Opinion dissidente de Mme la juge Sebutinde

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137-20140127-JUD-01-08-EN
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137-20140127-JUD-01-00-EN
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114

me
OPINION DISSIDENTE DE M LA JUGE SEBUTINDE

[Traduction]

Cour n’ayant pas délimité de novo la frontière maritime entre les Parties

comme elle l’aurait dû — Absence entre les Parties d’accord tacite ou autre
établissant une frontière maritime permanente à vocation gén▯érale — Parties
n’invoquant ni l’une ni l’autre l’accord de 1954 comme fonde▯ment d’une frontière
maritime préexistante — Pratique des Parties ne reflétant pas l’existence d’un
accord sur une frontière maritime à vocation générale suivan▯t le parallèle de
latitude sur une distance de 80 milles marins — Critère rigoureux permettant de
déduire l’existence d’un accord tacite n’étant pas rempli▯.

Introduction

1. Je souscris à la conclusion que la Cour énonce au point 1 du dispo -
sitif de l’arrêt, selon laquelle « le point de départ de la frontière maritime

unique délimitant les espaces maritimes respectifs de la Républiquée du
Pérou et de la République du Chili est situé à l’intersecétion du parallèle de
latitude passant par la borne frontière n o1 avec la laisse de basse mer ».
J’ai cependant voté contre les points 2 et 3 du dispositif, dans lesquels la

Cour décide, respectivement, que « le segment initial de la frontière mari -
time unique suit, en direction de l’ouest, le parallèle de latitudée passant
par la borne frontière n o 1» et que « ce segment initial s’étend jusqu’à un
point (point A) situé à une distance de 80 milles marins du point de départ

de la frontière maritime unique ». En conséquence, j’ai également voté
contre le point 4 du dispositif, dans lequel la Cour détermine, à partir du
point A, le tracé du second segment de la frontière maritime unique.
2. Pour les raisons exposées ci-après, je ne partage pas l’avis deé la majo -

rité des membres de la Cour quant à la préexistence entre les Péarties d’une
frontière maritime convenue à vocation générale qui suivraité le parallèle
de latitude passant par la borne frontière n o 1 sur une distance de
80 milles marins. Je considère que les éléments de preuve soumis à la éCour

ne permettent pas de déduire l’existence d’un accord (tacite oéu autre) entre
les Parties à cet égard. En conséquence, la Cour aurait dû délimiter l’inté -
gralité de la frontière maritime unique entre les Parties, par appélication de
sa méthode bien établie en trois étapes afin de parvenir à un résultat équi -

table. Mon opinion est fondée sur les motifs exposés ci-après.

I. Ni l’une ni l’autre deés Parties n’invoque l’éaccord de 1954

comme fondement d’uneé frontière maritime prééexistante

3. Le Chili soutient sans varier que c’est la déclaration de Santiagoé

115

5 CIJ1057.indb 227 1/12/14 08:59 différend maritime (opé. diss. sebutinde) 115

de 1952, adoptée par le Chili, l’Equateur et le Pérou, et non l’éaccord

de 1954, qui a opéré une délimitation maritime générale entrée lui et le
Pérou, délimitation qu’il prie en conséquence la Cour de conéfirmer. Il
considère que l’accord de 1954 ne fait que constater la pratique des Par -
ties, qui confirme et met en œuvre la frontière maritime préeéxistante.
Reconnaissant que la déclaration de Santiago ne contient aucune dispoési -

tion claire et précise concernant la délimitation, il affirme qu’il y a lieu
d’interpréter l’article IV comme établissant une frontière maritime inter -
nationale suivant, vers le large et sur une distance d’au moins
200 milles marins, le parallèle de latitude qui passe par le point de départ é
de la frontière terrestre le séparant du Pérou. Pour sa part, cée dernier nie

systématiquement avoir jamais conclu avec le Chili quelque accord ééta -
blissant une frontière maritime internationale, ni avoir renoncé, éexpressé-
ment ou tacitement, aux espaces maritimes que lui reconnaît le droit é
international. Il prie par conséquent la Cour de procéder à la édélimitation
en utilisant la méthode de l’équidistance afin de parvenir à un résultat

équitable. Appliquant les principes établis d’interprétationé des traités à la
déclaration de Santiago de 1952, et en particulier à son article IV, la Cour
rejette à juste titre le fondement même de la prétention du Chiéli et conclut
que les Parties « n’étaient pas convenu[e]s, en signant la déclaration de
Santiago de 1952, d’établir entre e[lles] une frontière maritime latéralée sui -

vant vers le large le parallèle passant par le point terminal de leur fron -
tière terrestre» (arrêt, par. 70).
Même si la Cour n’est pas liée par les conclusions que les Partéies ont pu
formuler, le fait que ni l’une ni l’autre n’ait fait valoir l’éexistence, que ce
soit en 1952 ou en 1954, d’un accord tacite concernant l’établissement

d’une frontière maritime permanente révèle clairement, seloné moi, l’ab -
sence de toute entente entre elles sur cette question cruciale et donne éà
penser que la Cour aurait dû tenir compte de ce facteur avant de préésu -
mer l’existence d’un tel accord.

II. Le critère rigoureux péermettant de conclurée à l’existence
d’un accord tacite n’éest pas pas rempli

4. En l’absence de traité de limites formel entre le Chili et le Péérou,

seuls un accord tacite ou l’acquiescement pouvaient servir de fondemeént
à une frontière maritime juridiquement contraignante entre les Paréties. Or
le Pérou nie qu’une frontière maritime à vocation généérale avec le Chili
ait pu être établie au titre de l’une ou l’autre de ces notions, tandis que le
Chili renonce délibérément et expressément à fonder sa reévendication,

même à titre subsidiaire, sur un accord tacite ou sur l’acquiesécement.
Pourtant, la Cour conclut que c’est précisément d’« un accord tacite» que
découle la préexistence, entre les Parties, d’une frontière émaritime à voca -
tion générale longeant le parallèle de latitude qui passe par léa borne fron-
tière n 1 jusqu’à une distance de 80 milles marins.

5. La Cour voit la preuve de l’existence de cet accord tacite dans l’éac -

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5 CIJ1057.indb 229 1/12/14 08:59 différend maritime (opé. diss. sebutinde) 116

cord de 1954 relatif à une zone frontière maritime spéciale (ci-aprèés
l’«accord de 1954 ») conclu entre les trois parties à la déclaration de San -

tiago (le Chili, l’Equateur et le Pérou), en particulier dans laé référence
faite, à l’article premier de cet accord, au « parallèle qui constitue la fron -
tière entre les deux pays ». Tout en admettant que « les dispositions et
l’objectif de l’accord de 1954 relatif à une zone frontière maritime spéciale
étaient effectivement étroits et spécifiques », elle conclut que l’article pre -

mier de cet accord, considéré à la lumière du préambule, é«reconnaît, dans
le cadre d’un accord international contraignant, qu’une frontièére mari -
time existe déjà » (arrêt, par. 90). Relevant que l’accord de 1954 « ne
donne aucune indication de la nature de la frontière maritime[, qu’i]l n’en
précise pas davantage l’étendue » (ibid., par. 92) et qu’il « n’indique pas
quand ni par quels moyens cette frontière a été agréée », la Cour consi -

dère néanmoins que « [l]a reconnaissance expresse de son existence par les
Parties repose nécessairement sur un accord tacite intervenu entre eléles
auparavant » (ibid., par.91). Elle se réfère ensuite à la déclaration de San -
tiago de 1952, soulignant que certains éléments de celle-ci et des procla -
mations des Parties de 1947 « laissent supposer que la manière dont les

