Opinion individuelle de M. le juge Yusuf

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144-20120720-JUD-01-05-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE YUSUF

[Traduction]

Compétence de la Cour ne pouvant reposer sur l’article 30 de la convention
contre la torture — Conditions énoncées à l’article 30 n’étant pas réunies —
Négociations entre les Parties ne s’étant jamais trouvées da▯ns l’impasse —
Négociations s’étant poursuivies même après la saisine de▯ la Cour — Absence
d’impossibilité de se mettre d’accord sur l’arbitrage — Aucune des Parties n’ayant

fait de propositions sur les modalités de l’organisation de l’a▯rbitrage — Impossibilité
de s’entendre sur l’organisation de l’arbitrage pouvant seule é▯tablir la compétence
de la Cour — Absence d’impossibilité en l’espèce — Arrêt mettant l’enquête
préliminaire sur le même plan qu’une enquête à part entiè▯re — Absence de norme
générale pour la conduite d’enquêtes de ce type — Nature et portée de l’enquête
préliminaire déterminées par le droit interne — Enquête de cette nature menée par
le Sénégal en 2000, mais non en 2008 — Absence de la nécessaire distinction entre
ces deux événements — Paragraphe 1 de l’article 7 de la convention établissant
l’obligation de poursuivre — Manquement à cette obligation engageant la

responsabilité internationale de l’Etat — Extradition étant une option mais non
une obligation en vertu de la convention — Etat pouvant extrader uniquement pour
se libérer de l’obligation de poursuivre.

I. Introduction

1. Je me sens tenu de joindre la présente opinion individuelle à l’varrêt

pour plusieurs raisons. Premièrement, contrairement aux conclusions dve
la Cour, je suis d’avis que la compétence de la Cour en l’espèvce ne peut
être fondée sur l’article 30 de la convention contre la torture puisque les
conditions énoncées dans cette disposition n’ont pas été vréunies. Deuxiè -

mement, j’ai voté contre le point 4 du dispositif de l’arrêt parce que je
considère que le choix des moyens utilisés pour procéder à lv’enquête pré -
liminaire prescrite au paragraphe 2 de l’article 6 de la convention ainsi
que la portée de cette enquête restent entre les mains de l’Etat partie sur

le territoire duquel se trouve le suspect, conformément à son droivt interne.
En conséquence, la Cour n’avait à mon sens aucune raison validev de
conclure que les circonstances et procédures liées à l’intervrogatoire de
M. Habré par le juge d’instruction sénégalais en février 2000, puis sa mise

en accusation par le même juge, ne constituaient pas une enquête prélimi -
naire. Troisièmement, je suis d’avis que la nature et le sens de lv’obligation
énoncée au paragraphe 1 de l’article 7 de la convention auraient pu être
approfondis et explicités davantage dans l’arrêt, d’autant qvue la Belgique

n’a cessé de demander avec insistance l’extradition de M. Habré alors que
le Sénégal se préparait à le poursuivre sur son territoire evt mobilisait des
fonds à cette fin.

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6 CIJ1033.indb 279 28/11/13 12:50 obligation de poursuivvre ou d’extrader (op. invd. yusuf) 560

II. Compétence

2. Dans sa requête à la Cour, la Belgique a invoqué deux bases distinctes
de juridiction. Elle s’est fondée dans la même mesure sur les dvéclarations
faites par la Belgique et le Sénégal en vertu du paragraphe 2 de l’article 36
du Statut de la Cour et sur l’article 30 de la convention. Je suis d’avis que
la Cour a compétence sur la base des déclarations faites par la Belgique et

le Sénégal en vertu du paragraphe 2 de l’article 36, le 17 juin 1958 et le
2 décembre 1985 respectivement. En revanche, elle ne saurait tirer sa com -
pétence de l’article 30 de la convention dans le cas d’espèce.
3. En vertu de l’article 30, quatre conditions doivent être réunies pour
que la Cour puisse connaître de différends entre les parties àv la conven -

tion. Premièrement, il doit exister un différend entre les partives concer -
nant l’application ou l’interprétation de la convention. Deuxièmement, ce
différend ne peut pas être réglé par voie de négociatiovn. Troisièmement,
l’une des parties au différend doit avoir demandé qu’il sovit soumis à l’ar -
bitrage. Quatrièmement, si, dans les six mois qui suivent la date de la
demande d’arbitrage, les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord

sur l’organisation de la procédure, l’une quelconque d’entrev elles peut sai -
sir la Cour. Ces quatres conditions doivent être réunies pour que la com -
pétence de la Cour soit établie. Comme je l’expliquerai ci-après, je suis
d’avis que deux de ces conditions n’ont pas été satisfaites, à savoir : a) le
différend ne peut pas être réglé par voie de négociatiovn ; et b) les Parties

ne parviennent pas à se mettre d’accord sur l’organisation de lv’arbitrage.
Je vais maintenant les examiner plus avant.

A. Un différend qui « ne peut pas être réglé par voie de négociation »

4. Il convient de souligner d’emblée que l’article 30 de la convention se

réfère à un différend qui « ne peut pas être réglé par voie de négociation »,
condition qui diffère considérablement de la formule utiliséev dans d’autres
conventions, à savoir un différend « qui n’aura pas été réglé par voie de
négociation». Cette dernière expression revient à constater les faits, alovrs
que la première suppose qu’il y a lieu de rechercher s’il y a evu impasse ou

refus de l’une des parties.
5. Au paragraphe 57 de l’arrêt, la Cour relève à juste titre que :

«[l’]exigence que le différend « ne [puisse] pas être réglé par voie de
négociation» ne saurait être entendue comme une impossibilité
théorique de parvenir à un règlement ; elle signifie … qu’« il n’est pas
raisonnablement permis d’espérer que de nouvelles négociations v
puissent aboutir à un règlement » (Sud-Ouest africain (Ethiopie

c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions prélimi -
naires, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 345). »
La Cour ne tire cependant pas les conclusions qui s’imposent de ces dvécla -

rations, compte tenu en particulier de la force probante des élémevnts de
preuve dont elle était saisie.

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6 CIJ1033.indb 281 28/11/13 12:50 obligation de poursuivvre ou d’extrader (op. invd. yusuf) 561

Ces éléments de preuve montrent clairement qu’il n’y a jamaivs eu ni blo -
cage ni impasse dans les négociations entre les Parties, et que ces nvégocia-

tions se sont poursuivies pendant longtemps même après que la Belgvique
eut déposé sa requête. Rien dans les éléments soumis àv la Cour par les
Parties n’indique donc que le différend n’aurait pas pu êtvre réglé par voie
de négociation et que les Parties ont renoncé entièrement et dévfinitive -
ment à tout espoir de parvenir à un règlement par ce moyen. Le vfait que

les négociations entre elles n’aient jamais été interrompuesv totalement et
qu’au contraire elles aient repris maintes fois, même après le vdépôt de la
requête par la Belgique, démontre que la possibilité d’un rèvglement par
voie de négociation n’a jamais disparu.
6. Déterminer si des négociations ont eu lieu mais n’ont pas aboutvi,
conformément à la condition énoncée dans certaines conventiovns, à savoir

«un règlement qui n’aura pas été réglé par la négocivation », consiste à
vérifier les faits sans qu’il soit nécessaire de rechercher svi les possibilités de
règlement du différend par la négociation ont été épvuisées. La formule
utilisée dans la convention, un différend « qui ne peut pas être réglé par
voie de négociation», exige que la Cour fasse cette recherche et détermine

que de nouvelles négociations étaient vaines et qu’il n’évtait pas raisonna -
ble d’espérer un éventuel règlement du litige. Cette détevrmination ne sem -
ble pas avoir été faite dans l’arrêt. D’ailleurs, pour apvprécier si le différend
ne pouvait pas être réglé par voie de négociation, la Cour sv’est contentée
d’analyser les notes verbales de la Belgique et du Sénégal du 11 janvier,

du 9 mars, du 4 mai et du 20 juin 2006. Ce sont les seules preuves sur
lesquelles elle se fonde pour conclure que

«les Parties n’ont pas modifié leurs positions respectives quant và l’en -ga
gement de poursuites à raison des actes de torture que M. Habré aurait
commis. Le fait que, ainsi que cela ressort des écritures et plaidoirvies
des Parties, les positions de celles-ci n’aient, pour l’essentiel,v pas évolué
par la suite confirme que les négociations n’ont pas abouti au rvèglement

du différend, et qu’elles ne pouvaient y aboutir.» (Arrêt, par. 59.)
7. Il est vrai que dans sa note verbale du 20 juin 2006, que le Sénégal a

affirmé ne pas avoir reçue, la Belgique a observé que « la tentative de
négociation entamée avec le Sénégal en novembre 2005 » n’avait pas
abouti, et a donc demandé au Sénégal de soumettre le différend à l’arbi -
trage (mémoire de la Belgique, annexe B.11). Mais ce n’était pas une
preuve manifeste de l’impossibilité de régler le différendv par la voie de la

négociation, et ne saurait être considéré comme telle. Cettev note reflète
simplement le point de vue de l’une des Parties qui souhaitait apparevm -
ment soumettre le différend à l’arbitrage. Les élémentsv soumis à la Cour
par les deux Parties contiennent d’autres preuves de la poursuite des
négociations entre elles jusqu’à la date du dépôt de la rvequête de la Bel -
gique et au-delà. Ces preuves supplémentaires montrent que les positions

des Parties ont continué d’évoluer, en particulier sous l’effvet des réformes
constitutionnelles et législatives adoptées par le Sénégal evn 2007 afin de

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6 CIJ1033.indb 283 28/11/13 12:50 obligation de poursuivvre ou d’extrader (op. invd. yusuf) 562

faciliter des poursuites contre M. Habré au Sénégal pour des crimes qui
auraient été commis au Tchad, et de la coopération qui a suivi ventre les

Parties, directement et par l’intermédiaire de l’Union africaine et de
l’Union européenne, en vue de mobiliser les fonds nécessaires à l’orvgani-
sation du procès de M. Habré au Sénégal.
8. L’évolution des positions des Parties durant leurs échanges dipvloma -
tiques de 2007 et jusqu’à une date très récente (17 janvier 2012) est illus-

trée, entre autres, par les notes verbales du Sénégal du 18 juillet 2007 et
du 5 octobre 2007, dans lesquelles celui-ci annonçait son intention de réu -
nir des donateurs potentiels et informait la Belgique de sa décision vd’or -
ganiser le procès Hissène Habré (mémoire de la Belgique, annexes D.14 et
B.15). D’autres échanges diplomatiques entre le Sénégal et vla Belgique
ont suivi, le 5 octobre et le 7 décembre 2007, concernant l’organisation de

la réunion des donateurs et les aspects financiers du procès (ibid.,
annexe D.16).
Le 2 décembre 2008, dans une note verbale adressée au Sénégal, la Bel -
gique se réfère au différend qui oppose les Parties concernanvt l’interpréta -
tion et l’application des dispositions de la convention, et elle prenvd acte

des amendements constitutionnels et législatifs adoptés par le Sévnégal en
vue de soumettre l’affaire Habré à ses autorités judiciaires compétentes
(ibid., annexe B.16). Dans la même note verbale, la Belgique réaffirme
qu’elle est disposée à prendre les dispositions nécessaires vaux fins d’une
coopération judiciaire internationale avec le Sénégal concernanvt cette

affaire, en particulier en transmettant au Sénégal le dossier établi par le
juge d’instruction belge à la suite d’une commission rogatoire vémanant
des autorités sénégalaises compétentes. A ce propos, elle confirme égale -
ment que les juges d’instruction belges sont prêts à recevoir lves juges séné -
galais saisis de l’affaire Hissène Habré, et elle demande au Sénégal de lui
donner les coordonnées des magistrats sénégalais chargés de l’instruction

et des poursuites. Enfin, la Belgique exprime l’espoir que cette covopéra -
tion permettra une avancée décisive dans les prochaines semaines.

