui seront suivies pour régler la question selon des termes favorables et rétablir les relations, tout
en trouvant une issue au problème d’enclavement de la Bolivie, au différend portant sur le fleuve
Lauca et aux projets de développement économique entre les deux pays.
Le ministre des affaires étrangères Taborga a souligné l’importance de définir l’objectif des
négociations et déclaré que, selon son gouvernement, cet objectif devait être lié à [la dévolution d’]
un corridor au nord d’Arica, s’étendant depuis la frontière et incluant la voie de chemin de fer et un
dock. Il a également réitéré la nécessité de disposer d’une enclave souveraine à Mejillones.
- 52 -
La procédure à suivre devrait consister en la publication d’une déclaration commune des
deux présidents, lesquels feraient ensuite des déclarations simultanées de teneur similaire portant
sur les négociations, ce qui reviendrait à mettre à jour l’échange de notes intervenu entre les deux
gouvernements en 1950.
Le ministre des affaires étrangères Almeyda a répondu en rappelant la position de son
gouvernement, à savoir qu’il était d’accord avec les sujets débattus, et en réaffirmant le
consentement du Chili concernant les éléments mis en avant par le ministre des affaires étrangères
Taborga, indiquant par ailleurs qu’il se faisait ainsi non seulement l’interprète du
président Allende, mais qu’il exprimait en outre fidèlement ses propres vues sur le sujet. Par
ailleurs, il a fait allusion à la position du Pérou et au Protocole complémentaire de 1929, étant
donné l’absolue nécessité d’obtenir le consentement de ce pays. Compte tenu de la proposition
bolivienne d’examiner l’attitude du Pérou au préalable et de manière officieuse, et de l’informer de
l’accord initial obtenu et de l’intérêt que présente le consentement du Pérou pour la Bolivie et le
Chili en vue de concrétiser cet accord dans toutes ses phases, le ministre chilien des affaires
étrangères a approuvé la procédure à la condition qu’elle soit menée à bien sans impliquer de
répercussion directe sur le rétablissement des relations, ni susciter de veto sur les relations entre la
Bolivie et le Chili. Tel était l’esprit de la proposition bolivienne.
Un accord a ensuite été obtenu sur le fait que, lorsque les négociations atteindraient un stade
avancé, la Bolivie procèderait à une consultation confidentielle du Pérou afin que les étapes finales
se déroulent avec la certitude que le Gouvernement du Rimac donnerait son accord. Le ministre des
affaires étrangères Almeyda a également accepté l’idée que le Chili devrait solliciter officiellement
et sans tarder le consentement du Pérou à la signature de la déclaration conjointe et aux
négociations sur le corridor et le port.
Par ailleurs, il a été décidé que le consul général Rück formulerait des instructions pour
Santiago accompagnant la déclaration conjointe et les projets de déclarations présidentielles
concomitantes, et que les deux ministres des affaires étrangères feraient part de l’issue de cette
rencontre à leurs présidents. La nécessité urgente d’aller de l’avant a été soulignée et les deux
ministres des affaires étrangères ont exprimé leur satisfaction et leur certitude que cette rencontre
avait été bénéfique et caractérisée par des marques manifestes de bonne volonté et le désir de régler
le problème du Pacifique d’une manière concrète, en tenant compte des intérêts des deux pays.
San José, le 14 avril 1971.
Ce document a été élaboré par le sous-secrétaire Fernando Laredo. Il m’a été remis par ce
dernier le 23 avril 1971, au ministère des affaires étrangères.
Le consul général de Bolivie au Chili,
(Signé) Franz Rück URIBURU.
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- 53 -
ANNEXE 300
«LE CHILI EST DÉTERMINÉ À ABORDER FRANCHEMENT LE PROBLÈME DE L’ENCLAVEMENT»,
ULTIMA HORA (BOLIVIE), 1ER MARS 1975
Journal Ultima Hora (Bolivie)
«Le Chili est déterminé à aborder franchement le problème de l’enclavement», affirme le
porte-parole du Gouvernement du Chili, F. Willoughby
Ultima Hora, le samedi 1ER mars 1975, P. 9
[Photo] Le porte-parole du Gouvernement chilien, Federico Willoughby a répondu à plus d’une
centaine de questions
Le porte-parole de la junte militaire du Chili, Federico Willoughby, a affirmé lors d’une
conférence de presse tenue hier que son pays «est déterminé» à aborder franchement le problème
d’enclavement auquel se heurte la Bolivie.
S’il a mis davantage l’accent sur les aspects commerciaux susceptibles de rassembler la
Bolivie et le Chili après le 8 février  date à laquelle les généraux Augusto Pinochet et
Hugo Banzer se sont réunis à Charaña et ont décidé de renouer les liens diplomatiques , le porteparole
chilien a affirmé que «le problème fondamental des Boliviens est celui de la mer».
Question pressante
Willoughby s’est trouvé contraint à de multiples reprises d’évoquer, plus d’une heure durant,
le problème de l’enclavement, devant les questions insistantes des journalistes. «Le Chili souhaitet-
il que la Bolivie dispose d’un accès à la mer ? J’attends une réponse concrète», a demandé un
journaliste.
La réponse n’était pas catégorique. «Un problème qui persiste depuis tant d’années ne saurait
être résolu en quelques jours. Nous sommes en négociation. Nous sommes en pourparlers.
L’important, c’est que nous ayons renoué», a affirmé Willoughby.
«J’aimerais informer l’opinion publique bolivienne que le Chili est déterminé à trouver une
solution au problème d’enclavement de la Bolivie. Suis-je clair ou non ?», a lancé le porte-parole
interrogé par un autre journaliste.
«De manière générale, on peut dire que oui», a indiqué en réponse le représentant chilien,
tout en demandant qu’il lui soit permis d’affirmer au peuple bolivien que «s’il est une chose à
laquelle peut contribuer ma visite en Bolivie, c’est bien de vous assurer que nous sommes en train
de discuter du problème».
Il a également assuré que «[Nous] avons un engagement avec la Bolivie depuis la réunion de
Charaña». Il a défendu la solennité de la promesse portée par le général Augusto Pinochet le
8 février et déclaré que, dans l’intervalle, des mesures concrètes étaient adoptées, citant par
exemple la nomination de plusieurs ambassadeurs, l’élimination des formalités de visa pour les
citoyens boliviens leur permettant d’entrer librement au Chili et l’ouverture d’esprit de son pays,
disposé à lever toute difficulté susceptible d’entraver le transit normal des marchandises
boliviennes dans les ports d’Antofagasta et Arica.
- 54 -
Pays tiers
Pour Willoughby, conclure de manière hâtive que les tierces parties s’opposeront à ce que la
Bolivie et le Chili parviennent à un accord définitif sur l’enclavement constitue une «injure
gratuite».
L’ensemble du continent latino-américain est aujourd’hui au fait du problème, a-t-il
poursuivi, rappelant que, dans la déclaration d’Ayacucho, les nations se réclamant de Bolivar et de
San Martín avaient apporté leur soutien à la cause bolivienne. «Le Chili est aussi conscient du
problème» et des pourparlers ont été engagés dans cet esprit. Evoquant en particulier le rôle que le
Pérou pourrait jouer dans ce dossier, il a déclaré que «le fait que la déclaration d’Ayacucho ait été
signée à Lima revêt une importance primordiale», car cela pourrait être interprété comme un signe
que le Pérou est tout aussi préoccupé que le Chili par la question de l’accès de la Bolivie à la mer.
Le représentant chilien a maintenu que les tierces parties susceptibles de s’opposer à une
«entente franche entre la Bolivie et le Chili» se trouvaient en dehors du continent «en Europe».
«Ceux qui écrivent à l’encre rouge et se laissent aisément convaincre par des billets verts», a-t-il
fait observer.
Satisfaction
Le porte-parole de la junte militaire du Chili a également déclaré qu’il rentrerait au pays avec
la satisfaction qu’un climat favorable à la reprise des relations prévaut dans les cercles avec
lesquels il s’est entretenu pendant trois jours.
Il a accompagné le général Hugo Banzer lors de sa visite à Santa Cruz, où il était attendu
pour l’inauguration de l’usine de tricônes, des silos et de l’hôtel Los Tajibos, et a tenu de
nombreuses réunions avec de hauts représentants une fois de retour à La Paz.
Il a balayé l’idée selon laquelle régnerait une certaine «méfiance à l’égard de la diplomatie
chilienne», indiquant «préférer retenir l’impression positive que m’ont laissée les cercles que j’ai
pu rencontrer».
Il a proposé aux Boliviens et aux Chiliens de faire de la «stabilité politique et [de la] paix
sociale» l’un des piliers fondamentaux de la recherche d’une «solution aux problèmes historiques».
Engagement
Enfin, Willoughby s’est engagé à trouver une solution au problème des étudiants boliviens
disparus au cours des événements survenus en septembre, au moment du renversement de
Salvador Allende et de l’accession au pouvoir du général Pinochet.
