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11774

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

AFFAIRE RELATIVE AUX IMMUNITÉS JURIDICTIONNELLES DE L’ÉTAT

(ALLEMAGNE c. ITALIE)

ANNEXES AU CONTRE-MÉMOIRE DE L’ITALIE

14 DÉCEMBRE 2009

[Traduction du Greffe] LISTE DES ANNEXES

Annexe1 Déclaration conjointe des gouve rnements de la République fédérale
d’Allemagne et de la République italienne du 18 novembre 2008

Annexe 2 Traité de Paix avec l’Italie, 10 février 1947, Recueil des traités des
Nations Unies (RTNU), vol. 49, p. 3, n 747, art. 77

Annexe3 Traité entre la République fé dérale d’Allemagne et la République
italienne relatif au règlement de certa ines questions d’ordre patrimonial,
économique et financier, 2 juin 1961

Annexe4 Traité relatif à l’indemnisati on des ressortissants italiens ayant fait
l’objet de mesures de persécution de la part du régime national-
socialiste, 2 juin 1961

Annexe 5 Loi fédérale concernant l’indemnisation des vi ctimes de la persécution
national-socialiste, 18 Septembre 1953, préambule et articles 1-4 a)

Annexe 6 Deuxième loi modifiant la loi d’indemnisation fédérale (loi BEG finale),

14 Septembre 1965, article VI

Annexe 7 Loi sur la création d’une Fondation «Souvenir, responsabilité et avenir»,
ao2ût 2;0raduction angla:ishettp://www.stiftung-

evz.de/eng/about-us/foundation_law

Annexe8 Droit des internés militaires italiens au bénéfice de la loi créant une

Fondation «Souvenir, responsabilité et avenir», avis juridique rédigé par
le professeur Christian Tomuschat, 31 Juillet 2001

Annexe 9 Cour constitutionnelle fédérale allemande, affaires A. et 942 autres

plaignants, décision du 28 juin 2004

Annexe 10 Cour européenne des droits de l’homme, Associazione nazionale reduci
dalla prigionia, dall’internamento e dalla guerra di liberazione (ANRP)

et 275 autres plaignants c. Allemagne, décision du 4 Septembre 2007

Annexe 11 Cour suprême fédérale allemande, affaire du massacre de Distomo, arrêt
du 26 Juin 2003 ; traduction anglaise : 42 ILM 1030 (2003) Attestation

Le Gouvernement de la Répub lique italienne certifie par la présente que les documents
reproduits dans le volume d’annexes sont des copies conformes aux documents originaux et que
les traductions qu’il a fournies dans l’une ou l’autre langue officielle de la Cour sont exactes.

Rome, le 14 décembre 2009 A NNEXE 1

D ÉCLARATION CONJOINTE DES GOUVERNEMENTS DE LA R ÉPUBLIQUE FÉDÉRALE
D’ALLEMAGNE ET DE LA RÉPUBLIQUE ITALIENNE

DU 18 NOVEMBRE 2008

L’Italie et l’Allemagne partagent les idéaude la réconciliation, de la solidarité et de
l’intégration, qui constituent le fondement de la construceuropéenne à laquelle les deux

pays ont contribué et continueront de conbuer avec conviction et dont elles favorisent les
progrès.

Dans cet esprit de coopération, l’Itall’Allemagne abordent également ensemble les
expériences pénibles de la seconde guerre mondial e; conjointement avec l’Italie, l’Allemagne
reconnaît pleinement les souffrances indicibinfligées aux hommes et femmes d’Italie, en
particulier lors des massacres, ainsi qu’aux anci ens internés militaires italiens, et entretient le

souvenir de ces événements horribles.

A cet effet, le chancelier fédéral adjoint et ministre fédéral des affaires étrangères
M. Frank Walter Steinmeier, accompagné du ministre des affaires étrangères M. Franco Frattini,

a visité la RisieradiSanSabba dans le cadre d’un geste d’une grande valeur morale et
humanitaire, afin de rendre hommage aux intern és militaires italiens ayant été détenus dans ce
camp de transit avant leur déportation en Alle magne, ainsi qu’à toutes les victimes que ce lieu
symbolise.

L’Italie respecte la décision de l’Allemagnde s’adresser à la Cour internationale de
justice pour demander une décision sur le principe de l’immunité de l’Etat . L’Italie, de même

que l’Allemagne, est partie à la convention européenne de 1957 pour le règlement pacifique des
différends et considère le droit international comme le principe directeur de son action. L’Italie
estime en conséquence que la décision de la CIJ sur les questions de l’immunité des Etats aidera
à clarifier cette question complexe.

___________ - 2 -

A NNEXE 2

TRAITÉ DE PAIX AVEC L’ITALIE

10FÉVRIER 1947

N ATIONS UNIES, ECUEIL DES TRAITÉS,VOL . 49N° 747,P. 3ARTICLE 77 - 6 -

A NNEXE 3

TRAITÉ ENTRE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D ’ALLEMAGNE ET LA R ÉPUBLIQUE ITALIENNE

RELATIF AU RÈGLEMENT DE CERTAINES QUESTIONS D ORDRE PATRIMONIAL ,
ÉCONOMIQUE ET FINANCIER

2 JUIN 1961

[Traduction]

LA R ÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D ’ALLEMAGNE ET LA RÉPUBLIQUE ITALIENNE
DANS L ’ESPRIT D’AMITIÉ CORDIALE EXISTANT ENTRE LES DEUX PAYS
SONT CONVENUES DE CE QUI SUIT :

PREMIÈRE PARTIE

Questions économiques

Article premier

1. Aux fins du règlement des questions éc onomiques pendantes, la République fédérale

d’Allemagne versera à la République italienne le montant de 40 millions de marks allemands.

2. Ce montant sera versé sur un compte de vant être ouvert au nom du Trésor italien
auprès de la Banca Nazionale del Lavoro en deux paiements de 20millions de marks

allemands; le premier sera versé un mois après l’entrée en vigueur du présent traité, et le
second, un an après son entrée en vigueur.

Article 2

1. Le Gouvernement italien déclare que t outes les réclamati ons pendantes de la
République italienne ou de personnes physiques ou morales italiennes contre la République

fédérale d’Allemagne ou contre des personnes physiques ou morales allemandes sont réglées,
pour autant qu’elles soient fondées sur des droits et situ ations de fait nés au cours de la période
allant du 1 septembre 1939 au 8 mai 1945.

2. Le Gouvernement italien indemnisera la République fédérale d’Allemagne et les
personnes physiques ou morales allemandes à la suite d’éventuelles poursuites judiciaires ou
autres actions intentées par des personnes physiques ou morales italiennes ayant un rapport avec

les réclamations susmentionnées.

Article 3

Le présent traité est sans préjudice des questions des restitutions extérieures et des biens
expropriés.

Article 4

1. Le présent traité ne s’applique pas non pl us aux comptes ouverts à Rastatt, Hambourg,
Düsseldorf ou dans d’autres villes, au nom d’ anciens prisonniers de guerre, déportés et
travailleurs étrangers en République fédérale d’Allemagne, sur ordre des autorités d’occupation. - 7 -

Article 4

1. Le présent traité ne s’applique pas non pl us aux comptes ouverts à Rastatt, Hambourg,
Düsseldorf ou dans d’autres villes, au nom d’ anciens prisonniers de guerre, déportés et
travailleurs étrangers en République fédérale d’Allemagne, sur ordre des autorités d’occupation.

2. En ce qui concerne lesdits comptes, les bénéficiaires italiens seront traités de la même
manière que les ressortissants des autres pays av ec lesquels ont été conclus des accords en la
matière.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - 8 -

Echange de lettres

[page 676]

Le Secrétaire d’Etat aux affaires étrangères

de la République fédérale d’Allemagne
Bonn, le 2 juin 1961

Monsieur l’Ambassadeur,

J’ai l’honneur de me référer à l’article 3 du traité signé ce jour entre la République
fédérale d’Allemagne et la République italie nne portant règlement de certaines questions
d’ordre patrimonial, économique et financier, et de constater l’existence d’un consensus sur la

question suivante :

L’article3 dudit traité doit être entendu simplement comme affirmant que l’accord ne
préjuge en aucune manière et à aucun égar d du dénouement des litiges pendants devant la

Schiedskommission für Güter, Rech te und Interessen in Deutschland (Commission d’arbitrage
concernant les biens, droits et intérêts en Allemagne) de Coblence, devant le Bundesamt fur
äußere Restitutionen (Bureau fédéral pour les restitutions extérieures) de BadHomburg et
devant les juridictions allemandes. De même , ledit traité est sans préjudice des questions

concernant la restitution de biens culturels ayant fait l’objet d’une spoliation.

Veuillez agréer, Monsieur l’Ambassadeur, l’assurance de ma haute considération.

(Signé) C ARSTENS

A son Excellence M. Pietro Quaroni
Ambassadeur d’Italie

* - 9 -

Ambassade d’Italie

Bonn, le 2 juin
1961

Monsieur le Secrétaire d’Etat,

J’ai l’honneur d’accuser réception de votre lettre de ce jour, dont la traduction se lit
comme suit :

«J’ai l’honneur de me référe r à l’article3 du traité signé ce jour entre la République

fédérale d’Allemagne et la République italie nne portant règlement de certaines questions
d’ordre patrimonial, économique et financier, et de constater l’existence d’un consensus sur la
question suivante :

L’article3 dudit traité doit être entendu simplement comme affirmant que l’accord ne
préjuge en aucune manière et à aucun égar d du dénouement des litiges pendants devant la
Schiedskommission für Güter, Rech te und Interessen in Deutschland (Commission d’arbitrage
concernant les biens, droits et intérêts en Allemagne) de Coblence, devant le Bundesamt fur

äußere Restitutionen (Bureau fédéral pour les restitutions extérieures) de BadHomburg et
devant les juridictions allemandes. De même , ledit traité est sans préjudice des questions
concernant la restitution de biens culturels ayant fait l’objet d’une spoliation.»

Au nom de mon gouvernement, je souscris au contenu de votre lettre.

Veuillez agréer, Monsieur le Secrétaire d’Etat, l’assurance de ma haute considération.

(Signé) Q UARONI - 10 -

A son Excellence M. Karl Carstens
Secrétaire d’Etat aux affaires étrangères

de la République fédérale d’Allemagne

*

Le Secrétaire d’Etat aux affaires étrangères
de la République fédérale d’Allemagne
Bonn, le 2 juin 1961

Monsieur l’Ambassadeur,

J’ai l’honneur de me référer à l’article18 de l’accord signé ce jour entre la République

fédérale d’Allemagne et la République italie nne portant règlement de certaines questions
d’ordre patrimonial, économique et financie r, et de vous informer au nom de mon
gouvernement que celui-ci se féliciterait au cas où le gouvernement italien prendrait toutes les
mesures nécessaires en vue du tr ansfert immédiat à la Républiq ue fédérale d’Allemagne des

montants visés à l’article18 ou en vue du ve rsement de ces montants sur un compte non
résident à partir duquel les fonds pourront être librement transférés.

Veuillez agréer, Monsieur l’Ambassadeur, l’assurance de ma haute considération.

(Signé) C ARSTENS - 11 -

A son Excellence M. Pietro Quaroni
Ambassadeur d’Italie

*

Ambassade d’Italie

Bonn, le 2 juin
1961

Monsieur le Secrétaire d’Etat,

J’ai l’honneur d’accuser réception de votre lettre de ce jour, dont la traduction se lit

comme suit :

«J’ai l’honneur de me référer à l’article 18 de l’accord signé ce jour entre la République fédérale

d’Allemagne et la République italienne portant règlement de certaines questions d’ordre
patrimonial, économique et financier, et de vous informer au nom de mon gouvernement que
celui-ci se féliciterait au cas où le gouvernement italien prendrait toutes les mesures nécessaires

en vue du transfert immédiat par la République fédérale d’Allemagne des montants visés à
l’article 18 ou en vue du versement de ces mont ants sur un compte non résident à partir duquel
les fonds pourront être librement transférés.»

Au nom de mon gouvernement, je souscris au contenu de votre lettre et vous assure que le
gouvernement italien prendra toutes les mesures nécessaires en vue du transfert immédiat à la
République fédérale d’Allemagne des montants mentionnés à l’article18 du traité auquel se
réfère le présent échange de lettres, ou en vue du versement de ces montants sur un compte non

résident à partir duquel les fonds pourront être librement transférés.

Veuillez agréer, Monsieur le Secrétaire d’Etat, l’assurance de ma haute considération.

(Signé) Q UARONI

A son Excellence M. Karl Carstens
Secrétaire d’Etat aux affaires étrangères
de la République fédérale d’Allemagne

___________ - 12 -

ANNEXE 4

TRAITÉ RELATIF À L ’INDEMNISATION DES RESSORTISSANTS ITALIENS AYANT FAIT L ’OBJET
DE MESURES DE PERSÉCUTION DE LA PART DU RÉGIME NATIONAL SOCIALISTE ,

LE 2 JUIN 1961

LA R ÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D ’ALLEMAGNE ET LA R ÉPUBLIQUE ITALIENNE

SONT CONVENUES DE CE QUI SUIT :

Article premier

1. La République fédérale d’ Allemagne s’engage à verser à la République italienne le
montant de 40 millions de marks allemands en faveur des ressortissants italiens qui, en raison de
leur race, croyance ou idéologie, ont fait l’objt de mesures de persécution sous le régime
national-socialiste et qui, à la suite de ces mres de persécution, ont subi une privation de

liberté ou des atteintes à leur santé, ainsi qufaveur des ayants droit des personnes qui sont
décédées à la suite de telles mesures.

2. La manière dont ce montant sera utilisé en faveur de la cat égorie de personnes

susmentionnées est laissée à la discrétion du Gouvernement de la République italienne.

Article 2

La République fédérale d’Allemagne mettra le montant susmentionné à la disposition de
la République italienne dans un délai d’un mois suivant l’entrée en vigueur du présent traité.

Article 3

Le paiement prévu à l’article premier porte règlement dé finitif entre la République
fédérale d’Allemagne et la République italienne de toutes les questions faisant l’objet du présent

traité, sans préjudice des droits éventuels de essortissants italiens fondés sur la législation
allemande en matière d’indemnisation.

Article 4

Le présent traité s’applique également au Land de Berlin, à moins que le Gouvernement
de la République fédérale d’Allemagne ne s oumette une déclaration en sens contraire au
Gouvernement de la République italienne dans les trois mois suivant l’entrée en vigueur du

présent traité.

Article 5

1. Le présent traité est soumis à ratificaton. Les instruments de ratification seront
échangés aussitôt que possible à Rome.

2. Le présent traité entrera en vigueur le lendemain de l’échange des instruments de

ratification. - 13 -

EN FOI DE QUOI les plénipotentiaires, après avoir échangé leurs pouvoirs constatés en

bonne et due forme, ont signé le présent traité et y ont apposé leur sceau.

FAIT à Bonn, le 2 juin 1961, en quatre exemplaires originaux faisant également foi, deux
en langue allemande et deux en langue italienne.

Pour la République fédérale d’Allemagne : Pour la République italienne :

CARSTENS P. QUARONI

W ESTRICK

___________ - 14 -

Echange de lettres

Le Secrétaire d’Etat aux affaires étrangères
de la République fédérale d’Allemagne

Bonn, le 2 juin 1961

Monsieur l’Ambassadeur,

Conformément à l’article3 du traité relatif à l’indemnisation des ressortissants italiens
ayant fait l’objet de mesures de persécution sous le régime national-socialiste, toutes les

questions régies par ce traité ⎯sans préjudice des droits éventu els de ressortissants italiens
fondés sur la législation allemande en matière d’indemnisation ⎯ ont fait l’objet d’un règlement
définitif.

J’ai l’honneur de vous informer à cet égard que , compte tenu de la nature particulière des
droits à indemnisation à raison des préjudices causés par les mesures de persécution
national-socialiste, le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne prendra les

dispositions suivantes concernant les droits des ressortissants italiens en vertu du
Bundesentschädigungsgesetz (loi fédérale d’indemnisation, ou loi «BEG»), tel que modifié
le 29 juin 1956, et du Bundesrückerstattungsgesetz (loi fédérale de restitution, ou loi «BRüG»)
du 19 juillet 1957 :

1.a) Dans le cadre d’une procédure spéciale, les demandes présentées par des ressortissants
italiens en vertu de la loi «BEG», qui aur ont été rejetées par les autorités compétentes
allemandes en matière d’indemnisation en vertu de l’article77, paragr aphe4, du traité de

paix avec l’Italie du 10février 1947, devront être examinées conformément aux
dispositions de la loi «BEG», sans qu’aucune objection ne soit soulevée sur la base de
l’article 77, paragraphe 4, dudit traité de paix.

b) En outre, lorsque de telles demandes auront été rejetées par un acte définitif, elles feront
l’objet d’un nouvel examen conformément à l’alinéa a) ci-dessus.

c) si les demandes formulées en vertu de la lo i « BEG » n’ont pas été présentées dans le délai

prescrit par cette loi, elles pourront être so umises à un examen dans le cadre de la
procédure spéciale susmentionnée, dans un délai d’un an suivant l’entrée en vigueur du
présent traité.

2. Le Gouvernement de la Répub lique fédérale d’Allemagne a dé jà pris des mesures visant à
empêcher que des objections ne soient soulevées en vertu de l’article77, paragraphe4, du
traité de paix avec l’Italie à l’égard des demandes présentées par des ressortissants italiens
en application de la loi «BRüG». Il veillera à ce que ces demandes émanant de

ressortissants italiens, lorsqu’elles auront été re jetées par un acte définitif sur le fondement
de l’article77, paragraphe4 du traité de paix avec l’Italie, fassent l’objet d’un nouvel
examen.

Veuillez agréer, Monsieur l’Ambassadeur, l’assurance de ma considération distinguée.

(Signé) CARSTENS

A son Excellence M. Pietro Quaroni
Ambassadeur d’Italie

* - 15 -

Ambassade d’Italie

Bonn, le 2 juin 1961

Monsieur le Secrétaire d’Etat,

J’ai l’honneur d’accuser réception de votre lettre de ce jour, rédigée comme suit :

«Conformément à l’article3 du tra ité relatif à l’indemnisation des

ressortissants italiens ayant fait l’objet de mesures de persécution sous le régime
national-socialiste, toutes les questions régies par ce traité ⎯ sans préjudice des
droits éventuels de ressortissants italiens fondés sur la législation allemande en

matière d’indemnisation ⎯ ont fait l’objet d’un règlement définitif.

J’ai l’honneur de vous informer à cet égard que, compte tenu de la nature
particulière des droits à indemnisation à raison des préjudices causés par les

mesures de persécution national-socialis te, le Gouvernement de la République
fédérale d’Allemagne prendra les dispositi ons suivantes concernant les droits des
ressortissants italiens en vertu du Bundesentschädigungsgesetz (loi fédérale
d’indemnisation, ou loi «BEG»), tel que modifié le 29jui1956, et du

Bundesrückerstattungsgesetz (loi fédérale de restitution, ou loi «BRüG»)
du 19 juillet 1957 :

1.a) Dans le cadre d’une procédure spéciale, les demandes présentées par

des ressortissants italiens en vertu de la loi « BEG », qui auront été rejetées par les
autorités compétentes allemandes en matière d’indemnisation en vertu de
l’article 77, paragraphe 4, du traité de paix avec l’Italie du 10 février 1947, devront
être examinées conformément aux dispositi ons de la loi «BEG», sans qu’aucune

objection ne soit soulevée sur la base de l’ar ticle77, paragraphe4, dudit traité de
paix.

b) En outre, lorsque de telles demandes auront été rejetées par un acte

définitif, elles feront l’objet d’un n ouvel examen conformément à l’alinéa a) ci-
dessus.

c) si les demandes formulées en vert u de la loi «BEG» n’ont pas été

présentées dans le délai prescrit par cette loi, elles pourront être soumises à un
examen dans le cadre de la procédure spéciale susmentionnée, dans un délai d’un
an suivant l’entrée en vigueur du présent traité.

2. Le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne a déjà pris
des mesures visant à empêcher que des objections ne soient soulevées en vertu de
l’article77, paragraphe4, du traité de paix avec l’Italie à l’égard des demandes
présentées par des ressortissants italiens en application de la loi «BRüG». Il

veillera à ce que ces demandes émanant de ressortissants italiens, lorsqu’elles
auront été rejetées par un acte définitif sur le fondement de l’article77,
paragraphe 4 du traité de paix avec l’Italie, fassent l’objet d’un nouvel examen.» - 16 -

Le Gouvernement de la Répub lique italienne se félicite des mesures promises par le

gouvernement de la République fédérale d’Allemagne et fait savoir qu’il y souscrit.

Veuillez agréer, Monsieur le Secrétaire d’Etat, l’assurance de ma haute considération.

(Signé) Pietro UARONI

Ambassadeur d’Italie.

A son Excellence M. Karl Carstens
Secrétaire d’Etat aux affaires étrangères

de la République fédérale d’Allemagne

___________ - 17 -

ANNEXE 5

L OI FÉDÉRALE CONCERNANT L ’INDEMNISATION DES VICTIMES DE LA PERSÉCUTION
NATIONAL -SOCIALISTE , 18 EPTEMBRE 1953,PRÉAMBULE ET ARTICLES 1-4A )

(LOI FÉDÉRALE D INDEMNISATION )

Reconnaissant le fait

Que les personnes qui furent persécutées sous la di ctature national-socialiste en raison de leur
opposition politique au national-socialisme ou à cause de leur race, croyance ou idéologie, ont
subi une injustice,

Que la résistance à la dictature national-socialiste motivée par les convictions, la croyance ou la
conscience, constitue un fait méritoire bénéficiant au peuple et à l’Etat allemands,

Et que des organisations démocratiques, religieuses et économiques ont également subi des
préjudices à la suite des faits illicites commis sous la dictature national-socialiste,

Le Bundestag, avec le consentement du Bundesrat, a adopté la présente loi

Section I. Dispositions générales

er
Titre I – Droit à l’indemnisation

Article premier

1) On entend par victime de la persécution na tional-socialiste une personne qui, en raison
de son opposition politique au national-socialisme ou à cause de sa race, de sa croyance ou de

son idéologie, a été persécutée au moyen d’actes de violence nationauxsocialistes et a subi en
conséquence des préjudices ayant affecté sa vie, s on intégrité corporelle, sa santé, sa liberté, sa
propriété, ses biens ou son évolution professionnelle ou économique («persécuté»).

2) Les personnes ayant été persécutées au moyen d’actes de violence
nationaux socialistes seront assimilées aux persécutés au sens de l’alinéa premier lorsque :

1. elles se sont engagées, de leur propre initiativ e et pour des motifs tenant à leur conscience,
dans des actions mettant en danger leur personne , dirigées contre le mépris de la dignité
humaine ou contre la destruction de vies humain es non justifiée sur le plan moral, même par

la guerre ;

2. elles ont exprimé une approche artistique ou scientifique rejetée par le national-socialisme ;

3. elles ont été liées avec un persécuté.

3) Les personnes suivantes seront égalemen t considérées comme des persécutés au sens
de l’alinéa premier : - 18 -

1. l’ayant cause d’un persécuté qui a été tué ou poussé à la mort, ou qui est décédé à la suite
des dommages corporels ou des préjudices causés à sa santé ;

2. une personne lésée ayant commis un acte qui lu i a été reproché, en combattant la dictature
national-socialiste ou en se défendant contre la persécution, mais qui a néanmoins pu
dissimuler le motif de cet acte ;

3. une personne lésée ayant été affectée par des actes de violence nationauxsocialistes en
raison du fait qu’elle avait été incluse par er reur dans un groupe de personnes persécutées
pour les raisons mentionnées aux alinéas 1 et 2 ;

4. une personne lésée ayant été affectée à titre accessoire en tant que parent proche d’une
personne persécutée au moyen d’actes de violen ces nationauxsocialistes; le conjoint d’un
persécuté sera considéré comme un parent proche, tout comme les enfants, dans la mesure

où des allocations pour enfant étaient suscep tibles d’être versées pour eux conformément à
législation sur la fonction publique qui était en vigueur jusqu’au 31 décembre 1974.

Article 2

1) Les actes de violence nationaux socialistes sont des mesures qui étaient dirigées contre
le persécuté sur le fondement des cause s de persécution mentionnées à l’article 1 , à l’initiative
ou avec l’approbation d’un service ou d’un fonctionnaire du Reich, de l’un des Länder, d’une

autre personne morale, institution ou fondation de droit public, de la NDSAP, des subdivisions
de celle-ci ou des associations liées à celle-ci.

2) Le fait que les actes aient été basés sur d es dispositions légales ou le fait qu’ils aient

été dirigés contre le persécuté dans le cadre d’ une application abusive de dispositions légales ne
s’opposent pas à leur qualification d’actes de violences nationaux socialistes.

Article 3

Un persécuté aura droit à indemnisation en vertu de la présente loi.

Article 4

1) Le droit à indemnisation existe

1. Lorsque le persécuté

a) résidait ou séjournait de manière permanente , au 31décembre1952, sur le territoire
auquel s’applique la présente loi ;

b) est décédé avant le 31décembre1952 et résidait ou séjournait de manière permanente
en dernier lieu sur le territoire auquel s’applique la présente loi ;

c)a émigré ou a été déporté ou expulsé avant le 31décembre1952 et résidait ou
séjournait de manière permanente en dernier lieu sur le territoire du Reich tel qu’il était
en 1937, ou sur le territoire de la ville libre de Dantzig, et cette résidence ou ce séjour
permanent dans les territoires de l’Est alle mand sous administration étrangère ou sur le

territoire de la ville libre de Dantzig n’a pas commencé seulement après la fin de la
dictature national-socialiste ;

d) … - 19 -

e) est une personne déplacée au sens de l’article 1 erde la loi relative aux questions ayant

trait aux personnes déplacées et aux réfugiés (l oi fédérale sur les personnes déplacées)
et a commencé à résider ou à séjourner de manière permanente sur le territoire auquel
s’applique la présente loi au 30avril1965 au plus tard ou dans les six mois suivant
cette date après avoir quitté le territoire de l’Etat depuis lequel il avait été expulsé ou

rapatrié ;

f) est reconnu comme un réfugié depuis la zone s oviétique au sens de l’article 3 de la loi

fédérale sur les personnes déplacées et a commencé ou commence à résider ou à
séjourner de manière permanente sur le territoire auquel s’applique la présente loi; le
même statut sera accordé à ceux qui avai ent émigré depuis la zone d’occupation
soviétique ou depuis le secteur de Berlin sous occupation soviétique, moyennant

l’accueil d’urgence ou une procédure comparable et, au 31décembre1964, résidaient
où séjournaient de manière permanente sur le territoire auquel s’applique la présente
loi; l’article3, alinéa2 de la loi fédé rale sur les personnes expulsées s’appliquera

mutatis mutandis ;

g)a transféré le lieu de sa résidence ou de son séjour permanent, par voie de
regroupement familial, depuis le territoire de la zone d’occupation soviétique ou depuis

le secteur de Berlin sous occupation sovié tique, sur le territoire auquel s’applique la
présente loi car, en raison d’un handicap physique ou mental, il nécessite des soins
permanents ou est âgé de 65 ans au moins ; l’ article 3, alinéa 2 de la loi fédérale sur les

personnes expulsées s’appliquera mutatis mutandis ;

2. Lorsque le persécuté séjournait, au 1 ejanvier1947, dans un campDP situé sur le
territoire auquel s’applique la présente loi et , après le 31décembre1946, il est décédé

pendant son séjour dans un camp DP, ou bien a émigré depuis le territoire auquel s’applique
la présente loi ou, en tant qu’étranger apatri de, est passé sous la compétence des autorités
allemandes ou a acquis la nationalité allemande.

2) Le persécuté sera également réputé avoir émigré au sens de la présente loi lorsque,
avant le 8mai1945, il avait changé le lieu de sa résidence ou de son séjour permanent en

quittant le territoire du Reich tel qu’il était au 31 décembre 1937, ou le territoire de la ville libre
de Dantzig, sur le fondement des causes de persécution visées à l’article premier.

3)ere dooit à indemnisation ne cesse pas d’exister en raison du fait d’un persécuté déporté
(alinéa 1 , n 1, lettrec) a été ramené de force sur le territoire du Reich tel qu’il était au
31 décembre 1937 ou sur le territoire de la ville libre de Dantzig.

o
4) Un persécuté qui est une personne déplacée (alinéa1, n 1, lettre e) aura droit à
indemnisation même si son appartenance au peuple allemand est basée sur le fait qu’il avait

appartenu à la zone de langue et de culture allemande ; l’appa rtenance à la zone de langue et de
culture allemandes n’est pas subordonnée à la d éclaration expresse de l’appartenance ethnique
allemande.

o
5) On entend par regroupement familial (alinéa 1, n 1, lettre g) l’accueil par le conjoint,
par des parents en ligne directe ou collatérale jusqu’au second degré, ou par des enfants du
conjoint, des pupilles ou des personnes acceptées comme des enfants, ou par le gendre ou la bru.

L’accueil par des enfants du conjoint, des pupilles ou des personnes acceptées comme des
enfants ne sera pris en compte que s’ils avaien t cohabité avec la personne accueillie avant l’âge
de 18 ans ou pendant trois ans au mois. - 20 -

6) Le séjour forcé pour cause de privation de liberté et le séjour dans un campDP ne
seront pas considérés comme une résidence légale ou un séjour permanent au sens de la présente

loi.

7) En ce qui concerne les dommages cau sés à des biens immeubles, le droit à

indemnisation existera quel que soit le lieu de résidence ou de séjour permanent du persécuté, si
le bien est situé sur le territoire auquel s’applique la présente loi.

Note de bas de page

Article 4, alinéa 1e, n 1, lettre:) d’après le dispositif conforme à la loi
fondamentale (GG), BVerfGE du 29. 10. 1969 I 2186 – 1 BvL 19/69.

Article 4a

1) Si un persécuté est décédé avant le 31décembre1952 et résidait ou séjournait de
manière permanente en dehors du territoire auqu el s’applique la présente loi mais sur le
territoire du Reich tel qu’il était en 31décembre 1937 ou sur le territoire de la ville libre de
Dantzig, la veuve affectée à titre accessoire par la persécution, qui ne s’est pas remariée, aura

droit à l’indemnisation pour autant que les cond itions de l’article4 soient remplies. Cette
disposition ne s’applique pas lorsque le pers écuté n’a commencé à résider ou à séjourner de
manière permanente sur le territoire visé dans la première phrase qu’après la fin de la dictature

national-socialiste.

2) Le droit à l’indemnisation en vertu du pr emier alinéa n’existera que dans la mesure où

le droit du persécuté aurait été transmis à la veuve par voie de succession, au cas où le persécuté
aurait rempli les critères de l’article 4. Le dr oit n’est pas cessible ni susceptible de transmission
successorale.

3) Les alinéas1 et2 s’appliqueront mutatis mutandis à l’égard du veuf d’une femme
persécutée.

… - 21 -

A NNEXE 6

DEUXIÈME LOI MODIFIANT LA LOI FÉDÉRALE D ’INDEMNISATION

(LOI BEG F INALE )

14 SEPTEMBRE 1965
(TRADUCTION PARTIELLE : ARTICLE VI)

Z WEITES G ESETZ ZUR ÄNDERUNG DES BUNDESENTSCHÄDIGUNGSGESETZES

(BEG -SCHLUSSGESETZ )
14. SEPTEMBER 1965

Article VI

Dispositions particulières concernant les personnes ayant subi des dommages
en raison de leur nationalité (Nationalgeschädigten)

1. Les personnes ayant subi des dommages sous la dictature naternal-socialiste, au mépris
des droits de l’homme, en raison de leur nationalité, et qui étaient, octobre 1953, des
réfugiés au sens de la convention de Genèvedu 28juillet1951, ont droit à indemnisation à

raison d’un dommage corporel durable ou d’un préjudice durable causé à leur santé. On entend
par personne ayant subi des dommages en raison de sa nationalitune personne dont
l’appartenance à un Etat étranger ou dont l’a ppartenance ethnique non allemande constituait la

raison exclusive ou principale de l’acte dommageable. Lorsque l’acte dommageable commis au
mépris des droits de l’homme ne semble êtrmotivé par aucune autre raison, il sera présumé,
pour ce qui est du groupe de personnes visé danles première et deuxième phrases, que le
dommage est survenu en raison de la nationalité.

2. Le droit à indemnisation en vertu du premier alinéa n’existe que lorsque, à la date de la

décision, la capacité de la personne léséd’exercer une activité professionnelle se trouve
toujours réduite de 25pourcent au moins à cause du dommage et qu’il n’est pas probable
qu’elle s’améliorera sensiblement. L’article 28, alinéa 1 , deuxième phrase, et alinéa 2 du BEG
s’appliquera mutatis mutandis.

3. L’indemnisation comprendra les prestations suivantes :

1. des soins médicaux ;

2. une rente ;

3. un capital.

4. L’indemnisation sera accordée conformément aux critères des articles 30 à 37 du BEG
et des dispositions correspondantes du deuxième DV -BEG [Règlement d’application de la loi
fédérale d’indemnisation]. Le droit à une indemnisation sous forme de capital n’existe que pour
er
la période commençant à courir à partir du 1 janvier 1949. - 22 -

5. Le droit à l’indemnisation en vertu du troisième alinéa n’est pas susceptible de
transmission successorale. Le droit à la rente n’est pas cessible.

6. Si, conformément à la constatation d’un médecin de service ou d’un médecin conseil,
la personne lésée est décédée à la suite d’ un dommage corporel durable ou d’un préjudice

durable causé à la santé, résultant du fait dommageab le, le droit sur le montant total des arriérés
de la rente et sur le capital appa rtient au conjoint et, en cas de décès de ce dernier, aux enfants
de la personne lésée.

2. Sera exclu de l’indemnisation quiconque :

1. a commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité au sens

du droit international conventionnel ;

2. a commis un crime non politique grave à l’extérieur du pays d’accueil avant d’y avoir été
accueilli comme réfugié ;

3. est responsable d’actes contraires aux objectifs et aux principes des Nations Unies.

3. 1) Les articles 6 à 9, 11, 12, 14 et 238a BEG s’appliqueront mutatis mutandis.

2) L’article10, alinéa1, première phrase, et alinéas3 à 5 BEG s’appliqueront,
er
étant entendu que les prestations prévues dans la loi fédérale d’indemnisation et à l’article 1 de
l’accord du 5 octobre 1960 entre le gouvernement de la République fédéra le d’Allemagne et le
Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés seront également imputées sur les droits
à indemnisation en vertu du présent article.

4. 1) Les personnes ayant subi un dommage conformément aux critères du n o1
peuvent, en raison de ce dommage, se voir attr ibuer une allocation forfaitaire d’un montant
o
maximum de 6000 marks allemands, lorsque le droit à une prestation en vertu du n 1 est exclu
parce que la personne lésée :

a) n’est devenue un réfugié au sens deera convention de Genève du
28 juillet 1951 que postérieurement au 1 octobre 1953 ou

b) a acquis une nouvelle nationalité avan t le 1eroctobre1953 en tant que

réfugié au sens de la convention de Genève du 28juillet1951 après que
le dommage a pris fin.

2) Le numéro1, alinéas5 et 6, les numéros2 et 3 et l’articleV, le numéro1,
alinéa 4, lettre b) et alinéa 5, lettre c) de la présente loi s’appliqueront mutatis mutandis.

5. 1) L’indemnisation ne sera accordée que sur demande. La demande doit être
déposée le 13septembre1966 au plus tard a uprès de l’Office fédéral d’administration à
Cologne.

2) L’article189, alinéa3 et l’ article190a du BEG s’appliqueront mutatis
mutandis. - 23 -

6. Le dépôt d’une nouvelle demande co nformément au numéro5, alinéa premier
ci-dessus n’est pas nécessaire lorsque

a) une créance d’indemnisation en vertu de la lo i fédérale d’indemnisa tion dans sa rédaction
ayant existé jusqu’à présent a déjà été enregist rée, ou une demande en vertu de l’article1 er

de l’accord du 3 octobre 1960 entre le gouvernement de la République fédérale d’Allemagne
et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a déjà été déposée et

b) cette créance ou demande n’a pas fait l’objet, au moment de la promulgation de la présente

loi, d’un acte administratif ou d’une décision de justice non susceptible de recours.

Dans ces cas, l’indemnisation sera accordée conformément aux dispositions du présent article.

7. L’article9 de la loi fédéra le d’indemnisation s’appliquera mutatis mutandis au
déroulement de la procédure, étant enten du que l’autorité compétente en matière
d’indemnisation est l’Office fédé ral d’administration de Cologne et la créance d’indemnisation

est dirigée contre la République fédérale d’Allemagne.

8 Si, lors de l’entrée en vigueur du présent article, une procédure en vertu de

l’articlepremier de l’accord conclu le 5oct obre1960 entre le gouvern ement de la République
fédérale d’Allemagne et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés est pendante
devant une juridiction administrative, la procédure sera renvoyée devant le tribunal de première
instance compétent en vertu du n 7, qui statuera conformément aux dispositions de la présente

loi.

9. Les dépenses liées aux indemnisations en vertu du présent article seront supportées par

le gouvernement fédéral.

___________ - 24 -

A NNEXE 7

L OI SUR LA CRÉATION D ’UNE FONDATION «SOUVENIR , RESPONSABILITÉ ET AVENIR »,

2AOÛT 2000 ;TRADUCTION ANGLAISE :HTTP :/WWW .STIFTUNG -EVZ DE ENG /
ABOUT -US/FOUNDATION _LAW 2 AOÛT 2000

GESETZ ZUR ERRICHTUNG EINER S TIFTUNG “E RINNERUNG , VERANTWORTUNG UND
Z UKUNFT ” 2. AUGUST 2000

L OI SUR LA CRÉATION D UNE FONDATION «SOUVENIR ,RESPONSABILITÉ ET AVENIR » DU

2 AOÛT 2000,ENTRÉE EN VIGUEUR LE 12 AOÛT 2000 JOURNAL OFFICIEL FÉDÉRAL I,
1263),TELLE QUE MODIFIÉE EN DERNIER LIEU PAR LA LOI DU 1ERSEPTEMBRE 2008,
ENTRÉE EN VIGUEUR LE 9 SEPTEMBRE 2008

(JOURNAL OFFICIEL FÉDÉRAL I, 1797)

Préambule

Reconnaissant que l’Etat national-socialiste a causé des injustices graves aux travailleurs
esclaves et forcés, moyennant la déportation, l’internement et l’exploitation qui, dans certains

cas, avait abouti à la destruction par le il, ainsi qu’au travers d’une multitude d’autres
violations des droits de l’homme, que les entrep rises allemandes ayant participé aux injustices
national-socialistes portent une responsabilhistorique qu’elles doivent assumer, que les

entreprises qui se sont réunies dans le cadre de l’initiative de la Fondation de l’industrie
allemande ont reconnu cette responsabilité, qles faits illicites commis et les souffrances
humaines qu’ils ont causées ne sauraient être rée llement indemnisés moyennant des prestations
pécuniaires, que l’adoption de la présente loi est trop tardive pour ceux qui ont perdu leur vie en

tant que victimes du régime national-socialiste ou qui sont décédés entre-temps, le Bundestag
allemand reconnaît la respon sabilité politique et morale à l’égard des victimes du
national-socialisme. Le Bundestag entend perpét uer également pour les générations futures le

souvenir des injustices infligées aux victimes.

Le Bundestag allemand estime que la présente loi, l’accord intergouvernemental entre

l’Allemagne et les Etats-Unis, les déclarations du gouvernement des Etats-Unis accompagnant
l’accord ainsi que la déclaration conjointetoutes les parties aux négociations assurent un
niveau de sécurité juridique suffisant aux entrep rises allemandes et à la République fédérale

d’Allemagne, en particulier sur le territoire des Etats-Unis d’Amérique. Avec le consentement
du Bundesrat, le Bundestag a adopté la présente loi :

Article premier. Constitution et siège

1) Une fondation de droit public sera constituée, jouissant de la capacité juridique et ayant
pour dénomination «Souvenir, responsabilité et aven ir». La fondation joui ra de la personnalité

juridique à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.

2) La fondation aura son siège à Berlin. - 25 -

Article 2. Objet de la Fondation

1) La Fondation a pour objet l’octroi, par l’ intermédiaire d’organisations partenaires, de
ressources destinées à l’indemnisation d’anciens travailleurs forcés et à des personnes ayant subi
d’autres injustices au cours de la période national-socialiste.

