Déclaration de M. le juge Rezek

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122-20030203-JUD-01-03-EN
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122-20030203-JUD-01-00-EN
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51

DÉCLARATION DE M LE JUGE REZEK

1 De l'avisde la maJoritéde la Cour, la demande en reviSionprésentée
par la République fédéralede Yougoslavie est Irrecevable Il en résulte
que l'affaire du Génoczdea,yant pour demandeur la Bosme-Herzégovme
et pour défendeur la République fédéralede Yougoslav1e, dott smvre

normalement son cours Pour ma part, Je ne peux, en aucune façon,
m'associer à cette concluswn
2 Deux Idéesgénéralesfondent mon opposition à la déclSlonprise par
la Cour D'abord, en l'étatactuel du drmt mternational, la JUridictiOnde
la Cour ne s'Imposepas à un Etat contre son gré Ensmte, les amb1gmtés
du système des Natwns Umes, notamment celles dont l'Orgamsabon,
dans un passérécent,a fmt preuve s'agissant du statut de l'ancienne You­
goslavie, et des Etatsqm ont vu le JOUraprès la désmtégratwnde cette
dernière,ne peuvent pas opéreren l'espècecontre l'auteur de la demande
en reviSion Il me semble que mêmeles mcerbtudes et les contradictiOns,
fort compréhensibles,qm ont marqué la condmte des gouvernements de
la régwndurant la dermère décenme,ne sauraient, en JUStice,opérerpar
la smte contre l'mtérêdte ces Etats Et surtout pas contre l'mtérêd t'un
seul d'entre eux

3 La teneur de la résolution 777 (1992) du Conseil de sécuritéme
semble pourtant assez claire Elle donne à penser que l'entitéà l'égard
de laquelle la Cour a affirmésa compétencedans l'arrêtdu 11 JUille1996,
une fractwn de l'ancienne Répubhque soc1ahstede Yougoslavie, ne pou­
vait, à cette époque,s'attribuer la quahtéde Membre des Nabons Umes,
m de partie au Statut de la Cour, m de parbe à la conventwn de 1948 sur
le génocide Du fait de ce qm apparaissait comme la volontédes autres
Etats,du fa1tde l'attitude de la maJOritéde ceux-ci et, par conséquent,de
l'Orgamsatwn, le dévoluta1reprmc1palde l'ancienne Yougoslavie se trou­
vait empêché de revendiquer quoi que ce smt sur la base de son apparte­
nance - pourtant affirmée par lm-même,signe de sa convictwn - à ces
cadres conventwnnels Il serait méqmtable, 11serait contraue aux pnn­
cipes les plus élémentairesdu droit, de mer à un Etat, à l'mtérieurd'un
système donné, une quahté quelconque au regard de certams effets, et
d'affirmer cette quahté par rapport à d'autres effets choisis

4 Quot qu'li en soit, la nouvelle Yougoslavie est un Etat Membre des
Nabons Umes et partie au Statut de la Cour depms le 1ernovembre 2000
Son adhés10nà la conventwn de 1948 sur le génocide, faisant smte à
l'mtervenbon du conseiller JUridique de l'Orgamsatwn, date du mms
de mars 2001 et a étéassortie d'une réserveà l'article IX relatif à la com­
pétencede la Cour pour le règlementde différends La formulation d'une
réserve,en règlegénérale,est une prérogative de tout Etat qm exprime

4852 DEMANDE ENREVISION (DECLREZEK)

son consentement à un tra1té, le bénéficede ce dro1t n'aurait pas été

contesté aux autres Etats1ssusde la désmtégrat10nde l'ancienne Yougo­
slavie,iln'en peut en aller autrement pour l'Etat demandeur de la revi­
sion
5 La Cour aura1t pu considérer comme fa1t nouveau la défimt10npar
les Nations Umes, en novembre 2000, de ce qm se trouvait dans une zone
gnse depms 1992, de ce qu1 aurait pu ams1 paraître mcertam en
1996 l'ancienne République soc1ahste de Yougoslavie avait cesséd'exis­

ter, l'admmistratlOn de M Milosev1én'avait pas assuréla contmmté de
l'Etat désmtégréL'affirmatiOn de la compétence de la Cour à l'encontre
du défendeurpar l'arrêtdu Il JUillet 1996, qm est le résultat d'une appré­
hensiOn mexacte de la situatiOn de fait, ménteraltà présent de fa1re
l'objet d'une reviSion
6 Autrement, J'aurais proposé le reJet m lzmme de la demande en revi­