Parties envisageaient leur frontière maritime avait évolué » (ibid., par. 43,
69 et 91) et que l’accord de 1954 avait eu « pour effet de consacrer l’ac -
cord tacite en question », lequel a en quelque sorte « évolué» au cours des
deux années écoulées (ibid., par. 91).
6. Selon moi, l’analyse que je viens de faire des éléments de preuéve

soumis à la Cour et des conclusions que celle-ci en a tirées montre qu’il
n’est pas satisfait au critère rigoureux et bien établi que la éCour a elle-
même posé pour l’établissement, en droit international, d’éune frontière
maritime permanente sur la base d’un accord tacite. Dans l’affaire Nica ­
ragua c. Honduras, elle a formulé ce critère comme suit :

«Les éléments de preuve attestant l’existence d’un accord tacéite
doivent être convaincants. L’établissement d’une frontièrée maritime
permanente est une question de grande importance, et un accord ne

doit pas être présumé facilement. Une ligne de facto pourrait dans
certaines circonstances correspondre à l’existence d’une frontiéère
convenue en droit ou revêtir davantage le caractère d’une ligneé pro -
visoire ou d’une ligne à vocation spécifique, limitée, teléle que le par -
tage d’une ressource rare. Même s’il y avait eu une ligne proviésoire

jugée utile pour un certain temps, cela n’en ferait pas une frontière
internationale. » (Différend territorial et maritime entre le Nicaragua
et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras),
arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 735, par. 253.)

7. Sauf le respect que je dois à la Cour, je doute fort que l’on puisése
qualifier de « convaincants» les éléments de preuve sur lesquels elle s’est
appuyée pour conclure à l’existence d’un accord tacite étéablissant une
frontière maritime permanente. Je ne suis pas non plus persuadée qéue les

parties à la déclaration de Santiago de 1952 ou à l’accord de 1954 aient eu
l’intention d’établir une telle frontière.

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5 CIJ1057.indb 231 1/12/14 08:59 différend maritime (opé. diss. sebutinde) 117

8. Même si l’accord de 1954 constitue un élément important à considé -
rer pour déterminer si le Pérou et le Chili ont convenu de déliémiter leurs

espaces maritimes respectifs, il ne suffit pas, en soi, à démontréer qu’un
accord était intervenu entre eux sur une frontière maritime à véocation
générale. L’existence d’une frontière convenue doit êtére établie sur la base
d’un examen minutieux de la pratique des Parties au différend, déont l’ac -
cord de 1954 ne constitue qu’un élément. Contrairement à ce que la Céour

affirme aux paragraphes 90 et 102 de l’arrêt, la formulation de l’accord
de 1954 ne permet pas de considérer que l’existence d’une frontière
maritime suivant le parallèle de latitude au-delà d’une distance de 12milles
marins depuis la côte y est clairement reconnue. Je suis d’avis qué’il convient
d’interpréter les dispositions de l’accord de 1954 avec prudence, non seule -
ment à la lumière de l’objet et du but de ce traité, mais coémpte tenu égale-

ment de ce qu’elles sont «réputées faire partie intégrante et complémentair» e
des résolutions et accords adoptés à la conférence sur l’exploitation et la
conservation des ressources maritimes du Pacifique Sud tenue à Santiago
du Chili en août 1952 (voir l’article 4 de l’accord de 1954).
9. Il convient de rappeler que l’objet et le but de la déclaration deé San -

tiago de 1952 (dont l’accord de 1954 fait partie intégrante) conésistaient à
établir un processus de coopération maritime tripartite entre le Céhili, le
Pérou et l’Equateur, en vue de sauvegarder leur mer adjacente des éactivi -
tés prédatrices menées par certaines flottes étrangèresé, en protégeant et en
conservant ainsi conjointement les ressources maritimes de leurs peuples.

Cette action conjointe a été précédée de revendications uénilatérales por -
tant sur de nouveaux espaces maritimes, que le Chili et le Pérou ont éfaites
en 1947 (les proclamations de 1947). L’objet de la déclaration de 1952
n’était pas d’établir des frontières maritimes permanenteés entre les
trois Etats. En conséquence, l’objet et le but de l’accord de 1954, qéu’il
convient d’interpréter dans le contexte général des résoléutions et accords

adoptés en 1952 à Santiago, sont « étroits et spécifiques », comme l’a fait
observer la Cour à juste titre. Il s’agissait de créer une zoneé spéciale de
tolérance visant à éviter les accrochages associés à la violation acciden -
telle de « la frontière maritime [la frontera marítima] entre des Etats
adjacents» par des navires de petite taille dont l’équipage ne connaissaéit

pas suffisamment la navigation ou qui n’étaient pas équipés des instru -
ments nécessaires pour déterminer précisément leur position éen haute
mer, afin d’encourager l’esprit de coopération et d’unitéé entre les Etats
parties aux résolutions et accords de Santiago. Il y a lieu de signaléer que
cet accord a été conclu entre l’Equateur, le Pérou et le Chili, et non pas

uniquement entre les Parties au présent différend. C’est pouréquoi l’ar -
ticle premier de l’accord de 1954 a établi pour chaque paire d’Etats
adjacents (Equateur/Pérou et Pérou/Chili), « une zone spéciale … à une
distance de … 12 milles marins de la côte et avec une largeur de
10 milles marins de part et d’autre du parallèle qui constitue la frontièére
maritime [el límite marítimo] entre les deux pays ». L’article 2 prévoit que

la « présence accidentelle », dans la zone spéciale, de navires de petite
taille de l’un ou l’autre des pays adjacents « ne sera pas considérée comme

118

5 CIJ1057.indb 233 1/12/14 08:59 différend maritime (opé. diss. sebutinde) 118

une violation des eaux de la zone maritime ». Même si le libellé des trois
premiers articles évoque la présence entre les Etats adjacents d’une sorte

de frontière maritime qui suivrait un parallèle indéterminé éau-delà d’une
distance de 12 milles marins depuis la côte, il s’agit, selon moi, d’une rééfé-
rence à des « lignes provisoires» établies à des fins spécifiques (à savoir le
partage des ressources halieutiques) qui ne permet pas de conclure à
l’existence d’une frontière maritime permanente ayant vocation générale

au sens du droit international. Ces dispositions (lesquelles, comme le é
relève la Cour, ne donnent aucune indication de la nature ou de l’éétendue
d’une telle frontière maritime) visaient à régler la questiéon des embarca -
tions de pêche s’égarant accidentellement dans les eaux situéées de part et
d’autre de ces lignes provisoires, et on ne saurait les interpréteér sans peine
comme confirmant clairement l’existence d’un accord tacite sur uéne fron -

tière maritime internationale et permanente, à vocation généérale et lon -
geant un parallèle de latitude au-delà d’une distance de 12 milles marins
depuis la côte. Après mûre réflexion, je considère que éc’est cette interpré -
tation étroite et stricte de l’accord de 1954 qui s’accorde le émieux avec les
résolutions et accords adoptés à la conférence tripartite sur l’exploitation

et la conservation des ressources maritimes du Pacifique Sud, qui s’est
tenue à Santiago du Chili en août 1952, et dont il est fait état dans la
déclaration de Santiago de la même année.
10. Cette interprétation est par ailleurs confirmée par le contexte éhisto -
rique dans lequel l’accord de 1954 a été conclu, en particulieré le fait que,