2) Un fonds dénommé «Souvenir et avenir» sera créé au sein de la Fondation. Il sera
investi de la mission durable de soutenir, princi palement au moyen des revenus produits par les
ressources qui lui seront allouées sur le budget de la Fondation, des projets contribuant aux
objectifs de la meilleure entente entre les peupl es, des intérêts des survivants du régime

national-socialiste, des échanges entre les jeunes, de la justice sociale, du souvenir de la menace
représentée par les régimes totalitaires et la dictat ure, ainsi que de la c oopération internationale
dans le cadre d’initiatives humanitaires. En commémoration des vi ctimes des injustices
nationales-socialistes qui n’ont pas survécu et en hommage à ces dernières, le Fonds aura

également pour objet de soutenir des projets dans l’intérêt des héritiers de ces victimes.

Article 3. Donateurs et patrimoine de la Fondation

1) Les donateurs de la Fondation seront les entreprises réunies au sein de l’initiative pour
la Fondation de l’industrie allemande, ainsi que le gouvernement fédéral.

2) La Fondation sera dotée d’un patrimoine composé comme suit :

1. Cinq milliards de marks allemands que les en treprises réunies au sein de l’initiative pour la
Fondation de l’industrie allemande se sont d éclarées disposées à verser, comprenant les

ressources que les compagnies d’assurance allemandes ont mises ou mettront dans l’avenir à
la disposition de la Commission internationale des réclamations en matière d’assurance
concernant la période de l’Holocauste.

2. Cinq milliards de marks allemands que le gouvernement fédéral allemand met à disposition
en 2000. La contribution du gouvernement fédéral comprend celles des entreprises dont il
est le propriétaire exclusif ou dans lesquelles il détient des parts majoritaires.

3) Les donateurs ne sont pas tenus à des contributions supplémentaires.

4) La Fondation est autorisée à accepter des dons de la part de tiers. Elle s’efforcera

d’obtenir des donations supplémentaires. Les donations sont exonérées des droits de succession
et des droits de mutation à titre gratuit.

5) Les revenus produits par le patrimoine de la Fondation et les autres revenus doivent
être utilisés exclusivement en vue de la réalisation des objectifs de la Fondation.

Article 4. Organes de la Fondation

Les organes de la Fondation sont:

1. le conseil des curateurs ;

2. le conseil d’administration. - 26 -

Article 5. Conseil des curateurs

1) Le conseil des curateurs se compose de 27 membres, comprenant :

1. un président, nommé par le chancelier allemand ;

2. quatre membres devant être nommés par les entreprises réunies au sein de l’initiative pour la

Fondation de l’industrie allemande ;

3. cinq membres devant être nommés par le B undestag allemand et deux membres devant être
nommés par le Bundesrat ;

4. un représentant du ministère fédéral des Finances ;

5. un représentant du ministère fédéral des Affaires étrangères ;

6. un membre devant être nommé par la Confér ence sur les revendications matérielles juives
contre l’Allemagne ;

7. un membre devant être nommé par le C onseil central des Sinti et Roms allemands,
l’Alliance des Sinti allemands et l’Union romani internationale ;

8. un membre devant être nommé par le gouvernement de l’Etat d’Israël ;

9. un membre devant être nommé par le gouvernement des Etats-Unis d’Amérique ;

10.un membre devant être nommé par le gouvernement de la République de Pologne ;

11.un membre devant être nommé par le gouvernement de la Fédération de Russie ;

12.un membre devant être nommé par le gouvernement de l’Ukraine ;

13.un membre devant être nommé par le gouvernement de la République du Belarus ;

14.un membre devant être nommé par le gouvernement de la République tchèque ;

15.un juriste devant être nommé par le gouvernement des Etats-Unis d’Amérique ;

16.un membre devant être nommé par le Ha ut Commissariat des Nations Unies pour les
réfugiés ;

17u.n membre devant être nommé par l’Or o ganisation internationale des migrations
conformément à l’article 9, alinéa 2, n 6, et

18.un membre devant être nommé par l’association fédérale d’information et de conseil pour les

victimes du national-socialismee.V. [associ ation déclarée]. L’organisme de désignation
peut déterminer un remplaçant de chacun des membres du conseil. Une composition
différente du conseil des curateurs peut être décidée par celui-ci à l’unanimité.

2) La durée du mandat des membres du conseil du curateur sera de quatre ans. Au cas où
un membre devrait démissionner en cours de ma ndat, un remplaçant peut être nommé pour la
durée restante du mandat. Les membres du consei l des curateurs peuvent être révoqués à tout

moment par l’autorité qui les a désignés. - 27 -

3) Le conseil des curateurs établit son règlement intérieur.

4) Le quorum est atteint lorsque la moitié d es membres du conseil des curateurs, plus un,
sont présents. Le conseil prend ses décisions à la majorité simple. En cas de partage des voix,
la voix du président est prépondérante. Les déci sions peuvent également être prises par écrit, à

moins que le tiers ou plus des membres du conseil des curateurs ne s’opposent à une telle
procédure dans un cas particulier. Une telle décision requiert l’accord de la majorité des
membres du conseil des curateurs. La quatrième et la cinquième phrases ne s’appliquent pas à

l’élection des membres du conseil d’administration de la Fondation (article 6, alinéa 2).

5) Le conseil des curateurs est habilité à statuer sur toutes les questions fondamentales

ayant trait aux missions de la Fondation, en particulier en ce qui concerne le projet de budget, leer
rapport annuel et l’existence des caractéristiqu es spécifiques visées à l’article12, alinéa1 . Il
surveille l’activité du conseil d’administration.

6) Le conseil des curateurs se prononce sur les projets du fonds «Souvenir et avenir», sur
la base des propositions soumises par le conseil d’administration.

7) Le conseil des curateurs établit des li gnes directrices concernant l’utilisation de
ressources, dans la mesure où leur utilisation n’ est pas déjà réglementée dans la présente loi. A
cet égard, il veille en particulier à ce que les or ganisations partenaires puissent bénéficier sur un
er os
pied d’égalité des droits aux prestations visées à l’article 11, alinéa 1 , première phrase, n 1 et
2.

8) Les membres du conseil des curateurs ne perçoivent pas de rémunération ; les dépenses
nécessaires sont remboursées.

Article 6. Conseil d’administration de la Fondation

1) Le conseil d’administration se com posera d’un président et d’un membre
supplémentaire. Les membres du conseil des cu rateurs ne peuvent être membres du conseil

d’administration.

2) Les membres du conseil d’administration seront désignés par le conseil des curateurs.

3) Le conseil d’administration de la Fonda tion assurera la gestion courante des activités
de celle-ci et mettra en Œuvre les décisions du conseil des curateurs. Il décidera, jusqu’à

concurrence d’un plafond déterminé par le conseil des curateurs, des mesures de financement et
veillera à ce que les ressources de la Fondation soient utilisées conformément à son objet et
d’une manière prudente. Le conseil d’administra tion représentera la Fondation en justice et en
matière extrajudiciaire.

4) Dans les cas où une décision unanime n’est pas possible au sein du conseil
d’administration, le président dispose d’une voix prépondérante.

5) Les questions de détail seront réglementées par les statuts. - 28 -

Article 7. Statuts

Le conseil d’administration adoptera des statuts à la majorité des deux tiers des voix. Au

cas où les statuts ne seraient toujours pas a doptés dans les trois mois suivant l’assemblée
constitutive du conseil des curateurs, le préside nt proposera des statuts qui seront adoptés à la
majorité simple. Le conseil des curateurs peut modifier les statuts à la majorité des deux tiers.

Article 8. Contrôle, budget, vérification des comptes

1) La Fondation est soumise au contrôle juridique du ministère fédéral des Finances.

2) La Fondation établira un budget en temps u tile avant le début de chaque exercice. Le
budget sera soumis à l’approbation du ministère fédéral des Finances.

3) La Fondation fera l’objet d’un contrôle fi nancier de la part de la Cour des Comptes
fédérale. Sans préjudice de cela, les comptes de la Fondation et la gestion de son budget et de
ses ressources feront l’objet d’un contrôle financie r de la part de l’Office fédéral des services

centraux et des questions patrimoniales non réglées.

Article 9. Utilisation des ressources de la Fondation

1) Les ressources de la Fondation destinées à la réalisation de son objectif visé à
er
l’article 2, alinéa 1 , seront allouées à des organisations partenaires. Elles doivent être utilisées
en vue de versements forfaitaires à des pers onnes admissibles en vertu de l’article11, ainsi
qu’en vue du financement des dépenses de personnel et des dépenses matérielles des
er
organisations partenaioes. Les personnes admissibles en vertu de l’article11, alinéa1 ,
première phrase, n 1, ou cinquième phrase, peuvent r ecevoir 15000 marks allemands au
maximum, et les personnes admissibles en vertu de l’article 11, alinéa 1 , première phrase, n 2, o

ou deuxième phrase, peuvent recevoir 5000 marks al leernds au maximum. Le fait oe recevoir
un versement au titre de l’article11, alinéa1 , première phrase, n 1 ou 2 n’exclut pas le
bénéfice d’un versement au titre de l’article 11, alinéa 1 , première phase, n 3, ou quatrième ou

cinquième phrase.

2) Les organisations partenaires disposeront de 8,1milliards de marks allemands en vue

des prestations en faveur de personnes ayant subi des dommages personnels visées à l’article 11,
alinéa 1 , première phrase, n os1 et 2, et dans la deuxième phrase de l’alinéa1 erde l’article11,
dans la mesure où les versemen ts sont destinés à l’indemnisa tion pour cause de travail forcé,

dont 50 millions de marks allema nds correspondant à des intérêts courus. Les montants totaux
seront répartis conformément aux plafonds suivants :

1. 1,812millions de marks a llemands pour l’organisation partenaire compétente pour la
République de Pologne ;

2. 1,724 millions de marks allemands pour l’organisation partenaire compétente pour l’Ukraine
et la République de Moldavie ;

3. 835millions de marks allemands pour l’or ganisation partenaire compétente pour la
Fédération de Russie, la République de Lettonie et la République de Lituanie ;

4. 694millions de marks allemands pour l’or ganisation partenaire compétente pour la
République du Belarus et la République d’Estonie ; - 29 -

5. 423millions de marks allemands pour l’or ganisation partenaire compétente pour la

République tchèque ;

6. 800millions de marks allemands pour l’or ganisation partenaire compétente pour les
demandeurs non juifs de pays autres que ceux visés aux n os1 à 5 (l’Organisation

internationale des migrations); sur ce mont ant, l’organisation partenaire doit verser
260millions de marks allemands au maximum à la Conférence sur les revendications
matérielles juives contre l’Allemagne ;

7. 1,812millions de marks a llemands pour l’organisation part enaire compétente pour les
demandeurs juifs de pays autres que ceux visés aux n os1 à 5 (la Conférence sur les
revendications matérielles juives contre l’Allemagne).

Les organisations partenaires doivent utiliser c es fonds en vue d’effectuer les paiements prévus
en faveur de toutes les personnes qui, au 16 févrie r 1999, avaient leur résidence principale dans
le ressort de la compétence territoriale des organi sations et qui relevaient , à cette date, de leur
os
compétence rationne materiae . Les organisations partenaires visées aux n 2, 3 et 4 sont
également compétentes pour les personnes qui, au 16février1999, avaient leur résidence
principale dans d’autres pays qui étaient d’an ciennes républiques soviétiques; l’organisation

partenaire compétente sera, selon le cas, celle dans le ressort de laquelle est situé le lieu depuis
lequel de demandeur avait été déporté.

3) Un montant de 50millions de marks alle mands est destiné à l’i ndemnisation d’autres
dommages personnels liés à des injustices nationa l-socialistes. Les demandes doivent être
adressées aux organisations partenaires visées à l’ alinéa2. Ces organisations décideront du

bien-fondé et de l’importance des dommages invoqu és. Le montant des indemnisations sera
déterminé par la Commission visée dans la deuxième phrase du sixième alinéa, conformément à
la proportion entre le total des dommages constat és par les organisations partenaires et le total
des ressources visées dans la première phrase, en tenant dûment compte de l’article11,
er
alinéa 1 , cinquième phrase. Les organisations part enaires peuvent demander à la Commission
visée dans la quatrième phrase de confier les décisions visées dans la troisième phrase à un
arbitre indépendant. Une organisation partenaire qui préférerait ne pas prendre elle-même les

décisions visées dans la troisième phrase doit supporter les frais liés à la mission de l’arbitre.

4) Un montant d’un milliard de marks alle mands sur les ressources de la Fondation est

destiné aux versements en fa veur des personnes ayant subi des dommages matériels. Ce
montant est réparti conformément aux plafonds suivants :

1. 150 millions de marks allemands pour des do mmages matériels découlant de la persécution
er o
au sens de l’article 11, alinéa 1 , première phrase, n 3 ;

2. 50millions de marks allemands pour d’autres dommages matériels au sens de l’article11,
er
alinéa 1 , quatrième phrase ;

3. 150millions de marks allemands pour la Co mmission internationale des réclamations en
matière d’assurance concernant la période de l’Holocauste, à titre d’indemnisation à raison

des polices d’assurance de compagnies d’assuran ce allemandes qui n’ont pas été payées ou
ont été révoquées sans que cela ait donné lieu à une autre forme d’indemnisation, y compris
les frais encourus à ce titre ;

4. 300millions de marks allemands pour des objec tifs sociaux en faveur des survivants de
l’Holocauste, par l’inte rmédiaire de la Conférence sur les revendications matérielles juives
contre l’Allemagne; sur ce montant, 24millions de marks allemands seront versés à - 30 -

o
l’organisation partenaire visée au deuxième alinéa, n 6, qui les utilisera à des fins sociales
en faveur des Sinti et des Roms ayant fait l’objet de mesures de persécutions similaires ;

5. 350 millions de marks allemands pour le Fonds humanitaire de la commission internationale
des réclamations en matière d’assurance concernant la période de l’Holocauste.

5) Au cas où les ressources mises à la dispos ition de la Fondation, à l’exception de celles
destinées au Fonds «Avenir», ont produit les in térêts supplémentaires, un montant maximum de
50millions de marks allemands sur ces derniers sera mis à la disposition de la commission

internationale des réclamations en matière d’assurance concernant la période de l’Holocauste en
vue de l’indemnisation des dommages d’assurance au sens du quatrième alinéa, deuxième
phrase, n 3, pour les filiales étrangères des compa gnies d’assurance allemandes ainsi que pour

les frais encourus à cet égard, dès que ces ressources seront disponibles. Les ressources visées
dans la première phrase ainsi qu’au quatrième alinéa, deuxième phrase, n 3, peuvent également
être affectées à l’autre objectif correspondant selon le cas.

6) Les demandes ayant pour objet des paiements sur les ressources visées à l’alinéa4,
os
deuxième porase, n 1 et 2, doivent être adressées à l’organisation partenaire visée au deuxième
alinéa, n 6, quel que soit le lieu de résidence du demandeur. Les décisions concernant ces
versements seront prises par une commission deva nt être constituée dans le cadre de cette

organisation partenaire. La commission se com posera d’un membre devant être nommé par le
ministère fédéral des Finances et d’un membre devant être nommé par le département d’Etat des
Etats-Unis d’Amérique, ainsi que d’un président devant être choisi par ces deux membres. La

commission établira des principes supplémentaires c oncernant le contenu de ses décisions et la
procédure de prise de décision, dans la mesure où ces questions n’ont pas déjà été définies dans
la présente loi ou les statuts. La commission se prononcera sur les demandes soumises dans un

délai d’un an suivant la date limite pour le dépôt des demandes. En cas de recours formé contre
sa décision initiale, la commission des dommages ma tériels se prononcera suite à la reprise des
consultations, en tant qu’organe de recours au sen s de l’article 19. Les frais de la commission,

de l’organe de recours et de l’organisation pa rtenaire doive êose couverts proportionnellement
sur le total visé au quatrième alinéa, deuxième phrase, n 1 et 2. Si le montant des préjudices
constatés par la commission est supérieur à celui des ressources disponibles au titre du
os
quatrième alinéa, deuxième phrase, n 1 et 2, les versements à effectuer doivent être réduits
proportionnellement en fonction des ressources disponibles.

7) Un montant de 700 millions de marks alle mands, y compris les intérêts produits par ce
montant, doit être affecté à des projets du Fo nds «Souvenir et avenir». Sur ce montant,

100 millions de marks allemands peuvent être mis à disposition à des fins autres que l’objectif
auquel il est destiné, au cas où des créances fondées sont invoquées, basées sur des réclamations
d’assurance n’ayant pu être satisfaites en vertu du quatrième alinéa, deuxième phrase, n 3, et du

cinquième alinéa.

8) Avec le consentement du conseil des cura teurs, les organisations partenaires peuvent

subdiviser la catégorie des travailleurs forcés, dans les limites de son quota, conformément à
l’article 11, alinéa 1 , première phrase, n 1, dans la mesure où cela concerne des personnes
ayant été internées dans d’autres lieux de détention, ainsi que des personnes affectées au sens de
er, o
l’article 11, alinéa 1 première phrase, n 2, en des sous-catégories en fonction de la gravité de
leur sort et peuvent fixer des plafonds progressifs en conséquence. Cela concerne également
l’admissibilité des ayants cause au bénéfice des prestations. - 31 -

9) Les plafonds prévus au premier alin éa ne peuvent initialement être verséseru’à
concurrence de 50pourcent pour les demandeurs visés à l’article11, alinéa1 , première
phrase, n 1, et à concurrence de 35 pour cent pour les demandeurs visés à l’article 11, alinéa 1 , er
o
première phrase, n 2, ou deuxième phrase. Une autre tranche correspondant à 50 pour cent au
maximum des montants visés au premier alinéa pour les demandeurs visés à l’article11,
alinéa 1 , première phrase, n 1, et à 65pourcent au maximum des montants visés au premier
er o
alinéa pour les demandeurs visés à l’article11, alinéa1 , première phrase, n 2, ou deuxième
phrase, sera versée après la fin du traitement de toutes les demandes pendantes devant
l’organisation partenaire concernée, pour auta nt que ce soit possible dans les limites des

ressources disponibles. Les organisations parten aires peuvent constituer une réserve aux fins
des procédures de recours visées à l’article 19, correspondant au maximum à 5pourcent des
ressources allouées. Dans la mesure où la réser ve a été constituée, le versement de la seconde

tranche prévue dans la deuxième phrase peut inte rvenir avant la fin des procédures de recours.
Le conseil des curateurs est habilité, à la dema nde d’organisations partenaires individuelles, à
autoriser une augmentation du montant des tr anches prévues dans la première phrase, pour

autant qu’il soit garanti que les ressources all ouées en vertu du deuxième alinéa ne sont pas
dépassées.

er o
10) Les paiements en vertu de l’article 11, alinéa 1 , première phrase, n 3, à l’exception
des versements de la commission internationa le des réclamations en matière d’assurance
er
concernant la période de l’Holocauste et de ceux visés à l’article11, alinéa1 , quatrième et
cinquième phrases, ne peuvent être effectués qu’après la fin du traitement de toutes les
demandes pendantes devant la commission compétente.

11) Les ressources allouées en vertu du deuxième alinéa, qui n’ont pas été complètement
utilisées, doivent être affectées à des personn es ayant droit aux prestations en vertu de
er os
l’article 11, alinéa 1 , première phrase, n 1 et 2. Au cas où les ressources prévues aux
deuxième et troisième alinéas ne sont pas comp lètement utilisées en dépit du paiement des
plafonds prévus au premier alinéa, troisième phras e, le conseil des curateurs décidera de la

manière dont elles seront utilisées. Comme dans le cas de l’utilisation de ressources
supplémentaires, le conseil doit en particulier compenser un déficit éventuel constaté par des
organisations partenaires individuelles dans le cadre des versements prévus à l’article11,
er os
alinéa 1 , première phrase, n 1 et 2. Le conseil décidera de l’utilisation alternative des
ressources allouées en vertu des deuxièmes et troisièmes alinéas, devenues disponibles suite à la
déchéance du droit aux prestations en vertu de l’article14, alinéa4. La quatrième phrase

s’applique également aux ressources visées au deuxième alinéa qui, après la décision sur
l’allocation de la deuxième tranche aux personnes admissibles, ne peuvent plus être utilisées par
l’organisation partenaire concernée en vue des procédures de paiement. Les ressources visées
os
au quatrième alinéa, deuxième phrase, n 1 et 2, qui n’ont pas été utilisées, seront versées à la
Conférence sur les revendications matérielles juives contre l’Allemagne, et celles visées au
quatrième alinéa, deuxième phrase, n o3, seront versés à la commission internationale des

réclamations en matière d’assurance concernant la période de l’Holocauste. Le conseil des
curateurs peut autoriser le dépassement des pl afonds visés au premier alinéa, troisième phrase,
si toutes les organisations partenaires ont pu eff ectuer les versements dans les limites de ces

plafonds.

12) Les dépenses de personnel et les dépenses matérielles seront payées sur les ressources
de la Fondation, dans la mesure où elles ne doivent pas être supportées par les organisations
partenaires conformément au premier alinéa, deuxième phrase. Les frais devant être assumés

par la Fondation comprennent également les honorai res d’avocats et de c onseils dont l’activité
pour le compte des personnes ayant droit aux pr estations visées à l’article11 a contribué à
l’institution de la Fondation ou a favorisé d’une autre manière sa création, en particulier - 32 -

moyennant la participation aux négociations multilatérales ayant précédé la création de la
Fondation ou moyennant l’introduction d’actions en justice au nom des demandeurs en vertu de

l’article11 entre le 14novembre1990 et le 17 décembre1999. Il n’existe pas de droit
permettant de prétendre aux paiements visés da ns la deuxième phrase. La répartition d’un
montant défini par le conseil des curateurs sera déterminée par un arbitre désigné par la
Fondation, sur la base de lignes directrices qui seront établies et publiées par le conseil des

curateurs. Les demandes ayant pour objet les paiements visés dans la deuxième phrase doivent
être soumises à la Fondation par les avocats et conseils en personne et pour leur propre compte,
dans les huit mois suivant la publication des lignes directrices. Elles doivent être accompagnées
de justificatifs des frais réclamés. Chacun des a vocats et conseils déclarera, dans le cadre des

procédures de demande, qu’il renonce à toute prét ention contre ses clients dès réception d’un
paiement visé dans la deuxième phrase. Il est tenu d’informer ses clients du fait qu’il a renoncé
à toute prétention.

13) Les procédures judiciaires pendantes ayant trait aux questions réglementées par la
présente loi seront exonérées du paiement de frais de justice.

Article 10. Octroi de ressources par l’intermédiaire d’organisations partenaires

1) L’approbation et le versement des montants forfaitaires aux personnes admissibles en

vertu de l’article 11 interviendront par l’interméd iaire d’organisations partenaires. La Fondation
n’est ni habilitée ni tenue d’obligations à cet égar d. Le conseil des curateurs peut décider d’un
autre mode de versement. Les organisations pa rtenaires coopéreront avec des associations des
persécutés et des organisations locales appropriées.

2) Dans les deux mois suivant l’entrée en vigueur de la loi, la Fondation et ses
organisations partenaires doivent assurer une publicité appropriée de la possibilité d’obtenir une
indemnisation en vertu de la présente loi à l’intention de tous les groupes de personnes

admissibles, dans leurs pays de résidence respectifs. Ces formes de publicité comporteront en
particulier des renseignements sur la Fondation et ses organisations partenaires, les conditions
d’octroi d’une indemnisation et les dates limites pour le dépôt des demandes.

Article 11. Personnes ayant droit aux prestations

1) Ont droit aux prestations en vertu de la présente loi :

1. les personnes ayant été détenues dans un camp de concentration tel que défini à l’article 42,
alinéa 2, de la Loi fédérale d’indemnisation, ou dans un autre lieu de détention en dehors du
territoire actuel de la République d’Autric he, ou dans un ghetto dans des conditions

comparables, et ayant été astreintes au travail forcé ;

2. les personnes ayant été déportées depuis leur patrie à destination du territoire de Reich
allemand selon les frontières de 1937 ou à destination d’une région occupée par

l’Allemagne, ayant été soumises au travail fo rcé dans une entreprise commerciale ou au
service d’autorités publiques dans ce lieu, et détenues dans des conditions autres que celles
mentionnées au n 1, ou ayant été placées dans des conditions assimilables à la détention ou
dans des conditions de vie similaires d’une dureté extrême; la présente disposition ne

s’applique pas aux personnes qui, en raison du fait que leur travail forcé était accompli
principalement sur le territoire actuel de la République d’Autriche, peuvent recevoir des
versements de la part de du Fonds autrichien de réconciliation ; - 33 -

3. les personnes ayant subi des dommages matériels à la suite d’une persécution raciale avec la
participation essentielle, directe et dommageable d’entreprises allemandes telles que définies

par les lois sur l’indemnisation, et qui n’ont pu recevoir aucun paiement ou n’ont pu déposer
leurs demandes en restitution ou en indemnisati on dans le délai en raison du fait qu’elles ne
remplissaient pas les conditions de résidence prévues par la lo i fédérale d’indemnisation ou

avaient leur domicile ou leur résidence permanente dans une région avec le gouvernement de
laquelle la République fédérale d’Allemagne n’entretenait pas de relations diplomatiques, ou
parce qu’elles n’étaient pas en mesure de pr ouver qu’un bien ayant été exproprié en dehors
du territoire de Reich allemand selon ses fron tières de 1937 pour cause de persécution et ne

pouvant plus être localisé dans ce lieu, ava it été transporté en République fédérale
d’Allemagne, ou parce que les pre uves de la validité de leurs pr étentions en vertu de la Loi
fédérale de restitution [Bundesrüc kerstattungsgesetz] et de la loi fédérale d’indemnisation

[Bundesentschädigungsgesetz] ne sont devenus connues et disponibles qu’en raison de la
réunification allemande, et que le dépôt de demandes en vertu de la Loi portant règlement de
certaines questions pendantes d’ordre patrimonial ou de la loi relative à l’indemnisation des
victimes du national-socialisme était exclu, ou da ns la mesure où des prestations à titre de

restitution concernant des créances de somm es d’argent expropriées en dehors du Reich
avaient été refusées à cause de l’impossibilité de constater ces dernières, et qu’aucun
paiement ne pouvait être réclamé ni en vertu des lois portant réforme monétaire, ni en vertu
de la Loi fédérale d’indemnisation, ni en vertu de la loi sur la péréquation des charges, ni en

vertu de la loi sur la réparation des dommages dus aux réparations ; cela concerne également
les autres persécutés au sens de la loi fédérale d’indemnisation ; les dispositions particulières
dans le cadre de la commission internationale des réclamations en matière d’assurance

concernant la période de l’Holocauste n’en sont pas affectées.

Les organisations partenaires peuvent égal ement octroyer des indemnisations sur les
ressources qui leur ont été allouées en vertu de l’article9, alinéa2, aux victimes de crimes

nationaux-oscialistes qui ne font pas partie de l’un des groupes mentionnés dans la première
phrase, n 1 et 2, en particulier aux travailleurs forcés dans l’agriculture. Sous réserve de
l’article9, alinéa8, ces prestations ne sauraie nt donner lieu à une réduc tion des paiements en
faveur des personnes admissibles en vertu de l’alinéa 1 , première phrase, n 1. Les ressources
o
prévues à l’article9, alinéa4, deuxième phrase, n 2, sont destinées à l’indemnisation des
dommages matériels causés sous le régime national-socialiste [Ndt : lire «à l’occasion de faits
illicites nationaux-socialistes»] avec la partic ipation essentielle, directe et dommageable

d’entreprises allemandes, mais qui n’ont pas été dus à des motifs de persécution
national-socialiste. Les ressources visées à l’article9, alinéa3, seront attribuées dans les cas
d’expériences médicales ou dans les cas de décès ou de préjudices graves causés à la santé d’un
enfant placé dans un foyer pour enfants de trava illeurs forcés; elles peuvent être accordées en

cas d’autres dommages personnels.

2) Le droit au bénéfice des prestations sera prouvé par le demandeur moyennant la

production de pièces justificatives. L’organisati on partenaire doit rassembler les éléments de
preuve pertinents. En l’absence d’éléments de preuve pertinents, le caractère plausible de
l’admissibilité du demandeur peut être établi par d’autres moyens.

3) Le statut de prisonnier de guerre ne donne pas droit aux prestations.

4) Les paiements en provenance de la Fondation sont exonérés des droits de succession et
de mutation à titre gratuit. - 34 -

Article 12. Définitions

1) Les caractéristiques spécifiques des autres lieux de détention visés à l’article11,
alinéa 1 , n 1 sont les conditions inhumaines de la détention, l’alimentation insuffisante et
l’absence de soins médicaux.

2) Les entreprises allemandes visées aux articles 11 et 16 sont celles qui avaient leur siège
social sur le territoire du Reich allemand selon les frontières de 1937, ou qui ont leur siège

social en République fédérale d’Allemagne, ainsi que leurs sociétés mères, même lorsque celles-
ci avaient ou ont leur siège social à l’étra nger. Les entreprises situées à l’extérieur des
frontières du Reich allemand de 1937, dans lesquelles des entreprises allemandes telles que

définies dans la première phrase avaient, au c ours de la période allant du 30janvier1933 à
l’entrée en vigueur de la présente loi, une pa rticipation financière directe ou indirecte de
25 pour cent au moins, sont également considérées comme des entreprises allemandes.

Article 13. Droit de déposer une demande

1) Les prestations visées à l’article11, alinéa1 e, première phrase, n 1 ou 2, deuxième

phrase ou cinquième phrase, sont strictement personnelles et les demandes tendant à en
bénéficier doivent être déposées à titre personne l. Au cas où la personne ayant droit aux
prestations est décédée avant le 15 février 1999, ou lorsque la demande porte sur une prestation
er o
visée à l’article11, alinéa1 , n 3, ou quatrième phrase, le conjoint survivant et les enfants
auront droit aux prestations selon une proporti on égale. Si la personne ayant droit aux
prestations n’a laissé ni conjoint ni enfants, le droit de déposer une demande en vue de
bénéficier des prestations appartient, en quote-pa rt égale, aux petits-enfants ou, à défaut de

petits-enfants vivants, aux frères et sŒurs. Au cas où ces personnes ne déposent pas non plus
une demande, les successeurs désignés dans un test ament ont le droit d’en déposer une. Les
dispositions particulières dans le cadre de la Commission internationale des réclamations en

matière d’assurance concernant la période de l’Holocauste n’en sont pas affectées. Le droit à la
prestation n’est pas cessible et ne peut faire l’objet d’un nantissement.

2) Les personnes morales n’ont pas droit a ux prestations. Elles peuvent déposer des
demandes en tant que représentants des personnes détenant une quote-part de leur patrimoine,
qui sont admissibles en vertu de la présente loi, si elles ont été expressément autorisées à cette

fin par lesdits détenteurs de parts. Au c as où une communauté religieuse ou une organisation a
subi des dommages matériels causés avec la pa rticipation essentielle, directe et dommageable
d’entreprises allemandes, la première phrase ne s’applique pas son égard ou à l’égard de ses
ayants cause.

Article 14. Dates limites pour le dépôt des demandes et délais de forclusion

1) Le droit au bénéfice des prestations en vertu de l’article 11 ne peut plus être constaté si
une demande n’est pas parvenue à une organisation partenaire le 31 décembre 2001 au plus tard.
Il en est ainsi également si, après la fin du tra itement par l’organisation partenaire concernée au

sens de l’article 9, alinéa 9, deuxième phrase, les formulaires de demande, les justificatifs et les
éléments de preuve nécessaires en vue de la prise d’une décision sur la demande n’ont pas été
reçus.

2) Les demandes parvenues directement à la Fondation ou à une organisation partenaire
non compétente seront transmises à l’organisatio n partenaire compétente. Les dispositions - 35 -

particulières dans le cadre de la commission internationale des réclamations en matière

d’assurance concernant la période de l’Holocauste n’en sont pas affectées.

3) Si une demande a été déposée dans le dé lai prévu à l’alinéa premier pour le dépôt des

demandes et, dans les six mois suivant le décès de la personne admissible, aucune des personnes er
admissibles en tant qu’ayants cause à titre par ticulier en vertu de l’article13, alinéa1 ,
deuxième à quatrième phrases, n’a informé l’organisation partenaire du fait de la succession, le
droit au bénéfice d’une prestation sera éteint. Le deuxième alinéa s’appliquera mutatis mutandis

à la notification de la succession.

4) Tout droit au bénéfice d’une prestation en vertu de l’article11 sera éteint après le
30septembre2006. Si l’exécution ne peut interv enir dans la période indiquée par la faute de
l’organisation partenaire, le paiement peut être effectué jusqu’au 31 décembre 2006 nonobstant
l’extinction du droit au bénéfice d’une presta tion en vertu de la première phrase. Les

organisations partenaires sont tenues de fair e connaître d’une manière appropriée l’extinction
des droits à bénéficier d’une prestation, pour la pr emière fois 12 mois avant cette date limite, et,
par la suite, de manière périodique, six mois au plus tard avant la date limite.

Article 15. Prise en considération d’autres prestations

1) Les prestations relatives à des injustices subies sous le national-socialisme sont censées
profiter aux personnes admissibles et ne pas entr aîner une réduction des prestations reçues au
titre de la sécurité sociale ou du système des soins de santé.

2) Les versements effectués antérieurement par des entreprises pour indemniser le travail
forcé et d’autres injustices national-socialistes, même s’ils sont intervenus par l’intermédiaire de
tiers, seront imputés sur les versements en vertu de l’article9, alinéa1 e. Les dispositions

particulières dans le cadre de la commission internationale des réclamations en matière
d’assurance concernant la période de l’Holocauste n’en sont pas affectées.

Article 16. Réclamations exclues

1) Des paiements en provenance de deniers pub lics, y compris la sécurité sociale, et en

provenance d’entreprises commerciales allemandes, à raison d’injustices subies à l’époque du
national-socialisme telles que définies à l’article 11, ne peuvent être réclamés qu’en vertu de la
présente loi. Toutes autres réclamations liées à d es injustices national-socialistes sont exclues.
Cela concerne également les cas dans lesquels des créances ont été transférées à des tiers par

l’effet de la loi, par transmission ou en vertu d’un acte juridique.

2) Chaque demandeur produira une déclaration dans le cadre de la procédure de dépôt de

la demande, par laquelle il renoncera de manière irrévocable, sans préjudice des troisième à
cinquième phrases, sur réception d’un paiement en ve rtu de la présente loi, à toute prétention
ultérieure à l’égard des autorit és pour cause de travail forcé et de dommages aux biens, à toute

prétention à l’égard d’entreprises allemandes liées à des injustices national-socialistes, ainsi
qu’aux prétentions pour cause de travail for cé contre la République d’Autriche ou des
entreprises autrichiennes. La renonciation prend e ffet à la réception d’un paiement en vertu de

la présente loi. La récertion de paiement oss liés à des dommages pe rsonnels en vertu de
l’article 11, alinéa 1 , première phrase, n 1 ou 2, deuxième phrase ou cinquième phrase,
n’emporte pas renonciation aux paiements au titre de dommages d’assurances ou d’autres
dommages matériels conformément à l’article 11, alinéa 1 , première phrase, n 3, ou quatrième - 36 -

phrase, et vice versa. La première phrase ne s’applique pas aux créances nées d’injustices
national-socialistes causées par des sociétés mères étrangères ayant leur siège social à

l’extérieur des frontières du Reich allemand de 1937, sans que ces faits aient un rapport avec
leurs filiales allemandes et l’implication de ces de rnières aux injustices national-socialistes. La
première phrase ne s’applique pas non plus à d’éven tuelles prétentions portant sur la restitution
d’Œuvres d’art, dans la mesure où le demandeur s’engage à faire valoir cette prétention en

Allemagne ou dans le pays où l’Œuvre d’art a été appréhendée. La renonciation s’étend
également au remboursement des fr ais de justice liés aux procéd ures tendant à faire valoir le
droit, dans la mesure où l’article9, alinéa12 n’ en dispose pas autrement. Les modalités de la
procédure seront déterminées dans les statuts.

3) Les dispositions ci-dessus ne s’opposent pas à la mise en place de dispositions plus
étendues portant sur l’indemnisation et le règlement des conséquences de la guerre au moyen de

ressources publiques.

Article 17. Mise à disposition des ressources

1) La Fondation doit mettre les ressources à la disposition des organisations partenaires
selon une périodicité trimestrielle, en fonction de leurs besoins dûment justifiés conformément à
l’article 9, alinéas 2 et 3. L’utilisation des ress ources fera l’objet d’un contrôle approprié par la

Fondation.

2) La première mise à disposition de ressources à [Ndt : lire «de»] la Fondation est
subordonnée à l’entrée en vigueur de l’accord intergouvernemental entre l’Allemagne et les

Etats-Unis concernant la Fondation «Souvenir, r esponsabilité et avenir» et à la mise en place
d’une sécurité juridique suffisante pour les en treprises allemandes. Le Bundestag allemand
déterminera si ces conditions préalables sont réunies.

Article 18. Demandes de renseignements

1) La Fondation et ses organisations part enaires sont autorisées à recueillir, auprès

d’autorités publiques et d’autres établissements publics, les renseignements qui sont nécessaires
en vue de l’accomplissement de leur mission. Les renseignements ne seront pas communiqués
au cas où cela serait contraire à des réglementations officielles particulières concernant
l’utilisation des renseignements, ou lorsque la pr otection légitime des inté rêts de la personne

concernée l’emporte sur l’intérêt général à la divulgation.

2) Les renseignements recueillis ne peuvent être utilisés qu’aux fins de l’accomplissement

de l’objet de la Fondation, et les données à carac tère personnel d’un demandeur ne peuvent être
utilisées qu’aux fins de la procédure d’octroi des ressources visée à l’article 11. L’utilisation de
ces données à d’autres fins n’est admissible qu’avec le consentement exprès du demandeur.

3) Les demandeurs en vertu de la présente loi peuvent demander des renseignements à
des entreprises en Allemagne au service desque lles ils avaient accompli un travail forcé ou qui
sont les ayants cause de telles entreprises, dans la mesure où cela est nécessaire en vue de

l’établissement de leur droit au bénéfice des prestations. - 37 -

Article 19. Procédure de recours

Les organisations partenaires doivent instituer des organes de recours qui seront
indépendants et ne pourront recevoir aucune inst ruction extérieure. La procédure devant les
organes de recours est gratuite. Néanmoins, les frais encourus par le demandeur ne sont pas
remboursables.

Article 20. Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le jour suivant sa promulgation. L’article14, dans sa

rédaction résultant de la loi du 4 août 2001, entrera en vigueur au plus tard le 11 août 2001. - 38 -

ANNEXE 8

DROIT DES INTERNÉS MILITAIRES ITALIENS AU BÉNÉFICE DE LA LOI CRÉANT UNE
F ONDATION «SOUVENIR ,RESPONSABILITÉ ET AVENIR »,AVIS JURIDIQUE RÉDIGÉ

PAR LE PROFESSEUR C HRISTIAN TOMUSCHAT

31 UILLET 2001

L EISTUNGSBERECHTIGUNG DER TALIENISCHEN M ILITÄRINTERNIERTEN NACH DEM
GESETZ ZUR E RRICHTUNG EINER STIFTUNG “E RINNERUNG , ERANTWORTUNG

UND Z UKUNFT ”, RECHTGUTACHTEN ERSTATTET VON
P ROFESSOR D R. CHRISTIAN TOMUSCHAT ,
31.JULI 2001

Les internés militaires italiens ont-ils droit au bénéfice des prestations au titre de la loi
portant création de la Fondation «Souvenir, responsabilité et avenir» ?

Avis juridique établi par Christian Tomuschat

Professeur à la Faculté de droit
de l’Université Humboldt de Berlin

A. La mission

La République fédérale d’Allemagne, représen tée par le ministère fédéral des Finances,
nous a confié la mission de rédige r un avis d’expert ayant pour objet de clarifier la question de
savoir si les internés militaires italienrès dénommés «IMI»), c’est-à-dire les soldats

italiens qui furent capturés et désarmés par les tr oupes allemandes au cours de la période allant
de septembre1943 à la conclusion de l’armistice entre l’Italie et les puissances alliées
victorieuses de la seconde guerre mondiale, sont, en tant que prisonniers de guerre au sens de

l’article11, alinéa3 de la loi portanttion de la Fondation «Souvenir, responsabilité et
avenir», exclus du bénéfice des prestations prévu es par cette loi, quand bien même leur statut a
été transformé en un statut de civils et ils ont ét é astreints au travail forcé jusqu’à la fin de la
guerre.

