Opinion individuelle de M. le juge Tomka

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118-20081118-JUD-01-05-EN
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515

OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE TOMKA

[Traduction]

Exceptions préliminaires — Compétence ratione temporis — Question de
savoir si la RFY pouvait être liée par la convention sur le génocide avant le
27 avril 1992 — La convention sur le génocide était applicable, sans interrup-
tion, pendant toute la durée du conflit armé — Article IX de la convention sur le
génocide — Différends relatifs à l’interprétation ou à l’application de la conven-
tion sur le génocide par les parties contractantes à celle-ci — Les entités cons-
titutives de la RFSY n’étaient pas des parties contractantes à la Convention
— La succession à l’Etat prédécesseur en matière de responsabilité ne relève pas
de la compétence de la Cour — La responsabilité d’une entité pour des actes
commis avant qu’elle ne devienne un Etat et une partie contractante ne relève

pas de la compétence de la Cour — La question des conséquences à tirer du fait
que la RFY est devenue partie à la Convention le 27 avril 1992 doit être tran-
chée à ce stade de la procédure.

*
* *

1. La Croatie a soumis cette affaire à la Cour quelque huit années
après le début du conflit armé qui l’avait opposé à la République fédéra-
tive socialiste de Yougoslavie (RFSY), puis à la République fédérale de
Yougoslavie (RFY), et quatre ans après la fin de celui-ci, pendant lequel
des obligations prescrites par la convention sur le génocide auraient été

violées selon elle. Plus de neuf années ont passé depuis l’introduction de
l’instance le 2 juillet 1999. La Cour déclare seulement aujourd’hui être
compétente en vertu de l’article IX de la convention pour la prévention et
la répression du crime de génocide (ci-après la «convention sur le géno-
cide») pour connaître de la requête de la Croatie. Elle laisse néanmoins

en suspens un aspect de sa compétence, qu’elle examine en même temps
que la question de la recevabilité, les qualifiant tous deux de ratione tem-
poris, lorsqu’elle conclut que la deuxième exception préliminaire, par
laquelle la Serbie soutient que les demandes de la Croatie fondées sur
des actes et omissions antérieurs au 27 avril 1992 outrepassent la compé-
tence de la Cour et sont irrecevables, «n’a pas, dans les circonstances

de l’espèce, un caractère exclusivement préliminaire» (arrêt, par. 146,
point 4)).
2. Je ne puis souscrire à cette conclusion ni au raisonnement qui la
sous-tend, et j’ai donc voté contre celle-ci tout en votant pour toutes les
autres conclusions de la Cour. Il me faut donner quelques explications à

ce vote. En ce qui concerne les autres aspects de la compétence, je peux
me référer aux points de vue que j’ai déjà exposés aux paragraphes 24
à 36 de mon opinion individuelle en l’affaire relative à l’Application de la
convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-

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Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro) (arrêt, C.I.J Recueil 2007 (I) ,
p. 323-331). La position que j’ai adoptée dans cette affaire ne diffère pas
de celle de la majorité en la présente espèce.

*

3. La Serbie a soulevé une exception préliminaire selon laquelle «les
demandes se rapportant à des actes ou omissions antérieurs au 27 avril

1992 ne relèvent pas de la compétence de la Cour et sont irrecevables»
(arrêt, par. 22), au motif que ces actes ont été commis avant l’établisse-
ment de la République fédérale de Yougoslavie (Serbie et Monténégro).
La Serbie fait valoir que l’entrée en vigueur de la Convention entre la
RFY et la Croatie peut être fixée, au plus tôt, au 27 avril 1992. La Serbie

soutient que
«la convention sur le génocide, y compris la clause juridictionnelle

contenue à l’article IX, ne saurait s’appliquer aux actes intervenus
avant que la Serbie n’ait commencé à exister en tant qu’Etat et, par-
tant, avant qu’elle n’ait pu être liée par la Convention. Autrement
dit, la Convention ne saurait s’appliquer aux actes antérieurs au

27 avril 1992.» (CR 2008/9, p. 8; les italiques sont dans l’original.)
4. La Croatie appelle l’attention de la Cour sur le fait que celle-ci a eu

à connaître d’une question analogue de compétence ratione temporis au
regard de la convention sur le génocide en l’affaire Bosnie-Herzégovine
c. Yougoslavie. Elle invoque l’arrêt de 1996 dans lequel la Cour a fait
observer que «la convention sur le génocide — et en particulier son ar-
ticle IX — ne comporte aucune clause qui aurait pour objet ou pour

conséquence de limiter de la sorte l’étendue de sa compétence ratione
temporis», que seuls pouvaient être examinés des faits postérieurs aux
différentes dates auxquelles la Convention était devenue applicable
entre la RFY et la Bosnie et, de plus, que «les Parties elles-mêmes
n’[avaient] formulé aucune réserve à cet effet» (C.I.J. Recueil 1996 (II),

p. 617, par. 34). La Croatie rappelle en particulier la conclusion de la
Cour en 1996 selon laquelle «[celle-ci avait] compétence en l’espèce pour
assurer l’application de la convention sur le génocide aux faits pertinents
qui [s’étaient] déroulés depuis le début du conflit dont la Bosnie-