Il a pris cet engagement après que les journalistes lui ont remis tous les documents entourant
l’affaire des deux disparus, Carlos Enrique Saavedra Gonzales et Carlos Ramiro Gonzales, qui,
comme le prouvent les pièces réunies, ont disparu sans laisser de trace alors qu’ils étaient détenus
au stade national.
Cette question sera examinée à compter du 20 mars prochain.
___________
- 55 -
ANNEXE 301
«LA BOLIVIE ET LE CHILI CONJUGUENT LEURS EFFORTS POUR RÉGLER LE PROBLÈME
DE L’ENCLAVEMENT», HOY (BOLIVIE), 4 MARS 1975
Journal Hoy (Bolivie)
La Bolivie et le Chili conjuguent leurs efforts pour régler le problème de l’enclavement
Hoy, mardi 4 mars 1975.
SANTIAGO, CHILI, 3 (Amérique latine). Le Chili et la Bolivie examinent actuellement une
solution pour régler le problème de l’enclavement de la Bolivie, ainsi que l’a déclaré aujourd’hui
l’attaché de presse de la Junte du Gouvernement, Frederico Willoughby.
«La Bolivie et le Chili sont en train de réfléchir à une solution, et ce sera là la
tâche première des missions diplomatiques devant être accréditées, partant du principe
que les accords internationaux récemment conclus seront respectés.»
Par cette déclaration, Willoughby, revenu à La Paz pendant le week-end, faisait référence au
document signé le 8 février dans la ville frontalière de Charaña en Bolivie par les présidents
Augusto Pinochet et Hugo Banzer. A cette occasion, les deux chefs d’État ont convenu de rétablir
leurs relations diplomatiques, interrompues depuis le 15 août 1962.
L’attaché de presse a qualifié l’accueil du président Banzer de «tout à fait chaleureux».
«L’amitié entre le Chili et la Bolivie évolue à un niveau inégalé depuis de nombreuses années,
soutenue par une entente réciproque», a-t-il déclaré.
Selon lui, les Présidents Pinochet et Banzer sont plus que désireux de régler les principaux
problèmes existant entre les deux nations.
Willoughby a déclaré que le chef d’Etat bolivien semblait tout à fait enclin à renforcer les
échanges commerciaux réciproques, et souligné que la BOLIVIE pouvait exporter vers le Chili des
produits tels que le riz, le sucre, le bois et le coton, pour lesquels le pays est en situation de
surproduction.
L’attaché de presse a indiqué aux journalistes que durant sa visite à La Paz, il avait
accompagné le président Banzer à Santa Cruz qui, selon lui, connaissait une «explosion
économique».
Toujours selon lui, l’Est bolivien était en pleine croissance et le Chef de l’Etat avait inauguré
une usine de pièces de tricônes ainsi qu’un hôtel moderne.
Enfin, l’attaché de presse a signalé que les sphères gouvernementales étaient satisfaites de la
prompte approbation du Gouvernement, qui avait été sollicité au sujet l’ambassadeur du Chili à La
Paz, Rigoberto Diaz.
A l’heure actuelle, Diaz assume les fonctions de Consul général du Chili en Bolivie. Ces
quinze dernières années, il s’est acquitté de missions majeures à l’étranger dans le cadre de sa
carrière de diplomate.
- 56 -
Willoughby a déclaré que sa visite en Bolivie répondait à une invitation officielle adressée
par le président Banzer, et que son objectif était d’examiner la possibilité de concrétiser un échange
au niveau d’officiers publics et de représentants des médias.
Par ailleurs, il a noté l’absence d’informations quant à l’annonce du secrétaire d’Etat
américain Henry Kissinger portant sur une ouverture possible à l’égard du gouvernement cubain.
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- 57 -
ANNEXE 302
««LA BOLIVIE ET LE CHILI S’EFFORCERONT DE CONCRÉTISER L’«ESPRIT DE CHARAÑA»»,
DÉCLARE M. GUTIÉRREZ», HOY (BOLIVIE), 9 AVRIL 1975
Journal Hoy (Bolivie)
«Gutierrez déclare que la Bolivie et le Chili s’efforceront de concrétiser l’esprit de Charaña»
Journal Hoy, mercredi 9 avril 1975
Santiago (Chili), 8 (Amérique latine). Arrivé dans la ville pour y prendre ses fonctions, le
nouvel ambassadeur bolivien Guillermo Gutierrez Vea Murguia a déclaré aujourd’hui que durant sa
mission diplomatique il s’efforcerait de concrétiser ce qu’il a qualifié «d’esprit de Charaña», de
manière à ce que les relations entre son pays et le Chili soient fondées sur une amitié et une
franchise véritables.
«J’essaierai de respecter, de la manière la plus efficace, l’esprit de Charaña qui
se reflète dans l’accord qui, pratiquement treize ans après, a ouvert la voie à la reprise
des relations entre nos deux pays», a déclaré l’ambassadeur Gutierrez aux journalistes
à l’aéroport de Pudahuel.
Le diplomate est arrivé en compagnie du Consul général Hugo Toro, du conseiller
économique Jaime Gutierrez et de son secrétaire privé Ronald MacLean. La délégation bolivienne
a été accueillie à l’aéroport par le Chef du protocole, Ladislao Labra, et des représentants du
Consulat bolivien à Santiago.
Devant plusieurs journalistes de presse, radio et télévision, l’ambassadeur Gutierrez a
déclaré :
«Je ne peux nier le fait qu’il existe des problèmes que nous devons régler, mais
je pense que nous serons capables de les surmonter et réussirons à établir une
coopération et une intégration dignes de ce nom entre nos peuples.
Il est approprié de dire que le Chili nourrit de grandes attentes concernant nos
nouvelles relations et je pense que ces attentes seront satisfaites dans le meilleur esprit.
Dans le cadre de cette compréhension et cette collaboration, je crois que nous
parviendrons à une solution satisfaisante à nos problèmes fondamentaux. Tel est
l’objectif de ma mission au Chili.»
Un reporter de télévision a demandé à l’ambassadeur comment il communiquerait, en tant
que journaliste, la nouvelle de son arrivée au Chili en quatre colonnes.
«Pour commencer», a-t-il répondu, «je n’utiliserais pas quatre colonnes, mais je dirais que le
nouvel ambassadeur est arrivé avec les meilleures intentions».
Mme Monica Ballivian de Gutierrez rejoindra son mari le mois prochain. Actuellement, elle
se trouve aux Etats-Unis pour y suivre un traitement médical.
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- 58 -
ANNEXE 305
NOTE NO 674/259/75 EN DATE DU 9 DÉCEMBRE 1975 ADRESSÉE À M. ALBERTO GUZMÁN
SORIANO, MINISTRE BOLIVIEN DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DES CULTES, PAR
M. GUILLERMO GUTIÉRREZ VEA MURGUÍA, AMBASSADEUR
DE BOLIVIE AU CHILI
Archives du ministère bolivien des affaires étrangères
674/259/75 RÉSERVÉ ET CONFIDENTIEL
Santiago, le 9 décembre 1975
Monsieur le ministre,
Par la présente, j’ai l’honneur de compléter les informations figurant dans le
câblogramme no 202 que je vous ai envoyé aujourd’hui, qui récapitule les aspects fondamentaux
d’une rencontre à laquelle j’ai été convié par le ministre chilien des affaires étrangères, le
vice-amiral Patricio Carvajal.
L’invitation à assister à cette rencontre au bureau du ministre a été envoyée par le biais de
cette ambassade. Durant mon bref séjour à New York, j’ai reçu un télex de la mission que je dirige,
m’informant de ladite rencontre organisée par le ministre des affaires étrangères Carvajal, qui
savait que je n’étais pas dans le pays. J’en ai conclu qu’il s’agissait d’un appel urgent. La rencontre
s’est tenue aujourd’hui, le 9 décembre, à midi, et a duré jusqu’à 13 h 05.
Le ministre des affaires étrangères Carvajal a commencé en évoquant notre rencontre du
13 novembre, et déclaré qu’à cette occasion il avait énoncé trois points qui pouvaient être
considérés comme des conditions, dans le cadre des négociations que nous avons entamées en août
dernier.
Il a expliqué qu’il était soucieux et intéressé de connaître la réaction de notre Gouvernement
au sujet de ces trois points. Il m’a rappelé qu’à l’époque j’avais fait part de mon désaccord
personnel quant à toute formule impliquant un sacrifice territorial par la Bolivie et, en maintenant
cette position, j’ai fait consigner que j’étais toutefois au service de ma patrie et que je respecterai
ma mission conformément aux instructions communiquées par le Président Banzer et le ministre
des affaires étrangères.
Il m’a ensuite expliqué que notre proposition officielle avait récemment été analysée, avec
lui-même, au plus haut niveau, et qu’une nouvelle rencontre «au sommet» avait été programmée
pour une date ultérieure. Je l’ai interrompu pour lui demander de me dire quand aurait lieu la
prochaine rencontre, et il m’a répondu qu’elle avait été prévue initialement pour le jeudi suivant, le
11 décembre. «Comme vous le voyez, M. l’ambassadeur, les activités se poursuivent de manière
assidue», a-t-il déclaré mot pour mot.
