Opinion individuelle de M. le juge ad hoc Vukas

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549

OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE AD HOC VUKAS

[Traduction]

Capacité du défendeur — Application de la convention sur le génocide —
Compétence ratione temporis de la Cour — Existence de la Serbie en
tant qu’Etat — Nature des actes de génocide — Ressortissants croates
disparus.

Même si je souscris pleinement aux conclusions énoncées par la Cour
dans le dispositif de l’arrêt (par. 146), je voudrais préciser le raisonne-
ment qui m’a moi-même conduit à ces conclusions.

1. C APACITÉ DE LA R ÉPUBLIQUE DE SERBIE DE PARTICIPER À L’INSTANCE
INTRODUITE PAR LA REQUÊTE DE LA R ÉPUBLIQUE DE C ROATIE

1. En ce qui concerne l’exception préliminaire de la République de Ser-
bie portant sur sa capacité de participer à l’instance introduite par la
requête de la République de Croatie, je ne m’engagerai pas dans l’examen
des différents arguments avancés par le demandeur ou le défendeur. Je ne

tiendrai pas non plus compte des diverses opinions que la République de
Croatie et la République fédérale de Yougoslavie (RFY), pour des motifs
politiques, exprimèrent au cours des dix années qui suivirent la dissolu-
tion de la République fédérative socialiste de Yougoslavie (RFSY) au

sujet de leur personnalité juridique et de leur qualité de Membres de
l’Organisation des Nations Unies. Enfin, je m’efforcerai de ne pas revenir
sur les diverses réflexions auxquelles s’est livrée la Cour internationale de
Justice (CIJ) dans certaines des précédentes affaires qu’elle a jugées.
2. Pour conclure que le défendeur avait la capacité de participer à la

procédure (sur la base du paragraphe 1 de l’article 35 du Statut de la
Cour et du paragraphe 1 de l’article 93 de la Charte des Nations Unies),
je me fonde sur la date à laquelle la République de Croatie a soumis sa
requête (le 2 juillet 1999), sur des documents officiels des Nations Unies,

ainsi que sur les opinions des organes compétents de l’organisation
mondiale.

a) La résolution 777 du Conseil de sécurité du 19 septembre 1992 et la
résolution 47/1 de l’Assemblée générale du 22 septembre 1992 eurent
pour conséquence pratique que la République fédérale de Yougosla-
vie (Serbie et Monténégro) ne fut pas autorisée à prendre part aux
travaux de l’Assemblée générale. Cet Etat n’ayant pas été exclu des

activités auxquelles participent tous les Membres de l’Organisation
au sein de ses autres organes, la Cour a parlé de «la situation sui
generis dans laquelle se trouvait la RFY vis-à-vis de l’Organisation

141 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. VUKAS ) 550

des Nations Unies pendant la période 1992-2000, [ou de] sa situation

à l’égard du Statut de la Cour...» (Demande en revision de l’arrêt du
11 juillet 1996 en l’affaire relative à l’ Application de la convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-
Herzégovine c. Yougoslavie), exceptions préliminaires (Yougoslavie

c. Bosnie-Herzégovine), arrêt, C.I.J. Recueil 2003 , p. 31, par. 71).

b) La situation de la RFY à l’égard du Statut de la CIJ, à la date à
laquelle la Croatie a déposé sa requête en l’espèce, ressort de

l’Annuaire de la Cour. La liste des Etats Membres des Nations Unies
(admis à ester devant la Cour en leur qualité de membres de l’Orga-
nisation) incluait en effet la «Yougoslavie» (C.I.J. Annuaire 1998-
1999,n o53, p. 74). Ce volume des Annuaires couvre la période allant
er
du 1 août 1998 au 31 juillet 1999. La RFSY — dissoute en 1991-
1992 — n’existant plus à cette époque, le seul Etat que la Cour pou-
vait viser sous le nom de «Yougoslavie» était la RFY. Par consé-
quent, selon l’Annuaire de la CIJ, la République de Croatie — éga-

lement Membre des Nations Unies à cette époque (depuis le 22 mai
1992) — était en droit d’introduire une instance contre la RFY le
2 juillet 1999.

3. Enfin, dans un document officiel publié par le service d’information
des Nations Unies le 1 juin 1993, la «Yougoslavie» figure sur la liste des
o
«Etats Membres des Nations Unies» (note n 27/Rev.1).

2. C OMPÉTENCE RATIONE MATERIAE

a) Les deux Parties en l’espèce, le demandeur et le défendeur, étaient

parties à la convention sur le génocide, sans aucune réserve, le 2 juillet
1999 — date à laquelle le Gouvernement de la République de Croatie
introduisit contre la République fédérale de Yougoslavie une instance
portant sur un différend relatif à des violations alléguées de la conven-

tion pour la prévention et la répression du crime de génocide (ci-
après, la «convention sur le génocide»).
b) La RFSY était partie à la convention sur le génocide depuis son en-
trée en vigueur, le 12 janvier 1951, car elle l’avait signée le 11 décembre

1948 et avait déposé son instrument de ratification le 29 août 1950
(Droits de l’homme, statut des instruments internationaux, Nations
Unies, doc. ST/HR/8, 1987, p. 178).

4. A la suite de la désintégration de la RFSY, la République de Croa-
tie devint un Etat indépendant le 8 octobre 1991. Bien que souhaitant de
manière générale conserver les droits et obligations internationales de
l’ancienne Fédération et assumer la responsabilité des relations interna-

tionales relativement au territoire croate, elle préféra considérer indivi-
duellement les différents traités conclus par la RFSY pour décider d’y

142 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. VUKAS ) 551

succéder ou non. En conséquence, elle notifia le 12 octobre 1992 au
Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (dépositaire de la
convention sur le génocide) sa décision de succéder à la convention sur le

génocide ratifiée (sans aucune réserve) par la RFSY. Toutefois, elle pré-
cisait dans sa notification au Secrétaire général (http://treaties.un.org/
pages/showActionDetails.aspx?objid=0800000280028171)que,conformé-
ment à la pratique internationale, la succession de la Croatie devait
rétroagir au 8 octobre 1991 — date à laquelle elle avait accédé à l’indé-

pendance et assumé la responsabilité de ses relations internationales. La
succession de la République de Croatie à l’égard de la convention sur le
génocide n’a en aucune manière été contestée ni restreinte depuis cette
notification.

c) Au cours du processus de dissolution de la RFSY, deux républiques,
membres de l’ancienne fédération — le Monténégro et la Serbie —,
s’unirent pour former la République fédérale de Yougoslavie le

27 avril 1992 et demandèrent à être considérées comme assurant la
continuité «de l’Etat et de la personnalité juridique et politique inter-
nationale de la République fédérative socialiste de Yougoslavie»
(Nations Unies, doc. A/46/915, annexe II, 1 repartie). Le contenu de

cette déclaration de l’organe compétent de la RFY (l’Assemblée
nationale de la République de Serbie et l’Assemblée de la République
du Monténégro) fut officiellement consigné dans la note du 27 avril
1992 adressée au Secrétaire général de l’Organisation des Nations
Unies (dépositaire de la convention sur le génocide) par la mission

permanente de la Yougoslavie:

«Dans le strict respect de la continuité de la personnalité interna-
tionale de la Yougoslavie, la République fédérale de Yougoslavie
continuera à exercer tous les droits conférés à la République fédéra-
tive socialiste de Yougoslavie et à s’acquitter de toutes les obliga-

tions assumées par cette dernière dans les relations internationales, y
compris en ce qui concerne son appartenance à toutes les organisa-
tions internationales et sa participation à tous les traités internatio-
naux que la Yougoslavie a ratifiés ou auxquels elle a adhéré.»
(Nations Unies, doc. A/46/915, annexe I.)

