Opinion individuelle de M. le juge Yusuf

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149-20130416-JUD-01-03-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE YUSUF

[Traduction]

Uti possidetis juris et principe de l’OUA/UA du respect des frontières n’étant n▯i
identiques ni équivalents — Résolution du Caire et instruments fondateurs de
l’OUA et de l’UA ne faisant pas référence à l’uti possidetis juris— Principe de

l’uti possidetis juris et principe de l’OUA/UA devant être distingués de par leurs
origine, but, portée et nature juridiques— Cour aurait dû dissiper cette confusion —
Rapport entre titre et effectivités n’intervenant pas dans le prin▯cipe de l’OUA/
UA — Principe de l’OUA/UA n’accordant pas non plus la primauté au t▯itre
ou aux effectivités — Référence à l’intégrité territoriale dans les instru­▯
ments fondateurs de l’OUA/UA ne pouvant être interprétée comme con▯tenant
implicitement le principe de l’uti possidetis juris — Elément contenu implicitement

dans l’intégrité territoriale étant l’inviolabilité des frontières — Inviolabilité ne
signifiant pas intangibilité ou invariabilité — Accord de délimitation conclu entre
les Parties en 1987 distinguant la présente espèce des affaires de▯ délimitation
frontalière antérieures — Uti possidetis juris n’ayant aucun rôle à jouer en la
présente espèce — Arrêt aurait dû le reconnaître.

I. Introduction

1. Bien que souscrivant à la décision de la Cour, j’estime devoir btraiter

dans la présente opinion certaines questions qui n’ont pas étéb examinées
de manière adéquate dans les motifs de l’arrêt, notamment enb ce qui
concerne les principes applicables invoqués par les Parties dans leurbs écri -
tures et plaidoiries en l’affaire (voir paragraphe 63 de l’arrêt).

2. Dans le cadre de son analyse des règles et principes invoqués par les
Parties dans le compromis que celles-ci ont conclu, la Cour mentionne, abu
paragraphe 63 de l’arrêt, les trois principes suivants : a) le principe de
l’intangibilité des frontières héritées de la colonisatiobn; b) le principe de

l’uti possidetis juris ; etc) le principe du respect des frontières existant au
moment où les Parties ont accédé à l’indépendance, telb qu’énoncé par
l’Organisation de l’unité africaine (OUA) dans sa résolutibon AHG/

Res. 16 (I) adoptée en 1964 au Caire (Egypte) à la première sessionb de
la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement africains (ci-après
la « résolution du Caire »), et incorporé par la suite à l’alinéa b) de
l’article 4 de l’Acte constitutif de l’Union africaine (UA).

3. Outre que l’arrêt n’explique pas l’effet et les incidencesb juridiques de
ces principes en la présente espèce, ni la manière dont ils doibvent être
appliqués au différend frontalier entre les Parties, la Cour sembble les
considérer comme étant interchangeables ou, à tout le moins, ébquivalents

du point de vue de leurs nature, portée et effets juridiques. Cetteb hypo -
thèse d’équivalence, en particulier entre l’uti possidetis juris et le principe
de l’OUA/UA du respect des frontières existant au moment de l’abccession

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à l’indépendance, repose sur un dictum énoncé par la Chambre de la Cour
dans l’arrêt qu’elle a rendu le 22 décembre 1986 en l’affaire du Différend

frontalier (Burkina Faso/République du Mali).
4. La Chambre qui avait alors été constituée pour connaître de l’affaire
susmentionnée a notamment déclaré ce qui suit :

«La charte de l’Organisation de l’unité africaine n’a pas nébgligé le
principe de l’uti possidetis, mais elle ne l’a qu’indirectement évoqué
en son article 3 aux termes duquel les Etats membres affirment solen -
nellement le principe du respect de la souveraineté et de l’intébgrité
territoriale de chaque Etat. Mais dès la première conférence aub som -
met qui suivit la création de l’Organisation de l’unité afribcaine, les

chefs d’Etat africains, par leur résolution susmentionnée (AGH/
Rés. 16 (1)), adoptée au Caire en juillet 1964, tinrent à préciser et à
renforcer le principe de l’uti possidetis juris qui n’apparaissait que de
façon implicite dans la charte de leur organisation. » (Différend fron ­
talier, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 565-566, par. 22.)

5. A la suite de ce prononcé de la Chambre, il semble qu’il ait étbé large -
ment admis, à commencer par la Cour elle-même dans les affaires ultérieures
ayant trait à des délimitations frontalières entre Etats africabins, que le prin-
cipe du respect des frontières existant au moment de l’accession àb l’indép-en

dance, adopté par l’OUA dans sa résolution du Caire et, par la suite, par
l’UA, constituait un uti possidetis juris africain identique au principe d’ori -
gine hispano-américaine. Ainsi, dans son arrêt du 12 juillet 2005, la Chambre
de la Cour constituée en l’affaire du Différend frontalier (Bénin/Niger),
après s’être référée à l’arrêt de 1986, a indbiqué que le principe de l’uti possi
detis juris avait été reconnu à plusieurs reprises dans le contexte africabin et

qu’il «l’a[vait] été, récemment encore, à l’alinéa b) de l’article 4 de l’acte
constitutif … de l’Union africaine» (C.I.J. Recueil 2005, p. 108, par. 23).
6. Selon moi, l’uti possidetis juris et le principe consacré par l’OUA
dans sa résolution du Caire, puis inscrit dans l’Acte constitutif bde l’UA,
ne sont cependant ni identiques ni équivalents. Quoique la Cour se sobit,
dans le présent arrêt (par. 63), quelque peu écartée des dicta précités des
arrêts de 1986 et de 2005 assimilant l’uti possidetis juris à la résolution du

Caire et à l’alinéa b) de l’article 4 de l’Acte constitutif de l’UA, je reste
d’avis que la différence entre ces deux principes mérite de pblus amples
éclaircissements, de sorte qu’ils ne soient plus confondus à l’bavenir.

II. La résolution du Caireb et les principes de lb’OUA/UA

en matière de frontièrbes

7. Il est utile de partir du texte de la résolution du Caire et des prinbcipes
de l’OUA/UA auxquels il est fait référence dans l’arrêt sbusmentionné de la
Chambre de la Cour. Aux termes du paragraphe 3 de l’article III de la

Charte de l’OUA, les Etats membres déclarent qu’ils adhèrentb au principe
du «respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale deb chaque Etat
et de son droit inaliénable à une existence indépendante ».

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8. Le texte de la résolution du Caire intitulée « Litiges entre Etats afri-
cains au sujet des frontières » se lit comme suit :

«Considérant que les problèmes frontaliers sont un facteur grave et
permanent de désaccord,
Consciente de l’existence d’agissements d’origine extra-africaine
visant à diviser les Etats africains,

Considérant en outre que les frontières des Etats africains, au jour
de leur indépendance, constituent une réalité tangible,
Rappelant la création, à la deuxième session ordinaire du Conseil,
du Comité des Onze chargé d’étudier de nouvelles mesures de bnature
à renforcer l’unité africaine,

Reconnaissant l’impérieuse nécessité de régler, par des moyens paci-
fiques, et dans un cadre purement africain, tous les différends ebntre
Etats africains,
Rappelant en outre que tous les Etats membres se sont engagés aux

termes de l’article VI de la Charte de l’Organisation de l’unité afri -
caine à respecter scrupuleusement les principes énoncés au para -
graphe 3 de l’article III de ladite Charte,

1. Réaffirme solennellement le respect total par tous les Etats
membres de l’OUA des principes énoncés au paragraphe 3 de l’ar-
ticle III de la Charte de ladite Organisation ;
2. Déclare solennellement que tous les Etats membres s’engagent à b
respecter les frontières existant au moment où ils ont accédéb à

l’indépendance. »
9. L’alinéa b) de l’article 4 de l’Acte constitutif de l’UA mentionne,

parmi les principes de l’Union, le « respect des frontières existant au
moment de l’accession à l’indépendance ».

III. Les principes de l’OUA/UA ebt l’ uti Possidetis Juris

10. A titre liminaire, on notera qu’aucun des documents officiels de l’bOUA
ou de l’organisation qui lui a succédé — l’UA — ayant trait aux conflits et aux
différends territoriaux ou frontaliers en Afrique ne mentionne le pbrincipe de
l’uti possidetis juris, ni ne s’y réfère d’une quelconque manière. Ainsi que cebla

a été relevé par un observateur attentif des origines et de l’bévolution des org-
nisations panafricaines, et partisan d’unu «ti possidetis africain», «il convient
de souligner que le précédent américain n’a jamais étéb expressément invoqué
lors des travaux préparatoires de la conférence d’Addis-Abeba, bet encore
1
moins par les chefs d’Etat dans leurs discours d’inauguration» . Les diffé-
rences entre les deux principes en ce qui concerne leurs origine et but,b ainsi que
leurs portée, contenu et nature juridiques sont tout aussi importantebs.

1B. Boutros-Ghali, L’Organisation de l’unité africaiParis, Armand Colin, 1969,
p. 48, note de bas de page n 3.

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1. Différences de par l’origine et le but

11. Les républiques hispano-américaines, qui ont émergé de la coloni -
sation au début du XIX e siècle, ont adopté le principe de l’uti posside ­
tis juris afin de répondre à une question d’acquisition de titre à bun

territoire qui n’avait pu être réglée de manière satisfaibsante par les modes
traditionnels du droit international classique en la matière 2. Ces der -
niers — à savoir l’occupation, la prescription acquisitive, la cession, l’bac-

crétion et la subjugation — ne prévoyaient en effet pas le cas de l3 création
d’un nouvel Etat par le processus de la décolonisation . La principale
question qui se posait aux nouvelles républiques avait trait au pointb de
savoir qui possédait le titre juridique dans des régions faiblemenbt peuplées

et dans lesquelles les limites étaient floues ou mal définies.b Pour résoudre
ce problème, les anciennes colonies espagnoles ont décidé, ainsbi que l’a
précisé le Conseil fédéral suisse dans la sentence qu’il ba rendue en 1922 en

l’Affaire des frontières colombo­vénézuéliennes, que ces régions seraient

«réputées appartenir, en droit, à chacune des Républiques quib
avaient succédé à la province espagnole à laquelle ces terribtoires
étaient rattachés en vertu des anciennes ordonnances royales de lab

mère patrie espagnole. Ces territoires, bien que non occupés en fabit,
étaient d’un commun accord considérés comme occupés en drboit, dès
la première heure, par la nouvelle République. » 4

Ce principe avait donc pour principal objet de s’assurer qu’il n’y ait, en
Amérique hispanique, aucune terra nullius susceptible d’être occupée par
5
des puissances impériales étrangères .
12. Le second objectif de l’uti possidetis juris était d’établir une méthode
ou un critère pour les cas de délimitation frontalière dans lesquels deux

Etats anciennement soumis à la même puissance métropolitaine avaient
vu le jour à la suite de la décolonisation. Cet objectif a étéb atteint en éri -
geant en frontières internationales entre les nouvelles républiques d’an -

ciennes limites administratives. Ainsi que la Chambre de la Cour l’a b
précisé en l’affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime
(El Salvador/Honduras ; Nicaragua (intervenant)), « l’uti possidetis juris
est par essence un principe rétroactif, qui transforme en frontièrbes inter -

nationales des limites administratives conçues à l’origine àb de tout autres
fins » (arrêt, C.I.J. Recueil 1992, p. 388, par. 43).

2Dans l’affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/

Honduras ;Nicaragua (intervenant)), la Chambre de la Cour a défini comme suit l’utipossi­
detis juris: « Ainsi le principe de l’uti possidetis touche autant à la recherche du titre à un
territoire qu’à l’emplacement de frontières … » (Arrêt, C.I.J. Recueil 1992, p. 387, par. 42.)
3Voir R. Y. Jennings, The Acquisition of Territory in International Law, Manchester
University Press, 1963, p. 7-11 et 37.
4Affaire des frontières colombo­vénézuéliennes,Nations Unies, Recueil des sentences
arbitrales (RSA), vol. I, p. 228.
5Voir l’opinion individuelle du juge ad hoc G. Abi-Saab dans l’affaire du Différend
frontalier (Burkina Faso/République du Mali), dans laquelle il décrit la double finalité du
principe de l’uti possidetis (C.I.J. Recueil 1986, p. 661, par. 13).

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13. La situation dans laquelle se sont trouvés les pays africains au

début des années 1960 était sensiblement différente de celle des répu -
bliques hispano-américaines, où n’existaient que des frontières adminis -
tratives qui avaient été établies par des ordonnances royales ebt d’autres

instruments juridiques espagnols. Premièrement, au moment de l’indbé -
pendance, dans les années 1960, aucune région ou territoire d’Afrique
n’était réputé inexploré ou ne pouvait être considébré comme étant

terra nullius et, partant, susceptible d’être juridiquement acquis par voie
d’occupation par une puissance impériale étrangère.
14. Deuxièmement, les frontières des Etats africains après l’indbépen -
dance ont eu des origines diverses. On estime ainsi qu’un quart seulement
6
de ces frontières avait un caractère administratif intracolonial . La majo-
rité des frontières des Etats africains nouvellement indépendanbts étaient
des frontières intercoloniales, établies par des traités conclubs entre diffé -

rentes puissances coloniales. Les frontières de deux des membres fondba -
teurs de l’OUA, l’Ethiopie et le Libéria — aucun d’eux n’ayant jamais été
colonisé —, ont été, pour l’essentiel, fixées par des traitésb bilatéraux

conclus entre ces deux Etats eux-mêmes et les puissances coloniales ou
administrantes de leurs voisins. Enfin, certains territoires avaient ébté pla -
cés sous tutelle en vertu de la Charte des Nations Unies ; ils n’étaient pas

considérés comme des territoires coloniaux, étant donné que bl’autorité
administrante avait conclu, à leur égard, un accord de tutelle avebc les
Nations Unies, et que toute modification de cet accord devait être approu -
vée conformément aux dispositions du Chapitre XII de la Charte . 7

15. La diversité des régimes frontaliers existant sur le continent afrbi -
cain au moment de l’indépendance ainsi que la répugnance des Etats afri -
cains nouvellement indépendants à légitimer le droit colonial dbans les

relations interafricaines ont conduit l’OUA, puis l’UA, à élbaborer ses
propres principes, dont la portée juridique et la nature sont examinébes
ci-après. L’absence de référence à l’uti possidetis n’était donc pas due au

fait que les Etats membres de l’OUA n’auraient pas eu connaissanceb de
l’existence de l’uti possidetis juris en tant que principe ou de son emploi
par les républiques hispano-américaines à la suite de leur propre décolo -
nisation un siècle plus tôt 8 ; ce sont des situations et des circonstances

6
M. Foucher, « Les questions territoriales et frontalières en Afrique (1964-2010)la
réaffirmation des frontières »dans Emilia Robin-Hivert, Georges-Henri Soutou (dir.publ.),
L’Afrique indépendante dans le système international, Paris, PUPS, 2012, p. 62.
7Voir les articles 79, 83 et 85 de la Charte des Nations Unies.
8B. Boutros-Ghali, après avoir déploré que l’utipossidetis juris n’ait pas été spécifi -
quement mentionné dans la Charte de l’OUA, indique ce qui suit :

«D’aucuns ont pu craindre que la mention de ce principe ne recueillerabit pas une
approbation unanime, ou que l’on pourrait considérer (comme cela ba d’ailleurs été
dit) que la Charte d’Addis-Abeba était une ratification explicibte du traité de Berlin.
Quoi qu’il en soit, l’adoption du principe de l’uti possidetis aurait constitué un
progrès important dans le développement du rôle du droit internbational en Afrique. »
Voir B. Boutros-Ghali, « The Addis Ababa Charter », 35 (3) International Concilia
tion 5, 1964, p. 29.