Ces échanges constituent manifestement, à mon sens, une évolutivon des
positions des Parties et font apparaître de nouveaux facteurs (modifivca -

tion de la législation sénégalaise, préparatifs pour l’orvganisation du pro -
cès, coopération pour mobiliser des fonds à cette fin, offrve de coopération
judiciaire par la Belgique et de transmission du dossier Habré étavbli par
ses magistrats) indiquant un progrès manifeste des négociations evt des
positions des Parties après cette période et l’échange de novtes verbales,

progrès qui a conduit la Cour à conclure que la condition énoncvée au
paragraphe 1 de l’article 30 de la convention était satisfaite.
9. En outre, après le dépôt de sa requête, et jusqu’à unev époque récente,
la Belgique a poursuivi ses échanges avec le Sénégal au sujet dvu finance -
ment du procès Hissène Habré au Sénégal, de sa propre contribution
financière à ce procès ainsi que de sa coopération judiciavire sur la base de

la commission rogatoire internationale demandée par la Belgique dans sa
note verbale de décembre 2008 (ibid., annexe B.16). Ainsi, dans une note

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6 CIJ1033.indb 285 28/11/13 12:50 obligation de poursuivvre ou d’extrader (op. invd. yusuf) 563

verbale que son ambassade à Dakar a adressée au ministère sévnégalais des
affaires étrangères le 23 juin 2009, la Belgique a invité les juges d’instruc -

tion sénégalais saisis de l’affaire à se rendre en Belgiquve pour rencontrer
leurs homologues belges, et elle a offert de prendre à sa charge levs frais de
cette visite (mémoire de la Belgique, annexe B.17). Les autorités sénéga -
laises ont accueilli favorablement cette offre et désigné les deux juges
d’instruction qui se rendraient en Belgique (note verbale du 14 sep -

tembre 2009, ibid., annexe B.19).
Les négociations et discussions tenues entre les ministres des affaires
étrangères du Sénégal et de la Belgique le 26 mai 2010 au sujet de la com -
mission rogatoire apportent une nouvelle preuve de la poursuite des
négociations entre les Parties. De même, en novembre 2010, la Belgique a

participé à la table ronde des donateurs à Dakar qui a été l’occasion
d’examiner le budget nécessaire pour organiser le procès Habrév au Séné-
gal et de conclure des arrangements de coopération, y compris entre la
Belgique et le Sénégal. De fait, la Belgique a annoncé une contvribution
d’un montant maximum de 1 million d’euros à l’organisation du procès
(contre-mémoire du Sénégal, annexes 5, 10-4 et 11).

10. Les négociations se poursuivaient encore le 17 janvier 2012, lorsque la
Belgique a présenté une quatrième demande d’extradition au Svénégal. Dans
sa note verbale du 17 janvier 2012, la Belgique a observé que, sans préjudice
de l’affaire pendante devant la CIJ, elle était favorable à lv’organisation du
procès Habré en Afrique par le pays sur le territoire duquel le suvspect se

trouvait. En outre, elle a confirmé qu’elle demeurait disposéve à coopérer
avec le Sénégal sur le plan judiciaire, et ce, le 17 janvier 2012. Dans ces
conditions, la Cour est-elle bien convaincante lorsqu’elle conclut que le dif -
férend n’a pas pu être réglé par la négociation ou quev cette voie était épuisée
et n’offrait plus de possibilités de règlement du différvend dès 2006, ce qui

autorisait le recours à l’arbitrage en vertu de l’article 30 de la convention?

B. L’impossibilité pour les Parties de se mettre d’accord
sur l’organisation de l’arbitrage

11. La condition énoncée à l’article 30 concernant l’impossibilité pour

les parties « de se mettre d’accord sur l’organisation de l’arbitrage » sup-
pose, à mon sens, qu’il y ait eu tentative d’organiser l’arbvitrage ou que
l’une des parties ait formulé des propositions quant aux modalitévs de
cette procédure, sans que l’accord puisse néanmoins se faire. Cvette tenta-
tive ou ces propositions de l’une des parties ou des deux, qui indiquvent un

effort d’organisation de l’arbitrage, sont à distinguer de lav demande d’ar-
bitrage, dont ils résultent. En l’espèce, il ne me semble pas qvue l’une ou
l’autre des Parties ait fait une proposition ou tenté d’organisver un arbi -
trage sans qu’un accord puisse être trouvé. D’ailleurs, la Bvelgique ne pré-
tend même pas avoir tenté en quoi que ce soit d’organiser l’varbitrage et se
contente d’observer qu’elle a demandé au Sénégal de soumettre le diffé -

rend à cette procédure et a réitéré cette demande par la vsuite.

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6 CIJ1033.indb 287 28/11/13 12:50 obligation de poursuivvre ou d’extrader (op. invd. yusuf) 564

12. En réponse à une question posée par un membre de la Cour, la
Belgique a déclaré que « rien dans le texte de l’article 30 … n’impos[ait]

aux Etats de formuler des propositions ni même de soulever la moindrev
question au sujet de l’organisation de l’arbitrage, que ce soit auv départ ou
à tout autre moment » (CR 2012/6, p. 40, par. 14 (Wood)). Il est égale -
ment indiqué dans l’arrêt que «la Belgique n’a pas formulé de proposition
détaillée quant aux questions devant être soumises à l’arvbitrage et à l’or -

ganisation de la procédure arbitrale ». La Cour n’en conclut pas moins
que «cela ne signifie cependant pas qu’il n’ait pas été satisfavit à la condi -
tion que «les Parties ne parviennent pas à se mettre d’accord sur l’organv-i
sation de l’arbitrage ». Un Etat peut en effet attendre, avant de formuler
des propositions sur ces aspects, qu’une réponse de principe favorvable ait
été donnée à sa demande tendant à régler le diffévrend par voie d’arbi -

trage.» (Arrêt, par. 61.)
Il s’agit là à mon avis d’une interprétation erronée dve la disposition
relative à l’arbitrage énoncée à l’article 30 de la convention. Première -
ment, une simple lecture du texte fait clairement apparaître qu’ilv ne suffit
pas de demander que le différend soit soumis à l’arbitrage. Ivl faut égale -

ment qu’une tentative ou une proposition soit faite pour organiser cevtte
procédure et que soit l’autre partie s’y oppose, soit un accordv ne puisse
être trouvé entre les parties. C’est donc uniquement lorsque levs parties
sont dans l’impossibilité de se mettre d’accord sur l’organivsation de l’ar -
bitrage, malgré les tentatives ou les propositions tendant à l’vorganiser,

qu’il devient possible de saisir la Cour. Deuxièmement, il convienvt de rap -
peler que, dans le cas d’espèce, après que la Belgique eut évvoqué pour la
première fois la procédure d’arbitrage le 4 mai 2006, le Sénégal a répondu
en prenant acte de « l’éventualité d’un recours de la Belgique à la procé -
dure d’arbitrage prévue par [l’]article 30 [de la convention] » (mémoire de
la Belgique, annexe B.9). Compte tenu de cette réponse, c’était à la Bel -

gique, en sa qualité d’Etat requérant, qu’il appartenait de vformuler des
propositions pour l’organisation de cet arbitrage.
Le cas d’espèce est donc différent des affaires République démocratique
du Congo c. Rwanda (Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle
requête : 2002)) et Jamahiriya arabe libyenne c. Etats-Unis d’Amérique

(Questions d’interprétation et d’application de la convention ▯de Montréal de
1971 résultant de l’incident aérien de Lockerbie), dans lesquelles les
conventions concernées comprenaient des dispositions analogues.
Contrairement, par exemple, au défendeur en l’affaire Jamahiriya arabe
libyenne c. Etats-Unis d’Amérique, le Sénégal n’a pas exprimé l’intention

de refuser la proposition d’arbitrage. A l’inverse, dans sa note vverbale
du 9 mai 2006, il a pris acte de la demande de la Belgique de soumettre la
question à l’arbitrage (ibid., annexe B.10). Au lieu de réitérer sa demande,
la Belgique aurait alors dû formuler une proposition sur les modalitévs de
l’organisation de la procédure arbitrale. La condition voulant quev les par -
ties ne soient pas parvenues « à se mettre d’accord sur l’organisation de

l’arbitrage» énoncée à l’article 30 doit donc être satisfaite avant que la
Cour puisse être saisie de la question. Faute de désaccord aussi mvanifeste

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6 CIJ1033.indb 289 28/11/13 12:50 obligation de poursuivvre ou d’extrader (op. invd. yusuf) 565

sur l’organisation de la procédure arbitrale, le différend nev peut pas être
soumis à la Cour, et, si l’une des parties la saisit néanmoins,v la Cour est

tenue de se déclarer incompétente pour en connaître. Telle est la situation
en l’espèce, et la Cour aurait dû conclure qu’elle n’avaivt pas compétence
en vertu de l’article 30 de la convention.

III. L’obligation du Sénégalv de procéder immédiatemvent
à une enquête prélimivnaire en vue d’établirv les faits

13. Je ne trouve pas la Cour très convaincante lorsqu’elle observe quev
l’interrogatoire mené par le juge d’instruction en 2000 n’équivaut pas à
une enquête préliminaire au sens du paragraphe 2 de l’article 6 de la

convention et, contrairement à elle, je ne considère pas que les évvéne -
ments de 2000 puissent être assimilés à ceux de 2008, année où, après
avoir remanié sa législation et sa Constitution en 2007, le Sénégal a mani -
festement failli à l’obligation de mener une enquête prélimivnaire bien
qu’une nouvelle plainte eût été déposée contre M. Habré. La Cour aurait

dû faire clairement la distinction entre les mesures prises par le Sévnégal
en 2000 et l’absence de toute enquête à la suite des plaintes dont les auto -
rités sénégalaises ont été saisies en 2008.
14. La convention ne donne guère d’indications sur les règles prévcises
de l’enquête préliminaire imposée par le paragraphe 2 de l’article 6, non

plus que l’arrêt, qui n’éclaire pas le sens de ce paragraphe et ne permet
donc pas d’évaluer sur la base d’éléments solides si le Svénégal, par l’inter -
médiaire de son juge d’instruction, a pu ou non satisfaire aux convditions
énoncées dans cette disposition de la convention. En lieu et placev, au
paragraphe 83 de l’arrêt, la Cour semble élever la notion d’enquête vpréli -
minaire en vertu de la convention au rang d’enquête à part entivère. Elle

relève que l’enquête préliminaire prévue au paragraphe 2 de l’article 6

«est destinée, comme toute enquête menée par les autorités covmpé -
tentes, à corroborer ou non les soupçons qui pèsent sur la persvonne
concernée. Cette enquête est conduite par les autorités qui sonvt char -
gées d’établir un dossier en rassemblant les faits et les élvéments de

preuve, qu’il s’agisse de documents ou de témoignages se rapporvtant
aux événements en cause et à l’implication éventuelle du vsuspect dans
le contexte en question. »

15. L’enquête préliminaire prévue au paragraphe 2 de l’article 6 de la
convention ne peut reposer à ce stade que sur les informations fournies
par les victimes ou par les personnes qui ont déposé plainte contrve le sus -
pect et porté à l’attention des autorités sa présence danvs le pays, ainsi que
les infractions qu’il aurait commises. En outre, la nature de l’envquête à

mener en vertu de cette disposition dépendra dans une large mesure duv
système juridique de l’Etat concerné et des circonstances partivculières de

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6 CIJ1033.indb 291 28/11/13 12:50 obligation de poursuivvre ou d’extrader (op. invd. yusuf) 566

l’affaire. Il serait donc inexact de laisser entendre, comme cela svemble être
le cas au paragraphe 83 de l’arrêt, qu’il existe une norme générale régis -

sant la conduite de telles enquêtes.
La Cour observe à juste titre au paragraphe 86 que le choix des moyens,
pour mener l’enquête préliminaire, reste entre les mains des Etvats parties,
en tenant compte de l’affaire concernée. Elle est donc en contradiction
avec elle-même puisqu’elle a conclu que la mise en accusation de Mv. Habré

par le juge d’instruction sénégalais en 2000 ne suffisait pas à satisfaire à
l’obligation énoncée au paragraphe 2 de l’article 6. En l’absence d’une
évaluation appropriée de la pratique et du système juridiques sénégalais,
la Cour ne peut affirmer de manière incontestable que :

«[l]’interrogatoire de première comparution auquel le juge d’insvtruc -
tion au tribunal régional hors classe de Dakar a procédé aux fivns de
constater l’identité de M. Habré et de lui faire connaître les faits qui
lui étaient imputés ne peut être considéré comme la mise ven œuvre de

l’obligation prévue au paragraphe 2 de l’article 6, puisqu’il n’impli -
quait pas d’enquête relative aux charges pesant sur M. Habré »
(arrêt, par. 85).

En parvenant à cette conclusion, la Cour ne tient pas compte des prévci -
sions données par le Sénégal au sujet de son système juridiqvue:

«en matière pénale, le juge d’instruction peut être saisi soivt par une
plainte avec constitution de parties civiles, soit par le réquisitoirve
introductif du procureur de la République. L’enquête préliminaire
vise simplement à permettre l’établissement primaire des faits ; elle

ne débouche pas forcément sur des poursuites, car le procureur peut, v
au vu des résultats, considérer qu’il n’y a pas lieu à povursuivre. »
(CR 2012/7, p. 34, par. 39-40 (Thiam) ; voir aussi CR 2012/7, p. 17,
par. 7.)

16. Il ne semble pas non plus logique de présumer qu’un magistrat
sénégalais aurait procédé à une mise en accusation en l’vabsence d’enquête
préliminaire. Certes, le Sénégal n’a pas fourni d’élévments indiquant claire -
ment la nature exacte de l’enquête menée par les autorités cvompétentes à

la suite des allégations dont M. Habré a fait l’objet, mais le fait que le
juge d’instruction ait mis en accusation M. Habré et l’ait assigné à rési -
dence montre qu’une enquête, notamment de nature préliminaire, va bien
été menée. La Cour n’aurait pas dû faire si peu de cas devs particularités
du système juridique sénégalais et de la manière dont M. Habré a été mis

en accusation, compte tenu du fait, en particulier, que la nature exactev et
la portée de l’enquête préliminaire sont déterminées pvar le droit interne.

