Opinion individuelle, en partie concordante et en partie dissidente, de M. le juge ad hoc Orrego Vicuña

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137-20140127-JUD-01-10-EN
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OPINION INDIVIDUELLE,
EN PARTIE CONCORDANTE ET EN PARTIE DISSIDENTE,
DE M. LE JUGE AD HOC ORREGO VICUÑA

[Traduction]

Point de départ de la délimitation des zones maritimes — Reconnaissance du
parallèle — Frontière maritime unique — « Domaine maritime » régi par la
convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 — Liberté de navigation
au­delà de 12 milles marins — Doutes sur le bien­fondé de la décision de ne faire
coïncider la frontière maritime avec le parallèle que sur une l▯ongueur demilles
marins — Ce que montre la longue pratique des Parties — Disproportion résultant

de l’application de la méthode de l’équidistance et de la pr▯ésence du «triangle
extérieur » — Accès négocié aux ressources halieutiques — Rôle du principe
d’équité en droit international.

1. M me la juge Xue, MM. les juges Gaja et Bhandari et moi-même, en
ma qualité de juge ad hoc, avons joint à l’arrêt une opinion dissidente

commune se rapportant à certains aspects juridiques essentiels dudit é
arrêt, opinion dans laquelle nous avons concentré notre attention ésur l’in -
terprétation qu’il convient de donner des proclamations présidentielles de
1947 (mémoire du Pérou, annexes 6 et 27), de la déclaration de Santiago

de 1952 (ibid., annexe 47) et de l’accord de 1954 relatif à une zone fron -
tière maritime spéciale (ibid., annexe 50), ainsi que sur les raisons pour
lesquelles l’examen de ces instruments amène à conclure que lesé Parties
s’étaient accordées à considérer que la frontière entrée leurs zones mari -

times respectives suivait le parallèle de latitude jusqu’à une édistance de
200 milles marins de son point de départ.
2. J’estime qu’il est de mon devoir, pour compléter ce qui est dit dans
cette opinion dissidente commune, de traiter de quelques autres questions

que soulevait le règlement du différend soumis à la Cour. Suré certaines de
ces questions, je suis d’accord avec le raisonnement que la Cour a suéivi et
les conclusions qu’elle a énoncées dans son arrêt, comme on éle verra plus
loin. Sur d’autres, en revanche, mon opinion s’écarte de celle éde la majo -

rité des juges. Je joins à l’arrêt la présente opinion saéns me départir aucu-
nement du profond respect que j’éprouve à l’égard des memébres de la
Cour et de son président, qui tous se sont vaillamment efforcés de trouver
une position commune sur nombre de questions difficiles, sans malheu -

reusement toujours y parvenir.
3. La première question sur laquelle je suis d’accord avec ce que dité
l’arrêt est celle du point de départ de la délimitation des zones maritimes
à laquelle la Cour devait procéder. Celle-ci a eu raison de décéider que ce

point eso l’intersection du parallèle de latitude passaot par la béorne fron -
tière n 1 avec la laisse de basse mer. La borne n 1, désignée dès 1930
dans l’acte final concernant la démarcation et l’abornement dée la frontière

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5 CIJ1057.indb 249 1/12/14 08:59 différend maritime (opé. ind. orrego vicuña) 126

terrestre définie dans le traité de 1929 entre le Pérou et leé Chili (mémoire

du Pérou, annexe 55), est située par 18° 21΄ 03˝ de latitude sud. Dans ses
écritures, comme il l’avait d’ailleurs fait dans sa législatéion relative aux
lignes de base, le Pérou situait le départ de la frontière mariétime au point
se trouvant par 18° 21΄ 08˝ de latitude sud et 70° 22΄ 39˝ de longitude
ouest. Il découle de l’arrêt que le point terminal de ses ligneés de base ne

peut pas, désormais,oêtre situé au sud de l’intersection du éparallèle pas -
sant par la borne n 1 avec la laisse de basse mer.
4. Il importe aussi de noter que la Cour a conclu que, n’ayant à statéuer
que sur le point de départ de la délimitation maritime, elle n’éavait pas à
prendre position sur l’emplacement du point où commence la frontièére

terrestre (arrêt, par. 175).
5. La Cour a eu raison également de conclure que la frontière maritime
suit en direction de l’ouest le parallèle passant par la borne froéntière no 1.
C’est là une conséquence importante de la conclusion de la Couré selon
laquelle l’accord relatif à une zone frontière maritime spécéiale emportait

reconnaissance de ce parallèle. Cette conclusion est elle-même liée à la
constatation de l’importance juridique, admise par l’une et l’aéutre Parties,
que revêt la déclaration de Santiago de 1952 en tant que traité encore en
vigueur. La Cour a admis également que les arrangements de 1968-1969 é
relatifs aux phares confirmaient la préexistence d’une frontièére maritime

coïncidant avec le parallèle (ibid., par. 130). Comme nous l’avons relevé
dans notre opinion dissidente commune, il en va de même du protocole é
d’adhésion de 1955 à la déclaration de Santiago (mémoireé du Pérou,
annexe 52), même si la Cour, dans son arrêt, a pris sur ce point une poséi -
tion différente.

6. La conclusion susmentionnée de la Cour repose toutefois sur l’idéée
que l’acceptation du parallèle par les Parties est l’expressioné d’un accord
tacite intervenu entre elles. Or, comme nous l’avons aussi noté daéns notre
opinion dissidente commune, tel n’est pas le cas. Cette reconnaissancée
procède des engagements conventionnels expressément contractés par les

Parties en 1952 et en 1954, qu’il faut considérer compte tenu du séens et de
la portée des proclamations de 1947. Ces engagements conventionnels
doivent, en tant que tels, être interprétés conformément à la convention
de Vienne sur le droit des traités de 1969 ; la conclusion correcte à tirer de
ces engagements ainsi interprétés est que la frontière coïncéidant avec le

parallèle se prolongeait jusqu’à une distance de 200 milles marins.
7. La Cour est également parvenue à la bonne conclusion quant à laé
nature de la frontière maritime, décidant qu’il s’agissait dé’une frontière
unique à vocation générale. Cette frontière vaut donc non seulement pour
des activités halieutiques limitées s’exerçant dans les eauxé surjacentes,

mais aussi pour toute activité relevant du régime de la zone écéonomique
exclusive et du plateau continental et de son sous-sol.
8. La réponse apportée à la question de la nature de la frontièére mari -
time importe aussi de par son incidence sur le type de juridiction que lée
Pérou est en droit d’exercer dans ses zones maritimes. Au Péroué même, la

question de savoir si le « domaine maritime» revendiqué par ce pays dans

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5 CIJ1057.indb 251 1/12/14 08:59 différend maritime (opé. ind. orrego vicuña) 127

les eaux adjacentes à ses côtes était une mer territoriale ou séimplement

une zone où il exerçait des compétences fonctionnelles de gestiéon des res-
sources est restée longtemps controversée. Des juristes et des homémes
d’Etat éminents avaient là-dessus des avis divergents. La thèése de la mer
territoriale a certes trouvé son expression dans divers textes légéislatifs,
dont la loi secrète n o13508 du 6 février 1961 (loi n 13508, «Loi secrète»,

promulguée le 6 février 1961, Marine péruvienne, Recueil des textes légis ­
latifs péruviens, vol. LII, textes législatifs de 1960, p. 89), ainsi que dans des
amendements constitutionnels, mais l’interprétation de ces textes éa entre -
tenu la controverse avec les tenants de la thèse des compétences féonction-
nelles. C’est en raison de ces divergences d’opinion que le Pérou n’a pas

signé la convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982.
9. La Cour internationale de Justice vient de mettre un terme à cette
controverse. Elle prend note dans son arrêt de la déclaration forméelle de
l’agent du Pérou, selon laquelle l’expression « domaine maritime » qui
figure dans la Constitution péruvienne « est utilisée en conformité avec les

définitions des espaces maritimes prévus par la convention de 1982 »
(CR 2012/27, p. 22, par. 26 (Wagner)). La Cour, suivant à cet égard sa
jurisprudence établie de longue date, note également que cette dééclaration
exprime un engagement formel du Pérou. Il s’ensuit que le Péroué est en
droit d’exercer sa juridiction jusqu’à 12 milles marins dans sa mer territo -

riale, jusqu’à 24 milles marins dans la zone contiguë et jusqu’à 200 milles
marins dans sa zone économique exclusive et sur son plateau continental.
10. Le règlement de cette question importe non seulement parce qu’il
va clarifier la législation péruvienne et les amendements qui y éont été
apportés, mais encore parce qu’il est une contribution apportéeé par la

Cour à la mise en œuvre du droit de la mer. Si le « domaine maritime »
que revendiquait le Pérou avait été assimilé à une mer teérritoriale, la Cour
n’aurait eu d’autre choix que de déclarer la requête irrecevéable, étant
donné qu’elle ne saurait procéder à la délimitation de zoénes maritimes
définies en violation du droit de la mer contemporain, ce qui aurait mani -

festement été le cas si elle avait entrepris de délimiter une méer territoriale
s’étendant jusqu’à 200 milles marins.
11. La manière dont la Cour a tranché la question entraîne une conséé -
quence encore plus importante qui intéresse la communauté internatéio -
nale tout entière. En effet, les navires marchands ou de guerre, baéttant

pavillon de n’importe quel Etat, y compris les navires chiliens, jouissent
désormais de la pleine liberté de navigation au-delà de la mer éterritoriale
de 12 milles marins du Pérou, dans une zone où les sous-marins pourront é
naviguer en plongée. Les aéronefs jouiront quant à eux d’uneé totale
liberté de survol. Les restrictions visant ces activités devront êétre levées.

12. Tout en saluant la contribution que la Cour vient d’apporter à la
mise en œuvre du droit de la mer, je suis à mon grand regret en déésaccord
avec elle sur plusieurs points de son arrêt. Comme nous l’avons reélevé
dans notre opinion dissidente commune, rien ne vient étayer la concluésion
de la Cour selon laquelle la frontière maritime comprend deux segments,

dont le premier coïncide avec le parallèle jusqu’au point A situé à 80milles

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5 CIJ1057.indb 253 1/12/14 08:59 différend maritime (opé. ind. orrego vicuña) 128

marins de son point de départ, tandis que le second, à partir du péoint A,
suit une ligne d’équidistance jusqu’au point B et se poursuit au-delà

jusqu’au point C.
13. Il ressort du dossier de l’affaire que ni l’une ni l’autre deés Parties
n’a plaidé pour le choix d’une distance de 80 milles marins, non plus d’ail-
leurs que d’une autre distance inférieure à 200 milles marins. Surtout, le
dossier ne renferme rien qui indique qu’une distance plus courte ait éjamais

été envisagée durant le long processus qui a abouti à l’éétablissement d’une
zone de 200 milles marins. Il eût en fait été surprenant que les Parties
optent pour une frontière ainsi abrégée alors qu’elles s’éefforçaient indivi -
duellement et en collaboration avec d’autres Etats d’établir unée zone de
200 milles marins qui soit internationalement reconnue. Si telle avait étéé
leur intention, elles auraient fait une déclaration expresse en ce seéns.