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historiques différentes qui ont conduit à l’adoption de règles et principes
juridiques différents.
16. Il convient également de rappeler que, bien qu’intitulée « Litiges
entre Etats africains au sujet des frontières », la résolution du Caire avait

pour principal objectif de décourager toute annexion territoriale parb la
force, ainsi que toute revendication irrédentiste, pan-nationaliste et séces -
sionniste. En atteste le fait que les deux seuls pays ayant voté contbre cette
résolution sont la Somalie et le Maroc, qui entretenaient l’un et bl’autre, à

l’époque, des revendications irrédentistes contre leurs voisinsb, alors que
tous les autres Etats membres de l’OUA, dont la plupart avaient des dbif -
férends frontaliers, ont appuyé le texte, qui prévoyait des mébthodes et
modalités de règlement pacifique de pareils différends.
17. De surcroît, et bien que cela puisse sembler paradoxal, le principe

africain du respect des frontières existant au moment de l’accessibon à l’in -
dépendance est étroitement lié à la manière dont l’OUAb a décidé de
traiter la vison panafricaine de l’intégration et de l’unité entre tous les
Etats africains. Cette vision, qui avait été défendue par les dirigeants afri -

cains dans la période précédant l’indépendance, consistaibt à rendre les
frontières moins importantes par l’unification des peuples du cobntinent.
Ainsi le congrès panafricain a-t-il, dans une résolution adoptée à Accra
(Ghana) en 1958, dénoncé « les frontières artificielles tracées par les puis -

sances impérialistes pour diviser le peuple africain, notamment cellebs qui
séparent des groupes ethniques et divisent des peuples ayant les mêbmes
origines», et appelé à « la suppression ou l’ajustement rapide de ces fron -
tières » .
18. L’OUA, si elle n’a pas repris cette vision panafricaine, ne l’ab pas

pour autant totalement abandonnée. Un aspect en a ainsi été prébservé,
sous la forme d’engagements à œuvrer en vue de l’unité afbricaine, et ce,
dès la résolution du Caire, dont le préambule prévoit expressémebnt la
création « du Comité des Onze chargé d’étudier de nouvelles mesures

de nature à renforcer l’unité africaine ». La tâche de ce comité était de
proposer une action politique qui permettrait de favoriser l’unité et la
solidarité des Etats africains 1. Ainsi, dans la résolution du Caire, la pré -
servation des frontières existant au moment de l’accession à l’bindépen -

dance est, en quelque sorte, contrebalancée par les efforts continubs en vue
d’une intégration africaine plus étroite sur les plans politiqube et écono -
mique.
19. En conséquence, il est permis de considérer que le principe du resb -
pect des frontières, tel qu’énoncé dans la résolution du bCaire, « met en

attente» les frontières existant au moment de l’accession à l’inbdépen -
dance, notamment pour éviter tout conflit armé résultant de rbevendica -
tions territoriales, jusqu’à ce qu’une solution satisfaisante ebt pacifique soit

9 Pour le texte de la résolution, voir le site Internet http://www.francophonie.org/IMG/
pdf/oif-le-mouvement-panafricaniste-au-xxe-s.pdf.
10Voir Z. Cervenka, The Organization of African Unity and Its Charter, Prague,
Acadamia, 1968, p. 55-60.

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trouvée par les parties à un différend territorial, conformébment au droit
international, ou qu’une intégration et une unité plus étroites soient réali -

sées entre les Etats africains en général, ou entre pays voisinbs en particu -
lier, conformément à la vision panafricaine. En tant que tel, ce principe
implique l’interdiction de l’emploi de la force pour régler lesb différends
frontaliers, ainsi que l’obligation de s’abstenir de tout acte de bsaisie d’une

portion du territoire d’un autre Etat africain.

2. Différences de par la portée et le contenu juridiques

20. Ainsi que cela a été exposé ci-dessus, l’uti possidetis juris, tel que

formulé par les républiques hispano-américaines au moment de leur indé -
pendance, revêtait deux aspects importants : l’absence de toute terra nul ­
lius dans leurs territoires et l’acceptation mutuelle, de la part des
républiques nouvellement indépendantes, des lignes qui délimitabient anté -

rieurement les divisions ou subdivisions administratives internes des
provinces, intendencias et capitanias espagnoles en tant que frontières
internationales. Au fil des années, ce second aspect a acquis une ibmpor -

tance grandissante en droit international, et en est venu à être cbonsidéré
comme l’élément essentiel de l’uti possidetis juris. Son application en tant
que critère de délimitation frontalière s’est toutefois, poubr l’essentiel, limi -
tée à transformer en frontières internationales les frontièrbes administra -

tives héritées d’une même puissance coloniale ou les frontièbres internes
des Etats ayant vu le jour à la suite de la dissolution d’une entibté plus
importante.
21. Quant au Brésil, pays d’Amérique latine qui a obtenu son indéb-

pendance d’une autre puissance coloniale (le Portugal) et avait aupbara -
vant avec ses voisins des frontières intercoloniales et non intracolobniales,
il a adopté la notion, sensiblement différente, d’uti possidetis de facto,
qui met l’accent sur la possession effective et non sur le titre juridibque
11
fondé sur la législation coloniale espagnole . Ainsi que H. Accioly l’a
précisé :

«En effet, si les anciennes colonies espagnoles pouvaient adopter
cette invention juridique, parce qu’il leur serait permis de discuterb
entre elles les respectives revendications territoriales en se basant subr

des lois ou cédules royales émanant de la métropole commune, ilb est
certain qu’elles ne pourraient pas se prévaloir de pareils titres bcontre
le Brésil, car ils ne pouvaient lui être appliqués, et une tellbe base
serait donc sans valeur. » 12

11
Ainsi que l’a déclaré la Chambre de la Cour dans l’affaire duDifférend frontalier
terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras ; Nicaragua (intervenant)), « [i]l y a
lieu de rappeler que, lorsque le principe de l’uti possidetis juris est en jeu, le jus en question
n’est pas le droit international mais le droit constitutionnel ou administratif du souverain
avant l’indépendance » (arrêt, C.I.J. Recueil 1992, p. 559, par. 333).
12 H. Accioly, «Le Brésil et la doctrine de l’uti possidetis », Revue de droit international,
vol. 15 (1935), p. 45.

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22. Contrairement à l’uti possidetis juris d’Amérique hispanique, le
principe de l’OUA/UA du respect des frontières ne peut qu’êtbre interprété

comme un principe général affirmant l’acceptation, par tous lebs Etats afri -
cains, des frontières existant entre les Etats indépendants souverbains qui
se sont unis pour former l’OUA, puis l’UA. Ce principe ne traite pbas la
question du titre sur des régions ou zones frontalières mal défibnies ou de
l’absence de frontières physiques. Il n’énonce pas non plus bde méthode ou

de critère pacifique particulier devant être utilisé pour débterminer l’origine
de frontières litigieuses ou attribuer un titre sur un territoire. Lab question
des méthodes spécifiques devant être utilisées pour le règlement pacifique
des différends frontaliers demeure ouverte ; elle doit être tranchée, au cas
par cas, par les Etats concernés. L’uti possidetis juris pourrait, bien évi -
demment, être l’un des principes en la matière, mais il faudraibt alors que

les Parties au différend en soient expressément convenues.
23. De plus, le territoire concerné, dont les frontières doivent êtbre res -
pectées en application du principe de l’OUA/UA, n’est ni celui bqui existait
pendant la période coloniale — celui de la colonie — ni le territoire histo -
rique précolonial des Etats africains ; il doit être considéré comme étant le

territoire des Etats membres de l’OUA/UA d’après l’indépebndance.
De fait, par suite de l’exercice du droit des peuples à disposer d’beux-mêmes
consacré par la Charte des Nations Unies, les peuples des colonies afri -
caines ou des territoires sous tutelle ont souvent pu déterminer librbement
leur statut politique avant d’accéder à l’indépendance, ebt ce, de l’une des

manières suivantes: formation d’un Etat souverain unique ; division d’un
territoire placé sous tutelle en deux Etats distincts ; unification d’une
partie d’une colonie ou d’un territoire sous tutelle avec un Etat bvoisin ;
unification de deux colonies ou d’un territoire sous tutelle avec ubne
colonie.
24. Dans ce contexte, l’union entre une ancienne colonie et un ancien

territoire sous tutelle a pu donner le jour à un Etat indépendant bunique,
comme dans le cas du Somaliland britannique et italien. L’on a égablement
assisté à la fusion entre un territoire sous tutelle ou une partieb de celui-ci
et un autre territoire colonial ou placé sous tutelle, la région sbeptentrio -
nale du Cameroun sous administration britannique ayant ainsi fusionné

avec le Nigéria, tandis que la région méridionale choisissait lb’intégration
au territoire du Cameroun sous administration française. De même, ble
territoire sous tutelle britannique du Togoland a été uni au Ghanab à la
suite d’un plébiscite sous les auspices des Nations Unies. Il est aussi
arrivé que deux Etats indépendants émergent de la division d’un terri -

toire sous tutelle unique, comme cela a été le cas du Rwanda et du
Burundi.
25. De toute évidence, le fait d’appeler au respect des frontières,b comme
dans la résolution du Caire — appel aujourd’hui consacré à l’alinéa b) de
l’article 4 de l’Acte constitutif de l’UA —, est une chose, le fait de déter -
miner le tracé des lignes frontières correspondantes en est une aubtre. C’est

dans cette seconde hypothèse qu’un principe tel que l’uti possidetis juris
devient pertinent. Selon la conception latino-américaine dominante, l’uti

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possidetis juris repose sur une dichotomie entre le titre et les effectivités,
le premier, si son existence est établie, l’emportant sur les secondebs ou sur
13
la possession effective du territoire .
26. Le rapport entre titre et effectivités dans la détermination de la
frontière devant être respectée n’a jamais été explicité ni même mentionné
dans les documents de l’OUA ou de l’UA. Compte tenu de la diversitbé et

de la complexité du processus d’indépendance des Etats africains, qui ont
été exposées ci-dessus, des différents régimes juridiques dans le cadre des -
quels a été effectuée, avant l’indépendance, la délibmitation des frontières
de ces Etats (traités internationaux, frontières administratives,b accords de

tutelle, par exemple), ainsi que des vues profondément divergentes pbarmi
les Etats africains au moment de leur accession à l’indépendancbe, il appa -
raît que l’OUA/UA s’est délibérément abstenue de se libvrer à un examen
approfondi de certaines questions juridiques, telles que celle de savoirb si le

titre sur le territoire, la possession ou les effectivités devaientb prévaloir.
De même, ces organisations n’ont pas souhaité définir, en l’intégrant au
droit public africain, une méthode pacifique particulière applicbable
au règlement de l’ensemble des différends frontaliers potentielsb entre

tous les Etats africains, ou à la détermination du tracé des frontièbres en
question.
27. Les organisations panafricaines se sont contentées d’affirmer un b
principe large et général, celui du respect des frontières entrbe Etats

membres, afin de préserver la paix et la stabilité sur le continbent. Autre -
ment dit, les Etats africains, que ce soit dans la résolution du Cairbe ou
lorsqu’ils ont énoncé les principes de l’UA, ne sont pas allbés aussi loin que

les Etats hispano-américains en définissant une méthode spécifique devant b
être employée aux fins de déterminer le tracé des frontièbres africaines.
Cela ne signifie cependant pas qu’ils ne puissent avoir recours, oub n’aient
jamais eu recours, dans le cadre du règlement de leurs différends bilaté -

raux, à l’uti possidetis juris en tant que principe applicable à la délimita -
tion de leurs frontières ou en tant que méthode permettant d’ébtablir
l’origine de ces frontières. De fait, ainsi que la Cour l’a clabirement indiqué
dans les arrêts auxquels il a été fait référence ci-dessus, les Etats africains

l’ont bel et bien fait et, selon toute probabilité, continueront de le faire à
l’avenir, notamment en ce qui concerne d’anciennes frontières abdministra -
tives héritées de la même puissance coloniale.

13« Dans le cas où le fait correspond exactement au droit, où une administration effec -
tive s’ajoute à l’uti possidetis juris, l’« effectivité » n’intervient en réalité que pour confirmer

l’exercice du droit né d’un titre juridique. Dans le cas où le fait ne correspond pas au droit,
où le territoire objet du différend est administré effectivbement par un Etat autre que celui
qui possède le titre juridique, il y a lieu de préférer le titulaire du titre.Dans l’éventualité où
l’«effectivité » ne coexiste avec aucun titre juridique, elle doit inévitablement êbtre prise en
considération. Il est enfin des cas où le titre juridique n’est pas de nature àb faire apparaître
de façon précise l’étendue territoriale sur laquelle il portbe.Les «effectivités » peuvent alors
jouer un rôle essentiel pour indiquer comment le titre est interprébté dans la pratique. »
(Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali), arrêt, C.I.J. Recueil 1986,
p. 586-587, par. 63.)

102

6 CIJ1042.indb 241 8/04/14 08:35 différend frontaliebr (op. ind. yusuf) 143

3. Différences de par la nature juridique

28. Les deux principes — l’uti possidetis juris et le principe de l’OUA/

UA du respect des frontières— diffèrent également du point de vue de leur
nature juridique. Premièrement, il convient d’établir une distibnction entre,
d’une part, un principe général qui « met en attente» les différends fronta -
liers entre Etats africains jusqu’à ce que les parties concernébes trouvent
une solution pacifique et, d’autre part, un principe spécifique qui renferme
les critères et méthodes permettant de déterminer l’origine bd’une frontière

et le titre sur le territoire, sur la base de la législation colonialbe. L’uti pos
sidetis juris correspond au second, la résolution du Caire et l’alinéa b) de
l’article 4 de l’Acte constitutif de l’UA correspondent au premier.
29. Deuxièmement, le principe de l’OUA/UA est spécifique au contib -
nent africain, où il est considéré comme faisant partie du droibt public

applicable à tous les Etats du continent, sans que quiconque ne prébtende
qu’il s’agit d’un principe général ou d’une règle de droit international
coutumier. A l’inverse, l’uti possidetis juris a été défini comme suit par la
Chambre de la Cour dans l’affaire du Différend frontalier (Burkina Faso/
République du Mali) :

«Ce principe ne revêt pas pour autant le caractère d’une règle par -
ticulière, inhérente à un système déterminé de droit ibnternational.

Il constitue un principe général, logiquement lié au phénomèbne de
l’accession à l’indépendance, où qu’il se manifeste. » (Arrêt, C.I.J.
Recueil 1986, p. 565, par. 20.)

30. La Chambre de la Cour n’a pas justifié ce prononcé ambitieux,b et
n’a pas non plus exposé clairement les raisons qui l’avaient cobnduite à
formuler cette conclusion, se contentant d’indiquer que, s’il avaibt trouvé
son origine en Amérique hispanique, l’uti possidetis juris avait également

été appliqué et reconnu en Afrique. Cette prétendue acceptatbion du prin -
cipe par l’ensemble des Etats africains semble toutefois reposer sur bl’hy -
pothèse que le principe de l’OUA, établi dans la résolution du Caire
de 1964, était synonyme de l’uti possidetis juris, ou lui était équivalent. Ce
nonobstant, la Chambre a ensuite observé, dans l’arrêt précibté, que,

«[e]n tant que principe érigeant en frontières internationales d’an -
ciennes délimitations administratives établies pendant l’épobque

coloniale, l’uti possidetis [était] donc un principe d’ordre général
nécessairement lié à la décolonisation où qu’elle se pbroduise » (ibid.,
p. 566, par. 23).

31. Ce dernier prononcé de la Chambre, qui met l’accent sur le rôleb
spécifique de l’uti possidetis juris en ce qui concerne les anciennes fron -
tières administratives, me paraît correspondre davantage à la pratique
effective des Etats que la conclusion précédente définissanbt l’uti possidetis
comme un principe général applicable à toute situation de décolonisation.