Herzégovine [avait] été le théâtre »( ibid.; les italiques sont de moi).
Ce conflit avait éclaté au printemps 1992, tandis que celui qui se dérou-
lait en Croatie avait déjà commencé à l’été 1991.
5. Je partage l’avis de la Cour sur les circonstances qui distinguent la
présente affaire de la précédente, où la question de la compétence avait

été tranchée en premier lieu, en 1996. La Cour souligne maintenant que,
en la présente espèce, «les Parties ont soumis des arguments relatifs aux
conséquences à tirer du fait que la RFY n’est devenue un Etat et une par-
tie à la convention sur le génocide que le 27 avril 1992 » (arrêt, par. 124;
les italiques sont de moi). Je tiens à ajouter que cette question n’a pas

été soumise à la Cour en 1996. Aucune des Parties en l’affaire Bosnie-

108 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE OP .IND .TOMKA ) 517

Herzégovine n’a soulevé la question de savoir si la RFY était partie à
la convention sur le génocide; la Cour n’a pas davantage pris position
quant à la date exacte à laquelle celle-ci y était devenue partie. A cette

époque, la RFY persistait à déclarer à l’Organisation des Nations Unies
qu’elle assurait la continuité de la personnalité juridique internationale de
l’ex-Yougoslavie. La Cour s’est contentée de conclure que la République
fédérale de «Yougoslavie était liée par les dispositions de la Convention
à la date du dépôt de la requête en [l’affaire de la Bosnie-Herzégovine]»,

à savoir le 20 mars 1993 (C.I.J. Recueil 1996 (II) , p. 610, par. 17). Elle
est parvenue à cette conclusion en faisant brièvement observer que «[l’]ins-
tance introduite devant la Cour oppose deux Etats dont le territoire est
situé à l’intérieur de l’ex-République fédérative socialiste de Yougosla-
vie» (ibid.). Elle a ensuite noté que la RFSY avait signé la convention

sur le génocide le 11 décembre 1948 et déposé son instrument de ratifica-
tion le 29 août 1950 sans formuler de réserve. Elle a en outre rappelé une
déclaration formelle adoptée au moment de la proclamation de la RFY le
27 avril 1992 selon laquelle:

«[L]a République fédérative de Yougoslavie, assurant la conti-
nuité de l’Etat et de la personnalité juridique et politique internatio-

nale de la République fédérative socialiste de Yougoslavie, respec-
tera strictement tous les engagements que la République fédérative
socialiste de Yougoslavie a pris à l’échelon international.» (Ibid.)

La Cour, évitant la question de la prétendue continuité de la person-
nalité juridique internationale de la RFSY par la RFY, a simplement
noté que:

«[l]’intention ainsi exprimée par la Yougoslavie de demeurer liée par
les traités internationaux auxquels était partie l’ex-Yougoslavie a été
confirmée dans une note officielle du 27 avril 1992 adressée au Secré-

taire général par la mission permanente de la Yougoslavie auprès des
Nations Unies. La Cour observe en outre qu’il n’a pas été contesté
que la Yougoslavie soit partie à la convention sur le génocide.»
(Ibid.)

6. Dans la présente affaire, comme la Cour le résume, «[l]a Serbie a
affirmé que, étant donné qu’elle n’était alors pas un Etat, de tels actes ne

pouvaient lui être attribués et que, n’étant alors pas partie à la Conven-
tion, elle ne pouvait avoir violé aucune obligation prévue par cet instru-
ment» (arrêt, par. 124).
7. La Cour considère, sans expliciter ou justifier sa position, que «la
question de la portée temporelle de sa compétence est étroitement liée à

ces aspects relatifs à l’attribution ... et [qu’]il convient donc de l’examiner
en tenant compte de ces éléments» (ibid.). Cette affirmation est spé-
cieuse. Comment la question de la compétence (y compris sa portée tem-
porelle), qui se rapporte au consentement des Parties, peut-elle être
«étroitement liée» à la question de l’attribution d’une conduite, qui

relève du droit de la responsabilité des Etats et ainsi, de toute évidence,

109 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE OP .IND .TOMKA ) 518

du stade du fond? La Cour ne traite que sommairement de la question de
l’attribution des actes antérieurs au 27 avril 1992, rappelant les argu-
ments de la Croatie (arrêt, par. 125) ainsi que ceux de la Serbie (ibid.,

par. 126), et concluant que «les questions de compétence et de recevabi-
lité soulevées par l’exception préliminaire ratione temporis de la Serbie
constituent, en la présente affaire, deux questions indissociables» (ibid.,
par. 129). En examinant brièvement les questions d’attribution, qu’elle
considère comme touchant à la recevabilité de la demande et qu’elle

n’estime pas pouvoir trancher sans disposer d’autres éléments factuels, la
Cour diffère sa décision sur l’exception d’incompétence qui, selon elle,
revêt aussi un caractère ratione temporis. Cette dernière question, de
l’avis de la Cour, porte sur sa compétence

«pour déterminer si des violations de la convention sur le génocide
ont été commises, à la lumière des faits antérieurs à la date à laquelle
la RFY a commencé à exister en tant qu’Etat distinct, ayant à ce

titre la capacité d’être partie à cet instrument» (ibid.; les italiques
sont de moi).

