Déclaration de M. Jiménez de Aréchaga, juge (traduction, telle que reproduite immédiatement après l'ordonnance)

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058-19741220-ORD-01-04-EN
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058-19741220-ORD-01-00-EN
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ESSAISNUCLÉAIRES (ORDONNANC 2EXII 74) 532

tence de la Cour, et il n'a pas non plus invoquéun titre quelconque de
juridiction vis-à-vis de la France dans sa requêàefin d'intervention.
La Cour aurait dû statuer sur cette requêteelle-mêmecomme le lui
prescrit l'article 62 de son Statut et aurait dû,n avis, la rejeter pour
le motif que la condition de réciprocité qui accompagne l'acceptation de
lajuridiction obligatoire de la Cour n'était nullement remplie entre Fidji
et la France.

M. DILLARD et sir Humphrey WALDOCKj,uges, font la déclaration
commune suivante :

[Traduction]
L'ordonnance dit quela Cour,ayant considéréla demande de I'Austra-
lie comme désormais sans objet, n'a plus aucune suite à donner à cette
demande et qu'en conséquenceil n'existe désormais plus d'instance sur

laquelle une intervention puisse se greffer. De ce fait, d'après la Cour, la
requêtedu Gouvernement fidjien tombe.
Laconclusion découlelogiquement de la prémisse.En tant que membres
dela Cour, liéspar ladécisionrendue en l'affaire desaisnucléairesn,ous
sommes donc tenus de voter pour I'ordonnance. Il n'est manifestement
pas possible que le Gouvernement fidjien intervienneàl'instance dèslors
que, en vertu de l'arrêtde la Cour, aucune instance n'existe.
Cela dit, nous nous sentons l'obligation de dire que nous n'acceptons
pas la prémissesur laquelle repose la conclusion de la Cour. Comme
l'indique de façon détailléel'opinion dissidente que nous présentonsavec
nos collègues, nous ne souscrivons pas à la décisionde la Cour selon
laquelle il n'ya aucune suitedonner à la demande formuléepar I'Austra-
lie contre la France.

Si les vues de la minorité l'avaient emporté dans l'affaire Australie c.
France, il aurait fallu examiner la question de l'intervention de Fidji afin
de déterminer s'il existait un lien juridictionnel suffisant entre Fidji et la
France pour justifier l'intervention de Fidji en vertu de l'article 62 du
Statut de la Cour. De plus, on aurait dû selon nous donner à Fidji la
possibilité de se faire entendre sur la question avant de prendre une
décision.
Il résultede ce qui précèdeque, tout en nous estimant tenus de voter
pour I'ordonnance que rend la Cour, nous avons pour ce faire des motifs
qui diffèrentà certains égardsde ceux que la Cour a avancés.

M. JIMÉNEZ DE ARECHAGA ju,ge, fait la déclaration suivante:

[Traduction]
J'ai votépour le rejet de la requêtepar laquelle Fidji demandàiinter-
venir en vertu de l'article 62 du Statut, mais pour un autre motif que celui sur lequel se fonde l'ordonnance,à savoir que Fidji, qui n'est pas partie
àl'Actede 1928,ni au systèmede la clause facultative, n'a invoqué,dans
sa requête,aucun lien dejuridiction avec la France.
Pour pouvoir intervenir en application de l'article 62 du Statut en vue
de faire valoir un droit contre le défendeur,un Etat doit se trouver dans
une situation qui lui permettrait d'attraire lui-mêmele défendeurdevant
la Cour.
Les rédacteurs de l'article 62 du Statut sont partis du principe que

1'Etatintervenant aurait son propre titre de juridiction vis-à-vis du défen-
deur, carà l'époquele projet de Statut envisageait unejuridiction obliga-
toire pour tous. Quand ce systèmea été remplacé par celui de la clause
facultative, aucun changement n'a étéapporté à l'article 62, mais, aux
fins de son interprétation et de son application, celui-ci doit êtreconsi-
dérécommerestantsoumis àla mêmecondition. S'il en allait autrement,
il en résulterait des conséquences fâcheuseset incompatibles avec des
principes fondamentaux tels que ceux de l'égalité des parties devant la
Cour ou de la réciprocité rigoureuse desdroits et des obligations entre
les Etats qui acceptent sa compétence.Un Etat qu'un autre Etat ne peut
pas assigner comme défendeurdevant la Cour ne peut pas non plus se
présenter comme demandeur ni comme partie intervenante contre ce
mêmeEtat, avec la faculté desoumettre des conclusions indépendantes

à l'appui d'un intérêtpropre. A mon avis, la disposition de l'article 69,
paragraphe 2, du Règlement de la Cour qui exige que soient exposées les
((raisons de droit et de fait justifiant l'interven1)doit s'entendre, en
des circonstances comme celles de la présenteespèce,comme imposant
aussi l'obligation d'établirun lienjuridictionnel indépendant entre l'inter-
venant et le défendeur.

