Opinion dissidente de M. Petrén

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055-19730712-ORD-01-03-EN
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055-19730712-ORD-01-00-EN
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OPINION DlSSlDENTE DE M. PETRÉN

Ayant voté contre l'ordonnance, je dois y joindre la présente opinion
dissidente.
Il est évidentque les circonstances dans lesquelles la Cour a indiquéle
17 août 1972des mesures conservatoires sont susceptibles d'avoir subi
depuis lors des changements de nature à justifier des modifications de ces
mesures. L'un des facteurs dont il faudrait tenir compte à cet égardest
I'évolution des réservedse poisson. Dans son télégrammede protestation
contre le maintien des mesures conservatoires, le Gouvernement islandais
soutient que les prises britanniques et islandaises continuent diminuer
par rapport à l'effort de pêcheet que des poissons de petite taille non
adultes, qui sont les plusjeunes pouvoir êtrerepéréset devraient fournir
la principale source de ravitaillement en 1976-1978et assurer le renouvel-
lement nécessaire, ont étémis à terre dans des ports britanniques en
nombre de plus en plus grand. Ces indications m'ont paru soulever des

questions sufisamment graves pour que la Cour, avant de prendre posi-
tion sur le maintien des mesures conservatoires, invite les Partiesà lui
fournir les renseignements pertinents dont disposent les organisations et
institutions spécialiséessur l'évolution et l'exploitation des stocks de
poisson dans leseaux de pêche enquestion.
Les nombreux incidents survenus sur les lieux de pêcheayant montré
que les mesures conservatoires indiquées le 17août 1972ne remplissaient
pas leur objet, j'y vois une raison de plus pour remettre ces mesures en
auestion.
Un autre élémentqui, à mes yeux, mériterait d'être prisen considéra-
tion est la manière dont la Cour a récemment fondédes indications de
mesures conservatoires sur l'existence éventuelled'une nouvelle règlede
droit international. Par les ordonnances rendues le 22 juin 1973 en les
affaires desEssais nucléaires(Australie c. France et Nouvelle-Zélande c.

France), la Cour a notamment indiqué que le Gouvernement français
devrait s'abstenir de procéder à des essais nucléaires provoquant le
dépôt de retombées radioactives sur les territoires australien et néo-
zélandais.Cette indication de mesures conservatoires se fonde apparem-
ment sur l'existence possible d'une nouvelle règlegénéralede droit inter-
national qui interdirait aux Etatsde procéder à des essais nucléairesat-
mosphériques donnant lieu àdes retombées radioactives, quelque faibles
qu'elles soient, sur le territoire d'autres Etats. Toutefois une telle règle
généralede droit international, si elle existe, n'a pas encore trouvéd'ex-
pression codifiée.Son existence ne saurait donc êtreprouvée qu'à l'aide
d'autres sources dedroit représentant une évolutiontoujours en cours. Or, en revendiquant les droits de pêchecontestéspar le Gouvernement
britannique en la présenteaffaire, le Gouvernement islandais s'est récla-
mé d'une évolutiondu droit international supportée par iin nombre
toujours croissant de prises de position et revêtantun caractère moins
hypothétiqueque le droit éventuelsur la base duquel des mesures conser-

vatoires ont été indiquéeesn faveur de l'Australie et de la Nouvelle-Zé-
lande.
Il me semble donc que le réexamende la question des mesures conser-
vatoires en la présente affaire devrait aussi se faiàela lumière de ce
précédent récent.
Vu ce qui précèdeet comme la Cour a, selon l'article53 de son Statut,
le devoir de prendre également enconsidération les élémentsà sa dispo-
sition qui militent en faveur d'une partie faisant défaut,j'estime qu'ily
aurait lieu de remettre en question les mesures conservatoires. Cela
aurait exigé,selon l'article61,paragraphe 8,du Règlementde 1946,que la
Cour invite lesPartiesà présenter leurs observationà ce sujet. La majo-
rités'yétantopposée,j'ai dû voter contrela présenteordonnance.

(SignéS )ture PETRÉN.

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OPINION DlSSlDENTE DE M. PETRÉN

Ayant voté contre l'ordonnance, je dois y joindre la présente opinion
dissidente.
Il est évidentque les circonstances dans lesquelles la Cour a indiquéle
17 août 1972des mesures conservatoires sont susceptibles d'avoir subi
depuis lors des changements de nature à justifier des modifications de ces
mesures. L'un des facteurs dont il faudrait tenir compte à cet égardest
I'évolution des réservedse poisson. Dans son télégrammede protestation
contre le maintien des mesures conservatoires, le Gouvernement islandais
soutient que les prises britanniques et islandaises continuent diminuer
par rapport à l'effort de pêcheet que des poissons de petite taille non
adultes, qui sont les plusjeunes pouvoir êtrerepéréset devraient fournir
la principale source de ravitaillement en 1976-1978et assurer le renouvel-
lement nécessaire, ont étémis à terre dans des ports britanniques en
nombre de plus en plus grand. Ces indications m'ont paru soulever des

questions sufisamment graves pour que la Cour, avant de prendre posi-
tion sur le maintien des mesures conservatoires, invite les Partiesà lui
fournir les renseignements pertinents dont disposent les organisations et
institutions spécialiséessur l'évolution et l'exploitation des stocks de
poisson dans leseaux de pêche enquestion.
Les nombreux incidents survenus sur les lieux de pêcheayant montré
que les mesures conservatoires indiquées le 17août 1972ne remplissaient
pas leur objet, j'y vois une raison de plus pour remettre ces mesures en
auestion.
Un autre élémentqui, à mes yeux, mériterait d'être prisen considéra-
tion est la manière dont la Cour a récemment fondédes indications de
mesures conservatoires sur l'existence éventuelled'une nouvelle règlede
droit international. Par les ordonnances rendues le 22 juin 1973 en les
affaires desEssais nucléaires(Australie c. France et Nouvelle-Zélande c.