17. Je suis donc d’avis que le Sénégal n’a failli à son obligvation de
mener une enquête préliminaire que dans un seul cas, en 2008, lorsvque ses
autorités compétentes n’ont pas dûment donné suite aux novuvelles

plaintes pour actes de torture dont M. Habré a fait l’objet. La Cour aurait
dû noter que, s’il était possible que le Sénégal se soit vconformé à ses obli -

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6 CIJ1033.indb 293 28/11/13 12:50 obligation de poursuivvre ou d’extrader (op. invd. yusuf) 567

gations en vertu du paragraphe 2 de l’article 6 en 2000, il avait l’obliga -
tion de s’y conformer aussi en 2008 lorsque, à la suite des réformes

législatives et constitutionnelles intervenues en 2007, de nouvelles plaintes
pour actes de torture ont été déposées contre M. Habré. En dépit du fait
que quatre juges d’instruction ont été chargés de l’affvaire, aucun élément
ne prouve qu’une enquête préliminaire ait jamais eu lieu, ne sevrait-ce que
de la nature et de la portée de celle conduite en 2000. Au lieu de faire peu

de cas de l’enquête et de la mise en accusation de 2000, la Cour aurait dû
se fonder sur l’absence d’enquête préliminaire en 2008 pour conclure que
le Sénégal a violé ses obligations en vertu du paragraphe 2 de l’article 6.

IV. La nature et le sens dev l’obligation prévue
au paragraphe 1 de l’article 7

18. Je considère que la Cour aurait dû préciser davantage la naturev et
le sens de l’obligation aut dedere aut judicare contenue au paragraphe 1 de

l’article 7 de la convention, qui est au cœur de la présente affaire. La fvré -
quence de cette formule, qui se retrouve dans une soixantaine d’instrvu -
ments multilatéraux, a conduit à une certaine confusion parmi les v
spécialistes du droit quant au rapport entre l’extradition et les vpoursuites
dans les clauses conventionnelles qui la renferment. Utilisée abusivevment,

l’expression peut être trompeuse et est généralement comprise comme
signifiant l’obligation d’extrader ou de poursuivre. Mais selon l’instru -
ment juridique considéré, cette obligation peut être de poursuivvre plutôt
que d’extrader, ou l’inverse. L’explication contenue au paragravphe 95 de
l’arrêt est donc utile, mais encore insuffisante. Dans ce paragravphe, la
Cour observe que, dans le cadre de la convention, le choix entre l’exvtradi -

tion et l’engagement des poursuites ne revient pas à mettre les devux élé -
ments de l’alternative sur le même plan. Au contraire, « l’extradition est
une option offerte par la convention à l’Etat, alors que la pourvsuite est
une obligation internationale, prévue par la convention, dont la violvation
engage la responsabilité de l’Etat pour fait illicite » (arrêt, par. 95).

19. Malgré l’importance de cette clarification, la Cour ne va pas juvsqu’à
préciser davantage le sens de l’obligation et à établir une vdistinction entre
la formule figurant au paragraphe 1 de l’article 7 de la convention et celle

énoncée dans les conventions qui imposent l’obligation d’extvrader. Cette
précision est pourtant nécessaire pour éviter toute ambiguïtvé, en particu -
lier dans l’interprétation des instruments renfermant l’expressvion
aut dedere aut judicare. Ces derniers se répartissent généralement en deux
grandes catégories : a) ceux qui contiennent des clauses imposant une
obligation d’extrader et dans lesquelles poursuivre ne devient obligavtoire

qu’après le refus d’extrader ; et b) ceux qui contiennent des clauses qui
imposent l’obligation de poursuivre, l’extradition étant une opvtion offerte

149

6 CIJ1033.indb 295 28/11/13 12:50 obligation de poursuivvre ou d’extrader (op. invd. yusuf) 568

à l’Etat. Dans cette dernière catégorie se rangent aussi lesv clauses qui
imposent une obligation de poursuivre, l’extradition devenant obligatvoire

si l’Etat ne poursuit pas.
20. Parmi les instruments multilatéraux de la première catégorie fivgure
la convention internationale de 1929 pour la répression du faux mon -
nayage, dans laquelle l’obligation de la poursuite est « subordonnée à la
condition que l’extradition ait été demandée et que le pays vrequis ne

puisse livrer l’inculpé pour une raison sans rapport avec le fait » (art. 9,
al. 2). L’article 15 de la convention de l’Union africaine sur la prévention
et la lutte contre la corruption est un autre exemple de ce type de clauvse.
Aux termes de l’article 15,

«au cas où un Etat partie sur le territoire duquel se trouve une per -
sonne inculpée ou reconnue coupable … d’infractions … refuse de
l’extrader, sous prétexte qu’il est lui-même compétent povur recon -

naître cette infraction, l’Etat requis est obligé de soumettre vle cas,
sans délai, à ses autorités compétentes pour faire juger l’vauteur pré -
sumé».

De plus, l’article 5 du protocole facultatif à la convention relative aux
droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitutionv des
enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, dispose ce qvui
suit :

«si une demande d’extradition est présentée au motif d’une invfrac -
tion visée au paragraphe 1 de l’article 3, et si l’Etat requis n’extrade

pas ou ne veut pas extrader, à raison de la nationalité de l’auvteur de
l’infraction, cet Etat prend les mesures voulues pour saisir ses autovri -
tés compétentes aux fins de poursuites ».

21. Les conventions de la catégorie a) sont manifestement structurées
de manière à donner la priorité à l’extradition vers l’vEtat sur le territoire
duquel l’infraction est commise. La majorité d’entre elles ne rvenferment
aucune obligation générale faite aux Etats parties de poursuivre lv’auteur
présumé. Bien au contraire, l’engagement de poursuites par l’vEtat sur le

territoire duquel l’auteur présumé est découvert devient obligatoire uni -
quement en cas de rejet d’une demande d’extradition ou de l’exivstence de
certains facteurs, comme la nationalité du suspect.
22. Dans les conventions de la catégorie b), l’extradition ne revêt
manifestement pas la même importance. Ainsi, les conventions de Genèvve

de 1949 disposent qu’un Etat partie est tenu de poursuivre les personvnes
qui auraient commis de graves violations de leurs dispositions. Toutefoivs,
s’il «le préfère, et selon les conditions prévues par sa propre lévgislation,»
il pourra aussi « les remettre pour jugement à une autre [p]artie contrac -
tante intéressée à la poursuite, pour autant que cette [p]artiev contractante
ait retenu contre lesdites personnes des charges suffisantes ». Dans ces ins -

truments, l’Etat sur le territoire duquel l’auteur présumé evst découvert
n’est pas obligé de l’extrader. D’autres modifications de vla formule appa -

150

6 CIJ1033.indb 297 28/11/13 12:50 obligation de poursuivvre ou d’extrader (op. invd. yusuf) 569

raissent notamment dans l’article 7 de la convention de La Haye de 1970
pour la répression de la capture illicite d’aéronefs, qui a servvi de modèle

au paragraphe 1 de l’article 7 de la convention. La priorité est manifeste -
ment donnée aux poursuites, et un Etat partie est tenu de poursuivre,v ou
de saisir ses autorités compétentes aux fins de poursuites, indévpendam -
ment de l’existence d’une demande d’extradition. Même lorsqu’il y a eu
demande d’extradition, certaines conventions, comme les conventions dve

Genève de 1949, n’imposent pas l’extradition, tandis que d’autres peuventv
être interprétées, selon l’objet et le but de l’instrumenvt concerné, comme
établissant une obligation d’extrader si l’Etat refuse de poursvuivre.
23. Cette clarification est importante dans le cas d’espèce étantv donné
que, comme la Cour le relève au paragraphe 50 de l’arrêt, il est apparu à
maintes reprises dans la correspondance entre les Parties ainsi que dansv

leurs plaidoiries devant la Cour que, dans le contexte de la convention,v les
deux obligations étaient souvent présentées comme une alternative etv pla -
cées sur le même plan. Ainsi, dans sa note verbale du 11 janvier 2006, la
Belgique a indiqué qu’elle interprétait la convention, et plus vparticulière -
ment l’obligation «aut dedere aut judicare», comme «ne prévoyant d’obli-

gations que dans le chef d’un Etat, en l’occurrence, dans le cas dve la
demande d’extradition de M. Hissène Habré, dans le chef de la Répu -
blique du Sénégal» (mémoire de la Belgique, annexe B.7). De même, dans
sa note verbale du 9 mars 2006, elle a clairement fait savoir au Sénégal
que les négociations qui, selon elle, étaient en cours concernaienvt « la

demande d’extradition en cause de M. Hissène Habré, en application de
l’article 30 de la convention » (ibid., annexe B.8). Et, dans sa requête, la
Belgique a prié la Cour de dire et juger que, « à défaut de poursuivre
M. Habré, la République du Sénégal est obligée de l’extravder vers le
Royaume de Belgique pour qu’il réponde de ses crimes devant la jus▯tice
belge» (les italiques sont de moi). Elle n’a cessé d’affirmer vpendant la pro -

cédure orale que le paragraphe 1 de l’article 7 de la convention devait être
interprété comme obligeant l’Etat du for «à soumettre l’affaire à ses auto -
rités compétentes pour l’exercice de l’action pénale, àv défaut d’extrader
cette personne vers l’Etat qui le lui demande » (CR 2012/2, p. 15, par. 13
(Rietjens)). Le conseil de la Belgique a de surcroît fait valoir qvue l’enquête

préliminaire prévue au paragraphe 2 de l’article 6 était indispensable pour
«mettre en œuvre l’obligation de poursuivre ou, à défaut, d’extrader lors -
qu’une demande à cet effet a été formulée » (CR 2012/3, p. 11, par. 11
(Wood); les italiques sont de moi).
24. Rien ne justifiait que la Belgique exige l’extradition de M. Habré,

et le Sénégal n’était en rien tenu d’extrader ce dernier vvers la Belgique,
dans la mesure où il se conformait à son obligation de saisir ses autorités
compétentes de l’affaire Habré pour l’exercice de l’action pénale. Seule la
violation de cette obligation engage la responsabilité de l’Etat svur le terri -
toire duquel le suspect se trouve. Mais, si cet Etat préfère extravder l’au -
teur présumé au lieu de le poursuivre lui-même, il a le choix dve le faire. De

plus, il n’est pas inutile de souligner, à propos de l’extradition dans le
contexte de la convention, que l’Etat requis n’est pas tenu d’evxtrader le

151

6 CIJ1033.indb 299 28/11/13 12:50 obligation de poursuivvre ou d’extrader (op. invd. yusuf) 570

suspect sur le territoire de l’Etat requérant. Le Sénégal n’avait donc pas
l’obligation d’extrader M. Habré vers la Belgique, sauf s’il le décidait,

tout simplement pour se libérer de l’obligation de poursuivre lui-vmême et
sur son territoire.

(Signé) Abdulqawi A. Yusuf.

152

6 CIJ1033.indb 301 28/11/13 12:50

Bilingual Content

559

SEPARATE OPINION OF JUDGE YUSUF

The Court’s jurisdiction cannot be founded on Article 30 of the CAT — The
conditions contained in Article 30 have not been met — Negotiations between the
Parties were never deadlocked — Negotiations continued even after submission of
the case to the Court — There was no inability to agree on arbitration — No
proposals were made by either Party on modalities for the organization of arbitral
proceedings — Only inability to agree on organization of arbitration triggers

Court’s jurisdiction — This was not the case here— Judgment elevates preliminary
inquiry to level of full investigation — No general standard for conduct of such
inquiries exists — The nature and scope of preliminary inquiry is determined by
domestic law — Senegal conducted such an inquiry in 2000, but failed to do so in
2008 — Distinction should have been made between the two events — Obligation
under Article 7, paragraph 1, of the CAT is to submit case for prosecution —
Failure to do so engages State’s international responsibility — Extradition is an
option, but not an obligation under the CAT — State may extradite suspect only
to relieve itself of its obligation to prosecute.

I. Introduction

1. I feel bound to append this separate opinion for several reasons.

First, contrary to the conclusions of the Court, I am of the view that tvhe
jurisdiction of the Court in the present case cannot be founded on
Article 30 of the Convention against Torture (CAT) since the conditions
set out in that provision have not been met. Secondly, I have voted

against subparagraph 4 of the operative part of the Judgment because
I believe that the choice of means for the conduct of the preliminary
inquiry prescribed by Article 6, paragraph 2, of the CAT, as well as the
scope of such inquiry, is determined by the State party on whose territovry

the suspect is present in accordance with its domestic law. Consequentlyv,
there was no valid reason, in my view, for the Court to conclude that thve
circumstances and procedures related to the questioning of Mr. Habré by
the Senegalese investigating judge in February 2000, followed by his

indictment by the same judge, did not constitute a preliminary inquiry. v
Thirdly, it is my view that the nature and meaning of the obligation laid
down in Article 7, paragraph 1, of the CAT could have been further ela-
borated and clarified in the Judgment, particularly in view of the facvt that

Belgium continued to insist on the extradition of Mr. Habré while Senegal
was preparing for his prosecution in its territory, and mobilizing fundsv for
that purpose.