La Cour explique que cette question «revient à se demander si les obli-
gations en vertu de la Convention étaient opposables à la RFY antérieu-
rement au 27 avril 1992» (ibid.).
8. La Croatie a toujours nié que la RFY ait assuré la continuité de la

personnalité morale internationale de la RFSY. Elle a constamment sou-
tenu que la RFY était l’un des cinq Etats successeurs égaux de la RFSY.
La Croatie a fait valoir que la RFY était devenue partie à la convention
sur le génocide par succession, laquelle «rétroagi[ssait] à la naissance de
l’Etat successeur» (CR 2008/11, p. 9, par. 8). Elle a déclaré sans équi-

voque que «[le défendeur] était partie à la convention sur le génocide, par
succession, dès le début de son existence en tant qu’Etat» (ibid., par. 7).
9. La Cour a établi que la RFY avait bien acquis le statut de partie à
la Convention par un processus équivalant à une succession. Elle est par-
venue à la conclusion que «la déclaration et la note de 1992 ont eu l’effet

d’une notification de succession de la RFY à la RFSY à l’égard de la
convention sur le génocide» (arrêt, par. 117). Partant, la RFY est deve-
nue partie à la convention sur le génocide lors de sa «naissance» en tant
qu’Etat successeur. Il est admis que cette date est le 27 avril 1992. Aucun

Etat (y compris la Croatie) n’a jamais contesté que la RFY était devenue,
à cette date, partie à toutes les conventions internationales déposées
auprès du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies auquel
elle a notifié sa succession. La convention sur le génocide n’y fait pas
exception.

10. Il n’est pas douteux que la RFSY a été liée par la convention sur le
génocide depuis le 12 janvier 1951, date de l’entrée en vigueur de celle-ci
en vertu de l’article XIII, jusqu’à sa dissolution, et que la Convention
était donc applicable à l’ensemble de son territoire (article 29 de la
convention de Vienne sur le droit des traités codifiant la règle applicable du

droit international coutumier; voir aussiApplication de la convention pour

110 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND.TOMKA ) 519

la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Yougoslavie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II) ,
p. 610, par. 17). Au cours du conflit qui a commencé en 1991 sur le

territoire de la RFSY et pris fin en 1995, la Convention n’a pas un
seul jour cessé d’être applicable sur ce territoire. En effet, tant que la
RFSY continuait d’exister, elle demeurait partie à la convention sur le
génocide, dont les dispositions étaient donc contraignantes pour elle.
Lorsque ses républiques constituantes ont fait sécession l’une après l’autre

et déclaré leur indépendance, elles sont devenues parties à la Convention
par voie de succession à compter de la date à laquelle elles ont assumé la
responsabilité de leurs relations internationales, la Slovénie ayant fixé
cette date au 25 juin 1991, la Croatie au 8 octobre 1991, l’ex-République
yougoslave de Macédoine au 17 septembre 1991 et la Bosnie-Herzégovine

au 6 mars 1992. Dans la présente affaire, la Cour a établi que la RFY
(Serbie et Monténégro) est devenue partie à la convention sur le géno-
cide par succession, attribuant à la déclaration du 27 avril 1992 et à
la note datée du même jour «l’effet d’une notification de succession de

la RFY à la RFSY à l’égard de la convention sur le génocide» (arrêt,
par. 117).
Partant, il n’y a pas eu d’interruption ni de coupure dans la protection
conférée par la convention sur le génocide durant le conflit, comme a
tenu à le faire valoir le conseil de la Croatie (CR 2008/10, p. 34-36,

par. 19-21) lorsqu’il a examiné les arguments de la Serbie concernant
l’application de la Convention dans le temps.
Le souci d’éviter une solution de continuité dans l’applicabilité de la
convention sur le génocide, eu égard à la violence qui est allée de pair
avec le processus de dissolution de la RFSY, a été mis en avant par plu-

sieurs juges dans leurs opinions individuelles en l’affaire relative à l’Appli-
cation de la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie) (exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II) , p. 635, opinion individuelle du juge Sha-
habuddeen; p. 651, opinion individuelle du juge Weeramantry; et p. 656,

opinion individuelle du juge Parra-Aranguren).
La Convention n’a jamais cessé d’être applicable durant le long conflit
armé qui s’est déroulé sur le territoire de l’ex-RFSY, mais elle a dû être
appliquée au fil du temps par différents Etats étant donné que la RFSY