5. La déclaration et la note susmentionnées confirment donc que la
RFY est devenue partie à la convention sur le génocide en qualité de suc-
cesseur de la RFSY. Elle l’est devenue sans réserve, exactement comme la
RFSY avant elle, et tel était son statut à l’égard de la convention le
2 juillet 1999, date à laquelle la Croatie déposa sa requête.

6. Tous les actes qu’effectua ensuite la RFY, en 2001, en relation avec
la convention sur le génocide (le rejet des effets de la déclaration de 1992,
la nouvelle notification d’adhésion, et aussi la réserve à l’article IX
de la Convention) ne peuvent avoir le moindre effet en ce qui concerne
la compétence ratione materiae de la Cour en l’espèce à l’égard de

la RFY.

143 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. VUKAS ) 552

3. E XCEPTION PRÉLIMINAIRE À LA COMPÉTENCE DE LA COUR
ET À LA RECEVABILITÉ RATIONE TEMPORIS

a) La première raison qu’avance la Serbie concernant les limites de la
compétence ratione temporis de la Cour repose sur l’application de

la convention sur le génocide entre la RFY et la Croatie. Selon le
conseil de la Serbie, on ne saurait considérer la convention sur
le génocide comme entrée en vigueur entre la RFY et la Croatie avant
le 27 avril 1992 (CR 2008/9, p. 13 (Zimmermann)).

7. Cependant, l’application au défendeur de la convention sur le géno-
cide avant le 27 avril 1992 n’est pas régie par la déclaration de succession

de la RFY s’agissant de la Convention ratifiée par la RFSY, ni par la
notification de succession de la République de Croatie, ni par la relation
entre ces deux Etats nouvellement parties à la convention sur le génocide.

8. La Convention était applicable à la Croatie ainsi qu’au Monténégro

et à la Serbie bien avant le 27 avril 1992, puisque ses dispositions avaient
été incorporées dans le droit interne yougoslave dès 1951. Le para-
graphe 2 de l’article 210 de la Constitution de la RFSY de 1974
disposait que: «[l]es traités internationaux qui ont été promulgués

doivent être appliqués directement par les tribunaux» («La Constitution
de la République fédérative socialiste de Yougoslavie», Jugoslovenski
pregled, Belgrade, 1989, p. 107 [traduction du Greffe]). Par consé-
quent, toutes les personnes physiques et morales, et tous les organes
de l’Etat et des unités fédérées de Yougoslavie (Bosnie-Herzégovine,

Croatie, Macédoine, Monténégro, Serbie et Slovénie) avaient l’obliga-
tion de respecter la Convention.
9. Depuis la dissolution de la République fédérale de Yougoslavie en
2006, il est encore plus clair que le défendeur et la République socialiste

de Serbie au sein de la République fédérative socialiste de Yougoslavie
sont en fait un seul et même sujet. Compte tenu de la dissolution de la
RFY, la Croatie confirma que l’instance qu’elle avait introduite le 2 juillet
1999 «se poursui[vai]t à l’encontre de la République de Serbie en tant que
Partie défenderesse». Toutefois, l’agent de la Croatie indiquait que cette

conclusion s’entendait «sans préjudice de l’éventuelle responsabilité de la
République du Monténégro et de la possibilité que soit introduite une
instance distincte contre celle-ci» (lettre de l’agent de la Croatie en date
du 15 mai 2008; arrêt, par. 30).

b) La seconde raison qu’invoque la Serbie pour contester la compétence
de la Cour et la recevabilité ratione temporis est que, selon elle, «la

convention sur le génocide, y compris la clause juridictionnelle conte-
nue à l’article IX, ne saurait s’appliquer aux actes intervenus avant
que celle-ci n’ait commencé à exister en tant qu’Etat» et ne pouvait
donc pas la lier avant le 27 avril 1992 (CR 2008/9, p. 13-14 (Zimmer-
mann)).

144 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. VUKAS ) 553

10. J’ai deux remarques à faire sur cette objection de la Serbie. La pre-
mière concerne la date à laquelle celle-ci a commencé à exister en tant
qu’Etat, et la seconde porte sur la nature des actes pertinents et la date à

laquelle ils se sont produits.
b) i) Le 27 avril 1992 n’est pas la date à laquelle «la Serbie a commencé

à exister en tant qu’Etat». C’est la date à laquelle deux anciennes
républiques yougoslaves — le Monténégro et la Serbie — ont offi-
ciellement constitué l’Etat appelé «République fédérale de You-
goslavie». Mais la Serbie était un Etat bien avant cette date.

11. Comme je l’ai déjà dit, la Serbie était l’une des républiques you-
goslaves. Bien que qualifiées d’«Etats» dans la Constitution fédérale de
la RFSY (art. 3), les six républiques étaient des unités fédérales compo-

sant la Fédération yougoslave. La situation changea toutefois dans les
années quatre-vingt-dix. Comme il est indiqué au paragraphe 43 du pré-
sent arrêt, «[a]u début des années quatre-vingt-dix, la RFSY ... com-
mença à se désintégrer». Cette désintégration était le résultat non seule-

ment de divergences dans la manière d’envisager l’avenir de la Yougo-
slavie, mais surtout de l’usage de la force à l’encontre de deux de ses
unités constituantes — la Slovénie et la Croatie. En conséquence, la
Croatie et la Slovénie déclarèrent leur indépendance le 25 juin 1991, sui-
vies par la Macédoine le 17 septembre 1991 et la Bosnie-Herzégovine le

19 octobre 1991. Compte tenu de ces événements, la commission d’arbi-
trage — organe spécialisé créé dans le cadre de la Conférence sur la Yougo-
slavie (convoquée par la Communauté européenne) — conclut, le
29 novembre 1991, que «la République fédérative socialiste de Yougo-
slavie [était] en train de se dissoudre» (avis n 1, adopté le 29 novembre

1991 et rendu public le 7 décembre 1991; International Legal Materials ,
vol. 31, 1992, p. 1497 [traduction du Greffe]).
12. La commission d’arbitrage concluait que la RFSY était «en train
de se dissoudre» parce qu’elle estimait que «les organes essentiels de la
Fédération ... ne remplissaient plus les critères de participation et de

représentativité inhérents à un Etat fédéral» et constatait que «le recours
à la force avait conduit au conflit armé entre les différents éléments de la
Fédération, causant la mort de milliers de personnes...» (ibid., p. 1496-
1497 [traduction du Greffe]).

