Déclaration de M. le juge ad hoc Guillaume

Document Number
137-20140127-JUD-01-09-EN
Parent Document Number
137-20140127-JUD-01-00-EN
Document File
Bilingual Document File

121

DÉCLARATION DE M. LE JUGE AD HOC GUILLAUME

Frontière maritime résultant d’un accord tacite intervenu entre le Pérou et le
Chili allant jusqu’à un maximum de 80 milles des côtes sur un p▯arallèle de
latitude — Détermination du surplus de la frontière conformément au droit▯
international coutumier — Point de départ de la frontière maritime et point de
départ de la frontière terrestre ne coïncidant pas — Conséquences.

1. Le Pérou a saisi la Cour d’une requête dirigée contre le Chiéli ayant
un double objet: a) la fixation de la ligne délimitant les espaces maritimes
entre les Parties ; b) la reconnaissance de ses droits souverains exclusifs

sur un «espace maritime s’étendant sur 200 milles marins depuis ses lignes
de base» (dit «triangle extérieur»). Le Chili a demandé à la Cour de reje -
ter cette requête en jugeant que : a) les espaces maritimes respectifs
des Parties ont été intégralement délimités par voie d’accéord; b) le Pérou
ne peut prétendre à l’espace maritime qu’il réclame dans éle « triangle

extérieur».
2. La première question qui se posait à la Cour était donc de déétermi -
ner s’il existait une frontière maritime conventionnelle agrééée par les Par-
ties. A cet égard, plusieurs textes étaient mentionnés au dossiéer.

3. En premier lieu, le Chili se référait aux proclamations par lesqueélles
les deux Etats avaient en 1947 revendiqué unilatéralement certains droits
en mer sur une distance de 200 milles marins depuis leurs côtes respec -
tives. A juste titre, la Cour a jugé que ces déclarations n’avaient pas établi

de frontière maritime entre les Parties.
4. Le Chili se prévalait en deuxième lieu de la déclaration par laéquelle
l’Equateur, le Chili et le Pérou avaient à Santiago, en 1952, dééclaré fonder
désormais « leur politique internationale maritime sur la souveraineté et
la juridiction exclusives qu’a chacun d’eux sur la mer qui baigne éles côtes

de son pays jusqu’à 200 milles marins au moins à partir desdites côtes »
(arrêt, par. 49). La Cour a reconnu à cette déclaration le caractère d’uén
traité, mais elle a estimé que,

«contrairement à ce que soutient le Chili, ce dernier et le Pérou
n’étaient pas convenus, en signant la déclaration de Santiago dée
1952, d’établir entre eux une frontière maritime latérale suivant vers

le large le parallèle passant par le point terminal de leur frontièére
terrestre » (ibid., par. 70).

Je souscris là encore à cette conclusion.
5. Les trois Etats signataires de la déclaration de Santiago avaient en
troisième lieu adopté en 1954 divers accords ayant pour but de renforcer

leur solidarité face à l’opposition exprimée par des Etats téiers à l’égard de

122

5 CIJ1057.indb 240 1/12/14 08:59 122 différend maritime (déécl. guillaume)

leur revendication d’une zone de 200 milles marins. Parmi ces accords

figurait un accord relatif à une zone frontière maritime spécéiale. Ce der -
nier relevait dans son préambule que :

«l’expérience a montré que la frontière maritime … entre des Etats
adjacents était fréquemment violée de manière innocente et péar inad -
vertance parce que les navires de petite taille dont l’équipage neé
connaît pas suffisamment la navigation ou qui ne sont pas équipéés
des instruments nécessaires ont du mal à déterminer préciséément leur

position en haute mer » (arrêt, par. 80).
Le préambule ajoutait que « l’application de peines en pareils cas crée

toujours un malaise chez les pêcheurs et des frictions entre les paysé inté -
ressés » (ibid.).
Par voie de conséquence, l’accord disposait en ses premiers articlées:

«1. Une zone spéciale est créée par le présent accord à unée dis -
tance de … 12 milles marins de la côte et avec une largeur de 10milles
marins de part et d’autre du parallèle qui constitue la frontièére mari -
time … entre les deux pays.