141

6 CIJ1033.indb 278 28/11/13 12:50 559

OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE YUSUF

[Traduction]

Compétence de la Cour ne pouvant reposer sur l’article 30 de la convention
contre la torture — Conditions énoncées à l’article 30 n’étant pas réunies —
Négociations entre les Parties ne s’étant jamais trouvées da▯ns l’impasse —
Négociations s’étant poursuivies même après la saisine de▯ la Cour — Absence
d’impossibilité de se mettre d’accord sur l’arbitrage — Aucune des Parties n’ayant

fait de propositions sur les modalités de l’organisation de l’a▯rbitrage — Impossibilité
de s’entendre sur l’organisation de l’arbitrage pouvant seule é▯tablir la compétence
de la Cour — Absence d’impossibilité en l’espèce — Arrêt mettant l’enquête
préliminaire sur le même plan qu’une enquête à part entiè▯re — Absence de norme
générale pour la conduite d’enquêtes de ce type — Nature et portée de l’enquête
préliminaire déterminées par le droit interne — Enquête de cette nature menée par
le Sénégal en 2000, mais non en 2008 — Absence de la nécessaire distinction entre
ces deux événements — Paragraphe 1 de l’article 7 de la convention établissant
l’obligation de poursuivre — Manquement à cette obligation engageant la

responsabilité internationale de l’Etat — Extradition étant une option mais non
une obligation en vertu de la convention — Etat pouvant extrader uniquement pour
se libérer de l’obligation de poursuivre.

I. Introduction

1. Je me sens tenu de joindre la présente opinion individuelle à l’varrêt

pour plusieurs raisons. Premièrement, contrairement aux conclusions dve
la Cour, je suis d’avis que la compétence de la Cour en l’espèvce ne peut
être fondée sur l’article 30 de la convention contre la torture puisque les
conditions énoncées dans cette disposition n’ont pas été vréunies. Deuxiè -

mement, j’ai voté contre le point 4 du dispositif de l’arrêt parce que je
considère que le choix des moyens utilisés pour procéder à lv’enquête pré -
liminaire prescrite au paragraphe 2 de l’article 6 de la convention ainsi
que la portée de cette enquête restent entre les mains de l’Etat partie sur

le territoire duquel se trouve le suspect, conformément à son droivt interne.
En conséquence, la Cour n’avait à mon sens aucune raison validev de
conclure que les circonstances et procédures liées à l’intervrogatoire de
M. Habré par le juge d’instruction sénégalais en février 2000, puis sa mise

en accusation par le même juge, ne constituaient pas une enquête prélimi -
naire. Troisièmement, je suis d’avis que la nature et le sens de lv’obligation
énoncée au paragraphe 1 de l’article 7 de la convention auraient pu être
approfondis et explicités davantage dans l’arrêt, d’autant qvue la Belgique

n’a cessé de demander avec insistance l’extradition de M. Habré alors que
le Sénégal se préparait à le poursuivre sur son territoire evt mobilisait des
fonds à cette fin.

141

6 CIJ1033.indb 279 28/11/13 12:50 560 obligation to prosecuvte or extradite (sep. opv. yusuf)

II. Jurisdiction

2. In its Application to the Court, Belgium invoked two separate bases
of jurisdiction. It relied equally on the Declarations made by Belgium avnd
Senegal under Article 36, paragraph 2, of the Court’s Statute and on
Article 30 of the United Nations Convention against Torture (CAT).
I believe that the Court has jurisdiction on the basis of the declarationsv

made by Belgium and Senegal under Article 36, paragraph 2, respectively
on 17 June 1958 and 2 December 1985. The Court’s jurisdiction can not,
however, be founded in the present case on Article 30 of the CAT.
3. Four conditions have to be met, under Article 30 of the CAT, for
the Court to have jurisdiction on disputes between parties to the Convenv -

tion. First, there has to be a dispute between the parties concerning thve
application or interpretation of the Convention. Secondly, the dispute has
to be one which cannot be settled by negotiation. Thirdly, one of the pavr -
ties to the dispute must have requested that it be submitted to arbitratvion.
Fourthly, if within six months from the date of the request, the partiesv are
unable to agree on the organization of the arbitration, any one of them v

may refer the dispute to the International Court of Justice. The partiesv
agree that these conditions are cumulative. Thus, all four must be met
before the jurisdiction of the Court can be established. As explained
below, it is my view that two of these conditions have not been met,
namely : (a) the condition that the dispute could not be settled through

negotiation ; and(b) that the Parties must have been unable to agree on
the organization of the arbitration. I will examine these conditions belvow.

A. A Dispute Which “Cannot Be Settled through Negotiation”

4. It should be stressed at the outset that Article 30 of the CAT refers

to a dispute which “cannot be settled through negotiation”, a condition
that is vastly different from the formula used in other conventions whvere
the reference is to a dispute which “is not settled by negotiation”v. The
latter expression, viz. “is not settled by negotiation”, implies av factual
finding, and not an assessment of whether a deadlock or a refusal by ovne

of the parties has occurred.
5. The Court rightly notes in paragraph 57 of the Judgment that

“[t]he requirement that the dispute ‘cannot be settled through negvo -
tiation’ could not be understood as referring to a theoretical impos -
sibility of reaching a settlement. It rather implies that . . . ‘no
reasonable probability exists that further negotiations would lead to
a settlement’ (South West Africa (Ethiopia v. South Africa; Liberia v.

South Africa), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1962,
p. 345).”
The Court does not, however, draw the correct conclusions from these

statements, particularly on the strength of the evidence before it in thvis
case.

142

6 CIJ1033.indb 280 28/11/13 12:50 obligation de poursuivvre ou d’extrader (op. invd. yusuf) 560

II. Compétence

2. Dans sa requête à la Cour, la Belgique a invoqué deux bases distinctes
de juridiction. Elle s’est fondée dans la même mesure sur les dvéclarations
faites par la Belgique et le Sénégal en vertu du paragraphe 2 de l’article 36
du Statut de la Cour et sur l’article 30 de la convention. Je suis d’avis que
la Cour a compétence sur la base des déclarations faites par la Belgique et

le Sénégal en vertu du paragraphe 2 de l’article 36, le 17 juin 1958 et le
2 décembre 1985 respectivement. En revanche, elle ne saurait tirer sa com -
pétence de l’article 30 de la convention dans le cas d’espèce.
3. En vertu de l’article 30, quatre conditions doivent être réunies pour
que la Cour puisse connaître de différends entre les parties àv la conven -

tion. Premièrement, il doit exister un différend entre les partives concer -
nant l’application ou l’interprétation de la convention. Deuxièmement, ce
différend ne peut pas être réglé par voie de négociatiovn. Troisièmement,
l’une des parties au différend doit avoir demandé qu’il sovit soumis à l’ar -
bitrage. Quatrièmement, si, dans les six mois qui suivent la date de la
demande d’arbitrage, les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord

sur l’organisation de la procédure, l’une quelconque d’entrev elles peut sai -
sir la Cour. Ces quatres conditions doivent être réunies pour que la com -
pétence de la Cour soit établie. Comme je l’expliquerai ci-après, je suis
d’avis que deux de ces conditions n’ont pas été satisfaites, à savoir : a) le
différend ne peut pas être réglé par voie de négociatiovn ; et b) les Parties

ne parviennent pas à se mettre d’accord sur l’organisation de lv’arbitrage.
Je vais maintenant les examiner plus avant.

A. Un différend qui « ne peut pas être réglé par voie de négociation »

4. Il convient de souligner d’emblée que l’article 30 de la convention se

réfère à un différend qui « ne peut pas être réglé par voie de négociation »,
condition qui diffère considérablement de la formule utiliséev dans d’autres
conventions, à savoir un différend « qui n’aura pas été réglé par voie de
négociation». Cette dernière expression revient à constater les faits, alovrs
que la première suppose qu’il y a lieu de rechercher s’il y a evu impasse ou

refus de l’une des parties.
5. Au paragraphe 57 de l’arrêt, la Cour relève à juste titre que :

«[l’]exigence que le différend « ne [puisse] pas être réglé par voie de
négociation» ne saurait être entendue comme une impossibilité
théorique de parvenir à un règlement ; elle signifie … qu’« il n’est pas
raisonnablement permis d’espérer que de nouvelles négociations v
puissent aboutir à un règlement » (Sud-Ouest africain (Ethiopie

c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), exceptions prélimi -
naires, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 345). »
La Cour ne tire cependant pas les conclusions qui s’imposent de ces dvécla -

rations, compte tenu en particulier de la force probante des élémevnts de
preuve dont elle était saisie.

142

6 CIJ1033.indb 281 28/11/13 12:50 561 obligation to prosecuvte or extradite (sep. opv. yusuf)

This evidence clearly shows that neither a deadlock nor an impasse was
ever reached in the negotiations between the Parties, and that those negvo -

tiations continued for a long time even after the filing of Belgium’s Appli -
cation with the Court. Thus, there is nothing in the material placed befvore
the Court by the Parties which indicates that the dispute could not be
settled through negotiations and that the Parties fully and definitively
gave up any hope of reaching a settlement through negotiations. The factv

that the negotiations between the Parties were never permanently inter -
rupted, but were resumed on many occasions, even after the filing of tvhe
Application by Belgium, demonstrates that the possibility of a settlement
through negotiations never disappeared.
6. Ascertaining whether negotiations have taken place, but have not
resulted in the settlement of the dispute, in accordance with the condition

stipulated in certain conventions regarding “a dispute which is not svettled
by negotiations”, is a question of factual verification and requires no
inquiry into the exhaustion of the possibilities of settling the disputev
through negotiations. The formula used in the CAT, i.e., “cannot be
settled through negotiations” requires such an inquiry and a determina -

tion by the Court that further negotiations became futile and showed no v
reasonable probability that they could result in a settlement of the disv -
pute. This determination does not appear to have been made in the
Judgment. As a matter of fact, in assessing whether the dispute was one v
which could not be settled by negotiation, the Court limited itself to tvhe

consideration of the Notes Verbales by Belgium to Senegal of 11 January
2006, 9 March 2006, 4 May 2006 and 20 June 2006. These diplomatic
Notes form the only evidence that the Court relies on to conclude that

“[t]here was no change in the respective positions of the Parties conv -
cerning the prosecution of Mr. Habré’s alleged acts of torture during
the period covered by the above exchanges. The fact that, as results
from the pleadings of the Parties, their basic positions have not sub -
sequently evolved confirms that negotiations did not and could not

lead to the settlement of the dispute.” (Judgment, para. 59.)
7. It is true that in its Note Verbale of 20 June 2006, which Senegal

affirmed not to have received, Belgium noted that “the attempted negvotia -
tion with Senegal, which started in November 2005” had not succeeded,
and accordingly asked Senegal to submit the dispute to arbitration
(Memorial of Belgium, Ann. B.11). But this was not, and cannot be con -
sidered, clear evidence of an impossibility to settle the dispute througvh

negotiations. It simply reflects the viewpoint of one of the Parties, which
apparently wanted to submit the dispute to arbitration. The material
placed before the Court by both Parties contains additional evidence of v
continued negotiations between the Parties up to, and beyond, the date
of submission of Belgium’s Application to the Court. This additional eviv -
dence shows that the positions of the Parties continued to evolve, partivcu -

larly with the adoption by Senegal in 2007 of constitutional and legislative
reforms aimed at facilitating the prosecution of Mr. Habré in Senegal for

143

6 CIJ1033.indb 282 28/11/13 12:50 obligation de poursuivvre ou d’extrader (op. invd. yusuf) 561

Ces éléments de preuve montrent clairement qu’il n’y a jamaivs eu ni blo -
cage ni impasse dans les négociations entre les Parties, et que ces nvégocia-

tions se sont poursuivies pendant longtemps même après que la Belgvique
eut déposé sa requête. Rien dans les éléments soumis àv la Cour par les
Parties n’indique donc que le différend n’aurait pas pu êtvre réglé par voie
de négociation et que les Parties ont renoncé entièrement et dévfinitive -
ment à tout espoir de parvenir à un règlement par ce moyen. Le vfait que

les négociations entre elles n’aient jamais été interrompuesv totalement et
qu’au contraire elles aient repris maintes fois, même après le vdépôt de la
requête par la Belgique, démontre que la possibilité d’un rèvglement par
voie de négociation n’a jamais disparu.
6. Déterminer si des négociations ont eu lieu mais n’ont pas aboutvi,
conformément à la condition énoncée dans certaines conventiovns, à savoir