B. Les faits

I. Contexte historique

Au cours de la seconde guerre mondiale, l’ Italie fut pendant des années l’alliée du Reich

allemand. Après avoir, dans un premier temps, ga rdé la neutralité, elle déclara la guerre à la
Grande-Bretagne et à la France le 10 juin 1940 et , en 1941, elle déclara également la guerre aux
Etats-Unis et à l’URSS. Or, lorsque la fortune de la guerre changea de camp et les troupes des

puissances alliées réussirent à pénétrer sur le sol italien, l’Italie conclut, le 3 septembre 1943, un
armistice avec les alliés, qui fut notifié au gouvernement du Reich allemand le
8septembre1943. Le haut commandement allema nd était déjà préparé à cette étape. Le

lendemain même, le commandant en chef de la Wehrmacht, Keitel, édicta un ordre concernant
le traitement ultérieur des soldats italiens qui se trouvaient désormais au pouvoir des Allemands.
Cet ordre se lit comme suit : - 39 -

«Les soldats italiens qui ne se sont pas déclarés disposés à continuer le
combat du coté allemand doivent être désarmés et considérés comme des

prisonniers de guerre…en ce qui concer ne les prisonniers de guerre [p.3]
capturés, toute la main-d’Œuvre spéciali sée susceptible de servir les besoins de
l’industrie de l’armement doit être détach ée et mise à la disposition du directeur
exécutif de l’emploi…tous les autres prisonniers de guerre seront ensuite mis à

disposition en tant que main-d’Œuvre pour l’édification de l’Ostwald…»

Le journal de guerre du commandement en chef de la Wehrmacht indiquait, sous la date
du15septembre1943, qu’il y avait lieu de distin guer entre trois groupes de soldats italiens, à

savoir, premièrement, les soldats italiens «loya ux à l’alliance», devant continuer le combat ou
s’acquitter de tâches auxiliaires ; deuxièmement, l es soldats qui ne souhaitaient plus continuer ;
et, troisièmement, ceux qui résistaient ou avaient conclu un pacte avec l’ennemi ou des
«bandes». En ce qui concerne le deuxième groupe, il y est affirmé: «Les soldats italiens

relevant du deuxième groupe sont des prisonniers de guerre et doivent être placés au service de
l’économie de guerre ou affectés à d’autres emplois.»

Le texte suivant apparaît sous la date du 20septembre1943: «Sur ordre du Führer, les

prisonniers de guerre doivent désormais être dénommés «internés militaires italiens».»

Un mémorandum du 7octobre1943 de l’envoyé de première classe Six à l’ambassade
d’Allemagne à Rome, concernant le traitement des troupes italiennes qui se trouvaient entre les

mains de la Wehrmacht allemande, mérité d’être noté :

«Le comportement du gouvernement hostile et de ses organes à l’égard du
Reich ne doit pas donner lieu à une vengean ce sur la personne des prisonniers de

guerre individuels. La manière dont les prisonniers de guerre doivent être traités et
influencés est à déterminer conjointement par le commandement en chef de la
Wehrmacht et le ministère des affaires étrangères, de manière à ce que les
prisonniers de guerre puissent se faire une idée appropriée de la nouvelle

Allemagne et retourner ensuite chez eux en ayant une attitude positive à l’égard du
Reich et de la nouvelle Europe.»

Au vu de cela, Six formula une série de s uggestions, tendant en particulier à ce que les

IMI fussent mieux informés et mieux traités. N ous ignorons certes l’influence que cette note a
pu [p. 4] avoir sur les décisions et mesures ultérieures du commandement politique du III Reich
et de ses forces armées. Toujours est-il qu’un autre mémorandum ayant suivi de peu le premier,
concernant un entretien de représentants du comité international de la Croix-Rouge (CICR) au

ministère des affaires étrangères le 19nove mbre1943, indique que le changement de
dénomination n’était pas conçu comme une discrimination, mais que les IMI étaient considérées
comme des «soldats du Duce», c’est-à-dire ceux d’un allié.

Le 13octobre1943, l’Italie officielle déclar a à la guerre l’Allemagne. D’un autre coté,
peu de temps auparavant (le 18septembre1943) avait été proclamée, en Italie du Nord, la
«Repubblica Sociale Italiana», également dénommé e «République de Salò». Cette dernière
était dirigée par les fascistes et ne put jamais être réellement indépendante puisque, pour toutes

les questions importantes, elle était soumise à l’influence du Reich allemand.

Tous les IMI furent employés dans l’économ ie de guerre allemande. Des détails plus
complets à ce sujet ont été rassemblés dans la monographie de grande envergure de

GerhardSchreiber, «Die italienischen Militä rinternierten im deutschen Machtbereich
1943-1945» [Les internés militaires italiens au pouvoir de l’Alle magne, 1943-1945]. Les
conditions de logement étaient partout médiocres. Il est vrai que la grande majorité des IMI

étaient logés dans des camps ordinaires des tinés à des prisonniers de guerre (Stalags =
Stammlager, pour les soldats, Oflags=Offiziersl ager [camps d’officiers], pour les officiers). - 40 -

Quelques centaines seulement ⎯ le chiffre de 1300 personnes nous a été communiqué ⎯ furent
envoyés dans des camps de concentration. De nombreux prisonniers souffrirent de maladies

graves, auxquelles avait contribué dans une larg e mesure la malnutrition constante. En
conséquence, le rendement de leur trava il ne correspondait pas non plus aux attentes
allemandes.

Pour cette raison, lors de négociations avec le gouvernement de la République de Salò, on
s’efforça pendant une assez longue période de pa rvenir à un accord sur la manière dont les IMI
pourraient être placés d’une manière plus e fficace au service de l’économie de guerre
allemande. Le 20juillet1944, lors d’une vis ite [p.5] en Allemagne, Mussolini fit une

proposition à cet égard. Les principaux éléments de cette proposition sont les suivants: « Le
potentiel de travail des détenus italiens devrait êt re pleinement utilisé aux fins du processus de
production allemand. Afin d’y parvenir, leur condition matérielle doit être améliorée.»

La partie allemande accepta cette pr oposition. D’après un rapport publié le
22 juillet1944 dans le Völkischer Beobachter, l’ organe principal de la machine de propagande
national-socialiste, Hitler et Mussolini purent convenir d’une ligne commune :

«Le Führer et le Duce examinèrent la s ituation, en discutant entre autres de
la question des internés de guerre italiens. Les lignes directrices en vue du
règlement de cette question dans les inté rêts moraux et matériels des deux pays
furent définies. La solution prévoit la transformation du statut des internés de

guerre en un statut de travailleurs libres ou d’auxiliaires au service de la
Wehrmacht allemande.»

Quelques jours plus tard seulement, cet accord de principe fut complété par la

réglementation des détails particuliers. Aux termes d’un ordre signé par le commandant en chef
de la Wehrmacht, Keitel, le 3 août 1944 (NOKW 982) :

«Le Führer a décidé que les internés militaires italiens (officiers,

sous-officiers, soldats et fonctionnaires) de vraient être libérés de l’internement et
transformés en travailleurs civils. Les ordres suivants sont édictés à cette fin :

I.

1) La transformation du statut des détach ements de travail sur le territoire du
Reich doit intervenir en bloc; aucune interruption du travail ne doit en résulter.

Les internés employés dans des camps doivent être transférés au GBA .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

2) Chaque interné doit, avant le changement de statut, déclarer qu’il est disposé à
travailler en Allemagne jusqu’à la fi n de la guerre dans les conditions
applicables aux travailleurs civils recrutés [p.6] en Italie. Il recevra alors son
attestation de libération. S’il refuse de faire cette déclaration, il restera interné

dans l’attente d’indications ultérieures.

3) Les personnes devenues des travailleurs civils garderont leurs vêtements
existants ; tout insigne militaire doit être retiré avant la libération.

II.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . - 41 -

III.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. .
La mise en Œuvre doit commencer immédiatement et être achevée

le 31 août 1944 au plus tard. Les modalités de la mise en Œuvre sont définies dans
chaque cas par le commandant des prisonniers de guerre conjointement avec le
GBA.»

Il ressort clairement de cet ordre que l es personnes concernées ne bénéficiaient point
d’une vraie liberté de décision. Cela est également confirmé par un ordre du commandement en
chef de la Wehrmacht ⎯commandant des prisonniers de guerre ⎯ du 12août1944,
réglementant les détails ultérieurs de l’action planifiée :

«A la demande du Duce, le Führer a ordonné la libération immédiate des
internés militaires italiens. Elle doit intervenir sur le lieu de travail, moyennant la
remise au bureau du travail compétent, le 31 août 1944 au plus tard.

Les ordres suivants sont édictés à cet effet :

I. les personnes souhaitant être libérées doivent signer une déclaration selon

laquelle elles auront à travailler en Alle magne jusqu’à la fin de la guerre dans
les conditions en vigueur pour les travailleurs civils recrutés en Italie. Ceux qui
refuseront de signer resteront dans l’internement.»

Or, en dépit de la pression massive qui fut exercée, 30pourcent seulement des IMI
étaient à l’origine disposés à voir leur statut tr ansformé en celui de travailleurs civils. Ces
difficultés amenèrent la partie allemande à renoncer par la suite à la déclaration. En vertu d’un
ordre du commandement en chef de la Wehrm acht du 4 septembre 1944, les IMI furent libérés

sans formalités pour devenir des travailleurs civ ils. Même les soldats italiens qui avaient
auparavant refusé de [p.7] consentir à un cha ngement de statut reçurent alors d’office une
attestation de libération. Néanmoins, les officier s, en tout cas les officiers de carrière, furent
exclus de cette action et restèrent dans les camps où ils étaient jusque-là placés. Ce n’est qu’à la

fin de l’année 1944, lorsque l’insuffisance de la main-d’Œuvre dans l’économie allemande était
en train de s’aggraver, que fut également ordonné le transfert des officiers sous un régime de
travail civil. Or, sur les quelque 15000 offi ciers, 6000 environ refusèrent une fois de plus
d’accepter ce changement dans leur situation juridique. Une partie d’entre eux furent

néanmoins astreints au travail. La monographie de Schreiber n’indique pas en détail dans quelle
mesure les conditions de vie des IMI changèrent postérieurement à l’«action de libération», à
savoir si elles connurent une amélioration ou une dégradation. Quelques indications peuvent
néanmoins être trouvées dans le bref exposé de Claudio Sommaruga. Il ressort de celui-ci que

la quasi-totalité des IMI continua d’être logé dans des camps au cours de la période qui suivit.
Cela a été confirmé lors d’un entretien que nous avons avec une délégation d’IMI le
27 juin 2001.

II. L’indemnisation des victimes après 1945

1. La République fédérale d’Allemagne n’a pas encore versé à l’Italie d’indemnisations à

raison du traitement inhumain des IMI. Néanmoin s, en vertu d’un accord du 2juin1961, des
versements furent effectués en faveur de l’ Etat italien. Les fonds étaient destinés à des
ressortissants italiens qui avaient été victimes de mesures spécifiques de persécution
national-socialiste. La répartition des fonds mi s à disposition était laissée à la discrétion du

gouvernement italien. La République fédérale d’ Allemagne n’avait aucune influence en la - 42 -

matière. Il est possible que certains IMI aient reçu de tels paiements à titre individuel.
Néanmoins, la grande majorité des IMI ne reçu rent aucune indemnisation pécuniaire, car les

préjudices qu’ils avaient subis n’avaient généralement pas été motivés par des considérations
d’ordre raciste, mais étaient la conséquence de la méconnaissance du droit humanitaire de la
guerre par le Reich allemand et étaient donc cons idérés comme faisant partie des conséquences
générales de la guerre. Pour ce qui est de ces derniè res, le traité de paix [p. 8] de 1947 entre les

puissances alliées victorieuses de la seconde guerre mondiale et l’Italie prévoyait un règlement
sous la forme d’une renonciation à toutes récl amations présentes et à venir. Aux termes du
traité (article 77, paragraphe 4) :

«Sans préjudice de ces dispositions et de toutes autres qui seraient prises en
faveur de l’Italie et des ressortissan ts italiens par les puissances occupant
l’Allemagne, l’Italie renonce, en son no m et au nom des ressortissants italiens, à
toutes réclamations contre l’Allemagne et les ressortissants allemands, qui n’étaient

pas réglées au 8mai1945, à l’exception de celles qui résultent de contrats et
d’autres obligations qui étaient en vigueur ainsi que de droits qui étaient acquis
avant le 1 eseptembre 1939. Cette renonciation sera considérée comme
s’appliquant aux créances, à toutes les réclamations de caractère

intergouvernemental relatives à des accord s conclus au cours de la guerre et à
toutes les réclamations portant sur des pertes ou des dommages survenus pendant la
guerre.»

La validité de cette clause et son efficacité dans le cadre des relations entre l’Allemagne
et l’Italie ne font l’objet d’aucun doute. Elles furent également confirmées par un arrêt des
«Sezioni Unite» de la Cour de cassation italie nne du 2 février 1953, tandis qu’en Allemagne on
trouvait à l’origine des partisans isolés de la position selon laquelle la renonciation ne devait pas

être analysée comme une décision définitive, mais simplement comme un report. Néanmoins,
depuis l’arrêt du BGH [Cour s uprême fédérale] du 14décembre 1955, la conception selon
laquelle la renonciation avait pour effet d’écarter les réclamations existantes s’est également

imposée en Allemagne. Seule cette interprétation pourrait être correcte, au vu du libellé ambigu
de la disposition de l’article77, paragraphe 4, du traité de paix. Les puissances alliées
victorieuses étaient soucieuses de réserver a ux fins de la satisfaction de leurs propres
réclamations l’ensemble des avoirs disponibles pour l’indemnisation des dommages de guerre.

L’Italie, qui avait pendant des années été l’a lliée du Reich allemand, n’était pas admise à y
participer. Le Reich allemand devait nécessaireme nt profiter de cette disposition car, à défaut,
l’objet des négociations n’aurait pas été réalisé. Conformément aux rè gles générales du droit
international, reprises par la su ite aux articles34 et 36 de la c onvention de Vienne sur le droit

des traités (CVDT) de1969, rien n’interdit la conclusion de traités internationaux en faveur
d’Etats tiers. Néanmoins, l’Etat tiers favorisé doit donner son con sentement à cet effet (article
36, paragraphe1, de la CVDT). Le consenteme nt est présumé tant qu’il n’est pas possible de
déduire une intention contraire. Or, au cun gouvernement allemand n’a jamais donné

d’indication selon laquelle il ne consentait pas à la disposition de l’article 77, paragraphe 4, du
traité de paix avec l’Italie.

[p. 9]

Quelle que soit la manière dont on peut qua lifier les doutes qui ont surgi initialement au
sujet de cette clause, il est en tout cas certain que dans le cadre des relations directes entre
l’Italie et la République fédérale d’Allemagne, la renonciation a été confirmée une fois de plus à

l’article 2, paragraphe 1, du traité du 2 juin 1961 sur le règlement de certaines questions d’ordre
patrimonial, économique et financier. Le texte de cet article, qui se trouve de toute évidence en
connexité matérielle étroite avec le tra ité susmentionné du même jour concernant
l’indemnisation des victimes de la persécution national-socialiste, dispose : - 43 -

«Le gouvernement italien déclare que toutes réclamations et créances de la
République italienne ou de personnes physi ques ou morales italiennes à l’encontre

de la République fédérale d’Allemagne ou de personnes physiques ou morales
allemandes qui se trouvent encore en suspen s sont réglées, dans la mesure où elles
concernent des droits et situations nés au cours de la période allant du
1 décembre [Ndt: lire «1 septembre»] 1939 au 8 mai 1945.»

Ces clauses de renonciation constituent un él ément assez courant de la pratique ayant
cours en droit international lors de tout règlem ent des conditions de la paix suivant un conflit
armé. Il arrive régulièrement, dans de tels traités, que les Etats parties aux négociations

disposent non seulement de leurs propres droits, mais également des droits éventuels de leurs
ressortissants. Il est donc établi d’une mani ère non équivoque qu’à présent, la République
fédérale d’Allemagne n’est pas internationa lement responsable pour cause de dommages de
guerre envers l’Italie ou des ressortissants italiens.

2. A l’issue de longues négociations auxquell es l’Italie n’a pas participé, un accord fut
conclu le 17 juillet 2000 entre le gouvernement des Etats-Unis d’Amérique et le gouvernement

de la République fédérale d’A llemagne au sujet de la Fonda tion «Souvenir, responsabilité et
avenir». Le même jour, les principes de l’acco rd d’indemnisation furent également approuvés
dans une «déclaration conjointe» des gouvernem ents de la République du Belarus, de la
République tchèque, d’Israël, de la Pologne, de la Fédération de Russie, de l’Ukraine, de la

République fédérale d’Allemagne et des Etat s-Unis. Le 12 août 2000, ces actes de droit
international furent mis en Œuvre au travers de la loi portant création de la Fondation «Souvenir,
responsabilité et avenir» (ci-après «loi sur la F ondation» ou StiftG), qui prévoit, conformément
à ce qui fut convenu, le versement d’indemnisa tions aux personnes ayant été employées comme

travailleurs esclaves ou travailleurs forcés pa r l’Etat national-socialiste moyennant la
déportation et l’emprisonnement. L’article11 de la loi contie nt [p.10] des dispositions
concernant le droit à bénéficier des prestati ons. Après une description précise du cercle des
personnes susceptibles de bénéficier des indemnisations, le troisième alinéa de l’article 11

prévoit que : «Le statut de prisonnier de guerre ne donne pas droit aux prestations».

Néanmoins, cette disposition doit être lue conjointement avec l’exposé officiel des motifs
figurant dans le projet de loi, où l’observati on suivante est faite à propos de l’article11,

paragraphe 3 :

«Les prisonniers de guerre astreints au travail ne peuvent en principe
bénéficier d’aucune prestation à ce titre, puisqu’en vertu des règles du droit

international, les prisonniers de guerre peuve nt être astreints au travail par l’Etat
qui les a capturés. Les personnes libérées de la captivité en tant que prisonniers de
guerre et dont le statut a été transformé en celui de travailleurs civils peuvent, si
elles remplissent par ailleurs les critères, appartenir au cercle des personnes ayant

droit aux prestations en vertu du premier alinéa.»

C. Appréciation juridique

Le critère déterminant pour répondre à la qu estion de savoir si les IMI ont droit aux
prestations au titre de la loi sur la Fondation tie nt aux postulats sur les quels repose la loi.
Ceux-ci sont soulignés en des termes clairs dans son préambule. Il y est affirmé, en particulier

au sixième alinéa, que le Bundestag allemand «reconnaît la responsabilité politique et morale
envers les victimes du national-socialisme». Dans cet esprit, l’introduction du projet de loi
déposé par les députés du Bundestag prévoit : - 44 -

«La République fédérale d’Allemagne et les entreprises allemandes
souhaitent ainsi, au travers de la Fonda tion «Souvenir, responsabilité et avenir»,

compléter une fois de plus les accords d’indemnisation existants et donner un signe
de reconnaissance de leur responsabilité morale à raison des événements de
l’époque, comportant un règlement définitif le plan financier.»

Il en ressort d’une manière non équivoque qu’en tout état de cause, aucune responsabilité
n’existait sur le plan juridique d’après les pers onnes ayant milité en faveur de la loi sur la
Fondation. Si l’on envisage cette position isolém ent, à la lumière du bref historique figurant
dans la partie du présent rapport consacrée à l’ exposé des faits, elle peut sembler [p.11]

incompréhensible et ouvertement arrogante, mais elle trouve sa justification au regard de deux
considérations fondamentales.

Au cours des décennies passées, l’Allema gne avait déjà assumé non seulement une

responsabilité morale, mais également une responsabilité juridique à raison de la seconde guerre
mondiale et des faits illicites liés à cette derniè re. Jusqu’à présent, plus de 100milliards de
marks ont été versés à titre d’indemnisation de faits illicites partic uliers commis par les
nationauxsocialistes. D’un autre côté, l’ indemnisation des dommages de guerre doit,

conformément aux règles générales du droit international, intervenir moyennant le paiement de
réparations dans le cadre des rela tions interétatiques. Un règlem ent définitif de la question des
réparations, figurant dans un traité de paix général, n’est pas intervenu après la seconde guerre
mondiale. Néanmoins, l’Allemagne a versé des m ontants considérables à titre de réparation.

L’ensemble des avoirs étrangers de l’Allemagne furent saisis et, sur le territoire allemand, les
alliés procédèrent massivement à des prélèvements à titre de réparations. A cet égard, il faudrait
également garder à l’esprit le fa it que l’Allemagne qui, à l’époque , prenait encore la forme de
deux Etats distincts, avait reconnu la ligne Od er-Neisse comme étant la frontière orientale

allemande. La renonciation à quelque 100000km² de territo ire allemand avait trouvé une
expression juridique officielle dans le «traité deux plus quatre» du 12 septembre 1990. Après la
seconde guerre mondiale, l’Allemagne n’ava it été favorisée que par la renonciation aux

réclamations, à laquelle ses principaux anciens alliés européens avaient dû consentir, comme il a
déjà été indiqué, dans les traités de paix conclus avec les principales puissances victorieuses de
la seconde guerre mondiale.

Il faudrait également garder à l’esprit le fait que les violations de règles du droit
international, en tout cas à l’époque de la sec onde guerre mondiale, ne créaient pas de droits
directs dans le chef de la personne lésée vis-à-vi s de l’Etat ayant porté atteinte à ses droits.
Même de nos jours, de tels droits directs ne sont accordés qu’en vertu de certaines conventions

particulières, comme c’est le cas par exemple dans le cadre des Communautés européennes ou
en vertu de la Convention européenne des dro its de l’homme. Or, l’évolution depuis un droit
international conçu comme un droit purement in terétatique, vers un système juridique au sein
duquel des positions juridiques des personnes physi ques sont également c oncevables, ne s’est

produite qu’au cours de ces dernières décennies. Il n’existe pas d’opinion en doctrine, selon
laquelle de tels droits auraient déjà existé à l’époque de la seconde guerre mondiale.

[p. 12]

Une autre question est celle de savoir si et, dans l’affirmative, da ns quelle mesure, les
personnes astreintes au travail en tant qu ’esclaves ou travailleurs forcés possédaient ou
possèdent des créances à l’encont re des entreprises allemandes pour lesquelles elles avaient

travaillé. Comme nous le savons, cette question a do nné lieu à des débats particulièrement vifs.
C’est pour cette raison, à savoir pour apporter de la clarté juridique, que la loi sur la Fondation
fut adoptée. Lors de l’adoption de cette loi, les assemblées parlementaires allemandes partaient
de la conviction selon laquelle il s’agissait là d’un geste de nature exclusivement humanitaire,

qui n’était fondé sur aucune obligation juridique existant en vertu du droit international. En
conséquence, aux fins de l’interp rétation de la loi, il convient avant tout de tenir compte de - 45 -

l’intention du législateur, pour autant que ce dernier n’ait pas à son tour eu recours à des
concepts juridiques du droit international.

I. Appréciation sur le plan de la loi sur la Fondation

1. Les IMI en tant que prisonniers de guerre

a) Etant donné que dans la clause d’exclus ion de l’article11, alinéa3 du StiftG, le
législateur utilise le terme de «prisonnier de guerre », il y a lieu de clarifier ce que le législateur

entendait par ce terme. Comme il arrive par aille urs souvent dans le cas des termes désignant
des situations de fait ayant un caractère international, il existe une alternative simple. Ou bien le
terme peut renvoyer à la terminologie corresponda nte d’un système juridique national, ou bien
l’intention peut avoir été de prendre pour b ase le contenu du (ou d’un) concept de droit

international.

La législation allemande s’est enrichie à plusieurs reprises, pour des raisons faciles à
comprendre, de textes concernant les prisonniers de guerre. Ces réglementations concernaient

principalement des prisonniers de guerre a llemands qui se voyaient accorder certaines
prestations à titre d’indemnisation des privations subies. Or, dans le présent contexte, l’objet
principal de la discussion concerne le droit aux prestations de personnes ayant été astreintes au
travail forcé en tant que ressortissants étrangers . En faveur des ressortissants allemands, le

Bundesentschädigungsgesetz [loi fédérale d’indemn isation] a déjà probablement envisagé tous
les cas similaires où des personnes avaient été incarcé rées et astreintes au travail forcé. A côté
de la Loi fédérale d’indemnisation, nous pourrions également mentionner l’Allgemeines

Kriegsfolgengesetz [loi générale sur les conséque nces de la guerre, AKG]. L’article 5 de cette
loi avait prévu des prestations définies selon une échelle progressive, mais comparables, en
faveur des personnes ayant subi des préjudices causés par les nazis, qui ne remplissaient pas les
critères de l’article premier de la loi fédérale d’indemnisation. Parmi les personnes qui se

voyaient conférer des droits au titre de [p. 13] l’AKG figuraient en particulier les homosexuels,
les personnes ayant fait l’objet d’une stérilisation forcée, les personnes ayant subi des
dommages suite à l’euthanasie, les personnes ayant refusé de travailler, etc. Comme il s’agit en
l’occurrence des relations juridiques de l’Allemagne avec des ressortissants d’Etats étrangers, et

que ces relations juridiques relèvent en principe du droit international et ne sauraient en aucun
cas être réglementées de manière unilatérale par la partie allemande, on doit en conclure que le
législateur s’était référé au concept de prisonnier de guerre prévu par le dr oit international. En
effet, le statut de prisonnier de guerre constitue en premier lieu une institution juridique relevant

du droit humanitaire, et les réglementations per tinentes insistent sur ce point. C’est le droit
humanitaire qui détermine qui est un prisonnier de guerre, le point de départ de la captivité en
tant que prisonnier de guerre, la manière dont doi t être traité un prisonnier de guerre et le
moment de sa remise en liberté. Les dispos itions juridiques nationales ne présentent qu’une

importance secondaire, dans la mesure où ell es précisent le droit humanitaire ou, comme cela
s’est produit en République fédérale d’Allemagne, prévoient des indemnisations particulières en
faveur des personnes qui sont devenues des pris onniers de guerre dans des pays étrangers.
Ainsi, si une loi nationale s’abstient d’énoncer expressément qu’une acception particulière d’un

concept devrait l’emporter, on peut présumer que c’est la notion internationale généralement
acceptée qui a été retenue.

b) Il faudrait en premier lieu s’interroger si les IMI ont jamais acquis le statut de
prisonniers de guerre. Ce n’est que dans ce cas qu’il est concevable que la clause d’exclusion
de l’article 11, alinéa 3, du StiftG leur soit app licable. S’il peut y avoir des doutes quant à leur
qualité de prisonniers de guerre, c’est, d’une part, à cause du fait que le 8 septembre 1943, l’état

de guerre n’avait pas été officiellement déclaré entre l’Italie et le Reich allemand et, - 46 -

deuxièmement, en raison de la dénomination particulière des personnes concernées qui, en vertu
de l’ordre du Führer du 20septembre1943, avait été désignées comme des «internés

militaires».

aa) L’instrument juridique international qui est déterminant en premier lieu pour qualifier

les membres de l’armée italienne était la Convention de Genève du 27juillet1929 relative au
traitement des prisonniers de guerre. Cette conve ntion a été ratifiée par le royaume d’Italie
le24mars1931 et, par le Reich allemand, le 21février1934. En vertu des dispositions de

l’article 92, paragraphe 2, la ratification entre en vigueur six mois après le dépôt de l’instrument.
En conséquence, en 1943, la convention était en vigueur entre les deux pays.

La disposition finale de l’article 89 prévoyait expressément que la nouvelle convention ne

visait qu’à compléter l’ancienne Convention de La Haye concernant les lois et coutumes do la
guerre sur terre, [p. 14] que ce soit dans sa version du 29 juillet 1899 (Convention n II) ou dans
celle du 18octobre1907 (Conventionn o°IV), et non pas à s’y substituer. Tant le Reich
allemand que l’Italie avaient ratifié la Conve ntion de1899, alors que la Convention de1907

avait été acceptée par le Reich allemand, mais non par l’Italie. Néanmoins, il est possible de se
rapporter aux dispositions pertinentes de ces deux conventions antérieures, car il est
généralement considéré que les dispositions de la Convention de La Haye, dans sa deuxième

version élargie, ernt, comme il a été constaté par le Tribunal militaire international dans son
jugement du 1 octobre1946, partie du droit interna tional coutumier. Les dispositions
concernant le traitement des prisonniers de guerre figurent dans l’annexe de cette convention, le
règlement de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre (ci-après «règlement

de la guerre sur terre»), aux articles4 à20. La Convention de Genève de1929 doit donc
toujours être lue conjointement avec les articles 4 à 20 du règlement de la guerre sur terre.

bb) Il est surprenant que ni le règlement de la guerre sur terre, ni la Convention de
Genève de 1929 ne contiennent de règles précises sur la question de savoir quand une personne
ayant été capturée et incarcérée par une puissan ce étrangère doit être considérée comme un
prisonnier de guerre. Le terme lui-même renvoi e au concept de guerre. En vertu de la

Convention de La Haye (III) du 18 octobre 1907 relative à l’ouverture des hostilités, les parties
contractantes étaient obligées de ne pas co mmencer des opérations militaires sans un
avertissement préalable et non équivoque, ayant soit la forme d’une déclaration de guerre, soit

celle d’un ultimatum. En ce qui concerne le rè glement de la guerre sur terre adopté à la même
époque, on partait naturellement du principe que ces règles pr océdurales seraient respectées
dans le cadre de conflits interétatiques futurs de nature militaire. Cette impression existait
toujours en1929, puisque l’articlepremier, pa ragraphe 1, de la convention de Genève

commence par une référence aux personnes menti onnées dans le règlement de la guerre sur
terre, et le paragraphe2 inclut au nombre de ces dernières: «toutes les personnes appartenant
aux forces armées des parties belligérantes, cap turées par l’ennemi au cours d’opérations de
guerre maritimes ou aériennes…»

[p. 15]

Néanmoins, une définition plus précise de la guerre, de la belligérance ou des opérations

de guerre n’était pas donnée.

Etant donné qu’au 8septembre1943, il n’ex istait pas d’état de guerre dûment déclaré

entre l’Italie et le Reich allemand, on pourrait en conclure que les soldats italiens capturés et
désarmés par la Wehrmacht allemande n’étaien t pas des prisonniers de guerre. Or cette
conclusion ne serait pas fondée pour plusieurs raisons. - 47 -

Il convient en premier lieu de noter que l’Italie n’était pas partie à la III eConvention de
LaHaye. Par conséquent, en raison du principe de réciprocité qui régit le droit des traités, le

Reich allemand ne pouvait non plus être obligé de procéder à une déclaration de guerre formelle
avant de commencer les opérations militaires contre l’Italie. La transiti on de l’état de paix à
l’état de guerre entre ces deux pays doit donc être appréciée sur la base d’autres critères, qui ne

peuvent être que de nature matérielle.

En fait, une telle conception matérielle s’ était par ailleurs imposée dans une assez large
mesure bien avant l’éclatement de la sec onde guerre mondiale. Les nombreux cas de
e
non-respect de la III Convention de LaHaye au cours des années1930, tout comme, lors du
début de la seconde guerre mondial e, l’invasion de l’Abyssinie par l’Italie en 1935, celle de la
Chine par le Japon en1937 et celle de la Finlande par l’URSS en1939, avaient contribué au
renforcement de la conviction en doctrine, selon laquelle une déclaration de guerre en bonne et

due forme ne saurait en général être déterminante . L’ouvrage allemand de droit international le
plus autorisé au cours de l’entre-deux-guerres, de FranzvonLiszt et MaxFleischmann,
constatait en 1925 :

«Le fait, entre Etats parties au tra ité, de commencer des hostilités sans une
déclaration de guerre préalable sera…à l’avenir une violation grave du droit
international ; néanmoins, l’état de guerre naîtra, avec tous ses effets juridiques.»

Peu de temps avant l’éclatement de la seconde guerre mondiale, le célèbre
internationaliste autrichien Alfred Verdross écrivait :

[p. 16]

«Un Etat partie qui commence une guerre en violation de ces règles est
coupable d’une violation du droit international. Néanmoins, même dans un tel cas,

la guerre au sens du droit international existe.»

Ces affirmations ne correspondent pas à de s opinions existant exclusivement dans les
régions germanophones. Le tra ité de L.Oppenheim et H.La uterpacht, dont l’exposé du droit

international constituait pendant des décennies l’ ouvrage de référence pour l’ensemble de la
culture juridique de langue anglaise, contient une affirmation catégor ique similaire selon
laquelle l’absence de déclaration de guerre form elle «n’a pas pour effet de rendre la guerre
illicite, ni de priver les hostilités ainsi commencées de la nature d’une guerre».

Ces affirmations découlent logiquement de la déclaration figurant à l’article82 de la
convention de Genève, selon laquelle les dispositions de cette dernière devraient être respectées

par les hautes parties contractantes «en toutes circonstances» («in all circumstances»).

cc) Il ne reste donc qu’à s’interroger si les événements survenus après le
8septembre1943 méritent la qualification d’«hos tilités». Or on ne saurait sérieusement en

douter. Après que l’Italie a mis fin à son alliance avec le Reich allemand, les troupes
allemandes n’avaient plus aucun droit d’être présen tes sur le sol italien. La nature de leur
présence avait changé. Ce qui avait représenté un stationnement de troupes en vertu d’une

invitation du partenaire allié était devenu une occupation hostile. Qui plus est, le désarmement
des unités italiennes ne fut point toujours pacifique. Souvent, des unités militaires individuelles
s’opposèrent à la Wehrmacht allemande et ne fure nt contraintes à se rendre que par l’emploi de
la force armée. Certes, la partie allemande put écraser entièrement la résistance en l’espace de

quelques jours. Or cela était dû au fait que le commandement de l’armée italienne n’avait pas
eu le temps de se préparer pour le changement de camp. En conséquence, les unités militaires
individuelles ne purent agir avec la coordination nécessaire. Dans ces circonstances, [p. 17] une - 48 -

résistance de longue durée aurait été sans objet . Néanmoins, l’opération présentait de toute
évidence les caractéristiques d’une occupation d’un pays hostile.

A cela s’ajoute également le fait que les dirigeants allemands désignèrent expressément
par le terme de prisonniers de guerre les soldats italiens qui n’étaient pas disposés à continuer la
guerre du côté de l’Allemagne. Il est évident que le commandement en chef de la Wehrmacht

avait raison d’estimer que les règles internationa les en vigueur ne permettaient aucune autre
conclusion. Il ne peut donc y avoir de doute quant au fait que les soldats italiens qui, à la suite
de l’armistice italien du 3septembre1943, se tr ouvèrent sous le cont rôle de fait du Reich
allemand, acquirent initialement le statut de prisonniers de guerre.

En tout état de cause, la question de savoir si le statut de prisonnier de guerre pouvait
exister même en l’absence d’une déclaration de guerre formelle, qui nécessitait un examen au
cours de la période initiale ayant suivi le désar mement et la capture des soldats italiens, fut

réglée au plus tard le 13octobre1943, lorsque l’It alie déclara la guerre au Reich allemand. A
compter de cette date au plus tard, il était abso lument certain qu’un état de guerre existait entre
les deux pays. Cela avait également pour con séquence le fait que d es membres des forces
armées de l’autre pays acquéraient respectivement, à la suite d’une capture ou de la continuation

d’une détention existante, le statut de prisonni ers de guerre. Or il s’ensuit que les soldats
italiens démobilisés et désarmés par le Reic h allemand n’avaient pas déjà acquis, au
13 octobre 1943, une qualité ju ridique complètement différente les plaçant en dehors du champ
d’application rationne personae du règlement de la guerre sur terre et de la convention de

Genève de 1929.

c) Il reste donc à savoir si le statut des prisonniers de guerre italiens que les mesures de la

Wehrmacht allemande avaient fait naître subsistait après l’ordre du Führer du
20septembre1943, en vertu d uquel leur dénomination fut remplacée par celle d’«IMI». Le
terme «interné militaire» ne figurait pas dans la convention de Genève de 1929 et pourrait tout
au plus être associé à la révision [Ndt : lire «disposition»] de l’article 11 de la V Convention de

LaHaye du18octobre1907 «concernant les dr oits et les devoirs des puissances et des
personnes neutres en cas de guerre sur terre». En vertu de cette disposition, une puissance
neutre doit interner les troupes d’une partie be lligérante présentes sur son territoire, et ce à une
distance appropriée du théâtre de la guerre. Or la convention de1929 ne prévoit aucun

classement des prisonniers de guerre en catégorie s en fonction du degré d’hostilité [p. 18] entre
les deux pays participant au conflit. En consé quence, le changement de dénomination s’écartait
délibérément des catégories établies et bien connues du droit humanitaire.

On peut s’interroger sur les motifs ayant amené les dirigeants du Reich allemand à priver
les soldats italiens de la dénomination de «pris onniers de guerre» et à introduire à sa place celle
d’«IMI». D’après Schreiber, qui a étudié le plus intensivement le sujet, il n’est pas possible de
répondre à cette question d’une manière non é quivoque. Si l’on prend pour base le

mémorandum de l’ambassade d’Allemagne à Ro me mentionné ci-dessus, l’intention aurait
existé de différencier les soldats italiens des au tres prisonniers de guerre en vue de leur réserver
un meilleur traitement, car on s’attendait à long terme à ce que des relations amicales

⎯naturellement, au sens où les dirigean ts nationaux-socialistes l’entendaient ⎯ fussent
rétablies avec l’Italie. Après tout, la Répub lique de Salò dirigée par Mussolini, existait
également et son territoire pourrait, comme on l’espérait, s’étendre à l’ensemble de l’Italie à
l’issue d’un dénouement victorieux de la guerre. Les dirigeants nationauxsocialistes devaient

faire des efforts pour instaurer des relations plus ou moins satisfaisantes avec cet allié du soutien
duquel ils dépendaient. Les soldats italiens te nus en captivité avaient certes clairement
témoigné leur absence de sympathie à l’égard de la République de Salò, en refusant de continuer
la guerre du côté du Reich alle mand. Or, pour utiliser une ex pression non technique, ils étaient

tout de même des «compatriotes» du régime fasc iste, et celui-ci devait donc assumer le rôle de
leur porte-parole. On doit convenir du fait que ces intentions, en admettant qu’elles aient existé, - 49 -

n’ont pas pu se réaliser dans la pratique. Il n’est donc pas nécessaire, en fin de compte, de se
préoccuper des idées qui avaient guidé Adolf Hitler lorsqu’il a pris sa décision du

20 septembre 1943.

Afin de pouvoir juger si le changement de dénomination a porté atteinte au statut de
prisonniers de guerre des soldats italiens, quelqu es réflexions fondamentales sont nécessaires.

Aucun postulat du droit international n’est aussi solidement établi que celui selon lequel un Etat
ne saurait se placer au-dessus d’une règle de droit international moyennant des actions
unilatérales. Toute action d’un Etat doit être a ppréciée au regard du droit international. En
conséquence, aucun pays ne peut décider lui-mê me du contenu et de l’étendue des obligations

que le système juridique international fait peser sur lui. A défaut, le dro it international perdrait
sa nature de système juridique. Des règles pouvant être écartées de manière arbitraire en vertu
de décisions tenant à l’opportunité politique ne posséderaient aucun effet normatif.

[p. 19]

Etant donné que le postulat de l’inviolabilité du droit interna tional, qui constitue le pilier
central de celui-ci, est dans le même temps d’une évidence banale, il n’est que rarement formulé

d’une manière explicite. Ce principe se manifeste tout de même dans deux domaines essentiels,
à savoir le droit des traités et le droit de la responsabilité. La règle pacta sunt servanda est
consacrée par écrit à l’article 26 de la CVDT et, à l’article 36, paragraphe 2, du projet d’articles
sur la responsabilité des Etats, la Commission du dr oit international s’est référée, en1996, au

«maintien du devoir de l’Etat qui a commis le fait internationale ment illicite d’exécuter
l’obligation qu’il a violée».

Dans la dernière version de ce projet, établie par le comité de rédaction de la Commission

enaoût2000, le libellé de ce tte affirmation juridique se trouve légèrement remanié, mais son
essence reste toutefois inchangée.