13. Prenant acte de la décision prise par quatre anciennes républiques
yougoslaves de proclamer et de défendre leur indépendance, la Commu-
nauté européenne décida de jouer un rôle actif dans la reconnaissance de
nouveaux Etats sur le territoire de la RFSY en dissolution. Le 16 dé-
cembre 1991, le conseil des Communautés européennes adopta deux

instruments contenant des directives ou conditions applicables à la
reconnaissance de nouveaux Etats en Europe de l’Est: la déclaration
sur «les lignes directrices sur la reconnaissance de nouveaux Etats en
Europe orientale et en Union soviétique», et la déclaration sur la
Yougoslavie (ibid., p. 1485-1487 [traduction du Greffe]). Quatre des

anciennes républiques de la RFSY demandèrent aux Etats membres

145 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. VUKAS ) 554

de la Communauté européenne de les reconnaître en tant qu’Etats indé-
pendants. La Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Macédoine et la Slovénie
furent jugées réunir les conditions de reconnaissance de nouveaux Etats

énoncées dans les deux instruments susmentionnés. En conséquence, ces
anciennes républiques yougoslaves furent reconnues en tant qu’Etats
indépendants par les Etats européens à la mi-janvier 1992, puis par des
Etats de toutes les autres régions.
14. A l’égard de la Bosnie-Herzégovine toutefois, la commission jugea

qu’il y avait lieu de clarifier, éventuellement par un référendum, la
volonté des peuples de cette république de se constituer en un Etat sou-
verain et indépendant. Le référendum proposé eut lieu les 29 février et
1er mars 1992 et il contribua au déclenchement de la guerre en Bosnie-
Herzégovine.

15. Deux républiques de l’ancienne RFSY — le Monténégro et la Ser-
bie — ne mirent pas en Œuvre la procédure établie par la Communauté
européenne pour se faire reconnaître en tant qu’Etats indépendants. Leur
vŒu était d’être considérées comme assurant la continuité «de l’Etat et de

la personnalité juridique et politique internationale de la République
fédérative socialiste de Yougoslavie» (Nations Unies, doc. A/46/915,
annexe II).
16. Cette décision politique de la Serbie de ne pas se proclamer indé-
pendante et de ne pas demander sa reconnaissance par la Communauté

européenne ne signifie pas, cependant, qu’elle n’ait pas possédé pendant
ce temps les caractéristiques d’un Etat souverain. Je ne vais pas analyser
ici l’étendue du contrôle qu’exerçait le Gouvernement serbe (dirigé par
M. Slobodan Miloševic ´) sur les organes qui subsistaient de la RFSY et
sur son armée, mais il est hors de doute qu’aucun pouvoir ne limitait

l’exercice par la Serbie d’une autorité souveraine sur sa population et son
territoire. La Serbie était donc un Etat, mais qui ne chercha pas à être
reconnu comme tel par la communauté internationale pour des raisons
politiques: comme je l’ai dit, elle voulait être considérée comme assurant
la continuité «de la personnalité juridique et politique internationale de

la République fédérative socialiste de Yougoslavie». La Serbie fut aidée
dans cette entreprise par le Monténégro, et ces deux anciennes républi-
ques yougoslaves se constituèrent, le 27 avril 1992, en République fédé-
rale de Yougoslavie (voir arrêt, par. 99).

17. Quoi qu’il en soit, il convient de souligner que, même pendant la
période précédant la création de la RFY, la Serbie avait l’obligation de
prévenir et de réprimer le crime de génocide, puisque à cette époque les
dispositions de la convention sur le génocide faisaient partie, depuis de
longues années déjà, du droit international général coutumier de carac-

tère impératif (jus cogens).
b) ii) L’argument principal de la Serbie concernant le défaut de compé-

tence ratione temporis de la Cour est que les actes ou omissions
antérieurs à la naissance de la RFY (le 27 avril 1992) ne sauraient
être attribués à celle-ci [exceptions préliminaires de la République

146 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. VUKAS ) 555

fédérale de Yougoslavie, par. 4.1]. Outre les faits exposés ci-dessus

concernant l’existence du défendeur (la Serbie) avant le 27 avril
1992, l’élément principal qui s’oppose à cette affirmation tient à la
nature de certains des «actes et omissions» qualifiés de génocide
dans la Convention. En effet, seuls quelques-uns d’entre eux ont

un caractère instantané, la plupart étant le résultat d’une activité
criminelle de longue durée. Par exemple, selon l’alinéa c) de l’ar-
ticle II de la Convention, le génocide est défini comme la «[s]oumis-
sion intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant

entraîner sa destruction physique totale ou partielle». Les actes
qui doivent être examinés en l’espèce datent dans leur majorité de
1991. Mais les souffrances de milliers de personnes et les dispari-
tions dans divers centres de détention se poursuivirent pendant

des années. La naissance de la RFY, le 27 avril 1992, ne marqua ni
le début ni la fin de nombreux actes de génocide.

c) Ayant examiné les diverses raisons avancées par la Serbie à l’appui de
son exception préliminaire à la compétence de la Cour et à la receva-

bilité rationae temporis, je ne peux que répéter ce qu’a dit la Cour, à
savoir que «la convention sur le génocide ne contient aucune dispo-
sition expresse limitant sa compétence ratione temporis » (arrêt,
par. 123).

4. E XCEPTION PRÉLIMINAIRE À LA RECEVABILITÉ DE PRÉTENTIONS
CONCERNANT LA TRADUCTION DE CERTAINES PERSONNES EN JUSTICE ,

LA COMMUNICATION DE RENSEIGNEMENTS SUR LES CITOYENS CROATES
DISPARUS ET LA RESTITUTION DE BIENS CULTURELS

18. Tout en partageant les conclusions de la Cour rejetant cette excep-

tion préliminaire, je voudrais souligner l’importance majeure de l’une des
demandes de la Croatie, celle qui concerne la communication de rensei-
gnements sur les citoyens croates disparus. En effet, malgré la coopéra-
tion qui existe entre la Serbie et la Croatie concernant la localisation et

l’identification des personnes disparues, une demande de la Cour enjoi-
gnant à la Serbie de fournir toutes les informations à cet égard qui sont
de son ressort aurait un grand prix pour les citoyens croates disparus et
leurs familles.

(Signé) Budislav V UKAS .

147

Bilingual Content

549

SEPARATE OPINION OF JUDGE AD HOC VUKAS

Capacity of the Respondent — Application of the Genocide Convention —
Jurisdiction of the Court ratione temporis — Existence of Serbia as a State —
Nature of the acts of genocide —Missing Croatian citizens.

While fully subscribing to the Court’s conclusions in the operative
clause (Judgment, para. 146), I would like to make clear my own reason-
ing that led me to those conclusions.

1. THE CAPACITY OF THE REPUBLIC OF SERBIA TOPARTICIPATE IN THE

PROCEEDINGS INSTITUTED BY THA PPLICATION OF THR EPUBLIC OFCROATIA

1. In respect of the preliminary objection submitted by the Republic of
Serbia concerning its capacity to participate in the proceedings instituted

by the Application of the Republic of Croatia, I will not engage in a dis-
cussion of the various arguments advanced by either the Applicant or the
Respondent. Nor will I take into account the various opinions concern-
ing their legal personality and membership in the United Nations

expressed by the Republic of Croatia and the Federal Republic of Yugo-
slavia (FRY) for political considerations in the first decade following the
dissolution of the Socialist Federal Republic of Yugoslavia (SFRY).
Finally, I will try to avoid an analysis of the various considerations made

by the International Court of Justice (ICJ) in some of the previous cases
heard by the Court.
2. I base my conclusion that the Respondent possessed the capacity to
participate in the proceedings (on the basis of Article 35, paragraph 1, of

the Statute of the Court, and Article 93, paragraph 1, of the Charter of
the United Nations) on the date of the submission of the Application by
the Republic of Croatia (2 July 1999) on official documents of the United
Nations and the opinions of the competent organs of the world body.