Le ministre des affaires étrangères et du culte,
(Signé) M. le général Alberto GUZMAN SORIANO.
- 59 -
La Paz, Bolivie
De mon côté, je lui ai dit que durant mon séjour à La Paz les activités en matière de
négociations étaient également assidues. Je lui ai rappelé que nous nous étions réunis à plusieurs
reprises avec le président de la République, le Général Banzer et vous-même, Monsieur le ministre,
ainsi qu’avec le haut commandement de nos forces armées et les ministres, et je lui ai fait part des
efforts de persuasion que j’avais entrepris avec les directeurs de presse, conformément aux
instructions du Président.
Concernant les trois points mis en avant par le ministre des affaires étrangères lors de
l’avant-dernière rencontre, et résumés à cette occasion conformément aux instructions
communiquées, j’ai expliqué ce qui suit :
1. La Bolivie signera un traité stipulant expressément que la solution retenue sera définitive et
qu’à l’avenir le pays ne sollicitera pas de nouvelles concessions.
2. Je lui ai dit que mon pays était presque certain que l’ensemble des nations de cet hémisphère
conjugueraient leurs efforts pour garantir la validité de ce nouveau traité.
3. Concernant la formule de compensation par le biais d’un troc, ou échange de territoires, j’ai
déclaré au ministre chilien des affaires étrangères que la simple mention de cette condition avait
causé une véhémente réaction négative et un sentiment de frustration et de découragement au
sein du Gouvernement, susceptible de céder la place à une opposition virulente. J’ai indiqué que
nous pensions avoir déjà fait bien trop de sacrifices par le passé, non seulement en 1879 mais
également en 1904, et que pour le Gouvernement bolivien cette proposition était soudaine, voire
injuste et contraire à l’équité. «Pour le Gouvernement de ma patrie», ai-je déclaré, «le prix à
payer est bien trop élevé et cette condition bien trop difficile à expliquer à mon peuple.»
Par la suite, suivant la formulation du sous-titre final du premier point de votre note
d’instruction, à la page 3 de la note G.S. no 126 du 28 novembre que vous-même, Monsieur le
ministre, m’avez donnée, j’ai déclaré mot pour mot que «la possibilité d’un échange territorial s’est
heurtée à une farouche opposition en Bolivie et la proposition du Chili n’est pas considérée comme
une solution généreuse, et dans tous les cas, dans le cadre de négociations menées de manière très
accélérée et du contexte général d’un accord entre les deux pays, la Bolivie n’a pas l’intention de
fermer prématurément la voie à une entente potentielle».
J’ai ensuite fait mention de la confusion que la déclaration du ministre des affaires étrangères
à l’hebdomadaire Ercilla — affirmant qu’il s’agissait de «conversations amicales» et non de
négociations — avait suscitée non seulement chez moi mais également au sein de l’Etat dans son
ensemble.
J’ai indiqué que ces déclarations avaient créé, pour le Gouvernement et son ambassadeur, un
épineux problème au sein de l’opinion publique. Il me semblait approprié et opportun d’examiner
les mesures prises depuis le début de ces négociations (que j’ai soulignées), en commençant par la
nécessité que nous avions de définir un point de départ — déjà délimité avec le rejet de la
proposition d’autonomie dans un secteur d’Arica —, l’aide-mémoire du 14 août, qui avait fait
l’objet d’une explication orale approfondie lors de la rencontre organisée à cette fin, et la
proposition chilienne en trois points mentionnée ci-dessus et que vous n’ignorez pas.
Concernant l’aide-mémoire, je me suis conformé aux instructions de notre ministre des
affaires étrangères en demandant au ministre Carvajal de produire une réponse écrite officielle.
- 60 -
Le ministre des affaires étrangères a déclaré que la publication parue dans le magazine
hebdomadaire Ercilla résultait d’une conversation qu’il avait eue avec le reporter qui en était
l’auteur et que ce texte ne consignait pas l’opinion de son ministre. «Le terme de conversations»
était celui du magazine.
Le ministre a ensuite rappelé qu’à ce jour une attitude circonspecte parfaitement cohérente
avec la réalité avait été adoptée, mais qu’il pouvait désormais faire des prévisions favorables, sans
pour autant garantir que la réponse serait forcément rapide et positive.
Faisant allusion à son expérience d’officier de marine, il a mentionné la possibilité de
construire des ports dans des zones non adaptées géographiquement. Il a renvoyé à la construction,
en huit mois, d’un port sur pilotis par une entreprise britannique pour une usine de soufre dans le
port de Lirquen, destiné à empêcher les vagues de frapper la jetée et à prévenir l’accumulation de
sable et l’envasement. Il s’est même engagé à remettre une copie du projet à cette Ambassade.
Il m’a ensuite interrogé sur les possibilités de faire transporter le gaz naturel bolivien
jusqu’au nord du Chili, pour l’utiliser dans les champs de cuivre de Chuquicamata et d’El Abra.
Je lui ai expliqué que les réserves boliviennes en gaz permettaient de satisfaire la demande interne
et de faire d’importantes ventes en Argentine, et qu’un accord avec le Brésil était respecté. Nous en
sommes même venus à discuter de la possibilité d’une conduite pour transporter le gaz de
Cochabamba à La Paz avec une déviation dans la province d’Antofagasta.
A ce point de la rencontre, je lui ai dit que la Bolivie n’avait pas l’intention de porter
préjudice aux ports d’Arica et Antofagasta, car nos exportations continueraient de transiter par ces
ports pendant plusieurs années.
J’ai justifié notre demande relative à une bande de territoire souveraine dans le nord du Chili
et son lien avec un rejet possible par le Pérou, contrariant notre volonté d’obtenir une liaison
jusqu’à la mer. Je lui ai expliqué que notre objectif était de créer d’importants complexes
industriels bilatéraux, trilatéraux ou multilatéraux dans cette zone.
Le ministre des affaires étrangères Carvajal a répété que lors des prochaines rencontres de
haut niveau du Gouvernement chilien il présenterait une proposition permettant d’escompter de
manière optimiste une avancée rapide des négociations. Il paraissait confiant quant au maintien de
prévisions favorables. «Je pense», a-t-il déclaré, «pouvoir compter sur le fait que le problème sera
considéré avec plus d’optimisme et qu’un accord de base sera conclu dans les meilleurs délais».
Il a mentionné l’existence de précédents en matière d’échange de territoires entre nos deux
pays. Ainsi, en 1907, lorsque la ligne de chemin de fer Antofagasta-Oruro avait été construite, il
avait été établi que la voie traversait le Chili jusqu’en territoire bolivien, revenait au Chili, puis se
poursuivait jusqu’en Bolivie. «Accordons une zone de 300 km² sans plus de cérémonie».
Par ailleurs, il m’a expliqué que durant l’été 1973-1974, lorsque le Général Sergio Arellano
se trouvait à La Paz, il avait discuté avec le Président de la République de la possibilité d’un
échange de territoires. «Nous serions alors dans de meilleures conditions pour calmer l’opinion
publique.»
Ainsi que je l’indiquais dans mon câblogramme no 202, je pense également qu’il existe
aujourd’hui une base solide permettant d’escompter de manière optimiste que les négociations
connaîtront une fin favorable. Certaines conclusions qu’il convient de souligner procèdent des vues
échangées lors de cette rencontre.
- 61 -
1. Les consultations de haut niveau ont connu des avancées encourageantes. Le Gouvernement
chilien semble convaincu de la nécessité de parvenir à un accord conforme à notre
revendication juste et légitime.
2. D’après les déclarations du ministre des affaires étrangères Carvajal, l’on peut supposer que la
question des compensations a été analysée de manière approfondie et qu’elle reste un aspect
fondamental pour un accord.
3. Les allusions faites au Pérou et la manière dont le ministre m’a questionné sur l’attitude
apparemment positive de ce pays quant aux négociations avec le Chili indiquent que le
Gouvernement de Lima a peut-être connaissance des négociations par le biais du Gouvernement
chilien lui-même.
Avant de quitter le bureau du ministre Carvajal, j’ai indiqué que ma présence à cette
rencontre en compagnie du conseiller Alfredo Valdes répondait au fait que les négociations avaient
atteint un niveau qui permettait de prendre acte des réunions, ainsi que les officiers l’avaient fait en
permanence. Les ministres des affaires étrangères ont approuvé ce point.
Pour terminer ce rapport, que je vous prie de porter à l’attention du Président de la
République, je souhaite réitérer mon impression que les négociations feront de remarquables
avancées dans les semaines à venir.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le ministre, l’assurance de toute ma considération.
GGVM/ago,
(Signé) Guillermo GUTIERREZ VEA-MURGUÍA.
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- 62 -
ANNEXE 306
«DES DOCUMENTS FONDAMENTAUX CONFIRMENT QUE LA BOLIVIE ET LE CHILI
SONT D’ACCORD SUR LA QUESTION MARITIME», EL DIARIO (BOLIVIE),
6 JANVIER 1976
L.F. Guachalla, Bolivie-Chili : les négociations maritimes, 1975-1978 (1982),
p. 92-95
[Extrait du journal El Diario]
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Pour reprendre les termes du journal EL DIARIO lors de la publication de trois documents
présentés par le ministre des affaires étrangères, le 5 janvier 1976, et qui figuraient le lendemain
dans ce quotidien, il convient de prêter attention au texte des documents qui «étayent les
négociations entre la Bolivie et le Chili en vue de régler la question de l’enclavement de notre
pays».
