Opinion individuelle de M. Weeramantry (traduction)

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091-19930913-ORD-01-03-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. WEERAMANTRY

[Traduction]

La présente affaire centrel'attention sur la question du caractère obli-
gatoire des mesures conservatoires de façon plus nette et plus urgente
que presque toute autre affaire dont la Cour internationale de Justice
ou la Cour permanente de Justice internationale aient jamais eu à con-
naître. Comme la Cour le souligne dans l'ordonnance qu'elle a rendue
aujourd'hui, «la situationdangereuse qui prévaut actuellementexige ..la
mise en Œuvre immédiateet effective))des mesures indiquées par son
ordonnance du 8avril 1993(par. 59).L'ordonnance de cejour a également
mon plein appui.
L'importante question du caractère obligatoire des mesures conserva-

toires n'est pas sans être entouréed'une certaine obscurité, tant la
doctrine que la jurisprudence étant incertaines à ce sujet. Comme la
présente affaire le démontre avectant de clarté, cette question doit être
examinée d'urgence car,tant que les incertitudes actuelles subsisteront,
la Cour sera empêchéede s'acquitter pleinement des fonctions judi-
ciaires qui lui sont confiéespar la Charte des Nations Unies et par son
Statut.

LE CONTEXTE FACTUEL

Je tiens, avant toute chose,à relever la préoccupation que la Cour a
exprimée au sujet des souffrances endurées par le peuple de Bosnie-
Herzégovinedans descirconstancesqui, en dépitde plusieursrésolutions

du Conseil de sécurité, «bouleversent la conscience humaine et sont à
l'évidenceincompatibles avecla loimoraleainsiqu'avecl'esprit etlesfins
desNations Unies »(par. 52).Lerisque que redoutait laCour lorsqu'ellea
rendu son ordonnance du 8 avril que le différend existant s'aggrave ou
s'étende, loinde s'êtredissipé,a été accru par la persistance de conflits
surleterritoire de la Bosnie-Herzégovineetlacommissiond'actes odieux
au cours de ces conflits(par. 53).
Je traiterai, dans la présente opinion, de toutes les informations
factuellesqui ont été soumises àla Cour et qui sont pertinentes aux fins
d'une analyse de la question du droit en discussion et de la nécessité
urgente qu'il y aà la régler.Un tel examen est rendu nécessaire par la
disposition de l'articledu Statut de la Cour quiprévoitque celle-cia le
pouvoir d'indiquer des mesures conservatoires «si elle estime que les
circonstances l'exigent.C'estseulement dans le contexte de ce membre

de phrase que les faits sont examinésci-après. APPLICATIONDE CONVENTION GÉNOCIDE (OP.IND.WEERAMANTRY) 371

Le bref exposé des faits qui figure ci-après montrera que si la plus
grandepmdence doitprésider àune évaluationprovisoire de la situation
aux fins de déterminers'ilya lieu d'indiquer desmesuresconservatoires,

les normes de prudence à respecter sont satisfaites, dans la présente
affaire, par lesinformationsqui ont étésoumisesla Cour. Lesfaits essen-
tiels ne seront rappelés qu'à grands traits pour que la questionjuridique
analyséedans la présente opinion puisse être replacéedans le contexte
réalistequis'impose.Cetteanalysedesfaits,ayant un caractèrepurement
provisoire, ne suppose aucune constatation définitive pas plus qu'elle
n'affectera la décisionsur le fond qui devra être priseune étapeulté-
rieure de l'affaire.
Ledemandeur asoumis àlaCour desinformationsprovenant de diffé-
rentessources indépendantes àl'appui deson affirmation selonlaquelle,
depuisque la Cour arendu son ordonnancedu 8avril 1993,ils'estproduit
une série persistante d'actes qui constituent une violation manifeste de
ladite ordonnance. Ces informations peuvent être regroupées en trois

catégories:les comptesrendus et récitspubliéspar lesmédias internatio-
naux, lesdéclarationsémanant d'observateurs neutreset indépendantset
lesdéclarationspubliéespar legouvernement défendeuretpar legouver-
nement de la Républiquede Serbie.
Aux fins de l'évaluation provisoirequi suit, il n'est pas nécessairede
tenir compte des informations de la première catégorie.La Cour a été
saisied'une multitude derapports publiéspar desmédiasinternationaux
bien connus, au sujet de bombardements, de destructions de mosquées
anciennes, de livraisons de fournitures par la Yougoslavie aux Serbes de
Bosnie et d'assassinats, de viols et de torturesgrande échelle.Etant
donnétoutefois que, dans une situation internationale aussi complexe
que celle-ci,les nouvellespubliées par les médias,en soi, risquent de ne
pas êtretotalement fiables,il n'en apas ététenu comptedans la présente

évaluation.Cetteapproche a été conseilléeaussp iar la pmdence dont le
juge doit naturellement faire preuve lorsqu'il s'efforce d'établirles faits,
même à titre provisoire.
La deuxième catégorieest celle des déclarations émanantde sources
désintéresséecsommedifférentsreprésentantsdu Haut Commissariatdes
Nations Unies pour lesréfugiés,lprésidentdelacommissiondesaffaires
européennes du Sénat des Etats-Unis d'Amérique,Helsinki Watch, un
médiateur de la Communauté européenne, le directeur du bureau des
programmesdes Etats-Unisen faveurdes réfugiés ed t ifférentsreprésen-
tantsde l'Organisation des Nations Unies. Lesactesmentionnésdans ces
déclarations,touspostérieursà l'ordonnance rendue par la Cour le8avril
1993et tous largementrelatés,sontnotamment le massacre de femmes et
d'enfants en application d'une ((odieuse politique.assimilableen tous

points a un génocide» (présidentde la commission des affaires euro-
péennes du Sénat des Etats-Unis (9 avril 1993); le bombardement de
Srebrenica au moyen d'obus conçus pour exploser au-dessus du sol de
manière à faire les plus lourdes pertes possible (représentant du HCR,
13avril 1993);les très nombreux blessésfaits parmi la population civile,lescorps desblessés etdesmembresépars,certainsdansun état horrible,
devant être chargéssur des charrettes et desbrouettes aprèsune telle at-

taque (représentant del'ONU de nationalité canadienne,15avril 1993);
les atrocitéscommisesen Bosnie-Herzégovinepar les forcesmilitaires et
paramilitairesserbes(deuxièmerapport d'Helsinki Watch,17avril 1993);
le bombardement de Sarajevo d'une intensité telle qu'aumilieu d'une
matinée les représentantsde l'ONU avaient déjàdécomptémille deux
cents explosions d'obus (représentantsde l'ONU à Sarajevo, 4 juillet
1993); le bombardement de mosquées en guise de prélude à des
campagnesde anettoyageethnique »(représentantdu HCR, 9mai 1993);
la présence enBosniede 1,4million de réfugiséjà affamésqui allaient
voirleursapprovisionnementsen vivresréduitsdemoitiépar lescombats
(HCR, le'juillet 1993);un ((nettoyageethnique »ayant réduitune agglo-
mérationde six millepersonnes à une cinquantaine de villageoiserrants
(représentantdu HCR, 10mai 1993);lesmillequatre centsenfantstuéset
lestreizemilleenfants blessés(représentantsde l'ONUà Sarajevo,5juil-

let 1993);laparticipation del'armée nationaleyougoslaveunepartie au
moins du bombardement de Srebrenica(présidentde la commission des
affaireseuropéennesdu SénatdesEtats-Unis,20avril 1993);leravitaille-
mentdes Serbesbosniaques par l'entremisede Belgrade(médiateurde la
Communauté européenne,19avril 1993);l'assistancefournie aux Serbes
bosniaques par des escadrilles d'hélicoptères venuesde Yougoslavie
(expert militaireKing's College,Londres, 24juin 1993);et lesdizaines
de milliers de femmes qui ont étviolées(Helsinki Watch, 8juin 1993)).
Tous cesrécitsne représentent qu'unepartie desinformations qui ont été
communiquées à la Cour. Certains d'entre eux sont accompagnésde
détails circonstanciés,parfois macabres, auxquelsil n'est pas nécessaire
de seréférerauxfins quinous occupent.Considéréesensemble,toutesles
informations de cette deuxième catégorie sont plus que suffisantespour
parvenir à une conclusion provisoire adéquateaux fins de la présente

demande.
La troisième catégorie comprend les déclarations faites dans les
communiqués officielspubliéspendant la période allantdu 8 au 11mai
1993par legouvernement défendeuretpar leGouvernement de la Répu-
blique de Serbie.Cesdéclarations sontreproduites auxpages43 49dela
seconde demande en indication de mesures conservatoires en date du
27juillet 1993.
ParmilesdéclarationsquecontientlepremiercommuniquédelaRépu-
blique de Serbie,il convient de citerla description du confliten cours en
Bosnie-Herzégovinep , résentcomme «un juste combat pour la libertéet
l'kgalitédu peuple serbD.La Républiquede Serbiedit avoir fournia la
République serbe enBosnie,au prix de grands sacrifices, une assistance
a en fonds, carburants et combustibles,matières premières, eD.On y

trouve égalementl'affirmationque la Républiquede Serbiea

«aidégénéreusementetsans réserveslaRépubliqueserbe,malgréles
problèmesénormesauxquelsellea eu à fairefaceenraison dessanc- APPLICATION DECONVENTIONGÉNOCIDE (OP.IND.WEERAMANTRY) 373

tions décrétées contreelle par le Conseil de sécuritéde l'ONU»
(seconde demandede la Bosnie,p. 43).

Cette information doit être rapprochédu communiqué publiépar le

présidentde la Républiquede Serbie,diffusépar le servicetélégraphique
yougoslave le 11mai 1993et rapporté par la BBC dans son Summary
of WorldBroadcasts du 13mai (seconde demande de la Bosnie, p. 46).
Ce communiqué contient l'affirmation qu'au cours des deux dernières
annéesla Républiquede Serbiea déployé des effortsmassifs et consenti
des sacrifices considérables pour aider les Serbes hors de Serbie. Le
communiquéprécise :«Lamajeure partie de cetteassistance estalléà la
population et aux combattants en Bosnie-Herzégovine. » Les sanctions
internationales sont qualifiéesde dures, et le communiqué fait étatde la
solidaritéavecles Serbesen Bosnie-Herzégovine.Selonle communiqué,
desraisonssuffisantesexistent demettrefià laguerre,dans lamesureoù
«la majeure partie du territoire de l'ex-Bosnie-Herzégovineappar-
tient maintenant aux provinces serbes». Le communiqué réaffirmeque

les Serbes en Bosnie-Herzégovineont obtenu presque tout ce qu'ils
voulaientgrâce àl'aassistanceconsidérable»qu'ilsont reçuede la Répu-
blique de Serbie.
Dans le communiquéqu'il a publié,le Gouvernement fédéral yougo-
slave(ibid.,p.44)a exprimé«son indignation et sa profonde préoccupa-
tion»devantladécisiondela RépubliquedeSprska(c'est-à-diredes Serbes
bosniaques)de ne pas accepterleplan Vance-Owenetdelaisser aupeuple
serbedeBosnie-Herzégovine lesoindeprendreune décisiondéfinitivelors
d'un référendum. Celé a tant,le gouvernementfédéram l anifeste sa déci-
siondelimiterson aidefuture àla Républiquede Sprska((exclusivement à
deslivraisonsde denréesalimentairesetdemédicaments».
Les informations ainsi communiquées àla Cour par le défendeurne
peuvent naturellement que susciterune viveinquiétudequant à la façon

dont le défendeur respectel'ordonnancerendue par la Cour le 8avril. Il
n'est pas difficileà la lumière de ces informations, de parvenir à la
conclusion provisoire que les conditions énoncéespar l'article 41 du
Statut pour que la Cour puisse exercer sa compétence d'indiquer des
mesuresconservatoiressont réunies.
Alors que le demandeur a cité àl'appui de ses affirmations factuelles
dessourcesextrêmementdiversesetindépendantes, lesfaitsaffirméspar
le défendeur ne sontpas étayéspar des bases aussi larges et impar-
tiales, mais reposent principalement surun rapport compilépar la com-
mission d'Etat yougoslave d'enquêtesur les crimes de guerre et le
génocide. Ilnesauraityavoiraucundoutequant auxsouffrancesconsidé-
rables qu'endure aujourd'hui le peuple serbe en Bosnie-Herzégovine,
souffrancesqui nepeuvent quesusciteruneprofondepréoccupationde la

part dela Cour. Néanmoins,la question àl'étudeest celledu non-respect
del'ordonnancerendue par laCourle 8avril,etlesinformationsindépen-
dantes dont on disposene suffisentpasà établirun telmanquement de la
part de la Bosnie. L'ORDONNAN CUE8AVRIL 1993 EST-ELLE
JURIDIQUEMENT OBLIGATOIRE?