2. La présence accidentelle dans cette zone d’un navire [de l’un oéu
l’autre des] pays adjacent[s], du type décrit à l’alinéa édu préambule
du présent accord commençant par les mots « Considérant que l’ex -
périence a montré », ne sera pas considérée comme une violation des
eaux de la zone maritime, cette disposition ne devant toutefois pas

être interprétée comme reconnaissant un droit quelconque de s’éadon -
ner délibérément à la chasse ou à la pêche dans cette ézone spéciale.
3. La pêche et la chasse dans la zone de 12 milles marins à partir
de la côte sont réservées exclusivement aux ressortissants de céhaque
pays. » (Ibid., par. 81.)

6. En outre, en 1968-1969, le Chili et le Pérou ont conclu des arrange -
ments prévoyant à proximité de leur frontière terrestre la céonstruction de

deux phares en vue de « matérialiser le parallèlo constituant la frontière
maritime à partir de la borne numéro un (n 1)» (voir le document signé
des représentants des deux Parties le 26 avril 1968 cité dans l’arrêt, para -
graphe 96). Ces phares avaient une portée d’environ 15 milles marins et
devaient permettre aux navires de chacune des Parties de se situer par

rapport à la frontière maritime à proximité immédiate desé côtes.
7. L’accord de 1954 et les arrangements de 1968-1969 ne sont pas aiséés
à interpréter. Il est certain que, comme la Cour l’a noté, lé’accord de 1954
avait un objet «étroit et spécifique» (arrêt, par. 103). Il en va de même des
arrangements de 1968-1969. Mais il est non moins certain qu’ils faisaient

état d’une «frontière». Ils n’établissaient pas une telle frontière, mais ils en
constataient l’existence le long du parallèle de latitude.
8. Cette frontière n’avait par ailleurs été établie ni par lées déclarations
unilatérales de 1947, ni par la déclaration de Santiago, ni par aucun autre
texte conventionnel. Dès lors elle ne pouvait résulter que d’un accord

tacite intervenu avant 1954 entre les Parties.

123

5 CIJ1057.indb 242 1/12/14 08:59 123 différend maritime (déécl. guillaume)

9. La Cour a toujours reconnu la possibilité pour les Etats de passer de

tels accords, mais la plus grande prudence s’impose en ce domaine. Ené effet,
comme la Cour l’a jugé: «[l]’établissement d’une frontière maritime perma -
nente est une question de grande importance, et un accord ne doit pas êétre
présumé facilement» (Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et
le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt,

C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 735, par. 253). «Les éléments de preuve attestant
de l’existence d’un accord tacite doivent être convaincants» . (Ibid.)
10. En l’espèce, l’existence même d’un accord tacite antéréieur à 1954
est attestée par l’accord même de 1954 et par les arrangements éde
1968-1969. La frontière reconnue dans ces instruments suit le parallèleé de
o
latitude passant par la borne frontière n 1. Les textes ne fournissent en
revanche aucune précision en ce qui concerne l’étendue de cetteé frontière
vers le large, et les Parties sont en désaccord à cet égard.
11. L’accord de 1954 et les arrangements de 1968-1969 concernaient
essentiellement la pêche pratiquée au moyen de navires de petite téaille à

proximité des côtes, et le Chili n’établit pas que la frontiéère dont les Par -
ties ont reconnu l’existence dans ces instruments ait pu suivre le paérallèle
de latitude au-delà de la zone dans laquelle ces navires opéraienté. C’est
dans cette zone qu’une frontière a été reconnue.
12. Les Parties ne fournissent que peu d’indications sur l’étendue éde la

zone en question. Toutefois il apparaît que
«les activités halieutiques menées au début des années 1950 se résu -

maient principalement à la pêche pratiquée au moyen de navires
de petite taille tels que les embarcations spécifiquement mentionnéées
par l’accord de 1954 relatif à une zone … maritime spéciale et censées
bénéficier des arrangements de 1968-1969 sur les phares » (arrêt,
par. 109).