I. La proposition de la Bolivie
Afin de conférer à la question majeure du retour à la mer sa dimension et sa signification
véritables, le Gouvernement de l’Armée a convoqué la consultation de Cochabamba, qui a permis
d’unifier les opinions et la volonté du peuple bolivien au sujet de ce grand but national. La création
de la Commission maritime, qui avait pour mandat de trouver des solutions pour venir à bout de
l’enclavement de la Bolivie, découlait de cette concordance de vues sans précédent dans l’histoire.
La mission de cette Commission servait les intérêts du Gouvernement, en tant qu’orientation
générale permettant de définir une formule réaliste qui réponde au besoin de la Bolivie de disposer
de son propre débouché souverain sur l’océan Pacifique.
A l’issue de l’étape préliminaire consistant en l’identification et l’évaluation des critères de
base par notre mission à Santiago, le ministre des affaires étrangères de la République a demandé à
l’ambassadeur de Bolivie, autorisé auprès du Gouvernement chilien, de présenter au ministre des
affaires étrangères de ce pays une proposition concrète comportant les orientations fondamentales
qui permettent de poursuivre les négociations destinées à apporter une solution à l’enclavement de
la Bolivie. Cette proposition figurait dans le document daté du 26 août 1975, qui est rédigé comme
suit :
1. Le Gouvernement bolivien, dans le but de préciser les orientations d’une négociation
permettant de parvenir à des solutions mutuellement convaincantes et appropriées au problème
d’enclavement qui touche la Bolivie, considère opportun de soumettre au Gouvernement chilien les
critères concrets qui, selon lui, doivent servir de fondement à un accord en la matière.
2. Cession à la Bolivie d’une côte maritime souveraine entre la linea de la Concordia et la
limite de la zone métropolitaine d’Arica. Cette côte devrait traverser une bande de territoire
souveraine jusqu’à la frontière entre le Chili et la Bolivie, incluant le transfert de la voie ferrée
entre Arica et La Paz.
- 63 -
3. Adoption d’un régime impliquant l’autonomie pour la Bolivie dans des opérations liées à
la mise en oeuvre de son commerce extérieur par le biais du port d’Arica, conformément à la
proposition formulée par le Gouvernement chilien.
4. Cession à la Bolivie d’un territoire souverain de 50 kilomètres de long sur la côte et de
15 kilomètres de large, dans des régions s’y prêtant et qui restent à déterminer, alternativement à
proximité d’Iquique, Antofagasta ou Pisagua.
5. La bande côtière mentionnée au point ci-dessus sera reliée au territoire bolivien actuel
compte tenu des éléments suivants :
a) La Bolivie doit être apte à concevoir, construire, exploiter et maintenir toutes les infrastructures
nécessaires à une liaison digne de ce nom (voies ferrées, routes, pipelines, etc.).
b) Les travaux de construction susmentionnés revêtiront un caractère international, la Bolivie et le
Chili pouvant exercer leur droit d’utilisation illimité à tout moment et en toutes circonstances.
6. L’interconnexion entre ce territoire côtier et le territoire bolivien a pour seul but la
création d’infrastructures de transport efficaces pour le développement de l’économie bolivienne.
Le régime juridique auquel ces travaux de construction seront soumis sera analogue à celui
arrêté pour l’oléoduc de Sica à Arica.
7. Le Gouvernement bolivien sera désireux de prendre en considération, en tant qu’éléments
fondamentaux des négociations, les contributions susceptibles de convenir et qui s’inscrivent dans
une conception tenant compte des intérêts mutuels.
II. La réponse du Chili
Le Gouvernement de la République du Chili a formulé sa réponse officielle à la proposition
bolivienne dans sa note n° 686 datée du 19 décembre 1975.
«République du Chili — ministre des affaires étrangères, note n° 686. Santiago, le 19 décembre
1975.
A Son Excellence M. Guillermo Gutierrez Vea Murguia, ambassadeur extraordinaire et
plénipotentiaire de Bolivie.
Remis en mains propres
M. l’ambassadeur,
C’est avec satisfaction que j’accuse réception de la note n° 681/108/75 datée du 16 décembre
de cette année, par laquelle Votre Excellence me fait savoir que le Gouvernement bolivien accepte
avec clairvoyance les termes généraux de la réponse transmise par le Gouvernement chilien au
sujet de la proposition présentée par le biais de l’aide-mémoire du 26 août dernier, concernant les
négociations qui permettront de trouver une solution adéquate, totale et définitive à l’enclavement
de la Bolivie.
- 64 -
2. Par les instructions de votre Gouvernement, vous avez sollicité une réponse écrite dans
des termes analogues à ceux que le soussigné a exposés oralement à Votre Excellence lors de la
rencontre du 12 de ce mois, et qui constituerait la base d’un accord pour des négociations entre nos
deux pays.
3. En outre, Votre Excellence a exprimé la gratitude de son gouvernement concernant les
intentions du président chilien de négocier avec la Bolivie une côte maritime souveraine reliée au
territoire bolivien par une bande de territoire également souveraine.
4. Conformément à la demande de Votre Excellence, je rappelle dans la présente note les
termes selon lesquels mon Gouvernement désire donner suite aux orientations suivies pour des
négociations visant à trouver une solution mutuellement opportune, sous réserve de ce qui suit :
a) La réponse de mon Gouvernement exprime les déclarations de son Excellence le Président
Banzer, compte tenu de la réalité actuelle, sans effacer les antécédents historiques.
b) Sur cette base, la réponse du Chili repose sur un accord mutuellement opportun qui tiendrait
compte des intérêts des deux pays et ne comporterait aucune nouveauté quant aux dispositions
du traité de paix, d’amitié et de commerce signé entre le Chili et la Bolivie le 20 octobre 1904.
c) Comme l’a indiqué Son Excellence le Président Banzer, la cession à la Bolivie d’une côte
maritime souveraine reliée au territoire bolivien par le biais d’une bande de territoire également
souveraine serait envisagée.
d) Le Chili serait enclin à négocier avec la Bolivie la cession d’une bande de territoire au nord
d’Arica, jusqu’à la linea de la Concordia, sur la base des délimitations suivantes.
 Frontière septentrionale : la frontière actuelle entre le Chili et le Pérou.
 Frontière méridionale : le ravin de Gallinazos et la limite supérieure du ravin nord du fleuve
Lluta (de sorte que l’autoroute A 15 d’Arica à Tambo Quemado ferait entièrement partie du
territoire chilien) jusqu’à un point méridional à la station Puquios, puis une ligne
approximativement droite traversant le contour 5370 de la colline Nasahuento et se prolongeant
jusqu’à la frontière internationale actuelle entre le Chili et la Bolivie.
 Zone : la cession inclurait le territoire décrit ci-dessus et le territoire maritime compris entre
des parallèles des points d’extrémité de la côte qui serait cédée (mer territoriale, zone
économique, et plateau sous-marin).
e) Le Gouvernement chilien considère inacceptable, et rejette, la cession d’un territoire au sud de
la limite indiquée susceptible d’avoir une quelconque incidence sur la continuité territoriale du
pays.
f) La cession à la Bolivie décrite au paragraphe d) serait subordonnée à un échange concomitant
de territoires, à savoir que le Chili recevrait parallèlement, contre ce dont il se dessaisit, une
zone compensatoire au moins équivalente à la zone territoriale et maritime cédée à la Bolivie.
Le territoire que recevrait le Chili des mains de la Bolivie serait continu ou composé de
différentes parties de territoires frontaliers.
Afin de déterminer les nouvelles frontières politiques internationales entre le Chili et la Bolivie,
la Commission mixte des frontières serait rétablie, et se verrait confier la tâche d’étudier la
- 65 -
région frontalière et de faire des propositions concernant la fixation des limites entre les deux
Gouvernements, en s’efforçant d’éviter que les territoires à céder incluent des zones peuplées.
g) Les installations publiques ou les travaux de construction dans les territoires devant être cédés
relèvent de l’État qui reçoit le territoire, selon un coût compensatoire déterminé d’un commun
accord (aéroport de Chacalluta, voie ferrée d’Arica à Visvirii, etc.).
h) Les Gouvernements bolivien et chilien respecteront les droits privés, légalement acquis dans les
territoires qui relèveront de leur souveraineté respective suite à l’accord devant être conclu.
i) Le Gouvernement bolivien autorisera le Chili à utiliser l’intégralité des eaux du fleuve Lauca.
j) Le territoire cédé par le Chili sera déclaré zone démilitarisée, conformément aux discussions
précédentes, le Gouvernement bolivien s’employant à obtenir la garantie expresse de
l’Organisation des Etats Américains par rapport à l’inviolabilité de la bande de territoire cédée.
k) Les deux Gouvernements s’engageront à ne pas céder les territoires échangés à une tierce
partie.
l) Une fois l’accord final conclu, une déclaration solennelle sera faite, indiquant que la cession
territoriale qui permet le débouché souverain à la mer constitue la solution globale et définitive
à l’enclavement de la Bolivie.
m) La Bolivie s’engagera à respecter les droits de passage accordés au Pérou, établis par le traité du
3 juin 1929 entre le Chili et le Pérou.
n) La validité de cet accord sera conditionnée à l’accord antérieur du Pérou, conformément à
l’article 1 du Protocole complémentaire du traité susmentionné.