(a) The practical consequence of Security Council resolution 777 of
19 September 1992 and General Assembly resolution 47/1 of 22 Sep-

tember 1992 was that the Federal Republic of Yugoslavia (Serbia
and Montenegro) was not allowed to participate in the work of the
General Assembly. As the State was not excluded from the activities
which all the Members of the United Nations have, in the other

organs of the Organization, the Court spoke of the “sui generis posi-
tion which the FRY found itself in vis-à-vis the United Nations over

141 549

OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE AD HOC VUKAS

[Traduction]

Capacité du défendeur — Application de la convention sur le génocide —
Compétence ratione temporis de la Cour — Existence de la Serbie en
tant qu’Etat — Nature des actes de génocide — Ressortissants croates
disparus.

Même si je souscris pleinement aux conclusions énoncées par la Cour
dans le dispositif de l’arrêt (par. 146), je voudrais préciser le raisonne-
ment qui m’a moi-même conduit à ces conclusions.

1. C APACITÉ DE LA R ÉPUBLIQUE DE SERBIE DE PARTICIPER À L’INSTANCE
INTRODUITE PAR LA REQUÊTE DE LA R ÉPUBLIQUE DE C ROATIE

1. En ce qui concerne l’exception préliminaire de la République de Ser-
bie portant sur sa capacité de participer à l’instance introduite par la
requête de la République de Croatie, je ne m’engagerai pas dans l’examen
des différents arguments avancés par le demandeur ou le défendeur. Je ne

tiendrai pas non plus compte des diverses opinions que la République de
Croatie et la République fédérale de Yougoslavie (RFY), pour des motifs
politiques, exprimèrent au cours des dix années qui suivirent la dissolu-
tion de la République fédérative socialiste de Yougoslavie (RFSY) au

sujet de leur personnalité juridique et de leur qualité de Membres de
l’Organisation des Nations Unies. Enfin, je m’efforcerai de ne pas revenir
sur les diverses réflexions auxquelles s’est livrée la Cour internationale de
Justice (CIJ) dans certaines des précédentes affaires qu’elle a jugées.
2. Pour conclure que le défendeur avait la capacité de participer à la

procédure (sur la base du paragraphe 1 de l’article 35 du Statut de la
Cour et du paragraphe 1 de l’article 93 de la Charte des Nations Unies),
je me fonde sur la date à laquelle la République de Croatie a soumis sa
requête (le 2 juillet 1999), sur des documents officiels des Nations Unies,

ainsi que sur les opinions des organes compétents de l’organisation
mondiale.

a) La résolution 777 du Conseil de sécurité du 19 septembre 1992 et la
résolution 47/1 de l’Assemblée générale du 22 septembre 1992 eurent
pour conséquence pratique que la République fédérale de Yougosla-
vie (Serbie et Monténégro) ne fut pas autorisée à prendre part aux
travaux de l’Assemblée générale. Cet Etat n’ayant pas été exclu des

activités auxquelles participent tous les Membres de l’Organisation
au sein de ses autres organes, la Cour a parlé de «la situation sui
generis dans laquelle se trouvait la RFY vis-à-vis de l’Organisation

141550 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP. OP.VUKAS )

the period from 1992 to 2000, or its position in relation to the Stat-
ute of the Court . . .” (Application for Revision of the Judgment of

11 July 1996 in the Case concerning Application of the Convention
on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bos-
nia and Herzegovina v. Yugoslavia), Preliminary Objections (Yugo-
slavia v. Bosnia and Herzegovina), Judgment, I.C.J. Reports 2003 ,
p. 31, para. 71).

(b) The position of the FRY in relation to the Statute of the ICJ, at the
time of the filing of Croatia’s Application in the present case is indi-
cated in the Yearbook of the Court. That is in the list of States
Members of the United Nations (entitled to appear before the Court

on the basis of their membership in the Organization), which
included “Yugoslavia” (I.C.J. Yearbook 1998-1999 , No. 53, p. 73).
This volume of the Yearbook covers the period from 1 August 1998
to 31 July 1999. As in this period the SFRY no longer existed, fol-
lowing its dissolution in the years 1991 to 1992, the only State which

the International Court of Justice could have meant under the name
“Yugoslavia” was the FRY. Therefore, according to the I.C.J.
Yearbook, the Republic of Croatia — also a Member of the United
Nations at that point (from 22 May 1992) — was entitled to insti-

tute proceedings against the FRY on 2 July 1999.
3. Finally, if we consult an official document of the United Nations,
published by the United Nations Information Service on 1 June 1993, we

find “Yugoslavia” in the list of “United Nations Member States” (Note
No. 27/Rev.1).

2. JURISDICTION R ATIONAE M ATERIAE

(a) Both Parties in this case, the Applicant and the Respondent, were

parties to the Genocide Convention, without any reservation to its
provisions, on 2 July 1999 — the date when the Government of the
Republic of Croatia filed the Application against the Federal Repub-
lic of Yugoslavia in respect of a dispute concerning alleged viola-
tions of the Convention on the Prevention and Punishment of the

Crime of Genocide (hereinafter: “the Genocide Convention”).
(b) The SFRY was a party to the Genocide Convention from its entry
into force on 12 January 1951, as it signed the Convention on
11 December 1948, and deposited its instrument of ratification on

29 August 1950 (Human Rights, Status of International Instru-
ments, United Nations doc. ST/HR/8, 1987, p. 178).
4. As a result of the process of disintegration of the SFRY, the Repub-

lic of Croatia became an independent State on 8 October 1991. Although
generally willing to maintain the international obligations and rights of
the former Federation, and to assume responsibility for international
relations with respect to the territory of Croatia, it decided to take indi-
vidual decisions on its succession in respect of each particular treaty con-

142 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. VUKAS ) 550

des Nations Unies pendant la période 1992-2000, [ou de] sa situation

à l’égard du Statut de la Cour...» (Demande en revision de l’arrêt du
11 juillet 1996 en l’affaire relative à l’ Application de la convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-
Herzégovine c. Yougoslavie), exceptions préliminaires (Yougoslavie

c. Bosnie-Herzégovine), arrêt, C.I.J. Recueil 2003 , p. 31, par. 71).

b) La situation de la RFY à l’égard du Statut de la CIJ, à la date à
laquelle la Croatie a déposé sa requête en l’espèce, ressort de

l’Annuaire de la Cour. La liste des Etats Membres des Nations Unies
(admis à ester devant la Cour en leur qualité de membres de l’Orga-
nisation) incluait en effet la «Yougoslavie» (C.I.J. Annuaire 1998-
1999,n o53, p. 74). Ce volume des Annuaires couvre la période allant
er
du 1 août 1998 au 31 juillet 1999. La RFSY — dissoute en 1991-
1992 — n’existant plus à cette époque, le seul Etat que la Cour pou-
vait viser sous le nom de «Yougoslavie» était la RFY. Par consé-
quent, selon l’Annuaire de la CIJ, la République de Croatie — éga-

lement Membre des Nations Unies à cette époque (depuis le 22 mai
1992) — était en droit d’introduire une instance contre la RFY le
2 juillet 1999.