Aprèsavoirainsirésumélesélémentsquipermetted nt parvenirà une
conclusionprovisoire,j'examinerai maintenant la questionjuridique du
caractère obligatoire des mesures conservatoires. Comme un éminent
spécialistede la question des mesuresconservatoiresl'a dit des ouvrages
publiésentrelesdeuxguerres à cesujet,ladoctrinereflète«une mosaïque
d'opinions extrêmement coloréep,our ne pas dire déroutante »'.Cette
situation n'estpas dans l'intérdte lajustice internationale.

Le problèmen'est pas facile. Ily a en effet, d'une part, l'absence de
possibilitéde parvenirà une conclusionfactuelledéfinitiveet,de l'autre,
la nécessitéimpérieuse d'exercerune influence modératricepour empê-
cherqu'un préjudiceirréversiblesoitcommis àl'une despartiesencause.
Il s'agitlà de considérationsde poids qui doivent êtremises en balance
l'une par rapport à l'autre et qui doivent êtreenvisagéesde plusieurs
points devue,dont lemoindre n'estpas l'importancequ'ilya àréaliserles
fins de la justice internationalel'administration de laquelle répondla
créationde la Cour. Il s'agitpar conséquent d'une questiondont l'impor-
tance transcende l'affaire- pour importante qu'elle soit elle-même -
dontla Cour est actuellementsaisie.

a) Lecaractèreobligatoired'une ordonnanceindiquant
desmesuresconservatoiresp ,ar opposition son exécution

Comme l'absence de mécanismes d'exécution assombrit parfoisles
discussionsconcernant le caractère obligatoiredes ordonnances rendues
par la Cour internationale de Justice, il faut, lorsque l'onparle du carac-
tère obligatoire des mesures conservatoires, prendre comme point de
départ la nette distinction qui existe entre la question de l'obligation
juridique de se conformer à une ordonnance et celle de son exécution2.
Le fait que l'exécutiond'une ordonnance ne peut pas être imposée
n'affecte aucunement son caractère obligatoire car celui-ci est inhérent
à l'ordonnance elle-même.L'ordonnance donne naissance à une obli-
gation positive reconnue par le droit international. Qu'une telle ordon-
nance soit respectéeou non, que son exécution puisse être imposée ou

non et que d'autres sanctions puissent intervenir sont autant de ques-
tions externes qui n'affectent pas la question interne de sa validité inhé-
rente.
Dans l'affaire de l'dnglo-Iranian Oil Co., la Cour internationale de

' JerzySztucki,ZnterimMeasuresintheHagueCourt:AnAttemptuta Scrutiny,1983,
p.283.
VoirASZLSInternationLaw Journal,vol.9,1985, p. 176;voirJeromeB.Elkind,
ZnterimProtection:AFunctionalAppro,981,p. 157,pourunexempledontladistinc-
tion entreces questionspeut se trouverestompéemême dans ites spécialistes. Justice,ayant indiqué desmesuresconservatoires,est ensuiteparvenue à

la conclusion qu'elle n'avait pas compétence au fond1 mais, entre-
temps, le Royaume-Uni, demandeur dans cette affaire, avait soumis la
questionau Conseildesécurité pour obtenirleurexécutionenapplication
de l'article4 de la Charte. Cette tentative a échoué et, la distinction
qui vient d'êtrefaite setrouvant estompée,cet échecsur le plan del'exé-
cutionest devenu «le point sur lequel se sont cristallisésles commen-
taires concernant différents aspects des mesures conservatoires,~.eten
particulier la question de savoir s'il existe uneligationdedy confor-
rnem2. La Cour, tout en adressant certaines injonctions aux-<parties,
a pris bien soin de faire observer que les mesures indiquées,«de toute
façon, conserventleur autoritépropre »3. Il convient de noter aussi que

les décisionsdu Conseil de sécuritésur l'opportunité d'imposer ou
non l'exécutiond'une ordonnance n'ont pas d'effet déterminantsur la
question de savoir si l'ordonnance impose ou non une obligation juri-
dique4.
Même endroit interne,l'opinionpositivisteselonlaquelle une sanction
est essentielle à sa validité est abandonnée depuis longtemps. Les
recherches modernes, tant jurisprudentielles que sociologiques, ont
prouvéque la validitéinhérente d'une loe istindépendante del'existence
d'une sanctionvisant à enassurerl'exécution.Telestdoublementlecasen
droit international.
En fait, il est àpeine besoin de dire qu'en droit international la thèse

d'Austin selon laquelleune sanction est nécessairepour qu'une règlede
droit ou un préceptejuridique puisse exister a toujours été particulière-
ment inappropriée.On ne saurait donc soutenir que des mesuresconser-
vatoiresn'imposentpas d'obligationjuridique du seulfait quelaCour n'a
pas lepouvoirdelesfaireexécuter.Vuesouscetangle,une mesureconser-
vatoire,pour différentequ'ellesoitd'uneordonnance définitive,sielleest
édictée par untribunalenbonne et due forme,selon une procédure régu-
lièreetsansqu'iloutrepassesacompétence,aune validitéinhérente ete ,n
tant que telle,emporte obligation de s'yconformer.
Lorsquela Cour internationale de Justice,agissantrégulièrementdans

les limites de ses pouvoirs et de sa compétence,indique des mesures
conservatoires,ellecomptequelesditesmesuresseront observées,confor-
mémentaudroitinternational.Leurviolationnepeut donc quesusciterde
profondes préoccupations.La question de l'obligationde seconformer à
detellesmesuresdoit à tout momentêtrenettementdistinguée de cellede
leur exécution.

' Anglo-ZranianOil Co., mesures conservatoires,C.Z.J.Recueil 1951, p. 89, et
Anglo-ZranianOilCo.,arrê, .ZJ.Recueil 1952,p. 114.
C.H.Crockett,«The Effectsof InterimMeasuresof ProtectionintheInternational
Court of Justice)), CaliforniaWesternInternaLawnJournalvol.6-7, 1975-1977,
p. 350;les italiquessontdemoi.
Anglo-ZranianOilCo.,mesuresconservatoires,C.Z.J.Recueil1951,p. 94.
VoirCrockett,op.cit.,p. 376. b) Le caractèreobligatoirdeesordonnancesindiquant
desmesuresconservatoirest,elqu'ilpeut être dédu ditl'autorité
inhérente àuntribunaljudiciaire

La fonction d'un tribunal judiciaire, dès lors qu'une question a été

portéedevant lui, consiste à prendre les mesures nécessaires conformé-
ment au droit pour parvenir à une décisionrépondant au principe de
l'égalitédes parties. Cela présuppose que la questionportéedevant lui,
une foisqueletribunal ena étésaisid ,oitdanstoutelamesure du possible
êtrepréservéesous cetteforme, àl'abri de toute ingérencerésultant d'un
acte unilatéralde l'une des parties, jusqu'à ce que le tribunal rende sa
décision.Cela signifie aussi que le principe de l'égaline peut pas être
supplanté par le droit du plus fort que pourrait faire valoir l'une des
parties et qui lui permettrait deporter atteintel'objet de la cause ou de

s'yimmisceravant qu'ilsoitstatué.Un élémentinhérent à l'autoritéde ce
tribunal est par conséquentque son pouvoir de statuer doit aller de pair
avec celui d'édicter des ordonnances incidentespour veiller à ce que
l'objetde l'action soitpréservéintactjusqu'au jugement.
Un tel pouvoir serait évidemment totalement réduit à néant si une
partie n'étaitpas juridiquement tenue d'obéir à une telle ordonnance et
étaitpar conséquentlibredelaméconnaître.Dans certainscas,commel'a
dit un auteur, cela ((pourrait tourner en dérision la juridiction quant

au fond » l.L'anomalieest encore plus criante lorsque la nature de l'ac-
tion unilatéraled'une partie est telle qu'elledétruit l'objetmêmequi est
en litige devant le tribunal. Cela est encore plus vrai lorsqu'une telle
action menace de détruire oude compromettre l'existence même d'une
partie.
Considérer qu'untribunal saisi d'une question n'a pas le pouvoir
d'agir face à la menace que ferait unilatéralement peser sur l'objet
du litige l'une des parties comparaissant devant lui aboutirait donc,

semble-t-il,à défendrele paradoxe que le tribunal, d'un côté,a compé-
tence pour connaître d'une affaire mais, de l'autre, n'a pas le pouvoir
effectif etnécessairede s'acquitterde la tâche qui lui a ainsi valable-
ment confiée. Considérerque des mesures de procédure ne sont pas
obligatoires pour les parties équivautà couper l'herbe sous le pied non
seulement à la partie adverse mais aussi au tribunal lui-même.Aucune
interprétation raisonnable, dans une vision d'ensemble, des pouvoirs
judiciaires qui sont confiésà un tribunal ne semblepouvoir étayer une
tellethèse.Larègledont ils'agita étéqualifiéede((principede l'effetutile

desinstitutions» 2.

l PeterA. Bernhardt,«The Provisional MeasuresProcedureof the International
CourtofJusticethroughU.S.Staffin TehrFiaiIustitia,PereatCuria?»VirginiaJour-
nalof InternatioLaw, vol. 20,no3,1980, p.303.
V. S. Mani, InterimMeasuresof Protection: Article41 of the ICJ Statuteand
Article 94 of tUN Charter», Indian Journalof InternatiLaw, vol. 10, 1970,
p. 362. L'universalité d'une telleapproche conceptuelle est confirmée dans
l'affaire de la Compagnied'électricité de Sofia etde Bulgarie.Dans cette
ordonnance, la Cour permanente de Justice internationale a déclaréce
qui suit:

«Considérantque ladispositionprécitée[article41,paragraphe 11
du Statut applique leprincipe universellementadmisdevantlesjuri-
dictionsinternationales et consacré d'ailleurs dans maintes conven-
tions auxquellesla Bulgarie a été partie, - d'après lequellesparties
en cause doivent s'abstenir de toute mesure susceptible d'avoirune
répercussion préjudiciable à l'exécutionde la décisionàintervenir
et, en général,ne laisser procéder à aucun acte, de quelque nature
qu'il soit,susceptible d'aggraver ou d'étendrele différend »(C.P.J.I.

sérieA/B no 79,p. 199).
La Coura soulignéaussiqu'un acteunilatéral d'unepartie ne doit pas
anticiper sur sonarrêt.C'estainsique,dansl'affaire du Plateaucontinental
de la mer Egée, elle a fait observer ce qui su:t

((Considérant que le pouvoir d'indiquer des mesures conserva-
toires conféré à la Cour par l'article 41 du Statut présuppose qu'un
préjudiceirréparablenedoit pasêtrecauséauxdroitsenlitigedevant
le juge et qu'aucune initiative concernant les questions litigieuses

ne doit anticiper sur l'arrêtde la Cour» (C.I.J.Recueil1976,p. 9,
par. 25).
Une interprétation des dispositionspertinentes de la Charte,du Statut
ou du Règlementdela Courqui signifieraitque des mesures conservatoires

n'imposent pas d'obligation juridique à la partieà laquelle elles s'adres-
sent n'est donc pas conforme au cadre structurel du pouvoir judiciaire.
Ce sont des raisons conceptuelles comme celles-ci qui ont convaincu
Hambro, l'un des premiers greffiers de la Cour, que le pouvoir d'agir en
indiquant des mesures conservatoires fait partie intégrante du pouvoir
judiciaire qui existe déjà en principe, indépendamment de dispositions
spécifiques à cet effet. Comme il l'adit:

«La Cour,dans l'exercicedespouvoirsqueluiconfèrel'article 41,
se borne en fait à donner corps à une règlequi existedéjàen prin-
cipe.» l

Le mêmeauteur fait valoir qu'en vertu des principes généraux du droit
international tous les Etatsparties à un différend international subjudice
sont tenus de l'obligation absolue de s'abstenir de tout acte de nature à
priver d'effet lerésultatdu jugement définitif ou à aggraver ou étendrele
différend2.

Edvard Hambro, ((The Binding Character of the Provisional Measures of Protec-
tion Indicatedy the International Court of Justice», RechtsfragenderInternationalen
Organisation,Festschrifftür HunsWehbezu seinem70.Geburtstag,1956,p. 167.
Zbid.,p. 168. C'estainsi quYHambroparvient àla conclusion que

«il ne serait pas conforme au rôle auguste de la Cour en tant
qu'aorgane de droit international » et qu'aorganejudiciaire princi-
pal del'organisation des Nations Unies » ...de rendre une décision
quelesparties seraientlibres derespecteroud'ignorer selonleurbon
plaisir» l.