En effet, même dans le cas d’Etats africains, le recours à l’uti posside­
tis juris vise, en règle générale, à la délimitation ou à la débmarcation d’an-

103

6 CIJ1042.indb 243 8/04/14 08:35 différend frontaliebr (op. ind. yusuf) 144

ciennes frontières administratives, comme dans les affaires du Différend
frontalier (Burkina Faso/République du Mali) ou du Différend frontalier
(Bénin/Niger). Il serait en revanche superflu dans le cas de différends por-

tant sur des frontières délimitées par un traité internationbal conclu entre
deux puissances coloniales, entre un Etat africain et une puissance colob -
niale, ou encore entre deux Etats africains 14.
32. Troisièmement, le principe de l’uti possidetis juris constitue une

méthode permettant de déterminer le tracé d’une frontièreb sur la base
d’un titre juridique, et fournit un critère aux fins d’étabblir l’origine de
cette frontière. Telle est d’ailleurs la raison principale pour labquelle il s’est
imposé comme un instrument fort précieux pour régler des diffbérends

frontaliers dans des situations faisant intervenir d’anciennes frontières
administratives ou des frontières issues de la dissolution d’une ebntité plus
importante. Le principe de l’OUA/UA du respect des frontières, quabnt à
lui, ne pouvait guère être utile pour établir l’origine des blignes frontières,

et il n’avait d’ailleurs pas été conçu pour fournir des cbritères à cette fin. Il
prescrit le respect des territoires des Etats membres de l’OUA/UA tels
qu’ils existaient au moment de l’indépendance, et interdit toutbe atteinte à
ces territoires. Ainsi que cela a été précisé ci-dessus, ce principe ne traite,

que ce soit explicitement ou implicitement, ni du rapport entre titre etb
effectivités, ni du point de savoir lequel de ces deux élémenbts doit l’empor -
ter, ni de la manière dont pareil titre devrait être établi.
33. De surcroît, dès lors que l’un des aspects essentiels de l’uti posside ­
tis juris hispano-américain est que les frontières existant au moment de

l’indépendance doivent être déterminées en se référant à la législation
espagnole de l’époque, il est difficile, sinon impossible, de conbsidérer que
les Etats africains qui ont adopté la résolution du Caire ou les pbrincipes
de l’Acte constitutif de l’UA auraient eu, de la même manièrbe, l’intention

de «consacrer» le droit colonial. Le rejet par l’OUA/UA d’un réaménageb -
ment des frontières sur la base de divisions ethniques ou de revendicba -
tions historiques et géographiques n’équivaut pas à une accebptation du
droit colonial en tant que titre sur le territoire. De toute évidence, l’inten -

tion des Etats membres de l’OUA ou de l’UA n’était pas d’bentériner col-
lectivement, par l’adoption de ce principe, l’Acte général dbe Berlin de 1885
ou de reconnaître le droit administratif des puissances coloniales.

*
* *

14 Dans l’arrêt qu’elle a rendu en l’affaire du Différend territorial (Jamahiriya arabe
libyenne/Tchad), la Cour a indiqué ce qui suit :

«Il ressort clairement des considérations ci-dessus que le différend soumis à la
Cour … est réglé de manière concluante par un traité auquel lab Libye est une partie
originelle et le Tchad une partie ayant succédé à la FrancDès lors, la Cour n’a
pas à étudier plus avant des sujets qui ont été longuement tbraités devant elle comme
le principe de l’uti possidetis et l’applicabilité de la déclaration adoptée par l’Orga
nisation de l’unité africaine au Caire en 1964. » (C.I.J. Recueil 1994, p. 38, par. 75.)

104

6 CIJ1042.indb 245 8/04/14 08:35 différend frontaliebr (op. ind. yusuf) 145

34. Il ne fait aucun doute que le principe de l’uti possidetis juris a rempli,

au fil des années, nombre de fonctions fort utiles en Amérique lbatine, et qu’il
continue de jouer un rôle non moins utile dans le règlement de diffbérends
frontaliers dans d’autres parties du monde. Cependant, il ne saurait bêtre cons-
déré comme un synonyme du principe consacré par l’OUA en 196b4 et, par la
suite, énoncé dans l’Acte constitutif de l’UA, principe qui bporte sur le respect

des frontières d’Etats indépendants souverains, conformémentb à la Charte des
Nations Unies et aux instruments fondateurs de l’OUA et de l’UA.
35. Si les Etats membres de l’OUA, puis de l’UA, ont adopté le principe
du respect des frontières existant au moment de l’accession à lb’indépen -
dance, c’est par pragmatisme, afin de mettre le continent africain bà l’abri

des conflits et du chaos. Il s’agit d’un principe africain qui s’applique entre
tous les Etats membres de l’organisation panafricaine, auxquels il imbpose
l’obligation de respecter les frontières existant au moment de l’bindépen -
dance en attendant le règlement pacifique de tout différend frontalier qui
pourrait se faire jour entre eux. C’est de ce point de vue que l’obn peut consi-

dérer que les deux principes obéissent à une même logique, étant donné
qu’ils ont l’un et l’autre pour objet d’encourager le recourbs au règlement
pacifique des différends frontaliers, conformément au droit inbternational.
36. Bien évidemment, le principe de l’uti possidetis juris peut faire partie
des principes juridiques internationaux devant être appliqués à cette fin. De

fait, il s’est produit par le passé — et cela peut se reproduire à l’avenir — que
deux Etats africains conviennent d’appliquer ce principe dans le cadre d’un
différend frontalier bilatéral porté devant la Cour ou devantb des tribunaux
arbitraux. En pareils cas, l’application de l’uti possidetis juris est toutefois
fondée sur un arrangement ou un accord bilatéral, et non sur un prbincipe

général ou une norme coutumière qui aurait émergé par suibte de l’adoption
de la résolution du Caire de 1964 ou de l’Acte constitutif de l’bUnion africaine.

IV. Le principe de l’intébgrité territoriale

et l’ uti Possidetis Juris

37. Le passage de l’arrêt de 1986 de la Chambre de la Cour cité au bpar-a
graphe 4 ci-dessus donne également à penser qu’il aurait été fait indirecte-
ment référence à l’uti possidetis au paragraphe 3 de l’article III de la Charte

de l’OUA. Ainsi que cela a été indiqué au paragraphe 7 ci-dessus, cette
disposition précisait que les Etats membres de l’organisation adhébraient au
principe du « respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale deb
chaque Etat et de son droit inaliénable à une existence indépenbdante ».
Selon la Chambre de la Cour, il semble que ce soit dans cette réfébrence au

«respect … de l’intégrité territoriale » qu’était implicitement contenu un
principe d’uti possidetis applicable entre tous les Etats africains.
38. La Charte de l’OUA a été remplacée par l’Acte constitutifb de l’UA
le 26 mai 2001. Le paragraphe 3 de l’article III n’existe donc plus. En lieu
et place de cette disposition, l’Acte constitutif de l’UA, en tantb qu’instru -

ment de solidarité entre Etats africains, énonce parmi ses objectibfs celui de

105

6 CIJ1042.indb 247 8/04/14 08:35 différend frontaliebr (op. ind. yusuf) 146

«défendre la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’bindépendance de ses
Etats membres » (alinéa b) de l’article 3). Quoique cette évolution du

principe de l’intégrité territoriale dans les instruments constbitutifs des
organisations panafricaines puisse déjà éclairer, dans une certbaine mesure,
la distinction entre uti possidetis juris et intégrité territoriale, il est sans
doute utile de formuler quelques observations sur ce point, en particulier
au regard des instruments fondateurs de l’OUA/UA.
39. Selon moi, il est erroné de voir dans le principe ancien du respect

de l’intégrité territoriale une référence à celui de lb’uti possidetis juris, ou
d’assimiler ces deux principes de droit international distincts. Si lb’on
considère que le paragraphe 3 de l’article III de la Charte de l’OUA fait
indirectement référence à l’uti possidetis en raison de l’expression « inté-
grité territoriale» qu’il contient, alors la même conclusion s’impose en ce

qui concerne le paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies.
Dans ces deux instruments, il est fait référence à l’intébgrité territoriale en
tant que principe fondamental du droit international et fondement essen -
tiel des relations pacifiques entre Etats; en revanche, aucun d’entre eux ne
traite de l’uti possidetis juris.
40. Pour autant que les frontières puissent être comparées à l’benve -

loppe extérieure du territoire de l’Etat, c’est l’inviolabilbité de ces fron -
tières qui est implicitement contenue dans la notion d’intégritbé territoriale.
Or, comme exposé dans la section III ci-dessus, cela est tout à fait diffé -
rent de l’uti possidetis juris. L’inviolabilité interdit que soient modifiées
par la force des frontières existantes. Elle implique également qube pareille

modification, si elle devait se produire, ne saurait avoir d’effet juridique.
Ce point est clairement précisé dans la déclaration des Nationsb Unies de
1970 (résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale) relative aux prin -
cipes du droit international, aux termes de laquelle :

«Tout Etat a le devoir de s’abstenir de recourir à la menace ou àb
l’emploi de la force pour violer les frontières internationales exbis -
tantes d’un autre Etat ou comme moyen de règlement des différends
internationaux, y compris les différends territoriaux et les questions
relatives aux frontières des Etats. »

41. La référence au paragraphe 3 de l’article III de la Charte de l’OUA
qui est faite dans la résolution du Caire peut donc être interprétée comme
une référence à l’inviolabilité des frontières, qui esbt implicitement conte -

nue dans le principe de l’intégrité territoriale, mais ne saurabit, contraire -
ment à ce qu’a estimé la Chambre de la Cour, être considébrée comme
ayant délibérément « précis[é] et … renforc[é] le principe de l’uti possi­
detis juris qui n’apparaissait que de façon implicite dans la Charte de
[l’]organisation». De ce point de vue, le principe énoncé dans la résolu -

tion du Caire est analogue au principe III de l’« Inviolabilité des fron -
tières» contenu dans l’acte final de la conférence sur la sécuribté et la
coopération en Europe de 1975, aux termes duquel :

«Les Etats participants tiennent mutuellement pour inviolables
toutes leurs frontières ainsi que celles de tous les Etats d’Europbe et

106

6 CIJ1042.indb 249 8/04/14 08:35 différend frontaliebr (op. ind. yusuf) 147

s’abstiennent donc maintenant et à l’avenir de tout attentat cobntre
ces frontières.
En conséquence, ils s’abstiennent aussi de toute exigence ou de

tout acte de ma15mise sur tout ou partie du territoire d’un autre Etabt
participant. »

42. Ainsi que cela a été exposé ci-dessus, le principe de l’inviolabilité
des frontières peut être considéré comme constituant un aspect fonda -
mental du principe plus général de l’intégrité territoriable des Etats ; c’est
dans le contexte du rapport entre ces deux principes que la résolutiobn du

Caire a également renvoyé au paragraphe 3 de l’article III de la Charte de
l’OUA. Il convient cependant de relever qu’inviolabilité ne sigbnifie pas,
d’une manière générale, invariabilité ou intangibilité des frontières. Cela
signifie que tout changement territorial est effectué par consentbement

mutuel, ou par d’autres moyens de règlement pacifique des différends,
conformément au droit international.
43. Les Etats membres de l’OUA/UA ont posé le principe du respect
des frontières existant au moment de l’accession à l’indébpendance, et

implicitement reconnu l’inviolabilité de celles-ci au sens exposé ci-dessus,
afin de garantir la paix et la stabilité sur le continent africain ; de même,
la conférence sur la sécurité et la coopération en Europe a,b en 1975,
adopté un principe analogue afin de favoriser la sécurité surb le continent

européen. Ces deux prescriptions sont inspirées du principe plus gbénéral
de l’intégrité territoriale, tel que consacré dans la Charteb des Nations Unies.
Aucune d’elles ne visait, selon moi, à préciser ou à renforcber le principe de
l’uti possidetis juris, dont le sens et le contenu normatif sont différents.

V. Conclusions

44. Quoique les Parties — le Burkina Faso et le Niger — aient invoqué
le principe de l’uti possidetis juris dans leurs écritures et plaidoiries, la
présente espèce diffère sensiblement des affaires antérieures du Différend
frontalier (Burkina Faso/République du Mali) (C.I.J. Recueil 1986) et du

Différend frontalier (Bénin/Niger) (C.I.J. Recueil 2005). En la présente
espèce, le Burkina Faso et le Niger ont, en 1987, conclu un accord sur la
délimitation de leur frontière commune. Ils n’ont cependant pas été en
mesure, depuis lors, de se mettre d’accord sur l’interprétationb et l’applica -

tion dudit accord en ce qui concerne le tracé de la ligne frontièrbe propre-
ment dit. Le différend qu’ils ont porté devant la Cour avait btrait à ce
désaccord.
45. Contrairement aux affaires de délimitation antérieures mentionnébes

ci-dessus, ce différend entre les Parties, qui a trait à l’interbprétation et à

15Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, Acte final de la conférence
sur la sécurité et la coopération en Europeaoût 1975, disponible sur le site Internet
http://www.osce.org/fr/mc/39502?download=true.

107

6 CIJ1042.indb 251 8/04/14 08:35 différend frontaliebr (op. ind. yusuf) 148

l’application d’un accord international, ne devait pas être exabminé à

l’aune du droit colonial français, ou « droit d’outre-mer». Autrement dit,
la Cour n’était pas tenue, en la présente espèce, de détebrminer quel était,
pour chacune des Parties, l’héritage colonial auquel devait êtrbe appliqué
l’uti possidetis juris. Les Parties avaient déjà précisé ce point dans leur
propre accord de délimitation.

46. Dès lors, bien que le Burkina Faso et le Niger aient hérité des
anciennes frontières administratives de l’Afrique occidentale franbçaise,
lesquelles sont devenues des frontières internationales au moment de bl’ac -
cession des Parties à l’indépendance, je suis d’avis que le bprincipe de
l’uti possidetis juris était devenu superflu en la présente espèce, par suite

de la conclusion de l’accord de délimitation de 1987 entre les deux Etats
indépendants. Il était demandé à la Cour d’interpréterb cet accord.
47. La Cour aurait dû indiquer clairement que l’uti possidetis juris et le
«droit d’outre-mer » n’avaient aucun rôle effectif à jouer en la présente b
espèce. A cet égard, l’arrêt aurait pu contenir un prononcéb semblable à

celui qu’elle avait fait dans l’affaire du Différend territorial (Jamahi ­
riya arabe libyenne/Tchad) (C.I.J. Recueil 1994, p. 38, par. 75, cité au
paragraphe 31, note de bas de page 14 ci-dessus). La Cour aurait égale -
ment pu saisir cette occasion pour dissiper la confusion entre l’uti posside­
tis juris et le principe de l’OUA/UA du respect des frontières existantes, b

sur la base duquel l’accord de 1987 entre les Parties semble être fondé.

(Signé) Abdulqawi A. Yusuf.

108

6 CIJ1042.indb 253 8/04/14 08:35

Bilingual Content

134

SEPARATE OPINION OF JUDGE YUSUF

Uti possidetis juris and the OAU/AU principle on respect of borders are neither
identical nor equivalent — The Cairo Resolution and founding instruments of the
OAU and AU do not refer to uti possidetis juris — The two principles must be
distinguished in light of their different origins, purposes, legal scope▯ and nature —
The Court should have cleared up this confusion — The OAU/AU principle is not

concerned with the relationship between title and effectivités — Nor does it confer
preference on one over the other — The reference to territorial integrity in the
OAU/AU founding instruments cannot be interpreted as implicitly containing the ▯
principle of uti possidetis juris — It is the inviolability of boundaries which is
implicit in territorial integrity — Inviolability does not mean invariability or
intangibility — The 1987 delimitation agreement between the Parties distinguishes
this case from previous frontier delimitation cases — Uti possidetis juris had no
role to play in this case — This should have been recognized in the Judgment.

I. Introduction

1. While I am in agreement with the decision of the Court, I feel
obliged to deal in this opinion with certain issues, which the Court didb
not adequately address in the reasoning of the Judgment, particularly as

regards the applicable principles invoked by the Parties in their pleadibngs
before the Court (see paragraph 63 of the Judgment).
2. In its analysis of the rules and principles invoked by the Parties in
their Special Agreement, the Court refers to the following three principles

in paragraph 63 of the Judgment : (a) the principle of intangibility of
boundaries inherited from colonization ; (b) the principle of uti possidetis
juris ; and(c) the principle of respect of borders existing on achievement
of independence adopted by the Organization of African Unity (OAU) in b

its Resolution AHG/Res. 16 (I) in 1964 at the first session of the Confer -
ence of African Heads of State and Government held in Cairo, Egypt
(hereinafter, the “Cairo Resolution”), and later enshrined as Article 4 (b)
in the Constitutive Act of the African Union (AU).

