Opinion dissidente de M. Winiarski et Badawi Pacha

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016-19510705-ORD-01-01-EN
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016-19510705-ORD-02-00-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. WINIARSKI
ET BADAWI PACHA

Si justifiées que paraissent les mesures conservatoires formulées
dans la présente ordonnance, nous estimons que la Cour n'aurait
pas dû les indiquer pour des raisons de principe qu'il est de notre
devoir de constater brièvement.
Le problème des mesures conservatoires est liépour la Cour à
celui de sa compétence ; elle ne peut les indiquer que si elle admet,
ne fût-ce que provisoirement, sa compétence pour connaître du
fond de l'affaire. L'article 41 du Statut donne à la Cour le pouvoir
d'indiquer des mesures conservatoires ((si elle estime que les circon-

stances l'exigent ».Les dispositions de cet article présupposent la
compétence de la Cour ; cet article se trouve dans le chapitre
((Procédure », il parle des ((parties »: il faut donc qu'il y ait une
procédure au sens du Statut, qu'il y ait des parties.

On ne saurait assurément demander qu'en cas de contestation
la Cour tranchât définitivement la question de sa compétenceavant
d'indiquer des mesures conservatoires ; dans un cas pareil, la

demande risquerait de devenir sans objet ; mais la Cour doit
apprécier sa compétence comme raisonnablement probable.
L'article 41 donne à la Cour - ce qui est parfaitement naturel -
un autre pouvoir d'appréciation, celui d'apprécier si les circon-
stances exigent une indication de mesures conservatoires, et à ce
point de vue le pouvoir de la Cour internationale de Justice ne
diffèrepas en substance de celui du tribunal national. Le Président
Anzilotti, dans une opinion dissidente (affaire de la réformeagraire
polonaise, 1933)~est alléjusqu'à dire que si summaria cognitio, qui

est le propre de ce genre de procédure, permettait de retenir la
possibilité du droit revendiqué et la possibilité du danger auquel
ce droit serait exposé, les mesures conservatoires devraient être
accordées. Cependant, comme les mesures conservatoires sont de
caractère exceptionnel, exorbitant du droit commun, le tribunal
aura à apprécier la situation dans son ensemble ; c'est ainsi, par
exemple, que dans les pays de «temporary injuction », au cas où les
mesures demandées seraient particulièrement dures pour le défen-
deur, le juge ne les ordonnera que si le droit du demandeur lui
paraît clair ; c'est ainsi encore que, s'il lui paraît très probable

que le demandeur perdra son procès, il n'ordonnera pas les mesures
demandées. La question de la compétence du tribunal national
ne se pose pratiquement pas ; on s'adresse au tribunal compétent ;
si le tribunal n'est pas compétent, il n'ordonnera pas de mesures
II OPIS. DISS. DE 31. WIKIARSKI ET BADAWI PACHA
97
conservatoires. Mais en droit interne, il y a toujours un tribunal
qui est compétent.

En droit international, c'est le consentement des parties qiii

confère juridiction à la Cour ; la Cour n'a compétence que dans la
mesure où sa juridiction a étéacceptée par les parties. Le pouvoir
donné à la Cour par l'article 41 n'est pas inconditionnel ; il lui
est donné aux fins du procès, dans les limites du procès. Pas de
compétence au fond, pas de compétence pour indiquer des mesures
conservatoires. Ces mesures en droit international ont un caractère
exceptionnel à un plus haut degré encore qu'en droit interne ;
elles sont facilement considéréeçcomme une ingérence à peine
tolérable dans les affaires d'un Etat souverain. Pour cette raison
aussi, la Cour ne doit indiquer de mesures conservatoires que si sa
compétence, au cas où elle est contestée, lui parait néanmoins

raisonnablement probable. Cette appréciation doit êtrele résultat
d'un examen sommaire ; elle ne peut êtreque provisoire et ne peut
préjuger la décision finale qui interviendra après un examen
approfondi auquel la Cour procédera en statuant avec toutes les
garanties que lui imposent les règles de sa procédure.