3. Enfin, dans un document officiel publié par le service d’information
des Nations Unies le 1 juin 1993, la «Yougoslavie» figure sur la liste des
o
«Etats Membres des Nations Unies» (note n 27/Rev.1).

2. C OMPÉTENCE RATIONE MATERIAE

a) Les deux Parties en l’espèce, le demandeur et le défendeur, étaient

parties à la convention sur le génocide, sans aucune réserve, le 2 juillet
1999 — date à laquelle le Gouvernement de la République de Croatie
introduisit contre la République fédérale de Yougoslavie une instance
portant sur un différend relatif à des violations alléguées de la conven-

tion pour la prévention et la répression du crime de génocide (ci-
après, la «convention sur le génocide»).
b) La RFSY était partie à la convention sur le génocide depuis son en-
trée en vigueur, le 12 janvier 1951, car elle l’avait signée le 11 décembre

1948 et avait déposé son instrument de ratification le 29 août 1950
(Droits de l’homme, statut des instruments internationaux, Nations
Unies, doc. ST/HR/8, 1987, p. 178).

4. A la suite de la désintégration de la RFSY, la République de Croa-
tie devint un Etat indépendant le 8 octobre 1991. Bien que souhaitant de
manière générale conserver les droits et obligations internationales de
l’ancienne Fédération et assumer la responsabilité des relations interna-

tionales relativement au territoire croate, elle préféra considérer indivi-
duellement les différents traités conclus par la RFSY pour décider d’y

142551 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP.OP .VUKAS )

cluded by the SFRY. In view of this, on 12 October 1992 Croatia notified
the Secretary-General of the United Nations (depositary of the Genocide
Convention) of its decision to act as a successor concerning the ratifica-

tion of the SFRY (without any reservation) in respect of the Genocide
Convention. However, in the notification to the Secretary-General, it was
stated that, in conformity with international practice, Croatia’s succession
should take effect from 8 October 1991 — the date of its independence
when it assumed responsibility for its international relations (http://

treaties.un.org/pages/showActionDetails.aspx?objid=0800000280028171).
The succession of the Republic of Croatia in respect of the Genocide Con-
vention has in no way been contested or limited since the notification of
its succession.

(c) In the course of the dissolution of the SFRY, two Republics, which
had been members of the former Federation — Montenegro and
Serbia — united in the Federal Republic of Yugoslavia on 27 April

1992 and wanted to be considered as continuing “the State, interna-
tional legal and political personality of the Socialist Federal Repub-
lic of Yugoslavia” (United Nations, doc. A/46/915, Ann. II, para. 1).
The contents of this declaration by the competent body of the FRY

(the National Assembly of the Republic of Serbia and the Assembly
of the Republic of Montenegro) were officially stated in the Note of
27 April 1992 from the Permanent Mission of Yugoslavia to the Sec-
retary-General of the United Nations (depositary of the Genocide
Convention):

“Strictly respecting the continuity of the international personality
of Yugoslavia, the Federal Republic of Yugoslavia shall continue to
fulfil all the rights conferred to, and obligations assumed by, the
Socialist Federal Republic of Yugoslavia in international relations,

including its membership in all international organizations and par-
ticipation in international treaties ratified or acceded to by Yugosla-
via.” (United Nations doc. A/46/915, Ann. I.)

5. The above-mentioned declaration and Note thus confirm that the
FRY became a party to the Genocide Convention as a successor of the
SFRY. It became a party without any reservation, just like the SFRY,
and that was its status in respect of the Convention on 2 July 1999, the
date when Croatia filed its Application instituting proceedings.

6. All the subsequent acts of the FRY in respect of the Genocide
Convention in 2001 (rejection of the effects of the 1992 declaration, new
notification of accession, including the reservation in respect of
Article IX of the Convention) cannot have any effect in respect of
the jurisdiction ratione materiae of the Court in relation to the FRY in

the present case.

143 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. VUKAS ) 551

succéder ou non. En conséquence, elle notifia le 12 octobre 1992 au
Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (dépositaire de la
convention sur le génocide) sa décision de succéder à la convention sur le

génocide ratifiée (sans aucune réserve) par la RFSY. Toutefois, elle pré-
cisait dans sa notification au Secrétaire général (http://treaties.un.org/
pages/showActionDetails.aspx?objid=0800000280028171)que,conformé-
ment à la pratique internationale, la succession de la Croatie devait
rétroagir au 8 octobre 1991 — date à laquelle elle avait accédé à l’indé-

pendance et assumé la responsabilité de ses relations internationales. La
succession de la République de Croatie à l’égard de la convention sur le
génocide n’a en aucune manière été contestée ni restreinte depuis cette
notification.

c) Au cours du processus de dissolution de la RFSY, deux républiques,
membres de l’ancienne fédération — le Monténégro et la Serbie —,
s’unirent pour former la République fédérale de Yougoslavie le

27 avril 1992 et demandèrent à être considérées comme assurant la
continuité «de l’Etat et de la personnalité juridique et politique inter-
nationale de la République fédérative socialiste de Yougoslavie»
(Nations Unies, doc. A/46/915, annexe II, 1 repartie). Le contenu de

cette déclaration de l’organe compétent de la RFY (l’Assemblée
nationale de la République de Serbie et l’Assemblée de la République
du Monténégro) fut officiellement consigné dans la note du 27 avril
1992 adressée au Secrétaire général de l’Organisation des Nations
Unies (dépositaire de la convention sur le génocide) par la mission

permanente de la Yougoslavie:

«Dans le strict respect de la continuité de la personnalité interna-
tionale de la Yougoslavie, la République fédérale de Yougoslavie
continuera à exercer tous les droits conférés à la République fédéra-
tive socialiste de Yougoslavie et à s’acquitter de toutes les obliga-

tions assumées par cette dernière dans les relations internationales, y
compris en ce qui concerne son appartenance à toutes les organisa-
tions internationales et sa participation à tous les traités internatio-
naux que la Yougoslavie a ratifiés ou auxquels elle a adhéré.»
(Nations Unies, doc. A/46/915, annexe I.)

5. La déclaration et la note susmentionnées confirment donc que la
RFY est devenue partie à la convention sur le génocide en qualité de suc-
cesseur de la RFSY. Elle l’est devenue sans réserve, exactement comme la
RFSY avant elle, et tel était son statut à l’égard de la convention le
2 juillet 1999, date à laquelle la Croatie déposa sa requête.

6. Tous les actes qu’effectua ensuite la RFY, en 2001, en relation avec
la convention sur le génocide (le rejet des effets de la déclaration de 1992,
la nouvelle notification d’adhésion, et aussi la réserve à l’article IX
de la Convention) ne peuvent avoir le moindre effet en ce qui concerne
la compétence ratione materiae de la Cour en l’espèce à l’égard de

la RFY.