3. Apart from the fact that the Judgment does not explain the legal
effect and implications of these principles in the instant case or theb man -
ner in which they are to be applied to the boundary dispute between the b

Parties, the Court appears to treat them as being interchangeable or at b
least equivalent in their legal nature, scope and effects. The assumptbion of
equivalence, particularly between uti possidetis juris and the OAU/AU
principle of respect of borders existing on achievement of independence,b

94

6 CIJ1042.indb 224 8/04/14 08:34 134

OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE YUSUF

[Traduction]

Uti possidetis juris et principe de l’OUA/UA du respect des frontières n’étant n▯i
identiques ni équivalents — Résolution du Caire et instruments fondateurs de
l’OUA et de l’UA ne faisant pas référence à l’uti possidetis juris— Principe de

l’uti possidetis juris et principe de l’OUA/UA devant être distingués de par leurs
origine, but, portée et nature juridiques— Cour aurait dû dissiper cette confusion —
Rapport entre titre et effectivités n’intervenant pas dans le prin▯cipe de l’OUA/
UA — Principe de l’OUA/UA n’accordant pas non plus la primauté au t▯itre
ou aux effectivités — Référence à l’intégrité territoriale dans les instru­▯
ments fondateurs de l’OUA/UA ne pouvant être interprétée comme con▯tenant
implicitement le principe de l’uti possidetis juris — Elément contenu implicitement

dans l’intégrité territoriale étant l’inviolabilité des frontières — Inviolabilité ne
signifiant pas intangibilité ou invariabilité — Accord de délimitation conclu entre
les Parties en 1987 distinguant la présente espèce des affaires de▯ délimitation
frontalière antérieures — Uti possidetis juris n’ayant aucun rôle à jouer en la
présente espèce — Arrêt aurait dû le reconnaître.

I. Introduction

1. Bien que souscrivant à la décision de la Cour, j’estime devoir btraiter

dans la présente opinion certaines questions qui n’ont pas étéb examinées
de manière adéquate dans les motifs de l’arrêt, notamment enb ce qui
concerne les principes applicables invoqués par les Parties dans leurbs écri -
tures et plaidoiries en l’affaire (voir paragraphe 63 de l’arrêt).

2. Dans le cadre de son analyse des règles et principes invoqués par les
Parties dans le compromis que celles-ci ont conclu, la Cour mentionne, abu
paragraphe 63 de l’arrêt, les trois principes suivants : a) le principe de
l’intangibilité des frontières héritées de la colonisatiobn; b) le principe de

l’uti possidetis juris ; etc) le principe du respect des frontières existant au
moment où les Parties ont accédé à l’indépendance, telb qu’énoncé par
l’Organisation de l’unité africaine (OUA) dans sa résolutibon AHG/

Res. 16 (I) adoptée en 1964 au Caire (Egypte) à la première sessionb de
la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement africains (ci-après
la « résolution du Caire »), et incorporé par la suite à l’alinéa b) de
l’article 4 de l’Acte constitutif de l’Union africaine (UA).

3. Outre que l’arrêt n’explique pas l’effet et les incidencesb juridiques de
ces principes en la présente espèce, ni la manière dont ils doibvent être
appliqués au différend frontalier entre les Parties, la Cour sembble les
considérer comme étant interchangeables ou, à tout le moins, ébquivalents

du point de vue de leurs nature, portée et effets juridiques. Cetteb hypo -
thèse d’équivalence, en particulier entre l’uti possidetis juris et le principe
de l’OUA/UA du respect des frontières existant au moment de l’abccession

94

6 CIJ1042.indb 225 8/04/14 08:34 135 frontier dispute (sebp. op. yusuf)

is based on a dictum of the Chamber of the Court in its Judgment in the
case concerning the Frontier Dispute (Burkina Faso/Republic of Mali) of

22 December 1986.
4. The Chamber of the Court formed to deal with the above-mentioned
case stated, inter alia, as follows :

“The Charter of the Organization of African Unity did not ignore
the principle of uti possidetis, but made only indirect reference to it in
Article 3, according to which memberStates solemnly affirm the prin-
ciple of respect for the sovereignty and territorial integrity of every b
State. However, at their first summit conference after the creation ofb
the Organization of African Unity, the African Heads of State, in

their Resolution mentioned above (AGH/Res. 16 (I)), adopted in
Cairo in July 1964, deliberately defined and stressed the principle of
uti possidetis juris contained only in an implicit sense in the Charter
of their organization.” (Frontier Dispute, Judgment, I.C.J. Reports
1986, pp. 565-566, para. 22.)

5. Following the above statement by the Chamber of the Court, it appears
to have been widely assumed, not least by the Court itself in subsequentb cases
concerning frontier delimitation between African States, that the princibple of
respect of boundaries existing on achievement of independence adopted byb

the OAU in its Cairo Resolution, and later by the AU, constitutes an African
uti possidetis juris which is identical to the principle of Spanish-American
origin. For example, in its Judgment of 12 July 2005, the Chamber of the
Court in the case concerning the Frontier Dispute(Benin/Niger), after refer-
ring to the 1986 Judgment, stated that the principle of uti possidetis juris had
been recognized on several occasions in the African context and that “bit was
recognized again recently, in Article 4 (b) of the Constitutive Act of the

African Union” (I.C.J. Reports 2005, p. 108, para. 23).
6. It is my view that uti possidetis juris and the principle endorsed by the
OAU in the Cairo Resolution, and later inscribed in the Constitutive Act of
the AU, are neither identical nor equivalent. Although the Court, in theb pre-
ent Judgment (para. 63), has slightly moved away from the above-quoted
dicta of the 1986 and 2005 Judgments equating uti possidetis juris to the

Cairo Resolution and to Article 4 (b) of the Constitutive Act of the AU, I
am still of the view that the difference between the two principles mebrits f-r
ther elucidation so that they may not be similarly confounded in the futbure.

II. The Cairo Resolution anbd OAU/AU

Principles on Bordersb

7. It is instructive to start with the text of the Cairo Resolution and of
the OAU/AU principles referred to in the above-mentioned Judgment of
the Chamber of the Court. Under Article III, paragraph 3, of the OAU

Charter, the member States declared their adherence to the principle of b
“respect for the sovereignty and territorial integrity of each State band for
its inalienable right to independent existence”.

95

6 CIJ1042.indb 226 8/04/14 08:34 différend frontaliebr (op. ind. yusuf) 135

à l’indépendance, repose sur un dictum énoncé par la Chambre de la Cour
dans l’arrêt qu’elle a rendu le 22 décembre 1986 en l’affaire du Différend

frontalier (Burkina Faso/République du Mali).
4. La Chambre qui avait alors été constituée pour connaître de l’affaire
susmentionnée a notamment déclaré ce qui suit :

«La charte de l’Organisation de l’unité africaine n’a pas nébgligé le
principe de l’uti possidetis, mais elle ne l’a qu’indirectement évoqué
en son article 3 aux termes duquel les Etats membres affirment solen -
nellement le principe du respect de la souveraineté et de l’intébgrité
territoriale de chaque Etat. Mais dès la première conférence aub som -
met qui suivit la création de l’Organisation de l’unité afribcaine, les

chefs d’Etat africains, par leur résolution susmentionnée (AGH/
Rés. 16 (1)), adoptée au Caire en juillet 1964, tinrent à préciser et à
renforcer le principe de l’uti possidetis juris qui n’apparaissait que de
façon implicite dans la charte de leur organisation. » (Différend fron ­
talier, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 565-566, par. 22.)

5. A la suite de ce prononcé de la Chambre, il semble qu’il ait étbé large -
ment admis, à commencer par la Cour elle-même dans les affaires ultérieures
ayant trait à des délimitations frontalières entre Etats africabins, que le prin-
cipe du respect des frontières existant au moment de l’accession àb l’indép-en

dance, adopté par l’OUA dans sa résolution du Caire et, par la suite, par
l’UA, constituait un uti possidetis juris africain identique au principe d’ori -
gine hispano-américaine. Ainsi, dans son arrêt du 12 juillet 2005, la Chambre
de la Cour constituée en l’affaire du Différend frontalier (Bénin/Niger),
après s’être référée à l’arrêt de 1986, a indbiqué que le principe de l’uti possi
detis juris avait été reconnu à plusieurs reprises dans le contexte africabin et

qu’il «l’a[vait] été, récemment encore, à l’alinéa b) de l’article 4 de l’acte
constitutif … de l’Union africaine» (C.I.J. Recueil 2005, p. 108, par. 23).
6. Selon moi, l’uti possidetis juris et le principe consacré par l’OUA
dans sa résolution du Caire, puis inscrit dans l’Acte constitutif bde l’UA,
ne sont cependant ni identiques ni équivalents. Quoique la Cour se sobit,
dans le présent arrêt (par. 63), quelque peu écartée des dicta précités des
arrêts de 1986 et de 2005 assimilant l’uti possidetis juris à la résolution du

Caire et à l’alinéa b) de l’article 4 de l’Acte constitutif de l’UA, je reste
d’avis que la différence entre ces deux principes mérite de pblus amples
éclaircissements, de sorte qu’ils ne soient plus confondus à l’bavenir.

II. La résolution du Caireb et les principes de lb’OUA/UA

en matière de frontièrbes

7. Il est utile de partir du texte de la résolution du Caire et des prinbcipes
de l’OUA/UA auxquels il est fait référence dans l’arrêt sbusmentionné de la
Chambre de la Cour. Aux termes du paragraphe 3 de l’article III de la

Charte de l’OUA, les Etats membres déclarent qu’ils adhèrentb au principe
du «respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale deb chaque Etat
et de son droit inaliénable à une existence indépendante ».

95

6 CIJ1042.indb 227 8/04/14 08:34 136 frontier dispute (sebp. op. yusuf)

8. The text of the Cairo Resolution entitled “Border Disputes among
African States” reads as follows :

“Considering that border problems constitute a grave and perma -
nent factor of dissension ;
Conscious of the existence of extra-African manoeuvres aimed at
dividing African States ;

Considering further that the borders of African States, on the day
of their independence, constitute a tangible reality ;
Recalling the establishment in the course of the Second Ordinary
Session of the Council of the Committee of Eleven charged with
studying further measures for strengthening African Unity ;

Recognising the imperious necessity of settling, by peaceful means
and within a strictly African framework, all disputes between African
States ;
Recalling further that all Member States have pledged, under Arti -

cle IV of the Charter of African Unity, to respect scrupulously all
principles laid down in paragraph 3 of Article III of the Charter of
the Organization of African Unity ;

1. Solemnly reaffirms the strict respect by all Member States of the
Organization for the principles laid down in paragraph 3 of Arti-
cle III of the Charter of the Organization of African Unity ;
2. Solemnly declares that all Member States pledge themselves to
respect the borders existing on their achievement of national inde -

pendence.”
9. Article 4 (b) of the Constitutive Act of the AU lists as one of the

principles of the Union the “respect of borders existing on achievemebnt of
independence”.

III. The OAU/AU Principles and u tiP ossidetis Juris

10. As a preliminary remark, it may be noted that none of the official
documents of the OAU or of its successor organization, the AU, relating b
to African conflicts, territorial or boundary disputes, refers to or mbentions
in any manner the principle of uti possidetis juris. As stated by a keen

observer of the origins and evolution of Pan-African organizations, and
an advocate of an “uti possidetis africain”, “it would be important to under-
line that the American precedent was never explicitly invoked during
the travaux préparatoires of the Addis Ababa Conference, and even
less by the Heads of State in their inaugural speeches” 1. Equally signifi-

cant are the differences between the two principles with regard to thebir
origin and purpose, their legal scope and content and their legal natureb.

1 B. Boutros-Ghali, L’Organisation de l’unité africaine, Paris, Armand Colin, 1969, p. 48,
at footnote 3. The French text reads as follows : « il convient de souligner que le précédent
américain n’a jamais été expressément invoqué lors desb travaux préparatoires de la conférence
d’Addis Abéba, et encore moins par les Chefs d’Etat dans leurs bdiscours d’inauguratio.n »

96

6 CIJ1042.indb 228 8/04/14 08:34 différend frontaliebr (op. ind. yusuf) 136

8. Le texte de la résolution du Caire intitulée « Litiges entre Etats afri-
cains au sujet des frontières » se lit comme suit :

«Considérant que les problèmes frontaliers sont un facteur grave et
permanent de désaccord,
Consciente de l’existence d’agissements d’origine extra-africaine
visant à diviser les Etats africains,

Considérant en outre que les frontières des Etats africains, au jour
de leur indépendance, constituent une réalité tangible,
Rappelant la création, à la deuxième session ordinaire du Conseil,
du Comité des Onze chargé d’étudier de nouvelles mesures de bnature
à renforcer l’unité africaine,

Reconnaissant l’impérieuse nécessité de régler, par des moyens paci-
fiques, et dans un cadre purement africain, tous les différends ebntre
Etats africains,
Rappelant en outre que tous les Etats membres se sont engagés aux

termes de l’article VI de la Charte de l’Organisation de l’unité afri -
caine à respecter scrupuleusement les principes énoncés au para -
graphe 3 de l’article III de ladite Charte,

1. Réaffirme solennellement le respect total par tous les Etats
membres de l’OUA des principes énoncés au paragraphe 3 de l’ar-
ticle III de la Charte de ladite Organisation ;
2. Déclare solennellement que tous les Etats membres s’engagent à b
respecter les frontières existant au moment où ils ont accédéb à

l’indépendance. »
9. L’alinéa b) de l’article 4 de l’Acte constitutif de l’UA mentionne,

parmi les principes de l’Union, le « respect des frontières existant au
moment de l’accession à l’indépendance ».

III. Les principes de l’OUA/UA ebt l’ uti Possidetis Juris

10. A titre liminaire, on notera qu’aucun des documents officiels de l’bOUA
ou de l’organisation qui lui a succédé — l’UA — ayant trait aux conflits et aux
différends territoriaux ou frontaliers en Afrique ne mentionne le pbrincipe de
l’uti possidetis juris, ni ne s’y réfère d’une quelconque manière. Ainsi que cebla

a été relevé par un observateur attentif des origines et de l’bévolution des org-
nisations panafricaines, et partisan d’unu «ti possidetis africain», «il convient
de souligner que le précédent américain n’a jamais étéb expressément invoqué
lors des travaux préparatoires de la conférence d’Addis-Abeba, bet encore
1
moins par les chefs d’Etat dans leurs discours d’inauguration» . Les diffé-
rences entre les deux principes en ce qui concerne leurs origine et but,b ainsi que
leurs portée, contenu et nature juridiques sont tout aussi importantebs.

1B. Boutros-Ghali, L’Organisation de l’unité africaiParis, Armand Colin, 1969,
p. 48, note de bas de page n 3.

96

6 CIJ1042.indb 229 8/04/14 08:34 137 frontier dispute (sebp. op. yusuf)

1. Differences in Origin and Purpose

11. The Spanish-American Republics, which emerged from coloniza -
tion in the early nineteenth century, adopted the principle of uti possidetis
juris in order to address an issue of acquisition of title to territory, whicbh

was not satisfactorily resolved by any of the traditional modes of acquibsi -
tion of title in classical international law . The classical modes of acqui -
sition of territory — occupation, prescription, cession, accretion and

subjugation — did not provide for the situation in wh3ch a new State
came into existence through decolonization . In particular, the main
question for the new Republics revolved around the issue of who pos -
sessed the legal title in regions which were sparsely populated and in

which the limits were vaguely known or inadequately defined. To deal
with this problem, it was decided by the former Spanish colonies, as
described by the Swiss Federal Council in the Colombia­Venezuela Arbi ­

tral Award of 1922, that these regions would be :

“reputed to belong in law to whichever of the Republics succeeded to b
the Spanishprovince to which these territories were attached by virtue
of the royal ordinances of the Spanish mother country. These territo -

ries, although not occupied in fact, were by common consent deemed 4
as occupied in law, from the first hour, by the new Republic.”

Thus, the primary purpose of this principle was to ensure that there
was no terra nullius open to occupation by foreign imperial powers in
5
Spanish America .
12. The second objective of uti possidetis juris was to establish a method
or criterion for boundary delimitation where two States, formerly subjecbt

to the same metropolitan power, emerged from decolonization. This was
achieved by upgrading former administrative limits to international fronb -
tiers among the new Republics. As stated by the Chamber of the Court in b

the Land, Island and Maritime Frontier Dispute (El Salvador/Honduras :
Nicaragua intervening) : “uti possidetis juris is essentially a retrospective
principle, investing as international boundaries administrative limits
intended originally for quite other purposes” (Judgment, I.C.J. Reports

1992, p. 388, para. 43).