Il nous est difficile d'admettre le point de vue d'après lequel,
si prima facie l'incompétence totale n'est pas évidente, donc s'il
existe une possibilité, si faible soit-elle, de compétence pour la
la Cour, elle peut indiquer des mesures conservatoires. Cette
méthode qui comporte, elle aussi, un élément d'appréciationet qui

ne réserve pas dans une plus grande mesure la liberté de la Cour
de statuer définitivement sur sa compétence, paraît cependant
partir de la présomption en faveur de la compétence de la Cour,
ce qui ne s'accorde pas avec les principes du droit international.
Pour être en accord avec le droit international, il faut renverser
les positions : s'il existe de fortes raisons en faveur de la compé-
tence contestée, la Cour peut indiquer des mesures conservatoires ;
s'il existe des doutes sérieux ou de fortes raisons contre cette
compétence, elle ne peut pas les accorder.
Pour minimiser l'importance de ce problème, on a invoqué
devant la Cour des exemples empruntés à la pratique des Tribunaux
?rbitraux mixtes. Or, ces tribunaux, organes communs de deux

Etats, diffèrent par leur caractère et par leur procédure d'un
tribunal international et, par conséquent, de la Cour internationale
de Justice ;il n'y a donc rien à tirer de leur jurisprudence.

On a invoqué aussi la jurisprudence de la Cour permanente de
Justice internationale ;or, cette jurisprudence ne justifie nullement
la thèse avancée. Des mesures conservatoires ont étédemandées
dans six affaires ; elles n'ont étéaccordées que dans deux. Dans
l'affaire sino-belge (1927), le Président a d'abord refusé, puis

1298 OPIN. DISS. DE M. WINIARSKI ET BADAWI PACHA
accordé, enfin révoqué les mesures conservatoires. Dans son

ordonnance, le Président a eu soin de dire : ((A titre provisoire,
en attendant l'arrêt définitif que la Cour rendra ....soit pour
décider de sa propre compétence, soit pour statuer sur le fond. »
En rapportant ces mesures, le Trésident a indiqué quelle était la
situation : ((le délaifixépour le dépôt du contre-mémoire n'étant
pas expiré,la Partie défenderessen'a pas eu l'occasion demanifester
son acceptation éventuelle de la juridiction de la Cour en l'espèce».
Dans l'affaire de la Compagnie d'Électricité de Sofia et de Bulgarie
(1939) la~Bulgarie a fait objection à la compétence de la. Cour.
L'objection a étéexaminée par la Cour et partiellement admise ;
pour le reste, la Cour s'est déclaréecompétente. C'est après seule-
ment que la Cour a indiqué les mesures conservatoires, et ceci
dans des termes très généraux.
Ily a certainement des cas où l'exception d'incompétence est

considérée comme simple moyen de défense, et où la partie,
déboutée deson exception, continue de participer au procès. Mais
dans notre cas la situation est totalement différente. L'Iran affirme
qu'il n'a pas accepté la juridiction de la Cour dans le cas présent,
qu'il n'est nullement liéen droit ;il a refuséde comparaître devant
la Cour et a indiqué les raisons de son attitude. La Cour doit donc
apprécier, sommairement et provisoirement, aux fins de la décision
qu'elle est appelée à prendre dans la question des mesures conser-
vatoires, quelle sera la plus probable des deux conclusions aux-
quelles elle pourrait arriver finalement sur sa compétence.

A cet égard, l'examen, toujours sommaire, des divers chefs de
compétence alléguéspar le Gouvernement du Royaume-Uni, nous
conduit à la conclusion provisoire que, si l'Iran n'accepte pas la

juridiction de la Cour en suivant la suggestion faite par le Royaume-
Uni au paragraphe 20 de la requête («A titre subsidiaire, que la
Cour ait ou non juridiction en cette affaire ....le Gouvernement
du Royaume-Uni est convaincu que l'Iran ....acceptera de se
présenter volontairement devant la Cour N), la Cour, lors de la
décisionfinale, sera amenée à se déclarer incompétente dans cette
affaire et que, telles étant les conditions, les mesures conservatoires
n'auraient pas dû êtreindiquées.

(Signé) B. WINIARSKI.

(Signé) BADAWIPACHA.

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OPINION DISSIDENTE DE M. WINIARSKI
ET BADAWI PACHA

Si justifiées que paraissent les mesures conservatoires formulées
dans la présente ordonnance, nous estimons que la Cour n'aurait
pas dû les indiquer pour des raisons de principe qu'il est de notre
devoir de constater brièvement.
Le problème des mesures conservatoires est liépour la Cour à
celui de sa compétence ; elle ne peut les indiquer que si elle admet,
ne fût-ce que provisoirement, sa compétence pour connaître du
fond de l'affaire. L'article 41 du Statut donne à la Cour le pouvoir
d'indiquer des mesures conservatoires ((si elle estime que les circon-

stances l'exigent ».Les dispositions de cet article présupposent la
compétence de la Cour ; cet article se trouve dans le chapitre
((Procédure », il parle des ((parties »: il faut donc qu'il y ait une
procédure au sens du Statut, qu'il y ait des parties.