était en cours de dissolution, et que ses Etats successeurs, l’un après
l’autre, ont acquis une personnalité juridique internationale et le statut de
partie à la Convention dès le moment où ils sont nés en tant qu’Etats
souverains.
11. Par conséquent, la question soumise à la Cour ne concerne pas

l’application rétroactive de la Convention mais l’interprétation de la
clause compromissoire contenue à l’article IX et la détermination de la
compétence ainsi conférée à la Cour.
12. Aux termes de l’article IX de la convention sur le génocide, la
Cour a compétence pour connaître des «différends entre les parties

contractantes relatifs à l’interprétation, l’application ou l’exécution de la

111 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. TOMKA ) 520

présente Convention, y compris ceux relatifs à la responsabilité d’un Etat
en matière de génocide». S’appuyant sur cette disposition, la Croatie a
soumis à la Cour le différend qui l’oppose à la Serbie, qui, selon elle,

«porte ... sur l’interprétation et l’application de la convention sur le géno-
cide» (requête, par. 30; les italiques sont de moi). Ainsi que l’attestent le
titre sous lequel l’affaire a été inscrite au rôle général et l’intitulé du pré-
sent arrêt, la Cour a établi que la présente espèce concerne l’application
de la Convention. Pour relever de l’article IX de la Convention, le diffé-

rend doit porter sur l’interprétation ou l’application de la Convention par
les parties contractantes, et non sur l’application de la Convention par
l’Etat prédécesseur de la partie contractante (même si ledit Etat prédéces-
seur peut avoir été, comme c’est le cas en l’espèce, partie à la Conven-
tion). Il ne doit pas non plus concerner l’application de la Convention

par une entité qui n’était pas l’Etat partie à celle-ci et qui n’a vu le jour en
tant qu’Etat et n’y est devenu partie que plus tard. Les entités constitu-
tives de la RFSY n’étaient pas des parties contractantes à la Convention,
puisque seule la RFSY avait ce statut; les actes des entités constitutives

étaient considérés comme les actes de la RFSY.

13. Selon la règle du droit international coutumier codifiée dans l’ar-
ticle 4 du projet d’articles de la Commission du droit international sur la
responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite, le comporte-

ment d’un organe d’une collectivité territoriale de l’Etat (et la Croatie et
la Serbie étaient toutes deux des collectivités territoriales ou des entités
constitutives de la RFSY) est considéré comme un fait de l’Etat, attribué
à l’Etat et engageant ainsi la responsabilité internationale de l’Etat,
s’il n’est pas conforme à l’obligation internationale qui incombe à

celui-ci. Lorsque l’Etat cesse d’exister, ainsi qu’il en a été de la RFSY,
qui s’est désintégrée lors du processus de dissolution achevé avant
l’été 1992, comme l’expose l’opinion n 8 du 4 juillet 1992 de la com-
mission d’arbitrage de la conférence sur la Yougoslavie (International
Legal Materials, 1992, vol. XXXI, p. 1523), la question de la succes-

sion en matière de responsabilité peut se poser. De la même façon,
lorsqu’une entité territoriale d’un Etat prédécesseur parvient à faire
sécession et devient un Etat distinct, la question de la responsabilité
de l’Etat distinct pour les actes commis par les organes de cette entité

avant qu’elle ne se constitue en Etat doté d’une personnalité juridique
internationale peut se poser. Mais, à l’évidence, aucune de ces deux ques-
tions, qu’il s’agisse de la succession à l’Etat prédécesseur en matière de
responsabilité ou de la responsabilité d’une entité pour des actes commis
avant de devenir un Etat — et d’avoir ainsi pu devenir partie à la conven-

tion sur le génocide —, ne relève de la compétence de la Cour aux termes
de l’article IX de la convention sur le génocide. Ladite compétence com-
prend «[l]es différends entre les parties contractantes relatifs à l’interpré-
tation, l’application ou l’exécution de la ... Convention». La RFY, dont
la Serbie est à présent le continuateur, est devenue partie contractante le

27 avril 1992.

112 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. TOMKA ) 521

14. Dans l’affaire relative au Projet Gabc ˇíkovo-Nagymaros (Hongrie/
Slovaquie), la situation était différente car, si les actes pertinents étaient
antérieurs à la dissolution de la Tchécoslovaquie, la Cour fut déclarée
compétente et expressément priée, selon les termes de l’article 2 du com-

promis conclu par la Hongrie et la Slovaquie le 7 avril 1993, de dire «si la
République fédérative tchèque et slovaque était en droit de recourir,
en novembre 1991, à la «solution provisoire» et de mettre en service, à
partir d’octobre 1992, ce système» (arrêt, C.I.J. Recueil 1997 ,p .,
par. 2). Il y a lieu de noter que ces actes, certes commis sur le terrain par

les autorités slovaques, ont toujours été considérés par la Cour comme
ceux de la Tchécoslovaquie (ibid., p. 46-57, par. 60-88) et, en ce qui les
concerne, la Cour désigne la Tchécoslovaquie et non la Slovaquie dans le
dispositif (ibid., p. 82, par. 155, point 1, al. B) et C)). Lorsque la Cour a
examiné la question des conséquences de son arrêt, ainsi que l’exigeait le

paragraphe 2 de l’article 2 du compromis, elle a rappelé qu’«[a]ux termes
du préambule du compromis, les Parties sont convenues que la Slovaquie
est l’unique Etat successeur de la Tchécoslovaquie en ce qui concerne les
droits et obligations relatifs au projet Gabc ˇíkovo-Nagymaros» (ibid.,
p. 81, par. 151). La Cour a dès lors considéré que