à l’époque, les droits à une zone économique exclusive oué à une mer ter -
ritoriale de 12 milles marins étaient encore inconnus du droit internatio -
nal coutumier. En conséquence, dans la mesure où la zone spéciaéle de
tolérance établie par l’accord de 1954 commençait à une déistance de
12 milles marins depuis les côtes péruvienne et chilienne pour suivreé le
«parallèle qui constitu[ait] la frontière maritime », elle faisait partie de ce

qui était considéré à l’époque comme la haute mer et néul ne pouvait
présumer qu’elle correspondait à des espaces maritimes sur lesqéuels les
Parties pouvaient prétendre à des droits souverains exclusifs en véertu du
droit international. En outre, les principaux exemples de la pratique deés
Etats qui indiquent l’existence d’une « frontière maritime » entre les Par -

ties concernent invariablement la colonne d’eau (à l’exclusion du sous-sol).

III. La pratique des Partiesé ne reflète pas l’exisétence d’un accord
concernant une frontéière maritime à vocatiéon générale

qui suivrait vers le léarge le parallèle de élatitude
jusqu’à 80 milles marins

11. Dans son arrêt, la Cour conclut à bon droit que les proclamations é
unilatérales de 1947 ne sauraient être interprétées comme « reflétant une
manière commune, de la part des Parties, d’envisager la délimitéation

maritime» (arrêt, par. 43) et que la déclaration de Santiago de 1952 ne
saurait être considérée comme révélant un accord intervenu entre les Par -

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5 CIJ1057.indb 235 1/12/14 08:59 différend maritime (opé. diss. sebutinde) 119

ties concernant « [l]’établi[ssement] entre e[lles d’]une frontière maritime
latérale suivant … le parallèle» (arrêt., par. 70). Au vu de ces deux conclu-

sions, il est d’autant plus impératif d’interpréter l’accéord de 1954 avec
prudence et de s’abstenir d’en tirer des déductions hasardeusesé.
12. La pratique (contemporaine et ultérieure) des Parties, considéréée à
la lumière de l’objet et du but des arrangements de 1952/1954, confirme la
position présentée ci-dessus. Elle indique, selon moi, que l’inétention des
Parties était de réglementer le partage d’une ressource commune et de

protéger celle-ci à l’égard des Etats tiers, et non de procééder à une délimi -
tation maritime. Même si certains documents et événements examinés par
la Cour peuvent être considérés comme reflétant de la parté des Parties,
dans une certaine mesure, une manière commune d’envisager l’exiéstence
d’une «frontière maritime» entre elles le long du parallèle de latitude pas -
sant par le point terminal de leur frontière terrestre, il en existe éd’autres

dont on pourrait tout aussi bien dire qu’ils démontrent l’absenéce d’un tel
accord. Par ailleurs, même les éléments tendant à confirmeér l’existence
d’un accord ne démontrent pas que les Parties ont agi (ou se sont abste -
nues d’agir) en partant du principe que cette ligne constituait une éfron -
tière maritime définitive ayant vocation générale et déélimitant tous les

espaces maritimes auxquels elles pouvaient prétendre. En outre, touteés
ces ambiguïtés et incertitudes s’inscrivent dans le contexte d’éune absence
totale de texte juridique international ou interne postérieur à 1954 et
attestant sans équivoque l’existence, entre le Pérou et le Chiléi, d’une fron -
tière maritime internationale convenue longeant le parallèle de latitude
qui passe par le point terminal de leur frontière terrestre.

13. C’est sur la base de ces mêmes considérations que je tiens éégalement
pour très discutables les éléments sur lesquels la Cour s’apépuie pour
conclure que la frontière maritime suit vers le large le parallèleé de latitude
jusqu’à une distance de 80 milles marins. De l’aveu de la Cour, tous les
exemples de la pratique des Parties ayant trait à des incidents surveénus
entre elles, y compris les mesures d’exécution, mettent en jeu uneé distance

maximale de 60 milles marins et généralement bien moindre depuis leurs
côtes. Ce n’est qu’à partir de 1996 que des navires ont été fréquemment
arraisonnés au-delà de 60 milles marins (ibid., par. 128, 146 et 147). Pour -
tant, malgré les points que je viens d’exposer, la Cour s’expriéme ainsi:

«les éléments dont elle dispose ne lui permett[ent] pas de conclureé
que la frontière maritime, dont les Parties avaient à l’époqéue reconnu
l’existence, s’étendait au-delà de 80 milles marins le long du parallèle
de latitude à partir de son point de départ, et la pratique ultérieure

qu’elle a examinée ne la conduit pas à changer de position àé cet
égard. La Cour a également pris en considération le fait que laé simple
reconnaissance, en 1954, de l’existence d’une « frontière maritime »
constituerait une base trop faible pour fonder la conclusion selon
laquelle ladite frontière s’étendrait bien au-delà de la distance à
laquelle les Parties avaient, à l’époque, la capacité d’eéxploiter les

ressources de la mer et de prendre des mesures d’exécution. » (Ibid.,
par. 149.)

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5 CIJ1057.indb 237 1/12/14 08:59 différend maritime (opé. diss. sebutinde) 120

14. Je ne saisis pas bien comment la Cour, après avoir constaté que leés
Parties ne sauraient être considérées comme ayant convenu tacitement
d’une frontière maritime au-delà de 80 milles marins, peut simplement en
venir à la conclusion qu’elles se sont mises d’accord sur une férontière
s’étendant jusqu’à 80 milles marins (ou, d’ailleurs, de quelque autre éten -

due à partir de 12 milles marins). Je considère que, sur ce point, la Cour
s’appuie sur des motifs redoutablement faibles et conjecturaux.

Conclusion

15. Le critère énoncé par la Cour pour établir une frontière émaritime
permanente ayant vocation générale sur le fondement d’un accordé tacite
est très strict, et ce, à juste titre. Après examen de tous les éléments sou -
mis à la Cour, je continue de penser que le critère rigoureux forméulé dans
l’affaire Nicaragua c. Honduras n’est pas satisfait en l’espèce.

(Signé) Julia Sebutinde.

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5 CIJ1057.indb 239 1/12/14 08:59

Bilingual Content

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DISSENTING OPINION OF JUDGE SEBUTINDE

The Court should have determined the maritime boundary between the Parti▯es
de novo — There is no agreement between the Parties, tacit or otherwise,
establishing a permanent all­purpose maritime boundary — Neither Party invokes
the 1954 Agreement as a basis for a pre­existing maritime boundary — The
Parties’ practice does not reflect the existence of an agreement conc▯erning an
all­purpose maritime boundary along the parallel of latitude up to 80 nautical
miles — The stringent standard of proof required for the inference of a tac▯it
agreement is not met.