2In Land, Island and Maritime Frontier Dispute (El Salvador/Honduras : Nicaragua

intervening), the Chamber of the Court characterized uti possidetis juris as follows : “Thus
the principle of uti possidetis juris is concerned as much with title to territory as with the
location of boundaries . . .” (Judgment, I.C.J. Reports 1992, p. 387, para. 42).
3See R. Y. Jennings, The Acquisition of Territory in International Law, Manchester
University Press, 1963, pp. 7-11 and 37.
4Colombia­Venezuela Arbitral Award, United Nations, Reports of International Arbi ­
tral Awards (RIAA), Vol. I, 223, p. 228 [translation].
5See the separate opinion of Judge ad hoc G. Abi-Saab in Frontier Dispute (Burkina
Faso/Republic of Mali), where he describes the dual purpose of the principle of uti­possi
detis (I.C.J. Reports 1986, p. 661, para. 13).

97

6 CIJ1042.indb 230 8/04/14 08:34 différend frontaliebr (op. ind. yusuf) 137

1. Différences de par l’origine et le but

11. Les républiques hispano-américaines, qui ont émergé de la coloni -
sation au début du XIX e siècle, ont adopté le principe de l’uti posside ­
tis juris afin de répondre à une question d’acquisition de titre à bun

territoire qui n’avait pu être réglée de manière satisfaibsante par les modes
traditionnels du droit international classique en la matière 2. Ces der -
niers — à savoir l’occupation, la prescription acquisitive, la cession, l’bac-

crétion et la subjugation — ne prévoyaient en effet pas le cas de l3 création
d’un nouvel Etat par le processus de la décolonisation . La principale
question qui se posait aux nouvelles républiques avait trait au pointb de
savoir qui possédait le titre juridique dans des régions faiblemenbt peuplées

et dans lesquelles les limites étaient floues ou mal définies.b Pour résoudre
ce problème, les anciennes colonies espagnoles ont décidé, ainsbi que l’a
précisé le Conseil fédéral suisse dans la sentence qu’il ba rendue en 1922 en

l’Affaire des frontières colombo­vénézuéliennes, que ces régions seraient

«réputées appartenir, en droit, à chacune des Républiques quib
avaient succédé à la province espagnole à laquelle ces terribtoires
étaient rattachés en vertu des anciennes ordonnances royales de lab

mère patrie espagnole. Ces territoires, bien que non occupés en fabit,
étaient d’un commun accord considérés comme occupés en drboit, dès
la première heure, par la nouvelle République. » 4

Ce principe avait donc pour principal objet de s’assurer qu’il n’y ait, en
Amérique hispanique, aucune terra nullius susceptible d’être occupée par
5
des puissances impériales étrangères .
12. Le second objectif de l’uti possidetis juris était d’établir une méthode
ou un critère pour les cas de délimitation frontalière dans lesquels deux

Etats anciennement soumis à la même puissance métropolitaine avaient
vu le jour à la suite de la décolonisation. Cet objectif a étéb atteint en éri -
geant en frontières internationales entre les nouvelles républiques d’an -

ciennes limites administratives. Ainsi que la Chambre de la Cour l’a b
précisé en l’affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime
(El Salvador/Honduras ; Nicaragua (intervenant)), « l’uti possidetis juris
est par essence un principe rétroactif, qui transforme en frontièrbes inter -

nationales des limites administratives conçues à l’origine àb de tout autres
fins » (arrêt, C.I.J. Recueil 1992, p. 388, par. 43).

2Dans l’affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/

Honduras ;Nicaragua (intervenant)), la Chambre de la Cour a défini comme suit l’utipossi­
detis juris: « Ainsi le principe de l’uti possidetis touche autant à la recherche du titre à un
territoire qu’à l’emplacement de frontières … » (Arrêt, C.I.J. Recueil 1992, p. 387, par. 42.)
3Voir R. Y. Jennings, The Acquisition of Territory in International Law, Manchester
University Press, 1963, p. 7-11 et 37.
4Affaire des frontières colombo­vénézuéliennes,Nations Unies, Recueil des sentences
arbitrales (RSA), vol. I, p. 228.
5Voir l’opinion individuelle du juge ad hoc G. Abi-Saab dans l’affaire du Différend
frontalier (Burkina Faso/République du Mali), dans laquelle il décrit la double finalité du
principe de l’uti possidetis (C.I.J. Recueil 1986, p. 661, par. 13).

97

6 CIJ1042.indb 231 8/04/14 08:34 138 frontier dispute (sebp. op. yusuf)

13. The situation faced by the African countries in the early 1960s sub-

stantially differed from that of the Spanish-American Republics where
only administrative boundaries established by Spanish royal ordinances
and other Spanish legal instruments existed. First, at the time of indepben -

dence in the 1960s, there were no regions or territories in Africa whichb
were reputed to be unexplored or which could be considered as terra nul ­
lius and thus open to acquisition of title through occupation by foreign

imperial powers.

14. Secondly, the origin of the post-independence boundaries of Afri -
can States was varied. It is estimated that only one-fourth of the bound -
6
aries of African States had an intra-colonial administrative character .
The majority of the boundaries of the newly-independent African States
were inter-colonial boundaries established through treaties concluded

between different colonial powers. The boundaries of two of the foundibng
members of the OAU, Ethiopia and Liberia, neither of which had ever
been colonized, were mainly fixed through their own bilateral treaties

with the colonial or administering powers of their neighbours. There werbe
also the trust territories under the United Nations Charter, which were b
not considered colonial territories, since the administering authority

entered into a Trusteeship Agreement with the United Nations in respect b
of the territory concerned and any alterations to it had to be approved bin
accordance with the provisions of Chapter XII of the Charter 7.

15. The diversity of the boundary régimes which existed on the
African continent at the time of independence, and the aversion
of the newly- independent African States to the legitimization

of colonial law in inter -African relations, led the OAU, and later
the AU, to craft its own principle, the legal scope and nature
of which will be discussed below. Thus, the lack of reference to uti

possidetis was not due to a lack of awareness by the OAU member
States of the existence of uti possidetis juris as a principle or
of its use by the Spanish-American Republics following their own
decolonization a century earlier 8. Rather, different situations, and his -

6
M. Foucher, “Les questions territoriales et frontalières en Afriqube (1964-2010) :
la réaffirmation des frontières” in Emilia Robin-Hivert, Georgbes-Henri Soutou (eds.),
L’Afrique indépendante dans le système international, Paris, PUPS, 2012, p. 62.
7 See Articles 79, 83 and 85 of the UN Charter.
8 B. Boutros-Ghali, after lamenting that uti possidetis juris was not specifically
mentioned in the OAU Charter, states that :

“There may have been fears that the mention of this principle would nbot receive
unanimous approval, or that it may be said (as it already has been) thbat the
Addis Ababa Charter was an explicit ratification of the Treaty of Berlin. Whateverb
may be the reason, the adoption of the principle of uti possidetis would have been
an important step toward expanding the role of international law in Afribca.” See
B. Boutros-Ghali, “The Addis Ababa Charter”, 35 (3) International Conciliatio5,
1964, p. 29.

98

6 CIJ1042.indb 232 8/04/14 08:34 différend frontaliebr (op. ind. yusuf) 138

13. La situation dans laquelle se sont trouvés les pays africains au

début des années 1960 était sensiblement différente de celle des répu -
bliques hispano-américaines, où n’existaient que des frontières adminis -
tratives qui avaient été établies par des ordonnances royales ebt d’autres

instruments juridiques espagnols. Premièrement, au moment de l’indbé -
pendance, dans les années 1960, aucune région ou territoire d’Afrique
n’était réputé inexploré ou ne pouvait être considébré comme étant

terra nullius et, partant, susceptible d’être juridiquement acquis par voie
d’occupation par une puissance impériale étrangère.
14. Deuxièmement, les frontières des Etats africains après l’indbépen -
dance ont eu des origines diverses. On estime ainsi qu’un quart seulement
6
de ces frontières avait un caractère administratif intracolonial . La majo-
rité des frontières des Etats africains nouvellement indépendanbts étaient
des frontières intercoloniales, établies par des traités conclubs entre diffé -

rentes puissances coloniales. Les frontières de deux des membres fondba -
teurs de l’OUA, l’Ethiopie et le Libéria — aucun d’eux n’ayant jamais été
colonisé —, ont été, pour l’essentiel, fixées par des traitésb bilatéraux

conclus entre ces deux Etats eux-mêmes et les puissances coloniales ou
administrantes de leurs voisins. Enfin, certains territoires avaient ébté pla -
cés sous tutelle en vertu de la Charte des Nations Unies ; ils n’étaient pas

considérés comme des territoires coloniaux, étant donné que bl’autorité
administrante avait conclu, à leur égard, un accord de tutelle avebc les
Nations Unies, et que toute modification de cet accord devait être approu -
vée conformément aux dispositions du Chapitre XII de la Charte . 7

15. La diversité des régimes frontaliers existant sur le continent afrbi -
cain au moment de l’indépendance ainsi que la répugnance des Etats afri -
cains nouvellement indépendants à légitimer le droit colonial dbans les

relations interafricaines ont conduit l’OUA, puis l’UA, à élbaborer ses
propres principes, dont la portée juridique et la nature sont examinébes
ci-après. L’absence de référence à l’uti possidetis n’était donc pas due au

fait que les Etats membres de l’OUA n’auraient pas eu connaissanceb de
l’existence de l’uti possidetis juris en tant que principe ou de son emploi
par les républiques hispano-américaines à la suite de leur propre décolo -
nisation un siècle plus tôt 8 ; ce sont des situations et des circonstances

6
M. Foucher, « Les questions territoriales et frontalières en Afrique (1964-2010)la
réaffirmation des frontières »dans Emilia Robin-Hivert, Georges-Henri Soutou (dir.publ.),
L’Afrique indépendante dans le système international, Paris, PUPS, 2012, p. 62.
7Voir les articles 79, 83 et 85 de la Charte des Nations Unies.
8B. Boutros-Ghali, après avoir déploré que l’utipossidetis juris n’ait pas été spécifi -
quement mentionné dans la Charte de l’OUA, indique ce qui suit :

«D’aucuns ont pu craindre que la mention de ce principe ne recueillerabit pas une
approbation unanime, ou que l’on pourrait considérer (comme cela ba d’ailleurs été
dit) que la Charte d’Addis-Abeba était une ratification explicibte du traité de Berlin.
Quoi qu’il en soit, l’adoption du principe de l’uti possidetis aurait constitué un
progrès important dans le développement du rôle du droit internbational en Afrique. »
Voir B. Boutros-Ghali, « The Addis Ababa Charter », 35 (3) International Concilia
tion 5, 1964, p. 29.

98

6 CIJ1042.indb 233 8/04/14 08:34 139 frontier dispute (sebp. op. yusuf)

torical circumstances, dictated the adoption of different legal rules band
principles.
16. It should also be recalled that despite its title of “Border Disputesb

among African States”, the main objective of the Cairo Resolution was to
discourage territorial annexation by force as well as irredentist,
pan-nationalist and secessionist claims. This is evidenced by the fact that b
the only two countries that voted against the resolution were Somalia anbd

Morocco, both of which had, at the time, irredentist claims against theibr
neighbours, while all the other member States of the OAU, most of whom
had boundary disputes amongst them, supported the resolution, which
provided for peaceful methods and modalities of resolving such disputes.b

17. Moreover, although it may sound paradoxical, the African princi -
ple of respect for the boundaries existing at the time of independence ibs
closely intertwined with the manner in which the OAU decided to deal

with the Pan-African vision of integration and unity among all Afri -
can States. The Pan-African vision, which was advocated by African lead-
ers in the period before independence, was to render boundaries less
significant through the unification of the peoples of the continent.b For

example, the Pan-African congress, in a resolution adopted in 1958 in
Accra, Ghana, denounced “the artificial frontiers drawn by imperialist
powers to divide the peoples of Africa, particularly those which cut acrboss
ethnic groups and divide people of the same stock”, and called for “bthe
abolition or the adjustment of such frontiers at an early date” 9.

18. The OAU neither adopted this vision, nor did it completely aban -
don it. A tinge of the Pan-African vision was preserved in the form of
commitments to work towards African Unity. This is explicitly mentioned

even in the Cairo Resolution, where reference is made in the preamble to
the establishment “of the Committee of Eleven charged with studying fbur -
ther measures for strengthening African Unity”. The task of this Com -
mittee was to propose political action which would further promote the
10
unity and solidarity of the African States . Thus, in the Cairo Resolu -
tion, the preservation of the boundaries existing at the time of indepenb -
dence is somehow balanced by the continued efforts towards closer
African political and economic integration.

19. Consequently, it may be said that the principle of respect for
boundaries in the Cairo Resolution places the boundaries existing at the
time of independence in a “holding pattern”, particularly to avoidb armed

conflict over territorial claims, until a satisfactory and peaceful soblution is
found by the Parties to a territorial dispute in conformity with internab -

9 For the text of the resolution, see C. LegumPan Africanism : A Short Political
Guide, London, Pall Mall Press, 1962, pp. 229-232.
10See Z. Cervenka, The Organization of African Unity and Its Charter, Prague,
Acadamia, 1968, pp. 55-60.

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6 CIJ1042.indb 234 8/04/14 08:34 différend frontaliebr (op. ind. yusuf) 139

historiques différentes qui ont conduit à l’adoption de règles et principes
juridiques différents.
16. Il convient également de rappeler que, bien qu’intitulée « Litiges
entre Etats africains au sujet des frontières », la résolution du Caire avait

pour principal objectif de décourager toute annexion territoriale parb la
force, ainsi que toute revendication irrédentiste, pan-nationaliste et séces -
sionniste. En atteste le fait que les deux seuls pays ayant voté contbre cette
résolution sont la Somalie et le Maroc, qui entretenaient l’un et bl’autre, à

l’époque, des revendications irrédentistes contre leurs voisinsb, alors que
tous les autres Etats membres de l’OUA, dont la plupart avaient des dbif -
férends frontaliers, ont appuyé le texte, qui prévoyait des mébthodes et
modalités de règlement pacifique de pareils différends.
17. De surcroît, et bien que cela puisse sembler paradoxal, le principe

africain du respect des frontières existant au moment de l’accessibon à l’in -
dépendance est étroitement lié à la manière dont l’OUAb a décidé de
traiter la vison panafricaine de l’intégration et de l’unité entre tous les
Etats africains. Cette vision, qui avait été défendue par les dirigeants afri -

cains dans la période précédant l’indépendance, consistaibt à rendre les
frontières moins importantes par l’unification des peuples du cobntinent.
Ainsi le congrès panafricain a-t-il, dans une résolution adoptée à Accra
(Ghana) en 1958, dénoncé « les frontières artificielles tracées par les puis -

sances impérialistes pour diviser le peuple africain, notamment cellebs qui
séparent des groupes ethniques et divisent des peuples ayant les mêbmes
origines», et appelé à « la suppression ou l’ajustement rapide de ces fron -
tières » .
18. L’OUA, si elle n’a pas repris cette vision panafricaine, ne l’ab pas

pour autant totalement abandonnée. Un aspect en a ainsi été prébservé,
sous la forme d’engagements à œuvrer en vue de l’unité afbricaine, et ce,
dès la résolution du Caire, dont le préambule prévoit expressémebnt la
création « du Comité des Onze chargé d’étudier de nouvelles mesures

de nature à renforcer l’unité africaine ». La tâche de ce comité était de
proposer une action politique qui permettrait de favoriser l’unité et la
solidarité des Etats africains 1. Ainsi, dans la résolution du Caire, la pré -
servation des frontières existant au moment de l’accession à l’bindépen -

dance est, en quelque sorte, contrebalancée par les efforts continubs en vue
d’une intégration africaine plus étroite sur les plans politiqube et écono -
mique.
19. En conséquence, il est permis de considérer que le principe du resb -
pect des frontières, tel qu’énoncé dans la résolution du bCaire, « met en

attente» les frontières existant au moment de l’accession à l’inbdépen -
dance, notamment pour éviter tout conflit armé résultant de rbevendica -
tions territoriales, jusqu’à ce qu’une solution satisfaisante ebt pacifique soit

9 Pour le texte de la résolution, voir le site Internet http://www.francophonie.org/IMG/
pdf/oif-le-mouvement-panafricaniste-au-xxe-s.pdf.
10Voir Z. Cervenka, The Organization of African Unity and Its Charter, Prague,
Acadamia, 1968, p. 55-60.