«un règlement qui n’aura pas été réglé par la négocivation », consiste à
vérifier les faits sans qu’il soit nécessaire de rechercher svi les possibilités de
règlement du différend par la négociation ont été épvuisées. La formule
utilisée dans la convention, un différend « qui ne peut pas être réglé par
voie de négociation», exige que la Cour fasse cette recherche et détermine

que de nouvelles négociations étaient vaines et qu’il n’évtait pas raisonna -
ble d’espérer un éventuel règlement du litige. Cette détevrmination ne sem -
ble pas avoir été faite dans l’arrêt. D’ailleurs, pour apvprécier si le différend
ne pouvait pas être réglé par voie de négociation, la Cour sv’est contentée
d’analyser les notes verbales de la Belgique et du Sénégal du 11 janvier,

du 9 mars, du 4 mai et du 20 juin 2006. Ce sont les seules preuves sur
lesquelles elle se fonde pour conclure que

«les Parties n’ont pas modifié leurs positions respectives quant và l’en -ga
gement de poursuites à raison des actes de torture que M. Habré aurait
commis. Le fait que, ainsi que cela ressort des écritures et plaidoirvies
des Parties, les positions de celles-ci n’aient, pour l’essentiel,v pas évolué
par la suite confirme que les négociations n’ont pas abouti au rvèglement

du différend, et qu’elles ne pouvaient y aboutir.» (Arrêt, par. 59.)
7. Il est vrai que dans sa note verbale du 20 juin 2006, que le Sénégal a

affirmé ne pas avoir reçue, la Belgique a observé que « la tentative de
négociation entamée avec le Sénégal en novembre 2005 » n’avait pas
abouti, et a donc demandé au Sénégal de soumettre le différend à l’arbi -
trage (mémoire de la Belgique, annexe B.11). Mais ce n’était pas une
preuve manifeste de l’impossibilité de régler le différendv par la voie de la

négociation, et ne saurait être considéré comme telle. Cettev note reflète
simplement le point de vue de l’une des Parties qui souhaitait apparevm -
ment soumettre le différend à l’arbitrage. Les élémentsv soumis à la Cour
par les deux Parties contiennent d’autres preuves de la poursuite des
négociations entre elles jusqu’à la date du dépôt de la rvequête de la Bel -
gique et au-delà. Ces preuves supplémentaires montrent que les positions

des Parties ont continué d’évoluer, en particulier sous l’effvet des réformes
constitutionnelles et législatives adoptées par le Sénégal evn 2007 afin de

143

6 CIJ1033.indb 283 28/11/13 12:50 562 obligation to prosecuvte or extradite (sep. opv. yusuf)

crimes allegedly committed in Chad, and the consequent co-operation
between the Parties, both directly as well as through the African Union v

and the European Union, to mobilize the necessary funds for the organi -
zation of Mr. Habré’s trial in Senegal.

8. To illustrate the evolution of the positions of the Parties through
their diplomatic exchanges from 2007 and until very recently (17 Janu -

ary 2012), reference may be made to, inter alia, Senegal’s Notes Verbales
of 18 July 2007 and 5 October 2007, in which it announced the intention
to organize a meeting of potential donors and informed Belgium of its
decision to organize the Hissène Habré trial (Memorial of Belgium,
Anns. D.14 and B.15). Further diplomatic correspondence was sent by
Senegal to Belgium on 5 October 2007 and 7 December 2007 regarding

the organization of the donor meeting and the financial aspects of the
trial (ibid., Ann. D.16).
On 2 December 2008, in a Note Verbale to Senegal, Belgium refers to
the dispute between the Parties regarding the interpretation and applicav -
tion of the provisions of the CAT, and takes note of the constitutional v

and legislative amendments adopted by Senegal with a view to the sub -
mission for prosecution to its competent authorities of the case of
Mr. Habré (ibid., Ann. B.16). Belgium reaffirms, in the same Note Ver -
bale, its readiness to establish the necessary modalities for internatiovnal
judicial co-operation with Senegal on the Habré case, in particular

through the transmission to Senegal of the dossier compiled by the Bel -
gian investigating judge following a letter rogatory from the competent v
Senegalese authorities. In this context, Belgium also confirms the reavdi -
ness of the Belgian investigating judges to receive the Senegalese judgevs
responsible for the Hissène Habré case, and requests Senegal to provide it
with the contact details of the Senegalese judges in charge of the investi -

gation and prosecution of the case. Finally, Belgium expresses in this
Note Verbale the hope that this co-operation would result in decisive
progress in the coming few weeks.
These exchanges clearly constitute, in my view, an evolution of the
positions of the Parties and indicate the emergence of new factors (modvi -

fication of Senegalese legislation, preparations for the organization vof
trial, co-operation in the mobilization of funds for the trial, offer of judi -
cial co-operation by Belgium and of the transmission of the Habré dossier
compiled by its magistrates) indicating a clear evolution of the negotiva -
tions and of the positions of the Parties subsequent to the period, and vto

the Notes Verbales, on the basis of which the Court concluded that the
condition set forth in Article 30, paragraph 1, of the CAT has been met.
9. Moreover, after the filing of its Application before the Court, and
until recently, Belgium continued its exchanges with Senegal on the
financing of the trial of Hissène Habré in Senegal, on its own financial
contribution to such a trial, as well as judicial co-operation on the basis

of the international letter rogatory requested by Belgium in its Note Vevr -
bale of 2 December 2008 (ibid., Ann. B.16). Thus, in a Note Verbale of

144

6 CIJ1033.indb 284 28/11/13 12:50 obligation de poursuivvre ou d’extrader (op. invd. yusuf) 562

faciliter des poursuites contre M. Habré au Sénégal pour des crimes qui
auraient été commis au Tchad, et de la coopération qui a suivi ventre les

Parties, directement et par l’intermédiaire de l’Union africaine et de
l’Union européenne, en vue de mobiliser les fonds nécessaires à l’orvgani-
sation du procès de M. Habré au Sénégal.
8. L’évolution des positions des Parties durant leurs échanges dipvloma -
tiques de 2007 et jusqu’à une date très récente (17 janvier 2012) est illus-

trée, entre autres, par les notes verbales du Sénégal du 18 juillet 2007 et
du 5 octobre 2007, dans lesquelles celui-ci annonçait son intention de réu -
nir des donateurs potentiels et informait la Belgique de sa décision vd’or -
ganiser le procès Hissène Habré (mémoire de la Belgique, annexes D.14 et
B.15). D’autres échanges diplomatiques entre le Sénégal et vla Belgique
ont suivi, le 5 octobre et le 7 décembre 2007, concernant l’organisation de

la réunion des donateurs et les aspects financiers du procès (ibid.,
annexe D.16).
Le 2 décembre 2008, dans une note verbale adressée au Sénégal, la Bel -
gique se réfère au différend qui oppose les Parties concernanvt l’interpréta -
tion et l’application des dispositions de la convention, et elle prenvd acte

des amendements constitutionnels et législatifs adoptés par le Sévnégal en
vue de soumettre l’affaire Habré à ses autorités judiciaires compétentes
(ibid., annexe B.16). Dans la même note verbale, la Belgique réaffirme
qu’elle est disposée à prendre les dispositions nécessaires vaux fins d’une
coopération judiciaire internationale avec le Sénégal concernanvt cette

affaire, en particulier en transmettant au Sénégal le dossier établi par le
juge d’instruction belge à la suite d’une commission rogatoire vémanant
des autorités sénégalaises compétentes. A ce propos, elle confirme égale -
ment que les juges d’instruction belges sont prêts à recevoir lves juges séné -
galais saisis de l’affaire Hissène Habré, et elle demande au Sénégal de lui
donner les coordonnées des magistrats sénégalais chargés de l’instruction

et des poursuites. Enfin, la Belgique exprime l’espoir que cette covopéra -
tion permettra une avancée décisive dans les prochaines semaines.

Ces échanges constituent manifestement, à mon sens, une évolutivon des
positions des Parties et font apparaître de nouveaux facteurs (modifivca -

tion de la législation sénégalaise, préparatifs pour l’orvganisation du pro -
cès, coopération pour mobiliser des fonds à cette fin, offrve de coopération
judiciaire par la Belgique et de transmission du dossier Habré étavbli par
ses magistrats) indiquant un progrès manifeste des négociations evt des
positions des Parties après cette période et l’échange de novtes verbales,

progrès qui a conduit la Cour à conclure que la condition énoncvée au
paragraphe 1 de l’article 30 de la convention était satisfaite.
9. En outre, après le dépôt de sa requête, et jusqu’à unev époque récente,
la Belgique a poursuivi ses échanges avec le Sénégal au sujet dvu finance -
ment du procès Hissène Habré au Sénégal, de sa propre contribution
financière à ce procès ainsi que de sa coopération judiciavire sur la base de

la commission rogatoire internationale demandée par la Belgique dans sa
note verbale de décembre 2008 (ibid., annexe B.16). Ainsi, dans une note

144

6 CIJ1033.indb 285 28/11/13 12:50 563 obligation to prosecuvte or extradite (sep. opv. yusuf)

the Embassy of Belgium in Dakar to the Senegalese Ministry of Foreign
Affairs on 23 June 2009, Belgium extended an invitation to the Senegalese

investigating judges responsible for the case to visit Belgium to meet wvith
their Belgian counterparts and offered to bear the costs of the visit v
(Memorial of Belgium, Ann. B.17). The Senegalese authorities welcomed
this offer and designated two of the investigating judges to travel tov Bel -
gium (Note Verbale of 14 September 2009, ibid., Ann. B.19).

The negotiations and discussions on the letter rogatory held between
the Foreign Ministers of Senegal and Belgium on 26 May 2010 constitute
further evidence of the continuation of negotiations between the Partiesv.
Likewise, in November 2010, Belgium attended the donors’ round-table

in Dakar, in which the participants discussed the budget for organizing v
the Habré trial in Senegal, and made co-operation arrangements amongst
themselves, including between Belgium and Senegal. Indeed, Belgium
pledged a maximum of €1 million to the organization of the trial
(Counter-Memorial of Senegal, Anns. 5, 10-4, and 11).

10. Negotiations continued as recently as 17 January 2012, when Bel -
gium submitted a fourth extradition request to Senegal. Belgium noted, in
its Note Verbale of 17 January 2012, that without prejudice to the case
pending before the ICJ, it is in favour of the Habré trial being orgavnized
in Africa by the country on whose territory Mr. Habré is present. In addi -

tion, Belgium confirmed that it was still ready to co-operate with Senegal
by judicial means, and this on 17 January 2012. Is it persuasive, under
such circumstances, for the Court to conclude that the dispute could notv
be settled through negotiation or that negotiations had been exhausted
and offered no further prospect for the settlement of the dispute alrevady

in 2006 allowing for resort to arbitration under Article 30 of the CAT ?

B. The Inability of the Parties to Agree
on the Organization of the Arbitration

11. The requirement under Article 30 relating to the inability of the

parties “to agree on the organization of the arbitration” implies,v in
my view, an attempt to initiate the organization of the arbitration, or a
suggestion of modalities by one or both parties regarding such organi-
zation, on which the parties have, however, failed to agree. The proposavl
or initiative by one or both parties, showing an effort to organize arvbitra -

tion, is to be distinguished from the request for arbitration and has tov be
subsequent to it. In the present case, it does not appear to me that eitvher
of the two parties has made a proposal or has attempted to initiate the v
organization of an arbitration on whose terms the Parties failed to agreve.
As a matter of fact, Belgium does not even claim that it has done any -
thing regarding the organization of an arbitration, and limits its argu -

ments to the fact that it requested Senegal to submit the dispute to an v
arbitration, and subsequently reminded Senegal of that request.

145

6 CIJ1033.indb 286 28/11/13 12:50 obligation de poursuivvre ou d’extrader (op. invd. yusuf) 563

verbale que son ambassade à Dakar a adressée au ministère sévnégalais des
affaires étrangères le 23 juin 2009, la Belgique a invité les juges d’instruc -

tion sénégalais saisis de l’affaire à se rendre en Belgiquve pour rencontrer
leurs homologues belges, et elle a offert de prendre à sa charge levs frais de
cette visite (mémoire de la Belgique, annexe B.17). Les autorités sénéga -
laises ont accueilli favorablement cette offre et désigné les deux juges
d’instruction qui se rendraient en Belgique (note verbale du 14 sep -

tembre 2009, ibid., annexe B.19).
Les négociations et discussions tenues entre les ministres des affaires
étrangères du Sénégal et de la Belgique le 26 mai 2010 au sujet de la com -
mission rogatoire apportent une nouvelle preuve de la poursuite des
négociations entre les Parties. De même, en novembre 2010, la Belgique a

participé à la table ronde des donateurs à Dakar qui a été l’occasion
d’examiner le budget nécessaire pour organiser le procès Habrév au Séné-
gal et de conclure des arrangements de coopération, y compris entre la
Belgique et le Sénégal. De fait, la Belgique a annoncé une contvribution
d’un montant maximum de 1 million d’euros à l’organisation du procès
(contre-mémoire du Sénégal, annexes 5, 10-4 et 11).