Cette argumentation est poussée encore plus loinpar d'autres auteurs
quifontvaloir quelecaractèreobligatoired'injonctions avantdiredroit et
de mesures semblablesest une règleuniversellementreconnue et, vue en

tant que telle, peut donc même être considérée comm éetantau nombre
des ((principes généraux dedroit reconnus par lesnations civilisées »,au
sensdel'article38,paragraphe 1 c)du StatutdelaCour2.Ilestintéressant
de noter que cet avis a étépartagé par certains des premiers auteurs
influents dans leurstraités à ce sujet.C'estainsi quepour Dumbauld3 et
Niemeyer4ledevoird'observerlesmesuresconservatoiresindiquéesexis-
tait indépendammentdu Statut de la Cour et aurait donc liéla partie en

question comme sile Statut n'avaitcomportéaucunedisposition relative
à cettequestion.
Pour Niemeyer, il estun principe normatif de base (Norm-Grundsatz)
que :

«dèslors et aussilongtemps qu'un différend est soumis àune déci-
sionjudiciaire etquecelle-ciestattendue, lesparties au différendont
l'obligationde s'abstenirdetout acteou detoute omissionqui aurait
pour effetde rendre superflue ou impossiblela décisionnormative D
(traduction) 5.

Il convient cependant de tenir compte du fait que plusieurs éminents

auteurs,dont A.Hammarskjold,luiaussiensontempsGreffier delaCour
permanente, ont exprimé avec forceun avis opposé6. Parmi les facteurs
qui semblent avoir le plus de poids, il convient de citer l'accent qu'ils
mettent sur le mot «indiquer», l'absence de mécanisme d'exécution et

Hambro, op.cit.,p. 165-167.
Voirpar exemple Elkind, op. cit.,p. 162.En fait, Elkind fait de cetteproposition le
thème centralde son traitésur ce sujet: voir le chapitre 2 de son ouvrage dans lequel il
citeat'appui desespropositions ledroit anglo-saxon, ledroitromain,ledroit soviétique
et le droit hindou.
ZnterimMeasuresof ProtectioninInternationalControversies,1932,p. 173-177.
EinstweiligeVerfYgungendes Weltgerichtshofs,ihr Wesenund ihre Grenzen,1932,
p. 15-16.
«Sobald und solange ein Streiteiner richterlichen Entscheidung untenvorfen und
eine solche zu envarten ist, haben sich die streitenden Parteien jeder Handlung und
flüssigoder unmoglich machen konnte.(OvFcit.,p. 16.) normative Entscheidung über-
Voir A. ~ammarskjold, «Quelques aspects de la question des mesures conserva-
toires en droit international positif »- -itschriftfürausiandischesoffentlichesRecht und
Volkerrecht,ol. V, 1935,p. 5.l'emplacementdel'article41,quisetrouvedans lechapitre du Statut dela

Cour qui a trait àlaprocédureet à desquestionscomme leslangues utili-
séespar la Cour, ce qui donnerait àpenser que la question n'a pas vrai-
ment d'importance du point de vue du fond.
Ces considérations, auxquelles il est indubitablement possible de
répondre individuellement l,semblent cependant être plusque compen-

séespar les facteurs conceptuels dont il est question ci-dessus et par les
considérationslinguistiqueset autres exposéesci-après.
L'importance des considérations conceptuelles analysées plushaut
apparaît clairement,d'unpoint de vuepratique, lorsquel'on considèrela
gravitédesmotifspour lesquelsla Courusedesonpouvoir d'indiquer des
mesures conservatoires et qui tiennent à la nécessitéde prévenirtout

préjudiceou dommage irréparable,toute mesure qui priverait d'effet
l'arrêt définitif , destruction de l'objet de l'action, et l'aggravation du
différend.Lagravitédechacun decesmotifsconforte l'avisselonlequelle
pouvoir de la Cour, une fois exercé,ne peut pas, malgré tout, laisser les
parties libresd'agir commesirien ne s'imposait àelles.

L'opinion selon laquelle l'indication de mesures conservatoires fait
partie des pouvoirs inhérents à un tribunal judiciaire repose par consé-
quent sur un principe général,sur une nécessité pratiqueet sur une
doctrine non négligeable.Les principes qui peuvent être invoqués à
l'appui d'une telle opinion sont notamment le principe de l'égalité des

parties, le principe de l'effet utile, leprincipe selon lequel une action
unilatérale ne doitpas anticiper sur la décisiondu tribunal et aussi la
reconnaissance généraleet universelle des pouvoirs d'injonction des
tribunaux entant qu'élémentfaisanp tartie inhérentedeleur compétence.

c) Le caractèreobligatoiredesmesuresconservatoires,
telqu'ilpeutêtre dédud itestermesemployés dansla Charte,
leStatut et leRèglementdela Cour

Letexte de l'article41 du Statut emploiele mot «indiquer » plutôt que
le mot «ordonner »dans le contextedes mesuresconservatoires,ouvrant
ainsiladiscussionsurlepoint desavoirsiunedécisionsurcepoint est,par
sanature, moins obligatoire que lesautres.

Pour cequi est de l'argument selon lequel l'emplacementde I'article41,qui figure
dans lapartie du Statutqui atraitprocédure,pourraitlepriver de saforce,leprofes-
seur Greig fait observer que:
« on pourrait fairevaloir avecencoreplus de force que l'article41setrouvesous la
rubrique procédure parce que le principe déterminant ne se trouve pas au cha-
oitre II mais fait oartie dela comoétenceincidente inhérenteaux v~ ~ ~~- de la
kour. L'article41'estdonc, commêla Cour permanente l'aaffirmédans son arrêt
dans l'affairedela Sociérédëlectril'.ex~ressiondecevrincive etlernovendelui
donner effet. (D. W. Greig, ((The ~alâncin~ of 1nte;ests and the ~Gntin~ of
Interim Protection bythe International Court »,Australian YearBookofZnternatio-
nalLaw,vol. 11,1991,p. 131.) APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP.IND. WEERAMANTRY) 380

Il estutile d'analyser cettequestion du point de vue des autres expres-
sions pertinentes qui apparaissent dans le Statut et dans le Règlement
de la Cour. Cette analyse linguistique peut êtreabordéede plusieurs

façons.

i) Lemot «indiquer»

Le premier projet de l'article 41, en français, établi par M. Raoul
Fernandes, employait le mot «ordonner» l,égalementrendupar le mot
«order » dans la traduction anglaise. La suggestion de M. Fernandes

tendant à cequ'une telleordonnance soitappuyéepar dessanctionseffi-
cacesn'ayantpas recueillil'agrémentd'autres membres du comitéconsul-
tatif comme Elihu Root, de Lapradelle et lord Phillimore, il fut présenté
un nouveau projet dans lequel les mots «pourra ordonner» avaient été
remplacéspar les mots «a le pouvoir d'indiquer»,cetteexpression étant
rendue enanglais par lesmots «powerto suggest B.Ala cinquièmeséance
de la sous-commission,M. Huber, de la Suisse,insista pour que le projet

emploie un terme plus fort que «suggest»,et cemot fut remplacépar le
mot «indicate»*.
Cestravaux rédactionnels montrent quele pouvoir de la Cour va plus
loin qu'un simplepouvoir de suggérerou deconseiller,et a une certaine
connotation d'obligation. En fait, en français, le mot «indiquer» va
probablement encoreplus loin en ce sensque le mot anglais «indicate»,
carl'un dessensd'«indiquer »est «élaborer(uneprocédure, etc.);dicter,
prescrire,poser la marche à suivre,etc.»3

ii) Lemot «doivent»

Il convient de relevertout d'abord que, dans letexte de l'article41lui-
mêmeo ,ntrouvelemot«doivent»,serapportant auxmesuresprovisoires
qui sont indiquées.Le mot «doivent » a une connotation d'obligation et
va plus loin, dans le sens de l'imposition d'un devoir,que le mot«indi-

quer »pris individuellement.Laversionfrançaisedu Statutrenforced'ail-
leurscetteconclusion vuquelemot «doivent»implique, commelesmots
« should~ ou «ought» en anglais, l'existenced'une obligation4.Il suffit
d'ailleurs de consulter les dictionnaires les plus courants pour constater
que lemot «devoir»,qu'ilsoitutilisécommeverbeou commesubstantif,
a très nettement le sens d'obligation, comme dans «tu dois honorer tes
parents » ou «tu as agi comme tu devais agir» (pour le verbe), ou bien,

pour le substantif, le sens a) de loi morale, comme «le sentiment du
devoir » ou b) d'a obligation», comme dans «assumer tous les devoirs

C.P.J.I., Comitéconsultatif de juristes, Procès-verbauxdes séances ducomité,
16juin-24juillet 1920,28eséance,annexeno3,p. 609.
Documentsde la Jeséancedela TroisièmeCommissiona.nnex,..172.
Ibid.,D.:53.dardFrenchandEnglishDictionary,vol: 1:18.1 APPLICATION DECONVENTION GÉNOCIDE (OP.IND.WEERAMANTRY) 381

d'une charge». Bien que ces acceptions ne reflètentpas, en elles-mêmes,
l'idéed'une obligation juridique, il est clair qu'aussi bien le mot anglais
«ought » que le mot français G doivent»renforcent considérablement le
mot (<indiquer ».
Envisageant la question sous un angle différent,un autre auteur fait

observer que :

((Dans la conception de Hohfeld, un droitjuridique emporteune
obligationjuridique correspondante. Ainsi,lemot((doivent »dans le
membre de phrase «quelles mesures conservatoires du droit de
chacun doivent être prises» semblerait viser une obligation juri-
dique. »l

Ce raisonnement,tiré des corrélationsde sens,est pertinent aussi dans
le contexte du mot «pouvoir».

iii) Lesmots «mesuresconservatoires»

Ce sens plus fort le devientencore plus si l'on considèreque I'expres-
sion anglaise «provisionalmeasures »est,unefois deplus,plusfaible que
l'expression française «mesures conservatoires», qui insiste plus sur
l'importance qu'ilya àfaireen sorte que l'objetdel'action soitmisàl'abri
de tout dommage. Si l'expression anglaise, considéréeen elle-même,
semblemettre l'accentsur l'aspect provisoire de cesmesures, l'expression
utiliséeen français met plus nettement en relief le but mêmede toute
l'opération, à savoir la nécessitede veiller à ce que l'objet de l'action

soit préservé intact.Dans la traduction anglaise du projet initial de
M. Fernandes, les mots ((mesuresconservatoires D avaient d'ailleurs été
correctement rendus par ~protective measures~~, mais si l'expression
((mesuresconservatoires » est demeurée inchangéedans les différentes
versions françaises de cette disposition et apparaît encoreà l'article 41,
la traduction anglaise a adopté l'expression plus faible aprovisional
measures »,qui ne correspond évidemmentpas exactement au textefran-
çais.

Cet écartentre les textes anglais et français a été commenté par les
membres de la Cour permanente lors de la réunion à l'occasion .de
laquelle ils ont discutéde l'amendement des dispositions du Règlement
relatives aux mesures conservatoires.Sir Cecil Hurst,relevant les expres-
sions amesures conservatoires »et (interimprotection »employéesdans
les deuxversions, a expriméle doute que les deux correspondent exacte-
ment3. Le Greffier a alors appelé l'attention sur les expressions diffé-
rentes, utilisées dans le texte anglais de l'article 41 du Statut et de

' Elkind,op.cit.,153.
VoirElkind,op.cit.,p. 44.
Actes et documentsrelatifsà l'organisationde la Cour,deuxièmeaddenO2,au
p.253. l'article 57 du Règlement d'alors, pour rendre l'expression «mesures
conservatoires» l.

iv) Lemot ((pouvoir))

L'emploidu mot «pouvoir »,au débutde l'article,estun élémentpeut-
être plus concluant quetout autre à l'appui de cetteinterprétation, selon
laquellecettedisposition vaplus loinqu'une simpleobligationmorale. Si
tout ceque l'article41permet àla Cour defaire estd'adresseraux parties
des exhortations, de caractère non obligatoire,l'on comprend difficile-
ment pourquoi on a employéle mot «pouvoir»pour autoriser laCour à
ce faire. Il faut un pouvoir pour imposer une obligation contraignante,

mais un «pouvoir » n'est pas nécessairepour donner des exhortations
et des conseils.Il est difficile d'imaginer que le Statut de la Cour aurait
solennellement investi celle-ci d'un pouvoir spécial à l'article 41 si le
seulbut de cepouvoir étaitde donner des avisnon contraignants que les
parties seraienttotalement libres de méconnaître. Unmot aussi lourd de
sensque le mot «pouvoir »doit manifestementavoirétéentendu comme
devant donner à la Cour une autorisation qu'ellen'aurait pas eue autre-
ment, à savoircelled'imposerauxparties une obligationqui, enl'absence
de ce mot,ne seraitpas contraignante pour elles.
Pouvoir, dans le langage de la jurisprudence exégétique,signifie que
celuià l'égardduquel cepouvoir estexercéa l'obligationdeseconformer

à l'exercicedudit pouvoir car, s'iln'en résultaitpas d'obligation, il n'y
aurait aucune nécessité d'exercerun «pouvoir ». L'analyse bien connue
des droits qu'a faite Hohfeld, qui a été largement acceptée, qualifiela
responsabilitéde pendant juridique du pouvoir2, ce qui indique que,
losqu'un pouvoir juridique est exercé, ilen découleune responsabilité
juridique de se conformer àcet exercicedu pouvoir. Ces considérations
portent à conclure que les mesures «indiquées» en vertu de l'article 41
emportent plus qu'une obligationsimplementmorale de s'yconformer3.

v) Le qualzj?catifd'ordonnance appliqué aux mesuresde moindreimpor-
tance

Une autre approche de la question va dans le sens de l'argumentation
intéressanteavancée par Hambro,selonlaquelle lesordonnances rendues
par la Cour en vertu de l'article 48 de son Statut, qui sont qualifiées
d'ordonnances dansl'article lui-même etqui onttraitàdesquestionsrela-
tivement mineures comme les formes et les délaisdans lesquels chaque
partie doit finalement conclure, sont indubitablement exécutoires en

Actes et documentsrelatifsà l'organisationde la Cour,deuxième adnO2,umau
p.253.
Pour I'analysede Hohfeld et les commentaires qu'ellea suscitésde la part de
nombreuxauteurs,voirSalmondonJurisprudence,12eéd.,1966,p. 225.
Elkind,op.ci?.,p. 153.vertu de l'article 53 du Statut. Par conséquent,«les ordonnances beau-
coup plus solennelles et plus sérieusesrendues en vertude l'article 41»
doiventêtre obligatoiresellesaussi l.
Un passage qui a suscité des malentendus dans ce contexte est le
passageci-aprèsdel'ordonnance rendue dansl'affaire des Zonesfranches
de laHaute-Savoie etduPaysde Gex:

«les ordonnances rendues par la Cour, bien qu'étant,en règlegéné-
rale,luesenaudiencepublique, lesagentsdûment prévenus,ne déci-
dentpas avecforce ((obligatoire »(article 59du Statut)et avec effet
«définitif»(article60du Statut)ledifférendquelesparties ontporté
devant la Cour ..»(C.P.J.I.sérieA no22,p. 13).