Introduction

1. I agree with the Court’s finding in point 1 of the operative paragraph

of the Judgment that “the starting-point of the single maritime boundary
delimiting the respective maritime areas between the Republic of Peru and
the Republic of Chile is the intersection of the parallel of latitude passing
through Boundary Marker No. 1 with the low-water line”. However, I have
voted against points 2 and 3 of the operative paragraph in which the Court

decides, respectively, that “the initial segment of the single maritiéme boun-
dary follows the parallel of latitude passing through Boundary Marker No. 1
westward” and that “this initial segment runs up to a point (Poinét A) situated
at a distance of 80 nautical miles from the starting-point of the single mari-
time boundary”. Consequently, I also voted against point 4 of the operative

paragraph of the Judgment in which the Court determines the course of thée
second segment of the single maritime boundary, starting from Point A.
2. For the reasons set out in this opinion, I do not concur with the
view of the majority of the Court that an agreed all-purpose maritime

boundary already exists between the Parties along the parallel of latituéde
passing through the Boundary Marker No. 1 up to a distance of 80 naut-
ical miles. In my view no agreement of the Parties to this effect (taécit or
otherwise) can be inferred from the evidence submitted to the Court.
Accordingly, the Court should have determined the entirety of the

single maritime boundary line between the Parties, by applying its well-
established three-step delimitation method in order to achieve an equit-
able result. The following reasons underpin my opinion.

I. Neither Party Invokes téhe 1954 Agreement as a Basiés
for a Pre-existing Maritime Bounédary

3. Chile consistently maintains that it is the 1952 Santiago Declaration

115

5 CIJ1057.indb 226 1/12/14 08:59 114

me
OPINION DISSIDENTE DE M LA JUGE SEBUTINDE

[Traduction]

Cour n’ayant pas délimité de novo la frontière maritime entre les Parties

comme elle l’aurait dû — Absence entre les Parties d’accord tacite ou autre
établissant une frontière maritime permanente à vocation gén▯érale — Parties
n’invoquant ni l’une ni l’autre l’accord de 1954 comme fonde▯ment d’une frontière
maritime préexistante — Pratique des Parties ne reflétant pas l’existence d’un
accord sur une frontière maritime à vocation générale suivan▯t le parallèle de
latitude sur une distance de 80 milles marins — Critère rigoureux permettant de
déduire l’existence d’un accord tacite n’étant pas rempli▯.

Introduction

1. Je souscris à la conclusion que la Cour énonce au point 1 du dispo -
sitif de l’arrêt, selon laquelle « le point de départ de la frontière maritime

unique délimitant les espaces maritimes respectifs de la Républiquée du
Pérou et de la République du Chili est situé à l’intersecétion du parallèle de
latitude passant par la borne frontière n o1 avec la laisse de basse mer ».
J’ai cependant voté contre les points 2 et 3 du dispositif, dans lesquels la

Cour décide, respectivement, que « le segment initial de la frontière mari -
time unique suit, en direction de l’ouest, le parallèle de latitudée passant
par la borne frontière n o 1» et que « ce segment initial s’étend jusqu’à un
point (point A) situé à une distance de 80 milles marins du point de départ

de la frontière maritime unique ». En conséquence, j’ai également voté
contre le point 4 du dispositif, dans lequel la Cour détermine, à partir du
point A, le tracé du second segment de la frontière maritime unique.
2. Pour les raisons exposées ci-après, je ne partage pas l’avis deé la majo -

rité des membres de la Cour quant à la préexistence entre les Péarties d’une
frontière maritime convenue à vocation générale qui suivraité le parallèle
de latitude passant par la borne frontière n o 1 sur une distance de
80 milles marins. Je considère que les éléments de preuve soumis à la éCour

ne permettent pas de déduire l’existence d’un accord (tacite oéu autre) entre
les Parties à cet égard. En conséquence, la Cour aurait dû délimiter l’inté -
gralité de la frontière maritime unique entre les Parties, par appélication de
sa méthode bien établie en trois étapes afin de parvenir à un résultat équi -

table. Mon opinion est fondée sur les motifs exposés ci-après.

I. Ni l’une ni l’autre deés Parties n’invoque l’éaccord de 1954

comme fondement d’uneé frontière maritime prééexistante

3. Le Chili soutient sans varier que c’est la déclaration de Santiagoé

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5 CIJ1057.indb 227 1/12/14 08:59 115 maritime dispute (disés. op. sebutinde)

concluded between Chile, Ecuador and Peru (and not the 1954 Agree -
ment) that effected an all-purpose maritime delimitation between Chile

and Peru and accordingly requests the Court to confirm this delimitatiéon.
According to Chile, the 1954 Agreement merely demonstrates the practice
of the Parties confirming and implementing the pre-existing maritime
boundary. Acknowledging that the Santiago Declaration contains no
clear and unequivocal delimitation provision, Chile asserts that Articleé IV

thereof should be interpreted as establishing an international maritime é
boundary between Chile and Peru along the parallel of latitude passing
through the starting-point of their land boundary and extending to a min -
imum of 200 nautical miles seaward. Peru, on the other hand, consistently
denies that it has ever concluded with Chile, any agreement establishingé
an international maritime boundary, nor has it given up, expressly or taécit-

ly, the maritime zones to which it is entitled under international law. éPeru
accordingly asks the Court to plot a boundary line applying the
equidistance method in order to achieve an equitable result. Applying thée
established principles of treaty interpretation to the 1952 Santiago Decla -
ration and in particular to Article IV thereof, the Court rightly rejects the

very foundation of Chile’s claim and concludes that the Parties “déid not,
by adopting the 1952 Santiago Declaration, agree to the establishment of
a lateral maritime boundary between them along the line of latitude run -
ning into the Pacific Ocean from the seaward terminus of their land
boundary” (Judgment, para. 70).

While the Court is not bound by the Parties’ submission, the fact
that either Party asserts the existence of a tacit agreement either in 1952
or in 1954 regarding the establishment of a permanent maritime boundary,é
is, in my view, a strong indication that there was no meeting of the
minds between the Parties on this important issue, and that the Court
should have taken this factor into account before presuming the existence

of one.

II. The Stringent Standardé Required for the Inferéence
of a Tacit Agreement Is néot Met

4. In the absence of a formal maritime delimitation agreement between
Chile and Peru, a legally binding maritime boundary between them could
only be based on a tacit agreement or upon acquiescence. Peru discounts é
the existence of an all-purpose maritime boundary with Chile based on

either of these notions, while Chile deliberately and expressly refraineéd
from basing its claim upon a tacit agreement or upon acquiescence, even
on a subsidiary basis. Nevertheless, the Court holds that it is preciseléy on
the basis of “a tacit agreement” that an all-purpose maritime boundary
already exists between the Parties along the parallel of latitude passinég
through the Boundary Marker No. 1 up to a distance of 80 nautical miles.