14. La reconnaissance du parallèle dans l’accord de 1954 relatif à éune
zone frontière maritime spéciale n’est pas assortie de restrictéions de cet
ordre, et, bien que l’emplacement du point terminal de la frontièrée n’y
soit pas expressément spécifié, le contexte indique clairemenét qu’il était
envisagé qu’elle se poursuive sur toute la largeur de 200 milles marins de

la zone maritime revendiquée par les Parties. D’éminents juristées, dont le
juge Eduardo Jiménez de Aréchaga, ancien président de la Cour, et des
géographes non moins éminents sont parvenus à cette conclusion,é comme
l’indique le dossier.
15. La conclusion énoncée dans l’arrêt procède essentiellemenét de

l’idée que l’accord de 1954 relatif à une zone frontière maritime spéciale
était applicable aux petits navires de pêche dépourvus d’aidées à la naviga -
tion perfectionnées, et elle repose sur l’hypothèse que ces navéires avaient
un rayon d’action assez limité. Or, ce qui pouvait fort bien êtére vrai pour
certains navires de pêche ne l’est pas pour les navires de pêche industrielle
de fort tonnage qui opèrent depuis quelque temps dans la zone considéé -

rée. Il y a lieu de rappeler que les activités halieutiques exercéées dans cette
zone sont intimement liées aux caractéristiques biologiques et nutérition -
nelles du courant de Humboldt.
16. Il est à noter également que, même si la zone frontière mariétime
spéciale avait été conçue comme ne s’étendant que jusqéu’à une distance

limitée, ce qui n’est pas le cas, la frontière maritime, ayant éété établie
indépendamment de toute zone maritime spéciale qui pouvait ultéérieure -
ment y être rapportée, n’en aurait pas moins eu une longueur de 200milles
marins. Pour justifier toute interprétation contraire, il faudrait épouvoir
invoquer une entente expresse entre les Parties, laquelle n’existe paés.

17. Il importe aussi de relever que, dans son arrêt, la Cour a correcte -
ment expliqué que même les petits navires exploités à partiré d’Ilo, princi-
pal port péruvien de la région, partant à la recherche de fonds de pêche
situés à quelque 60 milles marins en direction du sud-ouest, auraient
franchi le parallèle constituant la frontière convenue à une diéstance d’en -
viron 100 milles marins du point de départ de celle-ci (arrêt, par. 108). Si

ces fonds de pêche s’étaient trouvés à 80 milles marins d’Ilo, la frontière
coïncidant avec le parallèle aurait été franchie à enviroén 120milles marins

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5 CIJ1057.indb 255 1/12/14 08:59 différend maritime (opé. ind. orrego vicuña) 129

de son point de départ. La Cour explique aussi que, dans le cas du port

d’Arica, la situation est différente, mais cela ne change rien àé l’emplace -
ment des fonds de pêche, et les intérêts des pêcheurs opérant depuis Ilo
auraient tout aussi bien été protégés jusqu’à des distéances supérieures à
80 milles marins.
18. La Cour ayant fondé le raisonnement qui l’a conduite à rendre son

arrêt sur l’idée que la frontière maritime avait été dééterminée par un
accord tacite entre les Parties, elle a quelque peu perdu de vue le rôle que
les instruments pertinents ont joué dans la genèse et la concréétisation d’un
engagement conventionnel concernant ladite frontière. Les proclamatioéns
présidentielles de 1947 revêtent une importance plus grande que ceélle que

la Cour semble leur avoir accordée dans son arrêt. Même si ces proclama -
tions emploient sur certains points un langage juridique moins précisé que
celui qui a cours actuellement, leur texte n’en témoigne pas moinsé qu’une
frontière d’une longueur de 200 milles marins séparant les espaces mari -
times des Parties était alors à l’ordre du jour, comme nous l’éavons expli -

qué dans notre opinion dissidente commune.
19. La déclaration de Santiago de 1952 était encore plus explicite quaént
à l’établissement de la frontière maritime. Ce point est traéité en détail dans
notre opinion dissidente commune. La référence qui est faite en soén
article IV à une zone maritime générale délimitée par le parallèéle de lati -

tude ne saurait être que l’expression d’une entente entre les Péarties selon
laquelle la ligne frontière séparant les zones relevant de leurs jéuridictions
respectives coïncidait avec ce parallèle, indépendamment des néécessités de
la délimitation des eaux entourant les îles. Même dans l’hypéothèse où cette
zone maritime générale n’aurait été pertinente que pour cée qui concerne les

îles, hypothèse qui est fausse, le principe de l’utilisation du parallèle pour
la délimitation des eaux entourant les îles proches de la frontièére maritime
entre le Chili et le Pérou aurait été applicable tout comme danés le cas des
îles équatoriennes. La déclaration n’opère aucune distincétion entre les îles
selon qu’elles relèvent de la juridiction de l’Equateur, du Péérou ou du

Chili, ni non plus entre les petites et les grandes îles, et il n’éy a donc aucune
raison d’écarter la pertinence de certaines îles lorsqu’il sé’agit de déterminer
le rôle de la zone maritime générale délimitée par le paréallèle.
20. L’abondante pratique juridique des Parties et les multiples échangées
diplomatiques qu’elles ont eus après la conclusion de l’accord éde 1954

relatif à une zone frontière maritime spéciale montrent claireméent com -
ment elles ont interprété les instruments de 1952 et 1954. La résolution
édictée par le président du Pérou en 1955 (résolution suéprême n o23 du
12 janvier 1955 relative à la zone maritime de 200 milles marins, mémoire
du Pérou, annexe 9), qui définissait les critères techniques de démarcation

de la frontière et indiquait expressément que la ligne délimitaént la zone
maritime du Pérou dans sa largeur «ne [pouvait] dépasser le parallèle pas -
sant par le point où aboutit à la mer la frontière terrestre dué Pérou », et
qui faisait référence tant à la déclaration de Santiago qu’éà l’accord de
1954 relatif à une zone frontière maritime spéciale, présentée à cet égard

un intérêt tout particulier.

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21. L’abondante pratique des Parties comprend aussi des mesures

visant à faire respecter la frontière, et concernant la pêche, éla navigation
maritime et aérienne, la pose de câbles sous-marins et bien d’aéutres
domaines. Cette pratique suffit à montrer que, même si la Cour coénsidé -
rait que les accords n’avaient joué qu’un rôle limité danés l’établissement
de la frontière coïncidant avec le parallèle, elle aurait à étout le moins dû

constater que les Parties avaient admis l’existence entre leurs zones mari -
times respectives d’une frontière acceptée suivant sur toute saé longueur le
parallèle.
22. Alors que cette pratique, qui s’est manifestée pendant plus de
soixante ans, revêt une grande importance, la Cour, dans son arrêté, tend

à en minimiser le poids, voire à l’écarter purement et simpléement. Si la
Cour n’a tenu compte que dans une mesure limitée du rôle de la élégisla -
tion et de la pratique des Parties, c’est parce qu’elle est partieé de l’idée que
les proclamations de 1947 et les instruments qui ont suivi jusqu’àé 1954
n’étaient pas conformes au droit de la mer tel qu’on l’entenédait à l’époque

et que, par conséquent, il était impossible de tracer une frontièére maritime
qui aurait reflété des revendications excédant ce qui étaiét alors autorisé
par ce droit.
23. Je suis au regret de ne pas partager cette conception étroite, et
considère, comme il est expliqué dans notre opinion dissidente commune,

que les instruments conclus à l’époque ont tout de même perméis de déga -
ger un accord de délimitation maritime entre trois Etats concernant les
zones auxquelles ils pouvaient prétendre. En fait, les proclamations éprési -
dentielles et les instruments qui ont suivi, de même d’ailleurs quée certains
instruments plus anciens, sont à l’origine d’un processus qui, éà l’issue

d’une évolution systématique, a abouti à la formation du conécept de zone
économique exclusive et d’autres notions essentielles qui font maiéntenant
partie du droit de la mer tel qu’il est codifié par la conventioén des
Nations Unies de 1982, et que la Cour considère comme appartenant au
droit international coutumier. C’est ce qu’ont reconnu les particiépants à

la troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer lors d’une
séance plénière consacrée à un hommage à la mémoireé du président
González Videla, décédé en 1980 (extrait des actes officiels de la troéi -
sième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, vol. XIV,
doc. A/CONF.62/SR.137, 137 e séance (jeudi 26 août 1980, 15 h 25),

par. 67).
24. Il y a lieu de noter que, dans son arrêt, la Cour attache une impor -
tance particulière à ce qu’il est convenu d’appeler le méémorandum Bákula
(arrêt, par. 136-142). J’ai eu le privilège de collaborer pendant de nom -
breuses années avec l’ambassadeur Juan Miguel Bákula, éminent diplomate

et juriste péruvien, au cours des négociations qui ont abouti àé l’adoption de
la convention sur le droit de la mer. Le mémorandum Bákula n’a pas été
rédigé dans la perspective d’une initiative diplomatique du Gouévernement
péruvien. Il s’agissait d’une proposition faite à titre perséonnel par l’ambas -
sadeur Bákula pour déterminer si certaines idées concernant la déliémitation

maritime avaient des chances d’être acceptées.

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5 CIJ1057.indb 259 1/12/14 08:59 différend maritime (opé. ind. orrego vicuña) 131

25. Le but dans lequel a été rédigé le mémorandum est attestéé par la
note l’accompagnant, note adressée le 23 mai 1986 au ministre chilien des

affaires étrangères par l’ambassade du Pérou à Santiago, où il est fait
référence au résumé des déclarations que l’ambassadeur « s’était permis
de faire» lors d’une audience que lui avait accordée le ministre (mémoire
du Pérou, annexe 76). Il est vrai que le communiqué officiel publié le
13 juin 1986 par le ministère chilien des affaires étrangères indiquaéit par

erreur qu’il s’agissait de l’expression de l’« intérêt manifesté par le Gou -
vernement péruvien» (ibid., annexe 109) pour l’ouverture de négociations
sur la délimitation maritime (arrêt, par. 138), mais, si tel avait été effecti -
vement l’objet du mémorandum, le ministère chilien des affairées étran -
gères n’aurait pas attendu quinze ans pour donner suite à cetteé ouverture.
La Cour minimise également dans son arrêt l’importance de la pratique

qui a suivi l’envoi du mémorandum, comme si la communication de ceé
texte pouvait en quelque sorte marquer une date critique aux fins de lé’exa -
men de la présente affaire.
26. Ainsi, la frontière tracée jusqu’au point A se poursuit jusqu’au
point B en un deuxième segment coïncidant avec la ligne d’équidistéance

établie à partir du point A, et ensuite en un troisième qui s’achève au
point C, où la frontière rencontre le « triangle extérieur » revendiqué par
le Pérou, dont je traiterai plus loin.
27. La Cour a retenu dans son arrêt une solution sans précédent pouér
procéder à la délimitation maritime dans le contexte des circonéstances

complexes de l’affaire. Cette solution semble donner satisfaction àé l’une
des Parties en ce qu’elle établit une frontière qui suit le parallèle jusqu’éà la
distance indiquée, et à l’autre en ce que la frontière se poursuit selon une
ligne d’équidistance, en combinant les deux méthodes principaleés envisa -
geables pour le règlement du différend, moyennant toutefois une modifi -
cation de leur sens et de leur portée.