99

6 CIJ1042.indb 235 8/04/14 08:34 140 frontier dispute (sebp. op. yusuf)

tional law, or until such time as closer integration and unity is achievbed
among African States in general, or between the neighbouring countries

in particular, in keeping with the Pan-African vision. As such, it implies a
prohibition of the use of force in the settlement of boundary disputes abnd
an obligation to refrain from acts of seizure of a portion of the territbory

of another African State.

2. Differences in Legal Scope and Content

20. As explained above, uti possidetis juris had two important aspects
as formulated by the Spanish-American Republics at the time of their
independence: the absence of terra nullius in their territories and the

mutual acceptance by the newly-independent Republics of the lines which
formerly delimited the internal administrative divisions or sub-divisions
of Spanish provinces, intendencias and capitanias as their international
boundaries. The latter component has acquired more relevance in inter -

national law over the years, and has come to be regarded as the core eleb-
ment of uti possidetis juris. However, as a criterion for the delimitation of
boundaries, its application has been mostly limited to converting into
international boundaries the administrative boundaries inherited from

the same colonial power or the internal boundaries of States emerging
from the dissolution of a larger entity.

21. Thus, even in Latin America, Brazil, which gained its independence
from a different colonial power (Portugal) and shared former inter-colo -
nial rather than intra-colonial boundaries with its neighbours, adopted

the markedly different concept of uti possidetis de facto, which gives pref -
erence to effective possession rather than legal title based on Spanish
colonial legislation 1. As stated by H. Accioly :

“While the former Spanish colonies could indeed rely on this legal

invention, because it would be open to them to discuss their respective
territorial claims among themselves on the basis of laws or royal grantsb
emanating from their common metropole, it is clear that they could

not rely on such titles against Brazil, since these were not applicable 12
to the latter, and hence such a basis would have no legal value.”

11 As was stated by the Chamber of the Court in Land, Island and Maritime Frontier
Dispute (El Salvador/Honduras : Nicaragua intervening) : “It should be recalled that when

the principle of the uti possidetis juris is involved, the jus referred to is not international law
but the constitutional or administrative law of the pre-independence sovbereign, in this case
Spa12sh colonial law . . .” (Judgment, I.C.J. Reports 1992, p. 559, para. 333.)
H. Accioly, “Le Brésil et la doctrine de l’uti possidetis”, Revue de droit international,
Vol. 15, 1935, pp. 36-45, at p. 45. [Translation by the Registry.]

100

6 CIJ1042.indb 236 8/04/14 08:34 différend frontaliebr (op. ind. yusuf) 140

trouvée par les parties à un différend territorial, conformébment au droit
international, ou qu’une intégration et une unité plus étroites soient réali -

sées entre les Etats africains en général, ou entre pays voisinbs en particu -
lier, conformément à la vision panafricaine. En tant que tel, ce principe
implique l’interdiction de l’emploi de la force pour régler lesb différends
frontaliers, ainsi que l’obligation de s’abstenir de tout acte de bsaisie d’une

portion du territoire d’un autre Etat africain.

2. Différences de par la portée et le contenu juridiques

20. Ainsi que cela a été exposé ci-dessus, l’uti possidetis juris, tel que

formulé par les républiques hispano-américaines au moment de leur indé -
pendance, revêtait deux aspects importants : l’absence de toute terra nul ­
lius dans leurs territoires et l’acceptation mutuelle, de la part des
républiques nouvellement indépendantes, des lignes qui délimitabient anté -

rieurement les divisions ou subdivisions administratives internes des
provinces, intendencias et capitanias espagnoles en tant que frontières
internationales. Au fil des années, ce second aspect a acquis une ibmpor -

tance grandissante en droit international, et en est venu à être cbonsidéré
comme l’élément essentiel de l’uti possidetis juris. Son application en tant
que critère de délimitation frontalière s’est toutefois, poubr l’essentiel, limi -
tée à transformer en frontières internationales les frontièrbes administra -

tives héritées d’une même puissance coloniale ou les frontièbres internes
des Etats ayant vu le jour à la suite de la dissolution d’une entibté plus
importante.
21. Quant au Brésil, pays d’Amérique latine qui a obtenu son indéb-

pendance d’une autre puissance coloniale (le Portugal) et avait aupbara -
vant avec ses voisins des frontières intercoloniales et non intracolobniales,
il a adopté la notion, sensiblement différente, d’uti possidetis de facto,
qui met l’accent sur la possession effective et non sur le titre juridibque
11
fondé sur la législation coloniale espagnole . Ainsi que H. Accioly l’a
précisé :

«En effet, si les anciennes colonies espagnoles pouvaient adopter
cette invention juridique, parce qu’il leur serait permis de discuterb
entre elles les respectives revendications territoriales en se basant subr

des lois ou cédules royales émanant de la métropole commune, ilb est
certain qu’elles ne pourraient pas se prévaloir de pareils titres bcontre
le Brésil, car ils ne pouvaient lui être appliqués, et une tellbe base
serait donc sans valeur. » 12

11
Ainsi que l’a déclaré la Chambre de la Cour dans l’affaire duDifférend frontalier
terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras ; Nicaragua (intervenant)), « [i]l y a
lieu de rappeler que, lorsque le principe de l’uti possidetis juris est en jeu, le jus en question
n’est pas le droit international mais le droit constitutionnel ou administratif du souverain
avant l’indépendance » (arrêt, C.I.J. Recueil 1992, p. 559, par. 333).
12 H. Accioly, «Le Brésil et la doctrine de l’uti possidetis », Revue de droit international,
vol. 15 (1935), p. 45.

100

6 CIJ1042.indb 237 8/04/14 08:34 141 frontier dispute (sebp. op. yusuf)

22. Unlike the uti possidetis juris of Spanish-America, the OAU/AU
principle of respect for boundaries can only be interpreted as a broad

principle which affirms the acceptance by all African States of the existing
boundaries of the sovereign independent States that came together to
form the OAU and later the AU. The OAU/AU principle does not
address the issue of title to inadequately defined regions or areas inb fron -
tier zones or physically non-existent boundaries. Nor does it lay down a

specific peaceful method or criterion to be used for ascertaining the bpedi -
gree of disputed boundaries or for attributing title to territory. The sbpe -
cific methods to be used for the peaceful settlement of boundary dispubtes
are left to be determined, on a case by case basis, by the States concerbned.
Uti possidetis juris could, of course, be one such principle, but it would
have to be specifically agreed upon by the Parties to the dispute.

23. Moreover, the relevant territory, the boundaries of which have to
be respected under the OAU/AU principle, is neither the one that existed
during the colonial period as a colony nor the pre-colonial historical ter -
ritory of African States, but has rather to be understood as the post-inde -

pendence territory of the OAU/AU member States. Indeed, as a result of
the exercise of the right to self-determination consecrated under the Char -
ter of the United Nations, the peoples of African colonies or trusteeship
territories were often able to freely determine their political status pbrior to
independence in one of the following ways : the formation of a single sov -

ereign State; the division of a trust territory into two separate States ; the
unification of part of a colony or trust territory with a neighbouringb
State; the unification of two colonies or of a trust territory with a colonby.

24. This situation sometimes resulted in the emergence of a single inde-

pendent State from the union of a former colony with a former trust ter -
ritory, e.g., British and Italian Somaliland. It has also led to the merbger of
a trust territory or a part thereof with another colonial or trust terribtory;
for example, the northern part of the trust territory of Cameroon under b
British administration merged with Nigeria, while the southern part optebd

for integration with the trust territory of Cameroon under French admin -
istration. Similarly, the British-administered trust territory of Togoland
was united with Ghana following a plebiscite under the auspices of the
United Nations. On other occasions, two independent States emerged
from the division of a single trust territory, e.g., the case of Rwanda band

Burundi.

25. It is, of course, one thing to call for respect of boundaries, as was
done in the Cairo Resolution or as is currently consecrated in
Article4 (b) of the Constitutive Act of the AU ; but it is another thing
to determine where such dividing lines actually run. It is in the latter

case that a principle such as uti possidetis juris becomes relevant. Accord -
ing to the prevailing Latin American conception, uti possidetis juris is

101

6 CIJ1042.indb 238 8/04/14 08:35 différend frontaliebr (op. ind. yusuf) 141

22. Contrairement à l’uti possidetis juris d’Amérique hispanique, le
principe de l’OUA/UA du respect des frontières ne peut qu’êtbre interprété

comme un principe général affirmant l’acceptation, par tous lebs Etats afri -
cains, des frontières existant entre les Etats indépendants souverbains qui
se sont unis pour former l’OUA, puis l’UA. Ce principe ne traite pbas la
question du titre sur des régions ou zones frontalières mal défibnies ou de
l’absence de frontières physiques. Il n’énonce pas non plus bde méthode ou

de critère pacifique particulier devant être utilisé pour débterminer l’origine
de frontières litigieuses ou attribuer un titre sur un territoire. Lab question
des méthodes spécifiques devant être utilisées pour le règlement pacifique
des différends frontaliers demeure ouverte ; elle doit être tranchée, au cas
par cas, par les Etats concernés. L’uti possidetis juris pourrait, bien évi -
demment, être l’un des principes en la matière, mais il faudraibt alors que

les Parties au différend en soient expressément convenues.
23. De plus, le territoire concerné, dont les frontières doivent êtbre res -
pectées en application du principe de l’OUA/UA, n’est ni celui bqui existait
pendant la période coloniale — celui de la colonie — ni le territoire histo -
rique précolonial des Etats africains ; il doit être considéré comme étant le

territoire des Etats membres de l’OUA/UA d’après l’indépebndance.
De fait, par suite de l’exercice du droit des peuples à disposer d’beux-mêmes
consacré par la Charte des Nations Unies, les peuples des colonies afri -
caines ou des territoires sous tutelle ont souvent pu déterminer librbement
leur statut politique avant d’accéder à l’indépendance, ebt ce, de l’une des

manières suivantes: formation d’un Etat souverain unique ; division d’un
territoire placé sous tutelle en deux Etats distincts ; unification d’une
partie d’une colonie ou d’un territoire sous tutelle avec un Etat bvoisin ;
unification de deux colonies ou d’un territoire sous tutelle avec ubne
colonie.
24. Dans ce contexte, l’union entre une ancienne colonie et un ancien

territoire sous tutelle a pu donner le jour à un Etat indépendant bunique,
comme dans le cas du Somaliland britannique et italien. L’on a égablement
assisté à la fusion entre un territoire sous tutelle ou une partieb de celui-ci
et un autre territoire colonial ou placé sous tutelle, la région sbeptentrio -
nale du Cameroun sous administration britannique ayant ainsi fusionné

avec le Nigéria, tandis que la région méridionale choisissait lb’intégration
au territoire du Cameroun sous administration française. De même, ble
territoire sous tutelle britannique du Togoland a été uni au Ghanab à la
suite d’un plébiscite sous les auspices des Nations Unies. Il est aussi
arrivé que deux Etats indépendants émergent de la division d’un terri -

toire sous tutelle unique, comme cela a été le cas du Rwanda et du
Burundi.
25. De toute évidence, le fait d’appeler au respect des frontières,b comme
dans la résolution du Caire — appel aujourd’hui consacré à l’alinéa b) de
l’article 4 de l’Acte constitutif de l’UA —, est une chose, le fait de déter -
miner le tracé des lignes frontières correspondantes en est une aubtre. C’est

dans cette seconde hypothèse qu’un principe tel que l’uti possidetis juris
devient pertinent. Selon la conception latino-américaine dominante, l’uti

101

6 CIJ1042.indb 239 8/04/14 08:35 142 frontier dispute (sebp. op. yusuf)

based on a dichotomy of title and effectivités, whereby title, if it is
found to exist, will trump the effectivités or the effective possession of the
13
territory .
26. The relationship between title and effectivités in the determination
of the boundary to be respected was never spelled out or even mentioned b

in OAU or AU documents. In view of the above-described diversity and
complexity of the process of independence of African States, the varied b
legal régimes under which the delimitation of their boundaries was cabr -
ried out before independence (e.g., international treaties, administrative

boundaries, trusteeship agreements), and the sharply divided opinions
among African States at the time of independence, it appears that the
OAU/AU deliberately refrained from engaging in a detailed consider -
ation of legal issues, such as whether title to territory, possession orb effec­

tivités should prevail. Similarly, these organizations declined to lay down,
as part of the public law of Africa, a specific peaceful method applicable
to the settlement of all potential boundary disputes among all African

States, or to the determination of the course of such boundaries.

27. Instead, the Pan-African organizations limited themselves to the
affirmation of a general and broad principle of respect of the boundaribes
of member States in order to safeguard peace and stability in the conti -
nent. In other words, neither the Cairo Resolution nor the AU principles

have gone so far as the Spanish-American States in defining a specific
method to be used to determine the course of African boundaries. This
does not, however, mean that African States cannot or have never had

recourse, in the settlement of bilateral disputes, to the use of uti posside ­
tis juris as a principle applicable to the delimitation of their boundaries or
as a method of ascertaining the pedigree of such boundaries. As clearly b
indicated by the Judgments of the Court referred to above, they have

indeed done so and will most probably continue to do so in the future
particularly with respect to former administrative boundaries inherited b
from the same colonial power.

13 “Where the act corresponds exactly to law, where effective administration is a-di
tional to the uti possidetis juris, the only role of effectivité is to confirm the exercise of the
right derived from a legal title. Where the act does not correspond to the law, where the
territory which is the subject of the dispute is effectively administebred by a State other than
the one possessing the legal title, preference should be given to the hoblder of the title. In the
event that the effectivité does not co-exist with any legal title, it must invariably be taken

into consideration. Finally, there are cases where the legal title is nobt capable of showing
exactly the territorial expanse to which it relates. The effectivités can then play an essential
role in showing how the title is interpreted in practice.” (Frontier Dispute (Burkina Faso/
Republic of Mali), Judgment, I.C.J. Reports 1986, pp. 586-587, para. 63.)

102

6 CIJ1042.indb 240 8/04/14 08:35 différend frontaliebr (op. ind. yusuf) 142

possidetis juris repose sur une dichotomie entre le titre et les effectivités,
le premier, si son existence est établie, l’emportant sur les secondebs ou sur
13
la possession effective du territoire .
26. Le rapport entre titre et effectivités dans la détermination de la
frontière devant être respectée n’a jamais été explicité ni même mentionné
dans les documents de l’OUA ou de l’UA. Compte tenu de la diversitbé et

de la complexité du processus d’indépendance des Etats africains, qui ont
été exposées ci-dessus, des différents régimes juridiques dans le cadre des -
quels a été effectuée, avant l’indépendance, la délibmitation des frontières
de ces Etats (traités internationaux, frontières administratives,b accords de

tutelle, par exemple), ainsi que des vues profondément divergentes pbarmi
les Etats africains au moment de leur accession à l’indépendancbe, il appa -
raît que l’OUA/UA s’est délibérément abstenue de se libvrer à un examen
approfondi de certaines questions juridiques, telles que celle de savoirb si le

titre sur le territoire, la possession ou les effectivités devaientb prévaloir.
De même, ces organisations n’ont pas souhaité définir, en l’intégrant au
droit public africain, une méthode pacifique particulière applicbable
au règlement de l’ensemble des différends frontaliers potentielsb entre

tous les Etats africains, ou à la détermination du tracé des frontièbres en
question.
27. Les organisations panafricaines se sont contentées d’affirmer un b
principe large et général, celui du respect des frontières entrbe Etats

membres, afin de préserver la paix et la stabilité sur le continbent. Autre -
ment dit, les Etats africains, que ce soit dans la résolution du Cairbe ou
lorsqu’ils ont énoncé les principes de l’UA, ne sont pas allbés aussi loin que

les Etats hispano-américains en définissant une méthode spécifique devant b
être employée aux fins de déterminer le tracé des frontièbres africaines.
Cela ne signifie cependant pas qu’ils ne puissent avoir recours, oub n’aient
jamais eu recours, dans le cadre du règlement de leurs différends bilaté -

raux, à l’uti possidetis juris en tant que principe applicable à la délimita -
tion de leurs frontières ou en tant que méthode permettant d’ébtablir
l’origine de ces frontières. De fait, ainsi que la Cour l’a clabirement indiqué
dans les arrêts auxquels il a été fait référence ci-dessus, les Etats africains

l’ont bel et bien fait et, selon toute probabilité, continueront de le faire à
l’avenir, notamment en ce qui concerne d’anciennes frontières abdministra -
tives héritées de la même puissance coloniale.

