Opinion dissidente de M. Ajibola (traduction)

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088-19920414-ORD-01-09-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. AJIBOLA

[Traduction]

Aprèsmûre réflexion,j'ai jugéindispensable de rédiger une opinion
dissidente sur certains des problèmes d'importance primordiale que
soulèvela demande en indication de mesures conservatoires en vertu de
l'article41du Statutque la Libyea soumiseàla Cour, opinion où seront
exposéesquelques-unes des raisons sur lesquelles repose ma décision.
Non seulementl'objetde cette affairea un caractèreexceptionnel mais il

revêtaussiune importancefondamentale dans ledomaine du droitinter-
national.
Il seraitsuperflu d'exposer icidenouveau lesfaits,sice n'estpour dire
quel'incident aérien catastrophique survenu à Lockerbiele 21décembre
1988,au cours duquel deux cent soixante-dixpersonnes ont trouvé la
mort, estl'objet de l'instanceintroduite par la Jamahiriya arabelibyenne
(ci-aprèsdénomméela «Libye »)à l'encontre du Royaume-Uniau sujet
de l'interprétationet de l'application dela convention pour la répression
d'actes illicitesdirigés contre la sécurité del'aviation civile, adoptée
Montréal en1971.Au nombre des aspectsexceptionnels de cetteaffaire
figure le fait que, simultanément, le Conseil de sécuritéest saisi de la
mêmesituation.

On pourrait ajouter que ce dernier élément, à lui seul, ne rend pas
l'affaireexceptionnelle,étant donné que,dans un passérécent,au moins
dans trois affaires les problèmes qui se sont posésà la Cour étaient en
mêmetemps débattuspar le Conseilde sécurité(voir Plateau continental
delamerEgée (Grèc c.Turquie),C.I.J.Recueil1976,p. 3; Personneldiplo-
matique et consulairedes Etats-Unis à Téhéran (Etats-UnisdAmérique
c.Iran),C.I.J.Recueil1980,p.3;Activités militairetparamilitairesauNica-
raguaetcontre celui-c(iNicaragua c.Etats-Unis dAmérique)C ,.I.J.Recueil
1984,p. 169).Dans ces trois affaires, la Cour et le Conseil de sécurité
ont exercé despouvoirset des fonctionscomplémentaires,et ont en réa-
litétravailléen «symbiose». En fait, ces deux organes principaux des

Nations Unies - créépsar l'article7 de la Chart- bien qu'ayant alors
exercéleurs fonctions et pouvoirs respectifs de façon indépendante et
paripassu,lesontnéanmoinsexercésde manièreparallèle.Danschacune
de ces trois affaires, la Cour, bien qu'adoptant une attitude de soutien
à l'égarddu Conseil de sécurité, a confirmé sans ambiguïté le pouvoir
qu'elle a de trancher les questions relevant de sa compétence même
dans les cas où le Conseil est saisi de la mêmesituation. Par exemple,
tout en indiquant des mesures conservatoires dans l'affaire relative
au Personneldiplomatique et consulairedes Etats-Unis à Téhéranl,a
Cour a fait siennela résolution 457(1979),dans laquelle le Conseil avait
demandé la libération immédiate des otages, etelle a fait observer en
outre ce qui suit: «Alors que l'article 12 de la Charte interdit expressément à
l'Assembléegénéralede faire une recommandation au sujet d'un

différendou d'unesituation àl'égard desquelsleConseilremplit ses
fonctions, ni la Charte ni le Statut n'apportent de restriction sem-
blable à l'exercice des fonctions de la Cour. Les raisons en sont
évidentes:c'est à la Cour, organe judiciaire principal des Nations
Unies,qu'ilappartientde résoudretoute questionjuridique pouvant
opposer desparties àun différend;et la résolutionde ces questions
juridiques par la Cour peutjouer un rôle important et parfois déter-
minant dans le règlementpacifique du différend. » (C.I.J.Recueil
1980,p.22,par. 40.)

De même,dans l'affaire concernant le Nicaragua, Ia Cour a fait, au
sujet de sa propre compétence,l'importante déclaration suivante:
«LesEtats-Unissoutiennent ainsi que laquestion relèveessentiel-
lement du Conseilde sécurité,parcequ'elleconcerne une plainte du
Nicaraguamettant encausel'emploidelaforce.Eu égardcependant
à l'affaire du Personneldiplomatique etconsulairedes Etats-Unis à

Téhéraln a,Cour estd'avisque lefaitqu'une questionestsoumiseau
Conseil de sécurité ne doit pas empêche r Cour d'en connaître,et
que les deux procédures peuvent êtremenées parallèlement.»
(C.I.J.Recueil1984,p. 433,par. 93.)
Certes, le Conseil de sécuritéest un organe politique, tandis que
- pour citer l'article 92 de la Char-e la Cour est «l'organe judiciaire

principal des Nations Unies ».Toutefois, dans la présente affaire,on est
enclin à admettre un chevauchement de fonctions, même siun examen
rapide peut inciter à pencher dans le sens contraire. Par exemple, la
convention de Montréal,sur laquelle est fondéela requêtede la Libye,
pose très nettement à la Cour des problèmes de adroits » et de «diffé-
rends» en droit international concernant, en particulier, l'extradition,
tandis que le Conseil de sécurités'intéresse à la «remise» de deux
suspectsainsiqu'au problèmedu terrorisme international dans lamesure
où ce dernier affecte la paix internationale et la sécurité des nations
- c'est-à-dirà desquestions de nature politique.
Uneautre question sepose, celledesdifférentesnuancesquecomporte
lemot«coopération».AlorsqueleConseildesécuritéveutobtenir quela

LibyecoopèreavecleRoyaume-Unienlivrant à cepayslesdeuxsuspects
setrouvant en Libye,cettedernière,dans sarequête,demande lacoopéra-
tion du Royaume-Unipour poursuivre lesdeuxsuspectsenLibyeenvertu
du code pénallibyen et conformément àl'article 11,paragraphe 1,de la
convention de Montréalde 1971.
Supposons pour un instant qu'aucune résolutionn'ait étéadoptéeet
qu'aucune initiativen'aitété prise ela matièredans le cadredu Conseil
de sécurité:quelles seraient alors l'attitude et l'approche de la Couà
l'égarddes mesures conservatoiresdemandéespar la Libye? Selon moi,
pour pouvoir indiquer des mesures conservatoires dans cette affaire, la
Cour doit d'abord répondrepar l'affirmative aux questions suivantes: 1. LaCoura-t-elle,primafacie, compétencepour examinercetterequête?

2. Existe-t-ilentre lerequérantetlesdéfendeursdesdifférendsjuridiques
relevantdesdispositions de la convention de Montréalde 1971 ?Sitel
estlecas,quelssont cesdifférends ?
3. Les «droits» revendiquéspar le requérant sont-ils des droits juridi-
ques susceptiblesd'être confirmés en vertu du droit international? Si
telestlecas,quelssont cesdroitsjuridiques ?
4. La question est-elle assezurgente pour justifier l'attention immédiate

delaCouretl'indication éventuelle demesuresconservatoires ?
5. La Cour a-t-elle compétencepour s'occuper de cette question dès à
présent,oucettequestiona-t-elleétéportée devan eltleprématurément
compte tenu des dispositions de l'article 14, paragraphe 1, de la
conventiondeMontréalde 1971,surlaquelleestfondéelarequête?
6. Lerequérant subirait-ilun préjudiceirréparablesidesmesuresconser-
vatoiresn'étaientpasindiquées ?
1. Au sujet de la première question,je répondraiqu'ilne fait pour moi

aucun doute que la Cour a, prima facie, compétencepour examiner la
demandeen indication de mesuresconservatoiresformuléepar la Libye.
Selon la jurisprudence bien établie de la Cour, celle-ci se reconnaît
compétenteprimafacie dès lorsque le requérant fait la preuveque son
affaire est défendable.Cette façon de voir a été confirmédeans l'affaire
desEssaisnucléaires(Australic e.France),laCourayant alorsfaitobserver :
«Considérant que,lorsqu'elleestsaisied'unedemande enindica-

tion de mesuresconservatoires,laCour n'apas besoin,avant d'indi-
quer cesmesures,de s'assurerdefaçon concluante de sacompétence
quant au fond de l'affaire, maisqu'ellene doit cependantpas indi-
quer detellesmesuressilesdispositionsinvoquéespar ledemandeur
ne se présententpas comme constituant, prima facie, une base sur
laquelle la compétence de la Cour pourrait êtrefondée))(C.I.J.
Recueil1973,p. 101,par. 13).

LesPartiesnenientpas quelaconvention de Montréalde 1971soitune
convention en vigueur, qu'ilsont conclue et ratifiée.Le problème quise
pose relèvedelarèglepactasuntservanda,quifaitl'objetdel'article26de
la convention deViennesurledroit destraités,entréeenvigueuren 1980.
2. Ladeuxièmedesquestionsposéesci-dessusconcernelesdifférends
juridiques. L'ensemble des plaidoiries faites par les Parties m'ont
convaincu qu'il existebien un différend juridique en ce qui concerne
l'interprétation et l'applicationde la convention de Montréalde 1971.
Selonmoi,on peut ramener àtrois cesdifférendsjuridiques :

a) Le Royaume-Uni exige que lui soient remis les deux suspects impli-
quésdans l'incidentde Lockerbie et la Libyerefuse de seplier à cette
exigence. Le requérant soutient qu'en vertu de l'article 5, para-
graphes 2 et 3, et des articles 7 et 8 de la convention de Montréalde
1971il a le choixentre extrader ou poursuivre:aut dedereautjudicare CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.AJIBOLA) 81

(ou autprosequi), et déclare qu'en la circonstanceil a déciddepour-
suivre lessuspects sursonpropre sol étantdonné quesondroit pénal
internen'autorisepasl'aextradition »decitoyenslibyens.
b) Le deuxième différend juridiqueporte sur le point de savoir si, en
vertu de l'article 11,paragraphe 1,de la convention de Montréalde

1971,leRoyaume-Uniesttenu de coopéreraveclaLibyedanslecadre
despoursuitesintentéespar cettedernièresurleplan internecontre les
deux suspects. L'article 11, paragraphe 1, de la convention de
Montréalprévoiq tue:
Les Etats contractants s'accordent l'entraide judiciaire la plus
large possible dans toute procédure pénale relativeaux infractions.
Dans tous les cas,la loi applicable pour l'exécution d'unedemande

d'entraide est cellede 1'Etatrequis.»(Lesitaliques sont de moi.)
c) Letroisièmedifférendapparaîtdans leparagraphe 5dela demande en
indication de mesures conservatoires présentéepar la Libye, où la
Cour estinstamment priéed'ordonner au défendeurde segarder «de
toutemesurequirisquerait d'aggraveroud'élargirledifférend,comme
ne manquerait pas de lefairel'impositionde sanctionscontre la Libye
ou l'emploide la forceD. Au cours de la procédure orale,le conseildu

requérant acitédes déclarations identiques faites par les autorités
gouvernementales à la fois du défendeuret des Etats-Unis d'Amé-
rique, déclarations selon lesquellesces pays n'avaient «ni exclu ni
adoptéaucunesolution »et qui, dans une certaine mesure,ont étésoit
contestées soit expliquéesde manière satisfaisantepar le conseil du
défendeur.

3. Vientensuitela question de savoirsi lerequérant possèdeeffective-
ment, en vertu du droit international, les droits qu'ilrevendique dans sa
requête. Pour répondre à cette question, le requérants'est référéà de
nombreuses dispositions de la convention de Montréalde 1971,et en
particulierà cellesdel'article5, paragraphes2et3,desarticles7 et8etde
l'article 11,paragraphe 1.Pour une large part, ces articles traitent de la
question aut dedereautjudicare. En substance, la convention reconnaît
que le droit interne de certains Etats leur interdit d'extrader leurs natio-
naux. Leproblèmeouconflitdecompétencepour cequi estdepoursuivre
- problème sans cesse renaissant qu'il importe d'avoir bien présent à
l'espritdans cette affair- est que les deux Parties ont le droit/l'obliga-

tion de poursuivre dans leurs Etats respectifs les infractions énumérées
dans la convention. L'article 5,paragraphe 1,énumère ainsiles possibi-
lité:
Tout Etat contractant prend lesmesuresnécessairespour établir
sa compétence auxfins de connaître des infractions dans les cas
suivants:

a) sil'infractionestcommisesurleterritoire decetEtat;
b) si l'infraction est commiseà l'encontre ou à bord d'un aéronef
immatriculédanscetEtat ; CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.AJIBOLA) 82

c) sil'aéronefàbord duquel l'infraction estcommiseatterrit sur son
territoire avecl'auteur présumde l'infraction setrouvant encore
àbord;
d) si l'infraction est commisà l'encontre ou àbord d'un aéronef
donné enlocation sans équipage àune personne qui a le siège

principal de son exploitation ou,àdéfaut, sa résidence perma-
nentedansleditEtat. »

Le droit international général reconnaîtles mêmespossibilités. Par
conséquent, le Royaume-Uni,du fait que l'incident est survenu sur son
territoire,pourrait établirsacompétenceàl'égard desinfractionsenvertu
à la foisdu droitinternational généraletde la convention de Montréalde
1971.Cependant, lessuspectssetrouventsouslajuridiction delaLibye,et
celle-ci est tout aussi en droit de poursuivre ces derniers. Selon moi,
compte tenu de la convention de Montréalde 1971,la Libye a un droit
légitimeà protéger.Ils'agitd'undroit qui estreconnu par ledroit interna-
tional et qui est mêmeconsidéré par certainsjuristes commerelevant du

jus cogens.Je pense aveccertains de mes collègues, et en particulier avec
M. Weeramantry, que la Libyea le droit de poursuivre les deux accusés
libyens si elle le veut. Mêmesi l'on peut se demander, dans le cas des
autres droits que prévoient l'article5,paragraphes 2 et et lesarticles 7
et 8,si l'ona affairedes droits ouà des obligations,force est de recon-
naître que le droitjuridique relevant de l'article 11,paragraphe 1,quant
à lui,estincontestablement un droit au regard de la convention de Mont-
réalde 1971.
4. Vientensuitela question de l'urgence.Sur cepoint non plus,je n'ai
aucun doute. Sij'en avais eu précédemment, tousles faits survenus ces
derniersjours concourent àmontrerla nécessitép,our laCour, deprendre

immédiatement desmesures et d'accorder à la demande de la Libye le
rang de priorité qu'elle mérite, ainsi quele prévoit l'article74, para-
graphe 1,du Règlementde la Cour.
5. La questionsuivante, celledu momentou a été présentée larequête,
n'est certes pas aussi facilà trancher que celles dont j'ai traité plus
haut. Lesopinionsdivergentconsidérablementsurl'interprétationdel'ar-
ticle 14,paragraphe 1,de la convention de Montréal.La Cour a entendu
des arguments convaincants pour et contre l'applicabilité oula non-
applicabilitédecet article,pour le moment,de la part du requérantet du
défendeur.Avant de poursuivre,je citerai ceparagraphe :

((Tout différend entre des Etats contractants concernant l'inter-
prétation ou l'applicationde la présente convention qui ne peutpas
êtreréglépar voie de négociation est soumis à l'arbitrageà la
demandede l'und'entreeux. Si,dans lessixmoisqui suiventla date
de la demande d'arbitrage,lesparties ne parviennent pas semettre
d'accord sur l'organisation de l'arbitrage, l'une quelconque d'entre
ellespeut soumettre le différend la Cour internationale de Justice,
endéposantunerequête conformémenatu Statut de la Cour. » Ledéfendeur soutientavecforcequelerequérantn'apas épuisé,avant
d'adresser sa requêteà la Cour, toutes les possibilitésde négociationet
d'arbitrage prévuesaux différentsstadesO. n a fait observer et c'estce
qui est clairementindiquédans l'article en question que pour pouvoir

s'adresserà la Cour ilfaut avoirremplipréalablementlesconditionsrela-
tivesà lanégociationet àl'arbitrage.Ledéfendeur aenoutre soutenu que
comme ellea été soumise à la Cour le 3 mars 1992,alors que la lettre du
requérant concernantla questiondelanégociationetdel'arbitrage, datée
du 18janvier 1992,remontait à peineà sixsemaines,larequêteestpréma-
turée.
Le requérantrépondque, étant donné quele défendeura rejetésans
équivoquelademandede négociationetd'arbitrage formuléeparla Libye
le 18janvier 1992,ilseraitinutile d'attendre que soitécoledélaide six
moisprescritpar l'article14,paragraphe 1. Sir DavidHannay,alors Prési-
dent du Conseil de sécurité, a évoqules observations du Royaume-Uni

sur ceproblème lorsqu'il a déclaré
«La lettre en date du 18janvier concernant une demande d'arbi-
trage au titre de l'article 14de la convention de Montréaln'estpas

pertinente dans le cas dont est saisile Conseil. Le Conseil n'estpas,
selon les termes de l'article 14de la convention de Montréal,saisi
d'un différend entre deux parties contractantes ou plus concernant
l'interprétationou l'application de la convention de Montréal. Ce
qui nous occupe ici, c'estla réactionappropriéede la communauté
internationale devant la situation découlant du fait que la Libye n'a
pas,à ce jour, répondu de façon crédible auxgraves accusations
selon lesquelles un Etat aurait participées actes de terrorismeD
(UPV.3033,p. 104.)