Ces activités étaient limitées et se concentraient dans les zones proches
des côtes (ibid., par. 107 et 108). Aussi bien ressort-il du dossier que,

«[j]usqu’au milieu des années 1980, l’ensemble des incidents impéliquant
les deux Parties se produi[sirent] à moins d’une soixantaine de miélles
marins des côtes, et généralement plus près encore » (ibid., par. 128).
13. Dans ces conditions, il me semble que le Chili n’apporte pas la
preuve que la frontière résultant de l’accord tacite intervenu éentre les Par -

ties, telle que constatée par l’accord de 1954 et les arrangementsé de
1968-1969, se prolongeait au-delà de 60 à 80 milles marins des côtes.
Ce dernier chiffre marque l’extrême limite de la frontière telleé que résul -
tant de l’accord tacite des Parties, et c’est dans cette perspectiéve que j’ai
pu me rallier à la solution retenue au paragraphe 3 du dispositif de

l’arrêt.
14. Au-delà du point ainsi fixé par la Cour, cette dernière devait dééter -
miner la frontière maritime entre les deux Etats conformément au déroit
coutumier de la mer tel que dégagé par la jurisprudence. A cet éégard, je
souscris entièrement à la méthode suivie. Je souscris égaleméent au raison -

nement tenu et au résultat atteint en ce qui concerne le triangle extéérieur

124

5 CIJ1057.indb 244 1/12/14 08:59 124 différend maritime (déécl. guillaume)

sur lequel le Pérou est en droit d’exercer des droits souverains déans les
conditions fixées par le droit international.
15. Je souscris enfin à la solution retenue par la Cour en ce qui conceérne
le point de départ de la frontière maritime. Cette solution s’iémposait,
compte tenu de la rédaction des arrangements de 1968-1969. Elle ne pré -

juge cependant en rien « l’emplacement du point de départ de la frontière
terrestre, appelé « Concordia» à l’article 2 du traité de Lima de 1929 »,
qu’il n’appartenait pas à la Cour de fixer (arrêt, par. 163). Les Parties
divergent en ce qui concerne la localisation de ce point, et j’ai tenédance
pour ma part à penser qu’il se situe non à la borne n o 1 qui se trouve à

l’intérieur des terres, mais « à l’intersection entre l’océan Pacifique et un
arc d’un rayon de dix kilomètres ayant pour centre le pont qui enjambait
la Lluta » (voir les « directives conjointes » des Parties d’avril 1930, ibid.,
par. 154). La côte entre le point de départ de la frontière maritimée et le

point Concordia relève de ce fait de la souveraineté du Pérou, tandisé que
la mer y relève de la souveraineté du Chili. Mais cette situation n’est pas
sans précédent, comme le Chili l’a souligné au cours de la pérocédure orale
(CR 2012/31, p. 35-38), elle ne concerne que quelques dizaines de mètres
de rivage et l’on peut espérer qu’elle ne sera pas source de diéfficultés.

(Signé) Gilbert Guillaume.

125

5 CIJ1057.indb 246 1/12/14 08:59

Bilingual Content

121

DÉCLARATION DE M. LE JUGE AD HOC GUILLAUME

Frontière maritime résultant d’un accord tacite intervenu entre le Pérou et le
Chili allant jusqu’à un maximum de 80 milles des côtes sur un p▯arallèle de
latitude — Détermination du surplus de la frontière conformément au droit▯
international coutumier — Point de départ de la frontière maritime et point de
départ de la frontière terrestre ne coïncidant pas — Conséquences.