«[l]a Slovaquie peut donc être tenue de verser des indemnités, non
seulement pour ses propres faits illicites, mais aussi pour ceux de la

Tchécoslovaquie, et elle a le droit d’être indemnisée des dommages
subis tant par la Tchécoslovaquie que par elle-même en raison du
comportement illicite de la Hongrie» (ibid.).

15. Dans la présente affaire, la RFY n’a pas donné compétence à la
Cour pour examiner les actes de l’Etat prédécesseur, la RFSY. La Serbie
n’est pas non plus le seul successeur de la RFSY; elle est l’un des cinq
Etats successeurs égaux de la RFSY.

16. Tout en affirmant à juste titre que, «en la présente espèce, les
Parties ont soumis des arguments relatifs aux conséquences à tirer du fait
que la RFY n’est devenue un Etat et une partie à la convention sur le
génocide que le 27 avril 1992» (arrêt, par. 124), la Cour évite de tirer de
telles conclusions, choix qu’elle justifie commodément par la nécessité de

disposer de davantage d’éléments (ibid., par. 129).
17. J’estime que la question des «conséquences à tirer du fait que la
RFY n’est devenue un Etat et une partie à la convention sur le génocide
que le 27 avril 1992» est une question juridique qui devrait être tranchée
à ce stade de la procédure, et qu’il n’est pas nécessaire de disposer de
davantage d’éléments d’information pour y répondre. En réalité, en

l’espace de quinze années entre 1993 et 2008, la Cour a dû à plusieurs
reprises examiner des questions relatives au statut juridique de la RFY et
à sa participation à la convention sur le génocide, et toutes les informa-
tions nécessaires lui ont été soumises. Il est remarquable que la Cour
n’indique même pas quels autres éléments lui sont nécessaires. La ques-

tion juridique que la Serbie a soulevée devant la Cour n’est pas spécifique
à la présente espèce mais d’application générale. En conscience, je ne puis

113 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. TOMKA ) 522

suivre la ligne de conduite adoptée par la majorité et me permets, non
sans regret, de ne pas y souscrire.

*

18. Je tire cette conclusion du fait que la RFY (à présent la Serbie) est
l’un des Etats successeurs de la RFSY, ce que la Croatie a toujours
soutenu. Si la RFY avait assuré la continuité de la personnalité juri-

dique internationale de la RFSY, la question de la compétence de la Cour
pour connaître d’actes commis avant le 27 avril 1992 n’aurait pu être
pertinente.
En outre, ainsi que la Croatie l’a noté, l’argument de la Serbie «ne

concerne que certains des «incidents les plus graves» — tels que les atro-
cités commises à Vukovar et le bombardement de Dubrovnik — qui
eurent lieu entre le 25 août 1991 et la fin de la même année» (exposé écrit

de la Croatie, 29 avril 2003, p. 9, par. 3.2).
19. La conclusion sur l’étendue de la compétence de la Cour, fondée
sur l’interprétation de la clause compromissoire contenue à l’article IX de
la Convention, n’implique pas que soient dégagés de leur responsabilité

ceux qui ont commis de si nombreuses atrocités lors du conflit armé sur
le territoire de la Croatie; elle n’exclut pas non plus la responsabilité de
l’Etat auquel peuvent être imputés les actes des auteurs de ces atrocités.
Ainsi que la Cour l’a rappelé à plusieurs occasions (voir par exemple

Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête: 2002)
(République démocratique du Congo c. Rwanda), compétence et receva-
bilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2006 , p. 50-51, par. 123), il existe une distinc-
tion fondamentale entre l’acceptation de sa compétence par les Etats (et

de l’étendue de celle-ci) et la conformité de leurs actes avec le droit inter-
national. Les Etats demeurent responsables d’actes qui leur sont imputa-
bles et qui sont contraires au droit international, quand bien même de

tels actes auraient été commis à une époque pour laquelle la Cour n’a pas
compétence.
20. Je me permets d’ajouter que le procureur du Tribunal pénal inter-
national pour l’ex-Yougoslavie a mis en accusation plusieurs personnes à

raison des atrocités commises à Vukovar et Dubrovnik, aux fins d’établir
leur responsabilité pénale individuelle. Certaines de ces affaires ont été
jugées (Joki´ (affaire n IT-01-42/1 «Dubrovnik»); Strugar (affaire n IT-o
01-42 «Dubrovnik»)); dans d’autres, la mort de l’accusé a mis fin à l’ins-
o
tance (Slobodan Miloševic ´ (afoaire n IT-02-54 «Kosovo, Croatie et Bos-
nie»); Dokmanovic ´ (affaire n IT-95-13a «hôpital de Vukovar»)); une
autre est pendante devant la chambre d’appel (Mrks ´´ et autres
(affaire n IT-95-13/1 «hôpital de Vukovar»)); une autre en est toujours
o
au stade du procès en première instance (Šešelj (affaire n IT-03-67));
enfin, dans une autre affaire encore, un accusé est toujours en fuite (Had-
ži´ (affaire no IT-04-75)). Le TPIY a renvoyé le procès d’un accusé
(Kovacˇevi´ (affaire n o IT-01-42/2 «Dubrovnik»)) à la République de