A enjuger d'après cettedéclarationdu défendeur,ilmeparaît toutà fait
raisonnable depenserque, mêmesile requérant avaitattendu sixmoisou
même davantage à compter du 18janvier, sademande seseraitheurtéeau
même refus.Ilyalà,à monavis,un casd'infraction prévisibleauxdisposi-
tions de l'article 14,paragraphe 1,de la part du défendeur,et la Libye

n'étaitdonc pas tenue d'attendre, pour présenter sa requête, l'expiration
d'un délaide six mois à dater du 18janvier 1992.Cette façon de voir
ressort de certainesdesdécisionsantérieuresdela Cour. On entrouve un
bon exemple des les affaires relatives auud-Ouest africain (Ethiopiec.
AfriqueduSud;Libéria c.Afriqud euSud), oùla Cour afaitobservercequi
suit:

«Il estsanspertinence etinutile derechercherquellesthèsesdiffé-
rentes et opposéesont conduit les négociations des Nations Unies
dans une impasse,étant donnéqu'au stade actuel il ne s'agitque de
trancher la question de compétence.Le fait que dans le passéles
négociationscollectivesaient aboutiàune impasse et le fait que les
écritures etles plaidoiries des Parties dans la présente procédure
aient clairement confirmé que cette impasse demeure obligent à conclure qu'il n'estpas raisonnablement permis d'espérer quede
nouvelles négociations puissent aboutir à un règlement.)) (C.I.J.
Recueil 1962,p. 345.)

La Cour, dans les mêmesaffaires, s'estrefusée à adopter une attitude
purement formalistesur cettequestion iorsqu'eilea fait observer :

«ce qui importe ...ce n'est pas tant la forme des négociationsque
l'attitudeet lesthèses des Partiessur lesaspects fondamentauxde la
question en litige. Tant que l'on demeure inébranlable de part et
d'autre..»(Ibid., p.346.)
Il y a égalementla question de savoir si le mot «within)),tel qu'il est
utilisédans leparagraphe 1de l'article 14,signifieaprèssixmoisou dans
undélaidesixmois.Lemot «dans ))qui estemployédans letextefrançais
correspondant, laisseentendre qu'une demandeformelleetun refusinter-
venus avant l'expiration d'un délaide six moisdéclenchentl'exercicedu

droit de s'adresseràla Cour. De plus, selon le Concise OxfordDictionary,
withinsignifie«pas au-delà»,ou «àl'interieurde»ou «avantl'expiration
de »ou «dans un laps de temps ne dépassantpas »ou ((pendant ».Siles
auteurs dela conventionavaientvouludire après,ilsl'auraient ditexpres-
sément.
Pour toutes les raisons sur lesquellesje me suis étendu plushaut, je
déclarehumblementque la requêten'apas été présentée de façon préma-
turée àla Cour, et que la Cour a compétencepour en connaître.
6. Restela question du dommageirréparable. Surcepoint encore,des
argumentsontétéavancédsepart etd'autre.Dans sabrillante argumenta-
tion, le défendeurs'estlonguement étendusur ce sujet. L'argument du
Royaume-Uni était que, lorsqu'une affaireest en cours, les parties ne
doivent rien faire qui puisse priver d'effet l'arrêt ultérieure la Cour
quantau fond. Seloncet argument,des mesuresconservatoiressont donc
inutilesétant donnéque les Parties sont déjà tenuesd'éviterqu'un préju-
diceirréparablene soitporté à l'arrêt éventuedlela Cour, qu'untort irré-
parable ne soit causé aux droits revendiqués,et que les personnes et les
biens ne soient irréparablement lésés. Destorrents de citations, tirées

d'arrêts antérieurdse la Cour, ont été apportéesàl'appui de cette argu-
mentation.
Il faut s'arrêteun moment pour faire observer que lepoint crucial,ici,
ne concerne pas «un préjudice irréparable » ou un «tort irréparable»,
maislapossibilitéoule risque d'untort ou d'unpréjudiceirréparable.Ona
déjà,par lepassé,insistésurcepoint dans plusieursaffairesdontla Coura
étésaisie. Lorsque cette dernière a indiqué des mesures conservatoires
dans l'affaire des Essais nucléaires,elle a formulé les observations
suivantes :

«29. Considérant que, aux finsde la présente procédure,il suffit
de noter que les renseignements soumis à la Cour, y compris les
rapports du Comitéscientifiquedes Nations Uniespour l'étude des
effets des rayonnements ionisants présentésentre 1958 et 1973, CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISSAJIBOLA) 85

n'excluent pas qu'on puisse démontrer quele dépôt en territoire
australien de substancesradioactives provenant de ces essais cause
un préjudice irréparableàl'Australie;
30. Considérant qu'étantdonnéce qui précède laCour estime
devoirindiquerdesmesuresconservatoires pour sauvegarderledroit
invoquépar l'Australiedans leprésent différenden ce qui concerne
le dépôtde retombéesradioactivessurson territoire »(C.I.J. Recueil
1973,p. 105;lesitaliquessont de moi).

Onpeut trouver desdéclarations analoguesdans l'affairedu Personnel
diplomatiqueet consulairedes Etats-Unis à Téhéran et dans celle du
PassageparleGrand-Belt.
Deuxquestionssontpertinentes en l'occurrence.Premièrement,existe-
t-ilune probabilité ou,pour employerlestermes appropriés,une «possi-
bilité ou un ((risque» que le requérant soitlésés'iln'estpas autoriséà
poursuivre les deux suspects sur son propre sol? Deuxièmement,existe-
t-iluneprobabilitéqueledéfendeurusedelaforceou delacoercitionsila
Cour n'indique pas de mesures conservatoires? En me fondant sur les
élémentsde preuve fournis au cours des audiences, je suis fortement
enclin àrépondreàces questions par l'affirmative,étant donnéen parti-
culier que la question précise quise pose est celle de lasibilitéou du
risqued'un teltort oupréjudice irréparable.
Ayant donc répondu à toutes ces questions dans un sens favorable au

requérant, ence qui concerne les dispositions pertinentes pour l'indica-
tion de mesures conservatoires (c'est-à-dire l'article 41 du Statut de la
Cour),j'ajouterai que la Cour ne doit indiquer de mesuresconservatoires
en faveur du requérant que si elle «estime que les circonstances » de
l'affaire((l'exigent».Onpeut seréféredre même auxpassagespertinents
desarticles73,74 et75du Règlementde la Cour.
A mes yeux,la demandeen indication de mesures conservatoiresdoit
êtreenvisagéedans la perspective des mesures parallèles prises par le
Conseil de sécuritée,t en particulier du fait que le Conseil a adoptéles
résolutions731 (1992)et748 (1992). Il faut donc examinerles effets éven-
tuels dela résolution731(1992)surlaprésente affaireet,cequi estleplus
important, indiquer quels sont leseffetsdelarésolution748(1992),adop-
tée récemmentalorsmêmqeue se déroulaient nos délibérations sur cette
affaire.
Avant de m'engager sur le chemin cahoteux de l'examen qui doit

permettre de déterminerles effets de ces résolutionsdu point de vue du
droit international, je voudrais m'arrêterun moment pour examiner un
aspect de la présente affaire quiheurte mon sens de lajustice. Peut-être
vaudra-t-il mieuxtraiter complètementde cettequestionlorsquel'affaire
sera envisagéequant au fond. Toutefois, elle concerne les deux résolu-
tions du Conseil de sécuritéainsi ue leurs effetssur la demande enindi-
cation de mesuresconservatoiresactuellement à l'examen.
Un point qui n'est pas contesté,et qui est admis par l'une et l'autre
Partie, estqu'il estsouhaitable, etenfaitnécessaire,que lesdeuxsuspectscensésêtreimpliquéd sans cetteaffairesoientminutieusementinterrogés
et jugés.Le requérant étaitde cet avis et il l'a dit; et le défendeur tient
beaucoup, lui aussi, àjuger lesintéressésL . edésaccordporte donc seule-
ment sur le lieu dujugement. A mon sens,l'enquêtene peut êtremené e
biensanslacoopération desdeux Parties.Unefoiscetteenquêteachevée,

ets'ilexistedesprésomptionssérieuses àl'égarddessuspects,cesderniers
seront mis en accusation et traduits devant une juridiction pénale. Le
jugement suivra le procès, puis viendra la sentence si la culpabilitéest
reconnue.
Sij'airappelécesprincipes élémentaires etrebattus delajustice pénale,
c'estpour faire ressortir le fait que, tout au long,dans certaines des plai-
doiries, on semblaitparler des enquêtesmenéespar le défendeur comme
on parlerait d'un arrêt définitif.Il est évident que l'allégatiode terro-
risme - crimegravissimeetodieux - portéecontre lesdeux Libyensne
saurait être confirmée que s'ils sont jugéset déclarés coupables,et pas
avant.Afortiori, l'allégationselonlaquelle1'Etatlibyenestimpliquédans
le terrorisme ne peut juridiquement être défenduetant qu'un jugement

n'aura pas été rendu contreles deux Libyenset tant qu'il n'aura pas été
prouvéque ces derniers agissaient pour le compte de 1'Etatlibyen et en
son nom.
Le 27 novembre 1991, le Royaume-Uni a publié une déclaration
(S/23307) dans laquelle étaient formulées un certain nombre de
demandes :

«Des mandats d'arrêtayant été lancéscontre deux agentslibyens
en raison de leur participation à l'atroce attentat de Lockerbie, le
gouvernementa exigéque soient livrés lesdeux accuséspour qu'ils
soienttraduits enjustice. Nous n'avons reçujusqu'à présentaucune
réponse satisfaisantedesautoritéslibyennes.
Les Gouvernements britannique et américain déclarentce jour
que le Gouvernementlibyen doit:

- livrer, afin qu'ils soient traduits en justice, tous ceux qui sont
accusésdececrimeetassumerl'entièreresponsabilitédesagisse-
mentsdesagentslibyens ;
- divulguertous lesrenseignementsensapossession surcecrime,y
compris les noms de tous les responsables, et permettre le libre
accèsàtous lestémoins,documentsetautrespreuvesmatérielles,
ycompristous lesdispositifsd'horlogerierestants ;
- verserdesindemnitésappropriées.

Nous transmettons nos demandes à la Libye par l'intermédiaire
des Italiens, qui sont chargésde nos intérêts.Nous comptons que la
Libyey fera droit promptement et sans aucune réserve.» (Les itali-
ques sontde moi.)

On notera qu'une indemnisation était réclaméedans cette déclaration
(«verser des indemnités appropriées))). Une question me trouble:
commentpeut-on presser l'Etatlibyen deverserdesindemnitésalorsque CONVENTION DE MONTRÉAL DE 1971(OP. DISS.AJIBOLA) 87

les «suspects» - j'irai même, si l'oveut,jusqu'à dire les «accusés» -
n'ont été déclarés coupable psar aucune juridiction compétente etqu'il
n'apas étéprouvé qu'ilsaient agiavecla complicitéde la Libye.Dans le
monde entier, la présomption d'innocence faitcependant encore partie
intégrante d'unebonne administration de lajustice pénale.
C'estlàun point important, carlesdemandes du Royaume-Uniqui ont
étécitéesplus haut ont servidebase aux demandes figurantdans la réso-
lution 731(1992),etenparticulier dansl'alinéadu préambule quiestainsi

conçu :
({Profondémenp tréoccupé par ce qui résulte des enquêtes impli-
quant des fonctionnaires du Gouvernement libyen et qui est
mentionné dansles documents du Conseil de sécurité quifont état
des demandes adresséesaux autorités libyennespar les Etats-Unis
d'Amérique,la France et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et
d'Irlande du Nord, liéesaux procédures judiciaires concernant les

attentats perpétrés contreles volsde la Pan American et de l'Union
detransports aériens»,
ainsi que dans leparagraphe 3 de la résolution, quiselit commesuit :

Demande instammentaux autorités libyennesd'apporter immé-
diatement une réponse complèteet effectiveàcesdemandes afin de
contribuer àl'éliminationdu terrorisme international ».

Quelssont donc leseffetsdelarésolution731(1992)surlepouvoir qu'a
la Cour d'indiquer des mesures conservatoires? On a fait valoir que la
résolution731(1992)ale caractèred'unesimplerecommandation etque,
de cefait,elle neconstitue pasune décisiondu Conseil de sécuritéA. yant
examinédeprèslecontenudelarésolution,je partagerais volontiersl'avis
de ceuxquipensent qu'on ne peut qualifier de contraignante la demande
de livrer les deux Libyens qui est faite dans cette résolution. On l'a déjà
dit:la décisiondu Conseil de sécuritéen cequi concernecetterésolution

pourrait seranger sous leparagraphe 1del'article36dela Charte, qui est
ainsirédigé :
«Le Conseil de sécurité peut,àtout moment de l'évolutiond'un
différendde la nature mentionnée à l'article 33 ou d'une situation
analogue, recommander les procédures ou méthodes d'ajustement

appropriées.»(Lesitaliques sont de moi.)
Sansaucun doute,toutes cesdispositionss'inscriventdans le cadre du
chapitre VIde laCharte,qui traite du règlementpacifique desdifférends.
Etant donné quele problème fait intervenir la négociation, l'enquêtel,a
médiation, la conciliation,l'arbitrageou le règlementjudiciaire, moyens

énuméréd sans l'article 33, il était possibleau Conseil de sécuritéde
s'autoriser de la possibilité d'invoqueret d'appliquer le paragraphe 3de
l'article36 en renvoyant cette questionàla Cour. Cependant, le Conseil
n'apas uséde cettepossibilité.Ayantmûrementexaminélecontenu etles
effetspossiblesdelarésolution731(1992),j'émetshumblement l'opinionet la conclusion qu'en aucune façon cetterésolution n'empêche la Cour
d'exercer sa compétencepour cequi estd'indiquer lesmesuresconserva-
toires demandéespar la Libye.
Larésolution748 (1992),qui a étadoptéependant quela Cour exami-
nait la demande en indication de mesures conservatoiresformuléepar la
Libye,s'inscrit sansaucun doute dans le cadre des pouvoirs et des fonc-
tions du Conseil de sécurité, puisqu'ellerelèvedu chapitre VI1 de la
Charte, et en particulier de l'article41.
Quels sont donc les effetsjuridiques de la résolution748(1992)sur le

pouvoir qu'a laCour d'indiquer desmesuresconservatoires?Sans aucun
doute, ilya chevauchemententre lespouvoirset lesfonctions de la Cour
etceuxdu Conseildesécurité,questions quej'aiévoquéesplushaut.Cette
résolutionest une décisiondu Conseil de sécurité et,ar conséquent,ses
effetset savaleursontencoreplus marquésque ceux de la résolution731
(1992)comptetenu des dispositions de l'article25et de l'article 103de la
Charte. L'article25 enjoint aux Membres((d'accepter etd'appliquer les
décisionsdu Conseil de sécurité))et l'article 103prévoit qu'en casde
conflit d'obligations entre la Charte et un autre accord international les
obligations contractées en vertu de la Charte prévaudront. On pourrait
faire valoir qu'il y a dans les deux résolutions susmentionnées certains
vicesintrinsèques quilesrendent inopérantes. Il ya par exemplela ques-
tion du nemojudexinsua causa,ainsi que les effetspossibles sur cesréso-
lutions de l'article 27,paragraphe 3, de la Charte. Néanmoins,je ne me

prononce pas surlavaleur decestextes,etdurestecelanem'estpasnéces-
sairepour parvenir à ma décision.
Cela dit, étant donné les dispositions de la résolution 748 (1992),
j'estime que la Cour devrait se refuseà indiquer les mesures conserva-
toires demandéespar la Libye. Mais j'estime d'autre part que la Cour
devrait,ens'appuyant surl'article75de son Règlement,indiquer d'office
desmesuresconservatoires à l'encontredel'une etl'autre Partiepour faire
en sorte qu'iln'yait ni recoursla force ni aggravation ou extension du
différendaucoursdelapériodequiestnécessairepour que laCour puisse
seprononcer sur lefond.
La Cour possèdejuridiquementet intrinsèquemenlte pouvoir d'ordon-
ner d'office desmesuresconservatoires à l'encontrede l'uneet l'autredes
Parties, indépendamment de toute demande formuléepar l'une ou par
l'autre. Cette indication de mesures conservatoiresfaità titre indépen-

dant n'estpas étrangèreàlajurisprudence de la Cour actuelleet de lajuri-
diction qui l'a précédéeD.ans l'affaire concernant letatutjuridiquedu
Groëlandoriental,la Courpermanente deJusticeinternationale a déclaré :

«Considérant,d'autre part, qu'il convient pour la Cour d'exami-
ner s'ilya lieu ou non de procéder d'officeàl'indicationde mesures
conservatoiresàl'occasion desdeuxrequêtes du 18juillet 1932,indé-
pendamment de la demande norvégienne à cet effet» (C.P.J.Z.
sérieA/B no48,p. 287-288 ;lesitaliquessont de moi). Et de nouveau, dans l'affaire concernant la Compagnied'électricité de
SofiaetdeBulgarie,mesuresconservatoiresl,aCourpermanente deJustice
internationale, ordonnant des mesures conservatoires, s'est exprimée

commesuit :
((Considérantqu'aux termes de l'article 41, alinéa premier,du
Statut,

«La Cour a lepouvoir d'indiquer, si elle estimeque lescircons-
tances l'exigent, quelles mesures conservatoires du droit de
chacun doiventêtreprises àtitre provisoire));
Qu'aux termesde l'article61,alinéa4,du Règlement,

La Courpeut indiquerdes mesures conservatoires autresque
cellesquisontproposéesdanslademande)) ;
Considérantquela dispositionprécitée du Statutapplique leprin-
cipeuniversellementadmis devant lesjuridictions internationales et
consacréd'ailleursdans maintes conventionsauxquellesla Bulgarie
a été partie,- d'après lequelles parties en cause doivent s'abstenir

detoute mesuresusceptibled'avoir une répercussionpréjudiciable à
l'exécutiondela décision àinterveniret,engénéral,ne laisserprocé-
der à aucun acte,de quelquenature qu'ilsoit,susceptible d'aggraver
ou d'étendrele différend))(C.P.J.I.sérieA/B no79,p. 199;les ita-
liquessontde moi).