Dans cepassage,la Cour sebornait àexprimer leprincipe selonlequel
«une ordonnance n'a pas force obligatoire pour la Courdans l'arrêt
qu'ellerendra en définitivesur le fond »2.

vi) L'engagementde se conformeraux «décisions»de la Couren vertude
l'article4de la Chartedes Nations Unies

Au paragraphe 1 de l'article 94 de la Charte, chaque Membre des
Nations Unies s'engage à seconformer aux décisiond selaCour danstout
litigeauquel il estpartie. Lorsquela Cour décide d'indiquer desmesures
conservatoires,prend-elle une décision?
Que les mesures conservatoiresdoivent être assimilées àune décision
de la Cour elle-même ressort clairement de leur description en tant que
telleauparagraphe 2del'article74etauxparagraphes 1et3del'article76

du Règlementde la Cour. Comme ledit Hambro, cesarticlesconsidèrent
assurémentles mesuresconservatoirescommedesdécisions3.
Il convient de noter aussi que l'expression ((pour statuer d'urgence»,
qui figure dans la version française du paragraphe 2 de l'article 74 du
Règlementde la Cour, fait penser au prononcé d'une décision ou d'un
arrêtA. uxparagraphes 1et3de l'article76,toutefois,laversionfrançaise
du Règlementutilise elleaussi le mot ((décision ».
Ilya lieude releverdans cecontextel'undesplus éminentscommenta-
teurs de la jurisprudence de la Cour, lequel, analysant la question de
savoir si l'obligation découlant duparagraphe 1 de l'article 94 de la
Charte est suffisamment large pour englober les ordonnances interlocu-
toires, a fait observer que «le mot ((décision» dans la Charte visetoutes
lesdécisionsdela Cour,quelle que soitlaforme qu'elles revêtent »4. Cela

comprendrait aussi les ordonnances portant indication de mesures
conservatoires.

' VoirCrockett, op.cit.,p. 377; les italiques sont de moi.
Hambro, op.cit.,p. 170.
Shabtai Rosenne, TheLawandPractice oftheInternationalCourt,1985,p. 125;voir
également,dans le même sens, Rosenne,eInternationalCourtofJustice,1957,p. 82. APPLICATIONDECONVENTION GÉNOCIDE(OP. IND. WEERAMANTRY) 384

Dans ce contexte, il y a lieu de noter que M. Elias a lui aussi exprimé
l'avisqu'une indicationde mesuresconservatoiresa la mêmeforcequ'un
arrêt étantdonné qu'elle constitue à tout le moins un jugement pro-
visoire'. Cela confirme l'avis selon lequel une ordonnance portant
indication de mesures conservatoirs a étéassimiléepar la Cour à un
arrêt..
Lorsque l'onprocède à une analyseinterne desinstrumentspertinents,
nombreux sont par conséquentles raisonnements qui conduisent à la
mêmeconclusion, à savoir qu'une indication de mesures conservatoires
par la Cour n'est pas simplement une formule exhortatoire mais plutôt

une décisionadoptéeen vertu despouvoirsconférés à laCour qui impose
une obligationà la partieà laquelle elle s'adresse, obligation qui a un
caractèrejuridique et contraignant.
Cette constatation, basée surune analyse purement linguistique des
termesemployésdans lesinstruments qui régissent lefonctionnement de
la Cour, conduit d'aillleursune conclusionéminemmentappropriéeeu
égard àl'objetetà la fonction du processusjudiciaire, spécialementlors-
que cettefonction est exercéeau niveau international le plus élepar le
biais de la Cour internationale.

d) Le caractèreobligatoirdesmesuresconservatoires,
telqu'ilpeutêtredédud ite lajurisprudencede la Cour

Ici,leschosesnesontpas aussiclaires,maisbiendesélémentp sortent à
penser que la Cour a implicitementreconnu le caractère obligatoire des
mesures conservatoires, tout àfait indépendamment du fait que, dans
sa pratique interne, la Cour a assimiléles mesures conservatoires des
ordonnances »ou à des décisions».
Dans l'affaire desEssaisnucléairesp,ar exemple,la Cour a citésans la
commenterla thèsedu Gouvernement australien selonlaquelle

de l'avisdu Gouvernementaustralien,l'attitude du Gouvernement
français constitue une violation claire et délibéee l'ordonnance
rendue par la Cour le 22 juin 1973 » (Essais nucléaires(Australie
c.France),C.I.J.Recueil1974,p. 259,par. 19).

Bienque cepassageait évidemmentreflétéla position de l'Australieet
non celledelaCour,lefaitquecelle-ciachoisidecitercetteaffirmationet
l'a reproduite sans la critiquer permet de déduire qu'ellel'a tacitement
approuvée. Commele fait observer Sztucki :

«il appartientà la Cour de choisir elle-même lespassages qu'elle
entend citer et de les commenter ou de ne pas les commenter. Le
passagedel'ordonnancedelaCourquiaétécitp éeut par conséquent

'Taslim O. Elias,The International Court of Justice and Sorne Conternporary
Problerns,1983,p. 79.

63 êtreinterprété commu eneapprobation tacite et indirecte de laposi-
tion du demandeur. »
Lefait que desdécisionsaffirmativesdela Coursur cepointbrillent par
leurabsence estun autre élémentqui appelle l'attention surl'importance
qu'il y a à examiner cette question. Les membres de la Cour ne se sont

guère prononcés non plus dans des déclarations ou dans des opinions
individuelles ou dissidentes.
Entre autres dictajudiciaires allant dans le mêmesens, il convient de
noter la déclaration de M. Ignacio-Pinto dans l'affaire de la Compétence
enmatièredepêcherieso 2ù, seréférant auxmesures conservatoires ordon-
néespar la Cour, il a considéréque certains incidentsintervenusaprès le
prononcéde l'ordonnance - de multiplesheurts dans la zone de pêche
contestée - constituaient «autant de violations flagrantes de part et
d'autre »du dispositifdesordonnances en question.
Dansl'affaire dela Réformeagrairepolonaise,la Cour permanente afait
observer que les mesures conservatoiressollicitéesauraient abouti à une

suspensiongénéralede la réformeagraireen ce qui concernait lesressor-
tissantspolonais de raceallemande3. Il sepeut fort bien que cequ'ilfaille
entendre par cetteobservation, c'estque, de l'avisde la Cour, lesmesures
conservatoires sollicitées auraient eu un effet juridiquement contrai-
gnant.
L'affirmation souvent citéede la Cour permanente dans l'affaire des
Zonesfranches delaHaute-Savoieet duPaysde Gexàl'effetque lesordon-
nances rendues par laCour ne décidentpas avecforce «obligatoire ))...
et aveceffet ((définitif» ..le différendque lesparties ontportédevantla
Cour»4 n'a pas, comme je l'ai fait observer au débutde cette opinion,
l'effet concluant qu'on lui prête parfois. Cette observation concernait
uniquement l'impact des mesures indiquées sur l'arrêt définitif. Une

ordonnancede caractèreprovisoire n'a manifestement pas de forceobli-
gatoire ou d'effet définitifsur la décision qui sera finalement prise pour
régler ledifférend dans la mesure où il s'agit clairement d'un jugement
avant dire droit qui a un caractèreintérimaire.
Parmi la jurisprudence récente de cette Cour, c'est peut-être l'affaire
des Activitésmilitairesetparamilitaires au Nicaragua et contre celui-ciqui
peut leplusutilementêtrecitéecommedénotant l'obligation quiincombe
à chaquepartie de prendre sérieusementen considération » lesmesures
conservatoiresindiquées par la Cour et ((de ne pas fonder sa conduite
uniquement sur ce qu'ellecroit êtreses droits »5.

' JetzySztuckiop.cit.,p.272-273.
Compétenceen matièrede pêcheries(Royaume-Unic. Islande),mesuresconserva-
toires,C.I.J.Recueil 1973,p. 305.
C.P.J.Z.érieA/B no58,p. 178.
C.P.J.Z.sérieAno22,p.13.
Activités militaireset paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci(Nicaragua
c.Etats-Unisdilmérique),C.Z.J.Recueil 1986,p. 144,par.289. APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE(OP. IND.WEERAMANTRY) 386

e) Le caractèreobligatoiredes mesuresconservatoires,
telqu'ilpeutêtredéduitdes écritsprivésdesmembresde la Cour

Lesmembresde la Cour, dans leurs écritsprivéso , nt beaucoupcontri-
bué àrenforcer l'avisselon lequel les ordonnances portant indication de
mesuresconservatoiresont un caractèreobligatoire.
M. Jessup, dans son avant-propos à un traité qui parvient à la con-

clusion que ces ordonnances sont obligatoires, a revêtucette conclu-
sion de son autorité,faisant observer que l'auteur, «aprèsavoir pesé le
pour et le contre, conclutà juste titre que ces ordonnances sont obliga-
toires» l.
SirGerald Fitzmaurice, pour sapart, a relevé cequi suit:

((11ressort de la raison d'êtremêmedu pouvoir d'indiquer des
mesures conservatoires que, une fois indiquées,ces mesures sont
obligatoires,étantdonné quele pouvoir en question est basé sur la
nécessitéabsolue,lorsquelescirconstances l'exigent,desauvegarder

les droits desparties, tels que déterminépar laCour dans sonarrêt
définitif,et d'éviterqu'ily soit portépréjudice.Il n'yaurait aucune
utilité indiquer desmesuresspéciales àcettefin silesmesuresindi-
quéesn'étaient mêm peas obligatoires(sansparler mêmedelapossi-
bilité d'en obtenir l'exécution)»*

M. Lauterpacht, tout en exprimant avec force l'avis selon lequel le
Statutne seborne pas àimposer une raison purement morale,ne s'enest
pas moins fait l'échode certaines réserves:

«L'on nesauraitsupposeràlalégère queleStatutdelaCour - qui
est un instrument juridique - contient des dispositions qui ont
simplement trait aux obligations morales des Etats et que la Cour

doitminutieusementpeserlescirconstances quil'autorisent à lancer
cequin'estautre chosequ'un appel au sensmoraldesparties. Simul-
tanément,lelibellédel'article41du Statutempêchedepouvoiraffir-
mer de manière catégoriqueque lesmesuresédictées par la Cour en
vertu dudit article ont forceobligatoir.»3

Dans sontraité,M. Hudson, de laCour permanente, a écrit quelemot
((indiquer» «n'est pas moinsdéfiniquel'aurait été le terme ordonner,et
sembleraitavoir le même effet »4.