5. Etant donné que dans la note no 681/108/75 du 16 décembre 1975, le Gouvernement
bolivien a accepté avec clairvoyance les termes généraux de la réponse du Gouvernement chilien, à
compter de cette date mon gouvernement a entrepris d’exposer au Pérou la consultation
mentionnée à la lettre n) du paragraphe qui précède.
6. Enfin, je me réfère au dernier paragraphe de la note à laquelle je réponds, dans laquelle
Votre Excellence déclare ce qui suit :
«Le Gouvernement bolivien reconnaît que les autres propositions exposées dans
l’aide-mémoire du 26 août, et celles exprimées par Votre Excellence, sont soumises à
des négociations prenant en compte la satisfaction des intérêts mutuels.»
Comme indiqué à la lettre c) du paragraphe 4 de cette note, les propositions contenues dans
les sections 4, 5 et 6 de l’aide-mémoire présenté par l’Ambassade de Bolivie le 26 août 1975 sont
rejetées dans la mesure où elles ne sont pas acceptables aux yeux du Gouvernement chilien.
Concernant les affaires de nature commerciale, telles que celles proposées par Votre
Excellence concernant la pose d’une conduite pour alimenter en carburant l’industrie minière au
nord du Chili et les industries pétrochimiques et les raffineries devant être installées dans des ports
chiliens, le Gouvernement chilien serait désireux de mener les négociations sur une base établie par
un accord mutuel.
- 66 -
Je vous prie d’agréer, Votre Excellence, l’expression de ma considération la plus haute et la
plus distinguée, et je réitère mon espoir d’aboutir à un accord qui contribue de manière décisive à
l’amitié et au développement de nos deux nations.
Le ministre des affaires étrangères,
(Signé) Patricio CARVAJAL PRADO.
III. Les instructions données par le ministre bolivien des affaires étrangères à l’ambassade de
Bolivie à Santiago :
1. Le Gouvernement bolivien est d’accord avec le fait que, pour que des négociations
pratiques permettent à notre pays d’obtenir son propre débouché souverain sur l’océan Pacifique, il
convient de garder la réalité actuelle à l’esprit.
2. Le Gouvernement national accepte la cession à la Bolivie d’une côte maritime souveraine,
reliée au territoire bolivien par une bande de territoire pareillement souveraine, dont les limites
septentrionales seront celles qui divisent le Chili et le Pérou. Concernant la limite méridionale, les
points de référence mis en avant par le ministre chilien des affaires étrangères seront pris en
compte, et les ajustements correspondants devront être examinés plus tard.
3. L’acceptation d’un échange concomitant de territoires est assujettie à des précisions
concernant la zone maritime, étant donné que l’étendue des eaux juridictionnelles, de la mer
territoriale et de la mer patrimoniale n’a pas encore été définie par la Communauté internationale.
En fait, le droit de la mer est en cours de codification et aucun progrès substantiel n’a encore
été réalisé. C’est pourquoi cet aspect doit faire d’objet de négociations rigoureuses tenant compte
des principes d’équité et des intérêts nationaux.
4. Le gouvernement national a déclaré que les territoires à échanger devaient être définis
selon une évaluation menée par des institutions boliviennes et chiliennes.
Partant, la Bolivie se réserve le droit de négocier les régions qui pourraient finalement être
échangées.
5. La démilitarisation de la zone cédée à la Bolivie a été contestée et fera l’objet de
négociations ultérieures, au cours desquelles notre pays formulera son point de vue au sujet de cette
restriction de souveraineté. Toutefois, la Bolivie note ici qu’elle ne nourrit pas d’intentions
belliqueuses, dans la mesure où sa proposition repose sur les objectifs de paix, de développement et
d’intégration dans le Pacifique Sud.
6. Cette feuille d’instructions consignant la position de la Bolivie fait référence au besoin de
faire avancer les négociations portant sur certains points de détail, tels que la détermination, par les
deux Parties, des sommes qui seront versées pour les travaux d’infrastructure existant dans les deux
territoires devant faire l’objet de l’échange, notamment la voie ferrée La Paz-Arica, l’aéroport de
Chacalluta, ou encore les routes.
7. L’utilisation des eaux du fleuve Lauca par le Chili fera l’objet de négociations qui
porteront sur toutes les modalités, lors d’une phase ultérieure durant laquelle d’autres aspects seront
précisés.
- 67 -
8. Le Gouvernement bolivien a fait savoir que, selon lui, le principe du libre transit devait
être préservé intact et appliqué dans un cadre de réciprocité. A ce sujet, il a souligné la nécessité de
développer et d’améliorer sans relâche les règles en usage pour le libre transit.
9. Selon le Gouvernement bolivien, le fait que deux pays amis de l’Hémisphère occidental
encouragent la stabilité d’une entente dirigée vers l’obtention, par la Bolivie, de son propre
débouché souverain sur l’océan Pacifique et vers l’instauration d’une atmosphère appropriée
permettant à nos pays d’accomplir des entreprises et travaux communs, en vue d’améliorer le
niveau de vie de leurs peuples, revêt un intérêt majeur pour l’Amérique.
Il convient de noter que le Gouvernement des forces armées a rappelé que la réponse du
Gouvernement chilien constitue une base globale acceptable pour les négociations. Sur cette base,
et conformément à sa conduite invariable et patriotique, le gouvernement s’efforcera de faire
progresser les négociations, en gardant à l’esprit les sentiments et les intérêts de tous les secteurs du
peuple bolivien.
La Paz, le 5 janvier 1976.
___________
- 68 -
ANNEXE 307
NOTE NO 130/85/76 EN DATE DU 19 FÉVRIER 1976 ADRESSÉE À M. ALBERTO GUZMÁN
SORIANO, MINISTRE BOLIVIEN DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DES CULTES,
PAR M. GUILLERMO GUTIÉRREZ VEA MURGUÍA, AMBASSADEUR DE
BOLIVIE AU CHILI
Archives du ministère bolivien des affaires étrangères
130/85/76 RÉSERVÉ
Santiago, le 19 février 1976
Monsieur le ministre,
J’ai l’honneur de vous informer de l’entretien que j’ai eu, le 17 de ce mois, avec le ministre
des affaires étrangères de ce pays le vice-amiral Patricio Carvajal, qui m’a appelé afin de me
remettre une copie de la note dans laquelle le Gouvernement chilien a répondu à la proposition
péruvienne du 29 janvier de cette année.
Le ministre des affaires étrangères Carvajal a fait un rapide résumé de cette note et m’a
permis de le lire en sa présence. Le texte de cette note a été envoyé sans tarder à l’Ambassade pour
transcription par télex à La Paz, de sorte que notre Gouvernement en a eu connaissance avant que
les agences n’en révèlent la teneur. Il a également mentionné le fait que l’ambassadeur péruvien,
Jose Carlos Mariategui, n’a fait aucun commentaire en la recevant, se contentant de dire qu’il
l’enverrait à son Gouvernement.
Compte tenu des instructions contenues dans la note réservée GS 005 de notre ministre des
affaires étrangères, nous partageons pleinement l’avis du ministre Carvajal selon lequel les
négociations doivent reprendre et, qui plus est, s’accélérer afin de mettre un terme à l’impression
grandissante que le fait de devoir attendre la réponse du Pérou compromet leur avancée. Ainsi,
l’opinion publique des trois pays et le ministre des affaires étrangères Torre Tagle lui-même
assisteront à l’émergence d’une nouvelle situation, prouvant ainsi d’une part que la solution ne se
trouve pas exclusivement dans les mains du Pérou et permettant, d’autre part, de faire pression pour
que le Pérou sache que, à la veille de l’Assemblée générale de l’Organisation des Etats d’Amérique
et du Congrès amphictyonique de Panama, il ne serait guère en mesure de justifier sans mentir son
manque d’empressement à se prononcer de manière définitive.
Jusqu’à la fin de la réunion et durant le déjeuner qui a suivi et auquel j’étais convié, nous
avons discuté de questions liées aux négociations. Dans la présente note, je me contente de vous
faire part des points suivants : l’échange de territoire bolivien contre les eaux juridictionnelles et la
mer patrimoniale ou économique du corridor ; et l’utilisation de l’ensemble du débit du fleuve
Lauca et la demande de démilitarisation de la zone qui passerait sous la souveraineté de notre pays.