Dans l'affaire concernant l'dnglo-Iranian OilCo.,la Cour internatio-
nale de Justice est parvenue à une conclusion analogue au sujet du
pouvoir dont elledisposed'indiquer d'office desmesuresconservatoires;
ellea en effet déclaréà cetteoccasion :

«Considérant que l'objet desmesures conservatoiresprévuesau
Statut est de sauvegarder les droits de chacun en attendant que la
Cour rende sa décision; que,de la formule générale employép ear
l'article41du Statutet du pouvoir reconnu àla Courpar l'article61,
paragraphe 6,du Règlement,d'indiquer d'office desmesuresconser-
vatoires,ilrésulteque la Cour doit sepréoccuperde sauvegarderpar
de telles mesures les droits que l'arrêqtu'elleaura ultérieuremenà t
rendrepourraitéventuellemenrteconnaître,soitaudemandeur,soitau
défendeur. )(C.I.J.Recueil1951,p. 93 ;lesitaliques sont de moi.)

Encore tout récemmentet avec une absolue netteté,dans l'affaire du
Différend frontalier(BurkinaFaso/Républiquedu Mali),la Cour a forte-
mentinsistésursonpouvoird'indiquer desmesuresconservatoires,décla-
rant cequi suit:

a Considérant que,indépendammend tes demandes présentéespar
les Partiesen indicationde mesures conservatoires, la Cour ou, par
conséquent,la Chambre dispose envertu de l'article41du Statut du
pouvoir d'indiquer des mesures conservatoires en vue d'empêcher
l'aggravationou l'extensiondu différendquand elle estimeque les circonstances l'exigent)) (C.I.J.Recueil1986,p. 9, par. 18; les ita-
liquessont de moi).
Un éminent auteur, sir Gerald Fitzmaurice, a fait les remarques

suivantes au sujet des mesures conservatoires dans son ouvrage intitulé
me Law andProcedureof theInternationalCourt ofJustice(vol.II, 1986,
p. 542):
«c) Comme on l'a montré plushaut, le pouvoir qu'a la Cour
d'indiquer desmesuresconservatoiresentre dans la mêmecatégorie
que lepouvoir de sedéclarer compétente.Dans l'un et l'autre cas,la
Cour exercesajuridiction demanièreincidente,cequi estnécessaire
dans lepremier cas pour lui permettre tout simplement de fonction-
ner et,dans lecasdu pouvoir d'indiquer desmesuresconservatoires,

pour éviterque sesdécisionssoientprivées d'effetutile.Or,en cequi
concernelaCour, lepouvoir qu'acelle-cidedireelle-même sielleest
compétenteest expressément énoncé dans le paragraphe 6 de l'ar-
ticle36du Statut.Cependant, il est bienétablien droitquecepouvoir
faitpartie despouvoirsintrinsèquesde touslestribunaux internatio-
naux, qu'illeur ait étéou non conféré expressément - manièrede
voir précisémentadoptée par la Cour lorsqu'elle a déclarédans
l'affaireNottebohm(compétence) ..))
L'indicationde mesuresconservatoires,dans cesconditions,ne saurait
allerà l'encontre de la décision prisepar le Conseil de sécurité dansla

résolution748 (1992)puisque la résolution n'autoriseen aucune façon
l'emploidelaforce.Larésolution748(1992)esttout afait explicite,etelle
expose clairement et sans ambiguïté la décisiondu Conseil, que je vais
devoirmaintenant examiner iciafinde préciserlesraisonspour lesquelles
je suisconvaincuque, sila Cour indiquait d'officedes mesuresconserva-
toires interdisant l'emploi de la force en attendant qu'un arrêt soitrendu
quantaufond, celanegêneraitpaslefonctionnement du Conseil desécu-
rité.
Le premier point est que la résolution748 (1992)réaffirme toutce qui
figure dans la résolution731(1992)etque,commeon l'adéjà expliqué,la
résolution731(1992)relèvedu chapitre VIde la Charte,en particulier de
l'article 36, paragraphe 1. En fait, tout ce que la résolution731 (1992)
demandait à laLibye,c'étaitderépondre auxdemandesdu Royaume-Uni
et des Etats-Unis telles qu'elles étaient formuléesdans les déclarations

respectivesou communesde cespays sur ceproblème.Rien,dans la réso-
lution 731 (1992),n'indiqueque leConseilde sécurité ait approuvé expli-
citementou tacitement l'usagede laforcepour faire ensorteque la Libye
s'exécute.Lepréambule,tout en prenant note des rapports du Secrétaire
général, réaffirmait la positiondu Conseil de sécuritéau sujet du terro-
risme, disait comment et pourquoi il fallait agirefficacement pour remé-
dier à ce phénomèneet réaffirmaitla nécessitép ,our tous les Etats, de
s'abstenir d'organiser oude soutenir desactes deterrorisme ou d'yparti-
ciper. Une fois de plus - on le notera ici également - rien qui puisse
laisserentendre que le Conseil de sécuritéapprouvait l'emploidelaforce. CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.AJIBOLA) 91

Pour ce qui est du dispositif de la résolution,le Conseil de sécurité a
bien préciséqu'ialgissaitenvertu du chapitreI1dela Charte. C'estlàun
point important àrelever, car ce chapitre traite de l'«Action en cas de
menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression De
nouveau, on doit se demander à quel article le Conseil de sécurités'est
référéquand ila adoptéla résolution748 (1992),eu égardau contenu des
décisionsfigurantdans cetterésolution.Il ressortclairement d'unexamen

attentif de la résolutionque le Conseil agissait, commeje l'ai dit précé-
demment,envertu del'article41delaCharte, quitraite delaquestiondes
sanctionséconomiques.
L'article41de la Charte renferme les directivessuivantes
«LeConseilde sécurité peut déciderquellesmesuresn'impliquant

pas l'emploidelaforce arméedoivent être prisepsour donner effetà
sesdécisions,etpeut inviter les Membresdes Nations Unies àappli-
quer ces mesures. Celles-ci peuvent comprendre l'interruption
complète ou partielle desrelations économiqueset des communica-
tions ferroviaires, maritimes, aériennes,postales, télégraphiques,
radio-électriqueset des autresmoyens de communication,ainsi que
la rupture des relationsdiplomatiques.» (Les italiques sont de moi.)

Lespassagesenitaliques, quand on leslit conjointementavec lespara-
graphes4 a)et b),5a),b)et c),6 a),b)et c)et 7de la résolution748(1992),
font ressortir sans équivoque quela résolutionvise àimposer àla Libye
des sanctions économiques et commerciales en mêmetemps que des
restrictions de caractère diplomatique et interdit explicitementles sanc-
tions ((impliquant l'emploi de la force armée.Je me suis étendusur le
contenu de l'article 41 afin de montrer que, bien que la résolution748
(1992)ait étéadoptéepar le Conseil de sécuriten vertu du chapitre VII,
l'article41,qui figure dans ce chapitre, interdit clairementl'emploi de la
force.

La Libye a également confirmé celadans ses observations les plus
récentes,datéesdu 7avril 1992,concernant les effetsde la résolution748
(1992);ellea fait remarquer cequi suit:
«les sanctions que le Conseil de sécurité édicte l'encontre de la
Libye,si elle ne se conforme pas la résolution748(1992),portent

directement atteinte à ses droits économiques, commerciaux et
diplomatiques D.
Laconclusion à laquelleje suisdonc parvenu estquela Courn'affaibli-
raitni necompromettraitlavaliditéetleseffetsdelarésolution748 (1992)
si,agissantd'office, oumême suomotu,elleindiquait des mesuresvisant à

enjoindre à l'une et à l'autre Partie de n'entreprendre aucune action
pouvant comporter l'emploi de laforceou de neprendreaucune disposi-
tion pouvant aggraver ou élargirle différendentre le moment présent et
celuiou la Cour seseraprononcéequant au fond.
Le point suivant, qui est, lui aussi, tout autant liéau problème de la
résolution748 (1992),est la question de la validitéde cetterésolution. A CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.AJIBOLA) 92

l'heure actuelle,cen'estpas de celaqu'il s'agit,eton s'enremetpar consé-
quent àla décisiondu Conseil de sécurité ence qui concerne la résolu-
tion 748(1992),considéréecomme prima facievalable.Ceproblème sera
résoludans un sensou dans l'autre lorsquel'affaire seraplaidéequant au
fond. J'ai personnellement fait état desdoutesquej'avaiscesujet,mais
pour l'instant neréveillonspas le chat qui dort.

Supposons pour lesbesoins de la cause que la résolution748 (1992)est
purement etsimplementvalable. Dans sesobservationsdu 7avril 1992,le
Royaume-Unidéclarece qui suit:
«La résolution748 (1992)a imposé aux deux Partiesau présent
litigedesobligationsjuridiques, quidemeurent. Envertu du système

de la Charte des Nations Unies (voir notamment les articles 25
et 103),s'ilest alléguéque ces obligations sont en conflit avec des
obligations découlantde tout autre accord international, celles qui
sont imposéespar la résolution,étantdes obligations en vertu de la
Charte des Nations Unies, prévalent.))
Commeon l'a déjàindiqué,ledéfendeurla edroit d'avoir cetteopinion

euégard à d'autres dispositionsdela Charte, tant qu'iln'apas recouàla
forcepour faire appliquer la résolution.
Les Parties ont fait reposer bon nombre de leurs arguments sur le
problème desdroitsjuridiques.Sans aucun doute, ceproblème des droits
juridiques est pertinent et important du point de vue de la requêtede la
Libye,etlerequérant doit,pour avoirgain decause quant aufond, établir
clairementl'existencede droits de cettenature. C'estpourquoi l'article41
du Statut parle de la sauvegarde du droitde chacun. Cela dit, l'article75
du Règlementde la Cour n'évoquepas le problème des droitsmais se
borne àreconnaître àla Cour le pouvoir d'indiquer d'office desmesures
conservatoires à l'encontre des Partiesou de l'uned'ellessi, la question

ayant été dûment examinée il, apparaît que les circonstances de l'affaire
l'exigent.J'estime que laCour devrait exercer dans la présente affairele
pouvoir qui lui est conférpar l'article75.
Chaque casdoitfairel'objet d'une décisionselonsesmérites.Lessitua-
tionschangentconstamment. Lemonde estenpleineévolutionsurleplan
économiqueet sur le plan politique. Le droit international s'esttrouvé
enrichi par l'impulsion dynamiquequ'ilareçue dela Cour internationale
de Justice. Par le passé,les mesures que j'ai suggéré d'indiqueront
toujours étéde caractèreincident,maisily atoutes lesraisonsd'indiquer
des mesuresdans laprésente affaireétantdonnésoncaractèred'urgence,
sa gravitéet les circonstances exceptionnelles qui l'entourent. Chaque

jour, le monde se trouve devant des situations nouvelles,et la Cour doit
impérativementse montrer à la hauteur de chaque situation et répondre
aux nouveaux défiset exigencesde notre temps à mesure qu'ils sefont
jour. Toutefois,ilfautveillercequelesdéclarations,indications,ordon-
nancesetarrêtsdelaCoursoientconformesaudroitinternational, cequ'il
està peinenécessairedesouligner(article38,paragraphe 1,du Statutdela
Cour). Dans la présente affaire,la Cour a lepouvoir de seprononcer surlesmesuresconservatoiresquej'ai suggéréee sn s'appuyant surlesdispo-
sitions de l'article 75 de son Règlement.En outre, la Cour a toujours
intrinsèquement le pouvoir de déciderde mesures conservatoires de ce
genreenvertu du droit international coutumier.
En conclusion,j'estime que la Cour doit rejeter la demande en indica-
tion demesuresconservatoiresde la Libyemais qu'elledoit, indépendam-
ment, appliquer les dispositions de l'article75 de son Règlementafin
d'empêcher le différend de s'intensifier, de s'aggraver ou de s'élargir

encore entre le moment présent et celui où interviendra une décision
quant au fond.
Encoreune fois,je medemande cequiestjuste dansune affairede cette
nature, pour cequi estde la demandeen indication demesuresconserva-
toires dontlaCour estsaisie.Selonmoi,notrepréoccupation etnotreobli-
gation fondamentales, en tant quejuges de la Cour, doit êtrede rendre la
justice selonl'espritdel'article 1delaCharte:maintenirlapaix etlasécu-
rité internationales; prendre desmesures efficaces en vue de préveniret
d'écarter toute menace à lapaix; réprimertouteslesmenacesd'agression
ou toute forme de rupture de la paix dans toute partie du monde dans
l'espritde la Charte et conformémentau droit international.
A mes yeux,lajustice exigeque des mesures soient prises sans tarder
pour empêcherla détériorationde la coexistence pacifique entre les
nations du monde. Quand la maison brûle, ce n'est pas le moment de

s'endormir.
Finalement,lajustice,dans laprésenteaffaire,nousimposed'agirselon
l'esprit et la lettre mêmedu paragraphe 3 de l'article2 de la Charte, qui
proclame :
((LesMembres del'organisation règlentleurs différendsinterna-
tionaux par desmoyenspacifiques, detellemanièreque lapaix et la

sécurité internationales ainsique la justice ne soient pas mises en
danger. »
En conséquence, dans la présente affaire, j'indiquerais,en vertu de
l'article5du Règlementdela Cour,desmesuresconservatoirespendente
liteàl'encontrede l'uneet de l'autre Partieafin d'empêcherle différend
de s'intensifier,de s'aggraverou de s'élargir t 'empêcher enparticulier
l'emploide la forcepar l'uneou l'autre des Parties oupar toutes deux.

(Signé)Bola AJIBOLA.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE AJIBOLA

Mter due and careful reflection, 1have decided to write a dissenting
opinion on the issue of Libya'srequest for the Court to indicate provi-
sional measuresunder Article 41ofthe Statute. 1think it is necessaryfor
me to write this dissentingopinion on some of the issues that are of pri-
mordial significance in the request before us, reflectingsome of therea-
sons upon which my decision isbased. The subject-matter of this case is
not only unique in nature but is also of fundamental importance in the
field ofinternational law.
Needless for me to state the facts of the case herein, otheran to Say
that the catastrophic aerial incident at Lockerbie of 21 December 1988
which resulted in the death of 270people is the subject-matter of this
action brought by the Libyan Arab Jamahiriya (otherwise Libya)against
the United Kingdom based on the interpretation and application of the
1971 Montreal Convention forthe Suppression of Unlawful ActsAgainst

the SafetyofCivilAviation. An aspect ofitsuniqueness isthe factthatthe
subject-matter of the case is contemporaneously before the Security
Council.