5. The Court finds evidence of such tacit agreement in the 1954 Special

116

5 CIJ1057.indb 228 1/12/14 08:59 différend maritime (opé. diss. sebutinde) 115

de 1952, adoptée par le Chili, l’Equateur et le Pérou, et non l’éaccord

de 1954, qui a opéré une délimitation maritime générale entrée lui et le
Pérou, délimitation qu’il prie en conséquence la Cour de conéfirmer. Il
considère que l’accord de 1954 ne fait que constater la pratique des Par -
ties, qui confirme et met en œuvre la frontière maritime préeéxistante.
Reconnaissant que la déclaration de Santiago ne contient aucune dispoési -

tion claire et précise concernant la délimitation, il affirme qu’il y a lieu
d’interpréter l’article IV comme établissant une frontière maritime inter -
nationale suivant, vers le large et sur une distance d’au moins
200 milles marins, le parallèle de latitude qui passe par le point de départ é
de la frontière terrestre le séparant du Pérou. Pour sa part, cée dernier nie

systématiquement avoir jamais conclu avec le Chili quelque accord ééta -
blissant une frontière maritime internationale, ni avoir renoncé, éexpressé-
ment ou tacitement, aux espaces maritimes que lui reconnaît le droit é
international. Il prie par conséquent la Cour de procéder à la édélimitation
en utilisant la méthode de l’équidistance afin de parvenir à un résultat

équitable. Appliquant les principes établis d’interprétationé des traités à la
déclaration de Santiago de 1952, et en particulier à son article IV, la Cour
rejette à juste titre le fondement même de la prétention du Chiéli et conclut
que les Parties « n’étaient pas convenu[e]s, en signant la déclaration de
Santiago de 1952, d’établir entre e[lles] une frontière maritime latéralée sui -

vant vers le large le parallèle passant par le point terminal de leur fron -
tière terrestre» (arrêt, par. 70).
Même si la Cour n’est pas liée par les conclusions que les Partéies ont pu
formuler, le fait que ni l’une ni l’autre n’ait fait valoir l’éexistence, que ce
soit en 1952 ou en 1954, d’un accord tacite concernant l’établissement

d’une frontière maritime permanente révèle clairement, seloné moi, l’ab -
sence de toute entente entre elles sur cette question cruciale et donne éà
penser que la Cour aurait dû tenir compte de ce facteur avant de préésu -
mer l’existence d’un tel accord.

II. Le critère rigoureux péermettant de conclurée à l’existence
d’un accord tacite n’éest pas pas rempli

4. En l’absence de traité de limites formel entre le Chili et le Péérou,

seuls un accord tacite ou l’acquiescement pouvaient servir de fondemeént
à une frontière maritime juridiquement contraignante entre les Paréties. Or
le Pérou nie qu’une frontière maritime à vocation généérale avec le Chili
ait pu être établie au titre de l’une ou l’autre de ces notions, tandis que le
Chili renonce délibérément et expressément à fonder sa reévendication,

même à titre subsidiaire, sur un accord tacite ou sur l’acquiesécement.
Pourtant, la Cour conclut que c’est précisément d’« un accord tacite» que
découle la préexistence, entre les Parties, d’une frontière émaritime à voca -
tion générale longeant le parallèle de latitude qui passe par léa borne fron-
tière n 1 jusqu’à une distance de 80 milles marins.

5. La Cour voit la preuve de l’existence de cet accord tacite dans l’éac -

116

5 CIJ1057.indb 229 1/12/14 08:59 116 maritime dispute (disés. op. sebutinde)

Maritime Frontier Zone Agreement (hereinafter the “1954 Agreement”)
concluded between the three parties to the Santiago Declaration (Chile,é

Ecuador and Peru), specifically, in a reference, contained in Articleé 1
thereof, to “the parallel which constitutes the maritime boundary between
the two countries”. The Court, while acknowledging that “the operaétive
terms and purpose of the 1954 Special Maritime Frontier Zone Agree -
ment are indeed narrow and specific”, concludes, nevertheless, thaté Art-

icle 1 of that Agreement read together with the Preamble, “acknowledge[s] é
in a binding international agreement that a maritime boundary already
exists” (Judgment, para. 90). Noting that the 1954 Agreement “gives no
indication of the nature or extent of the maritime boundary . . . [n]or does
it indicate its extent” (ibid., para. 92) and that it “does not indicate when
and by what means that boundary was agreed upon”, the Court never-

theless considers that “[t]he Parties’ express acknowledgment of iéts exist-
ence can only reflect a tacit agreement which they had reached earlieré”
(ibid., para. 91). The Court then refers back to the 1952 Santiago Declar-
ation, pointing out that certain elements of that Declaration, together é
with the 1947 Proclamations of the Parties, “suggested an evolving under -

standing between the Parties concerning their maritime boundary” (ibid.,
paras. 43, 69 and 91) ; and that the 1954 Agreement “cements the tacit
agreement” which has somehow “evolved” in the two intervening yéears
(ibid., para. 91).
6. In my view, the above analysis of the evidence before the Court and

conclusion thereon, fall short of the stringent and well-established stand-
ard of proof which the Court itself has set for establishing a permanenté
maritime boundary in international law on the basis of a tacit agreement.
In Nicaragua v. Honduras, the Court set out that standard as follows :

“Evidence of a tacit legal agreement must be compelling. The estab -
lishment of a permanent maritime boundary is a matter of grave
importance and agreement is not easily to be presumed. A de facto

line might in certain circumstances correspond to the existence of an
agreed legal boundary or might be more in the nature of a provisional
line or of a line for a specific, limited purpose, such as sharing a sécarce
resource. Even if there had been a provisional line found convenient
for a period of time, this is to be distinguished from an international

boundary.” (Territorial and Maritime Dispute between Nicaragua and
Honduras in the Caribbean Sea (Nicaragua v. Honduras), Judgment,
I.C.J. Reports 2007 (II), p. 735, para. 253.)

7. Respectfully, I am not at all convinced that the evidence on which
the Court has based its finding regarding the existence of a tacit agréee -
ment establishing a permanent maritime boundary is “compelling” ; nor
am I convinced that it was the intention of the parties under the 1952 San -

tiago Declaration or the 1954 Agreement to establish such a boundary.

117

5 CIJ1057.indb 230 1/12/14 08:59 différend maritime (opé. diss. sebutinde) 116

cord de 1954 relatif à une zone frontière maritime spéciale (ci-aprèés
l’«accord de 1954 ») conclu entre les trois parties à la déclaration de San -

tiago (le Chili, l’Equateur et le Pérou), en particulier dans laé référence
faite, à l’article premier de cet accord, au « parallèle qui constitue la fron -
tière entre les deux pays ». Tout en admettant que « les dispositions et
l’objectif de l’accord de 1954 relatif à une zone frontière maritime spéciale
étaient effectivement étroits et spécifiques », elle conclut que l’article pre -

mier de cet accord, considéré à la lumière du préambule, é«reconnaît, dans
le cadre d’un accord international contraignant, qu’une frontièére mari -
time existe déjà » (arrêt, par. 90). Relevant que l’accord de 1954 « ne
donne aucune indication de la nature de la frontière maritime[, qu’i]l n’en
précise pas davantage l’étendue » (ibid., par. 92) et qu’il « n’indique pas
quand ni par quels moyens cette frontière a été agréée », la Cour consi -

dère néanmoins que « [l]a reconnaissance expresse de son existence par les
Parties repose nécessairement sur un accord tacite intervenu entre eléles
auparavant » (ibid., par.91). Elle se réfère ensuite à la déclaration de San -
tiago de 1952, soulignant que certains éléments de celle-ci et des procla -
mations des Parties de 1947 « laissent supposer que la manière dont les

Parties envisageaient leur frontière maritime avait évolué » (ibid., par. 43,
69 et 91) et que l’accord de 1954 avait eu « pour effet de consacrer l’ac -
cord tacite en question », lequel a en quelque sorte « évolué» au cours des
deux années écoulées (ibid., par. 91).
6. Selon moi, l’analyse que je viens de faire des éléments de preuéve

soumis à la Cour et des conclusions que celle-ci en a tirées montre qu’il
n’est pas satisfait au critère rigoureux et bien établi que la éCour a elle-
même posé pour l’établissement, en droit international, d’éune frontière
maritime permanente sur la base d’un accord tacite. Dans l’affaire Nica ­
ragua c. Honduras, elle a formulé ce critère comme suit :

«Les éléments de preuve attestant l’existence d’un accord tacéite
doivent être convaincants. L’établissement d’une frontièrée maritime
permanente est une question de grande importance, et un accord ne

doit pas être présumé facilement. Une ligne de facto pourrait dans
certaines circonstances correspondre à l’existence d’une frontiéère
convenue en droit ou revêtir davantage le caractère d’une ligneé pro -
visoire ou d’une ligne à vocation spécifique, limitée, teléle que le par -
tage d’une ressource rare. Même s’il y avait eu une ligne proviésoire

jugée utile pour un certain temps, cela n’en ferait pas une frontière
internationale. » (Différend territorial et maritime entre le Nicaragua
et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras),
arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 735, par. 253.)