Au vu de cette situation juridique, la seule conclusion possible est que les soldats italiens

démobilisés qui furent capturés par les Allemands av aient conservé leur statut de prisonniers de
guerre, quelle que soit la dénomination que le Re ich allemand national-socialiste ait pu choisir
pour les désigner. Le Reich a llemand ne pouvait disposer de ce statut unilatéralement et à sa
guise, puisque celui-ci était défini de manière c ontraignante dans la Convention de1927. En

outre, l’ordre du Führer du 20 septembre 1943 ne prévoyait pas que les soldats italiens détenus
devaient à l’avenir être uniquement et exclusiv ement des internés militaires, mais disposait que
les prisonniers de guerre italiens devaient dans l’avenir être «désignés» comme des internés
militaires. C’est précisément ce qui était ég alement noté dans le discours prononcé par le
e
procureur français J.B.Herzog lors du procès des grands criminels de guerre du III Reich à
Nuremberg. Herzog avait déclaré que les soldats italiens qui étaient tombés entre les mains des
allemands avaient été «dénommés non pas des prisonniers de guerre, mais des internés
militaires».

d) Il faut néanmoins poursuivre l’analyse de la question de savoir si, au travers de la
violation des dispositions de la Convention, le Reich allemand n’a pas en fin de compte

supprimé le statut de prisonnier de guerre. Tandis que le changement de dénomination peut être
considéré comme un simple changement de désignation à des fins internes, les violations, quant
à elles, ne [p.20] peuvent plus être cons idérées comme une question purement interne
dépourvue d’importance au niveau réellement déterminant, à savoir en droit international.

D’après l’étude de Schreiber, on doit considér er que la situation des IMI au cours de la
période allant du 20 novembre 1943 au mois d’août 1944 n’était pas conforme aux prescriptions
de la convention de Genève de 1929. Ni les m esures concernant leur al imentation (article 11),

ni celles concernant les soins de santé (articl es 13 à 15), pour ne mentionner que les conditions - 50 -

de vie les plus importantes, ne correspondaient au niveau prescrit. Au vu de tout ce que l’on a
pu apprendre au sujet des pratiques du III eReich, le traitement des prisonniers de guerre était

systématiquement non conforme aux dispositions du règlement de la guerre sur terre et de la
convention de Genève de1929, même s’il est étab li que des distinctions considérables avaient
été faites à cet égard. Le meilleur traitement avait été réservé aux prisonniers de guerre
américains et britanniques, tandis que les prisonni ers de guerre soviétiques avaient eu droit au

traitement le moins favorable. Cette situation était basée sur un ordre du responsable des
affaires des prisonniers de guerre au commandeme nt en chef de la Wehrmacht, von Graevenitz,
du 26 octobre 1943, concernant le traitement d es prisonniers de guerre. Cet ordre prévoit entre
autres:

«I. L’intention de traiter les prisonniers de guerre non soviétiques d’une
manière strictement conforme à la Conv[ention] de [19]29, et les prisonniers de
guerre soviétiques, en conformité avec l es dispositions spéciales édictées par le

commandement en chef de la Wehrmacht, a souvent conduit à des formes qui ne
correspondaient pas aux exigences de la guerre totale qui nous a été imposée.

Le prisonnier de guerre droit, conf ormément à la Conv[ention], «être

trait[é] … avec humanité et être protég[é] notamment contre les actes de violence,
les insultes et la curiosité publique». Or cela ne signifie pas qu’il doive bénéficier
des soins qui sont obligatoires à l’égard des soldats allemands.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. .
Les chefs des détachements de travail et les équipes de surveillance doivent

désormais recevoir des ordres non équivoques et être informés en permanence,
moyennant l’instruction et l’éducation, que leur devoir prioritaire est de faire en
sorte que les prisonniers de guerre mettent en Œuvre toute leur capacité de travail et
que les tire-au-flanc soient rapidement punis à l’aide des mesures permises aux

[p.21] entrepreneurs ou celles réservées au supérieurs militaires, et que les
éléments résistants soient identifiés et mis à l’écart.»

Même si cet ordre se réfère aux vêtement s et aux soins dus aux prisonniers de guerre

«conformément aux dispositions données», son idée géné rale révèle néanmoins, en fin de
compte, que l’objectif était l’exploitation impitoyable de la force de travail des prisonniers. Une
circulaire ultérieure du commandement en chef de la Wehrmacht du 17août1944, qui fut
produite comme élément de preuve lors du procès de Nuremberg, faisait état du même esprit.

Le comité international de la Croix-R ouge avait également rencontré de grandes
difficultés à remplir son consistant à assurer la protection des prisonni ers de guerre, prévu à
l’article88 de la convention de Genève. En conséquence, la procédure peut-être la plus

importante visant à garantir les droits des IMI en leur qualité maintenue de prisonniers de guerre
se trouvait affaiblie d’une manière décisive.

Il serait cependant erroné de conclure, au vu de la violation structurelle de la convention

de Genève, que celle-ci avait à son tour [Ndt: lire «à ce moment-là»] cessé d’être applicable.
Un tel argument reviendrait à laisser le droit capituler devant la force des faits [Ndt: lire «le
pouvoir de fait»]. Comme il a déjà été indiqué, la violation d’une obligation juridique n’a pas
pour effet la suspension de celle-ci; au contrair e, l’auteur de la violation reste tenu comme

auparavant pour l’avenir et doit, en plus de cela, réparer les préjudices déjà causés.

La pratique du droit international, même celle antérieure à la convention de Genève
de 1929, fournit de nombreux exempl es confirmant le fait que même dans les cas de violations

graves du régime juridique en vigueur, la puissance concernée n’en avait jamais tiré la - 51 -

conclusion selon laquelle ce système juridique éta it réduit à néant et ne pourrait plus être
applicable. Au contraire, une protestation était souvent exprimée et l’adversaire était invité à

retourner sur la voie du droit. Il était également recouru, le cas échéant, à la menace de
représailles envisagées. On peut noter à titre d’ex emple une note de protestation datant de la
période de la première guerre mondiale, émanant du gouvernement des Etats-Unis, contre le
traitement des prisonniers de guerre américains en Allemagne qui se caractérisait par une charge

de travail excessive, des maladies causées par les conditions non hygiéniques et une
alimentation insuffisante. Par cette note, le gouvernement allemand était invité à

[p. 22]

«prendre immédiatement les mesures de nature à garantir effectivement aux
prisonniers américains qu’il détient, dans la lettre et dans l’esprit, le traitement
humain auquel on est en droit de s’attendre, en vertu de tous les principes du droit

international et des usages, de la part du gouvernement d’un Etat civilisé et de ses
agents».

Lors des procès de Nuremberg, la méconnai ssance des règles concernant le traitement dû

aux prisonniers de guerre constituait l’un des pr incipaux chefs d’accusation aertitre des «crimes
de guerre». Dans le jugement du Tribunal militaire international du 1 octobre 1946, il est
affirmé à cet égard : «Les preuves concernant les crimes de guerre sont accablantes, tant par leur
nombre que par leur précision. Il n’est pas questi on de les énumérer ici en détail, ni de rappeler

tous les documents et les témoignages produits au cours du procès.»

Le tribunal n’avait pu consacrer que quel ques pages aux violations du droit commises à
l’encontre des prisonniers de gue rre et n’avait donc examiné que la question du meurtre et des

mauvais traitements de prisonniers soviétiques en particulier. Pour cette raison, il n’est pas
revenu spécialement aux preuves présentées à ce t égard au sujet du traitement des IMI,
produites par le procureur à l’appui de l’accusa tion selon laquelle des crimes de guerre avaient
été commis à l’encontre des prisonniers de guerre. Le procureur françaisJ.B.Herzog note

brièvement que les soldats italiens qui étaient to mbés entre les mains des allemands avaient été
appelés «internés militaires» mais, dans la suite de son discours, il se réfère systématiquement à
des prisonniers de guerre.

Après la seconde guerre mondiale, des viola tions graves similaires des règles concernant
le traitement dû aux prisonniers de guerre furent commises en Corée et au Vietnam. Or, ces
événements n’ont jamais donné lieu à la constatation selon laquelle, au travers de cette politique
systématique d’hostilité extrême au droit, les victimes des mauvais traitements et autres

violations du droit allant jusqu’aux exécutions aura ient perdu les droits dont ils bénéficiaient au
titre des conventions pertinentes et du droit intern ational coutumier. Au [p.23] contraire, les
Etats responsables ont systématiquement été mis en demeure, en partie même par l’Assemblée
générale de l’ONU, d’exécuter obligations qui leur incombent.

Il résulte des considérations qui précèdent que ni le remplacement de la dénomination des
soldats italiens qui s’étaient retrouvés détenus par les allemands par celle d’«internés
militaires», ni la violation des règles concernant le traitement qui leur est dû, n’ont pu causer un

changement quelconque sur le plan de leur statut de prisonniers de guerre.

[e)] Il reste à clarifier si les IMI n’ont tout de même pas perdu, en fin de compte, leur

statut de prisonniers de guerre, à la suite de le ur transformation en travailleurs civils opéré en
vertu de l’ordre de Keitel du 3août1944. Compte tenu des détails de fait, nous pouvons
renvoyer à cet égard au bref historique esquissé dans la partie consacrée à l’exposé des faits. Il
est évident que le simple remplacement de la dénomination des prisonniers de guerre par celle

d’IMI constituait un changement d’une portée beau coup plus restreinte que le classement dans - 52 -

une catégorie différente accompagné de la s uppression délibérée de toute mention du contexte
militaire.

Trois points de vue peuvent être disti ngués à cet égard. Premièrement, on doit
s’interroger si la transformation forcée et unilaté rale du statut des IMI en celui de travailleurs
civils était de nature à porter atteinte à leur statut juridique de prisonniers de guerre. La

deuxième question est celle de savoir s’il convi ent d’attacher de l’importance au fait que
Mussolini, en tant que Duce de la République de Salò, avait consenti à cette dernière mise en
Œuvre d’un potentiel de travail qui, de toute évid ence, n’avait pas été exploité à fond jusque-là.
Enfin, il faut étudier le fait que de nombreux IMI avaient en fait «volontairement» consenti au

changement de statut, car ils espéraient que cela donnerait lieu à une amélioration de leurs
conditions de vie et à un certain degré de lib erté personnelle. On voit bien qu’un aspect
vraiment volontaire ne saurait exister dans peut -être aucun des cas individuels puisque, pour les
IMI, il ne s’agissait pendant tout ce temps-là que d’une simple question de survie. Dans le

désespoir, nombre d’entre eux s’étaient vus contra ints d’accepter une offre qu’ils auraient sans
doute refusée pour des raisons patriotiques, s’ ils se trouvaient dans des conditions leur
accordant une vraie liberté de décision.

aa) Comme il a été indiqué à propos de l’ouvrage de Schreiber, la campagne de
recrutement du19août1944, lors de laquelle les autorités gouvernementales allemandes
tentèrent de transformer le statut des IMI en celui de travailleurs civils, ne connut guère de

succès. En conséquence, le Reich allemand eut de nouveau recours à une mesure de contrainte,
en délivrant d’office des attestations de libération à l’issue d’une brève [p. 24] période d’attente,
sans se préoccuper de savoir si les personnes concernées consentaient effectivement au
changement de statut. Une telle manière de procéder, cherchant déci dément à supprimer le

statut de prisonnier de guerre, peut être justifiée au mieux ⎯mis à part l’aspect, qui reste à
discuter, du consentement du pays d’origine ou des personnes concernées elles-mêmes ⎯ par la
considération selon laquelle la tran sformation du statut en celui de travailleurs civils constituait

en fin de compte un acte de libération, c’est-à-dire un acte de faveur qui, en tant que tel, n’aurait
en aucun cas pu porter atteinte à la situation juridique de prisonnier de guerre. Une mesure dont
le contenu essentiel consiste en la suppression des restrictions à la liberté ne saurait en aucun cas
être considérée comme une violation du droit international.

C’est d’abord la situation réelle des IMI qui milite contre la thèse selon laquelle un
changement positif fondamental serait intervenu. Il est évident que les soins inadéquats [Ndt :
lire «l’insuffisance de l’approvisionnement»] ne connurent guère de changement, même si l’on

doit cependant tenir compte du fait que, pendant les derniers mois de la guerre précédant
l’effondrement définitif du Reich allemand, l’approvisionnement de la population allemande
souffrait également de nombreux goulots d’étranglement. Or, ce qui compte en particulier, c’est
que les IMI continuèrent d’être logés dans d es bâtiments collectifs qu’ ils ne pouvaient quitter

après 8 heures du soir. D’après le rapport de Schr eiber, un seul changement positif pouvait être
noté à la fin du mois de novembre, à savoir le fa it que les mauvais traitements étaient devenus
beaucoup plus rares. Lors des procès de Nure mberg également, l’un des procureurs avait fait

observer que la transformation des prisonniers de guerre en «travailleurs libres» n’avait donné
lieu à aucune amélioration de la condition des personnes concernées :

«Pour les prisonniers de guerre, ce n’était qu’un avantage illusoire, à savoir
une réduction de la surveillance dont ils fai saient l’objet. En réalité, rien n’avait

changé quant à la nature ou à la durée du tr avail auquel ils étaient astreints. Leurs
conditions de logement et la nature de leur approvisionnement restèrent
inchangées. Ces mesures, qui furent présentées par la propagande allemande

comme étant favorables aux prisonniers de guerre, se traduisirent en réalité par une
détérioration de leur situation juridique.» - 53 -

Le comité international de la Croix-Rouge (CICR), sous l’égide duquel avait été adoptée
la Convention de 1929, s’était dit extrêmement pr éoccupé au vu des tentatives de certains Etats,

en particulier le Reich allemand, d’affaiblir [Ndt : lire «vider de sa substance»] le statut de
prisonnier de guerre. Il avait exprimé la positi on [p.25] selon laquelle il ne devrait pas être
porté atteinte aux garanties juridiques existant en faveur des prisonniers de guerre et avait en
conséquence lancé, le 23 août 1943, un appel qui, en raison de son importance, sera ici reproduit

littéralement :

«Le Comité international de la Croi x-Rouge attire l’attention toute spéciale
des belligérants sur la situation de droit acquise, selon les conventions de La Haye

et de Genève et selon les principes généraux du droit, aux militaires capturés à
quelque moment que ce soit de la guerre actuelle.

D’après les renseignements parvenus à la connaissance du Comité

international de la Croix-Rouge, certaines catégories de prisonniers auraient été, à
la suite de circonstances diverses, déclarés déchus, ou auraient été privés en fait de
leur statut de prisonniers de guerre et des droits conventionnels qui en résultent. Le
Comité international de la Croix-Rouge demande instamment aux belligérants

intéressés de bien vouloir veiller au main tien des garanties dont les prisonniers de
guerre doivent bénéficier en toutes circonstances et jusqu’à la fin du conflit.»

Il ressort clairement de la position déclarée que, d’après le CICR, l’Etat détenteur ne

pouvait, au moyen d’une décision unilatérale, priver un prisonnier de guerre des droits dont il
bénéficiait en vertu de son statut conforméme nt aux dispositions juridiques internationales
pertinentes.

L’objection selon laquelle il ne s’agissait là que de la déclaration d’une opinion politique
qui ne devrait pas être analysée comme l’expr ession de la situation juridique en vigueur à
l’époque est inopérante. Après la seconde guerre mondiale, la question des modifications
unilatérales du statut de prisonniers de guerre a ét é étudiée en détail, en particulier par le CICR,

le gardien institutionnel du droit humanitaire de la guerre. Les auteurs sont arrivés à la
conclusion concordante selon laquelle aucun Etat détenteur ne disposait d’un tel pouvoir.
Jean Wilhelm, membre du service juridique du CI CR, écrit dans son exposé fondamental sur la
question publié en1953 à la revue internationa le de la Croix-Rouge, au sujet des pratiques

mises en Œuvre au cours de la seconde guerre mondiale par l’une des parties au conflit et
consistant à convertir les prisonniers de guerre en travailleurs civils :

[p. 26]

«L’esprit, et même une interprétati on raisonnable de la Convention de 1929,
condamnaient, assurément, un tel subterfuge.»

Il estime pourtant que la Convention de 1929 n’est pas suffisamment précise sur ce point.
Dans le commentaire officiel du CICR de la Convention III de Genève du 12 août 1949 relative
au traitement des prisonniers de guerre, Jean de Preux, également membre du service juridique
de l’organisation, souscrit à cet avis sans réserv e, tout en insistant surtout sur la question de

savoir si le consentement du pays d’accueil ou de la personne concernée elle-même devait entrer
en ligne de compte. Après avoir discuté en détail de ces questions, l’auteur indien
R. C. Hingorani déclare, également au sujet de la période antérieure à 1949 : «Il va de soi que la
transformation unilatérale est tout à fait illégale et ne mérite pas de longs commentaires.»

Il souligne également, en des termes très clairs, qu’il n’y avait pas en règle générale de
libération à proprement parler : - 54 -

«En dépit du fait que ces prisonniers libérés se virent accorder à l’origine
quelques avantages, ces derniers étaient relativement peu nombreux et furent en fin

de compte préjudiciables à leur statut de prisonniers de guerre. Ils avaient retrouvé
la liberté et n’étaient plus assujettis aux ré glementations militaires de l’Etat qui les
avait capturés mais, dans nombre de cas, ils subirent finalement davantage de
privations se traduisant par la cessation des visites de la Croix-Rouge internationale

et de la puissance protectrice, la non-réception des envois d’aide humanitaire, la
perte du contact avec leur famille, le traitement contrariant de la part des
employeurs civils et le contrôle rigoureux exercé sur eux par la police civile.»

Il convient de noter que l’auteur français Charles Rousseau avait également souscrit au
point de vue selon lequel la pratique française qui avait cours en 1945 [p. 27] et 1946, après la
fin de la Seconde Guerre mondiale, consistant à transformer le statut des prisonniers de guerre
allemands en un statut de travailleurs civils, était incompatible avec la Convention de 1929.

Au vu de tout ce qu’il précède, on peut affirmer que la simple référence au degré de
liberté plus important des trava illeurs civils ne saurait fonder un droit de l’Etat détenteur de
supprimer le statut de prisonnier de guerre. Il ressort clairement de toutes les opinions

exprimées sur cette question que ce statut est assort i de mesures de protection institutionnelles,
dont il était déjà assorti à l’époque de la se conde guerre mondiale en vertu de la Convention
de 1929, comprenant notamment un suivi de la pa rt du CICR, qui étaient indispensables en vue
de garantir la vie et l’intégrité physique et mentale des prisonniers. Les atteintes à ce statut

protégé en vertu du pouvoir absolu de l’Etat c onstituaient donc dans tous les cas des violations
du droit qui ne pouvaient rien changer sur le plan de son existence juridique.

bb) Il reste à clarifier si cette conclusion ne doit pas, éventuellement, être réexaminée,
étant donné que les actions ayant suivi l’ordre de Keitel du 3août1944 découlaient tout de
même directement d’une proposition de Mussolini, comme il a été brièvement mentionné dans
l’exposé des faits.

La première question qui appe lle des doutes est celle de savoir si les représentants de la
République de Salò pouvaient édicter des mesu res produisant des effets quelconques à l’égard
des ressortissants italiens. Après septembr e1943, le gouvernement italien légitime était

représenté par le maréchal Badoglio. En c onséquence, le gouvernement de Mussolini pouvait
d’autant moins se réclamer d’un mandat d’agir p our le compte des IMI que ces derniers avaient
après tout refusé l’idée de continuer le combat dans des unités de l’Italie fasciste du côté des
troupes de l’Allemagne national-socialiste. C’est déjà une raison suffisante pour que l’on ne

tienne pas compte de la proposition de Musso lini du 20juillet1944, qui est dénuée de
pertinence juridique.

Une autre considération vient s’y ajouter. A l’époque de la seconde guerre mondiale, le

droit des prisonniers de guerre constituait déjà une sorte de jus cogens, qui échappait dans une
large mesure au pouvoir de disposition des Etats. De nos jours, la conventionIII de Genève
de 1949 prévoit expressément, en son article 6, paragraphe 1, deuxième phrase : «Aucun accord
spécial ne pourra porter préjudice à la situation des prisonniers, telle qu’elle est réglée par la

présente Convention, ni restreindre les droits que celle-ci leur accorde.»

[p. 28]

En d’autres termes, des accords peuvent êt re conclus sur un grand nombre de questions,
ce qui s’avérera toujours nécessaire au cours d’un conflit armé ayant donné lieu à la capture de
prisonniers de guerre. Or, ces accords ne sauraient néanmoins affecter d’une manière
quelconque le statut protégé de prisonnier de guerre . Il est également interdit au pays d’origine

de les droits de ses propres soldats capturés à l’étranger, dans le but, par exemple, d’obtenir des - 55 -

avantages dans un autre domaine. Naturellement, les Etats sont toujours le législateur
compétent au niveau international. Mais ils ne sont pas autorisés à porter atteinte à des droits

qui ont tout de même été institués en vertu de tr aités qu’ils ont eux-mêmes mis en vigueur afin
de protéger les prisonniers de guerre.

On voit bien que cette disposition remont e aux expériences négatives de la Seconde

Guerre mondiale et, en particulier, aux acco rds que le gouvernement de Vichy avait conclus
avec le Reich allemand, ainsi qu’à l’accord entre l’Allemagne et l’Italie fasciste. Néanmoins, la
doctrine estime que de tels accords étaient illicites même à la lumière de la Convention de 1929.
L’article 3 de la Convention de 1929 n’avait pas réglementé la question d’une manière expresse,

mais l’article 83, paragraphe 2, se réfère de manière explicite au principe de faveur. On doit en
conclure que les Etats parties n’étaient auto risés à passer que des accords prévoyant un
traitement encore plus favorable des prisonni ers de guerre. Le commentaire du CICR sur la
conventionIII de Genève de1949 déclare rétr ospectivement à ce sujet: «Quoique moins

explicite que le texte du présent alinéa, l’article 83 de la Convention de 1929 eût dû, semble-t-il,
interdire de tels accords.»

Hingorani partage également cette opinion.

cc) Enfin, on doit encore étudier la questi on de savoir si le consentement des personnes
concernées au remplacement de leur statut par celui de travailleur civils, qui eut lieu en partie au

cours de la période en question entre août et septembre1944, est de nature à modifier d’une
manière quelconque les conclusions formulées jusqu’ici.

Au vu de l’exposé des faits, qui est b asé sur les conclusions des recherches de

GerhardSchreiber, il était déjà noté qu’il ne saurait être question d’une décision vraiment
volontaire. Une pression massive avait été exercé e sur les IMI pour qu’ils déclarent consentir
au nouveau statut juridique envisagé. De nouveau sous [p.29] l’influence de ces expériences
négatives, une clause a été prévue dans la convention III de Genève du 12août1949

(l’article 7), refusant tout effet juridique à une telle renonciation : «Les prisonniers de guerre ne
pourront en aucun cas renoncer partiellement ou totalement aux droits que leur assure la
présente Convention et, le cas échéant, les accords spéciaux visés à l’article précédent.»

Une fois de plus se pose la question de sa voir si cette réglementation de 1949 représente
une innovation de nature constitu tive ou bien s’appliquait déjà a uparavant, même si elle ne
figurait pas de manière explicite dans la Convention de 1929. Une réponse convaincante à cette
question est donnée dans le commentaire du CICR sur l’article 7 de la Convention de 1949, aux

termes duquel :

«Relevons enfin que l’article7 n’ex prime pas un principe entièrement
nouveau par rapport aux conventions de Ge nève antérieures: tout comme la

disposition sur les accords spéciaux, il c onsacre l’interprétation raisonnable qui se
dégage de ces conventions. Les Etats parties sont te nus de les appliquer quand
certaines conditions objectives sont réalisées, mais rien dans ces textes ne leur
permet de se retrancher derrière la volonté des «prisonniers» pour leur en refuser

l’application totale ou partielle. Les au teurs de ces actes solennels, si soucieux
d’assurer une protection complète aux vic times de la guerre, auraient-ils désiré
faire état de la volonté de ces victimes, qu’ils n’auraient pas manqué, sachant
combien cette volonté peut être déformée en temps de guerre, de prévoir des

garanties et des procédures permettant de s’exprimer en toute liberté ⎯ ce qu’ils
n’ont pas fait.»

Par comparaison aux propos plus prudents de René Jean Wilhelm , telle est probablement
l’interprétation correcte de l’état du droit penda nt la période en question, entre1943 et1945, - 56 -

d’autant plus que lors du procès de Nuremberg, les procureurs partaient sans réserve du principe
que les IMI continuaient à avoir droit au traiteme nt prévu par les règles relatives au statut de

prisonnier de guerre. Il est évident que Wilhelm était motivé par la préoccupation de protéger la
France, puissance victorieuse, qui, après la guerre, avait proposé aux prisonniers de guerre
allemands sur son territoire le statut de trava illeurs civils, [p.30] du reproche d’avoir agi de
manière illicite. Or, même à cet égard, on peut noter une différence déterminante. En France,

les prisonniers de guerre s’étaient vu offrir un choi x véritable. Ils pouvaient également opter
pour la conservation de leur statut de prisonni ers de guerre, même s’ils pouvaient dans ce cas
s’attendre à subir certains inconvénients. Néanmoins, une pression extérieure, par exemple sous
la forme de violences corporelles ou d’autres mauv ais traitements, n’avait pas été exercée sur

eux. En revanche, un «choix» fait sous une te lle contrainte ne saurait en aucune circonstance
être reconnu comme une option de nature à provoq uer un changement de statut définitif avec
toutes les conséquences négatives qui s’y attachent.

Certains auteurs méconnaissent le fait qu’il convi ent de distinguer le droit de la réalité.
On ne saurait nier que la puissance détentri ce allemande avait l’intention de détacher
définitivement les IMI des liens qui les unissaient au droit international en transformant leur
statut en celui de travailleurs civils et, en pa rticulier, de mettre fin à toute forme d’observation

internationale. En conséquence, Joachim Hinz écrit à juste titre :

«Les anciens prisonniers de guerre empl oyés comme travailleurs civils ne se
trouvaient plus sous la compétence m ilitaire. En conséquence, ils avaient

notamment cessé de bénéficier des di spositions de la Convention qui les
protégeaient des poursuites judiciaires. La police allemande pouvait, comme pour
les prisonniers politiques, les placer dans des camps disciplinaires ou de
concentration, et ces camps n’étaient pas soumis à l’observation du CICR.»

Or, cette affirmation n’est correcte qu’en tant que description de la situation de fait.
Hinzomet le fait qu’il y avait lieu de s’interroger si les déclar ations de renonciation faites par
les personnes concernées étaient valables et pouvaie nt donc également, sur le plan juridique,

entraîner un changement qui aurait justifié l’ utilisation du terme d’«anciens prisonniers de
guerre». L’analyse de ClaudioSommaruga modifie également le plan conceptuel. Cet auteur
affirme :

«Gli IMI non si possono considerare prigionieri di guerra (obbligati al lavoro
ma tutelati dalle convenzioni) perché erano privi di tutele internazionali e obbligati
arbitrariamente e unilateralmente al lavoro, per coazione fisica e psicologica…»

[Ndt: notre traduction: «Les IMI ne peuvent être considérés comme des
prisonniers de guerre (astreints au travail mais protégés par les conventions), parce
qu’ils étaient privés de protections interna tionales et avaient été astreints au travail
de manière arbitraire et unilatérale, moyennant une contrainte physique et

psychologique…»]

Ces affirmations sont exactes en tant qu’exp osé des faits, mais elles permettent une seule
conclusion, à savoir que le Reich allemand n’était pas disposé à observer les règles

contraignantes [p. 31] du droit humanitaire et n’a donc pas, sur le territoire qui se trouvait sous
son contrôle, traité les IMI en tant que prisonnier s de guerre au sens de la Convention de 1929.
Une tout autre question est celle de savoir si, au vu des souffrances subies par les IMI, il existe

en tout état de cause un droit moral à l’indemnisation qui pourrait ensuite trouver son expression
dans des textes législatifs appropriés. De t oute évidence, l’ouvrage de Sommaruga doit être
compris en ce sens. Cet auteur exprime tout simplement l’opinion assez compréhensible selon
laquelle les IMI devraient, en rais on du traitement qu’ils avaient subi, être inclus au cercle des

personnes ayant droit à l’indemnisation. Or, cela n’affecte pas la question de principe sur le
plan du droit international. L’étude la plus réfléchie de cette question peut être trouvée chez - 57 -

Hingorani, qui définit deux conditions en vue du changement de statut. Premièrement, le
consentement doit être le fruit d’une décision vraiment volontaire, ce qui, en deuxième lieu,

peut difficilement être supposé tant que le c onflit armé se poursuit: «S’il est difficile de
suggérer une solution complète, le prisonnier ne saurait être autorisé à changer de statut tant que
les hostilités se poursuivent activement.»

Dans le présent contexte, aucune de ces deux conditions n’était remplie. La guerre se
poursuivait toujours, et la transformation du statut en celui de travailleurs civils constituait en
fin de compte un diktat à peine déguisé de la part des autorités allemandes.

Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que les IMI
possédaient, jusqu’à leur libération définitive ap rès la fin de la seconde guerre mondiale, le
statut de prisonniers de guerre conformément aux règles du droit international, bien que le Reich
allemand ait massivement violé ce statut. En con séquence, la clause d’exclusion de l’article 11,

alinéa 3, du StiftG peut en principe trouver application à leur égard.

2. La clause d’exclusion de l’article 11, alinéa 3, du StiftG

Il reste néanmoins à clarifier la question de savoir si les IMI peuvent néanmoins avoir
droit à l’indemnisation, et, dans l’affirmative, dans quelle mesure, en particulier au vu de
l’exposé des motifs concernant l’article 11, alinéa 3, du projet de StiftG.

[p. 32]

a) Le libellé de la disposition de l’article 11, alinéa3, du StiftG manque de clarté. Ce
texte n’est pas formulé comme une clause exclua nt d’une manière générale les prisonniers de

guerre du bénéfice des prestations, mais prévoi t que la qualité de pr isonnier de guerre,
considérée en elle-même, ne fait pas naître ce droit. En particulier, au vu de l’exposé des
motifs, on pourrait conclure que le droit à une part des paiements prévus par la loi sur la
Fondation existerait en tout état de cause lorsque, abstraction faite de la qualité de prisonnier de

guerre, un demandeur remplirait les critères énumér és à l’article11. Si l’on retient cette
interprétation, cela implique des difficultés importantes, puisque les caractéristiques essentielles
des prisonniers de guerre se recouvrent dans une large mesure avec celles utilisées par la loi sur

la Fondation pour définir le travailleur esclave ou forcé.
os
Les définitions légales figurant à l’ar ticle11, alinéa1, première phrase, n 1 et 2,
contiennent deux éléments constitutifs que l’on retrouve aussi systématiquement dans le cas des

prisonniers de guerre. La première caractéristique tient à l’incarcé ration. En règle générale, le
placement dans des camps concernait également les IMI, et ce non seulement au cours d’une
période initiale suivant leur démobilisation et leur désarmement par la Wehrmacht allemande,
mais aussi par la suite, après la transformation de leur statut en celui de travailleurs civils. En ce

qui concerne les restrictions qui étaient imposées à leur liberté, leur traitement n’était guère
différent de celui réservé aux autres prisonniers de guerre qui avaient aussi formellement été
dénommés de cette façon. Le deuxième élémen t constitutif tenait au fait que la personne
concernée devait avoir été astreinte au travail. Cela concernait également, d’une manière

générale, les prisonniers de guerre. En vertu de l’article 27, paragraphe1, de la Convention
de1929, les prisonniers de guerre étaient généra lement obligés de travailler, à l’exception des
officiers. D’un point de vue factuel, les pr isonniers de guerre au pouv oir de la Wehrmacht
allemande se trouvaient dans la même position qu e des travailleurs forcés. Or, d’un point de

vue juridique, la différence entre eux ne saurait être plus grande. Les prisonniers de guerre se
trouvaient détenus de manière licite par les auto rités allemandes, alors que l’incarcération de
civils étrangers était illicite en elle-même; le ur soumission au travail forcé constituait une
violation supplémentaire du droit humanitaire applicable, notamment les articles43 et46 du

règlement de la guerre sur terre. Au vu de cela, l’incarcération et la soumission au travail des - 58 -

prisonniers de guerre se présente d’une manière assez différente de l’incarcération et la
soumission au travail de non-combattants étrangers ayant le statut de civils. La logique de
os
l’article 11, alinéa 1, première phrase, n 1 et 2 du StiftG, prévoyant une indemnisation à raison
de la privation de liberté et du travail forcé, ne s’applique pas aux prisonniers de guerre. On ne
saurait donc en aucun cas conclure, à cause du fait qu’un prisonnier de gue rre était incarcéré et

astreint au travail forcé, qu’il appartient au cer cle des personnes ayant droit aux prestations. En
effet, il est assez évident que cette conclusion vide rait de sa substance l’article 11, paragraphe 3
et ouvrirait l’accès aux prestations prévues par la loi sur la Fondation à tout prisonnier de
guerre.

[p. 33]

Cette logique doit également, en principe, s’ appliquer aux IMI. Ces derniers ne furent

pas, par exemple, emmenés en Allemagne contrairement aux règles applicables du jus in bello,
dans l’objectif précis d’y être astreints au travail forcé. Aucune objection ne pouvait en principe
être soulevée quant à leur détention en Allema gne, puisqu’un état de guerre existait tout de
même entre l’Allemagne et l’Italie et les IMI av aient été capturés par les Allemands en tant que

ressortissants d’une puissance belligérante ennemie. Ce qui méritait des objections, c’étaient les
modalités de leur logement et de leur trava il en Allemagne qui, d’après les comptes rendus
disponibles, n’étaient point conformes aux règles gé nérales de l’article2, paragraphe2, de la

Convention de 1929, selon lequel les prisonniers de guerre devraient «être traités, en tout temps,
avec humanité». Néanmoins, cela ne permet pas, en soi, de prétendre à l’indemnisation au titre
de l’article11, alinéa1, première phrase, n o 1 du StiftG. Malheureusement, au cours de la
seconde guerre mondiale, le régime national-socia liste en Allemagne violait systématiquement

ses obligations en vertu du règlement de la guerre sur terre et de la Convention de Genève
de1929, tantôt gravement, tantôt dans une moi ndre mesure. Dans la loi sur la Fondation, le
législateur n’a pas prévu d’indemnisation à raison des dommages qui en résultent, car il estimait

que ces derniers constituaient des dommages de gu erre qui relevaient de la réglementation
générale concernant le règlement des dommages de guerre.

Des difficultés se présentent également lorsqu ’il s’agit d’appliquer aux IMI la définition
o
légale de l’article 11, alinéa 1, première phrase, n 2 du StiftG. Ici, le critère fondamental tient à
la déportation vers l’Allemagne, c’est-à-dire une violation manifeste du traitement de la
population civile en vertu du Règlement de la gue rre sur terre. A cet égard, une application
analogue aux prisonniers de guerre est par définition exclue, puisqu’il n’existait pas un tel

traitement illicite de nature à déclencher cette a pplication. Qu’il soit permis de mentionner une
fois de plus que, du point de vue du droit intern ational, la capture des soldats italiens par les
allemands n’était pas, en tant que telle, illicite , puisque le Reich allemand et l’Italie se

trouvaient tout de même en état de guerre depui s le 9 septembre 1943. Or, le fondement d’une o
créance en faveur des personnes relevant de l’article11, alinéa1, première phrase, n °2, tient
essentiellement au caractère illicite de la déportation.

Néanmoins, si certains des IMI ont été victimes de mesures de persécutions
supplémentaires en raison de leur appartenance ethnique à un groupe déterminé, ils devront être
inclus au cercle des personnes ayant droit à l’inde mnisation au sens de la loi sur la Fondation.
Ainsi, par exemple, les personnes qui avaient été placées dans un camp de concentration en

raison de leur croyance juive ne se trouvaient plus détenues, à titre principal, en raison de leur
qualité de prisonniers de guerre ou d’IMI, puisque la raison principale qui motivait la restriction
de leur liberté était dans ce cas l’idéologie national- socialiste en matière de race. Même si elles
ne pouvaient pas, d’un point de vue juridique, êt re privées de leur statut de prisonniers de

guerre, elles se trouvent couvertes par [p. 34] l’inte ntion ayant motivé l’adoption de la loi sur la
Fondation. Le législateur souhaitait indemniser toutes les personnes qui ne devaient pas être
classées dans la catégorie des prisonniers de guerre. Or, dans les cas de persécution raciale, le

statut de prisonniers de guerre passait complètement au second plan. - 59 -

b) Il convient également de consacrer une ét ude particulière au sens de la phrase suivante
figurant dans l’exposé des motifs :

«Les personnes ayant été libérées de l’état de prisonniers de guerre, dont le
statut a été transformé en celui de trava illeurs civils, peuvent, si elles remplissent
par ailleurs les critères, appartenir au cercle des personnes ayant droit aux
er
prestations en vertu de l’alinéa 1 .»

Certes, l’exposé officiel des motifs d’une loi ne fait pas partie de la loi elle-même.
L’interprétation doit être basée sur le texte de la lo i. Or, la référence aux travaux législatifs, en

particulier à l’exposé des motifs, fait partie des méthodes d’interprétation reconnues, et il va de
soi que la Cour constitutionnelle fédérale (BVerfG) recourt également à cette méthode. On doit
donc s’efforcer de concilier l’affirmation selon la quelle le statut de prisonniers de guerre ne
donne pas droit aux prestations, avec l’affirma tion opposée selon laquelle des personnes dont le

statut a été transformé en celui de travailleurs cierls peuvent appartenir au cercle des personnes
ayant droit aux prestations en vertu de l’alinéa 1 .

Or les travaux législatifs comprennent également la «déclaration conjointe» du

17juillet2000 mentionnée dans l’exposé des faits, qui ajoute à la complexité de la situation
juridique. Cette déclaration conjointe se tr ouvait également à la disposition des assemblées
législatives. Il était connu dès le début que la loi sur la Fondation était orientée vers l’Europe de
l’Est. Le projet de loi du 13 avril 2000 présenté par les députés de tous les partis au Bundestag

soulignait que :

«La structure et la dotation de la Fondation ont été définies et convenues au
cours de négociations avec les associations des persécutés et les gouvernements des

Etats ayant participé à la guerre, qui se sont poursuivies pendant plusieurs mois.»

[p. 35]

Le préambule de la déclaration conjointe souligne expressément que la Fondation devait
servir à lancer un message de solidarité à l’intention des victimes jusque-là «oubliées» d’Europe
centrale et orientale (paragraphe 5) :

«Tenant compte du fait que la Fond ation constitue un témoignage de
solidarité à l’intention des victimes vivant dans les pays d’Europe centrale et
orientale ainsi qu’un moyen pour mettre des ressources à la disposition des
victimes d’Europe centrale et orientale, dont la plupart n’ont guère bénéficié des

programmes allemands d’indemnisation et de restitution antérieurs.»

Le plan de répartition figurant à l’annexe B de la déclaration conjointe donne une idée
générale des montants prévus. Il énumère les organisations et pays auxquels sont destinées les

ressources. Conformément à la déclaration fi gurant au préambule, seuls des pays d’Europe
centrale et orientale sont mentionnés (Pologne , Ukraine, Fédération de Russie, Belarus,
République tchèque). Un sous-titre intitulé «R este de l’Europe orientale et reste du monde
(dont Sinti et Roms)», sans plus de précisions , prévoit un montant de 800millions de DM. A

cet égard, il faut tenir compte du fait que conf ormément à une note de bas de page, sur ce
montant, la somme de 260millions de DM de vait être transférée à la conférence sur les
revendications juives. L’Europe occidentale n’ est pas mentionnée. On doit donc en conclure
que le législateur n’a pas tenu compte des réclamations éventuelles en provenance de l’Italie. Il

en va de même, par exemple, des travailleurs ci vils français. Cette constatation permet de
conclure qu’à l’exception de certains cas individue ls, le législateur ne souhaitait pas inclure des
groupes importants des pays d’Europe occidentale, à fortiori de l’ordre de plusieurs dizaines de
milliers de personnes, aux fins des versements de la Fondation car, à défaut, les montants

correspondants auraient dû être pré vus dans le plan de répartition. Cela mène inévitablement à - 60 -

la conclusion que les IMI en tant que tels n’av aient pas été envisagés par le législateur comme
des travailleurs civils devant être pris en co mpte, auxquels la deuxième phrase de l’exposé des

motifs concernant l’article11, alinéa3, du StiftG devait s’appliquer. Néanmoins, tout cela ne
s’oppose pas à l’octroi d’indemnisations aux IM I ayant été persécutés pour des raisons raciales,
puisque ce groupe sera relativement petit et peut f acilement être inclus sous la rubrique «reste
du monde», ce qui n’est pas en revanche possible pour le groupe des IMI dans son ensemble.