1. Le Pérou a saisi la Cour d’une requête dirigée contre le Chiéli ayant
un double objet: a) la fixation de la ligne délimitant les espaces maritimes
entre les Parties ; b) la reconnaissance de ses droits souverains exclusifs

sur un «espace maritime s’étendant sur 200 milles marins depuis ses lignes
de base» (dit «triangle extérieur»). Le Chili a demandé à la Cour de reje -
ter cette requête en jugeant que : a) les espaces maritimes respectifs
des Parties ont été intégralement délimités par voie d’accéord; b) le Pérou
ne peut prétendre à l’espace maritime qu’il réclame dans éle « triangle

extérieur».
2. La première question qui se posait à la Cour était donc de déétermi -
ner s’il existait une frontière maritime conventionnelle agrééée par les Par-
ties. A cet égard, plusieurs textes étaient mentionnés au dossiéer.

3. En premier lieu, le Chili se référait aux proclamations par lesqueélles
les deux Etats avaient en 1947 revendiqué unilatéralement certains droits
en mer sur une distance de 200 milles marins depuis leurs côtes respec -
tives. A juste titre, la Cour a jugé que ces déclarations n’avaient pas établi

de frontière maritime entre les Parties.
4. Le Chili se prévalait en deuxième lieu de la déclaration par laéquelle
l’Equateur, le Chili et le Pérou avaient à Santiago, en 1952, dééclaré fonder
désormais « leur politique internationale maritime sur la souveraineté et
la juridiction exclusives qu’a chacun d’eux sur la mer qui baigne éles côtes

de son pays jusqu’à 200 milles marins au moins à partir desdites côtes »
(arrêt, par. 49). La Cour a reconnu à cette déclaration le caractère d’uén
traité, mais elle a estimé que,

«contrairement à ce que soutient le Chili, ce dernier et le Pérou
n’étaient pas convenus, en signant la déclaration de Santiago dée
1952, d’établir entre eux une frontière maritime latérale suivant vers

le large le parallèle passant par le point terminal de leur frontièére
terrestre » (ibid., par. 70).

Je souscris là encore à cette conclusion.
5. Les trois Etats signataires de la déclaration de Santiago avaient en
troisième lieu adopté en 1954 divers accords ayant pour but de renforcer

leur solidarité face à l’opposition exprimée par des Etats téiers à l’égard de

122

5 CIJ1057.indb 240 1/12/14 08:59 121

DECLARATION OF JUDGE AD HOC GUILLAUME

[Translation]

Maritime boundary deriving from tacit agreement between Peru and Chile
extending up to 80 nautical miles along parallel of latitude — Remaining boundary
to be determined in accordance with customary international law — Starting­
points of maritime and land boundaries not coinciding — Consequences.

1. Peru filed an Application with the Court against Chile which had a

dual objective :(a) determination of the line delimiting the Parties’ mari -
time zones ;(b) recognition of its exclusive sovereign rights over a “mari -
time area lying out to a distance of 200 nautical miles from its baselines”
(the “outer triangle”). Chile requested the Court to dismiss theé Applica -

tion and to adjudge and declare that : (a) the respective maritime zone
entitlements of Chile and Peru have been fully delimited by agreement ;
(b) Peru has no entitlement to the maritime area which it claims within
the outer triangle.
2. Thus the first question to be decided by the Court was whether there

was an agreed maritime boundary between the Parties. Several texts were
cited to the Court in this regard.
3. First, Chile relied on the 1947 Proclamations under which both
States had unilaterally claimed certain maritime rights extending 200 naut-

ical miles from their respective coasts. The Court rightly found that théese
declarations had not established any maritime boundary between the Par-
ties.
4. Chile relied secondly on the 1952 Santiago Declaration, whereby
Ecuador, Chile and Peru “proclaim[ed] as a norm of their internationaél

maritime policy that they each possess exclusive sovereignty and jurisdic -
tion over the sea along the coasts of their respective countries to a mién-
imum distance of 200 nautical miles from these coasts” (Judgment,
para. 49). The Court recognizes that this Declaration has the character of

a treaty, but concludes,
“contrary to Chile’s submissions, that Chile and Peru did not, by é

adopting the 1952 Santiago Declaration, agree to the establishment
of a lateral maritime boundary between them along the line of latitude
running into the Pacific Ocean from the seaward terminus of their
land boundary” (ibid., para. 70).