A l’intention du Général Alberto Guzman Soriano
Ministre des affaires étrangères et du culte
- 69 -
La Paz, Bolivie
J’ai expliqué de manière détaillée les raisons pour lesquelles la Bolivie considère
inacceptable la revendication du Chili en matière de compensation territoriale en échange des eaux
juridictionnelles et de la mer patrimoniale, et lui ai rappelé qu’il n’existait aucun précédent
juridique ni aucune unanimité parmi les Etats quant à l’acceptation du prolongement de 200 miles
que le Chili considère comme un fait établi. Le ministre Carvajal a soutenu son affirmation par le
fait que les États Unis avaient déjà accepté ce prolongement qui, converti en kilomètres carrés dans
le cas du corridor, ne correspondait à pratiquement rien rapporté au territoire bolivien. J’ai fait
observer que selon le Gouvernement bolivien l’attitude des Etats-Unis ne justifiait pas légalement
la revendication chilienne qui, en outre, ne pouvait pas être formulée en tenant compte de l’étendue
de notre territoire car, dans ce cas, la revendication bolivienne pouvait également être formulée
compte tenu des quatre mille cinq cents kilomètres de côte que possède le Chili et, dans une telle
perspective, les huit kilomètres de corridor apparaitraient également insignifiants.
Concernant cet aspect, j’ai eu l’impression, Monsieur le ministre, que le Gouvernement
chilien ne souhaitait pas que cela devienne un problème empêchant les deux pays de parvenir à un
accord.
J’ai ensuite fait référence à «l’autorisation d’utiliser l’intégralité des eaux du fleuve
Lauca» — demande qui, selon le Gouvernement chilien, est pleinement étayée par les principes
régissant les fleuves internationaux successifs car, conformément à ces principes, étant donné
qu’aucun préjudice n’est causé à la Bolivie, qui n’utilise pas le volume d’eau pénétrant sur son
territoire, le Chili aura le droit d’utiliser l’intégralité du débit du fleuve. J’ai déclaré que le
Gouvernement du Général Hugo Banzer ne pouvait justifier une telle position devant le peuple,
pour qui le fleuve Lauca représente une blessure profonde qui n’a pas encore cicatrisé et suscite
une réaction d’opposition légitime.
Concernant la démilitarisation du territoire du corridor, j’ai fait observer que le
Gouvernement chilien n’ignore pas qu’une partie considérable de l’opinion publique, et en
particulier les forces armées boliviennes, s’y oppose et la considère comme une restriction grave et
inacceptable de la souveraineté de la nation dans son nouveau territoire côtier, sachant que la
capacité économique du pays ne permet aucune initiative belliqueuse et, bien au contraire, est
résolument tournée vers le développement intégral de la Bolivie.
J’ai ensuite donné quelques détails sur l’ampleur de la conspiration extrémiste perçue dans le
pays quelques temps plus tôt par le ministre de l’intérieur, qui considère cette revendication comme
l’un des aspects fondamentaux de l’opposition aux négociations et au Gouvernement des forces
armées.
Les raisons de cette situation ont été expliquées par le ministre Carvajal et le sous-secrétaire
Valdes Puga qui ont déclaré que le Pérou, et non la Bolivie, était à l’origine de cette situation, car si
la Bolivie et le Chili maintenaient un régiment à leurs frontières, le Pérou en positionnerait deux
pour contrebalancer les forces, ce qui créerait à l’évidence un facteur de tension constante. La
démilitarisation, en revanche, éliminerait les tensions actuelles, supprimant les peurs et les
suspicions et ôtant au Pérou toute raison de se livrer à une accumulation d’armes.
J’ai insisté sur le fait que notre pays souhaitait incorporer le territoire offert par le Chili en
vue de favoriser réellement l’intégration de la Bolivie et le développement de son potentiel
économique, et non dans l’intention de créer des frictions susceptibles de dégénérer en attitudes
belligérantes entre les trois Etats. J’ai ajouté que même une détermination précise de la «structure
adaptée» permettant de maintenir la vigilance et faciliter l’exploitation d’avions, voire de bateaux,
boliviens ne serait acceptée ni par le peuple ni par le Gouvernement bolivien.
- 70 -
Cette clause avait été ajoutée par le Gouvernement chilien dans le but de favoriser
l’approbation par le Pérou et, au vu des circonstances actuelles, la supprimer exacerberait les
sensibilités chez notre voisin. Alors que je réaffirmais le contraire, le ministre Carvajal a suggéré
de transmettre cette question — étant donné sa complexité — aux plus hautes autorités militaires
des deux pays et, dans le cas du Chili, au chef d’état-major général de la défense nationale, poste
actuellement occupé par le contre-amiral Jorge Sabugo Silva, successeur du
général Sergio Arellano.
Je me conforme à ma mission consistant à soumettre au gouvernement de notre pays la
proposition chilienne susmentionnée, ainsi que je l’ai promis au ministre des affaires étrangères
M. Carvajal.
Il m’a ensuite demandé si notre Gouvernement avait déjà pris une décision concernant
l’autorisation sollicitée pour que les personnes privées et la presse puissent se rendre sur les
territoires boliviens susceptibles d’être échangés. J’ai regretté de ne pas avoir été en mesure de
consulter mon Gouvernement, car le Chili n’a pas précisé quels territoires il souhaitait visiter, ni
quels itinéraires il emprunterait à cette fin. Au vu de la situation, sur un atlas du monde du Chili, il
a indiqué la zone la plus à l’Ouest longeant les provinces d’Atahuallpa et de Ladislao Cabrera dans
le département d’Oruro, et les provinces de Daniel Campos et de Nor et Sud Lipez dans le
département de Potosi. Ma remarque concernant le fait que nous étions en saison de fortes pluies,
auxquelles s’ajoutent l’absence d’infrastructures nécessaires, c’est-à-dire de routes et
d’hébergements, n’a pas été considérée comme pertinente par le ministre des affaires étrangères,
qui a assuré que la ville de Calama et la mine de Chuquicamata pouvaient servir de points de départ
et que le soutien logistique requis serait fourni par des camions capables d’emprunter les routes
praticables de la zone, selon les rapports de la compagnie nationale des mines.
Cette autorisation revêt d’autant plus d’importance que la Commission mixte
bolivo-chilienne sur les frontières débutera prochainement ses activités, qu’elle travaillera sur ce
même territoire, et que le gouvernement de ce pays sera désireux de pouvoir montrer à l’opinion
publique un aperçu graphique du territoire susceptible d’être échangé.
J’ai pensé qu’il convenait de faire savoir que tous ces aspects pouvaient, précisément, être
inclus dans un agenda de travail élaboré sur la base de projets présentés par les deux Parties, pour
lesquels les discussions débuteraient une fois qu’ils auraient été approuvés par nos gouvernements.
Ainsi, certaines des instructions transmises par le biais de la note no GS005 ont été
observées. Le motif de la réunion et sa brièveté ne m’ont pas permis d’aborder l’intégralité des
questions consignées dans ce document, mais auxquelles j’espère toutefois pouvoir donner suite de
manière exhaustive dans les jours qui viennent.
Pour conclure, je dois vous informer que le ministre Carvajal m’a accueilli en compagnie de
son chef de cabinet, M. Demetrio Infante, le directeur du bureau de la planification, le lieutenantcolonel
Lavin Fariñas et la directrice du département de l’Amérique du Sud Mme Liliana Nuñez.
Le conseiller Alfredo Valdez, de cette ambassade, était présent à cette réunion pour prendre des
notes.
Je profite de l’occasion pour vous réitérer, Monsieur le ministre, l’assurance de ma
considération la plus distinguée.
[Signature]
[Sceau de l’ambassadeur Guillermo Gutierrez Vea Murguia]
___________
- 71 -
ANNEXE 308
NOTE NO 204/136/76 EN DATE DU 19 MARS 1976 ADRESSÉE À M. ALBERTO GUZMÁN SORIANO,
MINISTRE BOLIVIEN DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DES CULTES, PAR
M. GUILLERMO GUTIÉRREZ VEA MURGUÍA, AMBASSADEUR
DE BOLIVIE AU CHILI
Archives du ministère bolivien des affaires étrangères
204/136/76 RÉSERVÉ
Santiago, le 19 mars 1976
Monsieur le ministre,
Par la présente, je vous envoie la copie originale de la note no 4086 datée du 11 de ce mois,
par laquelle le Gouvernement chilien propose le rétablissement de la Commission mixte des
frontières créée par le Protocole sur la réinstallation et le maintien des bornes frontière du 10 août
1942.
Ce rétablissement serait rendu effectif en «confiant à cette commission la tâche d’étudier la
zone frontalière et de faire les propositions en conséquence aux deux gouvernements».
Ainsi que je vous l’ai signalé dans une note précédente, ledit document a été remis en mains
propres et personnellement par le ministre les affaires étrangères, ce qui m’a ainsi donné l’occasion
immédiate de lui dire que notre gouvernement, avant d’entamer des négociations sur les aspects
techniques de la cession du territoire à laquelle le Chili voudrait procéder et sur la compensation
bolivienne en résultant, souhaitait apporter des précisions sur les trois points considérés comme
inacceptables. J’ai de nouveau mentionné la compensation territoriale concernant la mer
patrimoniale, l’utilisation du débit total du fleuve Lauca et la démilitarisation du «corridor».