On doit donc conclure, au vu de l’emploi du mot «libérés», que le législateur ne visait
qu’un groupe restreint de cas de figure, présents surtout en Europe centrale et orientale, où le
statut de prisonnier de guerre avait pris fin, aussi bien en fait qu’en droit, et avait été suivi par la
er
soumission au travail forcé au sens de l’article11, alinéa1 , du StiftG. Il est parfaitement
évident que [p.36] dans le cas des IMI, le lé gislateur avait écarté l’idée d’une «libération»
véritable au vu des données objectives disponibles, ce qui correspond pleinement à la réalité.
Les documents officiels cités dans l’exposé des faits, tout comme les recherches historiques

menées sur cette question, confirment d’une manière unanime que la transformation du statut en
celui de travailleurs civils a été opérée par les dirigeants politiques et militaires de l’Allemagne
national-socialiste sous la fo rme d’une action de contrainte, ne laissant aucune marge de
décision aux personnes concernées.

II. Appréciation sur le plan de la Loi fondamentale

Les règles de la loi sur la Fondation doivent également être appréciées au regard de la loi er
fondamentale. On trouve ici au premier plan le principe d’égalité posé à l’article3, alinéa1 ,
tel qu’il est précisé par le troisième alinéa de cet article, en vertu duquel nul ne doit être
défavorisé en raison de caractéristiques déterminées prises isolément.

1. Le principe d’égalité prévu à l’article 3, alinéa 3, de la Loi fondamentale

On peut affirmer [Ndt: lire «constater» ] d’emblée qu’aucune des caractéristiques de

l’article3, alinéa3 de la loi fondamentale ne s’ applique aux IMI dans leur ensemble. S’ils ne
sont pas inclus au cercle des personnes ayant dr oit aux prestations, c’est parce qu’en raison de
leur qualité de prisonniers de guerre, ils n’étaient pas visés par l’objectif de la loi, qui était de

faire preuve d’un geste de solidarité humaine à l’égard de personnes qui, à l’époque, avaient été
déportées contre leur volonté depuis leur patrie par le Reich allemand pour être astreintes au
travail forcé en Allemagne. La qualité de pris onnier de guerre ne relève d’aucun des critères
visés expressément dans la disposition constitutionne lle. Il convient également de noter que la

nationalité ne coïncide pas avec la caractéristique de «patrie et origine», qui est axée sur les
racines régionales ou sociales. Il est égalemen t évident que les assemblées parlementaires
n’envisageaient délibérément pas de placer les IMI dans une position moins favorable. On peut
supposer que, compte tenu des relations amicales entr e l’Allemagne et l’Italie, elles auraient au

fond été volontiers disposées à prévoir également des prestations pécuniaires en leur faveur. Or,
l’objectif était en fait de prévoir une réparati on à raison du travail forcé imposé en violation du
droit international, et non p as d’indemniser les prisonniers de guerre des souffrances et
privations qu’ils avaient subies. Si tel avait ét é l’objectif, il est alors évident que les prisonniers

de [p. 37] guerre russes auraient également dû être pris en compte. En effet, il aurait alors fallu
prendre en considération tous les prisonniers de guerre qui, entre1939 et1945, ont été traités
d’une manière contraire aux règles du droit humanitaire de la guerre en vigueur.

2. Le principe d’égalité de l’article 3, alinéa 1er, de la Loi fondamentale

Cela répond déjà à la question de savoir si l’on peut reprocher à la loi de manquer

d’objectivité. D’après la jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale, certains groupes de - 61 -

personnes peuvent être traités d’une manière di fférente uniquement s’il existe entre eux des
différences dont la nature et l’importance justifie nt un traitement inégal. En plus de cela, les

différenciations juridiques doivent reposer su r des motifs raisonnabl es ou compréhensibles
d’une autre manière. Or, si le législateur établit une distinction entre les prisonniers de guerre et
d’autres personnes qui, en tant que civils, ont ét é déportées de leur patrie à destination de
l’Allemagne pour y être astreintes au travail for cé, cette distinction n’est pas arbitraire, mais

repose sur des raisons objectives. Dans le cas des ci vils, il existe une double violation de la loi,
puisqu’ils ne pouvaient ni être amenés de for ce en Allemagne, ni y être forcés à travailler.
Aucun de ces éléments ne concerne des IMI, qui se trouvaient en Allemagne dans des
conditions licites, conformément aux règles du jus in bello et, en vertu de la convention de

Genève de 1929, pouvaient également ⎯ à l’exception des officiers ⎯, être obligés à travailler
au service de la puissance détentrice et conformément aux instructions de celle-ci. Si la
République fédérale d’Allema gne estime que les faits illicite s commis à l’encontre des

prisonniers de guerre, y compris les IMI, constituen t une situation de fait particulière faisant
partie de l’ensemble général des dommages de guerre, ils ne sont pas, en tout cas, arbitraires.

Nous renvoyons également à la jurisprude nce constante du BVerfG, selon laquelle le

législateur dispose d’un pouvoir d’appréciation par ticulièrement large en matière de prestations
sociales. Tout défaut de conformité à l’économie du texte, fût-il présumé ou réel, ne peut donc,
en l’absence d’autres éléments, être analysé comme une violation du principe d’égalité.

3. Le principe de l’interprétation fidèle au droit international

[p. 38]

Une autre question qui se pose au niveau de la Constitution est celle de savoir si le
principe de fidélité au droit international [V ölkerrechtsfreundlichkeit], dégagé par le BVerfG,
n’appelle pas une révision des conclusions form ulées jusqu’à présent. On entend par «fidélité
au droit international» que tout conflit avec l es préceptes du droit international doit, dans la

mesure du possible, être évité au sein de l’ordre juridique interne et, en conséquence, le droit
interne doit être interprété et appliqué en conf ormité avec ces préceptes. Il ne s’agit donc pas
d’un principe de «faveur aux peuples» [Völke rfreundlichkeit] en vertu duquel la République
fédérale d’Allemagne serait tenue, en admettant que ce soit possible, de satisfaire les vŒux

formulés par d’autres pays. Dans le présent cont exte, le principe aurait donc été pertinent si le
droit international exigeait une indemnisati on individuelle des prisonniers de guerre. Or,
comme il a été expliqué ci-dessus, un tel droit individuel à l’indemnisation pour dommages de

guerre n’existe pas, en tout cas en vertu du droit international général. La question de savoir si,
dans le présent contexte, une prescription en matière d’égalité de traitement d’origine
conventionnelle peut entrer en ligne de comp te sera également examinée ci-dessous dans la
section concernant l’appréciation au regard du droit international.

En outre, il aurait peut-être été possible d’ invoquer le principe de fidélité au droit
international si la République fédérale d’Allemagne était tenue d’une obligation générale de
réparation à l’égard de l’Italie qu’elle dût touj ours exécuter même à présent, plus de 56ans

après la fin de la guerre. Or, la responsabilité à raison de dommages de guerre a été réglée dans
le cadre d’autres procédures et par d’autres moyens, à commencer par l’accord de Potsdam des
principales puissances victorieuses de la seconde guerre mondiale du 2 août 1945. En vertu du
traité de paix du10février1947, l’Italie a re noncé à toute réclamation contre l’Allemagne née
er
entre le 1 septembre1939 et le 8mai1945, qui pouva it toujours exister à la fin de la guerre.
D’après le gouvernement fédéral, il n’existe plus de créances non réglées, en particulier après la
conclusion du Traité portant règlement définitif concernant l’Allemagne dans le cadre duquel
les quatre puissances alliées ont continué d’agir, comme elles l’avaient fait à Potsdam, en tant

représentants de l’ensemble des Etats alliés contre le Reich allemand. Au vu de cela, il n’existe
aucun fondement en droit international à l’appui de la thèse selon laquelle il faudrait recourir à - 62 -

la méthode spéciale de l’interprétation favorable au droit international en vue de procéder à une
rectification de l’article 11, alinéa 3, du StiftG en faveur des IMI.

[p. 39]

III. Appréciation sur le plan du droit international

Si, pour conclure, on procède également à une appréciation sur le plan du droit
international, on doit alors rappele r en premier lieu que, dans le cas des prestations prévues par
le StiftG, il ne s’agit pas de prestations en fa veur de l’Etat italien, même si ce dernier se

trouverait également favorisé indirectement par le s versements effectués en faveur de ses
ressortissants. L’objectif est, au lieu de cela, de permettre aux victimes incluses au cercle des
personnes ayant droit aux prestations de bénéficier directement des versements effectués en
vertu de la loi. Au vu de cela, seules les ga ranties des droits de l’homme, telles que celles

consacrées dans la Convention européenne des droits de l’homme et le pacte international relatif
aux droits civils et politiques, entrent en ligne de compte aux fins de l’analyse juridique de la loi
sur la Fondation.

1) Un principe général d’égalité de traitement dans les relations interétatiques ?

Il convient néanmoins de souligner, par s ouci de clarté, que dans le cadre du commerce

juridique entre les Etats en vertu du droit intern ational, il n’existe pa s de principe général
d’égalité de traitement. Il est certes vrai que l’article2, paragraphe1, de la Charte des
NationsUnies place l’égalité souveraine au-dessus de tous les autres principes adoptés dans la
Charte. Or, l’égalité souveraine signifie seulement que tous les Etats sont placés dans la même

position juridique bénéficient des mêmes positions juridiques en vertu du droit international. En
revanche, le principe ne prévoit pas qu’un Etat doi ve agir de la même manière à l’égard de tous
les autres Etats dans le cadre du commerce juridique international. Au contraire, il découle de la
souveraineté qu’un Etat peut non seulement pro céder à une différenciation, mais également à

une discrimination, en fonction de l’opportunité politique. Un projet de la Commission du droit
international des NationsUnies, qui aspirait à l’ég alité de traitement la plus complète possible
de tous les Etats au travers de la clause de la nation la plus favorisée, n’a jamais pu obtenir

l’approbation de l’Assemblée générale. Le princi pe d’égalité ne s’appliq ue dans le cadre du
commerce juridique interétatique que pour autant qu’il en ait été convenu ainsi dans un traité,
comme c’est le cas particulièrement au sein de l’ Union européenne ou dans le cadre de l’OMC,
où toute discrimination en raison de la nationalité est exclue.

«En principe, chaque Etat est libre de fixer l’importance de sa participation
aux relations internationales et de choisir ses partenaires. Ceci n’implique pas un
droit, opposable aux autres Etats, d’en trer dans n’importe quel rapport juridique

avec ces [p. 40] derniers.»

Or, même si l’on souhaitait se prévaloir d’un principe d’égalité en droit international dans
le présent contexte, aucune violation par la Ré publique fédérale d’Allemagne ne peut être

relevée. En effet, l’Allemagne n’a pas inclus les IMI au cer cle des personnes ayant droit aux
prestations en raison de leur qualité de prisonniers de guerre. Ce faisant, la République fédérale
d’Allemagne n’a fait que poursuivre sa pratique antérieure. Les personnes qui avaient été des
prisonniers de guerre en Allemagne n’ont jamais reçu une indemnisation sur le fondement de

cette situation de fait. Leur pays d’origine s’est vu, le cas échéant, verser des réparations.
Néanmoins, des versements n’ont en aucun ca s été effectués entre les mains de victimes
individuelles. Autrement dit, la République fé dérale a systématiquement agi d’une manière
cohérente et aucune contradiction ne saurait lui être reprochée. - 63 -

2) La Convention européenne des droits de l’homme

Etant donné que l’Allemagne et l’Italie sont toutes deux parties à la Convention
européenne des droits de l’homme (CEDH), on pe ut naturellement s’interroger si l’exclusion
des IMI du bénéfice du StiftG peut éventuellement être considérée comme une violation de cette

convention. Or, même un premier examen sommaire indique que la CEDH n’entre
probablement pas en ligne de compte dans le pr ésent contexte. En effet, ce sont les libertés
classiques qui sont protégées, tandis que les droits aux prestations sociales ne sont pas garantis.
En outre, pour ce qui est du principe d’égalité consacré dans la CEDH (article14), celui-ci

possède un caractère accessoire. Ilrenvoie exclusivement aux droits et libertés qui y sont
garantis et ne va donc pas au-delà du champ d’ application matériel gé néral du traité. La
jurisprudence des organes européens de protection de droits de l’homme s’est systématiquement
tenue à cette restriction. Ces organes n’ont pas dé veloppé la règle de l’article 14 en un principe
er
d’égalité général qui, à l’instar de l’article 3, alinéa 1 , de la loi fondamentale, serait applicable
systématiquement lorsqu’une partie contractante agirait, quel que soit le domaine matériel
concerné. [P. 41] En conséquence, des prestati ons pécuniaires telles que celles prévues dans la

loi sur la Fondation ne doivent pas être appréciée s au regard des critères de l’article14 de la
CEDH.

3) Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Il ne reste à envisager à cet égard que le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques, auquel tant l’Allemagne que l’Italie sont une fois de pl us parties. La disposition de

l’article2, paragraphe1, du pacte apparaît co mme une copie conforme de l’article14 de la
CEDH, puisqu’elle prévoit :

«Les Etats parties au présent pacte s’engagent à respecter et à garantir à tous

les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits
reconnus dans le présent pacte, sans di stinction aucune, notam ment de race, de
couleur, de sexe, de langue, de religi on, d’opinion politique ou de toute autre
opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre

situation.»

Néanmoins, le Comité des droits de l’homme, chargé de veiller au respect du pacte, ne
s’est pas contenté de ce résultat. En effet, le pacte contient une deuxième disposition relative à

l’égalité, à savoir l’article 26 :

«Toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans

discrimination à une égale protection de la loi. A cet égard, la loi doit interdire
toute discrimination et garantir à tout es les personnes une protection égale et
efficace contre toute discrimination, notamment de race, de couleur, de sexe, de
langue, de religion, d’opinion politique et de toute autre opinion, d’origine

nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation».

Le Comité s’est donc trouvé obliger de ré pondre à la question de savoir quelle était la
relation réciproque entre l’article 2, paragraphe 1, et l’article 26. Dans ses avis concernant deux

plaintes individuelles en vertu du [Premier] protocole facultatif au pacte, il a décidé en 1987 que
l’article26 contenait un principe d’égalité aut onome [p.42] qui, à l’instar de l’article3,
alinéa 1 , de la loi fondamentale, s’appliquait à t ous les domaines d’activité de l’Etat. En

conséquence, le Comité a en particulier examin é les prestations sociales au regard du standard
de l’article 26.

Cette jurisprudence peut être mise en doute, puisque le Comité des droits de l’homme a

été institué pour traiter des droits civils et politiques. Ses membres n’ont pas de connaissances - 64 -

particulières dans le domaine des droits économique s, sociaux et culturels. Lorsqu’elle a ratifié
le Protocole facultatif en 1993, la République fé dérale d’Allemagne s’est vue dans l’obligation

de formuler une réserve selon laquelle la compétence du Comité des droits de l’homme ne serait
pas acceptée en cas de plaintes concernant des violations de l’article 26 du pacte se référant à un
droit qui, par ailleurs, ne figure pas dans le pacte. Cette réserve n’aurait toutefois pas

d’incidence sur les obligations matérielles de la République fédérale d’Allemagne, en admettant
que l’on considère la jurisprudence du Comité des droits de l’homme comme correcte, ce dont il
est permis de douter, comme il a déjà été indiqué.

Or, même si l’on souscrit à l’interpréta tion retenue par le Comité, cela ne signifie
nullement que celle-ci indiquerait déjà l’existence d’une violation. En effet, le Comité
différencie d’une manière très prudente la distinction de la discrimination. D’une manière assez
similaire à la Cour constitutionnelle fédérale, il vérifie toujours si une différence dans les

dispositions peut être attribuée à des critères objectifs. Ainsi, la décision Danning précitée
prévoit, dans les mêmes termes que ceux utilisés dans la décision Zwaan-de-Vries :

«le droit à l’égalité devant la loi et à une égale protection de la loi sans

discrimination ne rend pas illicite toute di fférence de traitement. Une différence
fondée sur des critères «raisonnables et objec tifs» et répondant à un «but légitime»
au regard du pacte n’équivaut pas à une discrimination interdite au sens de

l’article 26.»

[p. 43]

Pour justifier la non-inclusion des IMI parmi les bénéficiaires des prestations au titre de la
loi sur la Fondation, on peut renvoyer aux co mmentaires ci-dessus concernant l’article3,
alinéa 1 , de la loi fondamentale. Les IMI ont été ex clus car, jusqu’à la fin de la période de
leurs souffrances dans la captivité allemande, ils étaient des prisonniers de guerre sur le plan

juridique et étaient donc distincts du vaste groupe des esclaves et travailleurs forcés proprement
dits. Ce raisonnement passe avec succès le test de la fidélité et de l’objectivité aussi bien au
regard de l’article3, alinéa1 e, de la loi fondamentale qu’au regard de l’article26 du Pacte

international relatif aux droits civils et politiques.

La décision du Comité des droits de l’homme dans l’affaire Gueye et autres c. France du
3 avril 1989 ne va pas non plus à l’encontre de la conclusion ici exprimée. Dans cette affaire, il

était question du versement de pe nsions à d’anciens membres de l’armée française ayant la
nationalité sénégalaise, auxquels l’Etat français av ait continué à verser le même montant même
après l’indépendance du Sénégal en1960 jusqu’ à ce qu’un montant différent fût introduit
en1974, à la suite de quoi le montant des pensions des sénégalais fut gelé à compter du
er
1 janvier1975. Le Comité des droits de l’hom me s’est opposé à la différence de traitement
dans ce cas. Il s’est fondé sur la considéra tion selon laquelle les soldats sénégalais avaient
rendu des services identiques à ceux rendus par leurs camarades français. Au vu de cela, tout
traitement défavorable devait être analysé a posteriori comme une discrimination interdite. En

revanche, les IMI n’ont jamais été dans la même situation que les travailleurs forcés qui avaient
été transportés en Allemagne sans aucun fondeme nt et avaient été utilisés comme travailleurs
contre leur volonté.

d) Conclusion

1) Etant donné que les internés militaires italiens (IMI) ont conservé leur statut de prisonniers
de guerre jusqu’à la fin de la seconde guerre m ondiale, ils n’appartiennent pas au cercle des
personnes pouvant prétendre aux prestations en vertu de l’article 11 de la loi portant création
de la Fondation «Souvenir, responsabilité et avenir» (StiftG). - 65 -

[p. 44]

2) Une appréciation différente s’impose dans le cas des internés militaires italiens qui, en plus
des violations de leur statut prisonnier de guerre, ont fait l’objet de mesures de persécution
raciale. La clause d’exclusion de l’article 11, alinéa 3, du StiftG ne saurait s’appliquer à leur
égard.

Berlin, le 31 juillet 2001

Christian Tomuschat
Professeur, docteur en droit

___________ - 66 -

ANNEXE 9

C OUR CONSTITUTIONNELLE FÉDÉRALE ALLEMANDE ,
AFFAIRES A. ET 942 AUTRES REQUÉRANTS ,

DÉCISION DU 28 JUIN 2004

Cour constitutionnelle fédérale (Bundesverfassungsgericht)

⎯ 2 BvR 1379/01 ⎯

Dans l’affaire relative aux recours constitutionnels

formés par : 1. A ...,

et 942 autres requérants

Les noms de tous les 943 requérants figurent aux pages 1 à 42

⎯ Mandataire ad litem :

contre

a) la loi du 2août 2000 instituant la Fondation «Souvenir, responsabilité et avenir» [StiftG]

(BGBl. I p.1263), en ce qu’elle vise à «constater légalement l’absence de bien-fondé des
prétentions contre la République fédérale àcause du travail forcé des anciens déportés et
autres prisonniers» ;

b) l’article 10, alinéa 1, l’article 11, alinéa 3, l’article16, alinéas1 et 3 et l’article19 du
StiftG ;

la première chambre du second sénat de la Cour constitutionnelle fédérale composée des juges

Bross, DiFabio et Gerhardt a jugé unanimeme nt, le 28juin2004, en vertu de l’article93 b)
combinés avec l’article93 a) du BverfGG [loi sur la Cour c onstitutionnelle fédérale] dans sa
rédaction publiée le 11 août 1993 (BGBl I p. 1473) :

le recours constitutionnel n’est pas admis à l’examen.

Motifs

1

Le recours constitutionnel porte sur la cons titutionnalité de l’exclusion des «internés
militaires italiens» du champ d’a pplication de la loi instituant la Fondation «Souvenir,

responsabilité et avenir» [StiftG] (BGBl. I 2000 p. 1263), ainsi que sur la question deosavoir si
la loi porte atteinte de manière inconstitutionne lle aux droits de propr iété des requér2 às n
943.

I.

2 - 67 -

1. Le requérant n°2 est un ressortissant italien. Il fut arrêté en septembre 1943, en tant
qu’officier de l’armée italienne, par des unités de la Wehrmacht allemande. Au cours de la

seconde guerre mondiale, l’Italie fut à l’orig ine l’alliée du Reich allemand. Après le
renversement de Mussolini en septembre 1943, le nouveau gouvernement italien conclut un
armistice avec les alliés et déclara la guerre à l’Allemagne en octobre 1943. La Wehrmacht
allemande offrit aux soldats italiens, qui avaien t été les alliés de l’Allemagne jusqu’au

changement de camp, le choix entre la possi bilité de continuer le combat du côté de
l’Allemagne et celle de devenir des prisonnier s de guerre. Ceux qui, à l’instar du requérant
n° 2, optèrent pour la captivité, furent employés comme travailleurs au service de l’économie de
guerre allemande.

3

Au cours de l’été 1944, pour des raisons tenant à la politique étrangère, les soldats italiens

internés par le Reich allemand et, en janvier 1945, également les officiers, furent libérés de la
captivité et se virent attribuer le statut de «tra vailleurs civils». Néanmoins, les conditions de
travail médiocres et le placement dans des camps restèrent dans une large mesure inchangés. La
grande majorité des internés militaires italiens, dont le requérant n°2, ne consentirent pas au

changement de statut formel.

4

2. Le requérant n° 3 est également un ressortissant italien. Il fut arrêté par des soldats de
la Wehrmacht allemande en août 1944 lors de re présailles dirigées contre la population civile
italienne, fut astreint au travail forcé et fit l’objet de mauvais traitements. Il conduit une
procédure civile en Italie contre la République fédérale d’Allemagne en vue d’obtenir réparation

des préjudices et du dommage moral causés par la période d’internement et le travail forcé. Le
tribunal de première instance a décliné sa compétence sur le fondement de l’immunité dont jouit
l’État allemand devant les juridictions italiennes. Une instance d’appel est en cours.

5

3. Les requérants n os4 à 943 sont, à l’instar du requérant n°2, des internés militaires
italiens, sans que des détails s upplémentaires concernant leur sort individuel aient été

communiqués.

6

4. Le requérant n°1 est une association osbu t non lucratif représentant les intérêts des
internés militaires italiens. Les requérants n 2 à 943 sont des membres de cette association.

7

5. a) Des négociations se sont tenues entre 1999 et 2000 entre le gouvernement fédéral
de l’Allemagne et les gouvernements d’autr es États ayant participé à la seconde guerre
mondiale, concernant l’indemnisation des trav ailleurs forcés employés dans des entreprises
allemandes et dans le secteur public. Par la su ite, le 2août 2000, le Parlement allemand a

adopté le StiftG instituant une fondation de dr oit public jouissant de la capacité juridique,
dénommée «Souvenir, responsabilité et avenir». La Fondation a pour objet l’octroi, par
l’intermédiaire d’organisations partenaires, de ressources financières destinées à des prestations

en faveur d’anciens travailleurs forcés et à des personnes ayant subi d’autres injustices au cours
de la période national-socialiste (art.2 du StiftG). La distribution des ressources aux
bénéficiaires intervient exclusivement par l’in termédiaire des organisations partenaires; la
Fondation elle-même n’est ni habilitée ni tenue d’ obligations à cet égard (art.10 du StiftG). - 68 -

L’organisation partenaire compétente pour l’It alie est l’Organisation internationale des
migrations (OIM) à Genève, une personne morale de droit international jouissant de l’immunité.

8

b) Le cercle des travailleurs forcés et au tres personnes concernées ayant droit à

l’indemnisation est défini d’une manière plus préci se à l’article 11, alinéa 1 du StiftG. En vertu
de ce texte, ont droit au bénéfice des prestations.

9

1. les personnes ayant été détenues dans un camp de concentration tel que défini à
l’article 42, alinéa 2, de la Loi fédérale d’indemnisation, ou dans un autre lieu
de détention…dans des conditions comp arables, et ayant été astreintes au
travail forcé ;

10

2. les personnes ayant été déportées depuis leur patrie à destination du territoire

de Reich allemand selon les frontières de 1937 ou à destination d’une région
occupée par l’Allemagne, ayant été soumises au travail forcé dans une
entreprise commerciale ou au service d’autorités publiques dans ce lieu, et
détenues dans des conditions autres que celles mentionnées au n°1, ou ayant

été placées dans des conditions assim ilables à la détention ou dans des
conditions de vie similaires d’une dureté extrême.

11

La qualité de prisonnier de gue rre ne donne pas droit aux prestations en vertu de l’article
11, alinéa 3 du StiftG ; l’exposé des motifs (BTDrucks 14/3206 p.16) affirme à cet égard :

12

Les prisonniers de guerre astreints au travail ne peuvent en principe
bénéficier d’aucune prestation à ce titre, puisqu’en vertu des règles du droit

international, les prisonniers de guerre peuve nt être astreints au travail par l’État
qui les a capturés. Les personnes libérées de la captivité en tant que prisonniers de
guerre et dont le statut a été transformé en celui de travailleurs civils peuvent, si
elles remplissent par ailleurs les critères, appartenir au cercle des personnes ayant

droit aux prestations en vertu du premier alinéa.

13

En vertu de l’article12, alinéa 1 du Stif tG, les autres lieux de détention au sens de
l’article11, alinéa 1, n°1 sont ceux qui se carac térisent par «les conditions inhumaines de la
détention, l’alimentation insuffisante et l’absence de soins médicaux». Les versements peuvent
atteindre au maximum 15 000 marks allemands, en fonction de la gravité du préjudice (art. 9 du

StiftG).

14

Enfin, l’article 16 du StiftG exclut certaines prétentions, à savoir :

15 - 69 -

1) Des paiements en provenance de deniers publics, y compris la sécurité sociale, et
en provenance d’entreprises commerciales allemandes, à raison d’injustices subies à l’époque

du national-socialisme telles que définies à l’article 11, ne peuvent être réclamés qu’en vertu de
la présente loi.

16

2) Chaque demandeur produira une déclar ation dans le cadre de la procédure de
dépôt de la demande, par laque lle il renoncera de manière irrévocable…à toute prétention
ultérieure à l’égard des autorités pour cause de travail forcé.

17

6. En août 2000, le conseil d’administ ration de la Fondation a adopté des «lignes
directrices concernant le droit aux prestations et l’exclusion des anciens prisonniers de guerre du

bénéfice des prestations en vertu de la loi sur la Fondation», convenues avec le ministère fédéral
des finances. En ce qui concerne l’article 11, alinéa 3 du StiftG, elles prévoient qu’un

18

un prisonnier de guerre ayant été astreint au travail forcé civil n’a pas droit aux
prestations si, au cours de toute la durée du travail, il a conservé le statut de
prisonnier de guerre. En vertu du droit international de la guerre, les prisonniers de

guerre peuvent être astreints au travail. En conséquence, si le prisonnier de guerre
n’a été employé que de fait en tant que travailleur civil, mais son statut n’a pas été
transformé en un statut civil moyennant un acte formel, le droit aux prestations

n’existe pas. Le gouvernement fédéral a demandé un avis d’expert sur la question
de savoir si, sur le plan juridique, le stat ut des internés militaires italiens astreints
au travail forcé avait été transformé en un statut de civils. Le rapport a conclu à la
négative. Le gouvernement fédéral a sou scrit au point de vue retenu dans le

rapport. En conséquence, d’après le gouvernement fédéral, conformément aux
critères de la loi sur la Fondation, les internés militaires italiens n’ont pas droit aux
prestations. En revanche, les prisonnier s de guerre ayant été placés dans un camp
de concentration ne sauraient se voient op poser à leur détriment le statut de

prisonniers de guerre, puisque dans ce cas, les discriminations et les mauvais
traitements particuliers motivés par l’ idéologie national-socialiste étaient
déterminants et, par conséquent, l’incarcér ation dans un camp de concentration ne
saurait être considérée comme un sort ordinaire en temps de guerre.

19

Le rapport mentionné repose exclusivement sur la considération selon laquelle le statut de

prisonnier de guerre, qui confère une protection part iculière en vertu du droit international, ne
saurait être écarté d’une manière unilatérale par l’État responsable.

20

Une autre résolution du conseil d’administration de la fondation d’août 2001 relative au
«droit des travailleurs forcés d’Europe occidentale au bénéfice des prestations en vertu de la loi
sur la fondation» prévoit que les anciens

21

travailleurs forcés originaires de pays d’Europe occidentale … [peuvent] bénéficier
des prestations humanitaires prévues par la loi … s’ils ont dû accomplir un travail - 70 -

forcé dans un camp de concentration, un ghetto ou un «autre lieu de détention»
reconnu. Les travailleurs forcés d’Eur ope occidentale ne remplissent pas par

ailleurs le critère des «conditions de vie particulièrement dures comparables». On
doit également présumer à cet égard qu’ils n’étaient pas placés dans des conditions
«assimilables à la détention». Cette présomption ne peut être combattue que

moyennant la présentation de documents officiels établissant que l’hébergement
dans des camps était objectivement assimilable à la détention.

22

7. Ni le requérant n°2, ni le requérant n°3 n’a déposé auprès de l’OIM une demande
tendant à bénéficier des prestations en vertu du StiftG. Conformément à ses propres
affirmations, le requérant n° 3 n’avait pas été placé dans un lieu de détention reconnu au sens de

l’article11, alinéa1, n°1 ou de l’article12, alinéa1 du StiftG, et, en raison de l’absence de
documents officiels correspondants, il n’est pas en mesure de produire l’élément de preuve
demandé par le conseil d’administration de la F ondation en vertu de la résolution concernant le
droit aux prestations des travailleurs forcés d’Europe occidentale.

II.

23

Le recours constitutionnel formé le 11août 2001par les requérants n os1 à 3 et, le
17janvier 2002, par les requérants n os4 à 943, dirigé directement contre l’article10, alinéa1,

l’article11, alinéa3 et l’article16, alinéas1 et 2 du StiftG, se prévaut d’une violation de
l’article14, alinéas1 et 3, quatrième phrase, de l’article19, alinéa1, deuxième phrase et
alinéa 4, de l’article 104, alinéa 1 et de l’article 3, alinéa 1 de la Loi fondamentale.

24

1. Les requérants n 2 et 3 affirment avoir une créance de réparation contre la République

fédérale d’Allemagne à raison du travail forcé et du traitement y afférent. Ils affirment que cette
créance est fondée, d’une part, sur l’article 839 du Code civil allemand (BGB) combiné avec les
articles2 et 3 de la convention de La Haye re lative au traitement des prisonniers de guerre du
27juillet 1929 (RGBl II 1934 p.227) et, d’autre part, directement sur l’article3 de la

convention de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre du 18 octobre 1907
(convention de La Haye de 1907, RGBl 1910 p. 107).

25

Il est affirmé qu’au travers de son article 16, alinéa 1, le StiftG supprimerait cette créance,
violant de ce fait l’article14, alinéas1 et 3, quatrième phrase, de la Loi fondamentale. La
créance de réparation n’aurait pas été perdue à la suite d’une renonciation ; de même, sa mise en

Œuvre ne serait pas prescrite. Au moyen de la clause d’exclusion de l’article16, alinéa1 du
StiftG, la République fédérale d’Allemagne constaterait à présent de manière rétroactive
l’inexistence des créances de ré paration et l’impossibilité de les faire vouloir en justice. En

outre, la valeur de ces créances se trouverait réduite de manière inconstitutionnelle au travers du
montant des prestations par personne prévu à l’artic le 6 du StiftG. Enfin, la référence à l’OIM
en tant qu’autorité compétente pour approuver le montant constituerait un changement de
créancier, violant l’article14, alinéa1, de la Loi fondamentale. Contrairement à l’article14,

alinéa3 de la Loi fondamentale, aucune indemnité n’aurait été offerte en échange de cet acte
d’expropriation; de surcroît, le montant des i ndemnisations au titre du StiftG ne serait pas
proportionné. De même, la prescription de l’ar ticle19, alinéa1, deuxième phrase, de la Loi - 71 -

fondamentale, exigeant de désigner le droit f ondamental faisant l’objet d’une restriction,
n’aurait pas été respectée.

26

2. Le mécanisme retenu par le législateur, qui prévoit d’octroi des ressources par

l’intermédiaire d’organisations internationales partenaires, telles que l’OIM qui bénéficie de
l’immunité, violerait l’article 19, alinéa 4, de la Loi fondamentale. En outre, la transformation
des créances de réparation en vertu du droit ci vil en créances de droit public, opérée par

l’article 16, alinéa 1 du StiftG, aurait privé de f ondement la procédure engagée par le requérant
n°3 en Italie; cela constituerait également une violation de l’article19, alinéa4, de la Loi
fondamentale.

27

3. La privation des requérants de leur créan ce de réparation constitu erait dans le même
temps une dénégation de leur droit prévu à l’ar ticle104 de la Loi fondamentale, puisqu’ils ne

seraient plus en mesure d’obtenir la constatation judiciaire du caractère illicite de leur privation
de liberté moyennant l’arrestation, la déportation et le travail forcé.

28

4. Enfin, l’article11, alinéa3 du StiftG, violerait l’article3, alinéa1 de la Loi
fondamentale, du fait que les prisonniers de gue rre sont en principe exclus du cercle des
bénéficiaires. Les requérants auraient eux aussi subi des injustices suite au travail forcé dans

des conditions défavorables.

III.

29

Le recours constitutionnel n’est pas admis à l’examen en raison du fait que les conditions

d’admission en vertu de l’article 93a, alinéa 2, de la Loi sur la Cour constitutionnelle fédérale ne
sont pas réunies. Dans la mesure où le recours constitutionnel est recevable, il ne saurait aboutir
sur le fond. Les règles attaquées ne sauraient être contestées en vertu du droit constitutionnel.

30

1. a) Le recours constitutionnel des requérants n os4 à 943 a été formé hors délai. Le
StiftG a été publié au Journal officiel fédéral le 11 août 2000 et, en vertu de son article 20, il est
os
entré en vigueur le jour suivant. Le recours constitutionnel des requérants n 4 à 943 a été
formé le 17 janvier 2002, donc après l’expiration du délai d’un an prévu à l’article 93, alinéa 3
BVerfGG. En outre, le recours constitutionnel des requérants n os4 à 943 serait également

irrecevable dans la mesure où il n’a pas été étayé par des éléments de preuve supplémentaires et
ne contient aucun élément de fait (article 23, alinéa 1, deuxième phrase et article 92 BVerfGG).

31

b) Le recours constitutionnel du requérant n° 1 est irrecevable parce qu’il n’invoque
aucune violation de ses propres droits constitutio nnels, mais se plaint au lieu de cela d’une
violation des droits de ses membres dans le cadre d’une représentation conventionnelle à

l’action. Or, la procédure de recours constitutio nnel ne prévoit pas une telle qualité pour agir
(voir BVerfGE 25, 256 <263>; 31, 275 <280> avec des références supplémentaires; 72, 122
<131>). - 72 -

32

os
c) Le recours constitutionnel des requérants n 2 et 3 est partiellement recevable.
En tout cas, il n’est pas exclu en raison du non-épuisement des voies de recours, puisque les
prescriptions de l’article 90, alinéa 2, deuxième phrase, du BVerfGG sont remplies.

33

aa)En vertu de l’article90, alinéa2, deuxième phrase, du BVerfGG, les voies de
recours doivent en principe avoir été épuisées et toute autre possibilité permettant de mettre fin

à la violation des droits fondamentaux ou de parv enir au même résultat pratique sans saisir la
Cour constitutionnelle fédérale doit avoir été exploitée (BVerfGE 33, 247 <258>; 81, 22 <27 et
s.>; 84, 203 <208>). Néanmoins, l’obligation d’ épuiser les voies de recours ne s’applique que
dans des limites raisonnables (cf BVerfGE 56, 363 <380>; 75, 108 <145>; 86, 15 <22>,
e
ordonnance du 12août 2002 de la 3 chambre du Second sénat de la Cour constitutionnelle
fédérale ⎯ 2 BvR 932/02 ⎯, EuGRZ 2002, p. 546 <548>).

34

Si, comme c’est le cas en l’espèce, le fait de renvoyer les requérants en vue de l’exercice
de voies de recours est susceptible de leur causer des préjudices graves et inévitables, le principe

de l’épuisement des recours ne s’opposerait pas à ce qu’il soit statué sur un recours
constitutionnel (art. 90, al. 2, deuxième phrase, du BVerfGG). Le fait d’obliger les requérants à
suivre toutes les étapes de la procédure judiciaire spécialisée serait particulièrement onéreux sur

le plan du temps, ce qui semble inacceptabl e vu l’âge des requérants et l’importance des
objections constitutionnelles.

35

bb)Dans la mesure où le requérant n°3 affirme que le StiftG transformerait sa
créance de réparation en vertu du droit civil qu’il a fait valoir en Italie en une créance de droit
public permettant de réclamer une prestation positive, son recours constitutionnel est néanmoins

irrecevable car il n’établit même pas la possibilité d’une violation d’un droit fondamental.
L’article 19, alinéa 4 de la Loi fondamentale ne garantit pas la protection juridique du requérant
n°3 en Italie, mais uniquement son dro it à accéder à un tribunal étatique allemand

(cf. BVerfGE 49, 329 <340>).

36

cc) La question dosne violation de la Constitution est en outre exclue à priori, dans la
mesure où les requérants n 2 et 3 invoquent une violation de l’article 104, alinéas 1 et 2 de la
Loi fondamentale. Tout comme la Loi fondament ale dans son ensemble, cette règle n’existait
os
pas à l’époque où les requérants n 2 et 3 furent détenus par la Wehrmacht allemande. Cela
exclut un examen des événements au regard du critè re de cette règle. La prescription relative à
l’autorité judiciaire, prévue à l’article 104, alinéa 2, première phrase, de la Loi fondamentale, ne
va pas jusqu’à protéger les intérêts des requérants n os2 et 3 à voir constater le caractère illicite

d’une privation de liberté antérieure à la Constitution dans le contexte d’une procédure tendant à
la réparation de dommages menée actuellement.

37

2. Le recours constitutionnel ne saurait aboutir sur le fond. - 73 -

38

a) L’article3 de la convention de La Haye de 1907 n’institue pas, en principe, de droit
individuel à la réparation, mais ne fait que codi fier le principe général du droit international
concernant la responsabilité entre les parties contractantes (cf. article premier des articles de
la CDI relatifs au droit de la responsabilité des États, Commission du droit international des

Nations Unies, annexe de la résolution 56/83 de l’Assemblée générale des Nations Unies du
21 décembre 2001). Or, une telle créance de réparation en vertu du droit secondaire n’existe
que dans le rapport de droit in ternational entre les États concernés. En conséquence, la
créance de réparation diffère du droit de la personne concernée en vertu du droit primaire de

réclamer le respect des obligations prévues pa r le droit international humanitaire, existant
dans le cadre du rapport de droit internationa l entre l’État occupant un territoire et la
population vivant sur ce territoire.

39

b) Le principe fondamental de la protecti on diplomatique n’exclut pas d’une manière
catégorique que le droit national de l’État r esponsable de la violation accorde à la personne

lésée un droit individuel venant s’ajouter aux cr éances de l’État d’origine en vertu du droit
international (cf.BVerfGE 94, 315 <330>). Néanmoins, l’absence d’exclusion ne permet
pas de déduire l’existence d’une règle ou pr ésomption selon laquelle un État violant le droit
international devrait accorder aux victimes un droit d’agir en vertu de sa législation interne.