PhiliC. Jessup,avant-propoal'ouvraged'Elkind,op.cit.XIII.
Fitzmaurice,TheLaw and Procedureof the InternationalCourt ofJustice,vol. II,
1986,p. 548.
3 SirHerschLauterpacht,TheDevelopment ofInternatioLaw by theInternational
Court,1958,p. 254.
p.425.nleyO. Hudson,ThePermanentCourtofInternationalJustice,1920-1942,1943, Jusqu'à présent,l'analyse que j'ai faite a étéune analyse rigoureuse-
ment juridique. Toutefois, la Cour ne saurait perdre de vue le facteur

humain, qui occupe une large place, particulièrement dans une affaire
comme celle dont elle est actuellement appelée à connaître. Il n'est pas
inutile, pour bien saisir qu'il s'agit d'une dimension inhérente à tout
problèmejuridique, dejeter un coup d'Œilsur les vastes mouvements de
l'histoirequi ont donnénaissance àla Cour.La Cour permanente, créée à
lasuite du conflitleplusdévastateurque lemonde eût alorsjamais connu,
personnifiait les aspirations d'une génération déchirée par la guerre et
soucieuse debannir àjamais leshorreurs del'anarchie internationale et de
consacrerledroitinternational. Telle devaitêtrela mission d'une courqui
opérerait au plan international comme les juridictions suprêmes qui
garantissaient le règnedu droit au plan interne.

En dépit des solides arguments avancés en faveur d'une juridiction
inspiréedeplusprèsdu modèlequ'offraitpar analogie une coursuprême,
lestatut rédigépar lecomitéconsultatif dejuristes n'apas donné àlaCour
la plénitude despouvoirsjudiciaires normalementconférés àunejuridic-
tion de l'ordre supérieur. Il convient de rappeler dans ce contexte le
discoursprononcé par le Belge Lafontainetouchant la compétence de la
cour envisagée.Dans cediscours,prononcé àlavingtièmeséanceplénière
de la premièreAssemblée,le 13décembre1920, à l'occasion de la présen-
tation durapport de laTroisièmeCommission surla Cour permanente de
Justiceinternationale, Lafontaine exprima le regret que le statutproposé
ne conférâtpas àla Cour une plus grande plénitude dejuridiction.
L'orateur rappelaà la Commissionqu'un monde impatient s'étaitdéjà
entendu dire depuislongtemps aquela créationd'une judicature interna-

tionale serait l'antidote véritablement victorieux contre les affres et les
horreurs de la force))l.Son discours est très pertinent dans le cadre des
débats d'aujourd'hui concernantles pouvoirs de la Cour:
«En une telle circonstance, je sens toute la faiblesse de mon
éloquence. Il faudraità cette tribune un Démosthène,un Mirabeau
ou un Jaurès.Je vous convie àécouter la clameur qui vousvient du

dehors et qui bat les murs de cette salle, clameur immense comme
cellede la mer: cesont lesvoix des mèresetdesépousesquipleurent
ceux qu'elles ont perdus, ce sont les voix qui s'élèventdes masses
profondes des peuples, des masses ouvrières qui en ont assez des
misèresetdesépidémiesquilesfrappent et quicontinuent à lesfrap-
per...C'estenfin la voix de ceux qui dorment ensevelisdans laterre
des champs de bataille, qui ont donnéleurjeunesse et qui ont fait le
sacrifice de leursespéranceset de leursjoies pour que lajustice soit.
Nous avonstout de même obtenuque dans le statut qui vous est

' Documentsau sujet des mesuresprisespar le Conseilde lades Nations aux
nente,1920,p. 232.4duPacteetdel'adoptionpar IAssembléeduStatut dela Courperma- soumislapossibilitédeconsentir à un recoursobligatoireexistepour
tous. J'espère que ceux qui signeront le protocole, et je pense
qu'aucune des délégations présenten s'ymanquera, accepteront les
dispositions de l'article.D '

Ce sont là des propos poignants, des propos dont l'intensité n'a
d'égaleque celledes circonstancesauxquellesnous sommesaujourd'hui
confrontés.Ilsmettentenreliefleproblèmemême qui seposemaintenant
à la Cour.
Cettejuridiction, mêmesi elle n'estpas aussi complètequebeaucoup
l'avaient souhaité lorsque le Statutde la Cour a étéconçu, n'en a pas
moins réussi,grâce à une jurisprudence de près de soixante-dix ans, à
donner naissance àun corpus non négligeablede droitinternational qui a
utilement contribuéà sauvegarder la paix internationale. Donner à ces
pouvoirs, déjà incomplets,une signification qui les atténuerait encore
plus en refusant àla Cour celui de sauvegarder sa propre juridiction au

moyen de mesures conservatoires de caractère obligatoire alors qu'une
autre interprétation tout aussi défendable est possible est s'écarterde
l'idéalismequi a présidé àla naissance de la Cour.
Qui plus est, lestemps ont changé depuis que,il y a plus de soixante-
dix ans, une cour internationale a été créé peour la première fois dans
l'histoiredu monde. Manley O. Hudson a bien saisilespressions de cette
époque lorsqu'ila écritdans son traité:

«Le terme indiquer,emprunté aux traités concluspar les Etats-
Unis ..aun relentdiplomatiquevisantdélibérémen téviterd'offen-
ser les «susceptibilités desEtats~. Il est peut-êtrele fruit d'une
certainetimidité desrédacteurs.»

Il se manifestait alors une hésitation naturellà exercer cette com-
pétence nouvelle quin'avait encore pas étémise àl'épreuve. Cettehési-
tation naturelle, pendant cette étapeembryonnaire de lajuridiction de la
Cour, a débouchésur des interprétations faiblesdont les effets se font
encore sentir aujourd'hui. L'Œuvrede création accomplie depuis lors,
tout au long de nombreuses décennies,permetd'interpréter defaçon plus
confiante lespouvoirs de la Cour.
Lestermes à l'examen,commeindiquéau débutdelaprésenteopinion,
peuvent donc manifestement, conformément aux règles acceptéesde
l'interprétation juridique, être comprisommesignifiant qu'ilsimposent

une obligationjuridique3. Il s'agitlàd'une interprétation quiestcorrobo-

Documentsau sujetdes mesuresprises parle Conseilde la des Nationsaux
termesdel'article14duPacteet del'adoptionpar lilssembléeduStatut de la Courperma-
nente,1920,p. 233.
ManleyO. Hudson, op.cit.,p. 425.
Comme Hudson l'afait observer immédiatementaprèslepassage déjàcité:
«Une indication de la Cour envertu de l'article41estl'équivalentde ladéclara-
tion d'une obligationcontenue dansun arrêtetdoit êtreconsidérée commeayalnat
mêmeforce etTemême effet. (Op.cit.,p. 426.)réeaussi parun solideprincipejuridique etpar l'adhésion universelledes
nations. Il s'agitd'un principe quelaCour,àcestadede sajurisprudence,
peut affirmersanscrainte. Ildoitévidemmentêtreclair àtout momentque
l'ordonnance a seulement un caractèreintérimaire,ne vautpas constata-

tion définitive d'un fait et laisse intactes les questions sur lesquelles la
Courprendraune décisiondéfinitivelorsqu'elle statuera au fond.
Considérer l'ordonnance renduepar la Cour comme n'ayant pas vrai-
ment force contraignante aussi longtemps qu'elle demeure applicable
affaiblirait le régimedu droit international au moment mêmeoù son
influencemodératrice est la plus nécessaire.

Pour les raisons exposéesci-dessus,les mesuresconservatoires ordon-
néespar la Cour le 8 avril 1993ont imposéau défendeurune obligation
juridique contraignante. Le non-respect de cette ordonnance met en
danger l'objet mêmedu différend soumis à la Cour et risque de causer
un préjudiceirréparableau demandeur. Ce préjudiceirréparablene con-
cerne pas des droits et des ogligations comme ceux qui sont souvent en
litige, car nous avons à connaître ici de questions qui relèvent de la
convention sur legénocideet quitouchent l'existencemêmed'un peuple.

Toute interprétation qui n'irait pas jusqu'à imposer au défendeur une
obligationjuridique contraignante ne seraitpas enharmonie aveclalettre
et l'esprit de la Charte et du Statut.

(Signé)Christopher Gregory WEERAMANTRY.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE WEERAMANTRY

Thiscasefocuses attention on the question ofthe binding nature ofpro-
visional measuresmore sharply and urgently than almost anyother in the
history of this Court or of the Permanent Court of International Justice.
As the Court stressesin its Order delivered today, "the present perilous
situation demands . ..immediate and effective implementation" of the
measurescontained in its Order of 8April 1993(para. 59).Today'sOrder
also has my full support.

The important question of the binding nature of provisional measures
is veiled in some obscurity as both academic and judicial writing speak
upon itwith an uncertain voice.Asthis casepre-eminently demonstrates,
the matter urgently needs examination for, so long as present uncertain-
ties continue, the Court is hampered in the full discharge of the judicial
functions entrusted to itby the United Nations Charterand the Statute of
the Court.

1note preliminarily the concern the Court has expressed regardingthe
sufferings ofthepeople ofBosnia-Herzegovinawhich, despite severalres-
olutions of the SecurityCouncil, are such as to "shock the conscience of
mankind and flagrantlyconflict with moral law and the spiritand aims of
the United Nations" (para. 52).The Court's apprehensionsatthe time of
the Order of 8April of an aggravation or extension of the dispute before
it, far from being alleviated, have been "deepened by the persistence of
conflicts on the territory of Bosnia-Herzegovina and the commission of
heinous acts in the course ofthose conflicts" (para. 53).

This opinion will deal with so much of the factual material placed
before it as is pertinent to a consideration of the question of law under
discussion and ofthe urgency ofthe need for itsresolution. This examina-
tion becomes necessary in the light of the provision of Article 41 of the
Statute ofthe Court thatthe Court shall have the power to indicate provi-
sional measures "if it considers that circumstances so require". The
examination offacts that followstakesplace onlywithin the ambit ofthat
phrase. Theensuingbriefstatementregarding thefactswillshowthat, giventhe

highest standards of caution demanded for making a provisional assess-
ment forthe purpose ofinterim measures,these standardsare satisfiedin
this case by thematerial placed before the Court.The essentialfacts are
recounted in the barest outline, so that the question of law addressed in
thisopinion maybe seenin itsproper and realisticcontext.This examina-
tion ofthefactsbeing ofapurelyprovisionalnature, does not involveany
definitive findings nor does it affect the decision on the merits that will
need to be made at a later stageofthis case.

TheApplicanthasplacedbefore the Court information froma diversity
of independent sources in support of its contention that, after the date of
the Court's Order of 8 April 1993,there has been a continuing series of
actswhich constitutea clearviolation ofthat Order. Thismaterial can be
classified into three groups - accounts and descriptions carried by the
international media,statementsemanatingfromneutral and independent
observers,and statementsissued by the Respondent Government and by

the Government ofthe Republic of Serbia.

For the purpose of the provisional assessment which follows,it is not
necessaryto take intoaccount the firstgroup ofmaterials.Theplethora of
reports placedbefore theCourt, which werecarried by well-knowninter-
national media,dealt with shelling,destruction of ancient mosques, sup-
pliesfromYugoslaviatothe Serbsin Bosnia,and murder,rape andtorture
on an extensive scale. However,since, in a complex international situa-
tion such asthis,mediareports bythemselvesmaybe an uncertain guide,
they have not been taken into account in this assessment.This approach
stems also from the natural caution that needs to be exercisedin judicial
fact-finding, eventhough it be ofa provisionalnature.

In the second category are statements emanating from disinterested
sources such as officials of the Office of the United Nations High Com-
missioner for Refugees (UNHCR), the Chairman of the United States
Senate'sCommitteeon European Affairs,HelsinkiWatch, an EC media-

tor, the Director of the United States Bureau of Refugees Program, and
various United Nations officials.Theactsreferred to in these statements,
al1of them subsequent to the Court's Order of 8 April this year, include
the massacreofwomenand childrenina"heinous policy ...nothing short
of genocide" (Chairman of United States Senate's Committee on Euro-
pean Affairs,9.4.93);the shellingof Srebrenicawith shellssetto explode
in mid-air to wreak the greatest havoc on people caught in the open
(UNHCR officiai, 13.4.93);the wounding of large numbers of civilians,
resultinginbodies and parts ofbodies,someingruesomecondition, being
loaded ont0 ox carts and wheelbarrows after such an attack (Canadian
United Nations official, 15.4.93);atrocities committed in Bosnia-Hene-372 APPLICATION OFGENOCIDECONVENTION (SEP . P.WEERAMANTRY)

govina by Serbian military and paramilitary forces (Second Report of
Helsinki Watch, 17.4.93);the shellingof Sarajevowith an intensity such
that United Nations officials logged 1,200 shells exploding by mid-
morning (United Nations officialsin Sarajevo, 4.7.93);the bombing of
mosquesasaprelude to "ethnic cleansing" campaigns(UNHCR official,
9.5.93);the presence of 1.4million refugees in Bosnia whose food sup-
plies, already atstarvation levels, would be cut in half by the fighting
(UNHCR, 1.7.93);the reduction of a town of 6,000people to 50people
wandering around (UNHCR official, 10.5.93);the killing of 1,400chil-
dren and the wounding of 13,000more (United Nations officials in Sara-
jevo, 5.7.93.);the involvement of the Yugoslav NationalArmy in at least
part of the shelling of Srebrenica(Chairman of United States Senate's
Committee on European Affairs,20.4.93);the passage of supplies to the

BosnianSerbsthrough Belgrade(ECmediator, 19.4.93);assistancetothe
Bosnian Serbs by helicopter missions flown from Yugoslavia (military
specialist at King's College, London, 24.6.93); and the rape of women
numberedinthetens ofthousands (Helsinki Watch,8.6.93).Theitems set
out above represent only a portion of the material placed before the
Court. Some of these statements are accompanied by circumstantial
details,sometimesofalurid nature,to whichitisnot necessasr forpresent
purposes to refer. Cumulatively, the material in this second category is
morethan adequateto justify aprovisionalfinding sufficientforthe pur-
poses ofthis request.