7. Sauf le respect que je dois à la Cour, je doute fort que l’on puisése
qualifier de « convaincants» les éléments de preuve sur lesquels elle s’est
appuyée pour conclure à l’existence d’un accord tacite étéablissant une
frontière maritime permanente. Je ne suis pas non plus persuadée qéue les

parties à la déclaration de Santiago de 1952 ou à l’accord de 1954 aient eu
l’intention d’établir une telle frontière.

117

5 CIJ1057.indb 231 1/12/14 08:59 117 maritime dispute (disés. op. sebutinde)

8. While the 1954 Agreement is an important element to be taken into
account in determining whether Peru and Chile agreed to delimit their

respective maritime zones, taken on its own, that Agreement does not sufé -
ficiently prove the existence of an agreement in respect of an all-purpose
maritime boundary. The existence or otherwise of such an agreed boundary
has to be determined by reference to a thorough examination of the prac -
tice of the Parties to the dispute, of which the 1954 Agreement is just one

example. Contrary to what the Court asserts in the Judgment, the languagée
of the 1954 Agreement cannot be said to have clearly acknowledged the
existence of an all-purpose maritime boundary along the parallel of latitude
beyond a distance of 12 nautical miles from the coast (Judgment, paras. 90
and 102). In my view, the provisions of the 1954 Agreement must be care -
fully construed not only in light of the object and purpose of that treaéty,

but also as “an integral and supplementary part of . . . the resolutions
and agreements adopted at the Conference on the Exploitation and Con -
servation of the Maritime Resources of the South Pacific, held in
Santiago de Chile in August 1952” (see Article 4 of the 1954 Agreement).
9. It will be recalled that the object and purpose of the 1952 Santiago

Declaration (of which the 1954 Agreement is an integral part), was to
establish a process of tripartite maritime co-operation (between Chile/
Peru/Ecuador) with a view to protecting the adjacent sea from the predaé -
tory activities of foreign fleets, thereby jointly protecting and conséerving
the marine resources of their peoples. This joint action was preceded byé

the unilateral claims made by Chile and Peru in 1947 in relation to theiér
new maritime areas (the 1947 Proclamations). The object of the 1952 Dec -
laration was not to establish permanent maritime boundaries between the é
three States. Accordingly, the object and purpose of the 1954 Agreement
which must be understood in the overall context of the Santiago reso-
lutions and agreements of 1952, is “narrow and specific” as corréectly

observed by the Court, and was to create a special zone of tolerance
aimed at averting disputes involving accidental transgressions of “thée
maritime frontier [la frontera marítima] between adjacent States” by
small fishing vessels manned by crews with insufficient knowledge of é
navigation or not equipped with the necessary instruments to determine

accurately their position on the high seas, with a view to fostering theé
spirit of co-operation and unity amongst the States parties to the San-
tiago instruments. It is noteworthy that this agreement was between Ecuaé -
dor, Peru and Chile, and not just between the Parties to the present casée.
To this end, Article 1 of the 1954 Agreement established in relation to

each pair of adjacent countries (Ecuador/Peru and Peru/Chile), a “sépecial
zone . . . at a distance of 12 nautical miles from the coast, extending to a
breadth of 10 nautical miles on either side of the parallel which consti -
tutes the maritime boundary [el límite marítimo] between the two coun -
tries”. Article 2 provides that the “accidental presence” of small fishing
vessels of either of the adjacent countries within the special zone “shall

not be considered to be a violation of the waters of the maritime zoneӎ.
While the wording of Articles 1 to 3 indicates the existence of some sort

118

5 CIJ1057.indb 232 1/12/14 08:59 différend maritime (opé. diss. sebutinde) 117

8. Même si l’accord de 1954 constitue un élément important à considé -
rer pour déterminer si le Pérou et le Chili ont convenu de déliémiter leurs

espaces maritimes respectifs, il ne suffit pas, en soi, à démontréer qu’un
accord était intervenu entre eux sur une frontière maritime à véocation
générale. L’existence d’une frontière convenue doit êtére établie sur la base
d’un examen minutieux de la pratique des Parties au différend, déont l’ac -
cord de 1954 ne constitue qu’un élément. Contrairement à ce que la Céour

affirme aux paragraphes 90 et 102 de l’arrêt, la formulation de l’accord
de 1954 ne permet pas de considérer que l’existence d’une frontière
maritime suivant le parallèle de latitude au-delà d’une distance de 12milles
marins depuis la côte y est clairement reconnue. Je suis d’avis qué’il convient
d’interpréter les dispositions de l’accord de 1954 avec prudence, non seule -
ment à la lumière de l’objet et du but de ce traité, mais coémpte tenu égale-

ment de ce qu’elles sont «réputées faire partie intégrante et complémentair» e
des résolutions et accords adoptés à la conférence sur l’exploitation et la
conservation des ressources maritimes du Pacifique Sud tenue à Santiago
du Chili en août 1952 (voir l’article 4 de l’accord de 1954).
9. Il convient de rappeler que l’objet et le but de la déclaration deé San -

tiago de 1952 (dont l’accord de 1954 fait partie intégrante) conésistaient à
établir un processus de coopération maritime tripartite entre le Céhili, le
Pérou et l’Equateur, en vue de sauvegarder leur mer adjacente des éactivi -
tés prédatrices menées par certaines flottes étrangèresé, en protégeant et en
conservant ainsi conjointement les ressources maritimes de leurs peuples.