One may go further to state that that alone does not make it unique
ipsofacto because in recent times the issues presented by at least three
casesbeforethe Court haveatthe sametimebeendeliberated upon bythe
Security Council (cf. Aegean Sea ContinentalShelf (Greecev. Turkey),
I.C.J. Reports1976,p. 3; UnitedStates Diplomaticand ConsularStaffin
Tehran (UnitedStatesofAmericav.Iran),Z.C.J.Reports1980,p.3 ;Militaïy
andParamilitalyActivitiesinandagainst Nicaragua (Nicaraguv a. United
States of America), I.C.J. Reports1984, p. 169). In these three cases
the Court and Security Council exercised mutual or in fact "symbiotic"
powers and functions. In effect these two main organs of the United
Nations as established under Article 7 of the Charter even though exer-
cising their respective powers and functions independently and pari
passudid so in parallelism. In al1three cases,the Court, whilesupportive
of the SecurityCouncil,unambiguously confirmed its authority to adju-
dicate issues within itsjurisdiction even where the Security Council is

seised of the same matter. For example, while indicating provisional
measures in the UnitedStates Diplomatic and ConsularStaff in Tehran
case, the Court "endorsed" resolution 457 of 1979,which called for the
immediaterelease ofthe hostages and further observed: OPINION DISSIDENTE DE M. AJIBOLA

[Traduction]

Aprèsmûre réflexion,j'ai jugéindispensable de rédiger une opinion
dissidente sur certains des problèmes d'importance primordiale que
soulèvela demande en indication de mesures conservatoires en vertu de
l'article41du Statutque la Libyea soumiseàla Cour, opinion où seront
exposéesquelques-unes des raisons sur lesquelles repose ma décision.
Non seulementl'objetde cette affairea un caractèreexceptionnel mais il

revêtaussiune importancefondamentale dans ledomaine du droitinter-
national.
Il seraitsuperflu d'exposer icidenouveau lesfaits,sice n'estpour dire
quel'incident aérien catastrophique survenu à Lockerbiele 21décembre
1988,au cours duquel deux cent soixante-dixpersonnes ont trouvé la
mort, estl'objet de l'instanceintroduite par la Jamahiriya arabelibyenne
(ci-aprèsdénomméela «Libye »)à l'encontre du Royaume-Uniau sujet
de l'interprétationet de l'application dela convention pour la répression
d'actes illicitesdirigés contre la sécurité del'aviation civile, adoptée
Montréal en1971.Au nombre des aspectsexceptionnels de cetteaffaire
figure le fait que, simultanément, le Conseil de sécuritéest saisi de la
mêmesituation.

On pourrait ajouter que ce dernier élément, à lui seul, ne rend pas
l'affaireexceptionnelle,étant donné que,dans un passérécent,au moins
dans trois affaires les problèmes qui se sont posésà la Cour étaient en
mêmetemps débattuspar le Conseilde sécurité(voir Plateau continental
delamerEgée (Grèc c.Turquie),C.I.J.Recueil1976,p. 3; Personneldiplo-
matique et consulairedes Etats-Unis à Téhéran (Etats-UnisdAmérique
c.Iran),C.I.J.Recueil1980,p.3;Activités militairetparamilitairesauNica-
raguaetcontre celui-c(iNicaragua c.Etats-Unis dAmérique)C ,.I.J.Recueil
1984,p. 169).Dans ces trois affaires, la Cour et le Conseil de sécurité
ont exercé despouvoirset des fonctionscomplémentaires,et ont en réa-
litétravailléen «symbiose». En fait, ces deux organes principaux des

Nations Unies - créépsar l'article7 de la Chart- bien qu'ayant alors
exercéleurs fonctions et pouvoirs respectifs de façon indépendante et
paripassu,lesontnéanmoinsexercésde manièreparallèle.Danschacune
de ces trois affaires, la Cour, bien qu'adoptant une attitude de soutien
à l'égarddu Conseil de sécurité, a confirmé sans ambiguïté le pouvoir
qu'elle a de trancher les questions relevant de sa compétence même
dans les cas où le Conseil est saisi de la mêmesituation. Par exemple,
tout en indiquant des mesures conservatoires dans l'affaire relative
au Personneldiplomatique et consulairedes Etats-Unis à Téhéranl,a
Cour a fait siennela résolution 457(1979),dans laquelle le Conseil avait
demandé la libération immédiate des otages, etelle a fait observer en
outre ce qui suit: "Whereas Article 12of the Charter expresslyforbids the General
Assemblyto make any recommendation with regard to a dispute or
situation while the Security Council is exercising its functions in
respect of that dispute or situation, no such restriction is placed on
thefunctioning oftheCourt byanyprovision ofeitherthe Charteror
the Statuteofthe Court.Thereasonsare clear.It isforthe Court, the
principal judicial organ of the United Nations, to resolve any legal
questions that may be in issue between parties to a dispute; and the
resolution of suchlegalquestionsbythe Court maybe an important,
and sometimesdecisive,factorinpromotingthe peaceful settlement

ofthe dispute." (I.C.J.Reports1980,p. 22,para. 40.)
Similarlyin the Nicaragua case,the Court made the following signifi-
cant pronouncement on itsjurisdiction :
"The United States is thus arguing that the matter was essentially
oneforthe SecurityCouncil sinceitconcernedacomplaint byNicar-
aguainvolvingthe useofforce.However,havingregardtothe United

States Diplornaticand ConsularStaffin Tehrancase,the Court is of
the view that the fact that a matter is before the Security Council
shouldnot preventitbeingdealtwithbythe Courtandthat bothpro-
ceedings could be pursued paripassu." (I.C.J. Reports 1984,p. 433,
para. 93.)
Admittedly,the SecurityCouncil isapoliticalorgan, whileArticle92of
the United Nations Charter describesthe Courtas "the principaljudicial

organ of the United Nations". However, in this case, one is inclined to
admit an overlap of function, eventhough a cursoryevaluation may sug-
gest a contrary view. For example, the Montreal Convention on which
Libya'sApplication is based squarelypresents the Court with issues of
"rights" and "disputes" under international law, involving,in particular,
extradition, while the Security Council is dealing with the issue of the
"surrender" oftwo suspectsand theproblem ofinternational terrorism as
itaffectsinternationalpeace and thesecurityofnations - Le.,mattersofa
political nature.

There isalsothe issueof differentconnotations ofthe word "co-opera-
tion". While the Security Council wants Libya to CO-operatewith the
United Kingdom by surrendering to her the two suspects in Libya, the
Application of Libya seeks the CO-operationof the United Kingdom in

prosecutingthe two suspects in Libya under the Libyan Criminal Code
and in accordance with Article 11(1) ofthe 1971 Montreal Convention.

Assumingforthe momentthat there wereno resolutions or any action
whatsoever on this matter in the SecurityCouncil, the question is, what
would have been the attitude and approach of the Court to the interim
measures sought by Libya? In my view,to indicate interim measuresin
this case, the Court must answerthe following preliminary questions in
the affirmative : «Alors que l'article 12 de la Charte interdit expressément à
l'Assembléegénéralede faire une recommandation au sujet d'un

différendou d'unesituation àl'égard desquelsleConseilremplit ses
fonctions, ni la Charte ni le Statut n'apportent de restriction sem-
blable à l'exercice des fonctions de la Cour. Les raisons en sont
évidentes:c'est à la Cour, organe judiciaire principal des Nations
Unies,qu'ilappartientde résoudretoute questionjuridique pouvant
opposer desparties àun différend;et la résolutionde ces questions
juridiques par la Cour peutjouer un rôle important et parfois déter-
minant dans le règlementpacifique du différend. » (C.I.J.Recueil
1980,p.22,par. 40.)

De même,dans l'affaire concernant le Nicaragua, Ia Cour a fait, au
sujet de sa propre compétence,l'importante déclaration suivante:
«LesEtats-Unissoutiennent ainsi que laquestion relèveessentiel-
lement du Conseilde sécurité,parcequ'elleconcerne une plainte du
Nicaraguamettant encausel'emploidelaforce.Eu égardcependant
à l'affaire du Personneldiplomatique etconsulairedes Etats-Unis à

Téhéraln a,Cour estd'avisque lefaitqu'une questionestsoumiseau
Conseil de sécurité ne doit pas empêche r Cour d'en connaître,et
que les deux procédures peuvent êtremenées parallèlement.»
(C.I.J.Recueil1984,p. 433,par. 93.)
Certes, le Conseil de sécuritéest un organe politique, tandis que
- pour citer l'article 92 de la Char-e la Cour est «l'organe judiciaire

principal des Nations Unies ».Toutefois, dans la présente affaire,on est
enclin à admettre un chevauchement de fonctions, même siun examen
rapide peut inciter à pencher dans le sens contraire. Par exemple, la
convention de Montréal,sur laquelle est fondéela requêtede la Libye,
pose très nettement à la Cour des problèmes de adroits » et de «diffé-
rends» en droit international concernant, en particulier, l'extradition,
tandis que le Conseil de sécurités'intéresse à la «remise» de deux
suspectsainsiqu'au problèmedu terrorisme international dans lamesure
où ce dernier affecte la paix internationale et la sécurité des nations
- c'est-à-dirà desquestions de nature politique.
Uneautre question sepose, celledesdifférentesnuancesquecomporte
lemot«coopération».AlorsqueleConseildesécuritéveutobtenir quela

LibyecoopèreavecleRoyaume-Unienlivrant à cepayslesdeuxsuspects
setrouvant en Libye,cettedernière,dans sarequête,demande lacoopéra-
tion du Royaume-Unipour poursuivre lesdeuxsuspectsenLibyeenvertu
du code pénallibyen et conformément àl'article 11,paragraphe 1,de la
convention de Montréalde 1971.
Supposons pour un instant qu'aucune résolutionn'ait étéadoptéeet
qu'aucune initiativen'aitété prise ela matièredans le cadredu Conseil
de sécurité:quelles seraient alors l'attitude et l'approche de la Couà
l'égarddes mesures conservatoiresdemandéespar la Libye? Selon moi,
pour pouvoir indiquer des mesures conservatoires dans cette affaire, la
Cour doit d'abord répondrepar l'affirmative aux questions suivantes: 1. Doesthe Court haveprima faciejurisdiction to entertainthisApplica-
tion?
2. Arethere legaldisputesbetweentheApplicant and the Respondentsin
accordance with the provisions of the 1971Montreal Convention? If
so,whatare thesedisputes ?
3. Arethe "rights" beingclaimedbytheApplicant legalrightssustainable
under international law?Ifso,whataretheselegalrights?

4. 1sthis matter urgent to warrant immediateattention of the Court and
upon whichprovisionalmeasuresshouldbepronounced ?

5. Hasthe Court jurisdiction to entertain this matter presently, or was it
prematurelybrought beforethe Court having regard to the provisions
of Article 14(1) of the 1971 Montreal Convention upon which the
Applicationisbased ?
6. Would failure to indicate interim measures result in irreparable harm
totheApplicant ?
1. On the first question, 1have no doubt that the Court has a prima
faciejurisdiction to entertain Libya'srequest for interim measures. It is

well-settledjurisprudence of the Court to concede the establishment of
prima faciejurisdiction oncetheApplicant canshowthat shehas an argu-
able case. This view was confirmed in the Nuclear Tests (Australiav.
France)casewhenthe Court observed :

"Whereas on a request for provisional measures the Court need

not, before indicating them, finally satisfy itselfthat it hassdic-
tion onthe meritsofthe case,and yetoughtnot to indicate suchmea-
suresunlessthe provisions invoked by the Applicant appear, prima
facie,to afforda basisonwhichthejurisdiction ofthe Court mightbe
founded" (I.C.J.Reports1973,p. 101,para. 13).

The Parties do not deny that the 1971Montreal Convention is a Con-
ventioninforce whichtheyhaveenteredinto and ratified.The issueisone
ofpacta suntservandaasprovidedfor inArticle26ofthe ViennaConven-
tion on the Law ofTreaties which cameinto forcein 1980.
2. Thesecondquestiondeals withthe issueoflegaldisputes. From the
totality oftheoralargumentspresented bytheParties, 1amconvincedthat
there is a legal dispute concerningthe interpretation and application of
the 1971Montreal Convention.
To mymind the legaldisputes maybe summarizedasthree :

(a) TheUnited Kingdom is demandingthe surrender ofthe two suspects
involved in the Lockerbieincident and Libyarefuses to comply with
this demand. The Applicant argues that under Articles 5 (2),5 (3),7
and 8 of the 1971Montreal Conventionshe has the option either to
extradite orprosecute:autdedere autjudicare(or autprosequz) - and 1. LaCoura-t-elle,primafacie, compétencepour examinercetterequête?

2. Existe-t-ilentre lerequérantetlesdéfendeursdesdifférendsjuridiques
relevantdesdispositions de la convention de Montréalde 1971 ?Sitel
estlecas,quelssont cesdifférends ?
3. Les «droits» revendiquéspar le requérant sont-ils des droits juridi-
ques susceptiblesd'être confirmés en vertu du droit international? Si
telestlecas,quelssont cesdroitsjuridiques ?
4. La question est-elle assezurgente pour justifier l'attention immédiate

delaCouretl'indication éventuelle demesuresconservatoires ?
5. La Cour a-t-elle compétencepour s'occuper de cette question dès à
présent,oucettequestiona-t-elleétéportée devan eltleprématurément
compte tenu des dispositions de l'article 14, paragraphe 1, de la
conventiondeMontréalde 1971,surlaquelleestfondéelarequête?
6. Lerequérant subirait-ilun préjudiceirréparablesidesmesuresconser-
vatoiresn'étaientpasindiquées ?
1. Au sujet de la première question,je répondraiqu'ilne fait pour moi

aucun doute que la Cour a, prima facie, compétencepour examiner la
demandeen indication de mesuresconservatoiresformuléepar la Libye.
Selon la jurisprudence bien établie de la Cour, celle-ci se reconnaît
compétenteprimafacie dès lorsque le requérant fait la preuveque son
affaire est défendable.Cette façon de voir a été confirmédeans l'affaire
desEssaisnucléaires(Australic e.France),laCourayant alorsfaitobserver :
«Considérant que,lorsqu'elleestsaisied'unedemande enindica-

tion de mesuresconservatoires,laCour n'apas besoin,avant d'indi-
quer cesmesures,de s'assurerdefaçon concluante de sacompétence
quant au fond de l'affaire, maisqu'ellene doit cependantpas indi-
quer detellesmesuressilesdispositionsinvoquéespar ledemandeur
ne se présententpas comme constituant, prima facie, une base sur
laquelle la compétence de la Cour pourrait êtrefondée))(C.I.J.
Recueil1973,p. 101,par. 13).

LesPartiesnenientpas quelaconvention de Montréalde 1971soitune
convention en vigueur, qu'ilsont conclue et ratifiée.Le problème quise
pose relèvedelarèglepactasuntservanda,quifaitl'objetdel'article26de
la convention deViennesurledroit destraités,entréeenvigueuren 1980.
2. Ladeuxièmedesquestionsposéesci-dessusconcernelesdifférends
juridiques. L'ensemble des plaidoiries faites par les Parties m'ont
convaincu qu'il existebien un différend juridique en ce qui concerne
l'interprétation et l'applicationde la convention de Montréalde 1971.
Selonmoi,on peut ramener àtrois cesdifférendsjuridiques :

a) Le Royaume-Uni exige que lui soient remis les deux suspects impli-
quésdans l'incidentde Lockerbie et la Libyerefuse de seplier à cette
exigence. Le requérant soutient qu'en vertu de l'article 5, para-
graphes 2 et 3, et des articles 7 et 8 de la convention de Montréalde
1971il a le choixentre extrader ou poursuivre:aut dedereautjudicare 81 1971 MONTREALCONVENTION (DISS. OP. AJIBOLA)

in the circumstancesshehas decided to prosecute the suspectson her
own soi1because herinternal criminal lawdoesnot permitthe "extra-

dition" ofLibyancitizens.
(b) ThesecondlegaldisputeiswhetherArticle 11(1)ofthe 1971Montreal
Convention requires the United Kingdom to CO-operatewith Libya's
domestic prosecution of the two suspects. Article 11(1) of the 1971
Montreal Conventionprovides :

"Contracting Statesshallafford oneanotherthe greatestmeasure
of assistancein connection with criminal proceedings brought in
respect ofthe offences.The lawofthe Staterequested shallapply in
al1cases." (Emphasis added.)
(c) Thethird dispute maybe found in paragraph 5of Libya'srequest for
the indication ofprovisional measures,whichurgesthe Courtto order
the Respondent to "refrain from taking any step that might aggravate
orextendthe dispute aswould surelyhappen ifsanctionsareimposed
against Libyaorforceemployed". During the oralproceedings, coun-

sel for the Applicant referred to identical statements of Government
authorities ofboth the Respondent and the United States of America
to the effect that "we have neither ruled any option in or any option
out" and whichto some extent havebeen disputed or explained away
bythe counselforthe Respondent.