I agree also with that finding.
5. Thirdly, the three signatory States to the Santiago Declaration had
in 1954 adopted various agreements aimed at reinforcing their solidarityé

in the face of opposition from third States to the 200-nautical-mile claim.

122

5 CIJ1057.indb 241 1/12/14 08:59 122 différend maritime (déécl. guillaume)

leur revendication d’une zone de 200 milles marins. Parmi ces accords

figurait un accord relatif à une zone frontière maritime spécéiale. Ce der -
nier relevait dans son préambule que :

«l’expérience a montré que la frontière maritime … entre des Etats
adjacents était fréquemment violée de manière innocente et péar inad -
vertance parce que les navires de petite taille dont l’équipage neé
connaît pas suffisamment la navigation ou qui ne sont pas équipéés
des instruments nécessaires ont du mal à déterminer préciséément leur

position en haute mer » (arrêt, par. 80).
Le préambule ajoutait que « l’application de peines en pareils cas crée

toujours un malaise chez les pêcheurs et des frictions entre les paysé inté -
ressés » (ibid.).
Par voie de conséquence, l’accord disposait en ses premiers articlées:

«1. Une zone spéciale est créée par le présent accord à unée dis -
tance de … 12 milles marins de la côte et avec une largeur de 10milles
marins de part et d’autre du parallèle qui constitue la frontièére mari -
time … entre les deux pays.

2. La présence accidentelle dans cette zone d’un navire [de l’un oéu
l’autre des] pays adjacent[s], du type décrit à l’alinéa édu préambule
du présent accord commençant par les mots « Considérant que l’ex -
périence a montré », ne sera pas considérée comme une violation des
eaux de la zone maritime, cette disposition ne devant toutefois pas

être interprétée comme reconnaissant un droit quelconque de s’éadon -
ner délibérément à la chasse ou à la pêche dans cette ézone spéciale.
3. La pêche et la chasse dans la zone de 12 milles marins à partir
de la côte sont réservées exclusivement aux ressortissants de céhaque
pays. » (Ibid., par. 81.)

6. En outre, en 1968-1969, le Chili et le Pérou ont conclu des arrange -
ments prévoyant à proximité de leur frontière terrestre la céonstruction de

deux phares en vue de « matérialiser le parallèlo constituant la frontière
maritime à partir de la borne numéro un (n 1)» (voir le document signé
des représentants des deux Parties le 26 avril 1968 cité dans l’arrêt, para -
graphe 96). Ces phares avaient une portée d’environ 15 milles marins et
devaient permettre aux navires de chacune des Parties de se situer par

rapport à la frontière maritime à proximité immédiate desé côtes.
7. L’accord de 1954 et les arrangements de 1968-1969 ne sont pas aiséés
à interpréter. Il est certain que, comme la Cour l’a noté, lé’accord de 1954
avait un objet «étroit et spécifique» (arrêt, par. 103). Il en va de même des
arrangements de 1968-1969. Mais il est non moins certain qu’ils faisaient

état d’une «frontière». Ils n’établissaient pas une telle frontière, mais ils en
constataient l’existence le long du parallèle de latitude.
8. Cette frontière n’avait par ailleurs été établie ni par lées déclarations
unilatérales de 1947, ni par la déclaration de Santiago, ni par aucun autre
texte conventionnel. Dès lors elle ne pouvait résulter que d’un accord

tacite intervenu avant 1954 entre les Parties.