Cette action conjointe a été précédée de revendications uénilatérales por -
tant sur de nouveaux espaces maritimes, que le Chili et le Pérou ont éfaites
en 1947 (les proclamations de 1947). L’objet de la déclaration de 1952
n’était pas d’établir des frontières maritimes permanenteés entre les
trois Etats. En conséquence, l’objet et le but de l’accord de 1954, qéu’il
convient d’interpréter dans le contexte général des résoléutions et accords

adoptés en 1952 à Santiago, sont « étroits et spécifiques », comme l’a fait
observer la Cour à juste titre. Il s’agissait de créer une zoneé spéciale de
tolérance visant à éviter les accrochages associés à la violation acciden -
telle de « la frontière maritime [la frontera marítima] entre des Etats
adjacents» par des navires de petite taille dont l’équipage ne connaissaéit

pas suffisamment la navigation ou qui n’étaient pas équipés des instru -
ments nécessaires pour déterminer précisément leur position éen haute
mer, afin d’encourager l’esprit de coopération et d’unitéé entre les Etats
parties aux résolutions et accords de Santiago. Il y a lieu de signaléer que
cet accord a été conclu entre l’Equateur, le Pérou et le Chili, et non pas

uniquement entre les Parties au présent différend. C’est pouréquoi l’ar -
ticle premier de l’accord de 1954 a établi pour chaque paire d’Etats
adjacents (Equateur/Pérou et Pérou/Chili), « une zone spéciale … à une
distance de … 12 milles marins de la côte et avec une largeur de
10 milles marins de part et d’autre du parallèle qui constitue la frontièére
maritime [el límite marítimo] entre les deux pays ». L’article 2 prévoit que

la « présence accidentelle », dans la zone spéciale, de navires de petite
taille de l’un ou l’autre des pays adjacents « ne sera pas considérée comme

118

5 CIJ1057.indb 233 1/12/14 08:59 118 maritime dispute (disés. op. sebutinde)

of a maritime boundary between the adjacent States along an undeter -
mined parallel running beyond a distance of 12 nautical miles from the

coast, this is, in my view, a reference to “provisional lines” foré a specific
purpose (namely, the sharing of fishing resources) and is not determina -
tive of a permanent, all-purpose maritime boundary as understood in
international law. Those provisions (which, as the Court notes, containé
no indication of the nature or extent of a maritime boundary) were aimeéd

at dealing with small fishing boats accidentally straying into waters éon
either side of those provisional lines, and cannot easily be construed aés
clearly confirming the existence of a tacit agreement in respect of a éper -
manent, all-purpose international maritime boundary along a parallel of
latitude beyond a distance of 12 nautical miles from the coast. It is my
considered opinion that it is this narrow and strict interpretation of téhe

1954 Agreement that accords with the resolutions and agreements adopted
at the tripartite Conference on the Exploitation and Conservation of theé
Maritime Resources of the South Pacific, held in Santiago de Chile in é
August 1952, and reflected in the Santiago Declaration of 1952.

10. This interpretation is further confirmed by the historical context in
which the 1954 Agreement was concluded, particularly by the fact that

back in 1954, the concepts of an exclusive economic zone or of a 12-nau -
tical-mile territorial sea entitlement were alien to international customary
law. Accordingly, to the extent that the special tolerance zone establiséhed
by the 1954 Agreement started at a distance of 12 nautical miles from the
coast of Peru and Chile along the “parallel which constitutes the maréitime
boundary”, it concerned what at the time were considered high seas anéd

could not be presumed to have concerned maritime zones over which the
Parties had exclusive sovereign rights under international law. Further -
more, the most important instances of State practice pointing to the exiés-
tence of a “maritime boundary” between the Parties invariably concéern
the water column (not the subsoil).

III. The Parties’ Practice Doées not Reflect the Exisétence
of an Agreement conceréning an All-purpose Maritime Boundéary

along the Parallel ofé Latitude that Extends é
up to 80 Nautical Miles out to Seéa

11. In the Judgment, the Court rightly finds that the unilateral
1947 Proclamations cannot be interpreted as “reflecting a shared under-
standing of the Parties concerning maritime delimitation” (Judgment,é

para. 43) and that the 1952 Santiago Declaration cannot be said to reflect
an agreement of the Parties regarding “the establishment of a lateralé

119

5 CIJ1057.indb 234 1/12/14 08:59 différend maritime (opé. diss. sebutinde) 118

une violation des eaux de la zone maritime ». Même si le libellé des trois
premiers articles évoque la présence entre les Etats adjacents d’une sorte

de frontière maritime qui suivrait un parallèle indéterminé éau-delà d’une
distance de 12 milles marins depuis la côte, il s’agit, selon moi, d’une rééfé-
rence à des « lignes provisoires» établies à des fins spécifiques (à savoir le
partage des ressources halieutiques) qui ne permet pas de conclure à
l’existence d’une frontière maritime permanente ayant vocation générale

au sens du droit international. Ces dispositions (lesquelles, comme le é
relève la Cour, ne donnent aucune indication de la nature ou de l’éétendue
d’une telle frontière maritime) visaient à régler la questiéon des embarca -
tions de pêche s’égarant accidentellement dans les eaux situéées de part et
d’autre de ces lignes provisoires, et on ne saurait les interpréteér sans peine
comme confirmant clairement l’existence d’un accord tacite sur uéne fron -

tière maritime internationale et permanente, à vocation généérale et lon -
geant un parallèle de latitude au-delà d’une distance de 12 milles marins
depuis la côte. Après mûre réflexion, je considère que éc’est cette interpré -
tation étroite et stricte de l’accord de 1954 qui s’accorde le émieux avec les
résolutions et accords adoptés à la conférence tripartite sur l’exploitation

et la conservation des ressources maritimes du Pacifique Sud, qui s’est
tenue à Santiago du Chili en août 1952, et dont il est fait état dans la
déclaration de Santiago de la même année.
10. Cette interprétation est par ailleurs confirmée par le contexte éhisto -
rique dans lequel l’accord de 1954 a été conclu, en particulieré le fait que,

à l’époque, les droits à une zone économique exclusive oué à une mer ter -
ritoriale de 12 milles marins étaient encore inconnus du droit internatio -
nal coutumier. En conséquence, dans la mesure où la zone spéciaéle de
tolérance établie par l’accord de 1954 commençait à une déistance de
12 milles marins depuis les côtes péruvienne et chilienne pour suivreé le
«parallèle qui constitu[ait] la frontière maritime », elle faisait partie de ce

qui était considéré à l’époque comme la haute mer et néul ne pouvait
présumer qu’elle correspondait à des espaces maritimes sur lesqéuels les
Parties pouvaient prétendre à des droits souverains exclusifs en véertu du
droit international. En outre, les principaux exemples de la pratique deés
Etats qui indiquent l’existence d’une « frontière maritime » entre les Par -

ties concernent invariablement la colonne d’eau (à l’exclusion du sous-sol).

III. La pratique des Partiesé ne reflète pas l’exisétence d’un accord
concernant une frontéière maritime à vocatiéon générale

qui suivrait vers le léarge le parallèle de élatitude
jusqu’à 80 milles marins

11. Dans son arrêt, la Cour conclut à bon droit que les proclamations é
unilatérales de 1947 ne sauraient être interprétées comme « reflétant une
manière commune, de la part des Parties, d’envisager la délimitéation

maritime» (arrêt, par. 43) et que la déclaration de Santiago de 1952 ne
saurait être considérée comme révélant un accord intervenu entre les Par -

119

5 CIJ1057.indb 235 1/12/14 08:59 119 maritime dispute (disés. op. sebutinde)

maritime boundary between them along the line of latitude” (Judgment,
para. 70). These two findings make it all the more imperative to interpret

the 1954 Agreement with caution and not to read into it inferences that
are far from obvious.
12. The Parties’ practice (contemporaneous and subsequent), viewed in
the light of the object and purpose of the 1952/1954 arrangements, con -
firms the above view. That practice, in my opinion, indicates that theé Par-
ties’ intention was to regulate the sharing of a common resource and éto

protect that resource vis-à-vis third or non-States parties, rather than to
effect a maritime delimitation. While certain documents and/or events é
that were considered by the Court may be said to reflect some degree oéf
the Parties’ shared understanding that there was a “maritime boundéary”
in place between them along the parallel of latitude passing through theé

coastal terminus of their land boundary, there are others that could
equally be said to demonstrate the absence of such an agreement. Besidesé,
even those potentially “confirmatory” examples do not unambiguously
prove that the Parties were acting (or failing to act) on an assumptioén
that this line constituted an all-purpose and definitive maritime boundary
delimiting all possible maritime entitlements of the Parties. Furthermorée,

all these ambiguities and uncertainties are set against the backdrop of éa
complete absence of any international or domestic legal instrument dat -
ing from the post-1954 period, which would unequivocally stipulate that
an agreed international maritime boundary exists between Peru and Chile é
along the parallel of latitude passing through the coastal terminus of the
land boundary.