143552 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP.OP. VUKAS )

3. PRELIMINARY O BJECTION TO THE JURISDICTION OF THE C OURT AND TO

A DMISSIBILITYR ATIONE TEMPORIS

(a) The first reason advanced by Serbia concerning the limitation of the

jurisdiction of the Court ratione temporis is based on application of
the Genocide Convention between the FRY and Croatia. According
to counsel for Serbia, the earliest possible point in time at which the
Convention could be found to have entered into force between the

FRY and Croatia was 27 April 1992 [CR 2008/9, p. 13 (Zimmer-
mann)].

7. However, application of the Genocide Convention to the Respond-
ent before 27 April 1992 is not governed by the declaration of the FRY
of its succession in respect of the ratification of the Convention by the
SFRY on the one hand, and the notification of succession by the Repub-

lic of Croatia on the other, and the relation between these rather new
parties to the Genocide Convention.
8. The Convention had to be applied by Croatia, as well as by Mon-
tenegro and Serbia, long before 27 April 1992, as its contents became a

part of Yugoslav municipal law back in 1951. Article 210, paragraph 2,
of the 1974 Constitution of the SFRY provided that “[i]nternational trea-
ties which have been promulgated shall be directly applied by the courts
of law” (The Constitution of the Socialist Federal Republic of Yugoslavia,

Jugoslovenski pregled, Belgrade, 1989, p. 107). Therefore, violation of the
Convention by all natural and legal persons in Yugoslavia, all organs of
the State and federal units of Yugoslavia (Bosnia and Herzegovina,
Croatia, Macedonia, Montenegro, Serbia and Slovenia) was prohibited.

9. Since the dissolution of the Federal Republic of Yugoslavia in 2006,
it has become even clearer that the Respondent is in fact the same subject

as the Socialist Republic of Serbia in the SFR of Yugoslavia. Given the
circumstances of the dissolution of the FRY, Croatia confirmed that the
proceedings it instituted on 2 July 1999 were “maintained against [the]
Republic of Serbia as Respondent”. However, the Agent of Croatia

noted that this conclusion was “without prejudice to the political respon-
sibility of [the] Republic of Montenegro and the possibility of instituting
separate proceedings against it” (letter dated 15 May 2008 by the Agent
of Croatia; Judgment, para. 30).

(b) The second reason for objecting to the jurisdiction of the Court and

to the admissibility ratione temporis, is the opinion of Serbia that
“the Genocide Convention including the jurisdictional clause con-
tained in its Article IX cannot be applied with regard to acts that
occurred before Serbia came into existence as a State”, and could

thus not have become binding upon it before 27 April 1992
[CR 2008/9, pp. 13-14 (Zimmermann)].

144 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. VUKAS ) 552

3. E XCEPTION PRÉLIMINAIRE À LA COMPÉTENCE DE LA COUR
ET À LA RECEVABILITÉ RATIONE TEMPORIS

a) La première raison qu’avance la Serbie concernant les limites de la
compétence ratione temporis de la Cour repose sur l’application de

la convention sur le génocide entre la RFY et la Croatie. Selon le
conseil de la Serbie, on ne saurait considérer la convention sur
le génocide comme entrée en vigueur entre la RFY et la Croatie avant
le 27 avril 1992 (CR 2008/9, p. 13 (Zimmermann)).

7. Cependant, l’application au défendeur de la convention sur le géno-
cide avant le 27 avril 1992 n’est pas régie par la déclaration de succession

de la RFY s’agissant de la Convention ratifiée par la RFSY, ni par la
notification de succession de la République de Croatie, ni par la relation
entre ces deux Etats nouvellement parties à la convention sur le génocide.

8. La Convention était applicable à la Croatie ainsi qu’au Monténégro

et à la Serbie bien avant le 27 avril 1992, puisque ses dispositions avaient
été incorporées dans le droit interne yougoslave dès 1951. Le para-
graphe 2 de l’article 210 de la Constitution de la RFSY de 1974
disposait que: «[l]es traités internationaux qui ont été promulgués

doivent être appliqués directement par les tribunaux» («La Constitution
de la République fédérative socialiste de Yougoslavie», Jugoslovenski
pregled, Belgrade, 1989, p. 107 [traduction du Greffe]). Par consé-
quent, toutes les personnes physiques et morales, et tous les organes
de l’Etat et des unités fédérées de Yougoslavie (Bosnie-Herzégovine,

Croatie, Macédoine, Monténégro, Serbie et Slovénie) avaient l’obliga-
tion de respecter la Convention.
9. Depuis la dissolution de la République fédérale de Yougoslavie en
2006, il est encore plus clair que le défendeur et la République socialiste

de Serbie au sein de la République fédérative socialiste de Yougoslavie
sont en fait un seul et même sujet. Compte tenu de la dissolution de la
RFY, la Croatie confirma que l’instance qu’elle avait introduite le 2 juillet
1999 «se poursui[vai]t à l’encontre de la République de Serbie en tant que
Partie défenderesse». Toutefois, l’agent de la Croatie indiquait que cette

conclusion s’entendait «sans préjudice de l’éventuelle responsabilité de la
République du Monténégro et de la possibilité que soit introduite une
instance distincte contre celle-ci» (lettre de l’agent de la Croatie en date
du 15 mai 2008; arrêt, par. 30).

b) La seconde raison qu’invoque la Serbie pour contester la compétence
de la Cour et la recevabilité ratione temporis est que, selon elle, «la

convention sur le génocide, y compris la clause juridictionnelle conte-
nue à l’article IX, ne saurait s’appliquer aux actes intervenus avant
que celle-ci n’ait commencé à exister en tant qu’Etat» et ne pouvait
donc pas la lier avant le 27 avril 1992 (CR 2008/9, p. 13-14 (Zimmer-
mann)).

144553 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP.OP .VUKAS )

10. In respect of this objection of Serbia, I have two remarks. The first
concerns the date when Serbia came into existence as a State, and the
second deals with the nature of the relevant acts, and the time when they

occurred.
(b) (i) 27 April 1992 is not the date when “Serbia came into existence as

a State”. It is the date when two former Yugoslav Republics —
Montenegro and Serbia — formally established the State called
“The Federal Republic of Yugoslavia”. But Serbia was a State
long before that date.

11. As mentioned previously, Serbia was one of the Yugoslav Repub-
lics. Although the six Republics were called “states” in the Federal Con-
stitution of the SFRY (Art. 3), they were federal units forming the Yugo-

slav Federation. However, the situation changed in the 1990s. As stated
in paragraph 43 of the present Judgment “[I]n the early 1990s the
SFRY...begantitegrate”.Theiwasnotl the
variety of concepts concerning the future of Yugoslavia, but more par-

ticularly the use of force against two of its component units — Slovenia
and Croatia. As a consequence thereof, Croatia and Slovenia declared
independence on 25 June 1991, followed by Macedonia on 17 September
1991, and Bosnia and Herzegovina on 19 October 1991. Taking into
account these events, the Arbitration Commission — an expert body of

the Conference on Yugoslavia (convened by the European Commu-
nity) — on 29 November 1991 concluded “that the Socialist Federal
Republic of Yugoslavia is in the process of dissolution” (Opinion No. 1,
adopted on 29 November 1991 and made public on 7 December 1991;
International Legal Materials , Vol. 31, (1992) p. 1497).