123

5 CIJ1057.indb 242 1/12/14 08:59 maritime dispute (decél. guillaume) 122

Those agreements included a Special Maritime Frontier Zone Agreement,
whose Preamble reads as follows :

“Experience has shown that innocent and inadvertent violations of

the maritime frontier . . . between adjacent States occur frequently
because small vessels manned by crews with insufficient knowledge of
navigation or not equipped with the necessary instruments have dif -
ficulty in determining accurately their position on the high seas” é
(Judgment, para. 80).

Furthermore, continues the Preamble, “[t]he application of penalties in
such cases always produces ill-feeling in the fishermen and friction
between the countries concerned” (ibid.).

As a result, the Agreement provided in its first articles :
“1. A special zone is hereby established, at a distance of . . . 12 naut-

ical miles from the coast, extending to a breadth of 10 nautical miles
on either side of the parallel which constitutes the maritime boundary
. . . between the two countries.
2. The accidental presence in the said zone of a vessel of either of
the adjacent countries, which is a vessel of the nature described in the

paragraph beginning with the words ‘Experience has shown’ in the
Preamble hereto, shall not be considered to be a violation of the
waters of the maritime zone, though this provision shall not be con -
strued as recognizing any right to engage, with deliberate intent, in
hunting or fishing in the said special zone.

3. Fishing or hunting within the zone of 12 nautical miles from the
coast shall be reserved exclusively to the nationals of each country.”
(Ibid., para. 81.)

6. Moreover, in 1968-1969 Chile and Peru entered into arrangements
to build two lighthouses close to their land border, in order to “matéeri -
alise the parallel of the maritime frontier originating at Boundary Markéer
number one (No. 1)” (see the document signed by the representatives of
the two Parties on 26 April 1968, quoted in the Judgment at para -

graph 96). These lighthouses had a range of some 15 nautical miles, and
were intended to enable the ships of each Party to determine their loca -
tion in relation to the maritime boundary in areas close to the coasts.
7. The 1954 Agreement and the arrangements of 1968-1969 are not
easy to interpret. It is clear, as the Court noted, that the 1954 Agreeméent

had a “narrow and specific” purpose (Judgment, para. 103). The same
applies to the arrangements of 1968-1969. But it is equally clear that téhey
were referring to a “boundary”. They were not establishing such a ébound -
ary, but noted its existence running along the line of latitude.
8. That boundary had not, moreover, been established either by the
unilateral proclamations of 1947, or by the Santiago Declaration, or by

any other treaty text. It could thus only derive from a tacit agreement é
reached between the Parties before 1954.

123

5 CIJ1057.indb 243 1/12/14 08:59 123 différend maritime (déécl. guillaume)

9. La Cour a toujours reconnu la possibilité pour les Etats de passer de

tels accords, mais la plus grande prudence s’impose en ce domaine. Ené effet,
comme la Cour l’a jugé: «[l]’établissement d’une frontière maritime perma -
nente est une question de grande importance, et un accord ne doit pas êétre
présumé facilement» (Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et
le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt,

C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 735, par. 253). «Les éléments de preuve attestant
de l’existence d’un accord tacite doivent être convaincants» . (Ibid.)
10. En l’espèce, l’existence même d’un accord tacite antéréieur à 1954
est attestée par l’accord même de 1954 et par les arrangements éde
1968-1969. La frontière reconnue dans ces instruments suit le parallèleé de
o
latitude passant par la borne frontière n 1. Les textes ne fournissent en
revanche aucune précision en ce qui concerne l’étendue de cetteé frontière
vers le large, et les Parties sont en désaccord à cet égard.
11. L’accord de 1954 et les arrangements de 1968-1969 concernaient
essentiellement la pêche pratiquée au moyen de navires de petite téaille à

proximité des côtes, et le Chili n’établit pas que la frontiéère dont les Par -
ties ont reconnu l’existence dans ces instruments ait pu suivre le paérallèle
de latitude au-delà de la zone dans laquelle ces navires opéraienté. C’est
dans cette zone qu’une frontière a été reconnue.
12. Les Parties ne fournissent que peu d’indications sur l’étendue éde la

zone en question. Toutefois il apparaît que
«les activités halieutiques menées au début des années 1950 se résu -

maient principalement à la pêche pratiquée au moyen de navires
de petite taille tels que les embarcations spécifiquement mentionnéées
par l’accord de 1954 relatif à une zone … maritime spéciale et censées
bénéficier des arrangements de 1968-1969 sur les phares » (arrêt,
par. 109).