28. Même si la Cour a conclu que cette solution n’entraînait pas une
disproportion marquée susceptible de mettre en question le caractèére
équitable de la ligne d’équidistance provisoire (ibid., par. 194), la situation
réelle semble différente. De fait, on constate que la délimitéation selon un
parallèle n’ayant été retenue que jusqu’à une distance de 80 milles marins,

le Pérou se voit attribuer un nombre non négligeable de kilomètéres carrés
au sud de la ligne coïncidant avec le parallèle sur une distance dée 20m 0 illes
marins, et que l’espace maritime auquel a droit le Chili est amputé d’au -
tant. Cette amputation est certes moindre que si la méthode uniquemenét
fondée sur l’équidistance que prônait le Pérou avait éété retenue, mais le

Chili n’en perd pas moins un nombre assez considérable de kilomèétres car -
rés. Pour autant que cette situation jette un certain doute sur le seéns attri-
bué à la notion de proportionnalité, elle ne peut être pleinéement évaluée
sans tenir compte de l’incidence de la présence du « triangle extérieur» sur
la répartition des zones maritimes, comme je l’expliquerai plus loéin.
29. Même si son arrêt est critiquable sur les points que j’ai relevéés plus

haut, la Cour a judicieusement déclaré avoir « conscience», aux fins de la
détermination de la longueur de la frontière maritime latérale,é « de l’im -

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5 CIJ1057.indb 261 1/12/14 08:59 différend maritime (opé. ind. orrego vicuña) 132

portance que la pêche a revêtue pour les populations côtières des deux
Parties» (arrêt, par. 109), manifestant ainsi qu’elle se préoccupait des

conséquences sociales et économiques que la solution retenue pouvaéit
avoir pour ces populations. L’une des manifestations de cette préoéccupa-
tion est que, selon la solution choisie, le secteur maritime se trouvanté au
large du port d’Arica, bien qu’amputé par le tracé de la ligéne d’équidis -
tance, n’est pas enclavé et reste ouvert sur la haute mer. On peuté considé-

rer que cette conclusion de la Cour joue un rôle plus ou moins analogue
à celui de la prise en considération de « circonstances spéciales » pour
l’ajustement d’une frontière maritime, même si elle n’esté pas explicitement
présentée comme telle.
30. L’arrêt, sous cet aspect, entraîne une autre conséquence encéore
plus importante, à savoir que les Parties sont maintenant en droit deé

négocier l’accès des pêcheurs concernés aux lieux de pêéche qui sont passés
sous la juridiction du Pérou, conformément au paragraphe 2 de l’ar -
ticle 62 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, qui
prévoit que l’Etat côtier donne aux autres Etats accès à él’excédent du
volume admissible des prises. Le régime juridique de la zone éconoémique

exclusive désormais applicable au Pérou serait ainsi pleinement respecté.
Le respect de ce régime doit s’étendre au « triangle extérieur », dont les
ressources halieutiques ont également été reconnues comme préésentant de
l’intérêt dans le cadre de l’organisation régionale de geéstion des pêches du
Pacifique Sud, aux travaux de laquelle le Chili et le Pérou participent l’un

et l’autre, le premier en tant qu’Etat partie et le second en tanté que signa -
taire.
31. Le débat concernant l’étendue des revendications et leurs efféets est
indissociable de l’examen de la seconde demande du Pérou, relativeé au
«triangle extérieur», par laquelle celui-ci prie la Cour de dire et juger qu’il
peut prétendre à l’exercice de droits souverains exclusifs sur éla totalité de

l’espace maritime s’étendant jusqu’à une distance de 200 milles marins de
ses lignes de base. Le Chili n’a émis aucune prétention juridicétionnelle sur
cette zone, fondée sur la notion de « mer présentielle» ou toute autre jus -
tification, mais il a des droits de pêche dans un secteur qui, jusqéu’à pré -
sent, faisait partie de la haute mer. Il faut souligner que, en principeé, les

Etats peuvent prétendre à toute zone maritime comprise entre leursé lignes
de base et la limite que prévoit le droit international. La Cour, ayaént
retenu dans son arrêt la ligne d’équidistance pour tracer le deéuxième seg -
ment de la frontière, a conclu qu’elle n’avait pas à statueré sur la seconde
conclusion finale du Pérou concernant le « triangle extérieur».

32. Je ne suis pas en mesure de souscrire à cette conclusion de la Cour, é
et ce, pour deux raisons. La première est que l’existence du « triangle exté -
rieur» résulte de ce que le Pérou a retenu la méthode des arcs deé cercle
lorsqu’il a adopté sa loi du 3 novembre 2005 sur les lignes de base de son
domaine maritime (mémoire du Pérou, annexe 23), et non pas la méthode
du «tracé parallèle» employée dans les années 1950. Il a été affirmé queé la

méthode des arcs de cercle avait été employée antérieurement, mais cette
assertion n’est pas clairement étayée par les éléments deé preuve versés au

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dossier, comme nous l’avons relevé dans notre opinion dissidente céom -
mune. Dans cette opinion commune, nous expliquons que, en fait, les

mesures législatives invoquées pour étayer cette assertion montérent plutôt
le contraire, à savoir que c’était la méthode du tracé parallèle qui était
employée durant les périodes antérieures.
33. Le recours en 2005 à la méthode des arcs de cercle est très large -
ment postérieur à la date critique que constitue l’an 2000, et est intervenu

vingt ans après la communication en 1986 du mémorandum Bákula,
laquelle marque le moment à partir duquel la Cour a jugé que la préatique
des Parties avait moins d’importance pour le règlement du difféérend. Il
aurait fallu appliquer le même critère à la loi de 2005 et au déispositif
connexe de mise en œuvre sur lequel s’appuie la nouvelle méthodée,
moyennant quoi l’incidence de ces facteurs sur la délimitation maréitime

aurait été également réduite.
34. La seconde raison pour laquelle je ne peux m’associer à la conclu -
sion de la Cour est que la question du « triangle extérieur» aurait dû être
examinée en même temps que la revendication d’une ligne d’ééquidistance.
Les deux secteurs s’additionnant, l’une des Parties se voit attribéuer une

proportion de l’espace maritime contesté beaucoup plus grande que écelle
accordée à l’autre, si bien que le critère de proportionnaliété ne semble pas
avoir été respecté. Il n’y avait aucune raison de considéérer que les deux
revendications étaient distinctes. Elles étaient simplement les deéux volets
d’une revendication unique qui tendait à étendre la juridictioné de la Partie

concernée à une zone s’avançant très au large dans le Pacéifique, et auraient
dû par conséquent être considérées comme formant un tout éaux fins de
décider du rôle que devait jouer le principe d’équité. Ené fait, la propor -
tionnalité qui aurait résulté du tracé d’une frontièreé suivant d’un bout à
l’autre le parallèle et de l’existence du « triangle extérieur » aurait permis
au principe d’équité de jouer dans une mesure plus raisonnable, confor -

mément au droit applicable.
35. Ce que je viens de dire m’amène à exprimer une autre préoccupa -
tion que m’inspire l’arrêt, préoccupation qui a trait au rôéle que le principe
d’équité joue d’une manière générale en droit interénational. Bien qu’il soit
généralement admis que ce principe constitue une source du droit selon le

statut de la Cour, celle-ci a toujours considéré que le rôle deé l’équité était
limité par le droit en vigueur, et a donc retenu l’équité infra legem, c’est-
à-dire subordonnée au droit en vigueur, plutôt que l’équité preter legem
ou contra legem.
36. D’éminents spécialistes du droit international ont noté que, dans

les premières tentatives qu’elle avait faites pour invoquer l’ééquité dans le
cadre du règlement de différends de délimitation maritime, laé Cour n’avait
pas clairement indiqué qu’elle retenait cette source du droit dansé les
limites, qu’elle ne cherchait guère à préciser, du droit en évigueur. Par la
suite, sa jurisprudence ayant évolué, la Cour a davantage précisé quelles
étaient les limites de l’application du principe d’équitéé. C’est de ces limites

qu’il est question au paragraphe 1 de l’article 74 de la convention des
Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, selon lequel la question de

134

5 CIJ1057.indb 265 1/12/14 08:59 différend maritime (opé. ind. orrego vicuña) 134

savoir si les résultats d’une délimitation maritime sont équéitables doit être

considérée non pas isolément, mais en fonction des accords concélus entre
les parties conformément au droit international. J’ai eu l’honnéeur, alors
que je faisais partie de la délégation chilienne à la troisièéme conférence
des Nations Unies sur le droit de la mer, de proposer la version finale de
cet article, et je puis attester que l’interprétation que je viensé d’en donner

était la condition essentielle du consensus dont le libellé de l’éarticle a fina
lement fait l’objet.
37. Je suis tout à fait favorable aux solutions qui sont susceptibles de é
concilier les intérêts essentiels des parties à un différeénd, et d’être ainsi
mieux acceptées, à condition que ces solutions soient strictement

conformes au droit en vigueur, qui, en la présente espèce, trouve éson
expression dans les traités et autres instruments juridiques auxquelsé ont
souscrit les Parties. Or, dans l’arrêt que vient de rendre la Couré, cette
limite du rôle de l’équité ne semble pas être clairement éindiquée, ce qui
donne l’impression que le principe d’équité était censé avoir en lui-même

une incidence sur l’issue du différend. Il y a donc lieu de se demander si le
sens des dispositions pertinentes de la convention des Nations Unies sur
le droit de la mer a bien été respecté.
38. Les considérations qui précèdent n’entament en rien le respeéct que
m’inspirent le rôle que joue la Cour lorsqu’elle s’attache àé trancher au

mieux les différends et l’éminente contribution qu’elle apéporte à la pri -
mauté du droit au sein de la communauté internationale, dans l’éaccom -
plissement d’une œuvre qui, comme toute entreprise humaine, sera
toujours perfectible.

(Signé) Francisco Orrego Vicuña.

135

5 CIJ1057.indb 267 1/12/14 08:59

Bilingual Content

125

SEPARATE, PARTLY CONCURRING
AND PARTLY DISSENTING, OPINION

OF JUDGE AD HOC ORREGO VICUÑA

Starting­point of maritime delimitation — Recognition of the parallel — Single
maritime boundary — “Maritime domain” governed by the 1982 United Nations

Convention on the Law of the Sea — Freedom of navigation beyond 12 nautical
miles — Misgivings about the maritime boundary following the parallel for only ▯
80 nautical miles — Extensive practice of the Parties — Disproportionate effects
of equidistance and the “outer triangle” — Negotiated access to fisheries — Role
of equity in international law.