The third category of materials consists of statementsin officia1com-
muniquésissuedintheperiod 8-11May 1993bythe Respondent Govern-
ment and the Government ofthe Republic of Serbia.These arecontained
at pages 43-49 of the second request for the indication of provisional
measures, dated 27July 1993.

Arnongthestatementscontainedinthefirstcommuniqué ofthe Repub-
lic of Serbia is the description of the current conflict in Bosnia-Herze-

govina as a "just battle for freedom and the equality of the Serbian
people". The Republic States that it has provided aid in "funds, fuel,
raw materials, etc." to the Serb Republic in Bosnia at great sacrifice to
itself.There is alsoa statementthat the Republic of Serbiahas been

"unreservedly and generously helpingthe Serb Republic in spite of
theenormous problems it had to face due to sanctions introduced against it by the UN Security Council" (second request by Bosnia,
p. 43).

This information must be read with the communiqué issued by the
President of the Republic of Serbia,released by the Yugoslav telegraph
service on 11May 1993and carried by the BBCin its summary of World
Broadcasts on 13May (secondrequest by Bosnia, p. 46).Thisasserts that
inthe past two years the Republic of Serbiahasmade massive efforts and
substantialsacrifices to assistthe Serbsoutside Serbia.Thecommuniqué
continues: "Most of the assistance was sent to people and fighters in
Bosnia-Herzegovina." The intemational sanctions are described as
brutal, and solidarity is expressed with the Serbs in Bosnia-Herzegovina.
Sufficient reason exists, according to the communiqué,to halt the war
as "Most of the territory in the former Bosnia-Herzegovinabelongs now
to Serb provinces." The communiqué reiterates that the Serbs in
Bosnia-Herzegovinahave achieved most of what they wanted owing to

the "great deal of assistance"they received from the Republic of Serbia.

The communiqué, issued by the Federal Govemment of Yugoslavia
(ibid.,p.44),expresses its "indignation and profound concem" that the
Republic of Sprska (i.e.,ofthe Serbsin Bosnia) had decided not to accept
the Vance-Owen Plan but to leave it to a referendum among the Serb
people of Bosnia-Herzegovina. In view of this, the Federal Republic
announces that it will reduce its future aid to the Republic of Sprska
"exclusivelyto contingents of food and medicaments".

Such material placed by the Applicantbefore the Court must naturally
cause grave concem regarding the Respondent's compliance with the
Court's Order of 8 April. It is not difficult in the light of this material to
reach a provisional findingthat the conditions of Article 41 are satisfied
forthe activation of the Court's provisionalmeasuresjurisdiction.

Byway of contrast tothe range and independence of the sourcescited
by the Applicant in support of its assertions of fact, the assertions of fact
by the Respondent lack that basis of wide and impartial support but
depend mainly upon a report compiled by the Yugoslav State Commis-
sion for War Crimes and Genocide. There can be no doubt regarding the
considerablesufferingscurrentlybeingundergone by the Serbianpeople
in Bosnia-Herzegovina and thismustnecessarilybe ofdeep concem tothe
Court. Yet the matter under examination is non-compliance with the
Court's Order of 8 April, and there is an insufficiency of independent
material sufficientto show such a non-compliance by Bosnia. 1sTHE ORDER OF 8APRIL1993
LEGALLB YINDIN G

Against the background of the foregoing summary of the bases for a
provisionalfinding, this opinion proceeds to consider the legal question
ofthe binding nature of provisional measures. Asa learned writer on the
subjectofinterim measureshas obsened ofthe inter-warliterature onthe
subject, it presents "the picture of an extremely colourful - not to say
confusing - mosaicofopinions" '.Suchapicture isnot inthe interestsof
international justice.

Theproblem isnot an easyone.On theonehand, there isthe lackof an
opportunity for a definitivefinding offact and, on the other,the compel-
ling needfor a steadyinghand to be appliedto preventirreversibledamage
to aParty.Thesearepowerfulconsiderations tobe balanced againsteach
other and cal1for consideration from a variety of perspectives,not the
leastofwhichistheimportance ofachievingthe purposes ofinternational
justice whichthe Court wascreatedtofulfil.This isthus a question whose
importance transcends the matter presently before the Court, important
though it be.

(a) BindingNature ofa ProvisionalOrderas Distinguished
from itsEnforceability

Asthe lack ofmechanismsfor enforceabilitysometimescloudsdiscus-
sionsofthe binding nature ofthe orders ofthis Court,a consideration of
the binding nature of provisional measures must start with the clear dis-
tinction that existsbetween the question ofthe legalobligation to comply
with an order and the question ofitsenforcement2.Thefact that an order
cannot be enforced does not in any manner affectits binding nature, for
the binding nature of an order is inherent in itself. It imposes a positive

obligationrecognizedbyinternational law.Whethersuchanorder iscom-
plied with or not, whether itan be enforced or not, what other sanctions
lie behind it- al1these are external questions, not affectingthe interna1
question of inherent validity.

In theAnglo-IranianOil Co.case, this Court, having ordered interim

-
JerzySztuckiInterim MeasuresintheHagueCourt:AnAttemptuta Scrutiny,1983,
p.283.
See ASILS International Law Journal, Vol. 9 (1985), p. 176; and see
Jerome B. Elkind,Interim Protection: A FunctionalApproach, 1981157, for an
instancecited bytheuthorof a blurringoftheseissuesevenin learneddiscussion.measures, subsequentlyheld it had no jurisdiction on the merits l,but, in
the meantime, the United Kingdom, the applicant in the case, took the
matter to the Security Council, seekingenforcement under Article 94 of

the Charter. This attemptfailed and, through ablurring ofthe distinction
here being made, this failure at enforcementbecame "the focal point for
commentary on various aspects of interim measures, and particularly on
the question of whetherthere is a dutyofcompliance"*T . he Court, while
enjoiningthe parties, went out ofitswayto point out that those measures
"in any case retaintheir own a~thority"~.It isto be noted also that deci-
sions ofthe SecurityCouncilas to whetherit willenforce an order or not
are not determinative of the question whetherthe order imposesa legal
duty4.

Evenin domesticlaw,the positivisticviewthat asanction isessentialto
itsvalidityhaslongbeenleftbehind. Modern research,bothjurispruden-
tial and sociological,has shownthe inherent validity of a lawto be inde-
pendent of the existence of a sanction to enforce it. This is doubly so in
regard to international law.

Indeed, it scarcely needs mention that in international law the Aus-

tinian viewthat a sanction isnecessarytothe existenceof a rule oflaw,or
of a legal prescription, has always been particularly inappropriate. The
treatment of provisional measures as not imposing legal obligations
becausethe Court hasno power ofenforcementisthus untenable. Viewed
in this light, a provisional measure, no differentlyfrom a final order, if
pronounced by a court accordingto due forms and processes and within
itsjurisdiction, is inherentlyvalid and as such carries with it a duty of
compliance.

Whenthis Court, dulyacting within itsauthority andjurisdiction, indi-

catesprovisionalmeasures,itisintheexpectation that thosemeasureswill
be complied with, in accordance with international law. Their violation
must therefore be viewedwith great concern. The question of the obliga-
tionto complymustatal1timesbesharplydistinguishedfromthequestion
of enforceability.

Anglo-IranianOil Co., Interim Protection,I.C.J. Reports 1951,p. 89; and Anglo-
IranianOilCo.,Judgment,I.C.J.Reports 1952,p. 114.
Courtof Justice",CaliforniaWesternInternatioLawf Journal,Vols.6-7(1975-1977),l
p. 350;emphasisadded.
Anglo-IranianOiCo.,Interim Protection,I.C.J.Reports1951,p. 94.
SeeCrockett,op.cit.,p. 376. APPLICATIONOFGENOCIDECONVENTION (SEP .P. WEERAMANTRY)
376

(b) BindingNature ofProvisionalOrdersasResulting
from theInherentAuthority ofa JudicialTribunal

Thefunction ofajudicial tribunal, once an issuehasbeenbrought to it,
isto takethe necessarystepsaccordingto lawtowardsreachinga decision
in accordance with the principle of the equality of parties. This presup-
posesthatthe issuebrought to it,oncecommittedto the court, must asfar
as possible be preserved in that form, free of interference by unilateral
action ofaparty, until the determinationmade bythe court. It means also
that the principle of equality cannot be disturbed by the superior force

availableto one party, wherewith to impair or interfere with the subject-
matteruntildetermination. Itisthus inherentintheauthority ofthattribu-
nal that, ancillary to the power ofjudgment, it must have power to issue
incidental orders to ensure thatthe subject-matterofthe suit ispreserved
intact untiljudgment.

Such a power would of coursebe completelynegatived if a party were
under nolegalobligation to obeysuchan order and werethereforefreeto
disregard it. In certain cases, as one writer puts it, this could "make a
mockery of thejurisdiction on the merits" 'The anomaly is evengreater

wherethe unilateral action of a party is ofsuch an order asto destroythe
subject-matterwhich isin litigationbefore the court. Even strongeristhe
case where such action threatens to destroy or undermine the very exis-
tence of a party.

Totaketheviewthat a court seisedofamatterhasnopowertoact inthe
faceofaunilateral threat tothe subject-matterbyoneofthe partiesbefore
itwould appear then toresultinthe contradictorysituation ofthecourt on
the one hand havingjurisdiction to hear a case and on the other being
denied the effective and necessary authority to discharge the task which
has thus been validlyentrusted to it. To viewprocedural measuresas not

binding on the parties is to enable the ground to be cut under the feet
not only of the opposite party but also of the court itself.A reasonable
construction, in total context, of the judicial powers entrusted to the
court doesnot seemcapable ofsustainingsuchameaning.The ruleunder
discussion has been described as a "principle of institutional effective-
ne~s"~.

Court of Justicethrough U.SStaff in Tehran:Fiat Iustitia, PereatT',rVirginia
Journal ofInternationalLaVol. 20,No. 3(1980p. 303.
V.S. Mani, "Interim Measuresof Protection:Article41 of the ICJStatuteand
Article94 of theUN Charter",Indian JournaofInternational LawVol. 10(1970),
p.362. Support for the universality of such a conceptual approach is to be
found in Electricity Company ofSofa and Bulgaria.This Order recites :

"Whereasthe abovequoted provision [Article41(l)] ofthe Statute
applies the principle universallyaccepted by international tribunals
and likewiselaid down in many conventionsto which Bulgariahas
been a party - to the effect that the parties to a case must abstain
fromanymeasurecapable ofexercisinga prejudicial effectin regard
to the executionofthe decision tobe givenand,in general,not allow
anystep ofanykindto betaken which mightaggravateor extendthe
dispute" (P.C.I.J.,SeriesA/B, No. 79,p. 199).

The Court has also expressedconcern that itsJudgment should not be
anticipated by unilateral action of a party. In the AegeanSea Continental
Shelf case,it obsewed :

"Whereas the power of the Court to indicate interim measures
under Article 41 of the Statute presupposes that irreparable preju-
diceshould notbecausedto rightswhicharethe subjectofdisputein
judicial proceedings and that the Court's judgment should not be
anticipated by reason of anyinitiativeregarding the matters in issue
before the Court" (I.C.J.Reports1976,p.9,para. 25).

Anyinterpretation ofthe relevantprovisions oftheCharter, the Statute
orthe Rulesina sensethat provisionalmeasures do not imposelegalobli-
gations on the party at whom they are directed thus does not accord with
the structural framework ofjudicial power.
Conceptual reasons such as this persuaded Hambro, one of the early
Registrars of this Court, to the viewthat the power to act by way ofpro-
visionalmeasuresisa part ofjudicial poweralready existinginprinciple,
apart fromspecificprovisions to that effect.In his words :

"The Court in exercising its authority under Article 41 does
only in effect give life and blood to a rule that already exists in
principle." '

The same.author argues that, under general principles of international
law, al1Statesparties to an international dispute subjudiceare under an
absolute obligationto abstainfrom al1actsthat would nullifytheresult of
thefinal judgment or aggravateor extend the dispute2.

tion Indicated by theInternationalCourtof Justice",iRechtsfagen der Znternatio-
nalenOrganisation,Festschrifttr unsWehbergzuseinern 70.Geburtstag,1956,p. 167.
Zbid.,p168. Hence, Hambro reaches the conclusionthat :

"it would not bein conforrnitywiththe augustcharacter ofthe Court
as an 'organofinternational law'and asthe 'principaljudicial organ
ofthe United Nations' ...to make any decisionthat the parties were
freeto respect or to ignoreaccording to their own pleasure" l.