Je lui ai rappelé que, aux fins susmentionnées, j’avais soumis à la considération du ministre
chilien des affaires étrangères le projet d’agenda de travail qui permettrait d’aborder les questions
visées en fonction de leur priorité et de la cohérence qui, dans la plupart des cas, se révèle
indispensable.
Compte tenu des observations faites par le sous-secrétaire aux affaires étrangères
M. Marcelo Ostria Trigo concernant le désagrément que constitue le rétablissement de la
Commission mixte des frontières, j’ai souligné de nouveau notre proposition de constituer une
Commission mixte ad-hoc pour régler cette question.
Dans l’attente des instructions nécessaires pour répondre à la note envoyée par le ministre
chilien des affaires étrangères, je vous réitère, Monsieur le ministre, l’assurance de ma plus haute
considération.
[Signature]
[Sceau de l’ambassadeur Guillermo Gutierrez Vea Murguia]
- 72 -
ANNEXE
A l’attention du général Alberto Guzman Soriano
Ministre des affaires étrangères et du culte
La Paz, Bolivie
RÉPUBLIQUE DU CHILI
MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
No 4086
SANTIAGO, le 11 mars 1976
M. l’Ambassadeur,
J’ai l’honneur de me référer à ma note no 686 datée du 19 décembre 1975, par laquelle
j’informais Votre Excellence de la position du Gouvernement chilien à l’égard de la proposition
bolivienne contenue dans l’aide-mémoire du 26 août 1975, concernant le cadre de négociation qui
permettrait de parvenir à une solution adéquate, totale et définitive à l’enclavement de la Bolivie.
En particulier, je souhaite citer le quatrième paragraphe, lettre f), alinéa 3, de ladite note, dans
lequel mon gouvernement propose ce qui suit :
«Afin de déterminer les nouvelles frontières politiques internationales entre le
Chili et la Bolivie, la Commission mixte des frontières serait rétablie et se verrait
confier la tâche d’étudier la région frontalière et faire des propositions concernant la
fixation des limites entre les deux gouvernements, en s’efforçant d’éviter que les
territoires à céder incluent des zones peuplées.»
Comme le sait Votre Excellence, la Commission mixte des frontières entre le Chili et la
Bolivie a été établie conformément à l’article 1, alinéa 1 du «Protocole sur la réinstallation et le
maintien des bornes frontière», conclu entre nos gouvernements le 10 août 1942 dans la ville de La
Paz. A cette occasion, un acte supplémentaire au protocole susmentionné a également été signé
pour définir le mode de travail de la Commission conjointe des frontières.
A L’ATTENTION DE SON EXCELLENCE
M. GUILLERMO GUITIERREZ VEA MURGUIA
AMBASSADEUR EXTRAORDINAIRE ET PLÉNIPOTENTIAIRE DE BOLIVIE
REMIS EN MAINS PROPRES
Etant donné que par la note no 681/108/75 du 16 décembre 1975 le Gouvernement bolivien a
accepté les termes généraux de la réponse faite par mon gouvernement, et afin de déterminer les
nouvelles frontières politiques internationales découlant de l’échange concomitant de territoires
entre les deux pays, par la présente le Gouvernement chilien propose officiellement au
Gouvernement bolivien de confier à la Commission mixte des frontières la tâche d’étudier la zone
frontalière et de faire les propositions en conséquence aux deux gouvernements.
La tâche susmentionnée compléterait les prérogatives accordées à la Commission mixte des
frontières en vertu du Protocole de 1942 et de l’échange de notes effectué par nos Gouvernements
le 28 juillet 1959 à La Paz.
- 73 -
Enfin, je propose à Votre Excellence que la présente note, ainsi que la réponse favorable de
la Bolivie, constituent un accord entre les deux Gouvernements confiant à la Commission mixte
des frontières la nouvelle tâche susmentionnée.
Je profite de cette occasion pour vous réitérer, Votre Excellence, l’assurance de ma
considération distinguée.
[Signature]
___________
- 74 -
ANNEXE 309
ECLAIRCISSEMENTS DONNÉS PAR LE MINISTÈRE BOLIVIEN DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
19 AVRIL 1976
L.F. Guachalla, Bolivie-Chili : les négociations maritimes, 1975-1978 (1982),
p. 96 et 97
Le 19 avril 1976
DOCUMENT DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ETRANGÈRES dans lequel il est indiqué que
«l’étendue de la côte, ainsi que celle du territoire qui nous reliera au Pacifique Sud, doivent aller
directement de pair avec les besoins d’un développement accéléré, juste et souverain».
(Tiré du journal PRESENCIA)
Afin de prévenir les affirmations ou commentaires mensongers concernant l’un des objectifs
nationaux les plus importants, à savoir notre prompt retour souverain à l’océan Pacifique, et
d’éviter de dérouter l’opinion publique et porter préjudice aux intérêts de notre mère patrie, le
ministre des affaires étrangères de la République apporte les précisions suivantes.
1. La politique étrangère du gouvernement suprême est définie dans les documents fondamentaux
portant sur la doctrine des forces armées de la nation qui, pour sa part, traduit l’état d’esprit de
la plupart des boliviens.
Cette politique repose notamment sur les principes suivants : a) la libre auto-détermination des
peuples, la non-intervention et l’égalité juridique ; b) la solidarité internationale ;
c) l’intégration de l’Amérique latine en tant que possibilité historique de venir à bout du sousdéveloppement
et conjurer la dépendance ; d) une universalité des relations diplomatiques qui
favorise la coopération et nourrit l’amitié avec tous les pays du monde ; et e) la paix en tant que
moyen essentiel pour l’humanité en vue de son plein développement et son amélioration.
Cette politique propose les principaux objectifs suivants : a) un retour prompt et souverain à
l’océan Pacifique ; b) l’établissement d’un nouveau système de coopération internationale fondé
sur [les principes de] la justice et la loi que partagent toutes les nations pour parvenir au
bien-être et au progrès ; et c) le renforcement constant de tous les moyens qui élargissent et
approfondissent la pratique de la démocratie internationale.
2. Dans le cadre de cette politique, le gouvernement des forces armées, dirigé par le
général Hugo Banzer Suarez, a mené une action systématique cohérente et sans conteste
patriotique pour trouver une solution à l’enclavement de la nation. De la consultation
patriotique de Cochabamba à la réponse donnée par le Gouvernement du Chili à la proposition
bolivienne, les mesures prises s’inscrivent dans un processus diplomatique mis en oeuvre de
manière responsable, avec fermeté et dans le cadre d’opportunités historiques.
3. Le processus d’un prompt retour souverain à l’océan Pacifique est actuellement dans une phase
où tant la proposition bolivienne que la réponse du Gouvernement chilien sont d’actualité et
constituent la base globale des négociations à venir. Tous les aspects liés à la solution proposée
font actuellement l’objet de négociations. De ce fait, aucun accord définitif ni irréversible n’a
encore été conclu.
- 75 -
4. Durant les heures qui ont suivi, le président de la République, au nom du gouvernement, a
défini les bases conceptuelles des négociations selon les termes suivants :
a) L’étendue de la côte, ainsi que celle du territoire qui nous reliera au Pacifique Sud, doivent
aller directement de pair avec les besoins d’un développement accéléré, juste et souverain.
b) La formule d’un accord final doit être le résultat d’une fusion clairement définie des
possibilités proposées, de l’histoire, de l’éthique internationale et des règles qui régissent
la coexistence harmonieuse entre les nations, et doit prendre en considération l’esprit de
solidarité et de justice qui soutient les actions contemporaines de l’humanité.
c) Les négociations doivent tenir compte de la contribution qu’une solution équitable et
permanente impliquerait dans la vaste perspective de l’intégration de l’Amérique latine.
d) Le Gouvernement des forces armées de la nation n’a pris aucun engagement en la matière
sans l’autorisation préalable de son peuple.
5. Si l’on compare les opinions des trois anciens présidents avec les précisions susmentionnées,
concernant tant la doctrine que les faits qui font partie intégrante de la conduite du
Gouvernement des forces armées en liaison avec la nécessité d’un retour souverain à l’océan
Pacifique, l’on peut en déduire ce qui suit :
a) Les trois anciens présidents n’ont pas du tout agi avec circonspection si l’on analyse la
politique étrangère suivie.
b) Animés par des partis pris ou d’autres intérêts allant à l’encontre d’un véritable service
patriotique pour la nation, ils ont émis de vives critiques, fondées sur des situations
qu’eux-mêmes ont tenté d’imaginer, au mépris de la réalité des événements cruciaux se
produisant dans le cadre d’un processus diplomatique d’une importance exceptionnelle.
c) Les propositions faites par les trois anciens présidents, dans la pratique, sont dépassées par
la portée de la politique étrangère suivie par le Gouvernement des forces armées de la
nation. En conséquence, elles ne sauraient constituer une contribution digne d’intérêt.
d) La méthode utilisée par les trois anciens présidents durant leur rencontre et dans leur
déclaration finale révèle une intention d’une simple politique héritée du passé, en
contradiction avec les niveaux d’évolution et de maturité qui caractérisent à l’heure
actuelle le nouvel esprit bolivien.
e) Enfin, les jugements de valeur figurant dans la déclaration sont autant de preuves du
manque de franchise avec lequel certaines personnes jugent les événements politiques et
historiques, semant la confusion au sein du peuple et affaiblissant les actions qui
permettent de mener à une auto-amélioration à part entière, indépendante et évoluée.