1. Judges Xue, Gaja, Bhandari and this judge ad hoc have submitted a

joint dissenting opinion concerning some legal aspects that are central éto
the Judgment of the Court in this case, with particular reference to theé
proper interpretation of the 1947 Presidential Proclamations (Memorial
of Peru, Ann. 6 and 27), the 1952 Santiago Declaration (ibid., Ann. 47)
and the 1954 Special Maritime Frontier Zone Agreement (ibid.,

Ann. 50), and to how these instruments lead to the conclusion that the
Parties agreed that their maritime boundary delimitation follows the
parallel of latitude up to a distance of 200 nautical miles from its
starting-point.

2. In addition to that joint dissent, this judge believes that it is his duéty
to address some other questions relevant for the resolution of the dispuéte
submitted to the Court. In respect of some of these questions, this judgée

agrees with the reasoning and conclusions of the Judgment, as will be
noted below. In respect of some other questions, however, this judge hasé
an opinion different from that of the majority of the Court. This opinéion
is submitted with the greatest respect for the Members of the Court and

its President, all of whom have made a significant effort to reach aé com -
mon position on many difficult issues, although regrettably, not alwaysé
with success.

3. The first point on which this judge concurs with the Judgment is

that concerning the starting-point of the maritime delimitation effected.
The Court has rightly decided that this point is the intersection of theé
parallel of latitude passing through Boundary Marker No. 1 with the
low-water line. As identified since 1930 in the Final Act concerning the
demarcation and marking of the land boundary agreed in the 1929 Treaty

126

5 CIJ1057.indb 248 1/12/14 08:59 125

OPINION INDIVIDUELLE,
EN PARTIE CONCORDANTE ET EN PARTIE DISSIDENTE,
DE M. LE JUGE AD HOC ORREGO VICUÑA

[Traduction]

Point de départ de la délimitation des zones maritimes — Reconnaissance du
parallèle — Frontière maritime unique — « Domaine maritime » régi par la
convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 — Liberté de navigation
au­delà de 12 milles marins — Doutes sur le bien­fondé de la décision de ne faire
coïncider la frontière maritime avec le parallèle que sur une l▯ongueur demilles
marins — Ce que montre la longue pratique des Parties — Disproportion résultant

de l’application de la méthode de l’équidistance et de la pr▯ésence du «triangle
extérieur » — Accès négocié aux ressources halieutiques — Rôle du principe
d’équité en droit international.

1. M me la juge Xue, MM. les juges Gaja et Bhandari et moi-même, en
ma qualité de juge ad hoc, avons joint à l’arrêt une opinion dissidente

commune se rapportant à certains aspects juridiques essentiels dudit é
arrêt, opinion dans laquelle nous avons concentré notre attention ésur l’in -
terprétation qu’il convient de donner des proclamations présidentielles de
1947 (mémoire du Pérou, annexes 6 et 27), de la déclaration de Santiago

de 1952 (ibid., annexe 47) et de l’accord de 1954 relatif à une zone fron -
tière maritime spéciale (ibid., annexe 50), ainsi que sur les raisons pour
lesquelles l’examen de ces instruments amène à conclure que lesé Parties
s’étaient accordées à considérer que la frontière entrée leurs zones mari -

times respectives suivait le parallèle de latitude jusqu’à une édistance de
200 milles marins de son point de départ.
2. J’estime qu’il est de mon devoir, pour compléter ce qui est dit dans
cette opinion dissidente commune, de traiter de quelques autres questions

que soulevait le règlement du différend soumis à la Cour. Suré certaines de
ces questions, je suis d’accord avec le raisonnement que la Cour a suéivi et
les conclusions qu’elle a énoncées dans son arrêt, comme on éle verra plus
loin. Sur d’autres, en revanche, mon opinion s’écarte de celle éde la majo -

rité des juges. Je joins à l’arrêt la présente opinion saéns me départir aucu-
nement du profond respect que j’éprouve à l’égard des memébres de la
Cour et de son président, qui tous se sont vaillamment efforcés de trouver
une position commune sur nombre de questions difficiles, sans malheu -

reusement toujours y parvenir.
3. La première question sur laquelle je suis d’accord avec ce que dité
l’arrêt est celle du point de départ de la délimitation des zones maritimes
à laquelle la Cour devait procéder. Celle-ci a eu raison de décéider que ce

point eso l’intersection du parallèle de latitude passaot par la béorne fron -
tière n 1 avec la laisse de basse mer. La borne n 1, désignée dès 1930
dans l’acte final concernant la démarcation et l’abornement dée la frontière

126

5 CIJ1057.indb 249 1/12/14 08:59 126 maritime dispute (sepé. op. orrego vicuña)

between Chile and Peru (Memorial of Peru, Ann. 55), the parallel corres-
ponding to Marker No. 1 is at 18° 21΄ 03˝ S. In its submissions, as in its

legislation concerning baselines, Peru had identified the starting-point of
the maritime boundary at 18° 21´08˝ S, 70° 22´ 39˝ W. It follows from the
Judgment of the Court that the endpoint of these baselines cannot now beé
located south of the intersection of the parallel of Boundary Marker
No. 1 with the low-water line.

4. It is also important to note that the Court has concluded that
because it is concerned only with the starting-point of the maritime delimi-
tation, it is not called upon to take a position on the starting-point of the
land boundary (Judgment, para. 175).
5. The Court has also rightly concluded that the maritime boundary

follows the parallel of latitude passing through Boundary Marker No. 1
westward. This is an important consequence of the Court having decided
that the 1954 Special Maritime Frontier Zone Agreement embodies the
recognition of this parallel. This in turn relates to the acknowledgmenté of
the legal significance of the 1952 Santiago Declaration as a treaty in force

in the light of the Parties’ common understanding in this respect. Thée
Court also recognizes that the 1968-1969 lighthouse arrangements con -
firmed the prior existence of a maritime boundary following that parallel
(ibid., para. 130). As the joint dissent appropriately notes, the same holds
true of the 1955 Protocol of Accession to the Santiago Declaration

(Memorial of Peru, Ann. 52), although the Judgment takes a different
view on this point.

6. This finding of the Court, however, is based on the understanding
that the acceptance of the parallel by the Parties is the outcome of a téacit
agreement. Rather, as also noted in the joint dissent, this is the outcoéme

of the specific treaty commitments undertaken by the Parties in 1952 aénd
1954, which in turn are related to the meaning and extent of the 1947 Proc -
lamations. As treaty provisions, their interpretation is governed by theé
1969 Vienna Convention on the Law of Treaties, in the light of which the
parallel reaching the 200-nautical-mile distance is the appropriate conclu -

sion.

7. The Court has also reached the right conclusion in respect of the
nature of the maritime boundary, deciding that it is a single all-purpose

maritime boundary. Such a boundary shall thus be applicable not only to é
some limited fishing activities taking place in the superjacent watersé but
also to any activity related to the régime of the exclusive economic ézone
and the continental shelf and its subsoil.
8. The question of the nature of the maritime boundary also has
important implications in respect of the kind of jurisdiction that Peru éis

entitled to exercise over its maritime areas. For a long time, Peru had
been internally debating whether the “maritime domain” it claims over

127

5 CIJ1057.indb 250 1/12/14 08:59 différend maritime (opé. ind. orrego vicuña) 126

terrestre définie dans le traité de 1929 entre le Pérou et leé Chili (mémoire

du Pérou, annexe 55), est située par 18° 21΄ 03˝ de latitude sud. Dans ses
écritures, comme il l’avait d’ailleurs fait dans sa législatéion relative aux
lignes de base, le Pérou situait le départ de la frontière mariétime au point
se trouvant par 18° 21΄ 08˝ de latitude sud et 70° 22΄ 39˝ de longitude
ouest. Il découle de l’arrêt que le point terminal de ses ligneés de base ne

peut pas, désormais,oêtre situé au sud de l’intersection du éparallèle pas -
sant par la borne n 1 avec la laisse de basse mer.
4. Il importe aussi de noter que la Cour a conclu que, n’ayant à statéuer
que sur le point de départ de la délimitation maritime, elle n’éavait pas à
prendre position sur l’emplacement du point où commence la frontièére

terrestre (arrêt, par. 175).
5. La Cour a eu raison également de conclure que la frontière maritime
suit en direction de l’ouest le parallèle passant par la borne froéntière no 1.
C’est là une conséquence importante de la conclusion de la Couré selon
laquelle l’accord relatif à une zone frontière maritime spécéiale emportait

reconnaissance de ce parallèle. Cette conclusion est elle-même liée à la
constatation de l’importance juridique, admise par l’une et l’aéutre Parties,
que revêt la déclaration de Santiago de 1952 en tant que traité encore en
vigueur. La Cour a admis également que les arrangements de 1968-1969 é
relatifs aux phares confirmaient la préexistence d’une frontièére maritime

coïncidant avec le parallèle (ibid., par. 130). Comme nous l’avons relevé
dans notre opinion dissidente commune, il en va de même du protocole é
d’adhésion de 1955 à la déclaration de Santiago (mémoireé du Pérou,
annexe 52), même si la Cour, dans son arrêt, a pris sur ce point une poséi -
tion différente.

6. La conclusion susmentionnée de la Cour repose toutefois sur l’idéée
que l’acceptation du parallèle par les Parties est l’expressioné d’un accord
tacite intervenu entre elles. Or, comme nous l’avons aussi noté daéns notre
opinion dissidente commune, tel n’est pas le cas. Cette reconnaissancée
procède des engagements conventionnels expressément contractés par les

Parties en 1952 et en 1954, qu’il faut considérer compte tenu du séens et de
la portée des proclamations de 1947. Ces engagements conventionnels
doivent, en tant que tels, être interprétés conformément à la convention
de Vienne sur le droit des traités de 1969 ; la conclusion correcte à tirer de
ces engagements ainsi interprétés est que la frontière coïncéidant avec le

parallèle se prolongeait jusqu’à une distance de 200 milles marins.
7. La Cour est également parvenue à la bonne conclusion quant à laé
nature de la frontière maritime, décidant qu’il s’agissait dé’une frontière
unique à vocation générale. Cette frontière vaut donc non seulement pour
des activités halieutiques limitées s’exerçant dans les eauxé surjacentes,

mais aussi pour toute activité relevant du régime de la zone écéonomique
exclusive et du plateau continental et de son sous-sol.
8. La réponse apportée à la question de la nature de la frontièére mari -
time importe aussi de par son incidence sur le type de juridiction que lée
Pérou est en droit d’exercer dans ses zones maritimes. Au Péroué même, la

question de savoir si le « domaine maritime» revendiqué par ce pays dans

127

5 CIJ1057.indb 251 1/12/14 08:59 127 maritime dispute (sepé. op. orrego vicuña)

the adjacent seas was in the nature of a territorial sea or of a functioénal
jurisdictional area concerning its resources. Distinguished jurists and é

statesmen had a divided opinion in this respect. Legislation, including éthe
Secret Law No. 13508 enacted on 6 February 1961 (Law No. 13508,
“Secret Law”, promulgated on 6 February 1961, Peruvian Navy, Year­
book of Peruvian Legislation, Vol. LII, Legislation of 1960, p. 89), and
constitutional provisions were introduced in support of the territorial ésea

approach, but even then their interpretation was disputed in the light oéf
the alternative jurisdictional approach. Due to these differing opinioéns,
Peru did not become a signatory to the 1982 United Nations Convention
on the Law of the Sea.