On ne saurait assurément demander qu'en cas de contestation
la Cour tranchât définitivement la question de sa compétenceavant
d'indiquer des mesures conservatoires ; dans un cas pareil, la

demande risquerait de devenir sans objet ; mais la Cour doit
apprécier sa compétence comme raisonnablement probable.
L'article 41 donne à la Cour - ce qui est parfaitement naturel -
un autre pouvoir d'appréciation, celui d'apprécier si les circon-
stances exigent une indication de mesures conservatoires, et à ce
point de vue le pouvoir de la Cour internationale de Justice ne
diffèrepas en substance de celui du tribunal national. Le Président
Anzilotti, dans une opinion dissidente (affaire de la réformeagraire
polonaise, 1933)~est alléjusqu'à dire que si summaria cognitio, qui

est le propre de ce genre de procédure, permettait de retenir la
possibilité du droit revendiqué et la possibilité du danger auquel
ce droit serait exposé, les mesures conservatoires devraient être
accordées. Cependant, comme les mesures conservatoires sont de
caractère exceptionnel, exorbitant du droit commun, le tribunal
aura à apprécier la situation dans son ensemble ; c'est ainsi, par
exemple, que dans les pays de «temporary injuction », au cas où les
mesures demandées seraient particulièrement dures pour le défen-
deur, le juge ne les ordonnera que si le droit du demandeur lui
paraît clair ; c'est ainsi encore que, s'il lui paraît très probable

que le demandeur perdra son procès, il n'ordonnera pas les mesures
demandées. La question de la compétence du tribunal national
ne se pose pratiquement pas ; on s'adresse au tribunal compétent ;
si le tribunal n'est pas compétent, il n'ordonnera pas de mesures
II DISSENTING OPINION OF JUDGES WINIARSKI
AND BADAWI PASHA
[Translation]

However justified the interim measures of protection formulated
in this Order may appear, we are of opinion that the Court should
not have indicated them, on grounds of principle which it is Our
duty to indicate briefly.
The question of interim measures of protection is linked, for the
Court, with the question of jurisdiction; the Court has power to
indicate such measures only if it holds, should it be only provision-
ally, that it is competent to hear the case on its merits. Article 41
of the Statute empowers the Court to indicate interim measures of
protection "if it cansiders that circumstances so require". The

provisions of this Article presuppose the competence of the Court ;
this Article is to be found in the Chapter of the Statute headed
"Procedure", it refers to "the parties" : there must therefore be
proceedings within the meaning of the Statute and there must be
parties.
Clearly, it could not be claimed that, in the event of a challenge
of its jurisdiction, the Court should finally pronounce on this ques-
tion before indicating interim measures of protection ;in such a
case as this the request might well become pointless ;but the Court
must consider its competence reasonably probable.
Article41 naturally raises a different question for the considera-
tion of the Court, the question whether the circumstances require
provisional measures to be taken, and, from this point of view,
the power of the International Court of Justice is not in substance
different from that of a national tribunal. President Anzilotti, in
a dissenting opinion (in the Polish Agrarian Reform case, in 1933)
went so far as to Say that if the summaria cognitio, which was

characteristic of a procedure of that kind, enabled the Court to
take into account the possibility of the right claimed and the possi-
bility of the danger tc which that right was exposed, a request for
interim measures of protection should be granted. But as interim
measures of protection are exceptional in character and in deroga-
tion of general rights, the tribunal ought to examine the situation
as a whole ; thus, for instance, in the countries where there is power
to grant a temporary injunction,in caseswhere the measures asked
for would involve particular hardship on the respondent, a judge
will only grant it if the right of the applicant appears to him to be
clear ;thus, too, if it seems to him to be very probable that the
applicant will fail in the proceedings, he will refuse to grant the
relief asked for. The question of the jurisdiction of the national
tribunal does not in practice arise ; the application is made to the OPIS. DISS. DE 31. WIKIARSKI ET BADAWI PACHA
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conservatoires. Mais en droit interne, il y a toujours un tribunal
qui est compétent.

En droit international, c'est le consentement des parties qiii

confère juridiction à la Cour ; la Cour n'a compétence que dans la
mesure où sa juridiction a étéacceptée par les parties. Le pouvoir
donné à la Cour par l'article 41 n'est pas inconditionnel ; il lui
est donné aux fins du procès, dans les limites du procès. Pas de
compétence au fond, pas de compétence pour indiquer des mesures
conservatoires. Ces mesures en droit international ont un caractère
exceptionnel à un plus haut degré encore qu'en droit interne ;
elles sont facilement considéréeçcomme une ingérence à peine
tolérable dans les affaires d'un Etat souverain. Pour cette raison
aussi, la Cour ne doit indiquer de mesures conservatoires que si sa
compétence, au cas où elle est contestée, lui parait néanmoins

raisonnablement probable. Cette appréciation doit êtrele résultat
d'un examen sommaire ; elle ne peut êtreque provisoire et ne peut
préjuger la décision finale qui interviendra après un examen
approfondi auquel la Cour procédera en statuant avec toutes les
garanties que lui imposent les règles de sa procédure.