Serbie. D’autres affaires ont été traitées par les autorités judiciaires natio-

114 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. TOMKA ) 523

nales. On ne saurait toutefois manquer d’observer que le procureur du

TPIY n’a accusé personne de crime de génocide ou d’autres actes énumé-
rés à l’article III de la convention sur le génocide en ce qui concerne les
événements tragiques qui ont eu lieu sur le territoire croate. Ces per-
sonnes ont été accusées de violations des lois ou coutumes de la guerre

(crimes de guerre) et/ou de crimes contre l’humanité.
21. Reste à savoir par quels moyens la Croatie jugera bon de faire
valoir devant la Cour, qui n’applique pas une procédure pénale, qu’un
crime de «génocide a été commis, et que la RFY est responsable du géno-

cide» (mémoire de la Croatie, p. 8, par. 1.17), bien que le TPIY «n’ait
pas ... établi d’actes d’accusation contre les personnes portant les plus
lourdes responsabilités dans le génocide en Croatie» (ibid., p. 3, par. 1.07).
Toutefois, cette question doit être réservée au stade du fond. Espérons

qu’il ne faudra pas attendre encore neuf ans pour la régler et clore ainsi
ce chapitre regrettable et douloureux des relations serbo-croates.

(Signé) Peter T OMKA .

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SEPARATE OPINION OF JUDGE TOMKA

Preliminary objections — Jurisdiction ratione temporis — Whether the FRY
could be bound by the Genocide Convention before 27 April 1992 — The Geno-
cide Convention was applicable during the entire period of the armed conflict
without interruption — Article IX of the Genocide Convention — Disputes
relating to the interpretation or application of the Genocide Convention by the
Contracting Parties thereto — Constituent units of the SFRY were not Con-
tracting Parties to the Convention — Succession into responsibility of a pred-
ecessor State not within the jurisdiction of the Court — Responsibility for acts
of an entity committed before it became a State and a Contracting Party not
within the jurisdiction of the Court — Consequences of the FRY becoming party

to the Convention on 27 April 1992 a matter to be determined at this stage of
the proceedings.

*
* *

1. This is a case which Croatia brought before the Court some eight
years after the armed conflict in which it was involved with the Socialist
Federal Republic of Yugoslavia (SFRY), and subsequently with the Fed-
eral Republic of Yugoslavia (FRY), broke out and four years after it
ended, and during which, as Croatia alleges, violations of obligations

under the Genocide Convention were committed. More than nine years
have passed since the institution of proceedings on 2 July 1999. The
Court only today determines that it has jurisdiction under Article IX of
the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of
Genocide (hereinafter “the Genocide Convention”) to entertain Croatia’s

Application. Nevertheless, the Court still leaves open one aspect of its
jurisdiction, which it considers together with the issue of admissibility,
qualifying both of them as being of a ratione temporis character, when it
finds that the second preliminary objection of Serbia, contending that the
claims of Croatia based on acts and omissions which took place prior to
27 April 1992, are beyond the jurisdiction of the Court and inadmissible,

“does not, in the circumstances of the case, possess an exclusively pre-
liminary character” (Judgment, para. 146 (4)).
2. I am unable to subscribe either to this finding or its reasoning, and
I have therefore voted against this conclusion while voting in favour of
all the other conclusions reached by the Court. My negative vote calls for

some explanation. With respect to other issues of jurisdiction, I can refer
to the views I have already expressed in paragraphs 24 to 36 of my sepa-
rate opinion in the case concerning the Application of the Convention on
the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and

107 515

OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE TOMKA

[Traduction]

Exceptions préliminaires — Compétence ratione temporis — Question de
savoir si la RFY pouvait être liée par la convention sur le génocide avant le
27 avril 1992 — La convention sur le génocide était applicable, sans interrup-
tion, pendant toute la durée du conflit armé — Article IX de la convention sur le
génocide — Différends relatifs à l’interprétation ou à l’application de la conven-
tion sur le génocide par les parties contractantes à celle-ci — Les entités cons-
titutives de la RFSY n’étaient pas des parties contractantes à la Convention
— La succession à l’Etat prédécesseur en matière de responsabilité ne relève pas
de la compétence de la Cour — La responsabilité d’une entité pour des actes
commis avant qu’elle ne devienne un Etat et une partie contractante ne relève

pas de la compétence de la Cour — La question des conséquences à tirer du fait
que la RFY est devenue partie à la Convention le 27 avril 1992 doit être tran-
chée à ce stade de la procédure.