9. The International Court of Justice has now settled this Peruvian

debate. The Judgment takes note of the formal declaration made on
behalf of the Government of Peru by its Agent in this case to the effeéct
that the term “maritime domain” used in its Constitution is “apéplied in a
manner consistent with the maritime zones set out in the 1982 Conven -
tion” (CR 2012/27, p. 22, para. 26 (Wagner)). The Court, following a

well-established jurisprudence, further notes that this declaration
expresses a formal undertaking by Peru. It follows that Peru is entitledé to
exercise jurisdiction over its maritime areas up to 12 nautical miles for the
territorial sea, 24 nautical miles for the contiguous zone and 200 nautical
miles for the exclusive economic zone and the continental shelf.

10. The resolution of this question is not only important for the clarity
of Peru’s legislation and its corresponding amendments but also in teérms
of the proper implementation of the law of the sea by the Court. Had theé
“maritime domain” been considered a territorial sea claim, the Couért
would have had no alternative but to declare Peru’s Application inadméis -
sible, since it cannot proceed to delimitate maritime areas that are in é

breach of the contemporary law of the sea, as the delimitation of a
200-nautical-mile territorial sea clearly is.

11. A more important consequence of this finding is to the benefit of

the international community as a whole. Vessels flying the flags of éall
nations, including Chile, whether merchant or military, can now have fulél
freedom of navigation beyond the 12-nautical-mile territorial sea of Peru,
just as submarines will be able to navigate submerged. Aircraft will alséo
have the right of unrestricted overflight. Restrictions applied to such

activities will now have to be lifted.

12. Notwithstanding this positive contribution of the Court to the law
of the sea, there are, however, other aspects of the Judgment with whiché
this judge regrettably cannot agree. As appropriately noted in the jointé
dissent, there is no support for the Judgment’s conclusion that the béound -

ary is composed of two segments, one running along the parallel up to
Point A situated at the distance of 80 nautical miles from the starting-

128

5 CIJ1057.indb 252 1/12/14 08:59 différend maritime (opé. ind. orrego vicuña) 127

les eaux adjacentes à ses côtes était une mer territoriale ou séimplement

une zone où il exerçait des compétences fonctionnelles de gestiéon des res-
sources est restée longtemps controversée. Des juristes et des homémes
d’Etat éminents avaient là-dessus des avis divergents. La thèése de la mer
territoriale a certes trouvé son expression dans divers textes légéislatifs,
dont la loi secrète n o13508 du 6 février 1961 (loi n 13508, «Loi secrète»,

promulguée le 6 février 1961, Marine péruvienne, Recueil des textes légis ­
latifs péruviens, vol. LII, textes législatifs de 1960, p. 89), ainsi que dans des
amendements constitutionnels, mais l’interprétation de ces textes éa entre -
tenu la controverse avec les tenants de la thèse des compétences féonction-
nelles. C’est en raison de ces divergences d’opinion que le Pérou n’a pas

signé la convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982.
9. La Cour internationale de Justice vient de mettre un terme à cette
controverse. Elle prend note dans son arrêt de la déclaration forméelle de
l’agent du Pérou, selon laquelle l’expression « domaine maritime » qui
figure dans la Constitution péruvienne « est utilisée en conformité avec les

définitions des espaces maritimes prévus par la convention de 1982 »
(CR 2012/27, p. 22, par. 26 (Wagner)). La Cour, suivant à cet égard sa
jurisprudence établie de longue date, note également que cette dééclaration
exprime un engagement formel du Pérou. Il s’ensuit que le Péroué est en
droit d’exercer sa juridiction jusqu’à 12 milles marins dans sa mer territo -

riale, jusqu’à 24 milles marins dans la zone contiguë et jusqu’à 200 milles
marins dans sa zone économique exclusive et sur son plateau continental.
10. Le règlement de cette question importe non seulement parce qu’il
va clarifier la législation péruvienne et les amendements qui y éont été
apportés, mais encore parce qu’il est une contribution apportéeé par la

Cour à la mise en œuvre du droit de la mer. Si le « domaine maritime »
que revendiquait le Pérou avait été assimilé à une mer teérritoriale, la Cour
n’aurait eu d’autre choix que de déclarer la requête irrecevéable, étant
donné qu’elle ne saurait procéder à la délimitation de zoénes maritimes
définies en violation du droit de la mer contemporain, ce qui aurait mani -

festement été le cas si elle avait entrepris de délimiter une méer territoriale
s’étendant jusqu’à 200 milles marins.
11. La manière dont la Cour a tranché la question entraîne une conséé -
quence encore plus importante qui intéresse la communauté internatéio -
nale tout entière. En effet, les navires marchands ou de guerre, baéttant

pavillon de n’importe quel Etat, y compris les navires chiliens, jouissent
désormais de la pleine liberté de navigation au-delà de la mer éterritoriale
de 12 milles marins du Pérou, dans une zone où les sous-marins pourront é
naviguer en plongée. Les aéronefs jouiront quant à eux d’uneé totale
liberté de survol. Les restrictions visant ces activités devront êétre levées.

12. Tout en saluant la contribution que la Cour vient d’apporter à la
mise en œuvre du droit de la mer, je suis à mon grand regret en déésaccord
avec elle sur plusieurs points de son arrêt. Comme nous l’avons reélevé
dans notre opinion dissidente commune, rien ne vient étayer la concluésion
de la Cour selon laquelle la frontière maritime comprend deux segments,

dont le premier coïncide avec le parallèle jusqu’au point A situé à 80milles

128

5 CIJ1057.indb 253 1/12/14 08:59 128 maritime dispute (sepé. op. orrego vicuña)

point, and the other following a line of equidistance from Point A until
meeting Point B and thereon to Point C.

13. It is apparent from the case record that the Parties did not plead
for such a distance or, in fact, any other distance short of 200 nautical
miles. More importantly, nothing in the record shows that any shorter
distance was ever considered throughout the long process of establishingé

the 200-nautical-mile offshore zones. In fact, it would be surprising if the
Parties had chosen such a restricted boundary in the context of their reés-
pective individual and collective endeavours to establish a 200-nautical-
mile zone and to ensure its international recognition. Had this been theé
case, they would have made an express statement to that effect, which
they did not.

14. The recognition of the parallel in the 1954 Special Maritime Fron -
tier Zone Agreement was not so restricted and, although no endpoint is
expressly established, its context clearly shows that it was envisaged téo
extend to the full 200-nautical-mile area that was subject to the Parties’
claims. Distinguished jurists, including the former President of the Couért,

Judge Eduardo Jiménez de Aréchaga, as well as eminent geographers,
have all so concluded, as the record indicates.

15. The conclusion of the Judgment is mainly related to the view that

the 1954 Special Maritime Frontier Zone Agreement refers to its applica -
tion to small fishing boats lacking sophisticated navigational equipmeént,
and is premised upon the assumption that such boats could not operate
beyond a rather limited distance. While this could well be true for someé
fishing vessels, it is not so for larger industrial vessels that have ébeen oper
ating in the area for some time. It is appropriate to recall that fishéing

activities in this area are inextricably related to the biological and néutri -
tional characteristics of the Humboldt Current, which extends far beyondé
the 200-nautical-mile limit.
16. It must also be noted that, even if the Special Maritime Frontier
Zone had been understood as extending to a limited distance, which was

not the case, the maritime boundary would still have extended to 200 naut-
ical miles as it was established independently of any special zone that é
could later be attached to it. Any interpretation to the contrary would é
have to rely on an express understanding between the Parties, which does
not exist.

17. It is also appropriate to note that the Judgment has correctly
explained that even smaller fishing boats departing from Ilo, the main
Peruvian port in the area, in search of fishing grounds located some
60 nautical miles to the south-west would have crossed the parallel of the é
agreed boundary at a distance of approximately 100 nautical miles from
its starting-point (Judgment, para. 108). If such fishing grounds were

located at 80 nautical miles from Ilo, the crossing would take place at
about 120 nautical miles from the parallel starting-point. While it is also

129

5 CIJ1057.indb 254 1/12/14 08:59 différend maritime (opé. ind. orrego vicuña) 128

marins de son point de départ, tandis que le second, à partir du péoint A,
suit une ligne d’équidistance jusqu’au point B et se poursuit au-delà

jusqu’au point C.
13. Il ressort du dossier de l’affaire que ni l’une ni l’autre deés Parties
n’a plaidé pour le choix d’une distance de 80 milles marins, non plus d’ail-
leurs que d’une autre distance inférieure à 200 milles marins. Surtout, le
dossier ne renferme rien qui indique qu’une distance plus courte ait éjamais

été envisagée durant le long processus qui a abouti à l’éétablissement d’une
zone de 200 milles marins. Il eût en fait été surprenant que les Parties
optent pour une frontière ainsi abrégée alors qu’elles s’éefforçaient indivi -
duellement et en collaboration avec d’autres Etats d’établir unée zone de
200 milles marins qui soit internationalement reconnue. Si telle avait étéé
leur intention, elles auraient fait une déclaration expresse en ce seéns.

14. La reconnaissance du parallèle dans l’accord de 1954 relatif à éune
zone frontière maritime spéciale n’est pas assortie de restrictéions de cet
ordre, et, bien que l’emplacement du point terminal de la frontièrée n’y
soit pas expressément spécifié, le contexte indique clairemenét qu’il était
envisagé qu’elle se poursuive sur toute la largeur de 200 milles marins de

la zone maritime revendiquée par les Parties. D’éminents juristées, dont le
juge Eduardo Jiménez de Aréchaga, ancien président de la Cour, et des
géographes non moins éminents sont parvenus à cette conclusion,é comme
l’indique le dossier.
15. La conclusion énoncée dans l’arrêt procède essentiellemenét de

l’idée que l’accord de 1954 relatif à une zone frontière maritime spéciale
était applicable aux petits navires de pêche dépourvus d’aidées à la naviga -
tion perfectionnées, et elle repose sur l’hypothèse que ces navéires avaient
un rayon d’action assez limité. Or, ce qui pouvait fort bien êtére vrai pour
certains navires de pêche ne l’est pas pour les navires de pêche industrielle
de fort tonnage qui opèrent depuis quelque temps dans la zone considéé -

rée. Il y a lieu de rappeler que les activités halieutiques exercéées dans cette
zone sont intimement liées aux caractéristiques biologiques et nutérition -
nelles du courant de Humboldt.
16. Il est à noter également que, même si la zone frontière mariétime
spéciale avait été conçue comme ne s’étendant que jusqéu’à une distance

limitée, ce qui n’est pas le cas, la frontière maritime, ayant éété établie
indépendamment de toute zone maritime spéciale qui pouvait ultéérieure -
ment y être rapportée, n’en aurait pas moins eu une longueur de 200milles
marins. Pour justifier toute interprétation contraire, il faudrait épouvoir
invoquer une entente expresse entre les Parties, laquelle n’existe paés.