13« Dans le cas où le fait correspond exactement au droit, où une administration effec -
tive s’ajoute à l’uti possidetis juris, l’« effectivité » n’intervient en réalité que pour confirmer

l’exercice du droit né d’un titre juridique. Dans le cas où le fait ne correspond pas au droit,
où le territoire objet du différend est administré effectivbement par un Etat autre que celui
qui possède le titre juridique, il y a lieu de préférer le titulaire du titre.Dans l’éventualité où
l’«effectivité » ne coexiste avec aucun titre juridique, elle doit inévitablement êbtre prise en
considération. Il est enfin des cas où le titre juridique n’est pas de nature àb faire apparaître
de façon précise l’étendue territoriale sur laquelle il portbe.Les «effectivités » peuvent alors
jouer un rôle essentiel pour indiquer comment le titre est interprébté dans la pratique. »
(Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali), arrêt, C.I.J. Recueil 1986,
p. 586-587, par. 63.)

102

6 CIJ1042.indb 241 8/04/14 08:35 143 frontier dispute (sebp. op. yusuf)

3. Differences in Legal Nature

28. The two principles — uti possidetis juris and the OAU/AU princi -

ple on the respect of boundaries — also differ in their legal nature. First,
a distinction needs to be made between a broad principle which places
frontier disputes among African States in a “holding pattern” untibl a
peaceful solution is found between the parties concerned, and a specifibc
principle which embodies the criteria and methods for ascertaining the
pedigree of a boundary and for determining title to territory on the basis

of colonial legislation. Uti possidetis juris corresponds to the latter, while
the Cairo Resolution and Article 4 (b) of the Constitutive Act of the AU
lay down the former.
29. Secondly, the OAU/AU principle is specific to the African conti -
nent where it is considered as part of the public law of Africa applicabble

to all African States, but has no claim to being a general principle or ba
customary rule of international law. Conversely, uti possidetis juris has
been characterized as follows by the Chamber of the Court in Frontier
Dispute (Burkina Faso/Republic of Mali) :

“Nevertheless the principle is not a special rule which pertains
solely to one specific system of international law. It is a general prbin -

ciple, which is logically connected with the phenomenon of the obtain -
ing of independence, wherever it occurs.” (Judgment, I.C.J. Reports
1986, p. 565, para. 20.)

30. The Chamber of the Court did not justify this sweeping statement
nor did it give clear reasons as to the source of this conclusion exceptb to
say that, in addition to its Spanish-American origins, uti possidetis juris
also found application and recognition in Africa. However, the alleged

acceptance of the principle by all African States appears to be based onb
the assumption that the OAU principle established in the Cairo Resolu -
tion of 1964 was synonymous with or equivalent to uti possidetis juris.
Nevertheless, the Chamber later observed in the same Judgment that :

“[u]ti possidetis, as a principle which upgraded former administrative
delimitations, established during the colonial period, to international b

frontiers, is therefore a principle of a general kind which is logicallyb
connected with this form of decolonization wherever it occurs” (ibid.,
p. 566, para. 23).

31. The latter statement of the Chamber, which emphasizes the specific
role of uti possidetis juris with respect to former administrative boundar -
ies, appears, in my view, to correspond more to the actual practice of
States than the earlier conclusion characterizing uti possidetis as a general
principle applicable to all situations of decolonization. Even in the case of

African States, recourse to uti possidetis juris is generally for the purpose
of delimitation or demarcation of former administrative boundaries, as

103

6 CIJ1042.indb 242 8/04/14 08:35 différend frontaliebr (op. ind. yusuf) 143

3. Différences de par la nature juridique

28. Les deux principes — l’uti possidetis juris et le principe de l’OUA/

UA du respect des frontières— diffèrent également du point de vue de leur
nature juridique. Premièrement, il convient d’établir une distibnction entre,
d’une part, un principe général qui « met en attente» les différends fronta -
liers entre Etats africains jusqu’à ce que les parties concernébes trouvent
une solution pacifique et, d’autre part, un principe spécifique qui renferme
les critères et méthodes permettant de déterminer l’origine bd’une frontière

et le titre sur le territoire, sur la base de la législation colonialbe. L’uti pos
sidetis juris correspond au second, la résolution du Caire et l’alinéa b) de
l’article 4 de l’Acte constitutif de l’UA correspondent au premier.
29. Deuxièmement, le principe de l’OUA/UA est spécifique au contib -
nent africain, où il est considéré comme faisant partie du droibt public

applicable à tous les Etats du continent, sans que quiconque ne prébtende
qu’il s’agit d’un principe général ou d’une règle de droit international
coutumier. A l’inverse, l’uti possidetis juris a été défini comme suit par la
Chambre de la Cour dans l’affaire du Différend frontalier (Burkina Faso/
République du Mali) :

«Ce principe ne revêt pas pour autant le caractère d’une règle par -
ticulière, inhérente à un système déterminé de droit ibnternational.

Il constitue un principe général, logiquement lié au phénomèbne de
l’accession à l’indépendance, où qu’il se manifeste. » (Arrêt, C.I.J.
Recueil 1986, p. 565, par. 20.)

30. La Chambre de la Cour n’a pas justifié ce prononcé ambitieux,b et
n’a pas non plus exposé clairement les raisons qui l’avaient cobnduite à
formuler cette conclusion, se contentant d’indiquer que, s’il avaibt trouvé
son origine en Amérique hispanique, l’uti possidetis juris avait également

été appliqué et reconnu en Afrique. Cette prétendue acceptatbion du prin -
cipe par l’ensemble des Etats africains semble toutefois reposer sur bl’hy -
pothèse que le principe de l’OUA, établi dans la résolution du Caire
de 1964, était synonyme de l’uti possidetis juris, ou lui était équivalent. Ce
nonobstant, la Chambre a ensuite observé, dans l’arrêt précibté, que,

«[e]n tant que principe érigeant en frontières internationales d’an -
ciennes délimitations administratives établies pendant l’épobque

coloniale, l’uti possidetis [était] donc un principe d’ordre général
nécessairement lié à la décolonisation où qu’elle se pbroduise » (ibid.,
p. 566, par. 23).

31. Ce dernier prononcé de la Chambre, qui met l’accent sur le rôleb
spécifique de l’uti possidetis juris en ce qui concerne les anciennes fron -
tières administratives, me paraît correspondre davantage à la pratique
effective des Etats que la conclusion précédente définissanbt l’uti possidetis
comme un principe général applicable à toute situation de décolonisation.

En effet, même dans le cas d’Etats africains, le recours à l’uti posside­
tis juris vise, en règle générale, à la délimitation ou à la débmarcation d’an-

103

6 CIJ1042.indb 243 8/04/14 08:35 144 frontier dispute (sebp. op. yusuf)

was the case in Frontier Dispute (Burkina Faso/Republic of Mali) or in
Frontier Dispute (Benin/Niger). Uti possidetis juris would indeed be
redundant in the case of disputes over boundaries delimited by an inter -

national treaty concluded either between two colonial powers or between 14
an African State and a colonial power or between two African States .

32. Thirdly, the principle of uti possidetis juris constitutes a method of

determining the course of a boundary on the basis of legal title, and offbers
a criterion for ascertaining the pedigree of such a boundary. This is inbdeed
the main reason why it has become a very useful tool for the settlement bof
boundary disputes in cases involving former administrative boundaries or

boundaries arising from the dissolution of a larger entity. The OAU/AU
principle on the respect of boundaries could not be of much help, nor was
it conceived to offer criteria, in the ascertainment of the pedigree obf
boundary lines. It prescribes respect for, and prohibits assault on, theb ter -

ritories of the OAU/AU member States as they existed at the time of
independence. Thus, as pointed out above, the relationship between titleb
and effectivités, or the need to give preference to one over the other, or
the manner in which such title should be determined, is neither explicitbly

nor implicitly dealt with in the OAU/AU principle.

33. Moreover, to the extent that a key characteristic of Spanish-Amer -
ican uti possidetis juris is that the borders existing at the time of indepen -

dence are to be determined by reference to the Spanish legislation of thbe
time, it is difficult, if not impossible, to ascribe a similar intentiobn to “con
secrate” the colonial law to the African States which adopted the Caibro
Resolution or the principles of the AU Constitutive Act. The rejection by

the OAU/AU of a rearrangement of borders on ethnic lines or on the
basis of historical and geographic claims does not amount to an accep -
tance of colonial law as title to territory. It was certainly not the inbtent of
the member States of the OAU or the AU to collectively ratify, through

the adoption of this principle, the General Act of Berlin of 1885 or to
recognize the administrative law of the colonial powers.

*
* *

14In its Judgment in the case concerning the Territorial Dispute (Libyan Arab Jamahi ­
riya/Chad), the Court stated as follows :

“It will be evident from the preceding discussion that the dispute bebfore the
Court . . . is conclusively determined by a Treaty to which Libya is an original party
and Chad a party in succession to France . . . Hence there is no need for the Court to
explore matters which have been discussed at length before it such as thbe principle of
uti possidetis and the applicability of the Declaration adopted by the Organization ofb
African Unity at Cairo in 1964.” (I.C.J. Reports 1994, p. 38, para. 75.)

104

6 CIJ1042.indb 244 8/04/14 08:35 différend frontaliebr (op. ind. yusuf) 144

ciennes frontières administratives, comme dans les affaires du Différend
frontalier (Burkina Faso/République du Mali) ou du Différend frontalier
(Bénin/Niger). Il serait en revanche superflu dans le cas de différends por-

tant sur des frontières délimitées par un traité internationbal conclu entre
deux puissances coloniales, entre un Etat africain et une puissance colob -
niale, ou encore entre deux Etats africains 14.
32. Troisièmement, le principe de l’uti possidetis juris constitue une

méthode permettant de déterminer le tracé d’une frontièreb sur la base
d’un titre juridique, et fournit un critère aux fins d’étabblir l’origine de
cette frontière. Telle est d’ailleurs la raison principale pour labquelle il s’est
imposé comme un instrument fort précieux pour régler des diffbérends

frontaliers dans des situations faisant intervenir d’anciennes frontières
administratives ou des frontières issues de la dissolution d’une ebntité plus
importante. Le principe de l’OUA/UA du respect des frontières, quabnt à
lui, ne pouvait guère être utile pour établir l’origine des blignes frontières,

et il n’avait d’ailleurs pas été conçu pour fournir des cbritères à cette fin. Il
prescrit le respect des territoires des Etats membres de l’OUA/UA tels
qu’ils existaient au moment de l’indépendance, et interdit toutbe atteinte à
ces territoires. Ainsi que cela a été précisé ci-dessus, ce principe ne traite,

que ce soit explicitement ou implicitement, ni du rapport entre titre etb
effectivités, ni du point de savoir lequel de ces deux élémenbts doit l’empor -
ter, ni de la manière dont pareil titre devrait être établi.
33. De surcroît, dès lors que l’un des aspects essentiels de l’uti posside ­
tis juris hispano-américain est que les frontières existant au moment de

l’indépendance doivent être déterminées en se référant à la législation
espagnole de l’époque, il est difficile, sinon impossible, de conbsidérer que
les Etats africains qui ont adopté la résolution du Caire ou les pbrincipes
de l’Acte constitutif de l’UA auraient eu, de la même manièrbe, l’intention

de «consacrer» le droit colonial. Le rejet par l’OUA/UA d’un réaménageb -
ment des frontières sur la base de divisions ethniques ou de revendicba -
tions historiques et géographiques n’équivaut pas à une accebptation du
droit colonial en tant que titre sur le territoire. De toute évidence, l’inten -

tion des Etats membres de l’OUA ou de l’UA n’était pas d’bentériner col-
lectivement, par l’adoption de ce principe, l’Acte général dbe Berlin de 1885
ou de reconnaître le droit administratif des puissances coloniales.

*
* *

14 Dans l’arrêt qu’elle a rendu en l’affaire du Différend territorial (Jamahiriya arabe
libyenne/Tchad), la Cour a indiqué ce qui suit :

«Il ressort clairement des considérations ci-dessus que le différend soumis à la
Cour … est réglé de manière concluante par un traité auquel lab Libye est une partie
originelle et le Tchad une partie ayant succédé à la FrancDès lors, la Cour n’a
pas à étudier plus avant des sujets qui ont été longuement tbraités devant elle comme
le principe de l’uti possidetis et l’applicabilité de la déclaration adoptée par l’Orga
nisation de l’unité africaine au Caire en 1964. » (C.I.J. Recueil 1994, p. 38, par. 75.)

104

6 CIJ1042.indb 245 8/04/14 08:35 145 frontier dispute (sebp. op. yusuf)

34. There is no doubt that the principle of uti possidetis juris has served,
over the years, many advantageous functions in Latin America, and con -
tinues to play a useful role in the settlement of boundary disputes in obther
parts of the world. It cannot, however, be considered as a synonym of thbe
principle endorsed by the OAU in 1964, and later inscribed in the Constib -

tutive Act of the AU principle which deals with respect of the boundaries
of sovereign independent States in accordance with the United Nations
Charter and with the founding instruments of the OAU and AU.
35. The OAU member States, and later the AU, adopted the principle
of respect of boundaries existing on the achievement of independence outb

of a sense of pragmatism in order to ward off conflict and chaos in bthe
African continent. It is an African principle which applies among all
member States of the Pan-African organization and imposes upon them
the obligation to respect the boundaries existing at the time of indepenb -

dence, pending the peaceful resolution of any border dispute which may
arise between them. It is in this context that it may be said that the
two principles share a similar rationale in so far as they both seek to
encourage recourse to the peaceful settlement of frontier disputes in con -
formity with international law.

36. The international legal principles to be applied for this purpose may,
of course, include the principle of uti possidetis juris. It has indeed hap -
pened in the past, and it may also happen in the future, that two Africabn
States agree to have recourse to the application of the principle of uti pos ­

sidetis juris in a bilateral frontier dispute before the Court or before arbitral
tribunals. In such cases, the application of uti possidetis juris is based on a
bilateral understanding or agreement, but not on a general principle or cus -
tomary norm that has emerged as a result of the adoption of the 1964 Cairo
Resolution or of the Constitutive Act of the African Union.

IV. The Principle of Territborial Integrity
and u ti P ossidetis J uris

37. The passage of the 1986 Judgment of the Chamber of the Court
quoted in paragraph 4 above also suggests that there was an indirect ref -
erence to uti possidetis in Article III, paragraph 3, of the OAU Charter.
As shown in paragraph 7 above, Article III, paragraph 3, of the OAU

Charter declared the adherence of its member States to the principle of b
“respect for the sovereignty and territorial integrity of each State band for
its inalienable right to independent existence”. It is the reference to
“respect . . . for territorial integrity” that the Chamber of the Court
appears to have found to contain, in an implicit sense, an uti possidetis

principle applicable among all African States.
38. The OAU Charter was replaced by the AU Constitutive Act on
26 May 2001. Thus, Article III, paragraph 3, no longer exists. In its place,
one of the objectives of the Constitutive Act of the AU, as an instrument
of solidarity among African States, is to “defend the sovereignty, tebrrito -

105

6 CIJ1042.indb 246 8/04/14 08:35 différend frontaliebr (op. ind. yusuf) 145

34. Il ne fait aucun doute que le principe de l’uti possidetis juris a rempli,

au fil des années, nombre de fonctions fort utiles en Amérique lbatine, et qu’il
continue de jouer un rôle non moins utile dans le règlement de diffbérends
frontaliers dans d’autres parties du monde. Cependant, il ne saurait bêtre cons-
déré comme un synonyme du principe consacré par l’OUA en 196b4 et, par la
suite, énoncé dans l’Acte constitutif de l’UA, principe qui bporte sur le respect

des frontières d’Etats indépendants souverains, conformémentb à la Charte des
Nations Unies et aux instruments fondateurs de l’OUA et de l’UA.
35. Si les Etats membres de l’OUA, puis de l’UA, ont adopté le principe
du respect des frontières existant au moment de l’accession à lb’indépen -
dance, c’est par pragmatisme, afin de mettre le continent africain bà l’abri

des conflits et du chaos. Il s’agit d’un principe africain qui s’applique entre
tous les Etats membres de l’organisation panafricaine, auxquels il imbpose
l’obligation de respecter les frontières existant au moment de l’bindépen -
dance en attendant le règlement pacifique de tout différend frontalier qui
pourrait se faire jour entre eux. C’est de ce point de vue que l’obn peut consi-

dérer que les deux principes obéissent à une même logique, étant donné
qu’ils ont l’un et l’autre pour objet d’encourager le recourbs au règlement
pacifique des différends frontaliers, conformément au droit inbternational.
36. Bien évidemment, le principe de l’uti possidetis juris peut faire partie
des principes juridiques internationaux devant être appliqués à cette fin. De

fait, il s’est produit par le passé — et cela peut se reproduire à l’avenir — que
deux Etats africains conviennent d’appliquer ce principe dans le cadre d’un
différend frontalier bilatéral porté devant la Cour ou devantb des tribunaux
arbitraux. En pareils cas, l’application de l’uti possidetis juris est toutefois
fondée sur un arrangement ou un accord bilatéral, et non sur un prbincipe

général ou une norme coutumière qui aurait émergé par suibte de l’adoption
de la résolution du Caire de 1964 ou de l’Acte constitutif de l’bUnion africaine.