12. The conclusion on the “process of dissolution” of the SFRY by the
Arbitration Commission was based on the opinion that “the essential
organs of the Federation . . . no longer meet the criteria of participation

and representativeness inherent in a Federal State” and on the fact that
“the recourse to force has led to armed conflict between the different ele-
ments of the Federation which has caused the death of thousands of
people . . .” (ibid., pp. 1496-1497).

13. Taking into account the decision of four former Yugoslav Repub-
lics to proclaim and defend their independence, the European Commu-
nity decided to play an active role in respect of the recognition of new
States on the territory of the dissolving SFRY. On 16 December 1991,
the Council of the European Communities adopted two instruments con-

taining guidelines/conditions for the recognition of new States in Eastern
Europe: the declaration on “Guidelines on the Recognition of the New
States in Eastern Europe and the Soviet Union” and the declaration on
Yugoslavia (ibid., pp. 1485-1487). Four Republics, which had been mem-
bers of the SFRY, asked the member States of the European Community

to recognize them as independent States: Bosnia and Herzegovina,

145 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. VUKAS ) 553

10. J’ai deux remarques à faire sur cette objection de la Serbie. La pre-
mière concerne la date à laquelle celle-ci a commencé à exister en tant
qu’Etat, et la seconde porte sur la nature des actes pertinents et la date à

laquelle ils se sont produits.
b) i) Le 27 avril 1992 n’est pas la date à laquelle «la Serbie a commencé

à exister en tant qu’Etat». C’est la date à laquelle deux anciennes
républiques yougoslaves — le Monténégro et la Serbie — ont offi-
ciellement constitué l’Etat appelé «République fédérale de You-
goslavie». Mais la Serbie était un Etat bien avant cette date.

11. Comme je l’ai déjà dit, la Serbie était l’une des républiques you-
goslaves. Bien que qualifiées d’«Etats» dans la Constitution fédérale de
la RFSY (art. 3), les six républiques étaient des unités fédérales compo-

sant la Fédération yougoslave. La situation changea toutefois dans les
années quatre-vingt-dix. Comme il est indiqué au paragraphe 43 du pré-
sent arrêt, «[a]u début des années quatre-vingt-dix, la RFSY ... com-
mença à se désintégrer». Cette désintégration était le résultat non seule-

ment de divergences dans la manière d’envisager l’avenir de la Yougo-
slavie, mais surtout de l’usage de la force à l’encontre de deux de ses
unités constituantes — la Slovénie et la Croatie. En conséquence, la
Croatie et la Slovénie déclarèrent leur indépendance le 25 juin 1991, sui-
vies par la Macédoine le 17 septembre 1991 et la Bosnie-Herzégovine le

19 octobre 1991. Compte tenu de ces événements, la commission d’arbi-
trage — organe spécialisé créé dans le cadre de la Conférence sur la Yougo-
slavie (convoquée par la Communauté européenne) — conclut, le
29 novembre 1991, que «la République fédérative socialiste de Yougo-
slavie [était] en train de se dissoudre» (avis n 1, adopté le 29 novembre

1991 et rendu public le 7 décembre 1991; International Legal Materials ,
vol. 31, 1992, p. 1497 [traduction du Greffe]).
12. La commission d’arbitrage concluait que la RFSY était «en train
de se dissoudre» parce qu’elle estimait que «les organes essentiels de la
Fédération ... ne remplissaient plus les critères de participation et de

représentativité inhérents à un Etat fédéral» et constatait que «le recours
à la force avait conduit au conflit armé entre les différents éléments de la
Fédération, causant la mort de milliers de personnes...» (ibid., p. 1496-
1497 [traduction du Greffe]).

13. Prenant acte de la décision prise par quatre anciennes républiques
yougoslaves de proclamer et de défendre leur indépendance, la Commu-
nauté européenne décida de jouer un rôle actif dans la reconnaissance de
nouveaux Etats sur le territoire de la RFSY en dissolution. Le 16 dé-
cembre 1991, le conseil des Communautés européennes adopta deux

instruments contenant des directives ou conditions applicables à la
reconnaissance de nouveaux Etats en Europe de l’Est: la déclaration
sur «les lignes directrices sur la reconnaissance de nouveaux Etats en
Europe orientale et en Union soviétique», et la déclaration sur la
Yougoslavie (ibid., p. 1485-1487 [traduction du Greffe]). Quatre des

anciennes républiques de la RFSY demandèrent aux Etats membres

145554 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP.OP .VUKAS )

Croatia, Macedonia and Slovenia met the necessary conditions for their
recognition, contained in the two above-mentioned instruments. The
consequence of that opinion was the recognition of those former Yugo-

slav Republics as independent States by the European States as of mid-
January 1992, followed by recognition by States in all other regions.

14. Only in respect of Bosnia and Herzegovina was the Commission of

the opinion that the will of the peoples of that Republic to constitute the
Republic of Bosnia and Herzegovina as a sovereign and independent
State should be clarified, possibly by means of a referendum. The pro-
posed referendum was held on 29 February 1992 and 1 March 1992 and
contributed to the beginning of the war in Bosnia and Herzegovina.

15. Two Republics of the former SFRY — Montenegro and Serbia —
did not initiate the procedure established by the European Community
for their recognition as independent States. The desire of these two
Republics was to be considered as continuing “the state, international

legal and political personality of the Socialist Federal Republic of Yugo-
slavia” (United Nations doc. A/46/915, Ann. II).

16. However, the political decision of Serbia not to proclaim inde-
pendence, and not to request recognition by the European Community,

does not mean that in the meantime it did not possess the characteristics
of a sovereign State. For the purpose of this text, I will not analyse the
extent to which the Government of Serbia (headed by Slobodan Milo-
ševi´) controlled the remaining organs of the SFRY and its army, but there
is no doubt that there was no power limiting the sovereign leadership of

Serbia in its rule over the population and territory of Serbia. Therefore,
Serbia was a State, which did not seek recognition as such by the inter-
national community for political reasons. As mentioned previously, it
wanted to be considered as continuing the “international legal and politi-
cal personality of the Socialist Federal Republic of Yugoslavia”. In this

venture Serbia was helped by Montenegro, and these two former Yugo-
slav Republics on 27 April 1992 established the Federal Republic of
Yugoslavia (Judgment, para. 99).

17. In any event, it is necessary to stress that, even in the period before
the establishment of the FRY, Serbia was obliged to prevent and punish
the crime of genocide, as the provisions of the Genocide Convention had
for a long time before the 1990s formed a part of general customary
international law of a peremptory nature (jus cogens).

(b) (ii) Serbia’s principal argument in respect of the lack of jurisdiction

of the Court ratione temporis is the contention that acts or
omissions which took place before the FRY came into existence
(27 April 1992), cannot be attributed to the FRY [Preliminary

146 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. VUKAS ) 554

de la Communauté européenne de les reconnaître en tant qu’Etats indé-
pendants. La Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Macédoine et la Slovénie
furent jugées réunir les conditions de reconnaissance de nouveaux Etats

énoncées dans les deux instruments susmentionnés. En conséquence, ces
anciennes républiques yougoslaves furent reconnues en tant qu’Etats
indépendants par les Etats européens à la mi-janvier 1992, puis par des
Etats de toutes les autres régions.
14. A l’égard de la Bosnie-Herzégovine toutefois, la commission jugea

qu’il y avait lieu de clarifier, éventuellement par un référendum, la
volonté des peuples de cette république de se constituer en un Etat sou-
verain et indépendant. Le référendum proposé eut lieu les 29 février et
1er mars 1992 et il contribua au déclenchement de la guerre en Bosnie-
Herzégovine.