Au contraire, c’est l’économie particulière du système juridique interne qui est ici
déterminante. Si, en vertu de ce dernier, il n’existe pas de droit à réparation (cf. BGH [Cour
suprême fédérale], arrêt du 26 juin 2003 ⎯ III ZR 245/98 ⎯ BGHZ 155, 279 et suiv.; Cour

supérieure régionale de Co logne, arrêt du 27août 1998 ⎯7 U 167/97, OLGR Köln 1999,
p. 5 et suiv.), il ne saurait être question d’une violation de la disposition de l’article 14 de la
Loi fondamentale garantissant le droit de propriété.

40

c) La disposition de l’article11, alinéa3 du S tiftG, selon laquelle la qua lité de prisonnier de
guerre ne confère pas en soi un droit a ux prestations, n’appelle pas de critiques

fondamentales à la lumière de l’article 3, alinéa 1, de la Loi fondamentale.

41

Les articles4 et suivants du Règlement concer nant les lois et coutumes de la guerre sur

terre annexé à la convention de La Haye de 1907 instituent une protection particulière en faveur
des prisonniers de guerre. En vertu de l’artic le6 du Règlement de la guerre sur terre, les
prisonniers de guerre peuvent également astreints au travail forcé dans des limites définies avec

précision. L’article 3 de la convention de La Haye de 1907 prévoit un régime de responsabilité
spécifique en vertu du droit international en cas de violations du droit international humanitaire.
Ce corps de règles de droit international prévoit des circonstances dont la typologie et la gravité
(cf. BVerfGE 55, 72 <82 f.>) sont de nature à justifier la cause d’exclusion prévue à l’article 11,

alinéa 3 du StiftG.

42

De même, il n’est pas interdit au législateur, à la lumière de l’article 3, alinéa 1, de la Loi
fondamentale, de distinguer entre un sort de guerre ordinaire, même s’il est dur et peut
éventuellement être accompagné de violations du droit international, et les victimes de mesures
de persécution de la part du régime illicite nati onal-socialiste motivées en particulier par des

raisons idéologiques et, étant donné que les ressources de la Fondation sont certes considérables - 74 -

mais néanmoins limitées, de n’inclure que ce deuxième groupe au cercle des bénéficiaires au
titre du StiftG.

43

d) Dans la mesure où le StiftG visait à exclure l’introduction d’actions en réparation contre la

Fondation «Souvenir, responsabilité et avenir» (cf.néanmoins les affaires VG Berlin,
ordonnance du 28 février 2003 —VG 9 A 33 6.02; VG Berlin, ordonnance du 28 février
2003— VG 9 A 435.02; OVG Berlin, ordonnan ce du 18 juin 2003 —6 S 35.03; OVG

Berlin, ordonnance du 4 novembre 2003 ⎯ OVG 6 M 20.03), cela ne constituerait pas une
violation de l’article 19, alinéa 4, de la Loi fondamentale. Cette disposition ne garantit que
la protection juridique contre la violatiode droits personnels, c’est-à-dire des positions
juridiquement protégées et susceptibles d’être in voquées en justice, favorisant l’individu.

Dans la mesure où ces positions juridiques relèvent des lois ordinaires, elles ne sont pas
garanties par l’article19, alinéa4, de la Loi fondamentale, mais sont seulement
présupposées (cf. BVerfGE 15, 275 <281 et suiv .>; 61, 82, <110>; 83, 182 <194 et suiv.>;

84, 34 <49>). C’est donc le législateur qui dé termine lui-même si des droits subjectifs sont
conférés à l’individu ainsi que le contenu de ces droits, à l’exception des droits
fondamentaux et assimilés (BVerfGE 78, 214 <226> ; 83, 182 <194 et suiv.>). Il est donc
également libre de décider expressément de ne pas imposer à une fondation de droit public

des obligations légales à l’égard des tiers e, en conséquence, d’exclure également la
protection juridique en vertu du droit administratif.

44

Conformément à l’article93d, alinéa1, troisième phrase, BVerfGG, une motivation
supplémentaire n’est pas nécessaire.

45

La présente décision n’est pas susceptible de recours.

B ROSS D IFABIO G ERHARDT - 75 -

A NNEXE 10

COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L ’HOMME , SSOCIAZIONE NAZIONALE REDUCI DALLA

PRIGIONIA ,DALL ’INTERNAMENTO E DALLA GUERRA DI LIBERAZIONE (A.N.R.P.)
ET 275 AUTRES c. LLEMAGNE ,

DÉCISION DU 4 SEPTEMBRE 2007

Conseil de l’Europe
Cour européenne des droits de l’homme
Cinquième section

Décision sur la recevabilité de la requête n° 45563/04 présentée
par l’associazione nazionale reduci dalla prigionia,

dall’internamento e dalla guerra di liberazione
et 275 autres contre l’Allemagne

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant le
4 septembre 2007 en une chambre composée de :

M. P. LORENZEN, président,

Mme S. BOTOUCHAROVA,
M. K. JUNGWIERT,
M. R. MARUSTE,

M. J. BORREGO BORREGO,
M. R. JAEGER,
M. M. VILLIGER, juges,
et de Mme C. WESTERDIEK, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 20 décembre 2004,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Les requérants sont une association, l’Assciazione Nazionale Reduci Dalla Prigionia
dall’Internamento e dalla Guerra di Liberazione (A.N.R.P.), immatriculée en Italie, et
275personnes physiques qui sont toutes des ressor tissants italiens (voir liste ci-annexée). La

plupart de ces personnes physiques sont membres de l’association requérante. Certains des
requérants ont présenté la requête en tant qayants cause. Les requérants sont représentés
devant la Cour par M J. Lau, avocat au barreau de Florence.

A. Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils avaient été exposés par les requérants, peuvent se résumer

comme suit. - 76 -

1. Antécédents de l’affaire

La plupart des requérants avaient été des membres des forces armées italiennes pendant la
seconde guerre mondiale. L’Italie avait d’abor d été l’alliée du Reich allemand mais, après la
chute de Mussolini, le nouveau gouvernement italien conclut un armistice avec les forces alliées
le 3 septembre 1943. A partir du 9 septembre 1943, les forces armées allemandes désarmèrent

et capturèrent des soldats italiens. L’armée a llemande offrit à ces soldats italiens capturés le
choix entre la possibilité de rejoindre les forc es armées allemandes et celle de devenir des
prisonniers de guerre. Ceux qui choisirent la s econde option furent détenus dans des camps de
travail et furent utilisés comme des travailleurs forcés dans l’industrie allemande.

A partir du 20septembre1943, ces détenus fu rent appelés «internés militaires italiens»
(«Italienische Militärinternierte»).

Le 13 octobre 1943, l’Italie déclara la guerre à l’Allemagne.

Au début de l’été 1944, les internés vire nt leur statut de prisonniers de guerre
(Kriegsgefangenschaft) remplacé par celui de «travailleurs civils» ( Ziviles Arbeitsverhältnis).

Dans un premier temps, les internés étaient inv ités à signer une déclaration pour consentir au
changement de statut. En dépit de la pression exercée par les autorités allemandes, seul un petit
nombre d’internés consentirent au changement de leur statut. Alors le gouvernement du Reich
allemand cessa de demander ces déclarations et transforma le statut des internés en un statut de

civils en l’absence de déclaration officielle. Ces personnes furent par la suite enregistrées
comme des travailleurs forcés civils. Néanmoins, les conditions de travail et la détention dans
des camps de travail ne changèrent pas. Les internés devaient exécuter des tâches physiques
lourdes sans avoir droit à une alimentation appropriée et nombre d’entre eux décédèrent en

conséquence.

Cinq des requérants, dont MM. Ferrini et Acci dini, n’étaient pas des membres des forces
armées italiennes. Ils étaient des civils qui furent déportés en Allemagne et astreints au travail

forcé en représailles contre la population civile italienne.

Après sa création le 23mai 1949, la Répub lique fédérale d’Allemagne ne mit pas en
place de régimes d’indemnisation spécifiques pour les travailleurs forcés.

En vertu de l’accord de Londres sur les dettes extérieures allemandes (ci-après «accord de
Londres sur les dettes») du 27février1953, le règlement des créances d’indemnisation fut
différé jusqu’au règlement définitif des réparations.

La République fédérale d’ Allemagne indemnisa des victimes du régime nazi, surtout
celles demeurant en Israël, en Allemagne et dans d’autres pays d’Europe occidentale. Cette
indemnisation intervint notamment en vertu des dispositions de la loi fédérale sur

l’indemnisation des victimes de la persécution national-socialiste (erndesentschädigungsgesetz,
ci-après «Loi fédérale d’indemn isation»), entrée en vigueur le 1 octobre 1953. Elle prévoyait
entre autres une indemnisation à raison de la détention dans un camp de concentration et à
raison des préjudices causés à la santé des détenus. Cependant, le travail forcé n’était pas visé

en tant que tel par la législation existante.

En 1961, la République d’Allemagne et l’It alie conclurent un accord en vertu duquel la
République fédérale d’Allemagne versa un montant forfaitaire à l’Etat italien qui octroya

ensuite des indemnisations à des victimes de la persécution de la part du régime nazi. L’Etat
italien n’offrit aucune prestation aux anciens «i nternés militaires italiens». Ces derniers
reçoivent une majoration de 0,52euros par jour ve nant s’ajouter à leur pension de retraite, à
l’instar de tous les anciens membres des forces armées italiennes qui avaient été détenus comme

prisonniers de guerre. - 77 -

Après 1990, la République fédérale d’A llemagne versa également des montants
forfaitaires à plusieurs pays d’Europe de l’Est qui créèrent ensuite des fonds en faveur des

victimes du régime nazi.

Néanmoins, une indemnisation individuelle à raison du travail forcé en tant que tel n’était

toujours pas prévue par la Républi que fédérale d’Allemagne. En conséquence, plusieurs de ces
anciens travailleurs forcés engagèrent des pro cédures contre des entreprises allemandes, en
particulier des actions de groupe aux Etats- Unis d’Amérique. Dans ce contexte, les
gouvernements de la République fédérale d’Allemagne et des Etats-Unis d’Amérique conclurent

un traité prévoyant la création de la Fonda tion «Souvenir, responsabilité et avenir» ( Stiftung
«Erinnerung, Verantwortung und Zukunft» , ci-après la «Fondation»), qui aurait pour objet de
verser des indemnisations individuelles aux anciens travailleurs forcés.

Ces négociations avaient réuni la Russie, la Pologne, la République tchèque, l’Ukraine, la
Biélorussie, la Conférence sur les revendications matérielles juives contre l’Allemagne (ci-après
la «Conférence sur les revendications juives»), des représentants d’anciens travailleurs forcés et
des représentants de l’industrie allemande. L’Italie n’y avait pas participé.

Le 12 août 2000 entra en vigueur la «loi instituant la Fondation «Souvenir, responsabilité
et avenir» (« Gesetz zur Errichtung einer Stiftung «Erinnerung, Verantwortung und Zukunft» ,

ci-après la «loi sur la Fondation») (voir ci-dessous, «droit interne et international pertinent»).

2. Les faits de la cause

a) Le recours constitutionnel auprès de la Cour constitutionnelle fédérale

Le 11août2001, l’association requérante, un ancien interné militaire italien (M) et le
e
271 requérant (M. Ferrini) qui avait été astreint au travaer forcé en tant que civil, formèrent un
recours constitutionnel contre les articles10, alinéa1 , 11, alinéas3 et 16, alinéas1 et 2 de la
loi sur la Fondation, auprès de la Cour constitutionnelle fédérale.

os
Le 17 janvier 2002, les requérants n 2 à 270 se joignirent au recours constitutionnel.

Le requérant [Ndt : lire «les requérants»] M.Ferrini et M soutenaient qu’ils avaient des
créances d’indemnisation pour cause de travail fo rcé en vertu du droit civil allemand pris

conjointement avec le droit international public, contre la République fédérale d’Allemagne, qui
étaient antérieures à l’entrée en vigueur de la loi sur la Fondation. En invoquant une violation
de leur droit de propriété (ar ticle14 de la loi fondamentale allemande: voir ci-dessous, «droit

interne et international pertinent»), ils se pl aignaient d’avoir perdu ces créances en vertu de
l’article16 de la loi sur la Fondation. Tous les requérants soutenaient que l’exclusion d’une
révision judiciaire des décisions de l’organisati on internationale des migrations (O.I.M.) portait
atteinte à leur droit à un recours effectif en vert u de l’article 19, alinéa 4, de la loi fondamentale

allemande. En outre, ils estimaient que l’ex clusion des anciens prisonniers de guerre de
l’indemnisation prévue par la loi sur la Fondati on était discriminatoire et, partant, contraire à
l’article3 de la loi fondamentale allemande (int erdiction de la discrimination). Enfin, les

requérants soutenaient qu’ils avaient perdu leur droit à ce que le caractère illégal de leur
arrestation, détention et soumission au trav ail forcé soit confirmé par un juge, prévu à
l’article 104 de la loi fondamentale allemande.

Le 28 juin 2004, la Cour c onstitutionnelle fédérale jugea que le recours n’était pas admis
à l’examen. En ce qui concerne l’association requérante, la Cour jugea que le recours était
irrecevable puisque l’association n’avait pas invoqué une violation de ses propres droits
constitutionnels, mais seulement une violation des droits de ses membres. Pour ce qui est des - 78 -

requérants n os2 à 270, la Cour jugea que le recours av ait été présenté après l’expiration du délai
légal d’un an à compter de l’entrée en vigueur, le 12 août 2000, de la loi sur la Fondation. En ce

qui concerne le requérant [Ndt : lire «les requérants»] M.Ferrini et M, la Cour jugea que leur
recours était partiellement recevable, mais dénué de fondement.

En ce qui concerne l’article104 de la loi fondamentale allemande, la Cour jugea que la
loi fondamentale ne s’appliquait pas à l’arrestation, à la détention et au travail forcé, puisque ces
événements étaient survenus avant son entrée en vigueur, le 23mai1949. En outre, en se
référant à la Convention de La Haye concernant les lois et c outumes de la guerre sur terre

(ci-après la «Convention de La Haye»: voir ci-dessous, «droit interne et international
pertinent»), la Cour jugea que le droit interna tional public n’instituait pas de droit individuel à
indemnisation pour cause de travail forcé. La Cour souligna en particulier que l’article 3 de la
Convention de La Haye n’instituait par de dro it individuel à indemnisation à l’encontre d’un

Etat contractant, mais ne faisait naître que des créances d’un Etat contractant à l’égard d’une
autre partie contractante. La Cour déclara ensu ite qu’il n’était pas exclue que le droit national
pût prévoir des créances des personnes à côté des créances de l’Etat contractant. Or, cela ne

signifiait pas qu’il existât une règle générale en vertu de laquelle les personnes physiques
auraient un droit à l’indemnisation contre l’Etat ayant violé la Convention de La Haye. Par
conséquent, la question de savoir si les pers onnes physiques avaient droit à l’indemnisation
dépendait exclusivement du droit interne.

En outre, la Cour jugea que l’exclusion des anciens prisonniers de guerre du cercle des
personnes pouvant bénéficier des prestations en vertu de la loi sur la Fondation, prévue par
l’article 11, alinéa 3, n’était pas discriminatoire, puisque les prisonniers de guerre pouvaient être

appelés à travailler en vertu de la Convention de la Haye. A cet égard, la Cour précisa que le
législateur était habilité, aux fins de l’octroi de l’indemnisation, de distinguer entre les victimes
des souffrances générales causées par la guerre et les victimes d’une persécution particulière de

la part du régime nazi due à des raisons idéol ogiques, d’autant plus que les ressources de la
Fondation étaient limitées.

Pour ce qui est de l’exclusion du contrôle ju ridictionnel par la loi sur la Fondation, la

Cour jugea que l’article19, alinéa4, de la lo i fondamentale exigeait l’ex istence effective d’un
droit dont la violation alléguée pût être examinée par les juridictions. La Cour conclut que le
législateur était libre de décider de ne pas prévoir de créances au profit des personnes physiques
à l’encontre d’une fondation de droit public ains i que d’exclure la révision judiciaire en la

matière.

Dans sa décision, la Cour constitutionnelle fédérale fit observer que, d’après ses propres
affirmations, M.Ferrini n’avait pas déposé de demande d’indemnisation auprès de l’OIM.

puisqu’iern’avait pas été détenu dans un «autre lieu de détention» au sens de l’article11,
alinéa 1 , n°1 de la loi sur la Fondation et qu’il n’ était de surcroît pas en mesure de prouver
qu’il remplissait les critères prévus par les ligne s directrices de la Fondation (voir ci-dessous,

«droit interne et international pertinent»).

b) Les demandes d’indemnisation déposées auprès de l’OIM

os
Les requérants n 2 à 276 ont affirmé qu’ils avaient déposé des demandes
d’indemnisation pour cause de travail forcé a uprès de l’OIM qui n’avaient pas abouti.
Néanmoins, seuls les requérants n os274 et 276, MM.Accidini et della Piazza, ont produit des

décisions de l’OIM devant la Cour.

Le 22 avril 2003, l’OIM rejeta la demande dé posée par le requérant M. Accidini au motif
qu’il ne remplissait pas les critères pour bénéficier de l’indemnisation en vertu de l’article11,
er
alinéa 1 , de la loi sur la Fondation applicables aux travailleurs forcés des pays d’Europe - 79 -

occidentale, à savoir le travail forcé dans un camp de concentration, un ghetto ou un «autre lieu
de détention».

Le 6avril2004, l’organe de recours de l’ OIM rejeta le recours de M.della Piazza en
estimant qu’il était dénué de fondement et en confirmant qu’en sa qualité d’ancien prisonnier de
guerre, il était exclu du bénéfice des prestations.

c) Les procédures devant les juridictions administratives

i) Les procédures engagées par les requérants MM. Malberto et Basile

Le 6août2002, les requérants n o272 et 273,MM.Basile et Malberto, qui avaient été
astreints au travail forcé en tant qu’intern és militaires italiens, déposèrent des demandes

d’indemnisation auprès de l’OIM. Par lettre en date du 11juin2002, l’OIM informa les
requérants qu’ils ne relevaient p as du champ d’application de la loi sur la Fondation, tel que
déterminé par la Fondation et le gouvernemen t allemand. Par lettre du 11novembre2002,
l’OIM informa les requérants que son organe de recours était tenu par la décision de la

Fondation et du gouvernement allemand. Aucune d écision formelle ne fut, semble-t-il, rendue
par l’OIM.

Le 6août2002, les requérants MM.Basile et Malberto introduisirent une action

déclaratoire ( Feststellungsklage) contre la République fédérale d’Allemagne et la Fondation
devant le tribunal administratif de Berlin en tant qu’affaire pilote. Ils demandèrent entre autres
au tribunal de déclarer qu’en tant qu’anciens internés militaires italiens, ils avaient droit aux
prestations en vertu de la loi sur la Fondation.

α) Le jugement du Tribunal administratif de Berlin du 9 septembre 2004

Le tribunal rejeta l’action du requérant [Ndt : lire «des requérants»]. Il jugea que l’action
était irrecevable puisqu’il n’exis tait pas de relation de droit ( Rechtsverhältnis) entre les
requérants, d’une part, et la République fédérale d’Allemagne et la Fondation, d’autre part, ce
qui constitue une fin de non-recevoir d’une action déclaratoire. La loi sur la Fondation

n’instituait pas de créances individuelles à l’égard de la Fondation ou de la République fédérale
d’Allemagne, mais uniquement à l’égard de l’organisation parten aire. Le tribunal ajouta que le
fait que le ministère fédéral des Finances exerça it un contrôle juridique sur la Fondation n’avait
pas pour effet de créer une relation de droit en tre les requérants et la République fédérale

d’Allemagne. D’après le tribunal, le contrôle juridique n’était effectué que dans l’intérêt public,
et non pas dans l’intérêt des béné ficiaires visés par la loi sur la Fondation. Le tribunal estima
que les requérants n’étaient donc qu’indirectem ent affectés par le contrôle juridique du
ministère fédéral des Finances.

Le tribunal refusa aux requérants la possibilité d’interjeter appel.

β) La décision du Tribunal administrati f [Ndt: lire «Cour administrative
d’appel»] de Berlin du 11 novembre 2004

La Cour administrative d’appel de Berlin rejeta la demande des requérants par laquelle ils

sollicitaient l’autorisation de fa ire appel du jugement du Tribunal administratif de Berlin, en
confirmant le raisonnement de la juridiction inférieure. - 80 -

ii) La procédure engagée par M. della Piazza

Le 3novembre2003, le requé rant n°276, M.della Piazza, introduisit une action
(Verpflichtungsklage) contre la République fédérale d’A llemagne et la Fondation devant le
Tribunal administratif de Berlin. Il demandait au tribunal d’enjoindre au ministère fédéral des
Finances d’adresser à la Fondation une directive indiquant qu’il avait droit aux prestations en

vertu de l’article 11 de la loi sur la Fondation. En outre, il demandait au tribunal d’ordonner à la
Fondation de reconnaître qu’il avait, en tant qu’ancien interné milita ire italien, droit aux
prestations en vertu de l’article 11 de la loi sur la Fondation.

Le 17mars2005, le tribunal débouta le requé rant de son action. Quant à la première
demande, le tribunal jugea que le requérant ne pouvait tirer aucun droit à l’égard du ministère
fédéral des Finances du fait que ce dernier exerçait le contrôle juridique sur la Fondation.

Pour ce qui est de la deuxième demande du requérant, le tribunal jugea, comme il a été
indiqué ci-dessus, que la loi sur la Fondation n’instituait pas de rapport de droit entre les
requérants et la Fondation.

B. Droit interne et international pertinent

1. La loi sur la Fondation

La loi sur la Fondation prévoit que cette dernière serait dotée de 10milliards de marks
allemands (DEM) ou 5,11milliards d’euros (EUR), dont la moitié devrait être fournis par le
gouvernement allemand et l’autre moitié par l’industrie allemande.

Le montant de 8,1milliards de DEM est destiné à l’indemnisation pour cause de travail
forcé. La portion la plus importante de ces ressources (près de 5,5milliards de DEM) est
réservée aux demandeurs résidant en Pologne, Ukraine, Moldavie, Fédération de Russie,

Lettonie, Lituanie, Biélorussie, Estonie et Ré publique tchèque. Le solde est destiné à des
bénéficiaires résidant en dehors des pays susmentionnés, à savoir 800millions de DEM des
bénéficiaires non juifs et environ 1,8 milliards de DEM à des bénéficiaires juifs.

Les fonds restants, d’un montant approximatif de 1,9milliards de DEM, sont destinés
entre autres à l’indemnisation de dommages ma tériels ou ont été alloués sous forme d’aides
humanitaires à la Conférence des revendications juives et à la Commission internationale des
réclamations en matière d’assurance concernant la période de l’Holocauste, qui financent des

programmes sociaux en faveur des survivants de l’Holocauste.

Le ministère fédéral des Finances exerce un contrôle juridique ( Rechtsaufsicht) sur la
Fondation.

Les demandes d’indemnisation ne sont pas examinées par la Fondation elle-même, mais
par ses organisations partenaires régionales dans plusieurs pays européens. L’organisation
partenaire compétente pour l’Italie est l’OIM à Genève.

Chaque organisation partenaire est dotée d’un organe de recours qui réexamine les
décisions de l’organisation sur recours de la pa rt d’un demandeur. Une révision judiciaire des
décisions des organes de recours n’a pas prévue par la loi sur la Fondation.

Le montant le plus élevé à titre d’indemni sation, prévu pour le cas du travail forcé dans
un camp de concentration, correspond à 15 000 DEM (7,669 EUR). - 81 -

En vertu de l’article11, alinéa3, de la loi sur la Fondation, le travail forcé accompli en
tant que prisonnier de guerre ne donne pas, en principe, droit à indemnisation. Les dispositions

se lisent comme suit :

«Article 11: Personnes admissibles

1) Ont droit aux prestations en vertu de la présente loi:

1. les personnes ayant été détenues da ns un camp de concentration tel que
défini à l’article42, alinéa2, de la Loi fédérale d’indemnisation, ou dans

un autre lieu de détention en dehors du territoire actuel de la République
d’Autriche, ou dans un ghetto dans des conditions comparables, et ayant
été astreintes au travail forcé ;

2. les personnes ayant été déportées depuis leur patrie à destination du
territoire de Reich allemand selon les frontières de 1937 ou à destination
d’une région occupée par l’Allemagne, ayant été soumises au travail forcé

dans une entreprise commerciale ou au service d’autorités publiques dans
ce lieu, et détenues dans des conditions autres que celles mentionnées au
n°1, ou ayant été placées dans des conditions assimilables à la détention
ou dans des conditions de vie similaires d’une dureté extrême ; la présente

disposition ne s’applique pas aux pers onnes qui, en raison du fait que leur
travail forcé était accompli principale ment sur le territoire actuel de la
République d’Autriche, peuvent recevoi r des versements de la part du

Fonds autrichien de réconciliation ; [...]

3) Le statut de prisonnier de guerre ne donne pas droit aux prestations…»

En ce qui concerne l’exclusion des anciens prisonniers de guerre, il est mentionné dans
les travaux préparatoires qu’en vertu du droit international public, les prisonniers de guerre
peuvent être forcés à travailler par l’Etat détenteur.

En 2001, le ministère fédéral des Finances fit établir un avis d’expert sur le statut
juridique des internés militaires italiens, qui c oncluait que ces derniers n’avaient jamais perdu
leurs prisonniers de guerre, car le Reich allemand n’avait pas été en mesure de mettre fin à leur
statut d’une manière unilatérale. Le ministère fédéral des Finances souscrivit à ce point de vue

et adressa à la Fondation une directive selon la quelle les anciens internés militaires italiens
étaient exclus du bénéfice des prestations en vertu de la loi sur la Fondation.

En août 2001, le conseil des curateurs de la Fondation édicta des lignes directrices selon

lesquelles les internés militaires italiens étaien t exclus des prestations, à moins d’avoir été
détenus dans un camp de concentration. C es lignes directrices avai ent été établies en
collaboration avec le ministère fédéral des Finances. Dans une lettre en date du 12 février 2002

adressée à l’OIM, la Fondation soulignait qu’elle-m ême et ses organisations partenaires étaient
liées par la position du gouvernement.

En ce qui concerne les travailleurs forcés de s pays d’Europe occidentale, ils n’avaient

droit aux prestations, d’après les lignes directrices susmentionnées, que s’ils avaient été astreints
au travail forcé dans un camp de concentration, un ghetto ou un «autre lieu de détention» tel que
défini dans la première phrase de l’article 11, alinéa 1 , de la loi sur la Fondation. A défaut, les
anciens travailleurs forcés ne re mplissaient pas, de l’avis de la Fondation, le critère des

«conditions de vie simeraires d’une dureté extr ême» mentionnée dans la deuxième phrase de
l’article 11, alinéa 1 , de la loi sur la Fondation. D’ après la Fondation, il existait une
présomption selon laquelle ils n’avaient pas été logés dans des «conditions ressemblant à la - 82 -

détention», mais cette présomption pouvait n éanmoins être combattue par les anciens
travailleurs forcés.

Toutes autres réclamations possibles contre l’Etat allemand ou des entreprises allemandes
allant au-delà des prestations prévues par la loi sur la Fondation sont exclues par l’article 16, qui
se lit comme suit :

«Article 16. Réclamations exclues

1) Des paiements en provenance de deniers publics, y compris la sécurité sociale,

et en provenance d’entreprises commercia les allemandes, à raison d’injustices
subies à l’époque du national-socialisme telles que définies à l’article11, ne
peuvent être réclamés qu’en vertu de la présente loi. Toutes autres réclamations
liées à des injustices national-socialistes sont exclues. Cela concerne également

les cas dans lesquels des créances ont été transférées à des tiers par l’effet de la
loi, par transmission ou en vertu d’un acte juridique.

2) Chaque demandeur produira une déclara tion dans le cadre de la procédure de

dépôt de la demande, pa r laquelle il renoncera de manière irrévocable, sans
préjudice des troisième à cinquième phrases, sur réception d’un paiement en
vertu de la présente loi, à toute prétention ultérieure à l’égard des autorités pour
cause de travail forcé et de dommages a ux biens, à toute prétention à l’égard

d’entreprises allemandes liées à des injus tices national-socialistes, ainsi qu’aux
prétentions pour cause de travail forcé contre la République d’Autriche ou des
entreprises autrichiennes. La renonciation prend effet à la réception d’un
paiement en vertu de la présente loi….»

2. Convention (IV) de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur
terre du 18 octobre 1907 (ci-après la «Convention de La Haye»)

«Article 3

La Partie belligérante qui violera it les dispositions dudit règlement sera
tenue à indemnité, s’il y a lieu. Elle sera responsable de tous actes commis par les

personnes faisant partie de sa force armée.»

3. Annexe à la Convention de La Haye

«Article 4

Les prisonniers de guerre sont au po uvoir du gouvernement ennemi, mais
non des individus ou des corps qui les ont capturés.

Ils doivent être traités avec humanité.

Tout ce qui leur appartient personnellement, excepté les armes, les chevaux
et les papiers militaires, reste leur propriété.

Article 6

L’Etat peut employer, comme travailleurs, les prisonniers de guerre, selon

leur grade et leurs aptitudes, à l’exception des officiers. Ces travaux ne seront pas
excessifs et n’auront aucun rapport avec les opérations de la guerre. - 83 -

Article 23

Outre les prohibitions établies par des conventions spéciales, il est

notamment interdit :

[...]

de déclarer éteints, suspendus ou non recevables en justice, les droits et actions des
nationaux de la partie adverse.

Il est également interdit à un belligérant de forcer les nationaux de la partie
adverse à prendre part aux opérations de guerre dirigées contre leur pays, même

dans le cas où ils auraient été à son service avant le commencement de la guerre.»

4. Convention relative à l’esclavage, signée le 25 septembre 1926 à Genève

Article 5

«Les hautes parties contractantes reconnai ssent que le recours au travail forcé ou
obligatoire peut avoir de graves consé quences et s’engagent, chacune en ce qui
concerne les territoires soumis à sa souveraineté, juridiction, protection, suzeraineté

ou tutelle, à prendre des mesures utiles pour éviter que le travail forcé ou
obligatoire n’amène des conditions analogues à l’esclavage.

Il est entendu :

1. Que, sous réserve des dispositions transitoires énoncées au paragraphe2
ci-dessous, le travail forcé ou obligatoire ne peut être exigé que pour des fins
publiques;

2. Que, dans les territoires où le travail forcé ou obligatoire, pour d’autres fins que
des fins publiques, existe encore, les ha utes parties contractantes s’efforceront
d’y mettre progressivement fin, aussi rapidement que possible, et que, tant que
ce travail forcé ou obligatoire existera, il ne sera employé qu’à titre

exceptionnel, contre une rémunératio n adéquate et à la condition qu’un
changement du lieu habituel de résidence ne puisse être imposé.»

5. Convention entre les Etats-Unis d’Amérique et d’autres puissances relative

aux prisonniers de guerre, signée le 27juillet1929 (ci-après la «Convention
relative aux prisonniers de guerre»)

«Article 2

Les prisonniers de guerre sont au pouvoir de la puissance ennemie, mais non
des individus ou des corps de troupe qui les ont capturés.

Ils doivent être traités, en tout temps, avec humanité et être protégés
notamment contre les actes de violence, les insultes et la curiosité publique.

Les mesures de représailles à leur égard sont interdites. - 84 -

Article 10

Les prisonniers de guerre seront logés dans des bâtiments ou dans des
baraquements présentant toutes garanties possibles d’hygiène et de salubrité.

Les locaux devront être entièrement à l’abri de l’humidité, suffisamment

chauffés et éclairés. Toutes les précautions devront être prises contre les dangers
d’incendie.

Quant aux dortoirs: surface totale, cube d’air minimum, aménagement et

matériel de couchage, les conditions se ront les mêmes que pour les troupes de
dépôt de la puissance détentrice.

Article 11

[...]

Les belligérants pourront employer comme travailleurs les prisonniers de
guerre valides, selon leur grade et leurs aptitudes, à l’exceptio n des officiers et

assimilés.

Toutefois, si des officiers ou assimilés demandent un travail qui leur
convienne, celui-ci leur sera procuré dans la mesure du possible.

Les sous-officiers prisonniers de guerre ne pourront être astreints qu’à des
travaux de surveillance, à moins qu’il s ne fassent la demande expresse d’une
occupation rémunératrice.

Les belligérants seront tenus de mettre, pendant toute la durée de la captivité,
les prisonniers de guerre victimes d’accidents du travail au bénéfice des
dispositions applicables aux travailleurs de même catégorie selon la législation de

la puissance détentrice. En ce qui concer ne les prisonniers de guerre auxquels ces
dispositions légales ne pourraient être appliquées en raison de la législation de cette
Puissance, celle-ci s’engage à recommander à son corps législatif toutes mesures
propres à indemniser équitablement les victimes.

Article 29

Aucun prisonnier de guerre ne pourra être employé à des travaux auxquels il

est physiquement inapte.

Article 32

Il est interdit d’employer des prisonniers de guerre à des travaux insalubres
ou dangereux.

Toute aggravation des conditions du travail par mesure disciplinaire est
interdite.

[...]

Les prisonniers employés à d’autres travaux auront droit à un salaire à fixer

par des accords entre les belligérants…» - 85 -

6. Les dispositions pertinentes de la Loi fondamentale allemande

«Article 3

1) Toutes personnes sont égales devant la loi …

Article 14

1) La propriété et le droit de successi on seront garantis. Leur contenu et leurs
limites seront définis par les lois.

2) La propriété oblige. Son exploitation profite également à l’intérêt public.

3) L’expropriation ne sera permise que dans l’intérêt public. Elle ne peut être
ordonnée qu’au moyen ou en vertu d’une lo i déterminant la nature et l’étendue

de l’indemnisation. Cette indemnisation sera déterminée en assurant un
équilibre équitable entre l’intérêt public et les intérêts des personnes affectées.
En cas de litige quant au montant de l’i ndemnisation, les juridictions de droit
commun peuvent être saisies.

Article 19, alinéa 4

Au cas où les droits d’une personne ont été lésés par l’autorité publique,

celle-ci peut saisir les tribunaux.…»

GRIEFS

Invoquant les articles5 par.4 et 5, 6par. 1 et 14 de la Convention et l’article1 du
protocole n° 1 de la convention, les requérants se plaignaient des décisions rendues par l’OIM,
la Cour constitutionnelle fédérale, le Tribunal administratif de Ber lin et la Cour administrative

d’appel de Berlin.

En ce qui concerne l’article5par.4 et 5 de la Convention, les requérants se plaignaient
du fait qu’ils s’étaient vu refuser le droit à la reconnaissance du caractère illégal de leur

déportation et de leur soumission au travail forcé.

Invoquant l’article6 par.1 de la Conventi on, les requérants soutenaient qu’ils n’avaient
pas eu accès à un tribunal en vue de la révision judiciaire des décisions rendues par l’OIM. En

particulier, les requérants se plaignaient du fait que l’organe de recours de l’OIM ne remplissait
pas les critères d’un «tribunal indépendant et impa rtial» au sens de l’article6par.1 de la
Convention.

Invoquant l’article14 de la Convention, l es requérants soutenaient qu’ils avaient fait

l’objet d’une discrimination aussi bien en tant qu’étrangers qu’en tant qu’anciens internés
militaires italiens.

En outre, ils soutenaient qu’ils avaient d es créances d’indemnisation en vertu du droit

civil interne pris conjointement avec le droit international public à l’égard de la République
fédérale d’Allemagne, qui avaient été éteintes par l’effet de l’article16 de la loi sur la
Fondation. Ils se plaignaient en conséquence d’une violation de l’article1 du protocole n°1.

Les requérants fondaient en particulier leurs prét entions sur l’article 23 de la Convention de La
Haye, la Convention sur l’esclavage et la Conve ntion relative aux prisonniers de guerre. En
outre, les requérants soutenaient que les intern és militaires italiens avaient en fait été des
travailleurs forcés civils, et non pas des pris onniers de guerre comme le prétendait la

République fédérale d’Allemagne. Ils affirmaient qu’ils n’avaient pas été traités comme des - 86 -

prisonniers de guerre par le Reich allemand et considéraient comme contradictoire le fait que la
République fédérale d’Allema gne leur opposait ce statut allégué pour leur refuser

l’indemnisation. Enfin, les requérants qui avaient été astreints au travail forcé en tant que civils
se plaignaient du rejet de leurs demandes d’indemnisation au titre de la loi sur la Fondation.

EN DROIT

1. Les requérants (n os2 à 274 et 276) se plaignaient du fait qu’ils s’étaient vu refuser la
possibilité d’obtenir la confirmation du caractère illégal de la déportation et de la soumission au

travail forcé de leurs auteurs au sens de l’artic le5, dont les dispositions pertinentes se lisent
comme suit :

«4. Toute personne privée de sa liberté pa r arrestation ou détention a le droit
d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la
légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.

5. Toute personne victime d’une arrestation ou d’une détention dans des conditions
contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation.»

La Cour note que la déportation des requér ants ou de leurs auteurs à destination du Reich

allemand ainsi que leur soumission au travail for cé sont antérieurs à l’entrée en vigueur de la
Convention, à savoir le 3 septembre 1953.

Elle estime donc que les griefs des requérants concernant la déportation et le travail forcé

en tant que tels sont incompatibles ratione temporis avec les dispositions de la Convention au
sens de l’article 35 par. 3 de cette dernière.

Pour ce qui est du grief des requérants selon lequel la République fé dérale d’Allemagne

n’a pas reconnu l’illégalité du travail forcé, de la dé portation et de la détention, la Cour rappelle
une fois de plus que la Convention n’impose pas d’obligations spécifiques à la charge des Etats
contractants d’indemniser d es dommages causés avan t qu’ils n’aient ratifié la Convention

(voir Kopecký c/Slovaquie [GC], n° 44912/98, par. 38, CEDH 2004-IX).

Cela concerne également la situation juri dique de la République fédérale d’Allemagne,
qui est réputée avoir succédé au Reich allemand (voir les décisions de la Cour constitutionnelle

fédérale n°2 BvF 1/73, décision du 31juillet 1973, décisions de la Cour constitutionnelle
fédérale (BVerfGE), vol. 36, p. 1 et s., 15-16, et n° 2 BvR 373/83, décision du 21 octobre 1987,
décisions de la Cour constitutionnelle fédérale (BVerfGE), vol. 77, p. 137 et s., 154-156).

Par conséquent, le grief des requérants est incompatible rationne materiae avec les
dispositions de la Convention et de ses prot ocoles à cet égard, toujours au sens de
l’article 35 par. 3 de la Convention.

Il s’ensuit que cette partie de la requêt e doit être déclarée irrecevable en vertu de
l’article 35 par. 4 de la Convention.

2. Leosrequérants qui avaient été astreints au travail forcé en tant qu’internés militaires
italiens (n 2 à 25, 27 à 34 et 36 à 270) et les requérants M. Ferrini et M. Accidini, qui avaient
été astreints au travail forcé en tant que civils, se plaignaient du fait qu’ils s’étaient vu refuser
les prestations prévues par la loi sur la Fonda tion. Ils contestent également l’exclusion des

anciens prisonniers de guerre du bénéfice des prestations prévues par la loi sur la Fondation et la
décision selon laquelle les internés militaires ita liens devraient être considérés comme des
prisonniers de guerre. - 87 -

Enfin, ils soutenaient avoir perdu leurs autres créances d’indemnisation à l’encontre de la
République fédérale d’Allemagne pa r l’effet de l’article16 de la loi sur la Fondation. Ils se

plaignaient d’une violation de le urs droits de propriété visés à l’ article 1 du protocole n° 1, qui
se lit comme suit :

«Toute personne physique ou morale a dr oit au respect de ses biens. Nul ne
peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les
conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats
de mettre en vigueur les lois qu’ils juge nt nécessaires pour réglementer l’usage des
biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou
d’autres contributions ou des amendes.»

a) Considérations générales

Un requérant ne peut allégue r une violation de l’article1 du protocole n°1 que dans la
mesure où les décisions qu’il incrimine se rapportent à ses «biens» au sens de cette disposition.
La notion de «biens» peut recouvrir tant des «biens actuels» que des valeurs patrimoniales, y
compris des créances, en vertu desquelles le requérant peut prétendre avoir au moins une

«espérance légitime» d’obtenir la jouissance effective d’un droit de propriété (voir l’arrêt
Kopecký précité, par. 35).