10. Les négociations se poursuivaient encore le 17 janvier 2012, lorsque la
Belgique a présenté une quatrième demande d’extradition au Svénégal. Dans
sa note verbale du 17 janvier 2012, la Belgique a observé que, sans préjudice
de l’affaire pendante devant la CIJ, elle était favorable à lv’organisation du
procès Habré en Afrique par le pays sur le territoire duquel le suvspect se

trouvait. En outre, elle a confirmé qu’elle demeurait disposéve à coopérer
avec le Sénégal sur le plan judiciaire, et ce, le 17 janvier 2012. Dans ces
conditions, la Cour est-elle bien convaincante lorsqu’elle conclut que le dif -
férend n’a pas pu être réglé par la négociation ou quev cette voie était épuisée
et n’offrait plus de possibilités de règlement du différvend dès 2006, ce qui

autorisait le recours à l’arbitrage en vertu de l’article 30 de la convention?

B. L’impossibilité pour les Parties de se mettre d’accord
sur l’organisation de l’arbitrage

11. La condition énoncée à l’article 30 concernant l’impossibilité pour

les parties « de se mettre d’accord sur l’organisation de l’arbitrage » sup-
pose, à mon sens, qu’il y ait eu tentative d’organiser l’arbvitrage ou que
l’une des parties ait formulé des propositions quant aux modalitévs de
cette procédure, sans que l’accord puisse néanmoins se faire. Cvette tenta-
tive ou ces propositions de l’une des parties ou des deux, qui indiquvent un

effort d’organisation de l’arbitrage, sont à distinguer de lav demande d’ar-
bitrage, dont ils résultent. En l’espèce, il ne me semble pas qvue l’une ou
l’autre des Parties ait fait une proposition ou tenté d’organisver un arbi -
trage sans qu’un accord puisse être trouvé. D’ailleurs, la Bvelgique ne pré-
tend même pas avoir tenté en quoi que ce soit d’organiser l’varbitrage et se
contente d’observer qu’elle a demandé au Sénégal de soumettre le diffé -

rend à cette procédure et a réitéré cette demande par la vsuite.

145

6 CIJ1033.indb 287 28/11/13 12:50 564 obligation to prosecuvte or extradite (sep. opv. yusuf)

12. In its reply to a question posed by a Member of the Court, Belgium
stated that: “a State requesting arbitration under Article 30 is not required

to make proposals for, or even to raise questions concerning the organi -
zation of the arbitration at the outset or at any specific moment” v
(CR 2012/6, p. 40, para. 14 (Wood)). It is also recognized in the Judgment
that “Belgium did not make any detailed proposal for determining the v
issues to be submitted to arbitration and the organization of the arbitrva -

tion proceedings”. Nonetheless, the Court concludes that : “this does not
mean that the condition that ‘the Parties are unable to agree on the vorga -
nization of the arbitration’ has not been fulfilled. A State may devfer pro-
posals concerning these aspects to the time when a positive response is v
given in principle to its request to settle the dispute by arbitration.”v
(Judgment, para. 61.)

This is in my view an erroneous interpretation of the provision on arbi-
tration in Article 30 of the CAT. In the first instance, it is very clear from
a simple reading of the text that it is not enough to request the submisvsion
of the dispute to arbitration. Such a request must be followed by an effort

or a proposal to organize arbitration proceedings, which is either opposved
by the other party, or does not result in an agreement between the partives.
Thus, it is only a failure to agree on the organization of arbitration, vin the
sense that an attempt had been made to organize or to propose modalitiesv
for the organization of arbitration without, however, reaching an agree -

ment, which triggers the possibility to refer the dispute to the Court.
Secondly, it should be recalled that, in the present case, following Belgium’s
initial reference to the arbitration procedure on 4 May 2006,
Senegal responded by acknowledging and taking note of the “possibility
of Belgium having recourse to the arbitration procedure provided for in
Article 30 of the [Convention]” (Memorial of Belgium, Ann. B9). In light

of such acknowledgment, the onus lay on Belgium, as the requesting Statev,
to take steps to suggest the procedure for organizing the said arbitrativon.
The present case is thus different from DRC v. Rwanda (Armed Activi -
ties on the Territory of the Congo (New Application : 2002) (Democratic
Republic of the Congo v. Rwanda)) and from Libya v. USA (Questions of

Interpretation and Application of the 1971 Montreal Convention arising
from the Aerial Incident at Lockerbie (Libyan Arab Jamahiriya v. United
States of America), where the Conventions concerned included similar
treaty provisions. Unlike, for example, the Respondent in the Libya v.
USA case, Senegal did not express an intention to reject the proposal for

arbitration. On the contrary, Senegal took note of Belgium’s request vto
submit the matter to arbitration in its Note Verbale of 9 May 2006 (ibid.,
Ann. B10). Belgium should have followed this up with a proposal on the
modalities for the organization of the arbitration, rather than reiteratve a
request to submit the dispute to arbitration. The condition that the parv -
ties were unable “to agree on the organization of the arbitration”v con -

tained in Article 30 must be met before the matter can be referred to the
Court for adjudication. Absent such clear disagreement on the organiza -

146

6 CIJ1033.indb 288 28/11/13 12:50 obligation de poursuivvre ou d’extrader (op. invd. yusuf) 564

12. En réponse à une question posée par un membre de la Cour, la
Belgique a déclaré que « rien dans le texte de l’article 30 … n’impos[ait]

aux Etats de formuler des propositions ni même de soulever la moindrev
question au sujet de l’organisation de l’arbitrage, que ce soit auv départ ou
à tout autre moment » (CR 2012/6, p. 40, par. 14 (Wood)). Il est égale -
ment indiqué dans l’arrêt que «la Belgique n’a pas formulé de proposition
détaillée quant aux questions devant être soumises à l’arvbitrage et à l’or -

ganisation de la procédure arbitrale ». La Cour n’en conclut pas moins
que «cela ne signifie cependant pas qu’il n’ait pas été satisfavit à la condi -
tion que «les Parties ne parviennent pas à se mettre d’accord sur l’organv-i
sation de l’arbitrage ». Un Etat peut en effet attendre, avant de formuler
des propositions sur ces aspects, qu’une réponse de principe favorvable ait
été donnée à sa demande tendant à régler le diffévrend par voie d’arbi -

trage.» (Arrêt, par. 61.)
Il s’agit là à mon avis d’une interprétation erronée dve la disposition
relative à l’arbitrage énoncée à l’article 30 de la convention. Première -
ment, une simple lecture du texte fait clairement apparaître qu’ilv ne suffit
pas de demander que le différend soit soumis à l’arbitrage. Ivl faut égale -

ment qu’une tentative ou une proposition soit faite pour organiser cevtte
procédure et que soit l’autre partie s’y oppose, soit un accordv ne puisse
être trouvé entre les parties. C’est donc uniquement lorsque levs parties
sont dans l’impossibilité de se mettre d’accord sur l’organivsation de l’ar -
bitrage, malgré les tentatives ou les propositions tendant à l’vorganiser,

qu’il devient possible de saisir la Cour. Deuxièmement, il convienvt de rap -
peler que, dans le cas d’espèce, après que la Belgique eut évvoqué pour la
première fois la procédure d’arbitrage le 4 mai 2006, le Sénégal a répondu
en prenant acte de « l’éventualité d’un recours de la Belgique à la procé -
dure d’arbitrage prévue par [l’]article 30 [de la convention] » (mémoire de
la Belgique, annexe B.9). Compte tenu de cette réponse, c’était à la Bel -

gique, en sa qualité d’Etat requérant, qu’il appartenait de vformuler des
propositions pour l’organisation de cet arbitrage.
Le cas d’espèce est donc différent des affaires République démocratique
du Congo c. Rwanda (Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle
requête : 2002)) et Jamahiriya arabe libyenne c. Etats-Unis d’Amérique

(Questions d’interprétation et d’application de la convention ▯de Montréal de
1971 résultant de l’incident aérien de Lockerbie), dans lesquelles les
conventions concernées comprenaient des dispositions analogues.
Contrairement, par exemple, au défendeur en l’affaire Jamahiriya arabe
libyenne c. Etats-Unis d’Amérique, le Sénégal n’a pas exprimé l’intention

de refuser la proposition d’arbitrage. A l’inverse, dans sa note vverbale
du 9 mai 2006, il a pris acte de la demande de la Belgique de soumettre la
question à l’arbitrage (ibid., annexe B.10). Au lieu de réitérer sa demande,
la Belgique aurait alors dû formuler une proposition sur les modalitévs de
l’organisation de la procédure arbitrale. La condition voulant quev les par -
ties ne soient pas parvenues « à se mettre d’accord sur l’organisation de

l’arbitrage» énoncée à l’article 30 doit donc être satisfaite avant que la
Cour puisse être saisie de la question. Faute de désaccord aussi mvanifeste

146

6 CIJ1033.indb 289 28/11/13 12:50 565 obligation to prosecuvte or extradite (sep. opv. yusuf)

tion of arbitral proceedings, the dispute cannot be submitted to the Couvrt,
and if any one of the Parties does so, the Court has to declare that it lacks

jurisdiction. This is the case here, and the Court should have concludedv,
in my view, that it had no jurisdiction under Article 30 of the CAT.

III. Senegal’s Obligation tov Make Immediately
a Preliminary Inquiryv into the Facts

13. I find the reasoning of the Court, according to which the interroga -
tion by the investigating judge in 2000 does not amount to a preliminaryv
inquiry under Article 6, paragraph 2, of CAT, very unpersuasive, and dis -

agree with its conclusion that the events of 2000 may be lumped together
with those of 2008 where Senegal clearly failed to conduct a preliminary
inquiry following a further complaint against Mr. Habré, after the legisla -
tive and constitutional amendments made by Senegal in 2007. The Court
should have made a clear distinction between the steps taken by Senegal v

in 2000 and the absence of an inquiry following the complaints submittedv
to the Senegalese authorities in 2008.

14. The CAT provides little guidance on the specifics of the prelimi -
nary inquiry required by Article 6, paragraph 2. The Judgment also fails

to shed light on what is meant by a preliminary inquiry under Article 6,
paragraph 2, of the CAT and consequently provides no reliable basis for
the assessment of whether or not Senegal, through the actions undertakenv
by its investigating judge, was able to satisfy the requirements of this pro -
vision of the Convention. Instead, in paragraph 83 of the Judgment, the
concept of a preliminary inquiry under the Convention appears to have

been elevated to the level of a full investigation. In that paragraph, tvhe
Court notes that the preliminary inquiry provided for in Article 6, para -
graph 2, is

“intended, like any inquiry carried out by the competent authorities,v
to corroborate or not the suspicions regarding the person in question.
That inquiry is conducted by those authorities which have the task of
drawing up a case file and collecting facts and evidence ; this may

consist of documents or witness statements relating to the events at
issue and to the suspect’s possible involvement in the matter con -
cerned.”

15. The preliminary inquiry provided for under Article 6, paragraph 2,
of the CAT can only be based, at that stage of the investigations, on thve
information made available by the victims or by those who have filed the
complaint against the suspect and brought his presence in the country,
and the crimes allegedly committed by him, to the attention of the

authorities. Moreover, the nature of the inquiry to be carried out under
this provision will depend to a large extent on the legal system concernved,

147

6 CIJ1033.indb 290 28/11/13 12:50 obligation de poursuivvre ou d’extrader (op. invd. yusuf) 565

sur l’organisation de la procédure arbitrale, le différend nev peut pas être
soumis à la Cour, et, si l’une des parties la saisit néanmoins,v la Cour est

tenue de se déclarer incompétente pour en connaître. Telle est la situation
en l’espèce, et la Cour aurait dû conclure qu’elle n’avaivt pas compétence
en vertu de l’article 30 de la convention.