15. Deux républiques de l’ancienne RFSY — le Monténégro et la Ser-
bie — ne mirent pas en Œuvre la procédure établie par la Communauté
européenne pour se faire reconnaître en tant qu’Etats indépendants. Leur
vŒu était d’être considérées comme assurant la continuité «de l’Etat et de

la personnalité juridique et politique internationale de la République
fédérative socialiste de Yougoslavie» (Nations Unies, doc. A/46/915,
annexe II).
16. Cette décision politique de la Serbie de ne pas se proclamer indé-
pendante et de ne pas demander sa reconnaissance par la Communauté

européenne ne signifie pas, cependant, qu’elle n’ait pas possédé pendant
ce temps les caractéristiques d’un Etat souverain. Je ne vais pas analyser
ici l’étendue du contrôle qu’exerçait le Gouvernement serbe (dirigé par
M. Slobodan Miloševic ´) sur les organes qui subsistaient de la RFSY et
sur son armée, mais il est hors de doute qu’aucun pouvoir ne limitait

l’exercice par la Serbie d’une autorité souveraine sur sa population et son
territoire. La Serbie était donc un Etat, mais qui ne chercha pas à être
reconnu comme tel par la communauté internationale pour des raisons
politiques: comme je l’ai dit, elle voulait être considérée comme assurant
la continuité «de la personnalité juridique et politique internationale de

la République fédérative socialiste de Yougoslavie». La Serbie fut aidée
dans cette entreprise par le Monténégro, et ces deux anciennes républi-
ques yougoslaves se constituèrent, le 27 avril 1992, en République fédé-
rale de Yougoslavie (voir arrêt, par. 99).

17. Quoi qu’il en soit, il convient de souligner que, même pendant la
période précédant la création de la RFY, la Serbie avait l’obligation de
prévenir et de réprimer le crime de génocide, puisque à cette époque les
dispositions de la convention sur le génocide faisaient partie, depuis de
longues années déjà, du droit international général coutumier de carac-

tère impératif (jus cogens).
b) ii) L’argument principal de la Serbie concernant le défaut de compé-

tence ratione temporis de la Cour est que les actes ou omissions
antérieurs à la naissance de la RFY (le 27 avril 1992) ne sauraient
être attribués à celle-ci [exceptions préliminaires de la République

146555 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION SEP. OP.VUKAS)

Objections of the Federal Republic of Yugoslavia (PO),
para. 4.1]. In addition to the facts presented above concerning

the existence of the Respondent (Serbia) before 27 April 1992,
the main argument against this contention lies in the nature of
certain of the “acts and omissions” which are qualified as “geno-

cide” in the Genocide Convention. That is to say that only some
of them occur instantaneously; most are the result of criminal
activity over a longer time frame. Thus, for example, according
to Article II (c) of the Genocide Convention, genocide means

“[d]eliberately inflicting on the group conditions of life calcu-
lated to bring about its physical destruction in whole or in part”.
The majority of the acts to be dealt with in the present case took

place in 1991. However, the suffering of the thousands of per-
sons who disappeared in various detention facilities continued in
the following years. The establishment of the FRY on 27 April

1992 was neither the beginning nor the end of many acts of
genocide.

(c) Having dealt with the various reasons advanced by Serbia as a pre-
liminary objection to the jurisdiction of the Court and to admis-
sibility rationae temporis, I feel obliged to repeat the Court’s com-

ment that “there is no express provision in the Genocide Convention
limiting its jurisdiction ratione temporis” (Judgment, para. 123).

4. PRELIMINARY O BJECTION TO THEA DMISSIBILITY OFCLAIMS RELATING
TO THE SUBMISSION OFC ERTAIN PERSONS TO TRIAL,P ROVISION OF

INFORMATION ON M ISSINGCROATIAN CITIZENS AND RETURN OF
CULTURAL PROPERTY

18. While I share in the conclusions of the Court in rejecting this pre-
liminary objection, I would like to stress the major importance of one of
the requests by Croatia: the one concerning information on missing
Croatian citizens. Thus, notwithstanding the existing co-operation

between Serbia and Croatia concerning the location and identification of
missing persons, a request from the Court to Serbia to provide all the
information within its purview as to the whereabouts of Croatian citizens

would be an act of great value for the missing persons and the members
of their families.

(Signed) Budislav VUKAS .

147 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. VUKAS ) 555

fédérale de Yougoslavie, par. 4.1]. Outre les faits exposés ci-dessus

concernant l’existence du défendeur (la Serbie) avant le 27 avril
1992, l’élément principal qui s’oppose à cette affirmation tient à la
nature de certains des «actes et omissions» qualifiés de génocide
dans la Convention. En effet, seuls quelques-uns d’entre eux ont

un caractère instantané, la plupart étant le résultat d’une activité
criminelle de longue durée. Par exemple, selon l’alinéa c) de l’ar-
ticle II de la Convention, le génocide est défini comme la «[s]oumis-
sion intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant

entraîner sa destruction physique totale ou partielle». Les actes
qui doivent être examinés en l’espèce datent dans leur majorité de
1991. Mais les souffrances de milliers de personnes et les dispari-
tions dans divers centres de détention se poursuivirent pendant

des années. La naissance de la RFY, le 27 avril 1992, ne marqua ni
le début ni la fin de nombreux actes de génocide.

c) Ayant examiné les diverses raisons avancées par la Serbie à l’appui de
son exception préliminaire à la compétence de la Cour et à la receva-

bilité rationae temporis, je ne peux que répéter ce qu’a dit la Cour, à
savoir que «la convention sur le génocide ne contient aucune dispo-
sition expresse limitant sa compétence ratione temporis » (arrêt,
par. 123).

4. E XCEPTION PRÉLIMINAIRE À LA RECEVABILITÉ DE PRÉTENTIONS
CONCERNANT LA TRADUCTION DE CERTAINES PERSONNES EN JUSTICE ,

LA COMMUNICATION DE RENSEIGNEMENTS SUR LES CITOYENS CROATES
DISPARUS ET LA RESTITUTION DE BIENS CULTURELS

18. Tout en partageant les conclusions de la Cour rejetant cette excep-

tion préliminaire, je voudrais souligner l’importance majeure de l’une des
demandes de la Croatie, celle qui concerne la communication de rensei-
gnements sur les citoyens croates disparus. En effet, malgré la coopéra-
tion qui existe entre la Serbie et la Croatie concernant la localisation et

l’identification des personnes disparues, une demande de la Cour enjoi-
gnant à la Serbie de fournir toutes les informations à cet égard qui sont
de son ressort aurait un grand prix pour les citoyens croates disparus et
leurs familles.

(Signé) Budislav V UKAS .

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Opinion individuelle de M. le juge ad hoc Vukas

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