IV. Le principe de l’intébgrité territoriale

et l’ uti Possidetis Juris

37. Le passage de l’arrêt de 1986 de la Chambre de la Cour cité au bpar-a
graphe 4 ci-dessus donne également à penser qu’il aurait été fait indirecte-
ment référence à l’uti possidetis au paragraphe 3 de l’article III de la Charte

de l’OUA. Ainsi que cela a été indiqué au paragraphe 7 ci-dessus, cette
disposition précisait que les Etats membres de l’organisation adhébraient au
principe du « respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale deb
chaque Etat et de son droit inaliénable à une existence indépenbdante ».
Selon la Chambre de la Cour, il semble que ce soit dans cette réfébrence au

«respect … de l’intégrité territoriale » qu’était implicitement contenu un
principe d’uti possidetis applicable entre tous les Etats africains.
38. La Charte de l’OUA a été remplacée par l’Acte constitutifb de l’UA
le 26 mai 2001. Le paragraphe 3 de l’article III n’existe donc plus. En lieu
et place de cette disposition, l’Acte constitutif de l’UA, en tantb qu’instru -

ment de solidarité entre Etats africains, énonce parmi ses objectibfs celui de

105

6 CIJ1042.indb 247 8/04/14 08:35 146 frontier dispute (sebp. op. yusuf)

rial integrity and independence of its Member States” (Art. 3, para. (b)).
Perhaps this evolution of the principle of territorial integrity in the bconsti -

tutive instruments of the Pan-African organizations already sheds some
light on the distinction between uti possidetis juris and territorial integrity.
It may, however, still be useful to say a few words about the difference
between the two principles, particularly in the context of the founding b
instruments of the OAU/AU.
39. It is erroneous, in my view, to read into the time-hallowed principle

of respect for territorial integrity a reference to the principle of uti possi ­
detis juris or to assimilate these two distinct principles of international
law. If one reads an indirect reference to uti possidetis in Article III, para -
graph 3, of the OAU Charter because of its language on “territorial integ-
rity”, then the same conclusion must be reached concerning Article 2,

paragraph 4, of the United Nations Charter. The two Charters refer to
territorial integrity as a fundamental principle of international law anbd an
essential foundation of peaceful relations between States, but neither obf
them deals with uti possidetis juris.

40. In so far as boundaries may be likened to the outer shell of the ter -

ritory of the State, it is the inviolability of those boundaries which is
implicit in the concept of territorial integrity. This is, however, quitbe dif -
ferent from uti possidetis juris as discussed in Section III above. Inviola -
bility bars the alteration of existing boundaries by force. It also implies
that such alteration, should it occur, is not capable of producing any lbegal

effect. This is clearly articulated in the 1970 United Nations Declarabtion
on Principles of International Law (General Assembly resolu -
tion 2625 (XXV)), according to which :

“Every State has the duty to refrain from the threat or use of force
to violate the existing international boundaries of another State or as b
a means of solving international disputes, including territorial dis -
putes and problems concerning frontiers of States.”

41. The reference in the Cairo Resolution to Article III, paragraph 3,
of the OAU Charter, may be construed as a reference to the inviolabilityb
of boundaries which is implicit in the principle of territorial integritby, but

cannot be taken to have “deliberately defined and stressed the prinbciple of
uti possidetis juris contained only in an implicit sense in the Charter of
their organization”, as stated by the Chamber of the Court. In this, the
principle enunciated in the Cairo Resolution is similar to principle III on
the “Inviolability of frontiers” in the Final Act of the Conferencbe on

Security and Co-operation in Europe of 1975, according to which :

“The participating States regard as inviolable all one another’s
frontiers as well as the frontiers of all States in Europe and there -

106

6 CIJ1042.indb 248 8/04/14 08:35 différend frontaliebr (op. ind. yusuf) 146

«défendre la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’bindépendance de ses
Etats membres » (alinéa b) de l’article 3). Quoique cette évolution du

principe de l’intégrité territoriale dans les instruments constbitutifs des
organisations panafricaines puisse déjà éclairer, dans une certbaine mesure,
la distinction entre uti possidetis juris et intégrité territoriale, il est sans
doute utile de formuler quelques observations sur ce point, en particulier
au regard des instruments fondateurs de l’OUA/UA.
39. Selon moi, il est erroné de voir dans le principe ancien du respect

de l’intégrité territoriale une référence à celui de lb’uti possidetis juris, ou
d’assimiler ces deux principes de droit international distincts. Si lb’on
considère que le paragraphe 3 de l’article III de la Charte de l’OUA fait
indirectement référence à l’uti possidetis en raison de l’expression « inté-
grité territoriale» qu’il contient, alors la même conclusion s’impose en ce

qui concerne le paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies.
Dans ces deux instruments, il est fait référence à l’intébgrité territoriale en
tant que principe fondamental du droit international et fondement essen -
tiel des relations pacifiques entre Etats; en revanche, aucun d’entre eux ne
traite de l’uti possidetis juris.
40. Pour autant que les frontières puissent être comparées à l’benve -

loppe extérieure du territoire de l’Etat, c’est l’inviolabilbité de ces fron -
tières qui est implicitement contenue dans la notion d’intégritbé territoriale.
Or, comme exposé dans la section III ci-dessus, cela est tout à fait diffé -
rent de l’uti possidetis juris. L’inviolabilité interdit que soient modifiées
par la force des frontières existantes. Elle implique également qube pareille

modification, si elle devait se produire, ne saurait avoir d’effet juridique.
Ce point est clairement précisé dans la déclaration des Nationsb Unies de
1970 (résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale) relative aux prin -
cipes du droit international, aux termes de laquelle :

«Tout Etat a le devoir de s’abstenir de recourir à la menace ou àb
l’emploi de la force pour violer les frontières internationales exbis -
tantes d’un autre Etat ou comme moyen de règlement des différends
internationaux, y compris les différends territoriaux et les questions
relatives aux frontières des Etats. »

41. La référence au paragraphe 3 de l’article III de la Charte de l’OUA
qui est faite dans la résolution du Caire peut donc être interprétée comme
une référence à l’inviolabilité des frontières, qui esbt implicitement conte -

nue dans le principe de l’intégrité territoriale, mais ne saurabit, contraire -
ment à ce qu’a estimé la Chambre de la Cour, être considébrée comme
ayant délibérément « précis[é] et … renforc[é] le principe de l’uti possi­
detis juris qui n’apparaissait que de façon implicite dans la Charte de
[l’]organisation». De ce point de vue, le principe énoncé dans la résolu -

tion du Caire est analogue au principe III de l’« Inviolabilité des fron -
tières» contenu dans l’acte final de la conférence sur la sécuribté et la
coopération en Europe de 1975, aux termes duquel :

«Les Etats participants tiennent mutuellement pour inviolables
toutes leurs frontières ainsi que celles de tous les Etats d’Europbe et

106

6 CIJ1042.indb 249 8/04/14 08:35 147 frontier dispute (sebp. op. yusuf)

fore they will refrain now and in the future from assaulting those
frontiers.
Accordingly, they will also refrain from any demand for, or act of,
seizure and usurpation of part or all of the territory of any partici -
15
pating State.”
42. As formulated above, the principle of inviolability of boundaries

may be considered to constitute a basic element of the broader principleb
of territorial integrity of States, and it was in the context of the relbation -
ship of these two principles that the Cairo Resolution also referred back
to Article III, paragraph 3, of the OAU Charter. It should, however, be

noted that inviolability does not mean invariability or intangibility of
frontiers, in general. It means that any territorial changes are effecbted by
mutual consent, or through other means of peaceful settlement of dis -
putes, in conformity with international law.

43. The OAU/AU member States prescribed the principle of respect of
boundaries existing on achievement of independence, and implicitly rec -
ognized their inviolability in the sense discussed above, in order to ensure
peace and stability in the African continent in the same way that the Cobn -

ference on Security and Co-operation in Europe adopted a similar prin -
ciple in 1975 to promote security in the European continent. Both
prescriptions derive their inspiration from the broader principle of terbri -
torial integrity enshrined in the United Nations Charter. Neither of thebm

was directed, in my view, to define or stress the principle of uti possidetis
juris which has a different meaning and normative content.

V. Concluding Remarks

44. Although the Parties — Burkina Faso and Niger — invoked the
principle of uti possidetis juris in their pleadings, this case is quite different
from the previous cases of Frontier Dispute (Burkina Faso/Republic of Mali)

(I.C.J. Reports 1986) and Frontier Dispute (Benin/Niger) (I.C.J. Reports
2005). In the present case, Burkina Faso and Niger concluded an agree -
ment in 1987 on the delimitation of their common boundary. They have
not, however, been able to agree, since that time, on the interpretationb

and application of the agreement with respect to the actual course of thbe
boundary line. The dispute they have submitted to the Court concerns
this disagreement.

45. Unlike the previous delimitation cases mentioned above, this dis -
pute between the Parties, which concerns the interpretation and applica -

15Organization for Security and Co-operation in Europe, Final Act ofConference
on Security and Co­operation in Europe, 1 August 1975, 14 ILM 1292.

107

6 CIJ1042.indb 250 8/04/14 08:35 différend frontaliebr (op. ind. yusuf) 147

s’abstiennent donc maintenant et à l’avenir de tout attentat cobntre
ces frontières.
En conséquence, ils s’abstiennent aussi de toute exigence ou de

tout acte de ma15mise sur tout ou partie du territoire d’un autre Etabt
participant. »

42. Ainsi que cela a été exposé ci-dessus, le principe de l’inviolabilité
des frontières peut être considéré comme constituant un aspect fonda -
mental du principe plus général de l’intégrité territoriable des Etats ; c’est
dans le contexte du rapport entre ces deux principes que la résolutiobn du

Caire a également renvoyé au paragraphe 3 de l’article III de la Charte de
l’OUA. Il convient cependant de relever qu’inviolabilité ne sigbnifie pas,
d’une manière générale, invariabilité ou intangibilité des frontières. Cela
signifie que tout changement territorial est effectué par consentbement

mutuel, ou par d’autres moyens de règlement pacifique des différends,
conformément au droit international.
43. Les Etats membres de l’OUA/UA ont posé le principe du respect
des frontières existant au moment de l’accession à l’indébpendance, et

implicitement reconnu l’inviolabilité de celles-ci au sens exposé ci-dessus,
afin de garantir la paix et la stabilité sur le continent africain ; de même,
la conférence sur la sécurité et la coopération en Europe a,b en 1975,
adopté un principe analogue afin de favoriser la sécurité surb le continent

européen. Ces deux prescriptions sont inspirées du principe plus gbénéral
de l’intégrité territoriale, tel que consacré dans la Charteb des Nations Unies.
Aucune d’elles ne visait, selon moi, à préciser ou à renforcber le principe de
l’uti possidetis juris, dont le sens et le contenu normatif sont différents.

V. Conclusions

44. Quoique les Parties — le Burkina Faso et le Niger — aient invoqué
le principe de l’uti possidetis juris dans leurs écritures et plaidoiries, la
présente espèce diffère sensiblement des affaires antérieures du Différend
frontalier (Burkina Faso/République du Mali) (C.I.J. Recueil 1986) et du

Différend frontalier (Bénin/Niger) (C.I.J. Recueil 2005). En la présente
espèce, le Burkina Faso et le Niger ont, en 1987, conclu un accord sur la
délimitation de leur frontière commune. Ils n’ont cependant pas été en
mesure, depuis lors, de se mettre d’accord sur l’interprétationb et l’applica -

tion dudit accord en ce qui concerne le tracé de la ligne frontièrbe propre-
ment dit. Le différend qu’ils ont porté devant la Cour avait btrait à ce
désaccord.
45. Contrairement aux affaires de délimitation antérieures mentionnébes

ci-dessus, ce différend entre les Parties, qui a trait à l’interbprétation et à

15Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, Acte final de la conférence
sur la sécurité et la coopération en Europeaoût 1975, disponible sur le site Internet
http://www.osce.org/fr/mc/39502?download=true.

107

6 CIJ1042.indb 251 8/04/14 08:35 148 frontier dispute (sebp. op. yusuf)

tion of an international agreement, did not have to be appraised in the

light of French colonial law, or “droit d’outre-mer”. In other words, the
Court was not required, in the present case, to determine what consti -
tuted for each of the Parties the colonial heritage to which the uti posside ­
tis was to apply. The Parties had already specified that in their own
delimitation agreement.

46. Thus, despite the fact that Burkina Faso and Niger inherited the
former administrative boundaries of French West Africa, which became
international boundaries upon their accession to independence, it is my b
view that the principle of uti possidetis juris had become redundant in this
case as a result of the conclusion of the 1987 delimitation agreement

between the two independent States. The Court was asked to interpret
this delimitation agreement.
47. The Judgment should have clearly recognized that uti possidetis
juris and “droit d’outre-mer” had no effective role to play in this case. A
statement similar to the one made by the Court in Territorial Dispute

(Libyan Arab Jamahiriya/Chad) (I.C.J. Reports 1994, p. 38, para. 75, and
cited at paragraph 31, footnote 14 above) could have been made in the
Judgment. The Court could also have seized this opportunity to clear up b
the confusion between uti possidetis juris and the OAU/AU principle on
the respect of existing boundaries upon which the 1987 Agreement

between the Parties appears to be based.

(Signed) Abdulqawi A. Yusuf.

108

6 CIJ1042.indb 252 8/04/14 08:35 différend frontaliebr (op. ind. yusuf) 148

l’application d’un accord international, ne devait pas être exabminé à

l’aune du droit colonial français, ou « droit d’outre-mer». Autrement dit,
la Cour n’était pas tenue, en la présente espèce, de détebrminer quel était,
pour chacune des Parties, l’héritage colonial auquel devait êtrbe appliqué
l’uti possidetis juris. Les Parties avaient déjà précisé ce point dans leur
propre accord de délimitation.

46. Dès lors, bien que le Burkina Faso et le Niger aient hérité des
anciennes frontières administratives de l’Afrique occidentale franbçaise,
lesquelles sont devenues des frontières internationales au moment de bl’ac -
cession des Parties à l’indépendance, je suis d’avis que le bprincipe de
l’uti possidetis juris était devenu superflu en la présente espèce, par suite

de la conclusion de l’accord de délimitation de 1987 entre les deux Etats
indépendants. Il était demandé à la Cour d’interpréterb cet accord.
47. La Cour aurait dû indiquer clairement que l’uti possidetis juris et le
«droit d’outre-mer » n’avaient aucun rôle effectif à jouer en la présente b
espèce. A cet égard, l’arrêt aurait pu contenir un prononcéb semblable à

celui qu’elle avait fait dans l’affaire du Différend territorial (Jamahi ­
riya arabe libyenne/Tchad) (C.I.J. Recueil 1994, p. 38, par. 75, cité au
paragraphe 31, note de bas de page 14 ci-dessus). La Cour aurait égale -
ment pu saisir cette occasion pour dissiper la confusion entre l’uti posside­
tis juris et le principe de l’OUA/UA du respect des frontières existantes, b

sur la base duquel l’accord de 1987 entre les Parties semble être fondé.

(Signé) Abdulqawi A. Yusuf.

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6 CIJ1042.indb 253 8/04/14 08:35

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Opinion individuelle de M. le juge Yusuf

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