III. L’obligation du Sénégalv de procéder immédiatemvent
à une enquête prélimivnaire en vue d’établirv les faits

13. Je ne trouve pas la Cour très convaincante lorsqu’elle observe quev
l’interrogatoire mené par le juge d’instruction en 2000 n’équivaut pas à
une enquête préliminaire au sens du paragraphe 2 de l’article 6 de la

convention et, contrairement à elle, je ne considère pas que les évvéne -
ments de 2000 puissent être assimilés à ceux de 2008, année où, après
avoir remanié sa législation et sa Constitution en 2007, le Sénégal a mani -
festement failli à l’obligation de mener une enquête prélimivnaire bien
qu’une nouvelle plainte eût été déposée contre M. Habré. La Cour aurait

dû faire clairement la distinction entre les mesures prises par le Sévnégal
en 2000 et l’absence de toute enquête à la suite des plaintes dont les auto -
rités sénégalaises ont été saisies en 2008.
14. La convention ne donne guère d’indications sur les règles prévcises
de l’enquête préliminaire imposée par le paragraphe 2 de l’article 6, non

plus que l’arrêt, qui n’éclaire pas le sens de ce paragraphe et ne permet
donc pas d’évaluer sur la base d’éléments solides si le Svénégal, par l’inter -
médiaire de son juge d’instruction, a pu ou non satisfaire aux convditions
énoncées dans cette disposition de la convention. En lieu et placev, au
paragraphe 83 de l’arrêt, la Cour semble élever la notion d’enquête vpréli -
minaire en vertu de la convention au rang d’enquête à part entivère. Elle

relève que l’enquête préliminaire prévue au paragraphe 2 de l’article 6

«est destinée, comme toute enquête menée par les autorités covmpé -
tentes, à corroborer ou non les soupçons qui pèsent sur la persvonne
concernée. Cette enquête est conduite par les autorités qui sonvt char -
gées d’établir un dossier en rassemblant les faits et les élvéments de

preuve, qu’il s’agisse de documents ou de témoignages se rapporvtant
aux événements en cause et à l’implication éventuelle du vsuspect dans
le contexte en question. »

15. L’enquête préliminaire prévue au paragraphe 2 de l’article 6 de la
convention ne peut reposer à ce stade que sur les informations fournies
par les victimes ou par les personnes qui ont déposé plainte contrve le sus -
pect et porté à l’attention des autorités sa présence danvs le pays, ainsi que
les infractions qu’il aurait commises. En outre, la nature de l’envquête à

mener en vertu de cette disposition dépendra dans une large mesure duv
système juridique de l’Etat concerné et des circonstances partivculières de

147

6 CIJ1033.indb 291 28/11/13 12:50 566 obligation to prosecuvte or extradite (sep. opv. yusuf)

and on the particular circumstances of the case. It would therefore be
erroneous to suggest, as paragraph 83 of the Judgment appears to do,

that a general standard for the conduct of such inquiries exists.
The Court rightly observes in paragraph 86 that the choice of means
for conducting the preliminary inquiry remains in the hands of the Statevs
parties, taking account of the case in question. This observation howevevr
stands in contradiction with the Court’s findings that the indictmevnt of

Mr. Habré by the Senegalese investigating judge in 2000 is insufficient vto
fulfil the obligation in Article 6, paragraph 2. Without a proper assess -
ment of Senegal’s legal system and practice, the Court cannot conclu -
sively state that

“[t]he questioning at first appearance which the investigating judgve at
the Tribunal régional hors classe in Dakar conducted in order to estab -
lish Mr. Habré’s identity and to inform him of the acts of which he
was accused cannot be regarded as performance of the obligation laid

down in Article 6, paragraph 2, as it did not involve any inquiry into
the charges against Mr. Habré” (Judgment, para. 85).

In coming to this conclusion, the Court disregards Senegal’s explana -
tion that under its legal system

“in criminal proceedings, the investigating judge may be seised eithevr
by a complaint with civil-party application or by an application from
the public prosecutor to open an investigation. The preliminary
inquiry is aimed simply at enabling the basic facts to be established ;

it does not necessarily lead to prosecution, since the prosecutor may,
in the light of the results, consider that there are no grounds for
further proceedings.” (CR 2012/7, p. 34, paras. 39-40 (Thiam) ; see
also CR 2012/7, p. 17, para. 7.)

16. It does not also appear logical to assume that an indictment would
have been issued by a Senegalese magistrate without a preliminary
inquiry. While Senegal did not provide adequate material to show the
exact nature of the inquiry carried out by the competent authorities folv -

lowing the allegations against Mr. Habré, the conduct of an inquiry, par -
ticularly one of a preliminary nature, is implicit in the fact that Mr. Habré
was indicted by the investigating magistrate, and placed under house
arrest. The Court should not have been so dismissive of the peculiaritievs
of the Senegalese legal system, and the manner in which the indictment ovf

Mr. Habré was arrived at, particularly in view of the fact that the exactv
nature and scope of the preliminary inquiry is determined on the basis of
domestic law.
17. Thus, it is my view that the only instance in which Senegal failed to
comply with its obligation to carry out a preliminary inquiry was the onve
relating to the lack of action by the competent Senegalese authorities fvol -

lowing the filing of new allegations of torture against Mr. Habré in 2008.
The Court should have, therefore, noted that notwithstanding the possi -

148

6 CIJ1033.indb 292 28/11/13 12:50 obligation de poursuivvre ou d’extrader (op. invd. yusuf) 566

l’affaire. Il serait donc inexact de laisser entendre, comme cela svemble être
le cas au paragraphe 83 de l’arrêt, qu’il existe une norme générale régis -

sant la conduite de telles enquêtes.
La Cour observe à juste titre au paragraphe 86 que le choix des moyens,
pour mener l’enquête préliminaire, reste entre les mains des Etvats parties,
en tenant compte de l’affaire concernée. Elle est donc en contradiction
avec elle-même puisqu’elle a conclu que la mise en accusation de Mv. Habré

par le juge d’instruction sénégalais en 2000 ne suffisait pas à satisfaire à
l’obligation énoncée au paragraphe 2 de l’article 6. En l’absence d’une
évaluation appropriée de la pratique et du système juridiques sénégalais,
la Cour ne peut affirmer de manière incontestable que :

«[l]’interrogatoire de première comparution auquel le juge d’insvtruc -
tion au tribunal régional hors classe de Dakar a procédé aux fivns de
constater l’identité de M. Habré et de lui faire connaître les faits qui
lui étaient imputés ne peut être considéré comme la mise ven œuvre de

l’obligation prévue au paragraphe 2 de l’article 6, puisqu’il n’impli -
quait pas d’enquête relative aux charges pesant sur M. Habré »
(arrêt, par. 85).

En parvenant à cette conclusion, la Cour ne tient pas compte des prévci -
sions données par le Sénégal au sujet de son système juridiqvue:

«en matière pénale, le juge d’instruction peut être saisi soivt par une
plainte avec constitution de parties civiles, soit par le réquisitoirve
introductif du procureur de la République. L’enquête préliminaire
vise simplement à permettre l’établissement primaire des faits ; elle

ne débouche pas forcément sur des poursuites, car le procureur peut, v
au vu des résultats, considérer qu’il n’y a pas lieu à povursuivre. »
(CR 2012/7, p. 34, par. 39-40 (Thiam) ; voir aussi CR 2012/7, p. 17,
par. 7.)

16. Il ne semble pas non plus logique de présumer qu’un magistrat
sénégalais aurait procédé à une mise en accusation en l’vabsence d’enquête
préliminaire. Certes, le Sénégal n’a pas fourni d’élévments indiquant claire -
ment la nature exacte de l’enquête menée par les autorités cvompétentes à

la suite des allégations dont M. Habré a fait l’objet, mais le fait que le
juge d’instruction ait mis en accusation M. Habré et l’ait assigné à rési -
dence montre qu’une enquête, notamment de nature préliminaire, va bien
été menée. La Cour n’aurait pas dû faire si peu de cas devs particularités
du système juridique sénégalais et de la manière dont M. Habré a été mis

en accusation, compte tenu du fait, en particulier, que la nature exactev et
la portée de l’enquête préliminaire sont déterminées pvar le droit interne.

17. Je suis donc d’avis que le Sénégal n’a failli à son obligvation de
mener une enquête préliminaire que dans un seul cas, en 2008, lorsvque ses
autorités compétentes n’ont pas dûment donné suite aux novuvelles

plaintes pour actes de torture dont M. Habré a fait l’objet. La Cour aurait
dû noter que, s’il était possible que le Sénégal se soit vconformé à ses obli -

148

6 CIJ1033.indb 293 28/11/13 12:50 567 obligation to prosecuvte or extradite (sep. opv. yusuf)

bility that Senegal may have met its obligations under Article 6, para -
graph 2, in 2000, Senegal was under an obligation to conduct such an

inquiry in 2008 when, following the legislative and constitutional reforms
in 2007, new allegations of torture were brought against Mr. Habré.
Despite the fact that four investigating judges were assigned to the casve,
there is no evidence that a preliminary inquiry, even of the same naturev
and scope as the one conducted in 2000, was ever carried out. It is on tvhe

basis of this failure to conduct a preliminary inquiry in 2008 that the v
Court should have found that Senegal breached its obligations under
Article 6, paragraph 2, and not by setting aside the inquiry and the indict -
ment of 2000.

IV. The Nature and Meaning ofv the Obligation in
Article 7, Paragraph 1

18. I believe that the Court could have brought further clarification to
the meaning and nature of the obligation aut dedere aut judicare con -

tained in Article 7, paragraph 1, of the CAT, which is at the heart of the
present case. The prevalence of the formula aut dedere aut judicare, which
can be found in over 60 multilateral instruments, has led to some confu -
sion within legal scholarship over the relationship between extradition v
and prosecution in conventional clauses containing this formula. Used

loosely, the expression can be misleading as it is generally understood vto
mean an obligation to extradite or prosecute. However, depending on the v
legal instrument under consideration, the obligation may be placed on
prosecution, rather than extradition, or vice versa. It is for this reasvon
that the statement contained in paragraph 95 of the Judgment is useful,
but could have benefited from further elaboration and elucidation. In v

that paragraph the Court notes that, within the context of the CAT, the v
choice between extradition or submission for prosecution does not mean
that the two alternatives are to be given the same weight. Rather,
“[e]xtradition is an option offered to the State by the Convention,v whereas
prosecution is an international obligation under the Convention, the viov -

lation of which is a wrongful act engaging the responsibility of the Stavte”
(Judgment, para. 95).
19. Despite the importance of this clarification, the Court stops short
of elaborating further on the meaning of the obligation, and differentviat -
ing the formula in Article 7, paragraph 1, of the CAT from that of the

conventions which impose an obligation to extradite. Such elaboration isv
necessary to avoid ambiguity, especially with respect to the interpretatvion
of treaties containing the formula aut dedere aut judicare. The conven -
tions containing the formula aut dedere aut judicare may be divided gen -
erally into two broad categories : (a) clauses that impose an obligation to
extradite, and in which prosecution becomes an obligation only after thev

refusal of extradition ; and (b) clauses that impose an obligation to
prosecute, with extradition being an option available to the State. The latter

149

6 CIJ1033.indb 294 28/11/13 12:50 obligation de poursuivvre ou d’extrader (op. invd. yusuf) 567

gations en vertu du paragraphe 2 de l’article 6 en 2000, il avait l’obliga -
tion de s’y conformer aussi en 2008 lorsque, à la suite des réformes

législatives et constitutionnelles intervenues en 2007, de nouvelles plaintes
pour actes de torture ont été déposées contre M. Habré. En dépit du fait
que quatre juges d’instruction ont été chargés de l’affvaire, aucun élément
ne prouve qu’une enquête préliminaire ait jamais eu lieu, ne sevrait-ce que
de la nature et de la portée de celle conduite en 2000. Au lieu de faire peu

de cas de l’enquête et de la mise en accusation de 2000, la Cour aurait dû
se fonder sur l’absence d’enquête préliminaire en 2008 pour conclure que
le Sénégal a violé ses obligations en vertu du paragraphe 2 de l’article 6.

IV. La nature et le sens dev l’obligation prévue
au paragraphe 1 de l’article 7

18. Je considère que la Cour aurait dû préciser davantage la naturev et
le sens de l’obligation aut dedere aut judicare contenue au paragraphe 1 de

l’article 7 de la convention, qui est au cœur de la présente affaire. La fvré -
quence de cette formule, qui se retrouve dans une soixantaine d’instrvu -
ments multilatéraux, a conduit à une certaine confusion parmi les v
spécialistes du droit quant au rapport entre l’extradition et les vpoursuites
dans les clauses conventionnelles qui la renferment. Utilisée abusivevment,

l’expression peut être trompeuse et est généralement comprise comme
signifiant l’obligation d’extrader ou de poursuivre. Mais selon l’instru -
ment juridique considéré, cette obligation peut être de poursuivvre plutôt
que d’extrader, ou l’inverse. L’explication contenue au paragravphe 95 de
l’arrêt est donc utile, mais encore insuffisante. Dans ce paragravphe, la
Cour observe que, dans le cadre de la convention, le choix entre l’exvtradi -

tion et l’engagement des poursuites ne revient pas à mettre les devux élé -
ments de l’alternative sur le même plan. Au contraire, « l’extradition est
une option offerte par la convention à l’Etat, alors que la pourvsuite est
une obligation internationale, prévue par la convention, dont la violvation
engage la responsabilité de l’Etat pour fait illicite » (arrêt, par. 95).

19. Malgré l’importance de cette clarification, la Cour ne va pas juvsqu’à
préciser davantage le sens de l’obligation et à établir une vdistinction entre
la formule figurant au paragraphe 1 de l’article 7 de la convention et celle

énoncée dans les conventions qui imposent l’obligation d’extvrader. Cette
précision est pourtant nécessaire pour éviter toute ambiguïtvé, en particu -
lier dans l’interprétation des instruments renfermant l’expressvion
aut dedere aut judicare. Ces derniers se répartissent généralement en deux
grandes catégories : a) ceux qui contiennent des clauses imposant une
obligation d’extrader et dans lesquelles poursuivre ne devient obligavtoire

qu’après le refus d’extrader ; et b) ceux qui contiennent des clauses qui
imposent l’obligation de poursuivre, l’extradition étant une opvtion offerte

149

6 CIJ1033.indb 295 28/11/13 12:50 568 obligation to prosecuvte or extradite (sep. opv. yusuf)

category also includes clauses that impose an obligation to prosecute, bvut
extradition becomes an obligation if the State fails to submit the case vfor

prosecution.
20. Multilateral instruments belonging to the first category include the
1929 International Convention for the Suppression of Counterfeiting
Currency where the obligation to initiate proceedings against the suspecvt
is “subject to the condition that extradition has been requested and vthat

the country to which application is made cannot hand over the person
accused for some reason which has no connection with the offence”
(Art. 9 (2)). Further illustration of this type of provision can be found in v
Article 15 of the African Union Convention on Preventing and Com-
bating Corruption which provides that

“where a State party in whose territory any person charged with or
convicted of offences is present and has refused to extradite that perv -
son on the basis that it has jurisdiction over offences, the requestedv

State party shall be obliged to submit the case without undue delay
to its competent authorities for the purpose of prosecution . . .”.