SIOn,ma1s pour une ra1son dmmétralement opposée à celles de la maJo­
nté la République fédéralede Yougoslav1e, un des Membres les plus
récents de l'Orgamsat10n des Nat10ns Umes, ne se confond pas avec
l'entitévue par la Cour comme défenderessedans l'arrêtdu Il JUillet1996
De ce chef, la nouvelle Yougoslavie n'est pas fondéà demander la revi­
sion Elle n'est pas partie au différend porté devant la Cour par la
Bosme-Herzégovme A la Cour de d1re, le moment venu, SIce différend

subsiste en l'absence de défendeur

(S1gné) Francisco REZEK

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51

DÉCLARATION DE M LE JUGE REZEK

1 De l'avisde la maJoritéde la Cour, la demande en reviSionprésentée
par la République fédéralede Yougoslavie est Irrecevable Il en résulte
que l'affaire du Génoczdea,yant pour demandeur la Bosme-Herzégovme
et pour défendeur la République fédéralede Yougoslav1e, dott smvre

normalement son cours Pour ma part, Je ne peux, en aucune façon,
m'associer à cette concluswn
2 Deux Idéesgénéralesfondent mon opposition à la déclSlonprise par
la Cour D'abord, en l'étatactuel du drmt mternational, la JUridictiOnde
la Cour ne s'Imposepas à un Etat contre son gré Ensmte, les amb1gmtés
du système des Natwns Umes, notamment celles dont l'Orgamsabon,
dans un passérécent,a fmt preuve s'agissant du statut de l'ancienne You­
goslavie, et des Etatsqm ont vu le JOUraprès la désmtégratwnde cette
dernière,ne peuvent pas opéreren l'espècecontre l'auteur de la demande
en reviSion Il me semble que mêmeles mcerbtudes et les contradictiOns,
fort compréhensibles,qm ont marqué la condmte des gouvernements de
la régwndurant la dermère décenme,ne sauraient, en JUStice,opérerpar
la smte contre l'mtérêdte ces Etats Et surtout pas contre l'mtérêd t'un
seul d'entre eux

3 La teneur de la résolution 777 (1992) du Conseil de sécuritéme
semble pourtant assez claire Elle donne à penser que l'entitéà l'égard
de laquelle la Cour a affirmésa compétencedans l'arrêtdu 11 JUille1996,
une fractwn de l'ancienne Répubhque soc1ahstede Yougoslavie, ne pou­
vait, à cette époque,s'attribuer la quahtéde Membre des Nabons Umes,
m de partie au Statut de la Cour, m de parbe à la conventwn de 1948 sur
le génocide Du fait de ce qm apparaissait comme la volontédes autres
Etats,du fa1tde l'attitude de la maJOritéde ceux-ci et, par conséquent,de
l'Orgamsatwn, le dévoluta1reprmc1palde l'ancienne Yougoslavie se trou­
vait empêché de revendiquer quoi que ce smt sur la base de son apparte­
nance - pourtant affirmée par lm-même,signe de sa convictwn - à ces
cadres conventwnnels Il serait méqmtable, 11serait contraue aux pnn­
cipes les plus élémentairesdu droit, de mer à un Etat, à l'mtérieurd'un
système donné, une quahté quelconque au regard de certams effets, et
d'affirmer cette quahté par rapport à d'autres effets choisis

4 Quot qu'li en soit, la nouvelle Yougoslavie est un Etat Membre des
Nabons Umes et partie au Statut de la Cour depms le 1ernovembre 2000
Son adhés10nà la conventwn de 1948 sur le génocide, faisant smte à
l'mtervenbon du conseiller JUridique de l'Orgamsatwn, date du mms
de mars 2001 et a étéassortie d'une réserveà l'article IX relatif à la com­
pétencede la Cour pour le règlementde différends La formulation d'une
réserve,en règlegénérale,est une prérogative de tout Etat qm exprime

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DECLARATION OF JUDGE REZEK

[Translatwn]

1 In the opmton of the maJonty of the Court, the Apphcatwn for
revlSlonsubmltted by the Federal Repubhc ofYugoslavta ISmadmtsstble
Accordmgly, the Genoczde case, m whtch Bosma and Herzegovma ts the
Apphcant and the Federal Repubhc of Yugoslavta the Respondent, must
take tts normal course In no way can 1 support this concluswn

2 My opposttwn to the Court's dectswn ts founded on two general
constderattons Ftrst, under current mternatwnal law the JUnsdtchon of
the Court cannat be tmposed on a State agamst Jts wtll Second, the
ambtgmtŒs found m the Umted Natwns system, notably those charac­
tenzmg the recent conduct of the Umted Natwns m respect of the status
of the former Yugoslavta and the States havmg emerged from tts break­
up, should not be permttted to operate m the present case agamst the
party applymg for revision ln my vtew, even the readtly understandable
uncertamties and contradictions charactenzmg the conduct of Govern­
ments m the regwn over the last decade should not work m legal pro­
ceedmgs to the dtsadvantage of those States And defimtely not to the
dtsadvantage of only one of them