3. Next is the question of whether the Applicant has the rights under

international lawclaimedin the Application. Toanswerthis question, the
Applicant referred to many of the provisions of the 1971 Montreal Con-
vention, especially Articles 5 (2), 5 (3), 7, 8 and 11(1). Many of these
Articles deal with the issue of aut dedere autjudicare.In effect,the Con-
vention recognizesthe fact that the internal law of some Statesprohibits
the extradition of its citizens.The hydra-headed problem or conflict of
jurisdiction to prosecutewhich must clearlybe borne in mind in this case,
is that the two Parties have the right/obligation to prosecute offences
listed in the Convention in their respective States.Article 5 (1) enumer-
ates such options thus :

"Each ContractingStateshalltake suchmeasuresas maybeneces-
sary to establish its jurisdiction over the offences in the following
cases :

(a) whentheoffenceiscommittedintheterritory ofthat State;
(b) when the offence is committed against or on board an aircraft
registeredinthat State; CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.AJIBOLA) 81

(ou autprosequi), et déclare qu'en la circonstanceil a déciddepour-
suivre lessuspects sursonpropre sol étantdonné quesondroit pénal
internen'autorisepasl'aextradition »decitoyenslibyens.
b) Le deuxième différend juridiqueporte sur le point de savoir si, en
vertu de l'article 11,paragraphe 1,de la convention de Montréalde

1971,leRoyaume-Uniesttenu de coopéreraveclaLibyedanslecadre
despoursuitesintentéespar cettedernièresurleplan internecontre les
deux suspects. L'article 11, paragraphe 1, de la convention de
Montréalprévoiq tue:
Les Etats contractants s'accordent l'entraide judiciaire la plus
large possible dans toute procédure pénale relativeaux infractions.
Dans tous les cas,la loi applicable pour l'exécution d'unedemande

d'entraide est cellede 1'Etatrequis.»(Lesitaliques sont de moi.)
c) Letroisièmedifférendapparaîtdans leparagraphe 5dela demande en
indication de mesures conservatoires présentéepar la Libye, où la
Cour estinstamment priéed'ordonner au défendeurde segarder «de
toutemesurequirisquerait d'aggraveroud'élargirledifférend,comme
ne manquerait pas de lefairel'impositionde sanctionscontre la Libye
ou l'emploide la forceD. Au cours de la procédure orale,le conseildu

requérant acitédes déclarations identiques faites par les autorités
gouvernementales à la fois du défendeuret des Etats-Unis d'Amé-
rique, déclarations selon lesquellesces pays n'avaient «ni exclu ni
adoptéaucunesolution »et qui, dans une certaine mesure,ont étésoit
contestées soit expliquéesde manière satisfaisantepar le conseil du
défendeur.

3. Vientensuitela question de savoirsi lerequérant possèdeeffective-
ment, en vertu du droit international, les droits qu'ilrevendique dans sa
requête. Pour répondre à cette question, le requérants'est référéà de
nombreuses dispositions de la convention de Montréalde 1971,et en
particulierà cellesdel'article5, paragraphes2et3,desarticles7 et8etde
l'article 11,paragraphe 1.Pour une large part, ces articles traitent de la
question aut dedereautjudicare. En substance, la convention reconnaît
que le droit interne de certains Etats leur interdit d'extrader leurs natio-
naux. Leproblèmeouconflitdecompétencepour cequi estdepoursuivre
- problème sans cesse renaissant qu'il importe d'avoir bien présent à
l'espritdans cette affair- est que les deux Parties ont le droit/l'obliga-

tion de poursuivre dans leurs Etats respectifs les infractions énumérées
dans la convention. L'article 5,paragraphe 1,énumère ainsiles possibi-
lité:
Tout Etat contractant prend lesmesuresnécessairespour établir
sa compétence auxfins de connaître des infractions dans les cas
suivants:

a) sil'infractionestcommisesurleterritoire decetEtat;
b) si l'infraction est commiseà l'encontre ou à bord d'un aéronef
immatriculédanscetEtat ; (c) whenthe aircraft on board whichthe offenceis committedlands
initsterritory withthe allegedoffender stillonboard;

(d) when the offence is committed against or on board an aircraft

leased without crew to a lessee who has his principal place of
businessor,ifthe lesseehasno suchplace ofbusiness,hisperma-
nentresidence,inthat State."

General international law recognizes the same options. Hence, the
United Kingdom,asthe locus ofthe incident,could establishjurisdiction
overthe offencesunder both generalinternational lawand alsounder the
1971 Montreal Convention. However, Libyahas the suspectswithin her
jurisdiction and is equally entitled to prosecute the suspects.am of the
viewthat based on the 1971 Montreal Convention, Libyahas a legalright
to protect. Itisaright recognizedininternational law and evenconsidered
by some jurists asjus cogens.1share the view of some of mycolleagues,
especiallyJudge Weeramantry, that Libya is entitledto prosecute the two
accused Libyans if she wants. Even if other rights under Articles 5 (2),
5 (3),7 and 8are debatable and arguable as to whether they are rights or
obligations, the legal rightunder Article 11(1) is an indisputable right
under the 1971Montreal Convention.

4. Next is the issue of urgency. Equally 1 have no doubt about the
urgency of this matter. If 1had any doubt in my mind before, the devel-
opmentsinthe recentdays are al1clearindications that there isa need for
the Court to take immediate action and to give Libya's request the
priority that itservesasindicated inArticle 74(1)ofthe RulesofCourt.

5. The next question, the timeliness of the Application, is admittedly
not as easy as the others that 1 have dealt with above. Opinions are
stronglydivided on the issue of the interpretation of Article 14(1)of the
1971 Montreal Convention. The Court listened to cogent arguments for
and against the applicability or non-applicability of this Article, for the
time being,from the Applicant andthe Respondent. Before 1go further,
let me quote thisprovision:

"Any dispute between two or more Contracting Statesconcerning
the interpretation or application ofthisConvention whichcannot be

settled through negotiation, shall, at the request of one of them, be
submitted to arbitration. If within six months from the date of the
requestforarbitration the Partiesareunable to agreeonthe organiza-
tion ofthe arbitration, anyone ofthose Parties mayreferthe dispute
to the International Court of Justice by request in conformity with
the Statute ofthe Court." CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.AJIBOLA) 82

c) sil'aéronefàbord duquel l'infraction estcommiseatterrit sur son
territoire avecl'auteur présumde l'infraction setrouvant encore
àbord;
d) si l'infraction est commisà l'encontre ou àbord d'un aéronef
donné enlocation sans équipage àune personne qui a le siège

principal de son exploitation ou,àdéfaut, sa résidence perma-
nentedansleditEtat. »

Le droit international général reconnaîtles mêmespossibilités. Par
conséquent, le Royaume-Uni,du fait que l'incident est survenu sur son
territoire,pourrait établirsacompétenceàl'égard desinfractionsenvertu
à la foisdu droitinternational généraletde la convention de Montréalde
1971.Cependant, lessuspectssetrouventsouslajuridiction delaLibye,et
celle-ci est tout aussi en droit de poursuivre ces derniers. Selon moi,
compte tenu de la convention de Montréalde 1971,la Libye a un droit
légitimeà protéger.Ils'agitd'undroit qui estreconnu par ledroit interna-
tional et qui est mêmeconsidéré par certainsjuristes commerelevant du

jus cogens.Je pense aveccertains de mes collègues, et en particulier avec
M. Weeramantry, que la Libyea le droit de poursuivre les deux accusés
libyens si elle le veut. Mêmesi l'on peut se demander, dans le cas des
autres droits que prévoient l'article5,paragraphes 2 et et lesarticles 7
et 8,si l'ona affairedes droits ouà des obligations,force est de recon-
naître que le droitjuridique relevant de l'article 11,paragraphe 1,quant
à lui,estincontestablement un droit au regard de la convention de Mont-
réalde 1971.
4. Vientensuitela question de l'urgence.Sur cepoint non plus,je n'ai
aucun doute. Sij'en avais eu précédemment, tousles faits survenus ces
derniersjours concourent àmontrerla nécessitép,our laCour, deprendre

immédiatement desmesures et d'accorder à la demande de la Libye le
rang de priorité qu'elle mérite, ainsi quele prévoit l'article74, para-
graphe 1,du Règlementde la Cour.
5. La questionsuivante, celledu momentou a été présentée larequête,
n'est certes pas aussi facilà trancher que celles dont j'ai traité plus
haut. Lesopinionsdivergentconsidérablementsurl'interprétationdel'ar-
ticle 14,paragraphe 1,de la convention de Montréal.La Cour a entendu
des arguments convaincants pour et contre l'applicabilité oula non-
applicabilitédecet article,pour le moment,de la part du requérantet du
défendeur.Avant de poursuivre,je citerai ceparagraphe :

((Tout différend entre des Etats contractants concernant l'inter-
prétation ou l'applicationde la présente convention qui ne peutpas
êtreréglépar voie de négociation est soumis à l'arbitrageà la
demandede l'und'entreeux. Si,dans lessixmoisqui suiventla date
de la demande d'arbitrage,lesparties ne parviennent pas semettre
d'accord sur l'organisation de l'arbitrage, l'une quelconque d'entre
ellespeut soumettre le différend la Cour internationale de Justice,
endéposantunerequête conformémenatu Statut de la Cour. » The Respondent forcefully argues that the Applicantfailed to exhaust
al1the stages of negotiation and arbitration before making her Applica-
tiontotheCourt. Itwaspointed out, and isclearlyindicated intheArticle,
that therequirements ofnegotiation and arbitrationaremandatorycondi-
tion precedentsthat mustbe compliedwithbeforerecourse totheCourt is
available. The Respondent further argued that the Applicant's letter of
18January 1992ontheissue ofnegotiation and arbitration wasmerelysix
weeksold whenthe Application was madetothe Court on 3March 1992,
and thereforethe Application ispremature.

The Applicant answers that waiting for the six months prescribed in

Article 14 (1)to run itscoursewould bepointlessbecause the Respondent
unequivocally refused Libya's 18January 1992request for negotiation
and arbitration. Referencewasmade to the comment ofthe United King-
domonthisissue,whenSirDavidHannay,the then Presidentofthe Secu-
rityCouncil, observed :

"The letter dated 18January concerninga request for arbitration
under Article 14of the Montreal Convention is not relevant to the
issue before the Council. The Council is not, in the words of Ar-
ticle 14ofthe Montreal Convention,dealing with a dispute between
two or more Contracting Parties concerning the interpretation or
application of the Montreal Convention. What we are concerned
withhereistheproper reaction oftheinternational communityto the
situationarisingfrom Libya'sfailure, thus far,to respond effectively
to the most serious accusations of State involvement in acts of
terrorism." (S/PV.3033,p. 104.)

Fromthispronouncement bythe Respondentit seemsto me,and quite
reasonably too, that even if the Applicant had waited until after six
monthsfrom 18January, or evenlonger,herrequest would havebeen met
by the same refusal. This,to my mind, is a case of anticipatorybreach of
the provisions of Article 14(1)on the part of the Respondent and Libya
was not obliged to delay her Applicationuntil the expiry of six months

after 18January 1992.Thisviewisreflected in some ofthe past decisions
of the Court. A good example is the South WestAfricacases (Ethiopiav.
SouthAfrica ;Liberia v.SouthAfrica),wherethe Court observed :

"It is immaterial and unnecessary to enquire what the different

and opposing viewswere which brought about the deadlock in the
pastnegotiations inthe United Nations, sincethe presentphase calls
fordetermination of onlythe question ofjurisdiction. Thefactthat a
deadlock was reached in the collectivenegotiationsin the past and
the further factthat boththewrittenpleadings and oralarguments of
the Parties in the present proceedings have clearly confirmed the Ledéfendeur soutientavecforcequelerequérantn'apas épuisé,avant
d'adresser sa requêteà la Cour, toutes les possibilitésde négociationet
d'arbitrage prévuesaux différentsstadesO. n a fait observer et c'estce
qui est clairementindiquédans l'article en question que pour pouvoir

s'adresserà la Cour ilfaut avoirremplipréalablementlesconditionsrela-
tivesà lanégociationet àl'arbitrage.Ledéfendeur aenoutre soutenu que
comme ellea été soumise à la Cour le 3 mars 1992,alors que la lettre du
requérant concernantla questiondelanégociationetdel'arbitrage, datée
du 18janvier 1992,remontait à peineà sixsemaines,larequêteestpréma-
turée.
Le requérantrépondque, étant donné quele défendeura rejetésans
équivoquelademandede négociationetd'arbitrage formuléeparla Libye
le 18janvier 1992,ilseraitinutile d'attendre que soitécoledélaide six
moisprescritpar l'article14,paragraphe 1. Sir DavidHannay,alors Prési-
dent du Conseil de sécurité, a évoqules observations du Royaume-Uni

sur ceproblème lorsqu'il a déclaré
«La lettre en date du 18janvier concernant une demande d'arbi-
trage au titre de l'article 14de la convention de Montréaln'estpas

pertinente dans le cas dont est saisile Conseil. Le Conseil n'estpas,
selon les termes de l'article 14de la convention de Montréal,saisi
d'un différend entre deux parties contractantes ou plus concernant
l'interprétationou l'application de la convention de Montréal. Ce
qui nous occupe ici, c'estla réactionappropriéede la communauté
internationale devant la situation découlant du fait que la Libye n'a
pas,à ce jour, répondu de façon crédible auxgraves accusations
selon lesquelles un Etat aurait participées actes de terrorismeD
(UPV.3033,p. 104.)

A enjuger d'après cettedéclarationdu défendeur,ilmeparaît toutà fait
raisonnable depenserque, mêmesile requérant avaitattendu sixmoisou
même davantage à compter du 18janvier, sademande seseraitheurtéeau
même refus.Ilyalà,à monavis,un casd'infraction prévisibleauxdisposi-
tions de l'article 14,paragraphe 1,de la part du défendeur,et la Libye

n'étaitdonc pas tenue d'attendre, pour présenter sa requête, l'expiration
d'un délaide six mois à dater du 18janvier 1992.Cette façon de voir
ressort de certainesdesdécisionsantérieuresdela Cour. On entrouve un
bon exemple des les affaires relatives auud-Ouest africain (Ethiopiec.
AfriqueduSud;Libéria c.Afriqud euSud), oùla Cour afaitobservercequi
suit:

«Il estsanspertinence etinutile derechercherquellesthèsesdiffé-
rentes et opposéesont conduit les négociations des Nations Unies
dans une impasse,étant donnéqu'au stade actuel il ne s'agitque de
trancher la question de compétence.Le fait que dans le passéles
négociationscollectivesaient aboutiàune impasse et le fait que les
écritures etles plaidoiries des Parties dans la présente procédure
aient clairement confirmé que cette impasse demeure obligent à84 1971 MONTREALCONVENTION (DISS .P. AJIBOLA)

continuance of this deadlock, compel a conclusion that no reason-
able probability exists that further negotiations would lead to a
settlement." (I.C.J.Reports1962,p. 345.)

The Court refused to adopt a purelytechnical attitude to thismatter in
the same caseswhenit noted that :
"it isnot somuch the form ofnegotiation that matters astheattitude
and views of the Parties on the substantive issues of the question
involved. Solong as both sides remain adamant ..." (Ibid.,p. 346.)

There is also the issue of whether the word "within"as used in
Article 14(1) means after or insideofsixmonths.The word "dansMinthe
corresponding French text suggeststhat demand and refusa1within six
monthstriggers the right of recourseto the Court. Moreover, "within" in
the ConciseOxfordDictionarymeans "not beyond", or "inside" or "before
expiration of' or"in atimeno longer than" or"during". Ifthe Convention
meant to stipulate afer it would have explicitlysaid so.

Givenal1the points 1have dilated upon above,it ismyhumbleopinion
thatthe Application wasnot prematurelypresented to the Court, and the
Court hasjurisdiction to entertainthe same.
6. There remains the issue of irreparable harm. Here again arguments
havebeen advanced on both sides.Respondent's brilliant argumentelab-
orated on this matter in extenso.The United Kingdom'spoint was that a
party should not take actionpendentelitethat would frustrate the Court's
laterjudgment onthe merits.Provisionalmeasures aretherefore unneces-
sary,the argument runs, because the Parties are already under an obliga-
tion to avoidirreparable prejudiceto thepotentialjudgment ofthe Court,
irreparableharmstorightsclaimed, and irreparableharmstopersons and
property. To buttress this point torrents of authority were cited from the

past Judgments ofthe Court.

Again,one must pause to note thatthe test here is not one of "irrepar-
ableprejudice" or"irreparable harm" but thepossibilityorthe riskof such
irreparable harm or prejudice. Thispoint has been made in severalcases
before the Court. The Court in indicating provisional measures in the
NuclearTestscaseobservedthus :

"29. Whereas for the purpose of the present proceedings it suf-
ficesto observethatthe information submitted to the Court, includ-
ing Reports of the United Nations Scientific Committee on the
Effects of Atomic Radiation between 1958 and 1972, does not conclure qu'il n'estpas raisonnablement permis d'espérer quede
nouvelles négociations puissent aboutir à un règlement.)) (C.I.J.
Recueil 1962,p. 345.)