Sir GarfieldBARWICjK ug,e ad hoc,fait la déclarationsuivante

[Traduction]
J'ai votépour l'ordonnance relative à la requête de Fidjià fin d'inter-

vention dans la présente instancenon pas en raison des arrêtsrendus par
la Cour dans lesaffairesAustraliec. Franceet Nouvelle-Zélandec. France
mais uniquement pour les motifs exposéspar MM. Jiménez de Aréchaga
et Onyeama dans leurs déclarations concernant l'ordonnance relative à
Fidji, que j'approuve entièrement.

(Paraphé)M.L.
(Paraphé) S.A.

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has she invoked any basis of jurisdiction vis-à-vis France in her request
to intervene.
The Court should have decided upon this request itself as required by
Article 62 of the Statute of the Court and should, in my view, have
rejected iton the ground that the condition of reciprocity of an obligation
to accept the Court's jurisdiction was wholly absent between Fiji and
France.

Judges DILLARa Dnd Sir Humphrey WALDOCm Kake the followingjoint
declaration:

The Order states that, the Court having found that the claim of Austra-

lia no longer has any object, theCourt isnot called upon to givea decision
thereon and consequently there will no longer be any proceedings to
which intervention can relate. The Application of the Government of
Fiji has, according to theOrder, therefore lapsed.
The conclusion flows logically from the premise. As Members of the
Court, bound by its decision in the Nuclear Tests case, we are therefore
impelled to vote in favour of theOrder. It is clearly not possible for the
Government of Fiji to intervene in proceedings, when, by the Judgment
of the Court, no proceedings exist.
Having said this we feel it incumbent on us to state that we do not
agree with the premise which furnishes the ground on which the Court's
conclusion rests. As indicated indetail in the dissenting opinion of our-
selvesand some of our colleagues, we do not agree that the Court should
have decided that no further actionis called for on the claim of Australia

against France.
If, in the case of Austvalia v. France, the views of the minority had
prevailed, the issue of Fiji'sintervention would have required examination
in order to determine whether or not there existed a sufficientjurisdic-
tional link between Fiji and France to justify the former's intervention
under Article 62 of the Court's Statute. Furthermore, in Our view an
opportunity should have been givento Fiji to be heard on the issue before
this determination was made.
It follows from what we have said above that, while we feel impelled
to vote for the Order of the Court, our reasons for doing so differ in
certain respects from those advanced by the Court.

Judge JIMENE Z EARCCHAG inakes the following declaration:

1 have concurred in voting for the dismissal of Fiji's application to
intervene under Article 62 of the Statute for a reason other than that ESSAISNUCLÉAIRES (ORDONNANC 2EXII 74) 532

tence de la Cour, et il n'a pas non plus invoquéun titre quelconque de
juridiction vis-à-vis de la France dans sa requêàefin d'intervention.
La Cour aurait dû statuer sur cette requêteelle-mêmecomme le lui
prescrit l'article 62 de son Statut et aurait dû,n avis, la rejeter pour
le motif que la condition de réciprocité qui accompagne l'acceptation de
lajuridiction obligatoire de la Cour n'était nullement remplie entre Fidji
et la France.

M. DILLARD et sir Humphrey WALDOCKj,uges, font la déclaration
commune suivante :

[Traduction]
L'ordonnance dit quela Cour,ayant considéréla demande de I'Austra-
lie comme désormais sans objet, n'a plus aucune suite à donner à cette
demande et qu'en conséquenceil n'existe désormais plus d'instance sur

laquelle une intervention puisse se greffer. De ce fait, d'après la Cour, la
requêtedu Gouvernement fidjien tombe.
Laconclusion découlelogiquement de la prémisse.En tant que membres
dela Cour, liéspar ladécisionrendue en l'affaire desaisnucléairesn,ous
sommes donc tenus de voter pour I'ordonnance. Il n'est manifestement
pas possible que le Gouvernement fidjien intervienneàl'instance dèslors
que, en vertu de l'arrêtde la Cour, aucune instance n'existe.
Cela dit, nous nous sentons l'obligation de dire que nous n'acceptons
pas la prémissesur laquelle repose la conclusion de la Cour. Comme
l'indique de façon détailléel'opinion dissidente que nous présentonsavec
nos collègues, nous ne souscrivons pas à la décisionde la Cour selon
laquelle il n'ya aucune suitedonner à la demande formuléepar I'Austra-
lie contre la France.

Si les vues de la minorité l'avaient emporté dans l'affaire Australie c.
France, il aurait fallu examiner la question de l'intervention de Fidji afin
de déterminer s'il existait un lien juridictionnel suffisant entre Fidji et la
France pour justifier l'intervention de Fidji en vertu de l'article 62 du
Statut de la Cour. De plus, on aurait dû selon nous donner à Fidji la
possibilité de se faire entendre sur la question avant de prendre une
décision.
Il résultede ce qui précèdeque, tout en nous estimant tenus de voter
pour I'ordonnance que rend la Cour, nous avons pour ce faire des motifs
qui diffèrentà certains égardsde ceux que la Cour a avancés.