3 Secunty Counctl resolutwn 777 (1992) however appears tome to be
clear enough Ittmphes that the entJty over whtch the Court affirmed tts
JUnsdtctwn m the Judgment of 11July 1996, an enhty compnsmg part of
the former Socmhst Repubhc of Yugoslavm, could not at that ttme clatm
to have been a Member of the Umted Natwns, a party to the Statute of
the Court or a party to the 1948 Genoctde ConventiOn Owmg to the
apparent will of other States and to the attitude adopted by a majonty of
them, and as a consequence by the Umted Natwns, the mam State ans­
mg out of the former Yugoslavm found Itself precluded from clatmmg
any entitlement whatsoever on the hasts of tts participatiOn m these
treaty frameworks, even though, m a stgn of Its conviction, Jt averred Its
partlctpatwn m them Itwould be unfatr, and contrary to fondamental
legal pnnctples, to deny aState a parbcular status withm a giVensystem
as far as sorne effects were concerned but to recogmze that status on a
selective hasts m respect of others
4 In any case, the new Yugoslavm has been a Member of the Umted

Natwns and a party to the Statute of the Court smce 1 November 2000
Its accesswn to the 1948 Genoctde ConventiOn, followmg upon actiOn
taken by the Umted Nations Legal Counsel, occurred m March 2001 and
was accompamed by a reservatiOn to Article IX concernmg the Court's
JUnsdtction to settle disputes As a general rule, any State expressmg Its
consent to a treaty enJoys the prerogative of makmg a reservatiOn, the

4852 DEMANDE ENREVISION (DECLREZEK)

son consentement à un tra1té, le bénéficede ce dro1t n'aurait pas été

contesté aux autres Etats1ssusde la désmtégrat10nde l'ancienne Yougo­
slavie,iln'en peut en aller autrement pour l'Etat demandeur de la revi­
sion
5 La Cour aura1t pu considérer comme fa1t nouveau la défimt10npar
les Nations Umes, en novembre 2000, de ce qm se trouvait dans une zone
gnse depms 1992, de ce qu1 aurait pu ams1 paraître mcertam en
1996 l'ancienne République soc1ahste de Yougoslavie avait cesséd'exis­

ter, l'admmistratlOn de M Milosev1én'avait pas assuréla contmmté de
l'Etat désmtégréL'affirmatiOn de la compétence de la Cour à l'encontre
du défendeurpar l'arrêtdu Il JUillet 1996, qm est le résultat d'une appré­
hensiOn mexacte de la situatiOn de fait, ménteraltà présent de fa1re
l'objet d'une reviSion
6 Autrement, J'aurais proposé le reJet m lzmme de la demande en revi­

SIOn,ma1s pour une ra1son dmmétralement opposée à celles de la maJo­
nté la République fédéralede Yougoslav1e, un des Membres les plus
récents de l'Orgamsat10n des Nat10ns Umes, ne se confond pas avec
l'entitévue par la Cour comme défenderessedans l'arrêtdu Il JUillet1996
De ce chef, la nouvelle Yougoslavie n'est pas fondéà demander la revi­
sion Elle n'est pas partie au différend porté devant la Cour par la
Bosme-Herzégovme A la Cour de d1re, le moment venu, SIce différend

subsiste en l'absence de défendeur

(S1gné) Francisco REZEK

49 APPLICATIOFN ORREVISION (DECLREZEK) 52

benefit of th1snght would not have been demed to the other States result­

mg from the dlSlntegratwn of the former Yugoslavm and 1t cannat be
otherw1se for the State seekmg revision

5 The Court could have cons1dered as a new fact the clanficatwn pro­
vided by the Umted NatiOns m November 2000 of a questiOn wh1ch had

lam m a grey area smce 1992, of a SituatiOn wh1ch could thus have
appeared uncertam m 1996 the former Socmhst Repubhc of Yugoslavm
had ceased to ex1st, Mr Mdosev1é'sadmm1strat10n d1d not contmue the
State wh1ch had broken up The Court's assertiOn m the Judgment of
Il July 1996 of JUnsdictwn over the Respondent, resultmg from a mis­
readmg of the factual situatiOn, should now be subject to revlSlon

6 Otherw1se, 1would have proposed denymg m ltmme the Apphcatwn
for rev1s1onbut for a reason d1ametncally opposed to those rehed upon
by the maJonty the Federal Repubhc of Yugoslav1a, one of the newest
Members of the Umted NatiOns, 1snot the entlty cons1dered by the Court

to be the Respondent m the Judgment of Il July 1996 Accordmgly, the
new Yugoslavm does not have standmg to seek rev1s10n It 1snot a party
to the dispute subm1tted to the Court by Bosma and Herzegovma It wdl
be for the Court to dec1deat the appropnate tlme whether that dispute 1s
extant m the absence of the Respondent

(Szgned) Francisco REZEK

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Déclaration de M. le juge Rezek

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