Ces activités étaient limitées et se concentraient dans les zones proches
des côtes (ibid., par. 107 et 108). Aussi bien ressort-il du dossier que,

«[j]usqu’au milieu des années 1980, l’ensemble des incidents impéliquant
les deux Parties se produi[sirent] à moins d’une soixantaine de miélles
marins des côtes, et généralement plus près encore » (ibid., par. 128).
13. Dans ces conditions, il me semble que le Chili n’apporte pas la
preuve que la frontière résultant de l’accord tacite intervenu éentre les Par -

ties, telle que constatée par l’accord de 1954 et les arrangementsé de
1968-1969, se prolongeait au-delà de 60 à 80 milles marins des côtes.
Ce dernier chiffre marque l’extrême limite de la frontière telleé que résul -
tant de l’accord tacite des Parties, et c’est dans cette perspectiéve que j’ai
pu me rallier à la solution retenue au paragraphe 3 du dispositif de

l’arrêt.
14. Au-delà du point ainsi fixé par la Cour, cette dernière devait dééter -
miner la frontière maritime entre les deux Etats conformément au déroit
coutumier de la mer tel que dégagé par la jurisprudence. A cet éégard, je
souscris entièrement à la méthode suivie. Je souscris égaleméent au raison -

nement tenu et au résultat atteint en ce qui concerne le triangle extéérieur

124

5 CIJ1057.indb 244 1/12/14 08:59 maritime dispute (decél. guillaume) 123

9. The Court has always recognized the possibility that States may
enter into such agreements, but this is an area where the very greatest é

caution is required. Indeed, as the Court has stated : “[t]he establishment
of a permanent maritime boundary is a matter of grave importance and
agreement is not easily to be presumed” (Territorial and Maritime Dispute
between Nicaragua and Honduras in the Caribbean Sea (Nicaragua v.
Honduras), Judgment, I.C.J. Reports 2007 (II), p. 735, para. 253). “Evi -

dence of a tacit legal agreement must be compelling.” (Ibid.)
10. In the present case, the existence of a tacit agreement prior to 1954
is evidenced by the 1954 Agreement itself, and by the arrangements of
1968-1969. The boundary recognized in those texts follows the parallel of
latitude passing through Boundary Marker No. 1. On the other hand, the
texts give no indication as to how far that boundary extends out to sea,é

and the Parties disagree on this.
11. The 1954 Agreement and the 1968-1969 arrangements essentially
concerned fishing by small vessels close to the coast, and Chile has féailed
to show that the boundary whose existence was recognized by the Parties é
in those texts extended along the parallel of latitude beyond the area ién

which those vessels operated. It was within that area that a boundary waés
recognized.
12. The Parties have provided few indications as to the extent of the
area in question. However, it is apparent that

“the principal maritime activity in the early 1950s was fishing undéer -
taken by small vessels, such as those specifically mentioned in the 19é54
Special Maritime Frontier Zone Agreement and which were also to

benefit from the 1968-1969 arrangements relating to the lighthouses”
(Judgment, para. 109).

Such activities were limited, and concentrated within the areas close toé
the coast (ibid., paras. 107 and 108). It is also clear from the case file that
“[u]ntil the mid-1980s, all the practice involving incidents between the
two Parties was within about 60 nautical miles of the coasts and usually
much closer” (ibid., para. 128).