This argument istaken yetfurther by other scholarswhoargue that the

bindingnature ofinterlocutoryinjunctions and similarmeasures isa rule
universallyrecognized and as such may evenbe considered to be a "gen-
eralprincipleoflawrecognizedbycivilizednations" under Article38(1)(c)
ofthe Court's Statute2.It is of interest that someinfluential earlywriters
on thistopic shared this view.Thus Dumbauld3and Niemeyer4saw the
dutyto observe interimprovisionalmeasuresasexistingindependently of
the Statute and as therefore lying upon the party in question even if the
Statute had containedno such provisions dealing with this matter.

Niemeyerdescribesitas abasic normativeprinciple (Nom-Grundsatz)
that :

"from the momentthat, and aslongas,a dispute issubmittedtojudi-
cialdecision and one is awaited,the parties to the dispute are under
an obligation to refrainfromanyact or omissionthe specificfactual
characteristics ofwhichwouldrender the normative decision super-
fluous or impossible" (tran~lation)~.

Account must, however,be taken ofthe fact that a number of eminent
writers, including A. Hammarskjold, another early Registrar, have

expressed a strongly contrary view6.Among the factors weighing with
them are their stressupon the word "indicate", the lack of enforceability
and the location of Article 41 in the Chapter of the Statute dealing with

' Hambro, op. cit.,pp. 165-167.
See,for example, Elkind, op.cit.,p. 162.Elkind, indeed, makesthispropositionthe
centraltheme ofhistreatise onthe subject - seeChapter2 ofElkind'sworkin whichhe
citesAnglo-Arnerican, Roman, Soviet and Hindu law in support of this proposition.

EinstweiligeVerfügungendes Weltgerichtshofi,ihr Wesen und ihre Grenzen1, 932,
pp. 15-16.
"Sobald und solange ein Streit einer richterlichen Entscheidung unterworfen und
eine solche zu erwarten ist, haben sich die streitenden Parteien jeder Handlung und
jeder Unterlassung zu enthalten, deren Faktlzitat die normative Entscheidung über-
flüssigoder unmoglich machen konnte." (Op.cit.,p. 16.)
See A. Hammarskjold, "Quelques aspects de la question des mesures conserva-
toires en droit international positif', in Zeitschriftfür auslandischesoffentlichesRecht
undVolken-echtV , ol.V(1935),p. 5.379 APPLICATION OFGENOCIDECONVENTION (SEPO.P.WEERAMANTRY)

procedure and such mattersas the language ofthe Court - thus suggest-
ingthat it was not of importance in a substantive sense.

However, such considerations,each of which may no doubt be separ-
atelyansweredl, seemtobe outweighedbythe conceptualfactorsalready
outlined and the linguistic and other considerations which follow.

The importance of the conceptual considerations discussed above
becomes apparent when, from a practical standpoint, one looks at the

gravity of causes for which the provisional measuresjurisdiction of the
Court isused - prevention ofirreparableprejudice orinjury; ofactionin
amannerso asto renderthe finaljudgmentnugatory ;ofdestruction ofthe
subject-matter; and of aggravation of the dispute.The gravityof each of
these reasons reinforces the viewthat the Court's power, once exercised,
cannot stillleavethe parties free to act asthough unrestrained.

Theviewthat provisionalorders are part ofthe inherent authority of a
judicial tribunal isthus one which is sustainable on generalprinciple, on
practical necessity, and on the basis of a not inconsiderable body of
authority. Principles that may be invoked in supbort of such a view
includethe principle of equality ofparties,the principle of effectiveness,
the principle of non-anticipation by unilateral action of the decision of
the Court, and also the wide and universal recognition of the enjoining

powers of courts as an inherent part oftheirjurisdiction.

(c) BindingNature ofProvisionalMeasuresasResulting

from theTerminologyoftheCharter,theStatuteand theRulesof Court

The language of Article 41 of the Statute uses the word "indicate"
rather than "order" in relation to provisional measures, thus opening
up discussion as to whether it is less binding in its nature than other
decisions.

' In relationtothe argumentthat thepositioning ofArticle 41inthe proceduralpor-
tion of the Statute in some way weakens its power, Professor Greigpoints :utthat

"it could evenmore strongly be argued that Article 41is placed under theheading
procedure because the goveming principle is not to be found in Chapter II, but as
part of the Court's inherent incidentaljurisdiction. Article 41refore,as set
out in the PermanentCourt's judgment in the ElectricityCompanycase,an expres-
sion ofthat principle and the means of givingeffect(D.iW.Greig, "The Bal-
ancing of Interests and the Granting of Interim Protection by the International
Court", AustralianYearBook ofInternationaLaw,Vol. 11(1991),p. 131.) It is useful to examinethis question from the standpoint of the other
relevantterminologywhichappearsinthe Statuteand the RulesofCourt.
There are severalavenues along whichthislinguisticexamination can be
approached.

(i) Theword "indicate"

Theoriginaldraft ofArticle41,in French,prepared by Mr. Raoul Fer-
nandes, used the word "ordonner'" whichtoo appeared as "order" inthe
Englishtranslation. Mr. Fernandes' suggestionthat such order should be
supported by effectivepenalties did not meet with the approval of other
members of the Advisory Committee such as Elihu Root, de Lapradelle
and Lord Phillimore, and a new draft was submitted wherein the words

"pourra ordonner" were replaced by "pouvoir d'indiquer" with an
English translation reading "power to suggest". At the Fifth Meeting of
the Sub-committee,Mr. Huber of Switzerlandinsisted on a stronger term
than "suggest" and the word was replaced by "indi~ate"~.

This drafting history shows that the Court's power goes beyond mere
suggestionor advice,but carriessomeconnotations ofobligation.Indeed,
the French word "indiquer" probably goes even further in this direction
than the Englishword"indicate", forone ofthe meaningsof"indiquer" is
"to draw up (a procedure, etc.); to dictate, prescribe, lay down a line of
action, et^.)"^.

(ii) Theword"ought"

To be noted first of al1is the factthat, within the context of Article 41
itself, one finds the word "ought" being used in reference to the provi-
sionalmeasuresthat areindicated.The word "ought" carriesthe connota-
tion ofan obligation,andtakesthe matterfurther inthe direction ofaduty
being imposed than does the word "indicate" taken by itself.A reference
to the French versionofthe Statuteratherstrengthensthisconclusion,for
it uses the word "doivent" which carries the implications of "should" or
"ought" in the senseofthe existenceof a duty4.Indeed, a perusal ofstan-
dard dictionaries showsthat the word "devoir", whether used asa verbor
as a noun, carries heavy overtones of duty or obligation,as in "it is your
duty to honour your parents" or "do your duty come what may" (for the

verb) or (a)"duty" asto do one'sduty; (b)"obligation" asthe obligations
of a citizen(forthe noun). Though these meanings do not by themselves

Committee,June16th-July24th,1920,28thmeeting,AnnexeNo.3,op. 609.roceedingsof the
Documentsof the5thMeetingof thenird Committee,Annex 16,p. 172.
Harrap'sStandardFrenchandEnglishDictionary,Vol. 1,p. 1:18.
Zbid.,pD 53.381 APPLICATION OFGENOCIDECONVENTION (SEP .P.WEERAMANTRY)

conveythe idea ofa legalduty, itisclearthatboththe English "ought" and
the French "doivent" considerablyreinforce the word "indicate".

Approaching the matter from another angle, another writer observes :

"In Hohfeldianterms a legalrightimports a correlative legalduty.
Thus the word 'ought' inthe phrase 'measures which ought to be
taken to preserve the respectiverights of eitherparty' would seemto
refer to a legal duty."

This argument of correlative connotations assumes relevance also in
relation to the word "power".

(iii) "Mesuresconservatoires"
Further reinforcement is given to this stronger meaning when we see

that the expression "provisional measures" in English is again weaker
than the French expression "mesures conservatoires", which givesmore
emphasis than the Englishphraseto the importance ofpreserving the sub-
ject-matter without damage. Whilethe Englishwordstaken bythemselves
may seem to stress the provisional aspect of these measures, the French
expression stresses more clearly what the whole exercise is about -
namely the preservationintact ofthe subject-matter ofthe case.Indeed, in
the English translation of Mr. Fernandes' original draft, the words
"mesures conservatoires" were correctly translated as "protective
measuresW2b ,ut while the expression "mesures conservatoires" remained

constantthrough altered French versionsofthe provision and stillremains
in Article 41, the English translation switched to the weaker expression
"provisional measures" which of course does not exactly parallel the
French text.

The discrepancybetween the English and the Frenchtexts wasthe sub-
ject of commentat a meeting of the judges of the Permanent Court when
they discussed the amendment of the Rules relating to provisional
measures. Sir Cecil Hurst noted the phraseology "mesures conserva-

toires" and "interim protection" in the two versions and expressed a
doubt as to whether the two expressions exactly corresponded3. The
Registrar then drewattention to the differentexpressionsused in English
in Article 41ofthe Statute and Article 57ofthe Rules asthey then existed,

' Elkind,op.cit.,p. 153.
SeeElkind,op.cit.,p. 44.
Acts and Documentsconcerningthe Organizationof theCourt,SecondAddendumto
No.2,p. 253.

60for the rendering into English of the expression "mesures conserva-
toires" '.

(iv) fie word'fpower"
Perhapsmoreconclusivethan al1ofthese inreinforcingthis interpreta-

tion of something more than a mere moral duty, is the use at the com-
mencement of the Article of the word "power". If al1that Article 41
enablesthe Court to do isgiveexhortations to parties, whichare ofa non-
bindingnature, theuseofthe word "power" inenablingthe Court to do so
isdifficultto understand.Oneneeds powerto imposeabindingobligation
butone doesnot need "power" to giveexhortatory advice.Onecannotsee
the Statute as solemnlyinvestingthe Court with specialpower under Ar-
ticle41 ifthe soleobjectof that power wasto proffer non-binding advice,
whichthe parties wereperfectlyfreeto disregard.Awordwithsuchheavy
connotations as "power" must clearly havebeen meant to givethe Court
an authority itdid nototherwisehave - an authority to imposeonparties

an obligationwhich,without such a word,would not be binding on them.

Power,inthe languageofanalyticaljurisprudence, meansthat those on
whomthat power isexercisedare under adutyto complywiththe exercise
ofthat power,for, ifno dutywereto result,there wouldbe noneed forthe
exercise of "power". The well-known Hohfeldian analysis of rights,
whichhas receivedwideacceptance,classifiesliabilityas the jura1corre-
lative of power2, thus indicating that, when a legal power is exercised,
a legal liabilitynsues to comply with that exercise of power. Such con-

siderations lead to the conclusion that "indications" issued under
Article 41 carry more than a merely moral duty to comply with the
measuresindicated 3.

(v) fie descriptionoflesssigniJicantmeasuresas orders

Another approach to the question is along that of the interesting
argument adduced by Hambro that orders made by the Court under
Article48ofitsStatute,which are described asorders inthe Articleitself,
and which relate to comparatively minor matters such as the form and
time in which each party must conclude its arguments are undoubt-
edly enforceable under Article 53 of the Statute. Hence, the "much

1 Acts and Documentsconcerningthe Organizationofthe Court,SecondAddendumto
No2 On theHohfeldiananalysisandthe many writersupon it, seSalmond on Juris-
prudence,12thed., 1966,p.225.
3 Elkind,op.cit.,153.more solemn and serious orders under Article 41" should be binding
aswell l.

A misunderstood passage in this context is the following from Free
Zonesof UpperSavoy andtheDistrict ofGex:

"[Olrders made by the Court, although as a general rule read in
open Court, due notice having been given to the Agents, have no
'binding'force(Article 59of the Statute) or 'final'effect (Article 60
of the Statute) in decidingthe disputebrought by the Partiesbefore

the Court ..."(P.C.I.J.,SeriesA, No.22,p. 13.)
The Court was there merely giving expression to the principle that
"an order has no bindingforce ontheCourtin itsultimate decision on the
me rit^"^.

(vi) Theundertakingto complywith "decisions" of the Courtin tems of
Article94of the UnitedNationsCharter

By Article 94 (1) everyMember of the United Nations undertakes to
comply with the decisionsof the Court in any case to which it is a Party.
When the Court decides to indicate provisionalmeasures is it making a
decision?
Anindication that provisional measuresaretreated asa decisionbythe

Court itself istheir description assuch in Articles74(2),76(1)and 76(3)
ofthe Rules of Court. AsHambro argues,interim measures are certainly
treated as decisionsby these Articles3.

Alsoto benoted isthatthe Frenchexpression"pour statuer d'urgence",
appearing in the French version of Article 74 (2) of the Rules of Court,
conveysthe idea of making a decision orjudgment. In Articles76(1)and
76(3),however,the French version usesthe sameword "décision".