*
* *

1. La Croatie a soumis cette affaire à la Cour quelque huit années
après le début du conflit armé qui l’avait opposé à la République fédéra-
tive socialiste de Yougoslavie (RFSY), puis à la République fédérale de
Yougoslavie (RFY), et quatre ans après la fin de celui-ci, pendant lequel
des obligations prescrites par la convention sur le génocide auraient été

violées selon elle. Plus de neuf années ont passé depuis l’introduction de
l’instance le 2 juillet 1999. La Cour déclare seulement aujourd’hui être
compétente en vertu de l’article IX de la convention pour la prévention et
la répression du crime de génocide (ci-après la «convention sur le géno-
cide») pour connaître de la requête de la Croatie. Elle laisse néanmoins

en suspens un aspect de sa compétence, qu’elle examine en même temps
que la question de la recevabilité, les qualifiant tous deux de ratione tem-
poris, lorsqu’elle conclut que la deuxième exception préliminaire, par
laquelle la Serbie soutient que les demandes de la Croatie fondées sur
des actes et omissions antérieurs au 27 avril 1992 outrepassent la compé-
tence de la Cour et sont irrecevables, «n’a pas, dans les circonstances

de l’espèce, un caractère exclusivement préliminaire» (arrêt, par. 146,
point 4)).
2. Je ne puis souscrire à cette conclusion ni au raisonnement qui la
sous-tend, et j’ai donc voté contre celle-ci tout en votant pour toutes les
autres conclusions de la Cour. Il me faut donner quelques explications à

ce vote. En ce qui concerne les autres aspects de la compétence, je peux
me référer aux points de vue que j’ai déjà exposés aux paragraphes 24
à 36 de mon opinion individuelle en l’affaire relative à l’Application de la
convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-

107516 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP.OP. TOMKA )

Herzegovina v. Serbia and Montenegro) (Judgment, I.C.J. Reports 2007
(I), pp. 323-331). My approach in that case does not differ from the
approach now adopted by the majority in the present case.

*

3. Serbia raised a preliminary objection “that claims based on acts and
omissions which took place prior to 27 April 1992 are beyond the juris-

diction of this Court and inadmissible” (Judgment, para. 22), the reason
being that those acts occurred prior to the establishment of the Federal
Republic of Yugoslavia (Serbia and Montenegro). Serbia argues that the
earliest possible point in time at which the Convention could be found to
have entered into force between the FRY and Croatia was 27 April 1992.

Serbia contends that the
“Genocide Convention including the jurisdictional clause contained

in its Article IX cannot be applied with regard to acts which occurred
before Serbia came into existence as a State, and before it could
therefore have become a party to the Convention, i.e. that it may not
be applied with regard to acts that occurred before 27 April 1992”

(CR 2008/9, pp. 13-14, para. 4; emphasis in the original).
4. Croatia draws the attention of the Court to the fact that a similar

issue of jurisdiction ratione temporis under the Genocide Convention was
dealt with by the Court in the Bosnia and Herzegovina v. Yugoslavia
case. Croatia relies on the 1996 Judgment in which the Court observed
“that the Genocide Convention — and in particular Article IX — does
not contain any clause the object or effect of which is to limit in such

manner the scope of its jurisdiction ratione temporis”, that the Court
could only deal with events subsequent to the different dates on which
the Convention became applicable between the FRY and Bosnia and
Herzegovina and, moreover, “nor did the Parties themselves make any
reservation to that end” (I.C.J. Reports 1996 (II) , p. 617, para. 34).

Croatia recalls in particular the Court’s finding in 1996 that “it has juris-
diction in [the Bosnia and Herzegovina] case to give effect to the Geno-
cide Convention with regard to the relevant facts which have occurred
since the beginning of the conflict which took place in Bosnia and Herze-

govina”( ibid.; emphasis added). That conflict started in spring 1992,
while the conflict in Croatia’s territory had already begun in summer 1991.

5. I concur with the Court’s view on the circumstances which distin-
guish the present case from the previous one, in which jurisdiction ini-

tially was decided in 1996. The Court now emphasizes that in the present
case, “the Parties advanced arguments relating to the consequences to be
drawn from the fact that the FRY only became a State and a party to the
Genocide Convention on 27 April 1992 ” (Judgment, para. 124; emphasis
added). I would add that that issue was not before the Court in 1996. No

issue of the FRY being a party to the Genocide Convention was raised

108 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND.TOMKA ) 516

Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro) (arrêt, C.I.J Recueil 2007 (I) ,
p. 323-331). La position que j’ai adoptée dans cette affaire ne diffère pas
de celle de la majorité en la présente espèce.