13. It is on the basis of these same considerations that I also find highléy
problematic the basis upon which the Court has arrived at its conclusioné
that the “agreed maritime boundary running along the parallel of latié -
tude” extends up to a distance of 80 nautical miles out to sea. By the
Court’s own admission, all the practice involving incidents between téhe
two Parties, including enforcement activities, was within about 60 naut-

ical miles of their coasts and usually much closer. It was only startingé in
1996 that arrests frequently occurred beyond 60 nautical miles (ibid.,
paras. 128, 146 and 147). Yet notwithstanding the above findings, the
Court draws the conclusion that

“the evidence at its disposal does not allow it to conclude that the é
maritime boundary, the existence of which the Parties acknowledged
at that time, extended beyond 80 nautical miles along the parallel
from its starting-point. The later practice which it has reviewed does

not lead the Court to change that position. The Court has also had
regard to the consideration that the acknowledgment, without more,
in 1954 that a ‘maritime boundary’ exists is too weak a basis for é
holding that it extended far beyond the Parties’ extractive and enforéce -
ment capacity at that time.” (Ibid., para. 149.)

120

5 CIJ1057.indb 236 1/12/14 08:59 différend maritime (opé. diss. sebutinde) 119

ties concernant « [l]’établi[ssement] entre e[lles d’]une frontière maritime
latérale suivant … le parallèle» (arrêt., par. 70). Au vu de ces deux conclu-

sions, il est d’autant plus impératif d’interpréter l’accéord de 1954 avec
prudence et de s’abstenir d’en tirer des déductions hasardeusesé.
12. La pratique (contemporaine et ultérieure) des Parties, considéréée à
la lumière de l’objet et du but des arrangements de 1952/1954, confirme la
position présentée ci-dessus. Elle indique, selon moi, que l’inétention des
Parties était de réglementer le partage d’une ressource commune et de

protéger celle-ci à l’égard des Etats tiers, et non de procééder à une délimi -
tation maritime. Même si certains documents et événements examinés par
la Cour peuvent être considérés comme reflétant de la parté des Parties,
dans une certaine mesure, une manière commune d’envisager l’exiéstence
d’une «frontière maritime» entre elles le long du parallèle de latitude pas -
sant par le point terminal de leur frontière terrestre, il en existe éd’autres

dont on pourrait tout aussi bien dire qu’ils démontrent l’absenéce d’un tel
accord. Par ailleurs, même les éléments tendant à confirmeér l’existence
d’un accord ne démontrent pas que les Parties ont agi (ou se sont abste -
nues d’agir) en partant du principe que cette ligne constituait une éfron -
tière maritime définitive ayant vocation générale et déélimitant tous les

espaces maritimes auxquels elles pouvaient prétendre. En outre, touteés
ces ambiguïtés et incertitudes s’inscrivent dans le contexte d’éune absence
totale de texte juridique international ou interne postérieur à 1954 et
attestant sans équivoque l’existence, entre le Pérou et le Chiléi, d’une fron -
tière maritime internationale convenue longeant le parallèle de latitude
qui passe par le point terminal de leur frontière terrestre.

13. C’est sur la base de ces mêmes considérations que je tiens éégalement
pour très discutables les éléments sur lesquels la Cour s’apépuie pour
conclure que la frontière maritime suit vers le large le parallèleé de latitude
jusqu’à une distance de 80 milles marins. De l’aveu de la Cour, tous les
exemples de la pratique des Parties ayant trait à des incidents surveénus
entre elles, y compris les mesures d’exécution, mettent en jeu uneé distance

maximale de 60 milles marins et généralement bien moindre depuis leurs
côtes. Ce n’est qu’à partir de 1996 que des navires ont été fréquemment
arraisonnés au-delà de 60 milles marins (ibid., par. 128, 146 et 147). Pour -
tant, malgré les points que je viens d’exposer, la Cour s’expriéme ainsi:

«les éléments dont elle dispose ne lui permett[ent] pas de conclureé
que la frontière maritime, dont les Parties avaient à l’époqéue reconnu
l’existence, s’étendait au-delà de 80 milles marins le long du parallèle
de latitude à partir de son point de départ, et la pratique ultérieure

qu’elle a examinée ne la conduit pas à changer de position àé cet
égard. La Cour a également pris en considération le fait que laé simple
reconnaissance, en 1954, de l’existence d’une « frontière maritime »
constituerait une base trop faible pour fonder la conclusion selon
laquelle ladite frontière s’étendrait bien au-delà de la distance à
laquelle les Parties avaient, à l’époque, la capacité d’eéxploiter les

ressources de la mer et de prendre des mesures d’exécution. » (Ibid.,
par. 149.)

120

5 CIJ1057.indb 237 1/12/14 08:59 120 maritime dispute (disés. op. sebutinde)

14. It is unclear to me how the Court’s conclusion that the Parties
could not be said to have tacitly agreed on a maritime boundary beyond
80 nautical miles can simply be turned into a legal finding that they have
agreed on a boundary up to 80 nautical miles (or on any other distance
beyond 12 nautical miles for that matter). In my view, this finding of the

Court rests on dangerously weak and speculative grounds.

Conclusion

15. The legal bar set by the Court for establishing a permanent,
all-purpose maritime boundary on the basis of a tacit agreement is very
high, and for good reason. All elements considered, I remain of the viewé
that the strict standard laid down in Nicaragua v. Honduras has not been
met in the present case.

(Signed) Julia Sebutinde.

121

5 CIJ1057.indb 238 1/12/14 08:59 différend maritime (opé. diss. sebutinde) 120

14. Je ne saisis pas bien comment la Cour, après avoir constaté que leés
Parties ne sauraient être considérées comme ayant convenu tacitement
d’une frontière maritime au-delà de 80 milles marins, peut simplement en
venir à la conclusion qu’elles se sont mises d’accord sur une férontière
s’étendant jusqu’à 80 milles marins (ou, d’ailleurs, de quelque autre éten -

due à partir de 12 milles marins). Je considère que, sur ce point, la Cour
s’appuie sur des motifs redoutablement faibles et conjecturaux.

Conclusion

15. Le critère énoncé par la Cour pour établir une frontière émaritime
permanente ayant vocation générale sur le fondement d’un accordé tacite
est très strict, et ce, à juste titre. Après examen de tous les éléments sou -
mis à la Cour, je continue de penser que le critère rigoureux forméulé dans
l’affaire Nicaragua c. Honduras n’est pas satisfait en l’espèce.

(Signé) Julia Sebutinde.

121

5 CIJ1057.indb 239 1/12/14 08:59

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Opinion dissidente de Mme la juge Sebutinde

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