17. Il importe aussi de relever que, dans son arrêt, la Cour a correcte -
ment expliqué que même les petits navires exploités à partiré d’Ilo, princi-
pal port péruvien de la région, partant à la recherche de fonds de pêche
situés à quelque 60 milles marins en direction du sud-ouest, auraient
franchi le parallèle constituant la frontière convenue à une diéstance d’en -
viron 100 milles marins du point de départ de celle-ci (arrêt, par. 108). Si

ces fonds de pêche s’étaient trouvés à 80 milles marins d’Ilo, la frontière
coïncidant avec le parallèle aurait été franchie à enviroén 120milles marins

129

5 CIJ1057.indb 255 1/12/14 08:59 129 maritime dispute (sepé. op. orrego vicuña)

explained that the situation relating to Arica is different, this doesé not
detract from the fact that fishing grounds are located where they are éand

the claimed fisheries interests of Ilo would have been equally protectéed at
distances greater than 80 nautical miles.

18. Because the Judgment follows the reasoning that the maritime
boundary was the outcome of a tacit agreement, the role of the various

instruments in the genesis and materialization of a treaty commitment
concerning the maritime boundary is somewhat lost. The relevance of the é
1947 Presidential Proclamations is greater than that which the Judgment
appears to acknowledge. While these Proclamations lacked in some
respects the precise legal language of contemporary developments, they
nonetheless evidence that a 200-nautical-mile maritime boundary between

the two countries was not absent from their respective texts, as discusséed
in the joint dissent.

19. The 1952 Santiago Declaration was still more explicit on the estab -

lishment of the boundary. The joint dissent explains this aspect in detaéil.
The reference in Article IV to a general maritime zone delimited by the
parallel of latitude can be no other than the expression of an understanéd -
ing that the boundary line separating the Parties’ respective jurisdiéctions
followed this parallel irrespective of the insular delimitation. Even if such

a general maritime zone would have been of relevance only for islands,
which was not the case, the use of the parallel in determining the boundé -
ary around the islands in the vicinity of the Chile-Peru maritime bound -
ary would have been applicable, as it is around the Ecuadorean islands.
The Declaration does not make a distinction between islands under the
jurisdiction of Ecuador, Peru or Chile, or between smaller and bigger

islands, and there is therefore no reason to exclude the relevance of soéme
islands in connection with the role of the general maritime zone followiéng
the parallel.

20. The extensive legal practice and diplomatic exchanges that fol -
lowed the 1954 Special Maritime Frontier Zone Agreement offer clear
evidence of the Parties’ understanding of the 1952 and 1954 instrumenéts.
Particularly relevant in this context is the resolution of the Presidenté of
Peru in 1955 (Supreme Resolution No. 23 of 12 January 1955, the Peru -

vian 200-Mile Maritime Zone, Memorial of Peru, Ann. 9), which pro -
vided the technical criteria for drawing the maritime boundary with the é
express statement that it was not to “extend beyond that of the corres-
ponding parallel at the point where the frontier of Peru reaches the seaé”,
and which relied on both the Santiago Declaration and the 1954 Special
Maritime Frontier Zone Agreement.

130

5 CIJ1057.indb 256 1/12/14 08:59 différend maritime (opé. ind. orrego vicuña) 129

de son point de départ. La Cour explique aussi que, dans le cas du port

d’Arica, la situation est différente, mais cela ne change rien àé l’emplace -
ment des fonds de pêche, et les intérêts des pêcheurs opérant depuis Ilo
auraient tout aussi bien été protégés jusqu’à des distéances supérieures à
80 milles marins.
18. La Cour ayant fondé le raisonnement qui l’a conduite à rendre son

arrêt sur l’idée que la frontière maritime avait été dééterminée par un
accord tacite entre les Parties, elle a quelque peu perdu de vue le rôle que
les instruments pertinents ont joué dans la genèse et la concréétisation d’un
engagement conventionnel concernant ladite frontière. Les proclamatioéns
présidentielles de 1947 revêtent une importance plus grande que ceélle que

la Cour semble leur avoir accordée dans son arrêt. Même si ces proclama -
tions emploient sur certains points un langage juridique moins précisé que
celui qui a cours actuellement, leur texte n’en témoigne pas moinsé qu’une
frontière d’une longueur de 200 milles marins séparant les espaces mari -
times des Parties était alors à l’ordre du jour, comme nous l’éavons expli -

qué dans notre opinion dissidente commune.
19. La déclaration de Santiago de 1952 était encore plus explicite quaént
à l’établissement de la frontière maritime. Ce point est traéité en détail dans
notre opinion dissidente commune. La référence qui est faite en soén
article IV à une zone maritime générale délimitée par le parallèéle de lati -

tude ne saurait être que l’expression d’une entente entre les Péarties selon
laquelle la ligne frontière séparant les zones relevant de leurs jéuridictions
respectives coïncidait avec ce parallèle, indépendamment des néécessités de
la délimitation des eaux entourant les îles. Même dans l’hypéothèse où cette
zone maritime générale n’aurait été pertinente que pour cée qui concerne les

îles, hypothèse qui est fausse, le principe de l’utilisation du parallèle pour
la délimitation des eaux entourant les îles proches de la frontièére maritime
entre le Chili et le Pérou aurait été applicable tout comme danés le cas des
îles équatoriennes. La déclaration n’opère aucune distincétion entre les îles
selon qu’elles relèvent de la juridiction de l’Equateur, du Péérou ou du

Chili, ni non plus entre les petites et les grandes îles, et il n’éy a donc aucune
raison d’écarter la pertinence de certaines îles lorsqu’il sé’agit de déterminer
le rôle de la zone maritime générale délimitée par le paréallèle.
20. L’abondante pratique juridique des Parties et les multiples échangées
diplomatiques qu’elles ont eus après la conclusion de l’accord éde 1954

relatif à une zone frontière maritime spéciale montrent claireméent com -
ment elles ont interprété les instruments de 1952 et 1954. La résolution
édictée par le président du Pérou en 1955 (résolution suéprême n o23 du
12 janvier 1955 relative à la zone maritime de 200 milles marins, mémoire
du Pérou, annexe 9), qui définissait les critères techniques de démarcation

de la frontière et indiquait expressément que la ligne délimitaént la zone
maritime du Pérou dans sa largeur «ne [pouvait] dépasser le parallèle pas -
sant par le point où aboutit à la mer la frontière terrestre dué Pérou », et
qui faisait référence tant à la déclaration de Santiago qu’éà l’accord de
1954 relatif à une zone frontière maritime spéciale, présentée à cet égard

un intérêt tout particulier.

130

5 CIJ1057.indb 257 1/12/14 08:59 130 maritime dispute (sepé. op. orrego vicuña)

21. The abundant practice of the Parties also extends to enforcement
activities in relation to the boundary, including fisheries, navigatioén,

overflying, the laying of submarine cables and many other aspects thaté
are well recorded. Such practice is enough to show that, even if the Court
has considered a limited role for the agreements as the source of the
boundary parallel, there is, at the very least, acquiescence by the Partéies
as to the existence and acceptance of such a parallel throughout its fulél

extent.

22. Notwithstanding the significance of this practice, which extends for
over six decades, the Judgment tends not to assign great importance to it,
and to dismiss it altogether. This limited role accorded to the law and éthe
practice of the Parties is the consequence of the fact that the Court started

from the premise that the 1947 Proclamations and their aftermath through
to 1954 were not in accordance with the law of the sea as understood at é
the time, and hence, that a maritime boundary could not then be drawn
in relation to extended claims.

23. This judge regrets not to share such a limited understanding and,
as the joint dissent indicates, the early instruments were in any event é
capable of agreeing on a maritime delimitation of the three States with
regard to their potential entitlements. In fact, the Proclamations and the

instruments that followed, like some that preceded them, were the tri g-
gering acts of a development that, after a systematic evolution, led to é
the concept of the exclusive economic zone and other key concepts of
the present-day law of the sea as embodied in the 1982 United Nations
Convention on the Law of the Sea, and recognized by the Court as a part
of customary international law. The Third United Nations Conference on

the Law of the Sea recognized as much in rendering, in plenary session, é
tribute to the memory of President González Videla on his passing
in 1980 (Extract from the Official Records of the Third United Nations
Conference on the Law of the Sea, Vol. XIV, United Nations
doc. A/CONF.62/SR.137, 137th Plenary Meeting (Thursday, 26 August

1980, at 3:25 p.m.), at para. 67).

24. It is to be noted that the Judgment attaches particular significance
to what came to be known as the Bákula Memorandum (Judgment,

paras. 136-142). This judge had the privilege of working for many years
with Ambassador Juan Miguel Bákula, a distinguished Peruvian diplo -
mat and jurist, during the negotiations leading to the Convention on the
Law of the Sea. In its origins, the Bákula Memorandum was not a diploé -
matic initiative of the Government of Peru. Rather, it was a proposal
advanced on a personal basis by Ambassador Bákula to sound out the

feasibility of certain thoughts on maritime delimitation.

131

5 CIJ1057.indb 258 1/12/14 08:59 différend maritime (opé. ind. orrego vicuña) 130

21. L’abondante pratique des Parties comprend aussi des mesures

visant à faire respecter la frontière, et concernant la pêche, éla navigation
maritime et aérienne, la pose de câbles sous-marins et bien d’aéutres
domaines. Cette pratique suffit à montrer que, même si la Cour coénsidé -
rait que les accords n’avaient joué qu’un rôle limité danés l’établissement
de la frontière coïncidant avec le parallèle, elle aurait à étout le moins dû

constater que les Parties avaient admis l’existence entre leurs zones mari -
times respectives d’une frontière acceptée suivant sur toute saé longueur le
parallèle.
22. Alors que cette pratique, qui s’est manifestée pendant plus de
soixante ans, revêt une grande importance, la Cour, dans son arrêté, tend

à en minimiser le poids, voire à l’écarter purement et simpléement. Si la
Cour n’a tenu compte que dans une mesure limitée du rôle de la élégisla -
tion et de la pratique des Parties, c’est parce qu’elle est partieé de l’idée que
les proclamations de 1947 et les instruments qui ont suivi jusqu’àé 1954
n’étaient pas conformes au droit de la mer tel qu’on l’entenédait à l’époque

et que, par conséquent, il était impossible de tracer une frontièére maritime
qui aurait reflété des revendications excédant ce qui étaiét alors autorisé
par ce droit.
23. Je suis au regret de ne pas partager cette conception étroite, et
considère, comme il est expliqué dans notre opinion dissidente commune,

que les instruments conclus à l’époque ont tout de même perméis de déga -
ger un accord de délimitation maritime entre trois Etats concernant les
zones auxquelles ils pouvaient prétendre. En fait, les proclamations éprési -
dentielles et les instruments qui ont suivi, de même d’ailleurs quée certains
instruments plus anciens, sont à l’origine d’un processus qui, éà l’issue

d’une évolution systématique, a abouti à la formation du conécept de zone
économique exclusive et d’autres notions essentielles qui font maiéntenant
partie du droit de la mer tel qu’il est codifié par la conventioén des
Nations Unies de 1982, et que la Cour considère comme appartenant au
droit international coutumier. C’est ce qu’ont reconnu les particiépants à

la troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer lors d’une
séance plénière consacrée à un hommage à la mémoireé du président
González Videla, décédé en 1980 (extrait des actes officiels de la troéi -
sième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, vol. XIV,
doc. A/CONF.62/SR.137, 137 e séance (jeudi 26 août 1980, 15 h 25),

par. 67).
24. Il y a lieu de noter que, dans son arrêt, la Cour attache une impor -
tance particulière à ce qu’il est convenu d’appeler le méémorandum Bákula
(arrêt, par. 136-142). J’ai eu le privilège de collaborer pendant de nom -
breuses années avec l’ambassadeur Juan Miguel Bákula, éminent diplomate

et juriste péruvien, au cours des négociations qui ont abouti àé l’adoption de
la convention sur le droit de la mer. Le mémorandum Bákula n’a pas été
rédigé dans la perspective d’une initiative diplomatique du Gouévernement
péruvien. Il s’agissait d’une proposition faite à titre perséonnel par l’ambas -
sadeur Bákula pour déterminer si certaines idées concernant la déliémitation

maritime avaient des chances d’être acceptées.