France), la Cour a notamment indiqué que le Gouvernement français
devrait s'abstenir de procéder à des essais nucléaires provoquant le
dépôt de retombées radioactives sur les territoires australien et néo-
zélandais.Cette indication de mesures conservatoires se fonde apparem-
ment sur l'existence possible d'une nouvelle règlegénéralede droit inter-
national qui interdirait aux Etatsde procéder à des essais nucléairesat-
mosphériques donnant lieu àdes retombées radioactives, quelque faibles
qu'elles soient, sur le territoire d'autres Etats. Toutefois une telle règle
généralede droit international, si elle existe, n'a pas encore trouvéd'ex-
pression codifiée.Son existence ne saurait donc êtreprouvée qu'à l'aide
d'autres sources dedroit représentant une évolutiontoujours en cours. DISSENTING OPINION OF JUDGE PETRÉN

[Translation]

Having voted agadnst the Order, 1 append thereto this dissenting
opinion.
There is an evident possibility that the circumstances in which the
Court, on 17August 1972,indicated interim measures of protection might
have undergone such changes as could justify some modification of those
measures. One of the factors which ought to be taken into account in that
respect is the evolution of fish-stocks. In its telegram protesting against
the continuation of interim measures, the Government of Iceland main-
tained that British and Icelandic catches continue to decrease per unit
effort and that small immature fish of the 1970 year-class, which is the
only known sizeable year-class and should constitute the main source of
supply in 1976-1978and the necessary "recruitment", are now increas-
ingly being landed in.United Kingdom ports. To my mind, these indica-
tions gave rise to questions which were serious enough to warrant inviting

the Parties, before tlne Court took up any position on the continuance
of interim measures, to furnish it with the relevant information, available
from specialized org,anizations and institutions, as to the evolution and
exploitation of fish-stocks in the fishing-waters concerned.

The manp inciden.ts that have occurred at the fishing-grounds have
shown that the interim measures of protection indicated on 17 August
1972have not been fi~lfillingtheir purpose, and there 1see another reason
for re-appraisal of those measures.
Another element which, as 1seeit, would have merited beingtaken into
consideration is the way the Court recently founded the indication of
interim measures onthepossible existence of a new rule of international
law. Bythe Orders miadeon 22June 1973in the cases concerning Nuclear
Tests (Australia v. France;New Zealand v. France) the Court indicated
in particular that the French Government should avoid nuclear tests
causing the deposit of radio-active fall-out on Australian and New Zea-

land territory. This indication of interim measures was apparently
founded on the possible existence of a new general rule of international
law prohibiting States from carrying out atmospheric nuclear tests
causing the deposit of radio-active fall-out, however slight, on the terri-
tory of other States. Nevertheless this general rule of international law,
if it exists, has not:tbeen given codified expression. Its existence, there-
fore, could only be proved with the aid of other sources of law represen-
ting an evolution which is still in progress. Or, en revendiquant les droits de pêchecontestéspar le Gouvernement
britannique en la présenteaffaire, le Gouvernement islandais s'est récla-
mé d'une évolutiondu droit international supportée par iin nombre
toujours croissant de prises de position et revêtantun caractère moins
hypothétiqueque le droit éventuelsur la base duquel des mesures conser-

vatoires ont été indiquéeesn faveur de l'Australie et de la Nouvelle-Zé-
lande.
Il me semble donc que le réexamende la question des mesures conser-
vatoires en la présente affaire devrait aussi se faiàela lumière de ce
précédent récent.
Vu ce qui précèdeet comme la Cour a, selon l'article53 de son Statut,
le devoir de prendre également enconsidération les élémentsà sa dispo-
sition qui militent en faveur d'une partie faisant défaut,j'estime qu'ily
aurait lieu de remettre en question les mesures conservatoires. Cela
aurait exigé,selon l'article61,paragraphe 8,du Règlementde 1946,que la
Cour invite lesPartiesà présenter leurs observationà ce sujet. La majo-
rités'yétantopposée,j'ai dû voter contrela présenteordonnance.

(SignéS )ture PETRÉN. Now, in claiming the fishing-rights contested by the British Govern-
ment in the present case, the Government of Iceland has sought to draw
authority from an evolutioii of international law which is upheld by an
ever-increasing number of declared attitudes and is less hypothetical in
character than the putritive right onthe basis of which theCourt indicated
interim measures in favour of Australia and New Zealand.

1therefore feel that the question of interini measures of protection in
the present case 0ugh.t also to be re-examined in the light of this recent
precedent.
In view of the foregoing, and as the Court, in accordance with Article

53 of its Statute, is under a duty also to take into consideration such
indications as it may have which militate in favour of a party that fails
to appear, 1am of the opinion that the interim measures should have been
subjected to re-appraisal. That, in accordance with Article 61, paragraph
8, of the 1946Rules, \vould have required the Court to invite the Parties
to present theirobservatiorls on the subject. The majority having opposed
this course,1 was obliged to vote against the Order.

(Signed) Sture PETRÉN.

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