En outre, comme il a été indiqué ci-dessus, la Convention n’impose pas d’obligations

spécifiques à la République fédérale d’Allemagne selon lesquelles celle-c i devrait indemniser
des préjudices causés par le Reich allemand. Néanmoins, lorsque l’Etat choisit d’indemniser de
tels préjudices dont il n’est pas responsable, il di spose d’une grande marge d’appréciation. En

particulier, l’Etat jouit d’une ample marge d’ap préciation quant au choix de la manière dont il
indemnisera ces préjudices et des personnes indemnisées (voir, mutatis mutandis, von Maltzan
et autres c/Allemagne (déc.), n° 71916/01, 71917/01 et 10260/02, par. 74, CEDH 2005 ...; Woś
c/Pologne, n° 22860/02, par. 72, CEDH 2006 ...).

o
En l’espèce, la Cour doit d’abord vérifier si l’article 1 du protocole n 1 est applicable. Il
faut donc rechercher si les requérants avaient d es «biens» au sens de l’article1 du protocole
n 1, c’est-à-dire des «biens actuels» ou une «espérance légitime» d’obtenir la jouissance

effective d’un droit de propriété . A cet égard, la Cour rappelle qu’une espérance légitime doit
se fonder sur une disposition légale ou avoir une base jurispruden tielle solide en droit interne
(voir von Maltzan et autres, précité, par. 112).

b) Les requérants ayant été assujettis au tr avail forcé en tant qu’internés militaires
italiens

Ces requérants contestent à la fois l’exclus ion des anciens prisonniers de guerre de la
définition des personnes admissibles à l’indemnisation en vertu de la loi sur la Fondation, et la
décision selon laquelle les internés militaires ita liens devaient être considérés comme des

prisonniers de guerre, ainsi que leur exclusion du bénéfice de l’indemnisation suite à cette
décision. Deuxièmement, ils se plaignent de l’ar ticle16 de la loi sur la Fondation, qui exclut
toutes autres réclamations allant au-delà des prestations prévues par la loi sur la Fondation.

Quelles que soient les souffrances causées aux re quérants par le travail forcé, aucune des
conventions qu’ils citent n’institue de droit individuel à réparation. Lors de l’entrée en vigueur
de la loi sur la Fondation, il n’existait pas de dispos itions légales, ni en droit international ni en
droit interne, allant à l’appui des prétentions des requérants contre la République fédérale - 88 -

d’Allemagne. En outre, les requérants n’ont pas été en mesure de citer de jurisprudence en leur

faveur.

La Cour conclut, au vu de cela, que les re quérants ne sauraient prétendre avoir eu une

espérance légitime d’être indemnisées à raison de le ur détention et du travail forcé au cours de
la seconde guerre mondiale.

Cette partie de la requê te est donc incompatible rationne materiae avec les dispositions
o
du protocole n 1 et doit être déclarée irrecevable en vertu de l’article35par.4 de la
Convention.

c) Les requérants MM. Ferrini et Accidini

Ces requérants se plaignaient du fait qu’ils s’ étaient vu refuser les prestations prévues par

la loi sur la Fondation et qu’ils avaient égalem ent perdu toutes leurs autres réclamations contre
la République fédérale d’Allemagne en vertu de l’article 16 de la loi sur la Fondation.

La Cour observe que les requérants n’ont p as été astreints au travail forcé en tant

qu’internés militaires italiens, mais en tant que civils.

Ces requérants ne sauraient davantage pr étendre avoir eu une espérance légitime

d’obtenir une indemnisation lors de l’entrée en vi gueur de la loi sur la Fondation. Il s’ensuit
que ni le refus des prestations prévues par la loi sur la Fondation, ni la suppression des autres
réclamations n’a soulevé de questions au titre de l’article 1 du protocole n 1 de la Convention.

Cette partie de la requê te est donc incompatible rationne materiae avec les dispositions
du protocole n 1 et doit également être déclarée irrecevable en vertu de l’article 35 par. 4 de la
Convention.

3. Les requérants ayant été astreints au trava il forcé en tant qu’internés militaires italiens
os
(requérants n 2 à 25, 27 à 34 et 36 à 270) soutenaient, en inooquant l’article14 de la
Convention combiné avec l’article1 du protocole n 1, qu’ils avaient fait l’objet d’une
discrimination en raison de l’exclusion des anciens prisonniers de guerre du bénéfice des
prestations prévues par la loi sur la Fondation. L’article 14 de la Convention prévoit :

«La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être
assurée, sans distinction aucune, fondée notamme nt sur le sexe, la race, la couleur,

la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine
nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la
naissance ou toute autre situation».

Selon la jurisprudence consta nte de la Cour, l’article14 de la Convention complète les
autres clauses normatives de la Convention ou de ses protocoles: il n’a pas d’existence
indépendante puisqu’il vaut uniquement pour la «jouissance des droits et libertés» qu’elles

garantissent. Certes, il peut entrer en jeu mê me sans un manquement à leurs exigences et, dans
cette mesure, possède une portée autonome, mais il ne saurait trouver à s’appliquer si les faits
du litige ne tombent pas sous l’empire de l’une au moins de ces clauses (voir Prince
o
Hans-Adam II de Liechtenstein c. Allemagne [GC], n 42527/98, par. 91, CEDH 2001-VIII).

La Cour a déjà constaté que les internés m ilitaires italiens ne sauraient prétendre avoir
une espérance légitime d’obtenir une indemnisation à raison de la détention et du travail forcé et
o
que les faits en cause ne relèvent donc pas du champ d’application du protocole n 1. - 89 -

Cette constatation ne se trouve pas contredite par l’arrêt de la Cour dans l’affaire Stec et

autres. Dans cette affaire, la Cour a jugé que les prestations sociales non basées sur des
cotisations et alimentées par l’impôt général re levaient du champ d’application de l’article 1 du
protocole n 1. La Cour a jugé que si cette dispos ition ne conférait pas un droit à percevoir des

prestations sociales, de quelque type que ce so it, lorsqu’un Etat décidait de créer un régime de
prestations il devait le faire d’une manière compatible avec l’article14 (voir Stec et autres
c/Royaume-Uni (déc.), n 65731/01 et 56900/01, CEDH 2005 ...; confirmée ultérieurement par

l’arrêt de la grande chambre du 12 avril 2006).

Or, la présente espèce doit être distinguée de l’affaire Stec et autres pour les raisons
suivantes. Certes, tant la présente affaire que l’affaire Stec concernaient des prestations sociales

non basées sur les cotisations qui étaient en partie alimentées par l’impôt général. Néanmoins,
tandis que l’affaire Stec portait sur un versement supplémentair e périodique et une pension de
retraite périodique relevant du régime de la sécurité sociale, la présente espèce a pour objet un

versement forfaitaire accordé à titre d’indemnisati on de faits survenus avant même l’entrée en
vigueur de la Convention et représentant, au sen s large, un règlement de dommages causés par
la seconde guerre mondiale. Les versements interv enaient en dehors du cadre de la législation

sur la sécurité sociale et ne sauraient donc être assimilés aux paiements visés dans l’affaire Stec.

La Cour conclut, au vu de cela, que les faits de la présente affaire ne donnent pas lieu à la
protection de l’article14 combiné avec l’article1 du protocole n o 1. Il s’ensuit que les griefs

des requérants sont incompatibles rationne materiae avec les dispositions de la Convention et
de ses protocoles [p.16] au sens de l’article35 par.3 de la Convention et doivent donc être
rejetés en vertu de l’article 35 par. 4.

4. Les requérants (n os2 à 274 et 276) se plaignaient du fait qu’une révision judiciaire des
décisions rendues par l’OIM était exclue en vertu de la loi sur la Fondation. Ils estimaient en

conséquence qu’ils s’étaient vu refuser l’accès à un tribunal indépendant et impartial au sens de
l’article 6 de la Convention, dont la partie pertinente se lit comme suit :

«Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement,…par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui
décidera … des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil…».

La Cour doit d’abord déterminer s’il exista it une «contestation» relative à un «droit» que
l’on peut dire, au moins de manière défenda ble, reconnu en droit interne, qu’il soit ou non
protégé́ de surcroî t par la Convention (voir Neves e Silva c/ Portugal , arrêt du 27avril1989,
o
Série A n 153-A, p. 14, par. 37).

L’absence d’une espérance légitime d’un dro it de propriété en vertu de l’article1 du
o
protocole n 1 ne présuppose pas l’absence d’un droit reconnu «de manière défendable» au sens
de l’article6 de la Convention. Il n’exis te donc pas nécessairement de corrélation entre
l’existence de prétentions visées par l’article1 du protocole n 1 et l’applicabilité de l’article6
de la Convention (voir J.S. et A.S. c/Pologne, n 40732/98, par. 50-51, 24 mai 2005).

La Cour doit donc vérifier s’il existait une contestation portant sur un droit reconnu au
moins de manière défendable en droit intern e, indépendamment du fait que les requérants

n’avaient pas d’espérance légitime d’obtenir ce droit en fin de compte.

Comme il a été indiqué ci-dessus, ni le droit international public, ni le droit interne ne
reconnaissait de créances d’indemnisation pour cause de travail forcé lors de l’entrée en vigueur

de la loi sur la Fondation. Les seules dispos itions légales existantes concernant des créances
pour cause de travail forcé étaient celles de la loi sur la Fondation. Or, en vertu de ces
dispositions, les requérants étaient exclus du bé néfice des prestations, soit parce qu’ils étaient - 90 -

expressément exclus en tant que groupe, soit parce qu’ils ne remplissaient pas les critères
permettant de bénéficier des prestations.

La présente affaire se distingue donc nettement de l’affaire Woś, où la Cour a décidé
qu’un régime d’indemnisation des anciens travailleurs forcés dans le cadre de la Fondation pour

la réconciliation germano-polonaise, qui est différent du régime mis en place par la loi sur la
Fondation, relevait du champ d’application de l’article 6 de la Convention. Dans cette affaire, la
Cour a jugé que le requérant remplissait les crit ères et bénéficiait donc , au moins de manière
défendable, d’un droit à l’indemnisation (voir Woś c/Pologne (déc.), n 22860/02, 1 mars 2005,

confirmée ultérieurement par l’arrêt de la Cour du 8 juin 2006, précité).

Etant donné que les requérants se trouvaie nt manifestement exclus du bénéfice des
prestations prévues par la loi sur la Fondation et que l’indemnisation pour cause de travail forcé

n’a été prévue que récemment, pour la première fo is de l’histoire de la République fédérale
d’Allemagne, et ce uniquement par la loi sur la Fondation, la Cour estime que les requérants ne
sauraient prétendre avoir, même de manière défendable, un droit à l’indemnisation.

Il s’ensuit que l’article 6 par. 1 de la Conve ntion ne s’applique pas aux faits de l’espèce.
Cette partie de la requê te est donc incompatible rationne materiae avec les dispositions de la
Convention et de ses protocoles au sens de l’article 35 par. 3 de la Convention.

E. Le reste des requérants

Au vu de l’ensemble des pièces dont elle dispo se et dans la mesure où l’objet des griefs

relève de sa compétence, la Cour estime que les gr iefs des requérants restants ne font apparaître
aucune violation des droits et libertés définis dans la Convention. Il s’ensuit que cette partie de
la requête doit être déclarée irrecevable en ra ison du fait qu’elle est manifestement mal fondée,

conformément à l’article 35 par. 3 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

La greffière, Le président,

(Signé) Claudia W ESTERDIEK . (Signé) PeLer ORENZEN . - 91 -

LISTE DES REQUÉRANTS

1) A SSOCIAZIONE NAZIONALE REDUCI DALLA PRIGI,DALL’INTERNAMENTO E DALLA
GUERRA DI LIBERAZIONEA.N.R.P.)

2 ) AIROLDGI ASPARE 23 ) BORGOGNONM I ARIO

3 ) ALBONICO GEROLAMO 24 ) BORTOLAMFIERRUCCIO

4 ) ARGELLPI AOLO 25 ) BOZZI ICOLA

5 ) BALEOTTIIGNAZIO 26 ) BROGIGALLIANO

6 ) BALLERINDI ANTE 27 ) BRUNATI UGUSTO

7 ) BARBANO DOMENICO 28 ) BUCCI NGELO

8 ) BARBARAN GIOVANNI 29 ) BURATTOFERRUCCIO

9 ) BARONGI ASTONE 30 ) BUTTO’ ARIO

10 ) BASOCCUBENIGNO 31 ) CALISI IUSEPPE

11 ) BENETTONPIETRO 32 ) CAMINATI ARIO

12 ) BERETTAGIUSEPPE 33 ) CAMPOSFELICIANO

13 ) BERTOLDI RUNO 34 ) CANONICI ODOLFO

14 ) BIANCHI LFREDO 35 ) CAPONERAFRANCESCO

15 ) BIANCHI IUSEPPE 36 ) CARBONIILIPPO

16 ) BIANCSERGIO 37 ) CAROLI RMANDO

17 ) BIANCOLIALFONSO 38 ) CAROVILLANO FRANCESCO

18 ) BITTONI OVILIO 39 ) CARRARAVALENTINO

19 ) BOCEDI IUSEPPE 40 ) CARRESI ETTERIO

20 ) BOLSIERI AETANO 41 ) CASAGRANDE EGIDIO

21 ) BOLZONI ALTER 42 ) CASAGRANDE MARTINO

22 ) BONASSERAMARIO 43 ) CATTELANANTONIO - 92 -

44 ) CAVALERPI AOLO 68 ) DACIGUERRINO

45 ) CECCARELLAI LBERTO 69 ) DAL POS SANTE

46 ) CELLI TTILIO 70 ) DALLA GIUSTINA ANTONIO

47 ) CELOTTI UGENIO 71 ) DALLVECCHIA GIULIO

48 ) CESCONGIOVANNI 72)’AUSILIO ROSA Héritie r

VIGILANTE ANTONIO
49 ) CHIAPPONI RMANDO 73 ) DE CARLI BRUNO

50 ) CIAMPONEGABRIELE 74 ) DE FRANCESCO FERDINANDO

51 ) CIOCCPASQUALE 75 ) DE LUCA ANTONIO

52 ) COCEANGI IOVANNI 76 ) DEL VECCHIO REMO

53 ) CODAGIUSEPPE 77 ) DESINANOANGELO

54 ) COLUGO 78 ) DI CORRADO PASQUALE

55 ) COLLODETAUGUSTO 79 ) DI DOMENICO DANTE LUIGI

56 ) COMINCIOLI FRANCESCO 80 ) DI MAGGIO ANTONIO
BATTISTA

57 ) COMPAGNONS IENATORE 81 ) I ARZORAFFAELE

58 ) CONTEBRUNO 82 ) DI STEFANO GIUSEPPE

59 ) CONTI INICIO 83 ) DITAI RUNO

60 ) CORBANESE MATTEO 84 ) DUSANGELO

61 ) CORTINOVIS PAOLO EMILIO 85 ) EMALDI ARIO

62 ) COSSALI UIGI 86 ) ETERNRAFFAELE

63 ) CREMONA GUERRINO 87 ) FABBRIRANCESCO

64 ) CREMONESEI TTORE 88 ) FALCHI NTONIO

65 ) CROCESAVERIO 89 ) FARIELLO GIULIANA Héritie r

FARIELLO ANIELLO
66 ) DA ROS GIOVANNI 90 ) FERRARI UIGI

67 ) DAGLIPIETRO 91 ) FERI INO - 93 -

92 ) FIENGGIUSEPPE 116 ) GRAZIOLI FRANCESCO

93 ) FILIPPETNARCISO 117 ) GRECCO FRANCESCO

94 ) FINOTI RAZIO 118 ) GREGGIO GIUSEPPE

95 ) FIORDELMONDO VINCENZO 119 ) GRIMALDI BENIAMINO

96 ) FIOFRANCESCANTONIO 120 ) GRIMANDI MARIO

97 ) FIORICANTONINO 121 ) GUERANI LANFRANCO

98 ) FLOCCOVITTORIO 122 ) GUGLIUZZA SALVATORE

99 ) FRANCANAI NNUNZIO 123 ) GUIDONE NICOLA

100 ) FRANZIN GIUSEPPE 124 ) IACONO VINCENZA

101 ) FRANZINI ANGELO 125 ) IACOVINO COSTANTINO

102 ) FRIGERI CINZIO 126 ) IENCINELLA GIULIO

103 ) FURIA ERALDO 127 ) IMBERTI FRANCO

104 ) GAIOT SEBASTIANO 128 ) IZZI GIUSEPPE

105 ) GALBIATI ROSA 129 ) LALLI CONCETTA Héritie r
PERROTTA ANTONIO

106 ) GALLI CARLO 130 ) LAMPUGNANI ERMINIO

107 ) GALLO GUALTIERO 131 ) LAZZARO MARIO

108 ) GAMBARELLI ANTONIO 132 ) LITTERIO MARIA Héritie r

CARRIERO ERMENEGILDO
109 ) GAMBILLARA GASTONE 133 ) LIZZA GIUSEPPE

110 ) GIACHETTO ISEO 134 ) LODOLA GUIDO

111 ) GIACOBELLI CARLO 135 ) LOMBARDO FULVIO

112 ) GIACOMELLI LEO 136 ) MALCHIODI ANTONIO

113 ) GIORDANO GIUSEPPE 137 ) MALCHIODI GIOVANNI

114 ) GIRARDI MAURO 138 ) MARCHESIN ITALO

115 ) GIULIANO NICOLA DOMENICO 139 ) MARINETTO SEVERINO - 94 -

140 ) MASO GIORDANO 164 ) PAGNONCELLI GIULIANO

141 ) MASSARI ANSELMO 165 ) PANZERI BENVENUTO
STEFANO

142 ) MASSIMINO ORAZIO 166 ) PARISI MARIANO

143 ) MAZZA ARISTIDE 167 ) PASETTI MARIO

144 ) MAZZONE CARLO 168 ) PASSADORI FRANCESCO

145 ) MELANDRI VOLFANO 169 ) PASSERA PIETRO

146 ) MELONI LUIGI 170 ) PAVAN PASQUALE

147 ) MENICHELLI ONESTO 171 ) PELLICONI EGISTO

148 ) MERLI GIUSEPPE 172 ) PERACCHI LINO ROMUALDO

149 ) MILANESE CESARE 173 ) PERRONE ANGELO

150 ) MOLINARI ADRIANO 174 ) PEZZA GIUSEPPE

151 ) MOLINARI MARIO 175 ) PEZZIN NARCISO

152 ) MONGARETTO ALDO 176 ) PIAZZA BATTISTA

153 ) MONTAGNA PAOLO 177 ) PIROVANO BRUNO

154 ) MORNI ORLANDO 178 ) PIVA LUIGI

155 ) MORO RAIMONDO 179 ) POCHINTESTA CARLO

156 ) MURDOCCA ALFREDO 180 ) POCHINTESTA TRENTO

157 ) NEGRINI RENZO 181 ) POSULO ANTONIO

158 ) NEMBRINI GIUSEPPE 182 ) POZZI VENTURINA

159 ) NOCENT MARIO 183 ) PROVINI DOMENICO

160 ) OCCHIONI GIOVANNI 184 ) PULCINI GIUSEPPE

161 ) ONNIS ALBERTO 185 ) PULZATO CESARE

162 ) ONTANI ALFREDO 186 ) QUARTESAN FERMO

163 ) OTO SILVIO 187 ) QUERCETTI AMELIA Héritie r
MARASCA - 95 -

188 ) RAMPADO ARDEMIO 212 ) SANTI DOMENICO

189 ) RAPUANO CIRO 213 ) SARGIANI BRUNO

190 ) RASPINI PIETRO ANTONIO 214 ) SARTOR BRUNO

191 ) RAVELLINI ALFREDO 215 ) SATURNO MARIO

192 ) RE SEBASTIANO 216 ) SCAGNELLI ROSA Héritier

SCAGNELLI BENVENUTO
193 ) RENATO ALBERTO 217 ) SCALONI VINCENZO

194 ) RESTA MARIO 218 ) SCANDELLA MARIO

195 ) RICCI ALDO 219 ) SCHINCARIOL ANTONIO

196 ) RIO GIAN RICCARDO 220 ) SCIDA’ DOMENICO CARMELO

197 ) RIZZI PIETRO 221 ) SCOCCA PASQUALE

198 ) ROCCA MARCO 222 ) SEBASTIANI LEANDRO

199 ) ROGNONI MARIO 223 ) SEMERIA ARMANDO

200 ) ROMANO UGO MARCELLO 224 ) SOLARI PRIMO

201 ) ROSSETTI ANGELO 225 ) SOMMARUGA CLAUDIO

202 ) ROSSI ELIO 226 ) SORAVIA ENZO

203 ) ROSSI GAETANO 227 ) SPADA DANTE

204 ) ROTA AMOS 228 ) SPEDINI GIUSEPPE

205 ) ROTTEGLIA MARIO 229 ) SPIDALIERI MARIO ALBERTO

206 ) SABBINI GIOVANNI 230 ) SPINELLI GIUSEPPE

207 ) SAGGIORATO ELVIO 231 ) STALZER MARIO

208 ) SALA GIOVANNI 232 ) STEFANI BRUNO

209 ) SALVAGNO VINICIO 233 ) STEFFAN GIUSEPPE

210 ) SAMORE’ CRISPINO 234 ) STRADIOTTO GUIDO

211 ) SANTELLA GIUSEPPE 235 ) TADINI PIETRO - 96 -

236 ) TAGLIAPIETRA LUIGI 260 ) WEGHER CIRO

237 ) TAGLIAPIETRA VALDIMIRO 261 ) ZANARDO SILLA

238 ) TINELLI UGO 262 ) ZANCHETTA AGOSTINO

239 ) TIRANTI AMELEO 263 ) ZANELLA FRANCESCO

240 ) TOFFANIN LEANDRO 264 ) ZANIBONI LUIGI

241 ) TON CESARE 265 ) ZANOTTI GIANNINO

242 ) TRENTIN ILARIO 266 ) ZEOLI INCORONATA Héritie r
CRISTOFANO DOMENICO

243 ) TREVISIOL LAURA Héritie r 267 ) ZINETTI FRANCO
MAURIZI ENRICI GIOVANNI

244 ) TRIDA EVARISTO 268 ) ZOJA ANGELO

245 ) TUIS GIANNINO 269 ) ZOZZOLI VITTORIO

246 ) VALONCINI PIETRO 270 ) ZUCCHI PAOLO

247 ) VANDONI GIAMBATTISTA 271 ) FERRINI LUIGI, né le 12 mai 1926

248 ) VASSALLI GIACOMO 272 ) BASILE ANTONIO, né le
14 février 1923

249 ) VECCHIARELLI PIETRO 273 ) MALBERTO GIACOMO, né le
12 avril 1921

250 ) VENEZIA SABINO 274 ) ACCIDINI LUCIANO, né le
17 septembre 1925

251 ) VENTURI CESARE 275 ) CORRÀ SEBASTIANO, né le
8 septembre 1927
252 ) VERDONE GIUSEPPE 276 ) DELLA PIAZZA NICOLA, né le

13 janvier 1925
253 ) VIAGGI RICCARDO
___________

254 ) VINCENZI UMBERTO

255 ) VIRONE LUIGI

256 ) VITALI DIEGO

257 ) VITULLO GIOVANNI

258 ) VODARICH ANTONIO

259 ) VOLLMAN EDOARDO - 97 -

ANNEXE 11

COUR SUPRÊME FÉDÉRALE ALLEMANDE ,
AFFAIRE DU MASSACRE DE DISTOMO ,ARRÊT DU 26 JUIN 2003

Traduction anglaise : ILM (2003), vol. 42, p. 1030

COUR SUPRÊME FÉDÉRALE ALLEMANDE :
AFFAIRE DU MASSACRE DE DISTOMO
CITOYENS GRECS c. RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D’ALLEMAGNE 1

[26 juin 2003]

Source : ILM (2003), vol. 42, p. 1030

COUR SUPRÊME FÉDÉRALE
AU NOM DU PEUPLE

ARRÊT

III ZR 245/98

Rendu le :

vendredi 26 juin 2003

Le Greffier du bureau administratif dans l’affaire

Ouvrage de référence : oui

BGHZ : oui

BGHR : oui

___________

ZPO, article 328

Le jugement d’une juridiction grecque conda mnant la République fédérale d’Allemagne au
paiement de dommages intérêts à des ressortissants grecs à raison de crimes de guerre commis par
les troupes allemandes en Grèce au cours de seconde guerre mondiale ne saurait être reconnu,

car un tel jugement porte atteinte au principede l’immunité des États prévu par le droit
international.

1Le présent document a été reproduit et reformaté à partir du texte figurant sur le site Internet de la Cour suprême
allemande (visitseptembre 2003) <http://www.bundesgerichtshof.de/ >. Traduction non officielle par
MlleElisabeth C.Handl, doctorante (Dr.iur.) à de Graz, Autriche, Mag.iur. de l’université de Graz et
titulaire d’un LL.M. de la George Washington University Law School (droit international et comparé). - 98 -

Accord de Londres sur les dettes du 27 février 1953 (BGBl. II, p. 331)

Le moratoire sur l’examen des réclamations visées à l’article 5, paragraphe 2, de l’accord de
Londres sur les dettes a pris fin lors de l’entrée en vigueur du traité du 12 septembre 1990 portant
règlement définitif concernant l’Allemagne («traité deux plus quatre»).

Convention de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, article 2, 3

En vertu du droit international en vigueur à l’époque de la seconde guerre mondiale, les

violations des lois de la guerre par l’Etat étrange r responsable ne faisaient pas naître de créances
d’indemnisation dans le chef des victimes, mais seu lement dans le chef de l’Etat dont elles avaient
la nationalité.

BGB article 839 Fk ; WRV, article 131

En vertu de la conception qui existait en droi t allemand de la responsabilité de l’Etat du fait

de ses agents jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, les faits des forces armées, imputables à
l’Etat et survenus pendant la guerre dans un pays étranger, ne relevaient pas du champ
d’application de la responsabilité de l’Etat du fa it de ses agents consacrée à l’article839 du BGB

combiné avec l’article 131 WRV.

BGH, arrêt du 26 juin 2003 ⎯ III ZR 245/98 ⎯ OLG Cologne

Bonn LG

___________
e r
IIIrs chambre civile de la Cour suprême fédérale, composée du D Rinne, président et des
D Wurm, Streck, Schlick et Dorr, juges, après avoir tenu une audience le 12 juin 2003,

a jugé :

Le jugement rendu par défaut le 14octobre 1999 est confirmé. Les frais supplémentaires
liés à l’instance d’appel sont à la charge des demandeurs.

En droit

Faits de la cause

Les demandeurs sont des ressortissants grecs. Le 10 juin 1944, leurs parents furent fusillés
en Grèce, à l’époque sous occupation allemande, au cours d’une «mesure d’expiation» dirigée
contre le village de Distomo (Voiotia) suite à une confrontation armée entr e des résistants et des

membres d’une unité de la SS faisant partie des fo rces armées allemandes. Ils furent fusillés aux
côtés de 12 résistants capturés et de 300 autres pa ysans, principalement des femmes et des enfants
qui n’avaient pas participé aux luttes des résistants. Le village fut incendié.

Les demandeurs introduisirent une action déclaratoire en tant qu’ayants cause de leurs
parents (à raison de la destruction de la maison de leurs parents et du mobilier et des marchandises
affectés au commerce de leurs parents) ainsi qu ’à titre personnel (à raison de dommages causés à

leur santé et de préjudices subis dans le cadre de leur formation professionnelle et de leur
évolution), tendant à la constatation de leur droit à une réparation ou, à défaut, à une indemnisation. - 99 -

Les juridictions de première instance (Landge richt ou «LG») et d’appel (Oberlandesgericht
ou «OLG») rejetèrent la demande. Un recours en révision fut autorisé, au moyen duquel les

demandeurs continuent de faire valoir leurs prétentions.

Les demandeurs ne comparurent pas à la première audience dans le cadre de l’instance en

révision. Un jugement par défaut fut rendu à leur encontre, contre lequel ils firent opposition dans
le délai prescrit.

En Grèce, la préfecture de Voiotia, représentant entre autres les demandeurs dans la présente

affaire, engagea une action en réparation contre l’Allemagne à raison des massacres de Distomo.
Le 30 octobre 1990, la chambre civile du tribunal de district de Livadia prononça un jugement par
défaut accordant un montant déterminé à titre de dommages intérêts, entre autres aux demandeurs
dans la présente affaire. L’Allemagne forma un po urvoi en cassation de l’arrêt, qui fut rejeté par

l’assemblée plénière de l’Areios Pagos grec le 4 mai 2000. L’exécution du jugement sur les biens
de la défenderesse en Grèce ne put aboutir en raison du fait que le gouvernement grec ne donna pas
la permission nécessaire à cet effet en vertu du droit grec.

Motifs

Le jugement rendu par défaut le 14 octobre 1999 doit être confirmé, parce que le recours en

révision de l’arrêt de la juridiction d’appel, form é par les demandeurs et qui, dans l’ensemble, est
recevable, n’est pas fondé.

A.

C’est à bon droit que la juridiction d’appel a jugé que l’action déclaratoire tendant à la
constatation d’une obligation de ré paration ou d’indemnisation à la ch arge de la défenderesse était

recevable.

La défenderesse a tort d’affirmer que les demandeurs n’auraient pas d’intérêt à exercer une
action déclaratoire au sens de l’articl256, aliné1 e, du code de procédure civile

(Zivilprozeßordnung ou «ZPO») en raison du fait que l’on pourrait raisonnablement s’attendre à ce
qu’ils exercent une action en exécution (voir Zoller/Greger, ZPO, 23 eéd., par. 256, n° 7a avec des
références supplémentaires). L’action déclaratoire n’est en effet pas subsidiaire par rapport à

l’action en exécution. L’action déclaratoire est ouverte même si l’action en exécution pourrait être
exercée si, du point de vue de l’économie procé durale, l’action déclaratoire aboutirait à un
règlement satisfaisant et appropr ié des questions litigieuses (voir BGH, arrêt du
10 mai 1978 ⎯ VIII ZR 166177 ⎯ NJW1978, 1520, 152 ;1arrêt de chambre du

9 juin 1983 ⎯ III ZR 74/82 ⎯NJW1984, 1118, 1119). Une présomption générale en ce sens
existe si, comme c’est le cas en l’espèce, le défende ur est une personne morale de droit public. On
peut donc s’attendre à ce que le dé fendeur s’incline devant un éventu el jugement déclaratif (arrêt

de chambre du 9 juin 1983, précité). Etant donné que la défenderesse affirme qu’elle ne sera pas en
mesure de s’incliner devant un éventuel jugement déclaratif faisant droit à la demande en raison du
fait que de nouvelles contestations naîtraient quant au montant d es dommages intérêts demandés,
on ne saurait s’attendre à ce que cela doive donner lie u à une autre action (une action en exécution

de la part des demandeurs).

B.

Néanmoins, comme il a été jugé à bon droit par la juridiction d’appel, le recours n’est pas
fondé. Les demandeurs ne sont pas en droit de prétendre à une réparation ou à une indemnisation

de la part de la défenderesse. - 100 -

I.

Dans la mesure où le jugement exécutoire rendu par le tribunal régional de Livadia le
30octobre1997 a reconnu ces prétentions particu lières des demandeurs et dans la mesure où
l’objet du litige et les parties devant la juridiction grecque sont identiques à ceux de la présente

espèce, cela n’empêche pas, en vertu de l’effet négatif de la chose jugée, le rejet du présent recours
(voir BGH, arrêts du 2 m0ar964 ⎯ V ZRR 34/62 ⎯ NJW 1964, 1626 et du
26 novembre 1986 ⎯ IVb ZR 90/85 ⎯ NJW 1987, 1146). Le contenu du jugement grec ne lie que

si et dans la mesure où il a été reconnu par les ju ridictions allemandes. Or tel n’est pas le cas en
l’espèce.

1. La convention de Bruxelles concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en
matière civile et commerciale ne s’applique pas à la question de savoir si le jugement [Ndt : lire
«jugement définitif»] du tribunal régional de Li vadia doit être reconnu. En vertu de son
article 1 , paragraphe1, première phrase, la conve ntion s’applique en matière civile et

commerciale. Une interprétation autonome du te rme révèle que les actions en réparation
intentées contre une autorité publique ayant agi dans l’exercice de la puissance publique ne
revêtent pas un caractère civil ni commercial (voir CJCE, arrêt du 21avril1993, affaire

C-172/91, IPRax 1994e,7 avec note Heß er supra, p. 10; Kropholler, Europäisches
Zivilprozessrecht, 6 éd. [1998], art. 1 Conv. Brux., n° 8).

2. En outre, le jugement grec ne saurait davantage être reconnu en vertu de la convention entre la

République fédérale d’Allemagne et le Ro yaume de Grèce relative à la reconnaissance
réciproque et à l’exécution des décisions et tr ansactions judiciaires et des actes publics en
matière civile et commerciale du 4novembre1961 (BGBl. 1963IIp.109). Il ne saurait

davantage être reconnu en vertu de l’article 328 du ZPO. Il n’est pas nécessaire de procéder à
un examen plus détaillé en la matière.

Tant la convention entre l’Allemagne et la Grèce du 4novembre1961 que l’article328 du

ZPO subordonnent la reconnaissance du jugement du tribunal régional de Livadia à la condition
que la Grèce ait été compétente [Ndt : lire «compétente à l’égard de l’objet du litige dans ce pays»],
ce qui est contesté par la République fédérale d’ Allemagne. Cette condition n’est pas imposée de

manière explicite par la disposition pertinente, mais peut au moins être déduite, d’une part, de la
prescription selon laquelle une juridi ction étrangère doit être internationalement compétente (voir
article 328, alinéa 1 , n° 1 ZPO et article 3, n° 3 de la convention du 4 novembre 1961) et, d’autre
part, de l’ordre public (allemand) (article328, alinéa1 er, n°4 du ZPO et article3, n°1 de la

convention du 4novembre1961). Cette condition pr éalable en vue de la reconnaissance n’a pas
été remplie.

a) En vertu du principe de l’immunité (restreinte) des Etats en vertu du droit international, un
Etat peut se prévaloir de l’immunité à l’égard du pouvoir de juridiction d’un autre Etat s’il
s’agit de ses actes souverains ou relevant de l’exercice de la puissance publique (actes iure
imperii). Néanmoins, un Etat n’est pas tenu d’accorder l’immunité de juridiction aux

autres Etats pour ce qui est de leurs actes privés eactes iure gestionis)osvoir BverfGE 16,
27; 46, 342; Gloria, in: Ipsen, Völkerrecht, 4 éd. [1999] par.26, n 16 et suiv.; avis
d’expert Tomuschat/McCaffrey du 24 octobre 2000, p. 6 et suiv., 8, 14, produit devant la

Cour par les demandeurs). Dans cette pers pective classique ce sont les actes publics ou
souverains des forces armées allemandes sur le territoire gr ec occupé au cours de la
seconde guerre mondiale qui formaient l’objet du litige devant le tribunal régional de
Livadia. De prime abord, cela semble exact si l’on se place du point de vue du droit

allemand (loi du for du pays saisi de la demande de reconnaissance du jugement), mais
également en vertu du droit grec qui, de même que le droit allemand, connaît la distinction
entre les actes privés et les actes publics. Dans la mesure où, dans son jugement du

30octobre1997, le tribunal régional de Livadi a n’a pas qualifié les crimes de guerre en
question d’actes publics ou souverains (en général uniquement à cause de la gravité de la - 101 -

violation du droit international), la solutio n n’est pas convaincante sur le plan de la
méthode.

b)Au contraire, on observe de nos jours d es tendances vers une limitation encore plus
poussée du principe de l’immunité de l’Etat, selon lesquelles celui-ci ne s’appliquerait pas
lorsqu’une norme impérative du droit international (jus cogens) a été violée (voir l’exposé

de With, Jura2000, 70, 72 et suiv.; Ambos, JZ1999, 16, 21 et suiv.). Or, d’après la
conception dominante, cela ne correspond pas au droit international en vigueur (voir Heß,
Staatenimmunität bei Distanzdelikten [1992], p 2.92 et sui;.Kammerer.
Kriegsrepressalie oder Kriegsverbrechen? Arch VolkerR Bd 37 [1999], p.307 et suiv.;

Rensmann IPRax 1998, 44, 47; Seidl-Hohenve ldern, IPRax 1996, 52, 53 et suiv.;
Scheffler, Die Bewältigung hoheitlic h begangenen Unrechts dur ch fremde Zivilgerichte
[1997], 87 et suiv. ; a.A. Kokott, Festschrift Rudolf Bernhardt [1995], 135, 148 et suiv.) ;
à défaut, le principe de l’immunité se ré vélerait dans une large mesure inefficace (voir

Reimann, IPRax 1995, 123, 127).

Une autre tentative de limiter (encore davantag e) le principe de l’immunité des Etats peut
être constatée dans des conventions ou proj ets de conventions récents, tels que la

convention européenne du 16mai1972 (BGBl. II34), à laquelle la Grèce n’est toutefois
pas partie. Aux termes de son article 11, un Etat partie à la convention ne peut invoquer
l’immunité de juridiction devant un tribuna l d’un autre Etat contractant lorsque la
procédure a trait à la réparation d’un préjudice corporel ou matériel résultant d’un fait

survenu sur le territoire de l’Etat du for et que l’auteur du dommage y était présent au
moment où ce fait est survenu. Comme il ressort de son libellé, la convention s’applique à
des faits ayant causé des préjudices corporels ou matériels sans distinguer selon que ces
préjudices découlent ou non d’un acte jure imperii (voir Geiger, NJW 1987, 1124, 1125 ;

Heß, supra, [Ndt: ne pas lire «rapport Tomuschat/Mc Caffrey, p.24» (erreur dans la
traduction anglaise)], p. 293). Néanmoins, ce tte règle a été conçue à l’origine pour régler
des incidents différents des faits de l’espèce (tels que des accidents de la circulation causés

par des diplomates étrangers; cf. Heß, supra ; rapport Tomuschat/McCaffrey). De toute
façon, l’article31 de la convention du 16mai1972 prévoit expressément que cette
dernière ne porte pas atteinte aux immunités ou privilèges dont un Etat contractant jouit en
ce qui concerne tout acte ou omission «de ses forces armées ou en relation avec celles-ci,

lorsqu’elles se trouvent sur le territoire d’un autre Etat contractant». Enfin, une
application rétroactive d’une telle «clause dé lictuelle» («Deliktsklausel») soulèverait des
préoccupations sérieuses (voir avis d’expert Tomuschat/McCaffrey, p. 32).

c) En outre, [Ndt : texte omis dans la trad. anglaise : «d’après la doctrine dominante»], des
règles telles que l’article 11 de la convention européenne du 16 mai 1972 n’ont pas encore
acquis le statut de droit international coutumier (voir Heß, IPRax 1994, 10, 14 ; exprimant
des doutes : Geimer, Inernationale Zivilprozeßrecht, 3 éd. [1997], n° 626 c) ; dans un sens

défavorable: Steinberger, State Immunity, in R. Bernhardt, Encyclopedia of Public
Inernational Law, 10 livraison, p. 439). Quoi qu’il en soit, cette disposition ne s’applique
pas à des faits commis par les forces armées en période de guerre, comme c’est le cas en
l’espèce et, a fortiori, elle ne s’applique pas de manière rétroactive à des faits remontant à

la seconde guerre mondiale.

d) L’article100, paragraphe 2, de la Loi fondamentale (Grundgesetz, ci-après «GG»)
n’empêche pas la chambre de rechercher si la défenderesse aurait bénéficié de l’immunité

devant une juridiction grecque en ce qui concer ne le massacre de Distomo au cours de la
seconde guerre mondiale. En vertu de laquelle 100, paragraphe 2, le tribunal doit saisir la
Cour constitutionnelle fédérale en cas de doute sur la question de savoir si une règle de
droit international fait partie du droit allemand (art. 25 GG). Il en va de même en cas de

doute quant à l’existence même d’une règle de droit international ayant les effets
procéduraux susmentionnés. - 102 -

Certains doutes de nature objective ont peut-êtr e existé à l’origine qua nt à l’existence d’une
telle règle de droit international. Or, ces doutes ont entre-temps été écartés par les décisions

suivantes des juridictions supérieures :

Le 17 septembre 2002, la Cour suprême spécial e grecque a jugé, dans une affaire qui portait

sur des prétentions similaires dirigées contre la République fédérale d’ Allemagne et avait été
renvoyée devant elle par l’Areios Pagos,

«qu’en l’état actuel du droit international, il existe toujours une règle internationale

généralement reconnue interdisant qu’un Et at soit assigné dans un autre Etat d’une
action en réparation portant sur des délits commis sur le territoire de l’Etat du for avec
la participation de troupes de l’Etat défendeur, en période de guerre comme en période
de paix».