131

5 CIJ1057.indb 259 1/12/14 08:59 131 maritime dispute (sepé. op. orrego vicuña)

25. This character is reflected in the Note accompanying the text of
this Memorandum and sent by the Peruvian Embassy in Santiago de

Chile to the Chilean Ministry of Foreign Affairs on 23 May 1986, which
refers to the summary of the statements that the Ambassador “allowed é
himself to make” during the audience with the Minister (Memorial of é
Peru, Ann. 76). While it is true that the official communiqué issued by the
Chilean Foreign Ministry on 13 June 1986 mistakenly considers that the

initiative conveyed the “interest of the Peruvian Government” (ibid.,
Ann. 109) in starting negotiations on maritime delimitation (Judgment,
para. 138), the fact remains that if this had been its meaning, the Peruvian
Ministry of Foreign Affairs would not have taken 15 years to follow
up on this initiative. The importance of the practice following this
Memorandum is further minimized by the Judgment, as if its text were

capable of establishing some kind of critical date for the purposes of téhis
case.

26. The boundary thus drawn until Point A follows in its second seg -
ment the equidistance line as measured from that point until reaching

Point B, where the equidistance line ends, and then to Point C where it
meets the Peruvian “outer triangle” claim that will be discussed béelow.

27. The Judgment has adopted an unprecedented solution for effecting
maritime delimitation in the context of the complex circumstances of thiés

case. It appears to give satisfaction to one Party in following the paraéllel
to the distance noted and to the other Party in continuing along an equié -
distance line, which were of course the two main approaches to this dis -
pute, albeit with a different meaning and extent.

28. While the Court concludes that no significant disproportion is evi -
dent in this approach, such as would call into question the equitable
nature of the provisional equidistance line (ibid., para. 194), the real situ -
ation seems to be different. In point of fact, considering the relevanét area
to be delimited as determined by a parallel extending to a distance of

80 nautical miles, Peru is assigned a significant number of square kilo-
metres south of the 200-nautical-mile parallel, which are diminished from
Chile’s entitlement. True, this is less than what would have been the case
with the pure equidistance line claimed by Peru, but still the number ofé
square kilometres lost by Chile is sizeable. If this situation casts somée

doubt on the meaning of proportionality, it cannot be fully assessed witéh -
out taking into account the effect of the “outer triangle” in thée distribu -
tion of maritime areas, as will be discussed below.

29. In spite of the shortcomings noted above, the Judgment has appro-

priately held that in assessing the extent of the lateral maritime boundéary,
the Court “is aware of the importance that fishing has had for the écoastal

132

5 CIJ1057.indb 260 1/12/14 08:59 différend maritime (opé. ind. orrego vicuña) 131

25. Le but dans lequel a été rédigé le mémorandum est attestéé par la
note l’accompagnant, note adressée le 23 mai 1986 au ministre chilien des

affaires étrangères par l’ambassade du Pérou à Santiago, où il est fait
référence au résumé des déclarations que l’ambassadeur « s’était permis
de faire» lors d’une audience que lui avait accordée le ministre (mémoire
du Pérou, annexe 76). Il est vrai que le communiqué officiel publié le
13 juin 1986 par le ministère chilien des affaires étrangères indiquaéit par

erreur qu’il s’agissait de l’expression de l’« intérêt manifesté par le Gou -
vernement péruvien» (ibid., annexe 109) pour l’ouverture de négociations
sur la délimitation maritime (arrêt, par. 138), mais, si tel avait été effecti -
vement l’objet du mémorandum, le ministère chilien des affairées étran -
gères n’aurait pas attendu quinze ans pour donner suite à cetteé ouverture.
La Cour minimise également dans son arrêt l’importance de la pratique

qui a suivi l’envoi du mémorandum, comme si la communication de ceé
texte pouvait en quelque sorte marquer une date critique aux fins de lé’exa -
men de la présente affaire.
26. Ainsi, la frontière tracée jusqu’au point A se poursuit jusqu’au
point B en un deuxième segment coïncidant avec la ligne d’équidistéance

établie à partir du point A, et ensuite en un troisième qui s’achève au
point C, où la frontière rencontre le « triangle extérieur » revendiqué par
le Pérou, dont je traiterai plus loin.
27. La Cour a retenu dans son arrêt une solution sans précédent pouér
procéder à la délimitation maritime dans le contexte des circonéstances

complexes de l’affaire. Cette solution semble donner satisfaction àé l’une
des Parties en ce qu’elle établit une frontière qui suit le parallèle jusqu’éà la
distance indiquée, et à l’autre en ce que la frontière se poursuit selon une
ligne d’équidistance, en combinant les deux méthodes principaleés envisa -
geables pour le règlement du différend, moyennant toutefois une modifi -
cation de leur sens et de leur portée.

28. Même si la Cour a conclu que cette solution n’entraînait pas une
disproportion marquée susceptible de mettre en question le caractèére
équitable de la ligne d’équidistance provisoire (ibid., par. 194), la situation
réelle semble différente. De fait, on constate que la délimitéation selon un
parallèle n’ayant été retenue que jusqu’à une distance de 80 milles marins,

le Pérou se voit attribuer un nombre non négligeable de kilomètéres carrés
au sud de la ligne coïncidant avec le parallèle sur une distance dée 20m 0 illes
marins, et que l’espace maritime auquel a droit le Chili est amputé d’au -
tant. Cette amputation est certes moindre que si la méthode uniquemenét
fondée sur l’équidistance que prônait le Pérou avait éété retenue, mais le

Chili n’en perd pas moins un nombre assez considérable de kilomèétres car -
rés. Pour autant que cette situation jette un certain doute sur le seéns attri-
bué à la notion de proportionnalité, elle ne peut être pleinéement évaluée
sans tenir compte de l’incidence de la présence du « triangle extérieur» sur
la répartition des zones maritimes, comme je l’expliquerai plus loéin.
29. Même si son arrêt est critiquable sur les points que j’ai relevéés plus

haut, la Cour a judicieusement déclaré avoir « conscience», aux fins de la
détermination de la longueur de la frontière maritime latérale,é « de l’im -

132

5 CIJ1057.indb 261 1/12/14 08:59 132 maritime dispute (sepé. op. orrego vicuña)

populations of both Parties” (Judgment, para. 109), thereby evidencing a
social and economic concern as to the effects the approach followed miéght

have on those communities. A manifestation of this concern is that the
maritime front of the port of Arica, while curtailed as a consequence ofé
the equidistance line drawn, is nonetheless not enclosed and has access éto
the high seas. It is possible to find that this conclusion of the Courét plays
a role somewhat similar to that of the consideration of “special circéum -

stances” in the correction of a maritime boundary, only that it is noét
explicitly stated as such.

30. More important still is that, in this light, the Parties are now
entitled to negotiate access by the affected fishermen to the fishinég areas

brought under the jurisdiction of Peru in accordance with Article 62,
paragraph 2, of the United Nations Convention on the Law of the Sea,
which provides that the coastal State shall give other States access to éthe
surplus of the allowable catch. The legal régime of the exclusive ecoénomic
zone now applicable in Peru would thus be fully complied with. This

compliance extends to the area of the “outer triangle” as its fiéshing
resources have also been recognized of interest in the context of the Soéuth
Pacific Regional Fisheries Management Organisation in which both Chileé
and Peru participate, the former as a State party and the latter as a siégna -
tory.

31. The discussion concerning the extent of claims and their effects is
inseparable from the consideration of Peru’s second claim concerning éthe
“outer triangle”, in which it requests the Court to adjudge and deéclare
that Peru is entitled to exercise exclusive sovereign rights over the whéole

of the maritime area up to a 200-nautical-mile distance from its baselines.
It is an accepted fact that Chile lays no jurisdictional claim to this area
under the concept of a “Presential Sea” or otherwise, but it has fiéshing
rights in an area which, until now, was part of the high seas. It must bée
pointed out that, as a matter of principle, States are entitled to claimé all

maritime areas as measured from their baselines up to the extent permis -
sible under international law. Because the Judgment uses an equidistanceé
line in its second segment, it concludes that it does not need to rule oén
Peru’s second final submission concerning the “outer triangle”é.

32. This judge is unable to share the Judgment’s conclusion in this
respect because of the following two reasons. The first is that the “outer
triangle” is the consequence of Peru having adopted the “arcs-of-circle”
method of delimitation in conjunction with the Law on Maritime Domain
Baselines of 3 November 2005 (Memorial of Peru, Ann. 23), which stands
in contrast to the method of “tracé parallèle” used in the 1950s. Although

it has been argued that the arcs-of-circle had been introduced earlier, this
assertion is not clearly supported by the evidence in the record, as theé