One notes in this context the statement of one of the most eminent

writers onthe jurisprudence of the Court who, in discussingwhetherthe
obligation derived from Article 94 (1) of the Charter is wide enough
to embraceinterlocutory orders, has observed that "the word 'decision'
in the Charter refers to al1decisions of the Court, regardless of their
f~rm"~.Thiswouldincludeprovisionalorders as well.

Hambro, op.citp. 170.
SeeCrockett,op.citp.377,emphasisadded.
Hambro, op.citp. 170.
ShabtaiRosenne, TheLaw andPracticeof theInternationalCou1985,p. 125;see,
also,Rosenne,TheInternationalCourtofJustice1957,p.82,tothesameeffect. In this context,it isto be noted that Judge Eliashas also expressed the
view that an indication of preliminary measures has the same force as
a judgment since it is at least an interim judgment'.This supports the
viewthat provisionalmeasures have beentreated by the Court as ajudg-
ment.

Manyroutes ofinternalanalysisofthe relevantinstrumentsthus leadto
the same conclusion,namely, that an indication of provisionalmeasures
by the Court is not merely a formula of exhortation but a decisionexer-
cised under the powersof the Court which imposes an obligationon the
party to whom they are directed, which isof a legal and binding nature.

Nor does this conclusion,reached upon a purely linguisticanalysis of
the phraseology used in the Court's instruments, lead to a conclusion
which isother than one eminentlysuitedto the purpose and the function
of thejudicial process, especiallyas it is exercisedatthe highestinterna-
tional levelthrough the International Court.

(d) BindingNature ofProvisionalMeasuresas Znferred
from Decisionsof the Court

Wearenot on clear ground here,but there is much that is suggestiveof
the Court's implicit acceptance of the binding nature of provisional
measures, quite apart from the Court'streatment of provisional measures
as "orders" or "decisions" in itsinternal practice.

In Nuclear Tests,for example, the Court recited without comment the
pleadings ofthe AustralianGovernment that

"in the opinion of the Government of Australia the conduct of the
French Government constitutesa clear and deliberatebreach of the
Order of the Court of 22 June 1973" (Nuclear Tests (Australia
v. France),Z.C.J.Reports1974,p. 259,para. 19).
Whilethiswas, ofcourse,the position ofAustraliaand not oftheCourt,
the selection of this averment and its reproduction without adversecom-
ment leaves room for inferring that the Court gavethat position its tacit
endorsement. As Sztuckiobserves :

"the Court is responsible for its own selection of quotations and
for supplying them with, or leaving them without, a commentary.
The quoted passage from the Court's order can therefore be inter-

lems,1983,p.79.iasTheInternationalCourt ofJusticeand Some ContemporaryProb-385 APPLICATION OFGENOCIDECONVENTION (SEP .P.WEERAMANTRY)

preted as a tacit and indirect endorsement of the applicant's posi-
tion."l
Themarked lack ofaffirmativedecisions ofthe Court onthis matter is
another factor attractingattention to theimportance ofa consideration of
this question. There is a paucity also of dicta of judges of the Court in
separate opinions, declarations or dissents.

Among otherjudicial dicta to the same effect,we should note the dec-
laration of Judge Ignacio-Pinto in FisheriesJurisdiction2where, with ref-
erenceto interim measuresordered by the Court, he viewedcertain later
incidents involvingnumerous clashes in the disputed fisheryzoneas acts
which"constituteso manyflagrantviolationson either side" ofthe opera-
tivepart of the Ordersin question.

The Permanent Court commented in the PolishAgrarian Reformcase
thatthe interim measuresrequested would resultin a generalsuspension
ofagrarian reformin sofaras concerns Polishnationals ofGerman race3.
The implication of such an observation could wellbe that in the Court's
viewthe interim measuressought would havea legallybinding effect.

The often-quoted statement of the Permanent Court in FreeZones of
UpperSavoyandtheDistrictofGex that suchorderhad "no 'binding'force
...or 'final'effect...in decidingthe disputebrought bythe Partiesbefore
the C~urt"~does not have the conclusive effect it is sometimes repre-
sentedashaving,aspointed outearlierinthisopinion. That statementwas
restricted to the impact of those measures on the final order. Clearly an
interim order does not have a binding force or final effect upon the
eventual decision of the dispute as it is clearly interlocutory and pro-
visional.

From the recent jurisprudence of this Court, perhaps the case of

Military and Paramilitary Activitiesin and against Nicaraguacould
best be cited as indicative of a duty lying on a party to take "seriously
into account" provisional measures indicated by the Court and "not
to direct its conduct solely by reference to what it believes to be its
rights"5.

' JerzySztucki,op.cit.,pp. 272-273.
FisheriesJurisdiction(UnitedKingdomv. Zceland),ZnterimProtection,Z.C.J.Reports
1973P.C.I.J.,SeriesA/B, No.58,p. 178.
P.C.IJ.,SeriesA, No.22,~. 13.
Militaryand ParamilitaryActivitiesin and againstNicaragua(Nicarv.United
States ofAmerica),Z.C.J.Reports 1986,p. 144,para.289. (e) BindingNature ofProvisionalMeasuresas Inferred
from Extra-judicialWritingsofJudgesoftheCourt

Judges ofthis Court, writing extra-judicially, have contributed much to
the viewthat provisionalorders arebinding.

Judge Jessup,in his forewordto an academic work which reachesthe
conclusion that such orders are binding, has given that conclusion the
weight of his support by observing that the author "weighs the pros and

cons and soundlyconcludes that such orders arebinding" l.

Sir Gerald Fitzmaurice observes :

"The whole logic of the jurisdiction to indicate interim measures
entails that, when indicated,they arebinding - forthisjurisdiction
isbasedupon the absolute necessity,when the circumstances cal1for
it,ofbeing ableto preserve, andto avoidprejudiceto, the rights ofthe
parties,asdetermined bythefinaljudgment oftheCourt.Toindicate
special measures for that purpose, if the measures, when indicated,
arenot even binding (let alone enforceable), lacks al1point ..."2

Judge Lauterpacht, while strongly of the view that the Statute did
more than impose a purely moral argument, also expressed some reser-
vations :

"It cannot be lightly assumed that the Statute of the Court - a
legal instrument - contains provisions relating to any merely moral
obligations of States and that the Court weighs minutely the circum-
stances whichpermit itto issuewhat isno more than an appealtothe
moral sense of the parties. At the same time, the language of
Article 41 of the Statute precludes any confident affirmation of the
bindingforce of the measures issued by it under that Article ..."3

Judge Hudson of the Permanent Court in his treatise wrote that the
word "indicate" "is not less definite than theterm orderwould havebeen,
and it would seem to have as much effe~t"~.

PhilipC.Jessup, Forewordto Elkind,op. cit.,XIII.
Fitzmaurice,The Law and Procedure of theInternational Courtof Justice,Vol. II,
1986,p. 548.
Sir Hersch Lauterpacht,TheDevelopmentof InternationalLawby theInternational
Court,1958,p.254.
Manley O. Hudson, ThePennanentCourtofInternationalJustice,1920-1942,1943,
p.425. Thishas thus farbeen a strictlylegal analysis. Howeverthis Court can-
not losesightofthe human factorwhichloomslarge,particularly ina case
such as that which is now before the Court. It is an aid to this necessary
dimension in the appreciation of a legal problem to take a glance at the
great historical processes that brought this Court into existence. The
Permanent Court, setup inthe aftermath of the most devastatingconflict
the world had seen, embodied the aspirations of a war-tom generation
anxiousto putbehind themthe horrors ofinternational lawlessnessand to
enthrone international law. They sought to achievethis through a Court

operating internationally on the mode1 of the superior courts which
ensured the mle oflaw at a domesticlevel.

Despite strong contentions in favour of a jurisdiction more closely
modelled on the analogy of a Supreme Court, the Statute of the Court
drafted by the Advisory Committee of Jurists did not givethe Court the
fulljudicial powersnormallyassociated with acourt ofsuperior jurisdic-
tion. Worthy of recall in this context is the speech of Mr. Lafontaine of
Belgium,regarding the jurisdiction of the proposed court. This speech
wasmade atthe 20thplenarymeetingofthe FirstAssemblyon 13Decem-
ber 1920on the occasion of the presentation of the report of Commit-
tee III on the Permanent Court of International Justice. He lamented the
failure of the proposed Statute to vest the Court with fullerjurisdiction.

The speaker reminded the Committee that an expectant world had
been "long agotold that the creation of an International Court would be
the only effectiveantidote to thedread supremacy of force" '.His speech
is deeply relevant to contemporary discussions of the powers of this
Court.

"In such circumstances 1feel how poor a thing is my eloquence.
Weneed a Demosthenes, aMirabeau, aJaurèsonthisplatform. 1cal1
upon you to listentothe sound that comesto you frombeyond these
walls, a great moaning like to that of the sea. It is the voices of the
mothers and the wiveswho are mourning for those whom they have
lost. Its the voice that rises from the peoples, the working masses
who are weary ofthe miseries and of the plagues which are striking
them and continue to strike them. . ..It isthe voiceofthose who are
sleeping buried on the battlefield, who have giventheir youth and
sacrificed hope and joy in order that there might be justice in the
world.
Nevertheless,wehave obtained inthe Statutesubmitted to youthe

Article14oftheCovenantandtheAdoptionbytheAssemblyoftheStatuteofthePennanent
Court,1920,p.232.388 APPLICATIONOFGENOCIDECONVENTION (SEP .P.WEERAMANTRY)

means of accepting a compulsoryjurisdiction of the Court. 1hope
that those who signthe Protocol, 1trust that al1the Delegationshere
present, willaccept the provisions of Article36." l

These are poignant words - words whose poignancy matches that of
the circumstancesbefore us.Theyhighlightthe veryproblem nowbefore
the Court.

Thatjurisdiction, though not ascompleteasmanyhad desiredwhen the
Statute of this Court was first formulated, has yet been worked, through
nearly 70 years of jurisprudence, to evolve a not insubstantial body of
international law which has served a valuable role in preservinginterna-
tional peace. To giveto those powers, incomplete as they are, a meaning
which attenuates them further by denyingthe Court theauthority to con-
serve its own jurisdiction through provisional measures of a binding

nature, when another equally sustainable interpretation is possible, isa
step awayfrom the idealismwhich gavebirth to the Court.

Moreover,times have changed since the era, more than 70 years ago,
whenforthe firsttimein worldhistoryaninternational court wascreated.
Manley O.Hudson captured thepressuresofthosetimeswhenhe wrotein
his treatise

"The term indicate, borrowed from treaties concluded by the
United States ... possesses a diplomatic flavor, being designed to
avoid offenseto the 'susceptibilitiesof States'.It may havebeen due
to a certain timidity ofthedraft~men."~

There was then a natural hesitancy in taking on this new jurisdiction
which wasasyetuntried. That natural hesitancyinthat incipientphase of
the Court's jurisdiction led to weak interpretations which have lefttheir
legacy to this day. Many decades of creative work since then enable a
more confident interpretation ofthe powers ofthe Court.

Thewords under examination,asshown inthe earlierpart ofthis opin-
ion, are thus, in accordance with accepted rules of legal construction,
clearly capable of bearing the meaning that they impose a legal obliga-

tion3. That is an interpretation supported also by sound legal principle

' DocumentsconcerningtheActionTakenbytheCounciloftheLeagueofNationsunder
Article14oftheCovenantandtheAdoptionbytheAssemblyoftheStatuteofthePermanent
Court,1920,p.233.
Manley O. Hudson,op.cit.,p.425.
As Hudsonobserved incontinuationofthepassage alreadycited:
"Anindicationby the CourtunderArticle41 is equivalentto a declarationof
obligation containedin ajudgment,and itoughtto be regardedas carryingthe
sameforce andeffect."(Op.cit.,p. 426.)and by the universal acceptance of nations. It is a principle which the

Court, at this stage of itsjurisprudence,can confidently assert. It should
of coursebe clear at al1times that the Order is only provisional, is not a
finalfinding of fact and leavesuntouched the matters that await thefinal
decision of the Court upon the merits.

To view the Order made by the Court as anything less than binding so
long asit stands would weaken the régimeof international law in the very
circumstancesin which its restraininginfluence is most needed.

For the reasons setout, the provisionalmeasuresordered by the Court
on 8 April 1993imposed a binding legal obligation on the Respondent.
Non-compliance withthat Order endangers the verysubject ofthe dispute
before the Court and can cause irreparable harm to the Applicant. This

irreparable harm isnot in regard to rights and duties such as areoften the
subject oflitigation,for we are here dealing withmatters under the Geno-
cide Convention, touching the very existence of a people. Aninterpreta-
tion which imposesanything short of a binding legal obligation upon the
Respondent is out of tune with the letter and spirit oftheCharter and the
Statute.

(Signed) Christopher ~re~oty WEERAMANTRY.

Document file FR
Document Long Title

Opinion individuelle de M. Weeramantry (traduction)

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