Additionally, Article 5 of the Optional Protocol to the Convention on
the Rights of the Child on the sale of children, child prostitution and v
child pornography provides that

“if an extradition request is made with respect to an offence descrvibed
in Article 3, paragraph 1, and the requested State party does not or

will not extradite on the basis of the nationality of the offender, thvat
State shall take suitable measures to submit the case to its competent
authorities for the purpose of prosecution”.

21. It is clear that category (a) conventions are structured in a manner
that extradition to the State in whose territory the crime is committed vis
given priority. In the majority of these treaties, there is no general ovbliga-
tion on States parties to prosecute the alleged offender. On the contrvary,
prosecution by the State on whose territory the alleged offender is fovund

only becomes an obligation if a request for extradition has been refusedv,
or certain factors such as nationality of the suspect exist.

22. In category (b) conventions, it is evident that extradition is not
given the same predominance. For example, a State party under the 1949

Geneva Conventions is obligated to prosecute persons alleged to have
committed grave breaches of these conventions. However, “if it prefers,
and in accordance with the provisions of its own legislation”, it mayv
“hand such persons over for trial to another High Contracting Party cvon -
cerned, provided such High Contracting Party has made out a prima facie v
case”. In these conventions the State on whose territory the alleged v

offender is found is not obliged to extradite him. Other modifications to
the formula include Article 7 of the 1970 Hague Convention for the Sup -

150

6 CIJ1033.indb 296 28/11/13 12:50 obligation de poursuivvre ou d’extrader (op. invd. yusuf) 568

à l’Etat. Dans cette dernière catégorie se rangent aussi lesv clauses qui
imposent une obligation de poursuivre, l’extradition devenant obligatvoire

si l’Etat ne poursuit pas.
20. Parmi les instruments multilatéraux de la première catégorie fivgure
la convention internationale de 1929 pour la répression du faux mon -
nayage, dans laquelle l’obligation de la poursuite est « subordonnée à la
condition que l’extradition ait été demandée et que le pays vrequis ne

puisse livrer l’inculpé pour une raison sans rapport avec le fait » (art. 9,
al. 2). L’article 15 de la convention de l’Union africaine sur la prévention
et la lutte contre la corruption est un autre exemple de ce type de clauvse.
Aux termes de l’article 15,

«au cas où un Etat partie sur le territoire duquel se trouve une per -
sonne inculpée ou reconnue coupable … d’infractions … refuse de
l’extrader, sous prétexte qu’il est lui-même compétent povur recon -

naître cette infraction, l’Etat requis est obligé de soumettre vle cas,
sans délai, à ses autorités compétentes pour faire juger l’vauteur pré -
sumé».

De plus, l’article 5 du protocole facultatif à la convention relative aux
droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitutionv des
enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, dispose ce qvui
suit :

«si une demande d’extradition est présentée au motif d’une invfrac -
tion visée au paragraphe 1 de l’article 3, et si l’Etat requis n’extrade

pas ou ne veut pas extrader, à raison de la nationalité de l’auvteur de
l’infraction, cet Etat prend les mesures voulues pour saisir ses autovri -
tés compétentes aux fins de poursuites ».

21. Les conventions de la catégorie a) sont manifestement structurées
de manière à donner la priorité à l’extradition vers l’vEtat sur le territoire
duquel l’infraction est commise. La majorité d’entre elles ne rvenferment
aucune obligation générale faite aux Etats parties de poursuivre lv’auteur
présumé. Bien au contraire, l’engagement de poursuites par l’vEtat sur le

territoire duquel l’auteur présumé est découvert devient obligatoire uni -
quement en cas de rejet d’une demande d’extradition ou de l’exivstence de
certains facteurs, comme la nationalité du suspect.
22. Dans les conventions de la catégorie b), l’extradition ne revêt
manifestement pas la même importance. Ainsi, les conventions de Genèvve

de 1949 disposent qu’un Etat partie est tenu de poursuivre les personvnes
qui auraient commis de graves violations de leurs dispositions. Toutefoivs,
s’il «le préfère, et selon les conditions prévues par sa propre lévgislation,»
il pourra aussi « les remettre pour jugement à une autre [p]artie contrac -
tante intéressée à la poursuite, pour autant que cette [p]artiev contractante
ait retenu contre lesdites personnes des charges suffisantes ». Dans ces ins -

truments, l’Etat sur le territoire duquel l’auteur présumé evst découvert
n’est pas obligé de l’extrader. D’autres modifications de vla formule appa -

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6 CIJ1033.indb 297 28/11/13 12:50 569 obligation to prosecuvte or extradite (sep. opv. yusuf)

pression of Unlawful Seizure of Aircraft, on which Article 7, paragraph 1,
of CAT is modelled. Prosecution is clearly given priority, and a State

party is obligated to prosecute, or submit a case for prosecution, regarvd-
less of the existence of an extradition request. Even where an extradition
request has been made, some conventions, such as the 1949 Geneva Con -
ventions, do not require extradition, while others can be interpreted, in
accordance with the object and purpose of the particular treaty, as estavb -

lishing an obligation to extradite if the State refuses to prosecute.

23. This clarification is important in the present case, since, as noted ivn
paragraph 50 of the Judgment, it has repeatedly appeared in the corre -
spondence between the Parties as well as in their pleadings before the

Court that the two obligations were often placed on the same footing as
alternatives within the context of the CAT. For instance in its Note Verv -
bale of 11 January 2006, Belgium stated its interpretation of the Conven -
tion, specifically the obligation “aut dedere aut judicare” as “only laying
obligations on a State, in this case, in the context of the extradition vappli -

cation of Mr. Hissène Habré, the Republic of Senegal” (Memorial of
Belgium, Ann. B.7). Similarly, Belgium made clear to Senegal in its Note
Verbale of 9 March 2006, that negotiations which it claimed were under
way were with regard to “the extradition application in the case of
Mr. Hissene Habré, in application of [Article 30 of the Convention

against Torture]” (ibid., Ann. B.8). Furthermore, in its Application, Bel -
gium requested the Court to adjudge and declare that “failing the provse-
cution of Mr. H[issène] Habré, the Republic of Senegal is obliged to
extradite him to the Kingdom of Belgium so that he can answer for these
crimes before the Belgian courts” (emphasis added). Belgium also insisted
during the oral proceedings that Article 7, paragraph 1, of the Conven -

tion is to be interpreted as requiring the forum State “to submit the case
to its competent authorities for the purpose of prosecution, unless it
extradites that person to the State which so requests” (CR 2012/2, p. 15,
para. 13 (Rietjens)). Additionally, counsel for Belgium argued that the
preliminary inquiry required in Article 6, paragraph 2, was necessary to

“implement the obligation to prosecute or, in default of prosecution,v to
extradite if an extradition request has been made” (CR 2012/3, p. 11
para. 11 (Wood) ; emphasis added).

24. Belgium had no right to insist upon the extradition of Mr. Habré,

and Senegal was under no obligation to extradite him to Belgium, as longv
as Senegal complied with its obligation to submit Mr. Habré’s case to its
competent authorities for prosecution. It is only the violation of the ovbli -
gation to submit the case for prosecution which engages the responsibilivty
of the State on whose territory the suspect is present. Should such a Stvate,
however, prefer to extradite the suspect, instead of prosecuting him or vher

in its tribunals, it has the choice of doing so. Additionally, with respect to
extradition within the context of the Convention against Torture, it

151

6 CIJ1033.indb 298 28/11/13 12:50 obligation de poursuivvre ou d’extrader (op. invd. yusuf) 569

raissent notamment dans l’article 7 de la convention de La Haye de 1970
pour la répression de la capture illicite d’aéronefs, qui a servvi de modèle

au paragraphe 1 de l’article 7 de la convention. La priorité est manifeste -
ment donnée aux poursuites, et un Etat partie est tenu de poursuivre,v ou
de saisir ses autorités compétentes aux fins de poursuites, indévpendam -
ment de l’existence d’une demande d’extradition. Même lorsqu’il y a eu
demande d’extradition, certaines conventions, comme les conventions dve

Genève de 1949, n’imposent pas l’extradition, tandis que d’autres peuventv
être interprétées, selon l’objet et le but de l’instrumenvt concerné, comme
établissant une obligation d’extrader si l’Etat refuse de poursvuivre.
23. Cette clarification est importante dans le cas d’espèce étantv donné
que, comme la Cour le relève au paragraphe 50 de l’arrêt, il est apparu à
maintes reprises dans la correspondance entre les Parties ainsi que dansv

leurs plaidoiries devant la Cour que, dans le contexte de la convention,v les
deux obligations étaient souvent présentées comme une alternative etv pla -
cées sur le même plan. Ainsi, dans sa note verbale du 11 janvier 2006, la
Belgique a indiqué qu’elle interprétait la convention, et plus vparticulière -
ment l’obligation «aut dedere aut judicare», comme «ne prévoyant d’obli-

gations que dans le chef d’un Etat, en l’occurrence, dans le cas dve la
demande d’extradition de M. Hissène Habré, dans le chef de la Répu -
blique du Sénégal» (mémoire de la Belgique, annexe B.7). De même, dans
sa note verbale du 9 mars 2006, elle a clairement fait savoir au Sénégal
que les négociations qui, selon elle, étaient en cours concernaienvt « la

demande d’extradition en cause de M. Hissène Habré, en application de
l’article 30 de la convention » (ibid., annexe B.8). Et, dans sa requête, la
Belgique a prié la Cour de dire et juger que, « à défaut de poursuivre
M. Habré, la République du Sénégal est obligée de l’extravder vers le
Royaume de Belgique pour qu’il réponde de ses crimes devant la jus▯tice
belge» (les italiques sont de moi). Elle n’a cessé d’affirmer vpendant la pro -

cédure orale que le paragraphe 1 de l’article 7 de la convention devait être
interprété comme obligeant l’Etat du for «à soumettre l’affaire à ses auto -
rités compétentes pour l’exercice de l’action pénale, àv défaut d’extrader
cette personne vers l’Etat qui le lui demande » (CR 2012/2, p. 15, par. 13
(Rietjens)). Le conseil de la Belgique a de surcroît fait valoir qvue l’enquête

préliminaire prévue au paragraphe 2 de l’article 6 était indispensable pour
«mettre en œuvre l’obligation de poursuivre ou, à défaut, d’extrader lors -
qu’une demande à cet effet a été formulée » (CR 2012/3, p. 11, par. 11
(Wood); les italiques sont de moi).
24. Rien ne justifiait que la Belgique exige l’extradition de M. Habré,

et le Sénégal n’était en rien tenu d’extrader ce dernier vvers la Belgique,
dans la mesure où il se conformait à son obligation de saisir ses autorités
compétentes de l’affaire Habré pour l’exercice de l’action pénale. Seule la
violation de cette obligation engage la responsabilité de l’Etat svur le terri -
toire duquel le suspect se trouve. Mais, si cet Etat préfère extravder l’au -
teur présumé au lieu de le poursuivre lui-même, il a le choix dve le faire. De

plus, il n’est pas inutile de souligner, à propos de l’extradition dans le
contexte de la convention, que l’Etat requis n’est pas tenu d’evxtrader le

151

6 CIJ1033.indb 299 28/11/13 12:50 570 obligation to prosecuvte or extradite (sep. opv. yusuf)

should be stressed that the State to which a request for extradition hasv
been made is not under an obligation to extradite the suspect to the
requesting State. Thus, Senegal had no obligation to extradite Mr. Habré

to Belgium, unless it decided to do so simply because it wanted to relievve
itself of the obligation to submit his case for prosecution by its own
authorities and on its territory.

(Signed) Abdulqawi A. Yusuf.

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6 CIJ1033.indb 300 28/11/13 12:50 obligation de poursuivvre ou d’extrader (op. invd. yusuf) 570

suspect sur le territoire de l’Etat requérant. Le Sénégal n’avait donc pas
l’obligation d’extrader M. Habré vers la Belgique, sauf s’il le décidait,

tout simplement pour se libérer de l’obligation de poursuivre lui-vmême et
sur son territoire.

(Signé) Abdulqawi A. Yusuf.

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6 CIJ1033.indb 301 28/11/13 12:50

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Opinion individuelle de M. le juge Yusuf

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