Il nous est difficile d'admettre le point de vue d'après lequel,
si prima facie l'incompétence totale n'est pas évidente, donc s'il
existe une possibilité, si faible soit-elle, de compétence pour la
la Cour, elle peut indiquer des mesures conservatoires. Cette
méthode qui comporte, elle aussi, un élément d'appréciationet qui

ne réserve pas dans une plus grande mesure la liberté de la Cour
de statuer définitivement sur sa compétence, paraît cependant
partir de la présomption en faveur de la compétence de la Cour,
ce qui ne s'accorde pas avec les principes du droit international.
Pour être en accord avec le droit international, il faut renverser
les positions : s'il existe de fortes raisons en faveur de la compé-
tence contestée, la Cour peut indiquer des mesures conservatoires ;
s'il existe des doutes sérieux ou de fortes raisons contre cette
compétence, elle ne peut pas les accorder.
Pour minimiser l'importance de ce problème, on a invoqué
devant la Cour des exemples empruntés à la pratique des Tribunaux
?rbitraux mixtes. Or, ces tribunaux, organes communs de deux

Etats, diffèrent par leur caractère et par leur procédure d'un
tribunal international et, par conséquent, de la Cour internationale
de Justice ;il n'y a donc rien à tirer de leur jurisprudence.

On a invoqué aussi la jurisprudence de la Cour permanente de
Justice internationale ;or, cette jurisprudence ne justifie nullement
la thèse avancée. Des mesures conservatoires ont étédemandées
dans six affaires ; elles n'ont étéaccordées que dans deux. Dans
l'affaire sino-belge (1927), le Président a d'abord refusé, puis

12 DISSENT .PIN. OF JUDGES WINIARSKI AND BADAWI PASHA
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competent tribunal ; if the tribunal has no jurisdiction it will not
order interim measures. But, in municipal law, there is always some
tribunal which has jurisdiction .
In international law it is the consent of the parties which confers
jurisdiction on the Court ;the Court has jurisdiction only in so far

as that jurisdiction has been accepted by the parties. The power
given to the Court by Article 41 is not unconditional ; it is given
for the purposes of the proceedings and is limited to those proceed-
ings. If there is no jurisdiction as to the merits, there can be no
jurisdiction to indicate interim measures of protection. Measures
of this kind in international law are exceptional in character to an
even greater extent than they are in municipal law ; they may
easily be considered a scarcely tolerable interference in the affairs
of a sovereign State. For this reason, too, the Court ought not to
indicate intenm measures of protection unless its competence, in
the event of this being challenged, appears to the Court to be never-
theless reasonably probable. Its opinion on this point should be

reached after a summary consideration ;it can only be provisional
and cannot prejudge its final decision, after the detailed consider-
ation to which the Court will proceed in the course of adjudicating
on the question in conformity with al1the Rules laid down for its
procedure.
We find it difficult to accept the view that if prima facie the
total lack of jurisdiction of the Court is not patent, that is, if there
is a possibility, however remote, that the Court may be competent,
then it may indicate interim measures of protection. This approach,
which also involves an element of judgment, and which does not
reserve to any greater extent the right of the Court to give a final
decision as to its jurisdiction, appears however to be based on a
presumption in favour of the competence of the Court which is not
in consonance with the principles of international law. In order to

accord with these principles, the position should be reversed :if
there exist weighty arguments in favour of the challenged juris-
diction, the Court may indicate interim nieasures of protection ;
if there exist serious doubts or weighty arguments against this
jurisdiction such measures cannot be indicated.
In order to minimize the seriousness of this question, there have
been invoked before the Court examples taken from the practice
of the Mixed Arbitral Tribunals. But these tribunals, as joint organs
of two States, differ both as to their character and as to their
procedure from an international tribunal, and, therefore, from
the International Court of Justice, and there is, consequently,
nothing to be learned from their precedents.
There were also invoked precedents of the Permanent Court of