6. Le Gouvernement des forces armées rappelle sa sympathie à l’égard de toutes initiatives
internationales contribuant à trouver une solution à l’enclavement de la nation et note qu’aucun
problème ne saurait être réglé en l’absence de la Bolivie.
7. Enfin, si la situation actuelle est exceptionnelle, les trois anciens présidents doivent garder à
l’esprit qu’elle a été créée par le Gouvernement du Général Hugo Banzer Suarez dans un souci
de stabilité, justice sociale, respectabilité de la position internationale de la Bolivie et
développement, et avec un sens élevé de la responsabilité historique.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
___________
- 76 -
ANNEXE 310
NOTE EN DATE DU 3 MAI 1976 ADRESSÉE À M. ADALBERTO VIOLAND, AMBASSADEUR
DE BOLIVIE AU CHILI, PAR M. OSCAR ADRIAZOLA VALDA, MINISTRE BOLIVIEN
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DES CULTES
Archives du ministère bolivien des affaires étrangères
La Paz, le 3 mai 1976
M. l’ambassadeur,
En vertu de vos qualités personnelles, et du dévouement dont vous avez fait preuve au
service de la mère patrie, le gouvernement national a décidé de vous nommer ambassadeur
extraordinaire et plénipotentiaire de Bolivie auprès du Gouvernement de la République du Chili.
Le gouvernement des forces armées accorde une importance particulière à la mission qui
vous est confiée, dans la mesure où elle est liée à la tâche consistant à faire avancer les
négociations cruciales destinées à régler la question de l’enclavement de la Bolivie, par le biais
d’un accès libre et souverain à l’océan Pacifique.
La poursuite de ces négociations, dans la phase immédiate, doit être menée conformément
aux directives ci-dessous communiquées par S. Exc. le président de la République, le
Général Hugo Banzer Suarez :
1. L’objectif du retour à la mer doit être poursuivi par le biais d’une proposition prônant la paix, le
développement et l’intégration des pays du Pacifique Sud.
2. La proposition bolivienne du 26 août 1975, inspirée du postulat ci-dessus et de la réponse du
Gouvernement du Chili du 19 décembre de la même année, constitue la base globale pour de
futures négociations.
3. En conséquence, tous les aspects liés à la solution proposée par la Bolivie pour venir à bout de
l’enclavement sont sur la table des négociations.
4. Sur la base des premiers contacts avec des autorités de haut niveau du Gouvernement chilien, il
convient de consigner le point ci-dessus, ainsi que la détermination du Gouvernement bolivien
de poursuivre, dans ces termes, les négociations en cours.
A l’attention de M. Adalberto Violand
Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de Bolivie
auprès du Gouvernement de la République du Chili.
Remis en mains propres
5. Les aspects qui, dans le cadre des bases globales sur lesquelles reposent les négociations, ont
été observés par les deux Parties, seront examinés au fur et à mesure des avancées et/ou de la
concrétisation des pourparlers entre le Chili et le Pérou.
6. Le point ci-dessus concerne directement la bande côtière souveraine au sud d’Arica (enclave)
envisagée par la proposition bolivienne, ainsi que les questions liées à l’utilisation des eaux du
fleuve Lauca, la démilitarisation et l’échange de territoires basés sur des zones maritimes, qui
sont consignées dans la proposition chilienne.
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7. Concernant le principe des échanges de territoires, que la Bolivie et le Chili effectueront de
manière concomitante, en tant que contribution mutuelle à une solution concrète au problème
d’enclavement de la Bolivie, les éléments ci-dessous doivent être pris en considération :
a) La Bolivie a uniquement rejeté, d’une manière définitive et catégorique, la proposition
selon laquelle un échange ultime de territoires devrait envisager d’inclure des zones
maritimes, sous toutes leurs formes ou étendues.
b) La Bolivie se réserve le droit d’indiquer les zones susceptibles d’être échangées, qui
pourraient être continues ou discontinues, et pense qu’il est même possible d’opter pour un
accord conclu par le biais d’un ajustement général des frontières.
c) La Bolivie considère qu’avant les travaux conjoints de délimitation concernant les zones
devant être échangées, les frontières actuelles doivent faire l’objet d’une définition précise.
d) En réponse aux demandes du Gouvernement chilien, qui souhaite que les Chiliens puissent
aisément se rendre dans les zones susceptibles d’être échangées, il convient de préciser
que, tant que les missions décrites ci-dessus ne seront pas menées à bien, il ne sera pas
possible, dans la pratique, de se rendre ainsi sur le territoire national.
8. Il est envisageable de parvenir concrètement à une solution fondée sur un accord officiel relatif
à l’échange de territoires si les points ci-dessous sont confirmés.
I) La formule relative à l’accord final résulte d’une pondération précise entre cette formule et
les attentes de la nation bolivienne concernant son retour souverain à la mer.
II) A cette fin, tout accord reliant, géographiquement et de manière souveraine, la nation au
Pacifique Sud doit être en lien direct avec la nécessité d’un développement intégré et
accéléré de la nation.
9. En fonction du rythme auquel progresseront les négociations, vous recevrez en temps
opportun, M. l’Ambassadeur, des instructions supplémentaires et permanentes sur tous les aspects
inhérents aux négociations entre la Bolivie et le Chili. Toutefois, anticipant que le ministère des
affaires étrangères pourrait demander au préalable certains critères de base sur lesquels repose la
position de la Bolivie, vous trouverez ci-dessous quelques éléments qui orientent nos actions
diplomatiques, concernant certains des aspects considérés comme cruciaux dans le cadre des
fondements acceptables pour les négociations.
10. Ces orientations sont les suivantes.
10.1. Aucun autre problème concernant la Bolivie ne doit être réglé en l’absence de la
Bolivie elle-même. De cette considération, il s’ensuit que, sans exercer de pression, notre pays voit
avec bienveillance les efforts internationaux qui contribuent à la résolution de son problème
d’enclavement et, par suite, la Bolivie aspire à ce que, dans les plus brefs délais possibles, les
pourparlers entre le Chili et le Pérou débouchent sur une convergence de vues pour la participation
directe de la Bolivie à la recherche d’une formule menant à une solution définitive à son problème
fondamental.
11. Pour le Gouvernement de Bolivie, cette enclave ne constitue pas une solution de
rechange dans l’état actuel des négociations, mais un élément supplémentaire de la solution
principale, se rapportant à une bande de territoire souveraine reliant notre territoire à la mer, située
entre la linea de la Concordia et les limites de la zone urbaine de la ville d’Arica.
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12. C’est pourquoi la question de la bande côtière au sud d’Arica (l’enclave), ainsi que
d’autres éléments envisagés lors des négociations, restent en suspens dans l’attente de la décision
liée à la question substantielle, à savoir la cession à la Bolivie d’une bande souveraine de territoire
au nord d’Arica.
13. Il convient de noter, vis-à-vis du Chili, que la facilité des pourparlers avec la Bolivie
dépendra en substance de la perception selon laquelle le même rythme est adopté dans le cadre des
pourparlers entre le Chili et le Pérou.
14. Il convient par ailleurs d’ajouter que la Bolivie ne doute pas que cela se produira et,
surtout, que ces pourparlers seront étayés par des bases acceptables établies dans les documents
fondamentaux qui orientent les négociations entre la Bolivie et le Chili.
15. Afin de mettre en oeuvre les étapes subséquentes des négociations, il est urgent de
convenir avec le Gouvernement chilien d’un agenda de travail préliminaire permettant de réaliser
des avancées dans les aspects techniques et ceux qui font partie intégrante de cet accord, tels que :
la voie ferrée d’Arica à Visviri, l’aéroport de Chacalluta, l’amélioration du transit des marchandises
boliviennes dans les ports chiliens, et les servitudes sur la bande de territoire.
16. Le Gouvernement de Bolivie souhaite recevoir en permanence des informations directes
sur l’avancée des tractations entre le Gouvernement du Chili et celui du Pérou.
En fonction des impressions dont vous nous ferez part, le ministre bolivien des affaires
étrangères vous communiquera les instructions supplémentaires qu’il jugera appropriées, ainsi que
les orientations de base pour une stratégie intégrale qui devront nécessairement être mises en oeuvre
de manière intensive une fois que la phase préliminaire de ces instructions sera achevée.
___________
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ANNEXE 311
PROCÈS-VERBAL DE LA 18E SÉANCE PLÉNIÈRE, TRENTE ET UNIÈME SESSION DE
L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE, NATIONS UNIES, DOC. A/31/PV.18,
5 OCTOBRE 1976 [EXTRAIT]
http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/31/PV.18&Lang=F

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Volume III

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