La Cour, dans les mêmesaffaires, s'estrefusée à adopter une attitude
purement formalistesur cettequestion iorsqu'eilea fait observer :

«ce qui importe ...ce n'est pas tant la forme des négociationsque
l'attitudeet lesthèses des Partiessur lesaspects fondamentauxde la
question en litige. Tant que l'on demeure inébranlable de part et
d'autre..»(Ibid., p.346.)
Il y a égalementla question de savoir si le mot «within)),tel qu'il est
utilisédans leparagraphe 1de l'article 14,signifieaprèssixmoisou dans
undélaidesixmois.Lemot «dans ))qui estemployédans letextefrançais
correspondant, laisseentendre qu'une demandeformelleetun refusinter-
venus avant l'expiration d'un délaide six moisdéclenchentl'exercicedu

droit de s'adresseràla Cour. De plus, selon le Concise OxfordDictionary,
withinsignifie«pas au-delà»,ou «àl'interieurde»ou «avantl'expiration
de »ou «dans un laps de temps ne dépassantpas »ou ((pendant ».Siles
auteurs dela conventionavaientvouludire après,ilsl'auraient ditexpres-
sément.
Pour toutes les raisons sur lesquellesje me suis étendu plushaut, je
déclarehumblementque la requêten'apas été présentée de façon préma-
turée àla Cour, et que la Cour a compétencepour en connaître.
6. Restela question du dommageirréparable. Surcepoint encore,des
argumentsontétéavancédsepart etd'autre.Dans sabrillante argumenta-
tion, le défendeurs'estlonguement étendusur ce sujet. L'argument du
Royaume-Uni était que, lorsqu'une affaireest en cours, les parties ne
doivent rien faire qui puisse priver d'effet l'arrêt ultérieure la Cour
quantau fond. Seloncet argument,des mesuresconservatoiressont donc
inutilesétant donnéque les Parties sont déjà tenuesd'éviterqu'un préju-
diceirréparablene soitporté à l'arrêt éventuedlela Cour, qu'untort irré-
parable ne soit causé aux droits revendiqués,et que les personnes et les
biens ne soient irréparablement lésés. Destorrents de citations, tirées

d'arrêts antérieurdse la Cour, ont été apportéesàl'appui de cette argu-
mentation.
Il faut s'arrêteun moment pour faire observer que lepoint crucial,ici,
ne concerne pas «un préjudice irréparable » ou un «tort irréparable»,
maislapossibilitéoule risque d'untort ou d'unpréjudiceirréparable.Ona
déjà,par lepassé,insistésurcepoint dans plusieursaffairesdontla Coura
étésaisie. Lorsque cette dernière a indiqué des mesures conservatoires
dans l'affaire des Essais nucléaires,elle a formulé les observations
suivantes :

«29. Considérant que, aux finsde la présente procédure,il suffit
de noter que les renseignements soumis à la Cour, y compris les
rapports du Comitéscientifiquedes Nations Uniespour l'étude des
effets des rayonnements ionisants présentésentre 1958 et 1973, excludethepossibilitythat damageto Australia mightbe showntobe
caused by the deposit on Australianterritory of radio-activefall-out
resultingfrom such tests and to be irreparable;
30. Whereasinthe lightofthe foregoingconsiderations theCourt
is satisfied that it should indicate interim measures of protection in
order to preservethe right claimed by Australia inthe present litiga-
tionin respect ofthe deposit ofradio-activefall-out onherterritory."
(Z.C.J.Reports1973,p. 105;emphasisadded.)

Similarpronouncements can be found inthe TehranHostagescaseand
Passage through theGreatBeltcase.

Twoquestions arepertinent to the issueunder discussion.First,isthere
a likelihood, or to use the appropriate words "possibility" or "risk" of
harm to the Applicant if she is not allowed to prosecute the two suspects
onher ownsoil?Second,isthere alikelihoodthatthe Respondent willuse
forceorcoercion ifprovisionalmeasuresarenot indicated? Fromthe evi-

dence adduced at the hearings, 1am verymuch inclined to answer these
questions in the affirmative,especiallywhen one considers the fact that
what is in issue isthepossibilityor riskofuch irreparable harm or preju-
dice.

Now, havingresolvedal1ofthese questions in favour ofthe Applicant,
in relation to the relevant provisions for indication of provisionalmea-
sures (Le.,Art. 41 ofthe Statute of the Court) 1should proceed to state
that the Court should indicate provisional measures in favour of the
Applicant only when it "considers that the circumstances" of this case
"so require". Similar reference can also be made to relevant parts of
Articles73,74 and 75ofthe Rules of Court.
In my viewthe request for interim measures must be seen against the
background ofconcurrentactions ofthe SecurityCouncil, and in particu-
laritsadoption ofresolutions731(1992)and 748(1992).Thereistherefore
need to examinethe effect,ifany,ofresolution 73 1(1992)onthiscaseand
mostimportantly to indicate the effectofthe recentresolution 748 (1992),
passed during the currency of our deliberation on this case.

Before embarking on the bumpy journey of examining the effects of
these resolutions in international law,letmepause to examineoneaspect
of this case that troubles my own sense ofjustice. Perhaps it is better to
deal with this matter fullywhen the casewillbe considered onits merits.
However,itconcernsthetworesolutions ofthe SecurityCouncil and their
effecton the provisionalmeasures now under consideration.

Apoint whichisuncontested and acceptedbyboth Parties isthe desira-
bility,and infactthe need, thatthe twosuspectsallegedly involvedin this CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISSAJIBOLA) 85

n'excluent pas qu'on puisse démontrer quele dépôt en territoire
australien de substancesradioactives provenant de ces essais cause
un préjudice irréparableàl'Australie;
30. Considérant qu'étantdonnéce qui précède laCour estime
devoirindiquerdesmesuresconservatoires pour sauvegarderledroit
invoquépar l'Australiedans leprésent différenden ce qui concerne
le dépôtde retombéesradioactivessurson territoire »(C.I.J. Recueil
1973,p. 105;lesitaliquessont de moi).

Onpeut trouver desdéclarations analoguesdans l'affairedu Personnel
diplomatiqueet consulairedes Etats-Unis à Téhéran et dans celle du
PassageparleGrand-Belt.
Deuxquestionssontpertinentes en l'occurrence.Premièrement,existe-
t-ilune probabilité ou,pour employerlestermes appropriés,une «possi-
bilité ou un ((risque» que le requérant soitlésés'iln'estpas autoriséà
poursuivre les deux suspects sur son propre sol? Deuxièmement,existe-
t-iluneprobabilitéqueledéfendeurusedelaforceou delacoercitionsila
Cour n'indique pas de mesures conservatoires? En me fondant sur les
élémentsde preuve fournis au cours des audiences, je suis fortement
enclin àrépondreàces questions par l'affirmative,étant donnéen parti-
culier que la question précise quise pose est celle de lasibilitéou du
risqued'un teltort oupréjudice irréparable.
Ayant donc répondu à toutes ces questions dans un sens favorable au

requérant, ence qui concerne les dispositions pertinentes pour l'indica-
tion de mesures conservatoires (c'est-à-dire l'article 41 du Statut de la
Cour),j'ajouterai que la Cour ne doit indiquer de mesuresconservatoires
en faveur du requérant que si elle «estime que les circonstances » de
l'affaire((l'exigent».Onpeut seréféredre même auxpassagespertinents
desarticles73,74 et75du Règlementde la Cour.
A mes yeux,la demandeen indication de mesures conservatoiresdoit
êtreenvisagéedans la perspective des mesures parallèles prises par le
Conseil de sécuritée,t en particulier du fait que le Conseil a adoptéles
résolutions731 (1992)et748 (1992). Il faut donc examinerles effets éven-
tuels dela résolution731(1992)surlaprésente affaireet,cequi estleplus
important, indiquer quels sont leseffetsdelarésolution748(1992),adop-
tée récemmentalorsmêmqeue se déroulaient nos délibérations sur cette
affaire.
Avant de m'engager sur le chemin cahoteux de l'examen qui doit

permettre de déterminerles effets de ces résolutionsdu point de vue du
droit international, je voudrais m'arrêterun moment pour examiner un
aspect de la présente affaire quiheurte mon sens de lajustice. Peut-être
vaudra-t-il mieuxtraiter complètementde cettequestionlorsquel'affaire
sera envisagéequant au fond. Toutefois, elle concerne les deux résolu-
tions du Conseil de sécuritéainsi ue leurs effetssur la demande enindi-
cation de mesuresconservatoiresactuellement à l'examen.
Un point qui n'est pas contesté,et qui est admis par l'une et l'autre
Partie, estqu'il estsouhaitable, etenfaitnécessaire,que lesdeuxsuspectsmatter be thoroughly investigated and tried. The Applicant believed so,
and said so.TheRespondent isalsoeagertotrythem.The disagreementis
onlyon wherethey should be tried. To mymind the investigationcannot
be completedwithout the CO-operationofboth Parties. On completion of
investigation,and ifa prima faciecaseis establishedagainstthe suspects,
they willbe tried as accused persons before a criminal court or tribunal.
Judgment comesaftertrial and then sentence,if found guilty.

1havestated al1theseelementaryand trite principles ofcriminaljustice
to stressthe point, thatal1along,the issueofinvestigationbythe Respon-

dent was being apparently treated in some of the arguments like final
judgment. It isobviousthat the allegation ofterrorism, a veryserious and
heinous offence,againstthe two Libyanscannot be sustained unless and
untiltheyaretried and found guilty.Afortiorithe allegation that the State
of Libya is involvedin terrorism cannothold legallyuntil such a time as
judgment is givenagainst the two Libyansand it isproved that they were
actingfor and on behalf ofthe Stateof Libya.

A statement dated 27 November 1991, S/23307, was issued by
the United Kingdom, which demanded thus :

"Following the issue of warrants againsttwo Libyan officials for
their involvement in the Lockerbie atrocity, the Government
demanded of Libya the surrender of the two accused for trial. We
havesofar receivedno satisfactoryresponsefrom the Libyan author-

ities.
The British and Arnerican Governments today declare that the
Government of Libya must :
- surrenderfor trial al1those charged with the crime; and accept
completeresponsibilityfor the actionsofLibyanofficials ;

- discloseal1itknowsofthiscrime,including the namesofal1those

responsible,and allowfullaccessto al1witnesses,documents and
othermaterial evidence,including al1theremainingtimers ;

- puyappropriatecompensation.
We are conveyingOurdemands to Libya through the Italians, as
Ourprotecting power. We expect Libya to comply promptly and in
full." (Emphasisadded.)

It will be noted that payment of compensation was demanded in the
abovestatement,i.e.,"pay appropriate compensation". Whatworries me
is how the State of Libya could be urged to pay compensation when thecensésêtreimpliquéd sans cetteaffairesoientminutieusementinterrogés
et jugés.Le requérant étaitde cet avis et il l'a dit; et le défendeur tient
beaucoup, lui aussi, àjuger lesintéressésL . edésaccordporte donc seule-
ment sur le lieu dujugement. A mon sens,l'enquêtene peut êtremené e
biensanslacoopération desdeux Parties.Unefoiscetteenquêteachevée,

ets'ilexistedesprésomptionssérieuses àl'égarddessuspects,cesderniers
seront mis en accusation et traduits devant une juridiction pénale. Le
jugement suivra le procès, puis viendra la sentence si la culpabilitéest
reconnue.
Sij'airappelécesprincipes élémentaires etrebattus delajustice pénale,
c'estpour faire ressortir le fait que, tout au long,dans certaines des plai-
doiries, on semblaitparler des enquêtesmenéespar le défendeur comme
on parlerait d'un arrêt définitif.Il est évident que l'allégatiode terro-
risme - crimegravissimeetodieux - portéecontre lesdeux Libyensne
saurait être confirmée que s'ils sont jugéset déclarés coupables,et pas
avant.Afortiori, l'allégationselonlaquelle1'Etatlibyenestimpliquédans
le terrorisme ne peut juridiquement être défenduetant qu'un jugement

n'aura pas été rendu contreles deux Libyenset tant qu'il n'aura pas été
prouvéque ces derniers agissaient pour le compte de 1'Etatlibyen et en
son nom.
Le 27 novembre 1991, le Royaume-Uni a publié une déclaration
(S/23307) dans laquelle étaient formulées un certain nombre de
demandes :

«Des mandats d'arrêtayant été lancéscontre deux agentslibyens
en raison de leur participation à l'atroce attentat de Lockerbie, le
gouvernementa exigéque soient livrés lesdeux accuséspour qu'ils
soienttraduits enjustice. Nous n'avons reçujusqu'à présentaucune
réponse satisfaisantedesautoritéslibyennes.
Les Gouvernements britannique et américain déclarentce jour
que le Gouvernementlibyen doit:

- livrer, afin qu'ils soient traduits en justice, tous ceux qui sont
accusésdececrimeetassumerl'entièreresponsabilitédesagisse-
mentsdesagentslibyens ;
- divulguertous lesrenseignementsensapossession surcecrime,y
compris les noms de tous les responsables, et permettre le libre
accèsàtous lestémoins,documentsetautrespreuvesmatérielles,
ycompristous lesdispositifsd'horlogerierestants ;
- verserdesindemnitésappropriées.

Nous transmettons nos demandes à la Libye par l'intermédiaire
des Italiens, qui sont chargésde nos intérêts.Nous comptons que la
Libyey fera droit promptement et sans aucune réserve.» (Les itali-
ques sontde moi.)

On notera qu'une indemnisation était réclaméedans cette déclaration
(«verser des indemnités appropriées))). Une question me trouble:
commentpeut-on presser l'Etatlibyen deverserdesindemnitésalorsque87 1971 MONTREALCONVENTION (DISS .P. AJIBOLA)

"suspects" or even to put it higher than that the "accused persons" have
not been found guilty by any competent court or tribunal and have not
been proved to have acted in complicitywith Libya.Thepresumption of
innocence until guilt is established is still anintegral part of the due
administration of criminaljustice the world over.
The significance of this point is that the requests of the Uniteding-
dom,referredto above,formedthe basisoftherequestscontained inreso-
lution 731(1992),especiallythe preambular paragraph which states :

"Deeplyconcernedover the results of investigations, which impli-
cate officiaisofthe Libyan Government and which are contained in
SecurityCouncil documents that include the requests addressed to
the Libyan authorities by France, the United Kingdom of Great
Britain and Northern Ireland and the United States of America in
connection with the legal procedures related to the attacks carried
out against Pan American flight 103 and Union de transports
aériensflight772"

as wellasparagraph 3 ofthe resolution which

" Urgesthe Libyan Government immediatelyto provide a full and
effectiveresponseto those requestssoasto contribute to the elimina-
tion of international terrorism".
then isthe effectofresolution 731(1992)on the Court's authority
What
to indicate interim measures? It has been argued that resolution 731
(1992)is merely recommendatory and as such it is not a decisionof the
SecurityCouncil. 1think 1sharethe viewon acarefulstudy ofthe content
of the resolutionthat the request to surrender the two Libyans cannot be
said to be mandatory. Again, the action of the Security Council with
regard to this resolution could be placed under Article 36 (1) of the
Charter which statesthat :

"The SecurityCouncil may at any stageof a dispute ofthe nature
referred to in Article 33 or of a situation of like nature,ommend
appropriate procedures or methods of adjustment." (Emphasis
added.)

Undoubtedly al1 these provisions are within Chapter VI of the
Charter which deals with pacific settlement of disputes. Since the
issue involves negotiation, enquiry, mediation, conciliation, arbitra-
tion or judicial settlement as enumerated in Article 33, it was possible
for the Security Council to avail itself of the ultimate invocation and
application of Article 36 (3) by referring this matter to the Court.
However, the SecurityCouncil did not exercise that option. After care-
ful consideration of the content and possible effect of resolution 731
(1992), it is my humble opinion and conclusion that it in no way CONVENTION DE MONTRÉAL DE 1971(OP. DISS.AJIBOLA) 87

les «suspects» - j'irai même, si l'oveut,jusqu'à dire les «accusés» -
n'ont été déclarés coupable psar aucune juridiction compétente etqu'il
n'apas étéprouvé qu'ilsaient agiavecla complicitéde la Libye.Dans le
monde entier, la présomption d'innocence faitcependant encore partie
intégrante d'unebonne administration de lajustice pénale.
C'estlàun point important, carlesdemandes du Royaume-Uniqui ont
étécitéesplus haut ont servidebase aux demandes figurantdans la réso-
lution 731(1992),etenparticulier dansl'alinéadu préambule quiestainsi

conçu :
({Profondémenp tréoccupé par ce qui résulte des enquêtes impli-
quant des fonctionnaires du Gouvernement libyen et qui est
mentionné dansles documents du Conseil de sécurité quifont état
des demandes adresséesaux autorités libyennespar les Etats-Unis
d'Amérique,la France et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et
d'Irlande du Nord, liéesaux procédures judiciaires concernant les

attentats perpétrés contreles volsde la Pan American et de l'Union
detransports aériens»,
ainsi que dans leparagraphe 3 de la résolution, quiselit commesuit :

Demande instammentaux autorités libyennesd'apporter immé-
diatement une réponse complèteet effectiveàcesdemandes afin de
contribuer àl'éliminationdu terrorisme international ».