International Justice ; these precedents,however, in no way support
the argument put forward. Interim measures of protection were
requested in six cases ;the requests were granted in only two. In
the Belgian-Chinesecase (in 1gz7), the President first refused, then
1298 OPIN. DISS. DE M. WINIARSKI ET BADAWI PACHA
accordé, enfin révoqué les mesures conservatoires. Dans son

ordonnance, le Président a eu soin de dire : ((A titre provisoire,
en attendant l'arrêt définitif que la Cour rendra ....soit pour
décider de sa propre compétence, soit pour statuer sur le fond. »
En rapportant ces mesures, le Trésident a indiqué quelle était la
situation : ((le délaifixépour le dépôt du contre-mémoire n'étant
pas expiré,la Partie défenderessen'a pas eu l'occasion demanifester
son acceptation éventuelle de la juridiction de la Cour en l'espèce».
Dans l'affaire de la Compagnie d'Électricité de Sofia et de Bulgarie
(1939) la~Bulgarie a fait objection à la compétence de la. Cour.
L'objection a étéexaminée par la Cour et partiellement admise ;
pour le reste, la Cour s'est déclaréecompétente. C'est après seule-
ment que la Cour a indiqué les mesures conservatoires, et ceci
dans des termes très généraux.
Ily a certainement des cas où l'exception d'incompétence est

considérée comme simple moyen de défense, et où la partie,
déboutée deson exception, continue de participer au procès. Mais
dans notre cas la situation est totalement différente. L'Iran affirme
qu'il n'a pas accepté la juridiction de la Cour dans le cas présent,
qu'il n'est nullement liéen droit ;il a refuséde comparaître devant
la Cour et a indiqué les raisons de son attitude. La Cour doit donc
apprécier, sommairement et provisoirement, aux fins de la décision
qu'elle est appelée à prendre dans la question des mesures conser-
vatoires, quelle sera la plus probable des deux conclusions aux-
quelles elle pourrait arriver finalement sur sa compétence.

A cet égard, l'examen, toujours sommaire, des divers chefs de
compétence alléguéspar le Gouvernement du Royaume-Uni, nous
conduit à la conclusion provisoire que, si l'Iran n'accepte pas la

juridiction de la Cour en suivant la suggestion faite par le Royaume-
Uni au paragraphe 20 de la requête («A titre subsidiaire, que la
Cour ait ou non juridiction en cette affaire ....le Gouvernement
du Royaume-Uni est convaincu que l'Iran ....acceptera de se
présenter volontairement devant la Cour N), la Cour, lors de la
décisionfinale, sera amenée à se déclarer incompétente dans cette
affaire et que, telles étant les conditions, les mesures conservatoires
n'auraient pas dû êtreindiquées.

(Signé) B. WINIARSKI.

(Signé) BADAWIPACHA. DISSENT. OPIN. OF JUDGES WINIARSKI AND BADAWI PASHA 98
granted, and, finally, revoked the interim measures of protection.
In his Order, the President was careful to Say : "Provisionally,
pending the final decision of the Court ...either on the question
of its jurisdiction or on the merits." In revoking these measures

the President pointed out what were the circumstances : "the
time-limit allowed for the filing of the Counter-Case has not expired,
the Respondent has not had an opportunity of indicating whether
he accepts the Court's jurisdiction in the case". In the caseconcern-
ing the Electricity Company of Sofia and Bulgaria (in 1939), Bul-
garia objected to the jurisdiction of the Court. The objection was
considered by the Court and allowed in part ; as to the remainder,
the Court held itself competent. It was only after this finding that
the Court indicated interim measures of protection, and then in
very general terms.
There are certainly cases in which the objection to the jurisdic-
tion is regarded as amere ground of defence, and in which the party
overruled in its objection continues to take part in the proceedings.
But in this case the facts arequite different. Iran affirms that it has

not accepted the jurisdiction of the Court in the present matter and
that it is in no way bound in law ; it has refused to appear before
the Court and has put forward reasons for its attitude. The Court
ought therefore to decide, in a summary way and provisionally,
for the purpose of arriving at the decision which it must take on
the question of interim measures of protection, which is the more
probable of the two conclusions which it may finally come to on
the question of its jurisdiction.
In this connection, a consideration, entirely summary in charac-
ter, of the various grounds upon which the Government of the
United Kingdom alleges that the Court has jurisdiction, leads us
to the provisional conclusion that if Iran does not accept the
jurisdiction of the Court in pursuance of the suggestion made by
the United Kingdom in paragraph 20 of the Application ("Alter-
natively, whether or not the Court has the right to exercize juris-

diction in this case ....the Government of the United Kingdom
expects that Iran ....will agree to appear before the Court volun-
tarily"), the Court will at the time of its final decision be com-
pelled to hold itself without jurisdiction in this case and that,
in these circumstances, interim measures of protection shauld not
have been indicated.

(Signed) B. WINIARSKI.

(Signed) BADAWIPASHA.

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