133

5 CIJ1057.indb 262 1/12/14 08:59 différend maritime (opé. ind. orrego vicuña) 132

portance que la pêche a revêtue pour les populations côtières des deux
Parties» (arrêt, par. 109), manifestant ainsi qu’elle se préoccupait des

conséquences sociales et économiques que la solution retenue pouvaéit
avoir pour ces populations. L’une des manifestations de cette préoéccupa-
tion est que, selon la solution choisie, le secteur maritime se trouvanté au
large du port d’Arica, bien qu’amputé par le tracé de la ligéne d’équidis -
tance, n’est pas enclavé et reste ouvert sur la haute mer. On peuté considé-

rer que cette conclusion de la Cour joue un rôle plus ou moins analogue
à celui de la prise en considération de « circonstances spéciales » pour
l’ajustement d’une frontière maritime, même si elle n’esté pas explicitement
présentée comme telle.
30. L’arrêt, sous cet aspect, entraîne une autre conséquence encéore
plus importante, à savoir que les Parties sont maintenant en droit deé

négocier l’accès des pêcheurs concernés aux lieux de pêéche qui sont passés
sous la juridiction du Pérou, conformément au paragraphe 2 de l’ar -
ticle 62 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, qui
prévoit que l’Etat côtier donne aux autres Etats accès à él’excédent du
volume admissible des prises. Le régime juridique de la zone éconoémique

exclusive désormais applicable au Pérou serait ainsi pleinement respecté.
Le respect de ce régime doit s’étendre au « triangle extérieur », dont les
ressources halieutiques ont également été reconnues comme préésentant de
l’intérêt dans le cadre de l’organisation régionale de geéstion des pêches du
Pacifique Sud, aux travaux de laquelle le Chili et le Pérou participent l’un

et l’autre, le premier en tant qu’Etat partie et le second en tanté que signa -
taire.
31. Le débat concernant l’étendue des revendications et leurs efféets est
indissociable de l’examen de la seconde demande du Pérou, relativeé au
«triangle extérieur», par laquelle celui-ci prie la Cour de dire et juger qu’il
peut prétendre à l’exercice de droits souverains exclusifs sur éla totalité de

l’espace maritime s’étendant jusqu’à une distance de 200 milles marins de
ses lignes de base. Le Chili n’a émis aucune prétention juridicétionnelle sur
cette zone, fondée sur la notion de « mer présentielle» ou toute autre jus -
tification, mais il a des droits de pêche dans un secteur qui, jusqéu’à pré -
sent, faisait partie de la haute mer. Il faut souligner que, en principeé, les

Etats peuvent prétendre à toute zone maritime comprise entre leursé lignes
de base et la limite que prévoit le droit international. La Cour, ayaént
retenu dans son arrêt la ligne d’équidistance pour tracer le deéuxième seg -
ment de la frontière, a conclu qu’elle n’avait pas à statueré sur la seconde
conclusion finale du Pérou concernant le « triangle extérieur».

32. Je ne suis pas en mesure de souscrire à cette conclusion de la Cour, é
et ce, pour deux raisons. La première est que l’existence du « triangle exté -
rieur» résulte de ce que le Pérou a retenu la méthode des arcs deé cercle
lorsqu’il a adopté sa loi du 3 novembre 2005 sur les lignes de base de son
domaine maritime (mémoire du Pérou, annexe 23), et non pas la méthode
du «tracé parallèle» employée dans les années 1950. Il a été affirmé queé la

méthode des arcs de cercle avait été employée antérieurement, mais cette
assertion n’est pas clairement étayée par les éléments deé preuve versés au

133

5 CIJ1057.indb 263 1/12/14 08:59 133 maritime dispute (sepé. op. orrego vicuña)

joint dissent has noted. In fact, the joint dissent shows that the enacté -
ments on which this argument is based prove rather the opposite, namely,é

that tracé parallèle was the method chosen at earlier periods.

33. The resort to the arcs-of-circle in 2005 is well beyond the critical
date of 2000 and two decades after the Bákula Memorandum of 1986,

following which the Judgment diminishes the influence of practice in téhe
final outcome of the dispute. It would have been appropriate to apply the
same criterion to the 2005 law and to the related implementation mech-
anisms on which the new method is based, and thus the influence of these
factors in the maritime delimitation would have been equally diminished.é

34. The second reason why this judge cannot support the Judgment’s
conclusion in this matter is that the area of the “outer triangle”é needs to
be considered in conjunction with the claim to an equidistance line. Theé
addition of both sectors allocates to one Party a far greater proportioné of

the claimed maritime areas than that accorded to the other Party and
therefore does not seem to adequately meet the test of not being dispro -
portionate. There is no reason to consider the two claims as separate.
They are simply two legs of the same maritime domain claim extending
jurisdiction far into the Pacific Ocean and hence they should be con-

sidered as a whole for the purpose of deciding on the role of equity. Iné
fact, the proportionality existing between the full parallel and the “éouter
triangle” would have allowed for a more reasonable role of equity, coén -
sistent with the governing law.

35. This leads to an additional concern in the light of this Judgment
which relates to the overall role of equity under international law. Whiéle
equity is generally accepted as a source of law under the Statute of theé
Court, the Court has always considered that the role of equity is bound é

by the law as a type of equity infra legem, that is, under the law and in
accordance with it, as opposed to equity preter legem or equity contra
legem.

36. Distinguished writers of international law have noted that, in its

first attempts to use equity in the context of maritime delimitation, éthe
Court did not clearly rely on this source in keeping within the bounds oéf
the law, which was largely left undetermined. Following the evolution of
its jurisprudence, the Court then turned to a more precisely bound form é
of equity. This is the very understanding of Article 74, paragraph 1, of the
1982 United Nations Convention on the Law of the Sea in considering

equitable results of maritime delimitation, not in isolation from, but ién
conjunction with agreements between the parties, all of it effected oné the

134

5 CIJ1057.indb 264 1/12/14 08:59 différend maritime (opé. ind. orrego vicuña) 133

dossier, comme nous l’avons relevé dans notre opinion dissidente céom -
mune. Dans cette opinion commune, nous expliquons que, en fait, les

mesures législatives invoquées pour étayer cette assertion montérent plutôt
le contraire, à savoir que c’était la méthode du tracé parallèle qui était
employée durant les périodes antérieures.
33. Le recours en 2005 à la méthode des arcs de cercle est très large -
ment postérieur à la date critique que constitue l’an 2000, et est intervenu

vingt ans après la communication en 1986 du mémorandum Bákula,
laquelle marque le moment à partir duquel la Cour a jugé que la préatique
des Parties avait moins d’importance pour le règlement du difféérend. Il
aurait fallu appliquer le même critère à la loi de 2005 et au déispositif
connexe de mise en œuvre sur lequel s’appuie la nouvelle méthodée,
moyennant quoi l’incidence de ces facteurs sur la délimitation maréitime

aurait été également réduite.
34. La seconde raison pour laquelle je ne peux m’associer à la conclu -
sion de la Cour est que la question du « triangle extérieur» aurait dû être
examinée en même temps que la revendication d’une ligne d’ééquidistance.
Les deux secteurs s’additionnant, l’une des Parties se voit attribéuer une

proportion de l’espace maritime contesté beaucoup plus grande que écelle
accordée à l’autre, si bien que le critère de proportionnaliété ne semble pas
avoir été respecté. Il n’y avait aucune raison de considéérer que les deux
revendications étaient distinctes. Elles étaient simplement les deéux volets
d’une revendication unique qui tendait à étendre la juridictioné de la Partie

concernée à une zone s’avançant très au large dans le Pacéifique, et auraient
dû par conséquent être considérées comme formant un tout éaux fins de
décider du rôle que devait jouer le principe d’équité. Ené fait, la propor -
tionnalité qui aurait résulté du tracé d’une frontièreé suivant d’un bout à
l’autre le parallèle et de l’existence du « triangle extérieur » aurait permis
au principe d’équité de jouer dans une mesure plus raisonnable, confor -

mément au droit applicable.
35. Ce que je viens de dire m’amène à exprimer une autre préoccupa -
tion que m’inspire l’arrêt, préoccupation qui a trait au rôéle que le principe
d’équité joue d’une manière générale en droit interénational. Bien qu’il soit
généralement admis que ce principe constitue une source du droit selon le

statut de la Cour, celle-ci a toujours considéré que le rôle deé l’équité était
limité par le droit en vigueur, et a donc retenu l’équité infra legem, c’est-
à-dire subordonnée au droit en vigueur, plutôt que l’équité preter legem
ou contra legem.
36. D’éminents spécialistes du droit international ont noté que, dans

les premières tentatives qu’elle avait faites pour invoquer l’ééquité dans le
cadre du règlement de différends de délimitation maritime, laé Cour n’avait
pas clairement indiqué qu’elle retenait cette source du droit dansé les
limites, qu’elle ne cherchait guère à préciser, du droit en évigueur. Par la
suite, sa jurisprudence ayant évolué, la Cour a davantage précisé quelles
étaient les limites de l’application du principe d’équitéé. C’est de ces limites

qu’il est question au paragraphe 1 de l’article 74 de la convention des
Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, selon lequel la question de

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5 CIJ1057.indb 265 1/12/14 08:59 134 maritime dispute (sepé. op. orrego vicuña)

basis of international law. This judge had the honour of proposing the

final text of the above-mentioned Article when acting as the delegate for
Chile at the Third Conference, and can attest that this meaning was the é
fundamental basis of the consensus that was finally reached on its coné -
tent.

37. This judge is certainly in favour of solutions that might result in
the accommodation of the essential interests of the parties to a case, aénd
thus be met with greater acceptance, on the understanding that such exeré -

cise is strictly bound by the governing law, which in this case is embodéied
in treaties and other legal instruments. In the context of this Judgmenté,
however, this limitation placed on the role of equity appears blurred, as if
it were called to influence the outcome on its own standing. Consistenécy
with the meaning of the United Nations Convention on the Law of the

Sea could thus be compromised.

38. None of these considerations in any way detract from the respect
that this judge has for the role of the Court in ensuring effective diéspute

settlement and its outstanding contribution to the prevalence of the rulée
of law in the international community, a task that can always be per -
fected.

(Signed) Francisco Orrego Vicuña.

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5 CIJ1057.indb 266 1/12/14 08:59 différend maritime (opé. ind. orrego vicuña) 134

savoir si les résultats d’une délimitation maritime sont équéitables doit être

considérée non pas isolément, mais en fonction des accords concélus entre
les parties conformément au droit international. J’ai eu l’honnéeur, alors
que je faisais partie de la délégation chilienne à la troisièéme conférence
des Nations Unies sur le droit de la mer, de proposer la version finale de
cet article, et je puis attester que l’interprétation que je viensé d’en donner

était la condition essentielle du consensus dont le libellé de l’éarticle a fina
lement fait l’objet.
37. Je suis tout à fait favorable aux solutions qui sont susceptibles de é
concilier les intérêts essentiels des parties à un différeénd, et d’être ainsi
mieux acceptées, à condition que ces solutions soient strictement

conformes au droit en vigueur, qui, en la présente espèce, trouve éson
expression dans les traités et autres instruments juridiques auxquelsé ont
souscrit les Parties. Or, dans l’arrêt que vient de rendre la Couré, cette
limite du rôle de l’équité ne semble pas être clairement éindiquée, ce qui
donne l’impression que le principe d’équité était censé avoir en lui-même

une incidence sur l’issue du différend. Il y a donc lieu de se demander si le
sens des dispositions pertinentes de la convention des Nations Unies sur
le droit de la mer a bien été respecté.
38. Les considérations qui précèdent n’entament en rien le respeéct que
m’inspirent le rôle que joue la Cour lorsqu’elle s’attache àé trancher au

mieux les différends et l’éminente contribution qu’elle apéporte à la pri -
mauté du droit au sein de la communauté internationale, dans l’éaccom -
plissement d’une œuvre qui, comme toute entreprise humaine, sera
toujours perfectible.

(Signé) Francisco Orrego Vicuña.

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5 CIJ1057.indb 267 1/12/14 08:59

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Opinion individuelle, en partie concordante et en partie dissidente, de M. le juge ad hoc Orrego Vicuña

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