Quelssont donc leseffetsdelarésolution731(1992)surlepouvoir qu'a
la Cour d'indiquer des mesures conservatoires? On a fait valoir que la
résolution731(1992)ale caractèred'unesimplerecommandation etque,
de cefait,elle neconstitue pasune décisiondu Conseil de sécuritéA. yant
examinédeprèslecontenudelarésolution,je partagerais volontiersl'avis
de ceuxquipensent qu'on ne peut qualifier de contraignante la demande
de livrer les deux Libyens qui est faite dans cette résolution. On l'a déjà
dit:la décisiondu Conseil de sécuritéen cequi concernecetterésolution

pourrait seranger sous leparagraphe 1del'article36dela Charte, qui est
ainsirédigé :
«Le Conseil de sécurité peut,àtout moment de l'évolutiond'un
différendde la nature mentionnée à l'article 33 ou d'une situation
analogue, recommander les procédures ou méthodes d'ajustement

appropriées.»(Lesitaliques sont de moi.)
Sansaucun doute,toutes cesdispositionss'inscriventdans le cadre du
chapitre VIde laCharte,qui traite du règlementpacifique desdifférends.
Etant donné quele problème fait intervenir la négociation, l'enquêtel,a
médiation, la conciliation,l'arbitrageou le règlementjudiciaire, moyens

énuméréd sans l'article 33, il était possibleau Conseil de sécuritéde
s'autoriser de la possibilité d'invoqueret d'appliquer le paragraphe 3de
l'article36 en renvoyant cette questionàla Cour. Cependant, le Conseil
n'apas uséde cettepossibilité.Ayantmûrementexaminélecontenu etles
effetspossiblesdelarésolution731(1992),j'émetshumblement l'opinionimpedesthe Court's authorityto indicatethe interimmeasuresrequested

by Libya.

Resolution 748 (1992)which was adopted while the Court was con-
sidering Libya's request for interim measures, is undoubtedly within
the power and function of the Security Council since it falls under
Chapter VI1of the Charter, particularly Article41.

What then is the legal effect of resolution 748 (1992)on the Court's
authorityto indicateinterimmeasures?There isno doubt that there isan
overlap between the powers and functions of the Court and Security
Council,which 1mentionedearlierintheopinion. Theresolutionisa deci-
sionof the SecurityCouncil and therefore its effect and validity is even
stronger than that of resolution 731 (1992)in light of the provisions of
Article 25 and Article 103of the Charter. Article 25 enjoins Membersto
"respect and cany out the decisions of the Security Council" and Ar-
ticle 103provides that in any case of conflict of obligations between the
Charter and other international agreement, the obligation under the
Charter is supreme and shall prevail. Arguably, certain intrinsic defects
may invalidatethe two resolutionsmentionedherein.For example,there
is the issue ofnemo iudexinsua causa,as well as the possible effect of
Article 27 (3) of the Charter on the resolutions. Nevertheless, 1do not

pronounce on their validity here, nor need 1do so in order to reach my
decision.

However, in view of the provisions of resolution 748 (1992),it is my
opinion that the Court should decline to indicate the provisional mea-
sures requested by Libya. However, it is also my belief that the Court
shouldindicateprovisional measures propriomotuunder Article75ofthe
Rules of Court againstboth Parties to ensure non-use of force or aggra-
vation or extension of the dispute pending the Court's judgment on the
merits.

The Court has the legaland inherentpower to order provisional mea-
surespropriomotuagainst bothPartiesindependent of anyrequestmade
by either Party.Such an independent indication of provisional measures
is notalien to thejurisprudence of this Court and itspredecessor. In the
case concerningthe LegalStatus of theSouth-Eastern TerritoryofGreen-
land the Permanent Court of International Justicepronounced :

"Whereas, on the other hand, the Court must consider whether or

not there is ground forproceeding, propriomotu,to indicateinterim
measures of protection in connection with the two applications of
July 18th, 1932, independentlyof the Nonvegian request to that
effect .. ." (P.C.I.J.,Series A/B, No. 48, pp. 287-288; emphasis
added).et la conclusion qu'en aucune façon cetterésolution n'empêche la Cour
d'exercer sa compétencepour cequi estd'indiquer lesmesuresconserva-
toires demandéespar la Libye.
Larésolution748 (1992),qui a étadoptéependant quela Cour exami-
nait la demande en indication de mesures conservatoiresformuléepar la
Libye,s'inscrit sansaucun doute dans le cadre des pouvoirs et des fonc-
tions du Conseil de sécurité, puisqu'ellerelèvedu chapitre VI1 de la
Charte, et en particulier de l'article41.
Quels sont donc les effetsjuridiques de la résolution748(1992)sur le

pouvoir qu'a laCour d'indiquer desmesuresconservatoires?Sans aucun
doute, ilya chevauchemententre lespouvoirset lesfonctions de la Cour
etceuxdu Conseildesécurité,questions quej'aiévoquéesplushaut.Cette
résolutionest une décisiondu Conseil de sécurité et,ar conséquent,ses
effetset savaleursontencoreplus marquésque ceux de la résolution731
(1992)comptetenu des dispositions de l'article25et de l'article 103de la
Charte. L'article25 enjoint aux Membres((d'accepter etd'appliquer les
décisionsdu Conseil de sécurité))et l'article 103prévoit qu'en casde
conflit d'obligations entre la Charte et un autre accord international les
obligations contractées en vertu de la Charte prévaudront. On pourrait
faire valoir qu'il y a dans les deux résolutions susmentionnées certains
vicesintrinsèques quilesrendent inopérantes. Il ya par exemplela ques-
tion du nemojudexinsua causa,ainsi que les effetspossibles sur cesréso-
lutions de l'article 27,paragraphe 3, de la Charte. Néanmoins,je ne me

prononce pas surlavaleur decestextes,etdurestecelanem'estpasnéces-
sairepour parvenir à ma décision.
Cela dit, étant donné les dispositions de la résolution 748 (1992),
j'estime que la Cour devrait se refuseà indiquer les mesures conserva-
toires demandéespar la Libye. Mais j'estime d'autre part que la Cour
devrait,ens'appuyant surl'article75de son Règlement,indiquer d'office
desmesuresconservatoires à l'encontredel'une etl'autre Partiepour faire
en sorte qu'iln'yait ni recoursla force ni aggravation ou extension du
différendaucoursdelapériodequiestnécessairepour que laCour puisse
seprononcer sur lefond.
La Cour possèdejuridiquementet intrinsèquemenlte pouvoir d'ordon-
ner d'office desmesuresconservatoires à l'encontrede l'uneet l'autredes
Parties, indépendamment de toute demande formuléepar l'une ou par
l'autre. Cette indication de mesures conservatoiresfaità titre indépen-

dant n'estpas étrangèreàlajurisprudence de la Cour actuelleet de lajuri-
diction qui l'a précédéeD.ans l'affaire concernant letatutjuridiquedu
Groëlandoriental,la Courpermanente deJusticeinternationale a déclaré :

«Considérant,d'autre part, qu'il convient pour la Cour d'exami-
ner s'ilya lieu ou non de procéder d'officeàl'indicationde mesures
conservatoiresàl'occasion desdeuxrequêtes du 18juillet 1932,indé-
pendamment de la demande norvégienne à cet effet» (C.P.J.Z.
sérieA/B no48,p. 287-288 ;lesitaliquessont de moi). 89 1971 MONTREALCONVENTION (DISS .P.MIBOLA)

Again in the case of the Electricity Companyof Sofa and Bulgaria
(Interim Measuresof Protection)the Permanent Court of International
Justiceordered interim measures thus :

"Whereas accordingto Article 41,paragraph 1,ofthe Statute,

'TheCourt shallhave the power to indicate, if it considers that
circumstances so require, any provisional measures which ought
to betaken to reservethe respectiverights of eitherparty' ;
And whereas, according to Article 61,paragraph 4, of the Rules,

TheCourtmayindicateinterimmeasuresofprotection othe tran
thoseproposedintherequest. '
Whereas the above quoted provision of the Statute applies the
principle universally accepted by international tribunals and like-
wise laid down in many conventions to which Bulgaria has been a
party - to the effectthat the parties to a casemust abstain from any

measure capable of exercising a prejudicial effect in regard to the
execution of the decision to be given and, in general,not allow any
step ofany kind tobe taken whichmightaggravateor extendthe dis-
pute" (P.C.I.J.,SeriesA/B, No. 79,p. 199;emphasisadded).

The Court in the Anglo-Iranian OilCo.case reached a similarconclu-
sion on the power of the Court to indicate provisional measures proprio
motu when it declared :

"Whereas the object of interim measures of protection provided
for in the Statute is to preserve the respective rights of the Parties

pending the decision of the Court, and whereas from the general
terms of Article 41of the Statute and from the power recognizedby
Article 61, paragraph 6, of the Rules of Court, to indicate interim
rneasuresofprotection propriomotu,itfollowsthattheCourt mustbe
concerned to preserveby such measuresthe rightswhichmaybesub-
sequently adjudgedby theCourtto belongeither totheApplicantor to
the Respondent." (I.C.J.Reports 1951,p. 93;emphasisadded.)

Evenquite recently and with absolute claritythe Court boldly empha-
sizeditspowerto indicateprovisional measuresinthecase ofFrontierDis-
pute (Burkina Faso/Republicof Mali)when it stated :

"Considering that, independentlyof the requests submittedby the
Partiesfortheindicationofprovisionalmeasures, the Court or,accord-
ingly,the chamber possessesbyvirtue of Article41 ofthe Statutethe

power to indicateprovisional measureswithaviewto preventingthe
aggravation or extension of the dispute whenever it considers that Et de nouveau, dans l'affaire concernant la Compagnied'électricité de
SofiaetdeBulgarie,mesuresconservatoiresl,aCourpermanente deJustice
internationale, ordonnant des mesures conservatoires, s'est exprimée

commesuit :
((Considérantqu'aux termes de l'article 41, alinéa premier,du
Statut,

«La Cour a lepouvoir d'indiquer, si elle estimeque lescircons-
tances l'exigent, quelles mesures conservatoires du droit de
chacun doiventêtreprises àtitre provisoire));
Qu'aux termesde l'article61,alinéa4,du Règlement,

La Courpeut indiquerdes mesures conservatoires autresque
cellesquisontproposéesdanslademande)) ;
Considérantquela dispositionprécitée du Statutapplique leprin-
cipeuniversellementadmis devant lesjuridictions internationales et
consacréd'ailleursdans maintes conventionsauxquellesla Bulgarie
a été partie,- d'après lequelles parties en cause doivent s'abstenir

detoute mesuresusceptibled'avoir une répercussionpréjudiciable à
l'exécutiondela décision àinterveniret,engénéral,ne laisserprocé-
der à aucun acte,de quelquenature qu'ilsoit,susceptible d'aggraver
ou d'étendrele différend))(C.P.J.I.sérieA/B no79,p. 199;les ita-
liquessontde moi).

Dans l'affaire concernant l'dnglo-Iranian OilCo.,la Cour internatio-
nale de Justice est parvenue à une conclusion analogue au sujet du
pouvoir dont elledisposed'indiquer d'office desmesuresconservatoires;
ellea en effet déclaréà cetteoccasion :

«Considérant que l'objet desmesures conservatoiresprévuesau
Statut est de sauvegarder les droits de chacun en attendant que la
Cour rende sa décision; que,de la formule générale employép ear
l'article41du Statutet du pouvoir reconnu àla Courpar l'article61,
paragraphe 6,du Règlement,d'indiquer d'office desmesuresconser-
vatoires,ilrésulteque la Cour doit sepréoccuperde sauvegarderpar
de telles mesures les droits que l'arrêqtu'elleaura ultérieuremenà t
rendrepourraitéventuellemenrteconnaître,soitaudemandeur,soitau
défendeur. )(C.I.J.Recueil1951,p. 93 ;lesitaliques sont de moi.)

Encore tout récemmentet avec une absolue netteté,dans l'affaire du
Différend frontalier(BurkinaFaso/Républiquedu Mali),la Cour a forte-
mentinsistésursonpouvoird'indiquer desmesuresconservatoires,décla-
rant cequi suit:

a Considérant que,indépendammend tes demandes présentéespar
les Partiesen indicationde mesures conservatoires, la Cour ou, par
conséquent,la Chambre dispose envertu de l'article41du Statut du
pouvoir d'indiquer des mesures conservatoires en vue d'empêcher
l'aggravationou l'extensiondu différendquand elle estimeque les90 1971 MONTREALCONVENTION (DISS .P.AJIBOLA)

circumstancessorequire" (Z.C.J.Reports1986,p.9,para. 18;empha-
sisadded).

The learned author SirGerald Fitzmauricehad this to Sayon the issue
of interim measures on page 542in TheLawandProcedureof theIntema-
tional CourtofJustice,Vol.II, 1986,

"c. As has been shown above, the power of the Courtto indicate
interim measuresfalls intothe same categoryas its compétence de la
compétence. Botharean exerciseofincidentaljurisdiction, necessary

in the caseofthe compétence delacompétencteo enable the Court to
function atall,and,inthe caseofthe power to indicate interim mea-
sures,to prevent its decisionsfrombeing stultified. Now in the case
of the Court, its power to determine its own jurisdiction isspecifi-
callyprovided for by Article 36,paragraph 6 of the Statute. Yet it is
established law that this power is part of the inherent powers ofal1
international tribunals, irrespective of whetherit has been expressly
conferred on them or not - a view specifically endorsed by the
Court when it said inthe Nottebohmcase(Jurisdiction) ..."

Such indication of provisionalmeasures willnot run against the deci-

sionoftheSecurityCouncilascontainedinresolution 748(1992)sincethe
resolution doesnot condone the use ofanyforce.Resolution 748 (1992)is
quite elaborate and Statesin clearand unambiguousterms the decision of
the SecurityCouncil whichshould be carefullyexaminedhere in order to
explain my conviction that the Court's indication of interim measures
propriomotuto enjoin the use of force pending judgment on the merits
would not interfere withthe functioning ofthe SecurityCouncil.

The first point is that resolution 748 (1992)reaffirms al1that is con-
tained in resolution 731(1992)and as already explained, resolution 731
(1992) falls under Chapter VI of the Charter and in particular
Article 36(1).In effect,al1resolution 731 (1992)requested from Libya is
that she must comply with the demands of the United Kingdom and the
United Statesas contained in their respectiveandjoint statements on this
issue.Thereisnothinginresolution 731(1992)to indicateapproval, expli-
citorimplicit,bythe SecurityCouncil ofthe use offorceto ensureLibya's
compliance.The preambular paragraphs, whilenoting the reports of the
Secretary-General,restated the SecurityCouncil's position on terrorism
and how and whythe samemust be effectivelydealt with and reaffirmed

theneed for al1Statesto refrainfromorganizing,asserting orparticipating
inactsofterrorism. Again,itshouldbenoted here toothat there isnothing
suggestiveof support for the useofforceby the SecurityCouncil. circonstances l'exigent)) (C.I.J.Recueil1986,p. 9, par. 18; les ita-
liquessont de moi).
Un éminent auteur, sir Gerald Fitzmaurice, a fait les remarques

suivantes au sujet des mesures conservatoires dans son ouvrage intitulé
me Law andProcedureof theInternationalCourt ofJustice(vol.II, 1986,
p. 542):
«c) Comme on l'a montré plushaut, le pouvoir qu'a la Cour
d'indiquer desmesuresconservatoiresentre dans la mêmecatégorie
que lepouvoir de sedéclarer compétente.Dans l'un et l'autre cas,la
Cour exercesajuridiction demanièreincidente,cequi estnécessaire
dans lepremier cas pour lui permettre tout simplement de fonction-
ner et,dans lecasdu pouvoir d'indiquer desmesuresconservatoires,

pour éviterque sesdécisionssoientprivées d'effetutile.Or,en cequi
concernelaCour, lepouvoir qu'acelle-cidedireelle-même sielleest
compétenteest expressément énoncé dans le paragraphe 6 de l'ar-
ticle36du Statut.Cependant, il est bienétablien droitquecepouvoir
faitpartie despouvoirsintrinsèquesde touslestribunaux internatio-
naux, qu'illeur ait étéou non conféré expressément - manièrede
voir précisémentadoptée par la Cour lorsqu'elle a déclarédans
l'affaireNottebohm(compétence) ..))
L'indicationde mesuresconservatoires,dans cesconditions,ne saurait
allerà l'encontre de la décision prisepar le Conseil de sécurité dansla

résolution748 (1992)puisque la résolution n'autoriseen aucune façon
l'emploidelaforce.Larésolution748(1992)esttout afait explicite,etelle
expose clairement et sans ambiguïté la décisiondu Conseil, que je vais
devoirmaintenant examiner iciafinde préciserlesraisonspour lesquelles
je suisconvaincuque, sila Cour indiquait d'officedes mesuresconserva-
toires interdisant l'emploi de la force en attendant qu'un arrêt soitrendu
quantaufond, celanegêneraitpaslefonctionnement du Conseil desécu-
rité.
Le premier point est que la résolution748 (1992)réaffirme toutce qui
figure dans la résolution731(1992)etque,commeon l'adéjà expliqué,la
résolution731(1992)relèvedu chapitre VIde la Charte,en particulier de
l'article 36, paragraphe 1. En fait, tout ce que la résolution731 (1992)
demandait à laLibye,c'étaitderépondre auxdemandesdu Royaume-Uni
et des Etats-Unis telles qu'elles étaient formuléesdans les déclarations

respectivesou communesde cespays sur ceproblème.Rien,dans la réso-
lution 731 (1992),n'indiqueque leConseilde sécurité ait approuvé expli-
citementou tacitement l'usagede laforcepour faire ensorteque la Libye
s'exécute.Lepréambule,tout en prenant note des rapports du Secrétaire
général, réaffirmait la positiondu Conseil de sécuritéau sujet du terro-
risme, disait comment et pourquoi il fallait agirefficacement pour remé-
dier à ce phénomèneet réaffirmaitla nécessitép ,our tous les Etats, de
s'abstenir d'organiser oude soutenir desactes deterrorisme ou d'yparti-
ciper. Une fois de plus - on le notera ici également - rien qui puisse
laisserentendre que le Conseil de sécuritéapprouvait l'emploidelaforce.91 1971 MONTREALCONVENTION (DISS. OP. AJIBOLA)