13. In these circumstances, it seems to me that Chile has failed to show
that the boundary deriving from the tacit agreement between the Parties,é
as confirmed by the 1954 Agreement and the 1968-1969 arrangements,
extended beyond 60 to 80 nautical miles from the coasts. This latter figure
marks the furthest limit of the boundary deriving from the tacit agreement

of the Parties, and it is in light of that fact that I have been able toé agree
with the solution adopted in paragraph 3 of the Judgment’s operative part.

14. Beyond that point as thus determined by the Court, it was for the
latter to determine the maritime boundary between the two States in
accordance with the customary law of the sea as identified in its jurispru -

dence. In that regard, I agree fully with the method followed. I likewisée
agree with the Court’s reasoning and with the result as regards the outer

124

5 CIJ1057.indb 245 1/12/14 08:59 124 différend maritime (déécl. guillaume)

sur lequel le Pérou est en droit d’exercer des droits souverains déans les
conditions fixées par le droit international.
15. Je souscris enfin à la solution retenue par la Cour en ce qui conceérne
le point de départ de la frontière maritime. Cette solution s’iémposait,
compte tenu de la rédaction des arrangements de 1968-1969. Elle ne pré -

juge cependant en rien « l’emplacement du point de départ de la frontière
terrestre, appelé « Concordia» à l’article 2 du traité de Lima de 1929 »,
qu’il n’appartenait pas à la Cour de fixer (arrêt, par. 163). Les Parties
divergent en ce qui concerne la localisation de ce point, et j’ai tenédance
pour ma part à penser qu’il se situe non à la borne n o 1 qui se trouve à

l’intérieur des terres, mais « à l’intersection entre l’océan Pacifique et un
arc d’un rayon de dix kilomètres ayant pour centre le pont qui enjambait
la Lluta » (voir les « directives conjointes » des Parties d’avril 1930, ibid.,
par. 154). La côte entre le point de départ de la frontière maritimée et le

point Concordia relève de ce fait de la souveraineté du Pérou, tandisé que
la mer y relève de la souveraineté du Chili. Mais cette situation n’est pas
sans précédent, comme le Chili l’a souligné au cours de la pérocédure orale
(CR 2012/31, p. 35-38), elle ne concerne que quelques dizaines de mètres
de rivage et l’on peut espérer qu’elle ne sera pas source de diéfficultés.

(Signé) Gilbert Guillaume.

125

5 CIJ1057.indb 246 1/12/14 08:59 maritime dispute (decél. guillaume) 124

triangle, over which Peru is entitled to exercise sovereign rights underé the

conditions laid down by international law.
15. Finally, I agree with the solution reached by the Court as regards
the starting-point of the maritime boundary. This solution followed
necessarily from the language of the arrangements of 1968-1969. However,é
it in no way prejudges “the location of the starting-point of the lanéd bound-

ary identified as ‘Concordia’ in Article 2 of the 1929 Treaty of Lima”,
which it was not for the Court to determine (Judgment, para. 163). The
Parties disagree as to the location of that point, and for my part I tend to
believe that it is located not at Boundary Marker No. 1, which is situated
inland, but at “the point of intersection between the Pacific Oceané and an

arc with a radius of 10 km having its centre on the bridge over the river
Lluta” (see the Parties’ “Joint Instructions” of April 1930, ibid., para. 154).
Accordingly, the coast between the starting-point of the maritime bound -
ary and Point Concordia falls under the sovereignty of Peru, whilst the
sea belongs to Chile. However, that situation is not unprecedented, as

Chile pointed out at the hearings (CR 2012/31, pp. 35-38) ; it concerns
just a few tens of metres of shoreline, and it may be hoped that it will not
give rise to any difficulties.

(Signed) Gilbert Guillaume.

125

5 CIJ1057.indb 247 1/12/14 08:59

Document file FR
Document Long Title

Déclaration de M. le juge ad hoc Guillaume

Links