M. JIMÉNEZ DE ARECHAGA ju,ge, fait la déclaration suivante:

[Traduction]
J'ai votépour le rejet de la requêtepar laquelle Fidji demandàiinter-
venir en vertu de l'article 62 du Statut, mais pour un autre motif que celui533 NUCLEAR TESTS(ORDER 20 XII 74)

on which the Order is based: because Fiji, which isnot a party to the 1928
Act and to the optional clause system, has failed to invoke in its applica-
tion any title of jurisdiction in relation to France.
In my view, in order to be entitled to intervene under Article 62 of the
Statute for the purpose of asserting a right as against the respondent a
State must be in a position in which it could itself bring the respondent
before the Court.
When Article 62 of the Statute was drafted,its authors wereproceeding
on the assumption that the intervening State would have its own title of
jurisdiction in relation to the respondent, since the draft Statute then
provided for general compulsory jurisdiction. When that system was
replaced by the optional clause, Article 62 remained untouched, but it
must be interpreted and applied as still subject to that condition. Other-
wise, unreasonable consequences would result, in conflict with basic
principles such as those of the equality of parties before the Court and
the strict reciprocity of rights and obligations among the States which

accept itsjurisdiction. A State which cannot be brought before the Court
asarespondent by another State can neither become an applicant vis-à-vis
that State nor an intervener against that same State, entitled to make
independent submissionsin support of an interest of its own. In my view
the provision in Article 69, paragraph 2, of the Rules of Court requiring
"a statement of law and of fact justifying intervention" must in circum-
stances like those in the present case be interpreted as including the
requirement of establishing an independent jurisdictional link between
intemener and respondent.

Judge ad hoc Sir Garfield BARWICm Kakes the following declaration:

1 have voted in favour of the Order made in respect of the Application
by Fiji to intervene inthese proceedings not because of the Order made
by the Court in the cases Australia v. Franceand New Zealandv. France
but solely for the reasons expressed by Judge Jiménez de Aréchagaand
Judge Onyeama in their declarations concerning the Fiji Order, with
which 1entirely agree.

(Initialled) M.L.
(Initialled) S.A. sur lequel se fonde l'ordonnance,à savoir que Fidji, qui n'est pas partie
àl'Actede 1928,ni au systèmede la clause facultative, n'a invoqué,dans
sa requête,aucun lien dejuridiction avec la France.
Pour pouvoir intervenir en application de l'article 62 du Statut en vue
de faire valoir un droit contre le défendeur,un Etat doit se trouver dans
une situation qui lui permettrait d'attraire lui-mêmele défendeurdevant
la Cour.
Les rédacteurs de l'article 62 du Statut sont partis du principe que

1'Etatintervenant aurait son propre titre de juridiction vis-à-vis du défen-
deur, carà l'époquele projet de Statut envisageait unejuridiction obliga-
toire pour tous. Quand ce systèmea été remplacé par celui de la clause
facultative, aucun changement n'a étéapporté à l'article 62, mais, aux
fins de son interprétation et de son application, celui-ci doit êtreconsi-
dérécommerestantsoumis àla mêmecondition. S'il en allait autrement,
il en résulterait des conséquences fâcheuseset incompatibles avec des
principes fondamentaux tels que ceux de l'égalité des parties devant la
Cour ou de la réciprocité rigoureuse desdroits et des obligations entre
les Etats qui acceptent sa compétence.Un Etat qu'un autre Etat ne peut
pas assigner comme défendeurdevant la Cour ne peut pas non plus se
présenter comme demandeur ni comme partie intervenante contre ce
mêmeEtat, avec la faculté desoumettre des conclusions indépendantes

à l'appui d'un intérêtpropre. A mon avis, la disposition de l'article 69,
paragraphe 2, du Règlement de la Cour qui exige que soient exposées les
((raisons de droit et de fait justifiant l'interven1)doit s'entendre, en
des circonstances comme celles de la présenteespèce,comme imposant
aussi l'obligation d'établirun lienjuridictionnel indépendant entre l'inter-
venant et le défendeur.

Sir GarfieldBARWICjK ug,e ad hoc,fait la déclarationsuivante

[Traduction]
J'ai votépour l'ordonnance relative à la requête de Fidjià fin d'inter-

vention dans la présente instancenon pas en raison des arrêtsrendus par
la Cour dans lesaffairesAustraliec. Franceet Nouvelle-Zélandec. France
mais uniquement pour les motifs exposéspar MM. Jiménez de Aréchaga
et Onyeama dans leurs déclarations concernant l'ordonnance relative à
Fidji, que j'approuve entièrement.

(Paraphé)M.L.
(Paraphé) S.A.

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Déclaration de M. Jiménez de Aréchaga, juge (traduction, telle que reproduite immédiatement après l'ordonnance)

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