As regards the operative part of the resolution, the Security Council
madeitabundantly clear that itwasactingunderChapter VI1oftheChar-
ter. This is an important point to note,because this Chapter deals with
"Action with respect to threats to the peace, breaches of the peace, and
acts of aggression".Here again, one must ask which Article the Security

Council invoked when it adopted resolution 748(1992)havingregard to
the content of the decisionscontained therein. Athorough perusal of the
resolution clearly indicates that the Council was acting, as 1have said
earlier, under Article 41 of the Charter which deals with the issue of
economicsanctions.
Article41ofthe Charter directsthat :
"The SecurityCouncil maydecide whatmeasures notinvolvingthe
useof armedforce are to be employed to giveeffectto its decisions,
and it may cal1upon the Members of the United Nations to apply

such measures.Thesemayinclude complete orpartial interruptionof
economicrelationsand ofrail,sea, air,postal,telegraphic,radio, and
other means of communication and the severanceofdiplomaticrela-
tions."(Emphasisadded.)

The emphasized words, when read in conjunction with para-
graphs 4 (a),(b),5 (a),(b),(c),6(a),(b),(c)and 7ofresolution 748(1992),al1

givethe unequivocal indication that the resolution is aimed at imposing
economic and commercialsanctions, along with diplomatic restrictions
against Libya and explicitly prohibits sanctions "involving the use of
armed force". 1have elaborated on the content of Article 41 in order to
show that although resolution 748 (1992)was adopted by the Security
Council under Chapter VII,Article41ofthisChapter clearlyprohibits the
use of force.

Libya also confirmed this in her latest observation dated 7 April 1992,
on the effectof resolution 748 (1992)when she noted that :

"the sanctions that the SecurityCouncil has adopted against Libya,
should it fail to comply with resolution 748 (1992),directly impair
Libya'seconomic,commercial and diplomatic rights".

The conclusion that 1havetherefore arrived at isthat theCourt would
not impair or impede the fullforce and effectofresolution 748 (1992)ifit

were to indicate measures proprio motuor even suo motuto enjoin both
Parties to this dispute from taking any action that may involvethe use of
force or taking any step which might aggravate or extend the dispute
pending the Court's judgment on the merits.

The next point which isequally germane to the issue of resolution 748
(1992)isthe question ofitsvalidity.Atthemomentthisassertion isneither CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.AJIBOLA) 91

Pour ce qui est du dispositif de la résolution,le Conseil de sécurité a
bien préciséqu'ialgissaitenvertu du chapitreI1dela Charte. C'estlàun
point important àrelever, car ce chapitre traite de l'«Action en cas de
menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression De
nouveau, on doit se demander à quel article le Conseil de sécurités'est
référéquand ila adoptéla résolution748 (1992),eu égardau contenu des
décisionsfigurantdans cetterésolution.Il ressortclairement d'unexamen

attentif de la résolutionque le Conseil agissait, commeje l'ai dit précé-
demment,envertu del'article41delaCharte, quitraite delaquestiondes
sanctionséconomiques.
L'article41de la Charte renferme les directivessuivantes
«LeConseilde sécurité peut déciderquellesmesuresn'impliquant

pas l'emploidelaforce arméedoivent être prisepsour donner effetà
sesdécisions,etpeut inviter les Membresdes Nations Unies àappli-
quer ces mesures. Celles-ci peuvent comprendre l'interruption
complète ou partielle desrelations économiqueset des communica-
tions ferroviaires, maritimes, aériennes,postales, télégraphiques,
radio-électriqueset des autresmoyens de communication,ainsi que
la rupture des relationsdiplomatiques.» (Les italiques sont de moi.)

Lespassagesenitaliques, quand on leslit conjointementavec lespara-
graphes4 a)et b),5a),b)et c),6 a),b)et c)et 7de la résolution748(1992),
font ressortir sans équivoque quela résolutionvise àimposer àla Libye
des sanctions économiques et commerciales en mêmetemps que des
restrictions de caractère diplomatique et interdit explicitementles sanc-
tions ((impliquant l'emploi de la force armée.Je me suis étendusur le
contenu de l'article 41 afin de montrer que, bien que la résolution748
(1992)ait étéadoptéepar le Conseil de sécuriten vertu du chapitre VII,
l'article41,qui figure dans ce chapitre, interdit clairementl'emploi de la
force.

La Libye a également confirmé celadans ses observations les plus
récentes,datéesdu 7avril 1992,concernant les effetsde la résolution748
(1992);ellea fait remarquer cequi suit:
«les sanctions que le Conseil de sécurité édicte l'encontre de la
Libye,si elle ne se conforme pas la résolution748(1992),portent

directement atteinte à ses droits économiques, commerciaux et
diplomatiques D.
Laconclusion à laquelleje suisdonc parvenu estquela Courn'affaibli-
raitni necompromettraitlavaliditéetleseffetsdelarésolution748 (1992)
si,agissantd'office, oumême suomotu,elleindiquait des mesuresvisant à

enjoindre à l'une et à l'autre Partie de n'entreprendre aucune action
pouvant comporter l'emploi de laforceou de neprendreaucune disposi-
tion pouvant aggraver ou élargirle différendentre le moment présent et
celuiou la Cour seseraprononcéequant au fond.
Le point suivant, qui est, lui aussi, tout autant liéau problème de la
résolution748 (1992),est la question de la validitéde cetterésolution. A92 1971 MONTREALCONVENTION (DISS .P.AJIBOLA)

here nor there and consequently onereliesonthe decision ofthe Security
Council withregardto resolution 748(1992)based on itsprima facie vali-
dity. This issue will be resolved one way or the other when the matter
comesup for argument on itsmerits. 1havepersonallyechoed mydoubts
earlier on this point but one should atthe moment let sleeping dogs lie.

Assuming, arguendo,that resolution 748 (1992) is valid on its face,the
United Kingdom in her observation of 7April 1992submits :

"Resolution 748imposed legal obligations upon both of the Par-
tiestothe present proceedings, which continue to subsist.Under the
system of the United Nations Charter (v. in particular Articles 25
and 103),should it be claimed that those obligations are in conflict
withobligationsunder anyotherinternational agreement, the obliga-
tions imposed by the resolution, being obligationsunder the United
Nations Charter, prevail."

As already indicated, the Respondent is entitled to this view having
regardtootherprovisions ofthe Charter, solongasitdoesnotresortto the
use of forceto ensure compliance withthe resolution.
The Parties have based much of their arguments on the issue of legal
rights.Without doubt, 1think thatthe issue of legalrights isrelevant and
important tothe Application of Libyaand thatthe Applicant must clearly
establishtheserightsto succeedonthe merits.That iswhyArticle41talks
of the preservation of the respective rightsof eitherarty. However,Ar-
ticle75ofthe RulesofCourt doesnotrefertotheissueofrightsbut merely
grants the Court the power to indicateprovisionalmeasures propriomotu
againstanyor allparties ifafter due examinationthe circumstancesofthe
casesorequire. Inmyviewthe Court should exercisethe powerconferred

by Article75inthis case.

Each case must be decided on its own merits. Situations are always
changing. The world is in a state of flux economically and politically.
International law has been enriched by its dynamic development from
this Court. Evenifinthepast the measuressuggestedby meforindication
have always been incidental, there is every reason why they should be
indicated in this casegiventhe urgent, serious and unique circumstances
that it presents. The world is constantly faced with new situations from
daytoday,and it isimperativethat the Court mustalwaysriseto theocca-
sion and meet the new demands and challenges of our time as they sur-
face. However, care must be taken that pronouncements, indications,
orders and judgments of the Court be givenin accordance with interna-
tional law and one need not emphasizethis. (Art. 38(1) of the Statute of

the Court.) In this case,the Court hasthe powerto pronounce on the pro-
visional measures 1have suggested,in accordance with the provisions of
Article 75of the Rules of Court. In addition, it isinvariably the inherent CONVENTION DE MONTRÉALDE 1971(OP. DISS.AJIBOLA) 92

l'heure actuelle,cen'estpas de celaqu'il s'agit,eton s'enremetpar consé-
quent àla décisiondu Conseil de sécurité ence qui concerne la résolu-
tion 748(1992),considéréecomme prima facievalable.Ceproblème sera
résoludans un sensou dans l'autre lorsquel'affaire seraplaidéequant au
fond. J'ai personnellement fait état desdoutesquej'avaiscesujet,mais
pour l'instant neréveillonspas le chat qui dort.

Supposons pour lesbesoins de la cause que la résolution748 (1992)est
purement etsimplementvalable. Dans sesobservationsdu 7avril 1992,le
Royaume-Unidéclarece qui suit:
«La résolution748 (1992)a imposé aux deux Partiesau présent
litigedesobligationsjuridiques, quidemeurent. Envertu du système

de la Charte des Nations Unies (voir notamment les articles 25
et 103),s'ilest alléguéque ces obligations sont en conflit avec des
obligations découlantde tout autre accord international, celles qui
sont imposéespar la résolution,étantdes obligations en vertu de la
Charte des Nations Unies, prévalent.))
Commeon l'a déjàindiqué,ledéfendeurla edroit d'avoir cetteopinion

euégard à d'autres dispositionsdela Charte, tant qu'iln'apas recouàla
forcepour faire appliquer la résolution.
Les Parties ont fait reposer bon nombre de leurs arguments sur le
problème desdroitsjuridiques.Sans aucun doute, ceproblème des droits
juridiques est pertinent et important du point de vue de la requêtede la
Libye,etlerequérant doit,pour avoirgain decause quant aufond, établir
clairementl'existencede droits de cettenature. C'estpourquoi l'article41
du Statut parle de la sauvegarde du droitde chacun. Cela dit, l'article75
du Règlementde la Cour n'évoquepas le problème des droitsmais se
borne àreconnaître àla Cour le pouvoir d'indiquer d'office desmesures
conservatoires à l'encontre des Partiesou de l'uned'ellessi, la question

ayant été dûment examinée il, apparaît que les circonstances de l'affaire
l'exigent.J'estime que laCour devrait exercer dans la présente affairele
pouvoir qui lui est conférpar l'article75.
Chaque casdoitfairel'objet d'une décisionselonsesmérites.Lessitua-
tionschangentconstamment. Lemonde estenpleineévolutionsurleplan
économiqueet sur le plan politique. Le droit international s'esttrouvé
enrichi par l'impulsion dynamiquequ'ilareçue dela Cour internationale
de Justice. Par le passé,les mesures que j'ai suggéré d'indiqueront
toujours étéde caractèreincident,maisily atoutes lesraisonsd'indiquer
des mesuresdans laprésente affaireétantdonnésoncaractèred'urgence,
sa gravitéet les circonstances exceptionnelles qui l'entourent. Chaque

jour, le monde se trouve devant des situations nouvelles,et la Cour doit
impérativementse montrer à la hauteur de chaque situation et répondre
aux nouveaux défiset exigencesde notre temps à mesure qu'ils sefont
jour. Toutefois,ilfautveillercequelesdéclarations,indications,ordon-
nancesetarrêtsdelaCoursoientconformesaudroitinternational, cequ'il
està peinenécessairedesouligner(article38,paragraphe 1,du Statutdela
Cour). Dans la présente affaire,la Cour a lepouvoir de seprononcer sur93 1971 MONTREALCONVENTION(DISS. OP. PJIBOLA)

power of the Court to grant such provisional measures under customary
international law.

In conclusion, 1 believe that the Court should deny Libya's request
for interim measures, but should independentlyapply the provisions of
Article 75 of the Rules of Court to prevent further escalation, aggrava-
tion or extension ofthe dispute pending judgment on the merits.

Again,1askmyselfwhat isjustice ina caseofthisnature, withregardto
the request for indication of provisional measures, which is before the
Court. To me, the fundamental focus and obligation as judges of the
Court mustbeto dojustice inaccordance withthespirit ofArticle 1ofthe
Charter: to maintain international peace and security; to take effective
measures to prevent and remove al1threats to peace; to suppress al1
threats of aggressionor any form of breaches of peace in any part of the
worldwithinthespirit ofthe Charterand inaccordancewithinternational
law.
Tome,justice requirespromptaction to preventdeterioration ofpeace-

ful CO-existenceamongnations of the world. No one goesto sleep when
the house isburning.

Finally,justice of this case requires that we should act in consonance
and within the spirit and content of Article 2 (3) of the Charter, which
States:

"Al1Members shallsettletheir international disputes by peaceful
means in such a manner that international peace and security, and
justice, are not endangered."

1would therefore indicate provisional measures in this case based on

Article 75 of the Rules of Court againstboth Parties pendenteliteto pre-
venttheescalation, aggravationorextensionofthe dispute and inparticu-
larthe use of forceby either or both Parties.

(Signed) Bola AJIBOLA.lesmesuresconservatoiresquej'ai suggéréee sn s'appuyant surlesdispo-
sitions de l'article 75 de son Règlement.En outre, la Cour a toujours
intrinsèquement le pouvoir de déciderde mesures conservatoires de ce
genreenvertu du droit international coutumier.
En conclusion,j'estime que la Cour doit rejeter la demande en indica-
tion demesuresconservatoiresde la Libyemais qu'elledoit, indépendam-
ment, appliquer les dispositions de l'article75 de son Règlementafin
d'empêcher le différend de s'intensifier, de s'aggraver ou de s'élargir

encore entre le moment présent et celui où interviendra une décision
quant au fond.
Encoreune fois,je medemande cequiestjuste dansune affairede cette
nature, pour cequi estde la demandeen indication demesuresconserva-
toires dontlaCour estsaisie.Selonmoi,notrepréoccupation etnotreobli-
gation fondamentales, en tant quejuges de la Cour, doit êtrede rendre la
justice selonl'espritdel'article 1delaCharte:maintenirlapaix etlasécu-
rité internationales; prendre desmesures efficaces en vue de préveniret
d'écarter toute menace à lapaix; réprimertouteslesmenacesd'agression
ou toute forme de rupture de la paix dans toute partie du monde dans
l'espritde la Charte et conformémentau droit international.
A mes yeux,lajustice exigeque des mesures soient prises sans tarder
pour empêcherla détériorationde la coexistence pacifique entre les
nations du monde. Quand la maison brûle, ce n'est pas le moment de

s'endormir.
Finalement,lajustice,dans laprésenteaffaire,nousimposed'agirselon
l'esprit et la lettre mêmedu paragraphe 3 de l'article2 de la Charte, qui
proclame :
((LesMembres del'organisation règlentleurs différendsinterna-
tionaux par desmoyenspacifiques, detellemanièreque lapaix et la

sécurité internationales ainsique la justice ne soient pas mises en
danger. »
En conséquence, dans la présente affaire, j'indiquerais,en vertu de
l'article5du Règlementdela Cour,desmesuresconservatoirespendente
liteàl'encontrede l'uneet de l'autre Partieafin d'empêcherle différend
de s'intensifier,de s'aggraverou de s'élargir t 'empêcher enparticulier
l'emploide la forcepar l'uneou l'autre des Parties oupar toutes deux.

(Signé)Bola AJIBOLA.

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Opinion dissidente de M. Ajibola (traduction)

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