Au vu de cela, la décision contraire de l’assemb lée plénière de l’Areios Pagos du 4mai2000,
concernant l’action introduite par les demandeurs devant le tribunal régional de Livadia, doit [Ndt :
texte omis dans la trad. anglaise: «en ce qui co ncerne l’appréciation générale de la part des

juridictions grecques sur le plan du droit international»] être considérée comme «dépassée».

Par sa décision du 12 décembre 2002, la Cour eu ropéenne des droits de l’homme (CEDH) a
rejeté [Ndt : lire «déclaré irrecevable»] la requête présentée par les demandeurs, qui avaient

auparavant obtenu gain de cause de vant le tribunal régional de Liva dia, contre la Grèce en raison
du fait que celle-ci n’avait pas donné l’autorisation né cessaire en vertu du code de procédure civile
grecque aux fins de l’exécution sur des biens allemands en Grèce [Ndt : texte omis dans la trad.

anglaise: «(ce qui a été confirmé par les juridi ctions grecques dans le cadre de la procédure
d’exécution»)»]. D’après la CEDH, il n’a pas été établi

«qu’il soit déjà admis en droit internati onal que les Etats ne peuvent prétendre à

l’immunité en cas d’actions civiles en dommages-intérêts pour crimes contre
l’humanité qui sont introduites su r le sol d’un autre Etat (voir Al-Adsani
c. Royaume-Uni, [requête n° 35763/97, CEDH 2001-XI] op. cit., par. 66). Il ne saurait
donc être demandé au gouvernement grec d’out repasser contre son gré la règle de

l’immunité des Etats. Cela est au moins vr ai dans la situation du droit international
public actuelle, telle que la Cour l’a constaté dans l’affaire Al-Adsani précitée, ce qui
n’exclut pas un développement du droit international coutumier dans le futur.»

Les deux décisions sont conformes à l’avis de la chambre.

II.

En ce qui concerne les fondements des prétentions pris en compte par la juridiction d’appel,
il convient de distinguer selon qu’il s’agit d’une responsabilité de la défenderesse basée sur des
obligations indépendantes de la République fédérale d’Allemagne postérieures à la guerre, ou bien

d’une responsabilité de la Répub lique fédérale d’Allemagne à raison d’une obligation du Reich
allemand disparu, ayant un rapport la seconde guerr e mondiale, dont elle serait tenue en tant que
successeur fonctionnel du Reich (voir art. 134, alinéa 4, 135a, alinéa 1 , n°1 de la Loi

fondamentale ; BverfGE 15, 126, 133 et suiv. ;earrê ts de chambre BGHZ 16, 184, 188 et suiv. ; 36,
245, 248 et suiv. : Kreft in BGB-RGRK 12 éd., par. 839, n° 67).

C’est à bon droit que la juridiction d’appel a conclu qu’en l’espèce, la première option est

dépourvue de base légale. Elle a estimé à bon droit que les prétentions des demandeurs ne
relevaient pas du champ d’application de la loi fé dérale sur l’indemnisation des victimes de la
persécution nazie (Bundesentschädigungsgesetz, ci-après «BEG») du 18 septembre 1953 (BGBl. I,
p. 1387). En vertu de son article 1 e, alinéa 1, le BEG s’applique aux personnes ayant persécutées - 103 -

au moyen d’actes de violence nationaux socialiste s entre le 30janvier1933 et le 8mai1945 en
raison de leur opposition politique au national-socialisme, à cause de leur race, de leur religion ou

de leur idéologie (les causes de persécution) et qui ont en conséquence perdu leur vie, subi des
dommages corporels et des préjudices affectant leur santé, leur liberté, leur propriété, leurs biens et
leur évolution professionnelle ou économique (victimes). Les personnes ayant été persécutées en

raison du fait que leur conscience les avait poussées à prendre le risque de s’opposer activement au
mépris affiché par le régime à l’égard de la dignité humaine et à la destruction de vies humaines qui
ne pourrait trouver une justification morale même dans la guerre, ont été traitées de la même
manière les personnes ayant été persécutées à cau se de leurs convictions politiques (article1 e,

alinéa2 du BEG). Seules les mesures de persécution motivées par l’une des causes cieressus
énumérées constituaient des actes de vi olence nationauxsocialistes (article1 , alinéa3, première
phrase, du BEG). D’après les constatations de la ju ridiction d’appel, la destruction du village de

Distomo et l’exécution de ses habitants ne constituaient pas des actes de violence
nationauxsocialistes. Cette Cour ne remettra pas en question les constatati ons de la juridiction
inférieure selon lesquelles ces événements n’étaien t motivés ni par l’opposition politique, ni par la
race, ni par la religion ou l’idéologie.

III.

1. La juridiction d’appel a jugé que les de mandeurs ne pouvaient davantage prétendre à des
dommagesintérêts contre la défenderesse en ta nt que successeur fonctionnel du Reich allemand.
La juridiction d’appel a laissé sans réponse la questi on de savoir si l’article5, paragraphe2, de
l’accord de Londres sur les dettes du 27février195 3 (BGBl.II1953, 336) était applicable.

Néanmoins, elle n’a pas estimé que cet accord l’ empêchât d’examiner la demande de ce point de
vue et de la rejeter définitivement. Cela est correct quant au résultat atteint.

a) En vertu de l’article5, paragraphe2, de l’ accord de Londres sur les dettes, qui est également

devenu obligatoire l’égard de la Grèce (voir av is du 4juillet1956, BGBl.IIS. 864; entré en
vigueur le 21avril1956), «l’examen des créan ces issues de la deuxième guerre mondiale des
pays qui ont été en guerre avec l’Allemagne ou ont été occupés par elle au cours de cette

guerre, et des ressortissants de ces pays, à l’encontre du Reich et des agences du Reich … sera
différé jusqu’au règlement définitif du problème des réparations». En ce qui concerne les
conséquences juridiques, la Cour suprême fédé rale a jugé que, dans l’attente d’un règlement
définitif, cette disposition devait être assimilée à un moratoire pour une durée indéterminée. En

conséquence, ces créances étai ent temporairement suspendues et devaient donc être écartées
[Ndt: texte omis «car dénuées de fondement à ce moment-là»] en raison du fait qu’elles
n’étaient pas arrivées à échéance (BGHZ16, 207, 211 et suiv.; 18, 22, 30; BGH, arrêts du

26 février 1963 ⎯ VI ZR 85/62 ⎯ MDR 1963, 492 et du 19 juin 1973 ⎯ VI ZR 74/70
NJW 1973, 1549, 1552). En d’autres termes, si une créance relevait du champ d’application de
l’article5, paragraphe2, une juridiction ne p ouvait l’examiner sur le fond et ne pouvait donc
[Ndt : texte omis «en règle géné rale»] l’écarter définitivement (BGH, arrêt du 26 février 1963,

supra et du 19 juin 1973, supra).

b) Or, le moratoire découlant de l’accord de L ondres sur les dettes est devenu sans objet lors du
règlement définitif concernant l’Allemagne intervenu à l’occasion de la réunification allemande

(accord «deux plus quatre» du 12septembre1990, BGBl.II p.1318; entré en vigueur le
15mars1991, BGBl.II p.585). La chambre a suiv i à cet égard les décisions des juridictions
supérieures (OVG Münster, NJW 1998, 2302 ; OLG Stuttgart, NJW 2000, 2680 ; OLG Hamm

NJW2000, 3577, 3579; KGReport2000, 257, 259 et suiv.) et, quant au résultat, l’avis e os
unanime des auteurs sur cette question ( voir Seidl-Hohenveldern, Völkerrecht, 9 éd., n 1871
et suiv., Blumenwitz, NJW1990. 3041, 3042; Dolzer, NJW2000, 2480, 2481; Eichhorn,
Reparation als völkerrechtliche Deliktshaftung [1992] , p.144 et suiv.; v.Goetze, NJW1990,

2161, 2168; Kammerer, ArchVölkerR,t.37 [1999], 283 et suiv., 312 et suiv., 315; Kempen,
Die deutschpolnische Grenze nach der Regelung d es Zwei-plus-Vier-Vertrages [1997], 208 et - 104 -

suiv., 218 et suiv. ; Paech, KritJustiz 1999, 381, 391 ; Rauschning, DVB l. 1990, 1275, 1279 et
suiv. ; id., JuS 1991, 977, 983 ; Weiß, JA 1991, 56, 60). L’accord «deux plus quatre» ne saurait

certes être qualifié de traité de paix au sens classique du terme, étant donné que ces derniers
régissent normalement la fin de l’état de guerre, le rétablissement des relations de paix et
prévoient un règlement complet de toutes les questions [Ndt : texte omis «de droit»] liées à la
guerre. Néanmoins, l’accord avait pour objectif déclaré de parvenir à un règlement définitif

concernant l’Allemagne, et y il était clairement affirmé qu’il n’y aurait pas d’autre règlement
des questions de droit liées à la seconde guerre mondiale au moyen d’un traité [Ndt : texte omis
«(de paix)»]. Il s’ensuit que, d’après la volonté des Etats contractants, la question des
réparations allemandes ne devrait plus faire l’objet d’un règlement conventionnel. En outre, le

gouvernement fédéral allemand a déclaré devant le Bundestag le 27 octobre 1997 qu’en raison
des divergences bien connues qui existaient entre les [Ndt : texte omis «quatre principales»]
puissances victorieuses après la seconde guerre mondiale, il n’avait pas été possible de parvenir
à un règlement définitif des cr éances de réparation comme il était prévu dans l’accord de

Londres sur les dettes, mais que, cinquante ans aprè s la fin de la seconde guerre mondiale, «la
question des réparations a[vait] perdu son actualité», ce dont le gouvernement fédéral avait tenu
compte en concluant l’accord sur le règl ement définitif concernant l’Allemagne

(BT ⎯ Drucks 13/8840, p. 2 ; dans ce sens également MdB Bosbach au cours des débats en
séance plénière du Bundestag du 6juillet2000, BT-Plenarprot.14/114, p.10755). Cette
opinion de la défenderesse devrait être sou lignée. L’affirmation supplémentaire de la
défenderesse en l’espèce, selon laquelle l’accord «deux plus quatre» exclurait définitivement

toutes les réclamations individuelles relevant de l’article5, paragraphe2, de l’accord de
Londres sur les dettes (voir également Eichhorn, cité supra, p. 144 et suiv.), n’est pas fondée en
ce qui concerne les créan ces des demandeurs. Etant donné qu e la Grèce n’était pas partie à
l’accord, on peut s’interroger sur l’origine éventuel le d’une renonciation de la part de la Grèce

aux créances individuelles au détriment de ses ressortissants ainsi que sur le fondement de
l’efficacité d’une telle renonciati on. Le traité du 18mars1960 en tre la République fédérale
d’Allemagne et le Royaume de Grèce concernant les indemnisations en faveur de ressortissants
grecs ayant fait l’objet de mesures de persécution nationalsocialistes BGBl.II p.1597), en

vertu duquel la défenderesse a ve rsé 115 millions de marks allema nds à la Grèce, excluait déjà
de manière explicite du règlement, en vertu de son articleIII, «les éventuelles prétentions de
ressortissants grecs en vertu d’un texte législa tif» à l’encontre de la République fédérale

d’Allemagne.

2. Etant donné que l’article 5, paragraphe 2, de l’accord de Londres sur les dettes, qui aurait
été applicable à l’égard de la demande, n’exclut pl us l’examen de celle-ci, la loi générale relative

aux conséquences de la guerre (Allgemeines Kr iegsfolgengesetz ou «AKG») du 5 novembre 1957
(BGBl. I p. 1747) ne fait pas obstacle à la demande. Néanmoins, la juridiction d’appel a également
laissé cette question sans réponse. L’AKG prévoit l’ extinction de certaines créances, entre autres à

l’égard du Reich allemand, tout en disposant que cette loi ne porte pas atteinte à l’accord de
Londres sur les dettes (article101 AKG, voir Féaux de la Croix, AKG [1959], par.101, note3
et suiv.). Il s’ensuit que les créances visées par l’ accord de Londres sur les dettes ne relèvent pas
de la loi générale sur les consé quences de la guerre (Kammerer, supra, p. 312, note de bas de

page 127).

3. Enfin, la créance visée en l’espèce n’est pas davantage exclue par le traité gréco allemand
susmentionné du 18mars1960. En effet, ce traité ne régit que les conséquences des mesures de

persécutions nationalessocialistes et son app lication à l’égard d’éventuelles créances de
ressortissants grecs fondées sur des textes législatifs est expressément exclue. - 105 -

IV.

Pour apprécier les éventuelles créances de réparation ou d’indemnisation à l’encontre du
Reich allemand au sujet desquelles la République fédérale d’Allemagne pourrait être tenue, il y a
lieu de tenir compte de la situation juridique à l’ époque de la commission du fait (1944). En effet,
même si la République fédérale doit payer ces dett es, ces dernières ne restent que des «obligations
er
du Reich» (voir article 135a, alinéa 1 , n° 1 GG). Même en vertu de la théorie de l’identité entre la
République fédérale et le Re ich (cf. BVerfGE 36, 1, 15 et suiv.; BGH, ordonnance du
17 décembre 1998 ⎯ IX ZB 59/97 ⎯ NJW-RR 1999, 1007), la République fédérale ne serait pas
tenue des dettes du Reich [Ndt : texte omis «en vertu d’une obligation autonome»], telle que celle

concernant les dettes qu’elle a contractées depuis sa naissance (BVerfGE 15, 126, 145 ; pour ce qui
est de la délimitation, voir arrêt de chambre BGHZ 29, 22 et suiv. ; 36, 245, 247). Par conséquent,
en ce qui concerne les causes de prétentions pouva nt être retenues contre le Reich, il n’est pas

possible de tenir compte de l’évolution du droit ni des mutations des conceptions juridiques, par
exemple à la lumière de la loi fondamentale act uelle ou des changements intervenus en droit
international public. Enfin, il va de soi qu’aux fi ns de l’appréciation de la situation juridique
pertinente de 1944, il n’y a pas lieu de tenir compte de l’idéologie national-socialiste.

Or, lorsque l’on se place dans cette perspective, il s’avère que les demandeurs ne possèdent
pas de créances de réparation ou d’indemnisation contre le Reich allema nd à raison des incidents
survenus à Distomo le 10juin1944, dont la Ré publique fédérale d’Allemagne devrait assumer la

responsabilité.

1. La juridiction d’appel a jugé que les demandeurs n’étaient pas fondés à réclamer une réparation
ou une indemnisation à raison d’une violatio n du droit international. D’après son

raisonnement, les faits en question constituent des crimes de guerre mais, conformément aux
principes généralement acceptés du droit interna tional, le droit à réparation n’appartient pas
[Ndt : texte omis «en principe»] à la personne l ésée, mais à seulement l’Etat dont celle-ci a la
nationalité.

a) Telle était la conception juridique à l’époque qui est pertinente en l’espèce (voir BverfGE
94, 315, 329 et suiv.). La conception traditionne lle du droit international en tant que droit
interétatique ne considér ait pas la personne physique comme un sujet du droit

international et ne la protégeait donc qu’indir ectement. Si une personne avait été traitée
par un Etat étranger d’une manière portant attein te au droit international, le droit d’agir
n’appartenait qu’à l’Etat dont elle avait la nationalité. Au moyen de la protection
diplomatique, l’Etat fait valoir son droit, à savoir le droit d’assurer, au nom de ses

ressortissants, le respect des règles du droit in ternational. Le principe selon lequel seuls
les Etats avaient le droit d’agir s’appliquait ég alement, entre 1943 et 1945, en matière de
violations des droits de l’homme. Une personne physique ne pouvait [Ndt : texte omis
«en principe»] ni demander la reconnaissance d’un fait illicite en tant que tel, ni le

paiement d’une indemnisation. En outre, ni en vertu du droit international, ni en vertu des
droits nationaux, un particulier ne possédait un droit [Ndt : texte omis «subjectif»] lui
permettant de réclamer, y compris en justice, l’exercice de la protection diplomatique par
l’Etat dont il était le ressortissant. Cela est conforme à l’article 2 de la convention de La

Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre du 18octobre1907 (ci-après
«convention de La Haye»), selon lequel les dispositions de la convention «ne sont
applicables qu’entre les puissances contractantes», ainsi qu’à son article3 aux termes
duquel une «partie belligérant e» est tenue à indemnité (envers une autre partie

belligérante).

Comme la Cour constitutionnelle fé dérale l’a en outre expliqué ( supra), ce n’est que dans
le cadre de l’évolution plus récente prévoy ant une protection plus poussée des droits de

l’homme, que le droit international confère des droits aux particuliers et autorise d’autres
sujets du droit international à intervenir, en vertu de résolutions du Conseil de sécurité des - 106 -

Nations Unies, en cas de violations graves des droits de l’homme, et met en place des
systèmes de protection conventionnels permettant à la personne elle-même de faire valoir

son droit. Or, comme il a déjà été mentionné, cela n’est pas pertinent en l’espèce.

b)De même, au regard de l’article4 de la Constitution de la République de Weimar
(Weimarer Reichsverfassung, ou WRV), les de mandeurs ne disposaient pas d’un droit

d’action propre en vertu du droit international. En fait, cette disposition constitutionnelle
prévoit «l’applicabilité directe des règles du dr oit international» même en faveur des
personnes physiques qui pourraient donc, le cas échéant, introduire des actions en se
prévalant du droit international (Anschütz, Die Verfassung der Deutschen Reichs, 12 éd., e

p.61). Or cela présupposait que les dispos itions pertinentes du jour international
autorisent les personnes physiques à introduire de telles actions individuelles. Tel n’était
pas le cas de [Ndt : omis «l’art. 3 de»] la convention de La Haye, qui est le seul texte de
droit international pertinent dans le présent contexte.

c) Cette opinion ne se trouve pas remise en question [Ndt : omis «par rapport au moment de
la commission des faits pertinent en l’espèce»] par l’avis d’expert de Fleiner (p.23 et
suiv.), produit par les demandeurs, concer nant la reconnaissance progressive des

personnes physiques en tant que sujets du droit international. L’avis d’expert de Fleiner
n’établit pas le caractère erroné de la consta tation de la juridiction d’appel selon laquelle
l’article3 de la convention de La Haye n’accorde pas aux personnes physiques [Ndt:
omis «lésées dans leurs droits»] la prérogative d’assigner un Etat étranger en réparation de

dommages. Même la qualification de ces crimes de crimes «individualisés» (Fleiner,
p.29), ne pouvant faire l’objet de traités en tre les Etats concernés, ne réfute pas la
constatation de la juridiction d’appel. Rien ne donne à penser qu’une telle conception ait
existé en 1944. L’opinion selon laquelle, même si les faits en question relèvent également

du droit international de la guerre, ils ne constituent toutefois que des mesures de police de
l’occupant à l’encontre de la population civile , se situant en dehors des événements de la
guerre (avis d’expert de Fleiner, p. 19 ; voi r également Paech, Krit. Justiz 1999, 380, 395

et suiv.), ne se trouve pas davantage en contradiction avec l’analyse classique (en vertu du
droit international) pour la période en question. Les faits liés au massacre de Distomo, qui
constituait sans doute un acte criminel, ne font pas l’objet d’une contestation. Il s’agissait
d’une «mesure d’expiation» perpétrée par une unité de la SS faisant partie de l’armée

allemande en rapport avec des confrontations armées avec des résistants. Cette mesure
participait de l’exercice de la force armée su r un territoire ennemi occupé et relève donc
du champ d’application de la convention de La Haye concernant les lois et coutumes de la
guerre sur terre (voir art. 42 et suiv., 46 et 50 de l’annexe à la convention). Le fait que les

victimes étaient des civils sans défense n’ ayant pas participé aux combats n’a pas
d’incidence sur la constatation selon la quelle les actes en question constituent des
opérations militaires, illicites à tous points de vue. Cette constatation est conforme aux
conclusions de la Cour suprême sp éciale grecque qui, dans son arrêt du

17 septembre 2002 (voir supra , I.2.d.), a qualifié d’«actes de guerre» des événements
comparables survenus sur le territoire grec occupé.

2. Quoi qu’il en soit, la juridiction d’appel est parvenue à un résultat correct en jugeant que les

demandeurs ne disposaient pas non plus d’un dro it d’action contre le Reich allemand à raison
de la violation d’obligations de ses agents en vertu du droit national , en d’autres termes
conformément aux règles générales de conflit de lois prévues par le droit allemand de la
responsabilité de l’Etat (Kreuzer, in: MünchKomm/BGB 3 eéd., art.38 EGBGB, n°277, avec

des références supplémentaires).

En plus du droit d’action de l’Etat d’origine en vertu du droit international contre l’Etat auquel
le crime de guerre est imputable, d’éventuelles actions en réparation individuelles des victimes

en vertu du droit [Ndt : omis «(civil)»] national étaient et sont toujours parfaitement possibles.
Certains auteurs affirment que le droit d’acti on individuel serait absorbé par le droit d’action - 107 -

international (voir Granow, AÖR 77 [1951/52], 67, 72 et suiv. ; Feaux de la Croix, NJW 1960,
2268, 2269; Eichhorn, Reparation als völkerrech tliche Deliktshaftung [1992], p.78 et suiv.:

«Absorption des Individualreparationsanspruch es»). Cependant, la Cour constitutionnelle
fédérale a jugé qu’il n’existait pas de règle gé nérale de droit intern ational selon laquelle les
prétentions liées à des événements de guerre, qui sont basées sur le droit national, ne pourraient
pas être invoquées individuellement, mais seulement au niveau interétatique (BVerfGE 94, 315,

330 et suiv.). Bien qu’il ne soit pas nécessaire d’entrer dans les détails, il est possible que
l’existence d’une telle règle ne puisse pas non pl us être établie pour l’époque de la seconde
guerre mondiale.

a) La juridiction d’appel a jugé qu’il n’existait pas de droit d’action en vertu de l’article 839
du Code civil (Bürgerliches Gesetzbuch ou «BGB») combiné avec l’article131 de la
WRV, pour les raisons suivantes. L’Etat n’est tenu de réparer les préjudices que si
l’obligation de service [Ndt : omis «violée»] existait égal ement à l’égard de la personne

lésée (effet des obligations de serviee à l’ égard des tiers, ou «Drittbezogenheit»; voir
Ossenbühl, Staatshaftungsrecht, 5 éd., p.56). En particulie r, la majorité des auteurs
estiment que les obligations de service produisen t des effets à l’égard des tiers en cas de
violation de droits absolus. Ainsi, une personne ayant subi un préjudice direct pourrait

réclamer une réparation dans un tel cas. Néanmoins, cela ne s’applique pas aux
dommages de guerre, à savoir aux désavantages et aux préjudices affectant la personne, la
propriété ou les biens des non-combattants qui ont été causés par des actes de guerre ou

des actes d’occupation et, en particulier, par le recours à la force armée. La guerre
constitue une situation exceptionnelle en droit in ternational. Elle se caractérise par un
recours massif à la force, qui non seulement men ace les intérêts juridiques d’un Etat et de
ses ressortissants, mais devient également la base de l’ensemble des relations entre

plusieurs Etats. Dans cette situation, qui se ca ractérise par le recours à la force, le régime
juridique jusque-là en vigueur se trouve dans une large mesure suspendu et un régime
juridique d’exception ( jus in bello ) vient se substituer aux règles de droit ayant été en
vigueur jusque-là [Ndt : lire «normalement en vigueur»]. Danslecadredecerégime

juridique d’exception, les règles qui, en temps de paix, déterminaient les conditions de la
responsabilité du fait de violations d’obligations de service, ne s’appliquent pas. L’idée
selon laquelle les parties belligérantes étaient tenues à l’égard de plusieurs millions de
victimes et de personnes lésées sur le fondement des principes de la responsabilité

délictuelle serait donc étrangère au contexte du droit de la responsabilité de l’Etat du fait
de ses agents. Au contraire, en cas de con frontations armées, ce sont les règles du droit
international de la guerre, venant se substituer au droit de la responsabilité de l’Etat du fait
de ses agents, qui devraient s’appliquer.

La juridiction d’appel a ensuite déclaré que la situation pourrait être différente au cas où,
comme en l’espèce, les agents de l’Etat n’auraient pas agi dans le cadre du droit applicable
aux faits de guerre, notamment s’ils ont agi en violation de leurs obligations positives et

négatives prévues dans la convention de La Ha ye concernant les lois et coutumes de la
guerre sur terre. La question qui se pose est celle de savoir si, dans un tel cas, un droit
d’agir en réparation appartient non seulement les Etats, mais également à la personne dont
les droits ont été violés. La juridiction d’appel a examiné l’article 3 de la convention de la

Haye et elle est arrivée à la conclusion que cette disposition n’instituait un droit [Ndt :
omis «subjectif»] à réparation qu’en faveur de la «partie belligérante» affectée, mais non
pas en faveur de la personne concernée.

b)La chambre se rallie au raisonnement de la juridiction d’appel quant au résultat.
Conformément à la conception et à l’économie générale du droit allemand en vigueur à
l’époque de la commission des faits (1944), l es actes militaires en période de guerre dans

un pays étranger qui, en vertu du droit interna tional, sont imputables au Reich allemand,
ne relevaient pas du champ d’application de la responsabilité de l’Etat du fait de ses
agents consacrée à l’article 839 du BGB combiné avec l’article 131 WRV (pour ce qui est - 108 -

de l’idée selon laquelle l’articl131 WR V continuerait de s’appliquer, voir
Staudinger/Wurm [2002], art. 839, n° 8).

er
aa)Néanmoins, il ressort du libellé de l’article839, alinéa1 , du BGB que tous les
éléments constitutifs de cette disposition sont réunis. En effet, la «mesure
d’expiation» perpétrée par l’unité de la SS allemande dans le village de Distomo

[Ndt: omis «le 10juin1944»], ayant donné lieu à des exécutions de masse et à la
destruction de maisons, constituait un acte des forces allemandes d’occupation. Il ne
fait pas de doute qu’il s’agissait d’un acte relevant de l’exercice de la puissance
publique qui était imputable à l’Etat, bien que le commandant de l’unité ait agi

contrairement aux ordres des autorités supérieures et ait commis un crime de guerre
en ordonnant le massacre. Comme il a déjà été mentionné ci-dessus, le fait que le
massacre de Distomo soit un crime commis par la SS n’affecte pas le rapport de ces
actes avec la guerre. L’unité de la SS responsable faisait partie de l’armée

allemande. Sur le plan de la responsabilité de l’Etat du fait de ses agents, ces faits ne
sauraient être traités comme étant distincts des événements de guerre, car la
«Waffen-SS» était généralement considérée comme faisant partie des forces armées
pour des raisons tactiques et, dans le cas c oncret, l’incident avait été précédé de

confrontations armées avec les résistants . Il n’est pas nécessaire de discuter
davantage du fait que, même à l’époque, en situation de guerre, les obligations de
service d’un soldat comportaient celle de ne pas porter atteinte à la vie et à des biens

à l’étranger d’une manière contraire au dro it international et constitutive de crimes
de guerre, faits qui ont été commis même intentionnellement en l’espèce.
Contrairement aux conclusions de la juridiction d’appel, ces obligations de service
produisaient également des effets à l’égard des personnes physiques [Ndt : lire

«personnes concernées (les victimes)»]. Il s’agissait donc [Ndt : omis «en vertu du
droit de la responsabilité de l’État du fait de ses agents»] d’obligations produisant
des effets à l’égard des tiers.

bb)Compte tenu des conceptions de l’époque c oncernant la guerre en général, le régime
international de la responsabilité pour viol ation des lois de la guerre (qui était
largement considéré comme étant exclusif) et la [Ndt : omis «la règle classique de»]
l’article 131 de la WRV, la disposition concernant la responsabilité de l’Etat, qui ne

reconnaissait qu’«en principe» la responsab ilité de l’Etat du fait de ses agents, on
peut de même estimer qu’un Etat n’était p as tenu, sur le fondement du droit interne
de la responsabilité de l’Etat du fait de ses agents, à l’égard des étrangers ayant subi
des dommages à la suite d’actes de guerre accomplis dans un pays étranger.

1) Comme la juridiction d’appel l’a co rrectement constaté, en droit international,
la guerre était considérée comme un état d’exception qui, de par sa nature
même, vise au recours à la force et suspend dans une large mesure le droit

applicable en temps de paix. La responsabilité à raison du commencement
d’une guerre et les conséquences de l’inévitable recours collectif à la force,
ainsi que la responsabilité à raison de crimes de guerre individuels commis par
des personnes appartenant aux puissances belligérantes étaient réglementées (ou

du moins étaient perçues comme nécessitant une réglementation) au niveau
international entre les Etats belligérants. En conséquence, en vertu du droit
international général, l’Etat ayant commencé une guerre illicite répond à l’égard
de l’Etat lésé de tous les dommages causés par le commencement illicite de la
e
guerre (voir Berber, Lehrbuch des Völkerrechts,II Bd.Kriegsrecht, 2 éd.
[1969] par.48, p.238 et suiv.). De mê me, la partie belligérante qui, au cours
d’une guerre, viole des principes reconnus du droit international, est tenue à

raison des dommages que cette violation a causés à un autre Etat. Cela inclut la
responsabilité à raison des actes de t outes les personnes appartenant à la
puissance belligérante, et ce non seulement lorsqu’elles agissent dans les limites - 109 -

de leurs compétences, mais également lorsqu’elles agissent en l’absence d’ordre
ou même contrairement à un ordre (voir Berber, cité supra, p. 238). En raison

de cette conception envisageant la guerre [Ndt : omis «principalement»] comme
un recours collectif à la force entre Etats (cf. Gursky, AWD1961, 12, 14 et
suiv. ; la position de Féaux de la Croix fait également état de ce point de vue:

NJW 1960, 2268, 2269), il n’était pas possi ble, du moins à l’époque, de penser
qu’un Etat belligérant pût également être directement responsable à l’égard des
victimes des crimes commis par ses forces armées au cours d’une guerre dans
un pays étranger. Même Kelsen (Unrec ht und Unrechtsfolge im Volkerrecht,

ZöR Bd. XII [1932], 482, 522 et suiv.), qui exprimait déjà en 1932 l’avis selon
lequel un fait internationalement illic ite pouvait porter préjudice non seulement
à un Etat, mais également à une personne physique, estimait seulement qu’il

était possible que la personne concernée se vît reconnaître une qualité pour agir
devant une juridiction internationale. Néanmoins, il soulignait dans le même
temps que, d’après le droit en vigueu r, seul un Etat pouvait réclamer des
sanctions à raison d’un fait internationalement illicite.

2) Au vu de la conception juridique en vigueur à l’époque, il semble exclu que le
Reich allemand ait entendu, au moyen de sa législation sur la responsabilité de
l’Etat du fait de ses agents, accorder aux ressortissants étrangers ayant subi des

préjudices à la suite d’actes de guerre commis par des soldats allemands
contrairement au droit internationa l un droit individuel à réclamer une
réparation. Cette conclusion se tr ouve confirmée par l’exclusion de
responsabilité prévue à l’article 7 de la loi sur la responsabilité du Reich du fait

de ses agents (Reichsbeamtenhaftungsgesetz ou «RBHG») du 22mai1910
(RGBl., p.798). Cette disposition ne permettait aux ressortissants étrangers
d’intenter une action en réparation contre le Reich que lorsque le chancelier du

Reich avait annoncé, au journal officiel du Reich, qu’une loi de l’Etat étranger
ou un traité international prévoyait la réciprocité. Cette exclusion de la
responsabilité de l’Etat envers les étrangers au domaine si vaste était en vigueur
pour la République fédérale d’Allemagne jusqu’au 1 erjuillet 1992 (art. 6 du

Gesetz über dienstrechtliche Regelunge n für Verwendungen im Ausland du
28juillet1993 [BGBl. I p.1394, 1398]). Depuis que la loi fondamentale est
applicable et depuis l’entrée en vigue ur du droit de l’Union européenne,

l’exclusion était devenue très controversée pour des raisons constitutionnelles et
politiques (cf. ssenbühl, supra, p. 98 et suiv. avec des références
supplémentaires; MünchKomm-Papier, 3 e éd., par. 839 n° 340 et suiv.).
Néanmoins, jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, cette exclusion de

responsabilité ne pouvait être remise en question, en vertu des conceptions
générales concernant le droit allemand de la responsabilité de l’Etat (cf. RG JW
1926, 1332; RGZ 128, 238, 240; Anschütz, supra, 14 éd., II Hauptteil,
art. 131, obs. 14, p. 613 ; Delius, Die Beamtenhaftpflichtgesetze, 4 e éd., p. 23 et

suiv.). En revanche, en ce qui concerne la responsabilité de l’Etat du fait de ses
agents pour violation de leurs obligati ons de service, la constitution de la
République de Weimar prévoyait san s doute même des exceptions à la

responsabilité à raison des obligations de service, quoique dans une mesure
limitée (art. 131 WRV ; voir Anschütz, supra, obs. 13 p. 612 et suiv. ; pour une
interprétation de l’article 34 GG dans sa rédaction actuellement en vigueur, voir
Ossenbühl, supra, p.96 et suiv.; Papier, supra, n°332, donnant tous des

références supplémentaires). D’autre part, la réciprocité, qui n’était pas prévue
dans le cadre des relations avec la Gr èce avant la fin de la seconde guerre
mondiale (cf. avis du 31mai1957; BGBl. I. p.607), ne pouvait être attendue

en matière de responsabilité de l’Etat à raison de prétentions individuelles liées
aux conséquences de la gu erre dans un Etat étranger car, comme il a déjà été
mentionné ci-dessus, la responsabilité pour crimes internationaux relève - 110 -

exclusivement du droit international. En d’autres termes, la réciprocité était
pratiquement impossible.

3) Au vu du contexte de l’époque, il est explicable que le Reich allemand ait édicté
plusieurs dispositions au cours de la seconde guerre mondiale qui, sans
constituer des faits illicites nationaux socialistes (cf. BVerfGE 23, 98, 106 ; 54,

53, 68 ; BGHZ 16, 350, 353 et suiv. ; 26, 91, 93), ne contiennent pas d’éléments
permettant de conclure que, d’après les conceptions juridiques de 1944, le Reich
allemand aurait été responsable à l’égard de personnes lésées à raison des
crimes de guerre internationaux commis par ses forces armées dans un Etat

étranger.

aa) En ce qui concerne les dommages causés aux personnes par la guerre, le
règlement sur l’indemnisation d es dommages aux personnes (règlement

sur l’indemnisation des dommages causés aux personnes ou
«PersonenschadenVO») du 10 novembre 1940 (RGBl. I p. 1482)
prévoyait que les ressortissants allemands bénéficieraient «d’une
assistance et de soins» au cas où ils auraient subi des dommages corporels

ou auraient perdu la vie sur le territoire du Reich ou à l’extérieur de
celui-ci pendant la guerre. Dans le même temps, le règlement eut des
incidences sur le droit général de la responsabilité délictuelle, puisque son
article 10 prévoyait entre autres que les prétentions à l’encontre du Reich

n’étaient possibles qu’en vertu du présent règlement. Cette disposition
était analysée comme excluant les créances de réparation de ressortissants
allemands contre le Reich à raison de dommages de guerre survenus à
l’étranger (Daubler, supra, p.38). Il s’ensuit que les étrangers ne

pouvaient a fortiori prétendre à la réparation des dommages personnels
causés par des actes de guerre allemands survenus à l’étranger.

bb) En ce qui concerne les dommages matériels, le règlement concernant les

dommages matériels de guerre (règl ement concernant les dommages
matériels de guerre ou «Kriegsach schadenVO») du 30 novembre 1940
(RGBl.I, p.1547) prévoyait des droits à indemnisation à raison des

dommages causés par des actes de guerre sur le territoire du Grand Reich
allemand. Le champ d’application du règlement fut par la suite étendu à
certains dommages survenus à l’extérieur du Reich (premier, deuxième,
troisième et quatrième règlements portant extension aux dommages

survenus à l’extérieur du territoire du Reich du 18avril1941, du
7 juillet 1942 et du 26 novembre 1942 [RGBl. 1941 I, p.215, RGBl.
1942I, p.84, 446, 665]). Le dépôt de demandes tendant à la réparation
des dommages de guerre par des étrangers ⎯en admettant qu’il fût

possible ⎯était subordonné à l’approbati on de l’autorité administrative
supérieure (article13, alinéa2). L’aspect négatif de cette disposition
tenait au fait qu’un droit légal à l’indemnisation [Ndt : omis «à l’encontre

du Reich»] n’existait pas pour les dommages survenus dans les conditions
de l’article2, alinéa1er, n°1 du règlement concernant les dommages
matériels de guerre (article28, a linéa2 du règlement concernant les
dommages matériels de guerre). Il s’agissait là de dommages causés par

des actes de guerre ou par des actions militaires étroitement liées à des
actes de guerre. Cependant, Däubler a ffirmait qu’en ce qui concerne les
dommages [Ndt: omis «de guerre»] subis par des ressortissants
allemands à l’étranger, l’article28, paragraphe2 ne pourrait pas être

appliqué dans le cadre d’une interp rétation finaliste du règlement. Au
contraire, il affirmait également que, puisque l’aspect positif du règlement
n’était pas applicable, la disposition né gative de l’article28, alinéa2, ne - 111 -

devrait pas non plus être appliquée. Il ne faisait toutefois pas
d’observations similaires en ce qui concerne les dommages [Ndt: omis

«matériels de guerre»] subis par d es étrangers [Ndt: omis «dans le
contexte d’actes de guerre à l’étranger»].

cc) Il n’est pas nécessaire d’examiner la question de savoir si le droit actuel
de la responsabilité de l’Etat du fait de ses agents, à la lumière de la loi
fondamentale ou de l’évolution du droit international, aboutirait à un
résultat différent. Il est également sans importance de savoir si, en ce qui

concerne l’article839 du BGB comb iné avec l’article34 GG, la thèse
d’Ossenbühl (supra, p.126) concernant le c oncept du «sacrifice au nom
d’un intérêt supérieur» (Aufopferu ngsanspruch) serait applicable.
D’après cet auteur, cette théorie ne serait applicable que dans des

circonstances normales. Les conséquences d’événements catastrophiques
tels que la guerre ne seraient pas i ndemnisées sur le fondement de la
théorie générale du sacrifice, mais nécessiteraient d’autres [Ndt: omis

«règles et»] standards d’indemnisa tion devant être institués en vertu
d’une loi. En effet, il s’agit en l’espèce d’une prétention relevant du droit
de la responsabilité de l’Etat du fa it de ses agents en vertu de la
législation du Reich allemand [Ndt : omis «art.839 BGB combiné avec

l’art. 131 WRV»], qui doit en fin de compte être rejetée.

3. C’est à bon droit que la juridiction d’a ppel a refusé de reconnaître un fondement pour la

prétention des demandeurs sur le terrain d’une quasi expropriation (illicite) ou sur celui du sacrifice
(voir Ossenbühl, supra, p. 131 et suiv., 213 et suiv.). D’ap rès la jurisprudence de l’époque [Ndt :
omis «RGZ 140, 285»], il n’y avait pas lieu à l’app lication de la théorie du «sacrifice au nom d’un
intérêt supérieur» en raison du fait que les actes illicites intentionnels, commis dans l’exercice de la

puissance publique, ne pouvaient, d’après les conc eptions de l’époque, donner lieu qu’à une action
en responsabilité de l’Etat du fait de ses agents (cf.Kreft in BGB-RGRK, 12 eéd., avant art.839,
n° 8). En tout état de cause, la théorie du «sacr ifice au nom d’un intérêt supérieur», qui peut être

dégagée sur le fondement des articles74 et 75 EinlALR et qui constitue le fondement du concept
de quasi expropriation, était limitée aux mesures de l’administration et ne s’appliquait pas aux
dommages de guerre (cf. Ossenbühl, supra, p. 126, 127, supra B. IV. 2. bb).

(Signé) Rinne W URM S TRECK . (Signé) Schlick ORR .

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