*

3. La Serbie a soulevé une exception préliminaire selon laquelle «les
demandes se rapportant à des actes ou omissions antérieurs au 27 avril

1992 ne relèvent pas de la compétence de la Cour et sont irrecevables»
(arrêt, par. 22), au motif que ces actes ont été commis avant l’établisse-
ment de la République fédérale de Yougoslavie (Serbie et Monténégro).
La Serbie fait valoir que l’entrée en vigueur de la Convention entre la
RFY et la Croatie peut être fixée, au plus tôt, au 27 avril 1992. La Serbie

soutient que
«la convention sur le génocide, y compris la clause juridictionnelle

contenue à l’article IX, ne saurait s’appliquer aux actes intervenus
avant que la Serbie n’ait commencé à exister en tant qu’Etat et, par-
tant, avant qu’elle n’ait pu être liée par la Convention. Autrement
dit, la Convention ne saurait s’appliquer aux actes antérieurs au

27 avril 1992.» (CR 2008/9, p. 8; les italiques sont dans l’original.)
4. La Croatie appelle l’attention de la Cour sur le fait que celle-ci a eu

à connaître d’une question analogue de compétence ratione temporis au
regard de la convention sur le génocide en l’affaire Bosnie-Herzégovine
c. Yougoslavie. Elle invoque l’arrêt de 1996 dans lequel la Cour a fait
observer que «la convention sur le génocide — et en particulier son ar-
ticle IX — ne comporte aucune clause qui aurait pour objet ou pour

conséquence de limiter de la sorte l’étendue de sa compétence ratione
temporis», que seuls pouvaient être examinés des faits postérieurs aux
différentes dates auxquelles la Convention était devenue applicable
entre la RFY et la Bosnie et, de plus, que «les Parties elles-mêmes
n’[avaient] formulé aucune réserve à cet effet» (C.I.J. Recueil 1996 (II),

p. 617, par. 34). La Croatie rappelle en particulier la conclusion de la
Cour en 1996 selon laquelle «[celle-ci avait] compétence en l’espèce pour
assurer l’application de la convention sur le génocide aux faits pertinents
qui [s’étaient] déroulés depuis le début du conflit dont la Bosnie-

Herzégovine [avait] été le théâtre »( ibid.; les italiques sont de moi).
Ce conflit avait éclaté au printemps 1992, tandis que celui qui se dérou-
lait en Croatie avait déjà commencé à l’été 1991.
5. Je partage l’avis de la Cour sur les circonstances qui distinguent la
présente affaire de la précédente, où la question de la compétence avait

été tranchée en premier lieu, en 1996. La Cour souligne maintenant que,
en la présente espèce, «les Parties ont soumis des arguments relatifs aux
conséquences à tirer du fait que la RFY n’est devenue un Etat et une par-
tie à la convention sur le génocide que le 27 avril 1992 » (arrêt, par. 124;
les italiques sont de moi). Je tiens à ajouter que cette question n’a pas

été soumise à la Cour en 1996. Aucune des Parties en l’affaire Bosnie-

108517 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP.OP .TOMKA )

by either party in the Bosnia and Herzegovina case; nor did the Court
take any position with respect to the exact date on which the FRY
became party to the Convention. The FRY persisted at that time in its

claim in the United Nations that it continued the international legal per-
sonality of the former Yugoslavia. The Court limited itself to the conclu-
sion that the Federal Republic of “Yugoslavia was bound by the provi-
sions of the Convention on the date of the filing of the Application in the
[Bosnia and Herzegovina] case, namely, on 20 March 1993” (I.C.J.

Reports 1996 (II), p. 610, para. 17). It reached that conclusion by briefly
observing that “[t]he proceedings instituted before the Court are between
two States whose territories are located within the former Socialist Fed-
eral Republic of Yugoslavia” (ibid.). It then noted that the SFRY signed
the Genocide Convention on 11 December 1948 and deposited its instru-

ment of ratification, without reservation, on 29 August 1950. It further
recalled a formal declaration adopted at the time of the proclamation of
the FRY on 27 April 1992 stating that:

“‘The Federal Republic of Yugoslavia, continuing the State, inter-
national legal and political personality of the Socialist Federal

Republic of Yugoslavia, shall strictly abide by all the commitments
that the Socialist Federal Republic of Yugoslavia assumed interna-
tionally.’” (Ibid.)

The Court, avoiding the issue of the claimed continuity of the interna-
tional legal personality of the SFRY by the FRY, simply noted that:

“This intention thus expressed by Yugoslavia to remain bound by
the international treaties to which the former Yugoslavia was party
was confirmed in an official Note of 27 April 1992 from the Perma-

nent Mission of Yugoslavia to the United Nations, addressed to the
Secretary-General. The Court observes, furthermore, that it has not
been contested that Yugoslavia was party to the Genocide Conven-
tion.” (Ibid.)

6. In the present case, as the Court summarises, “Serbia contended
that, not having been a State before 27 April 1992, acts that occurred

before that date cannot be attributed to it and that, not having been a
party to the Convention, it could not have breached any obligation under
it” (Judgment, para. 124).
7. The Court takes the view, without any explanation or justification,
that “the question of the temporal scope of its jurisdiction is closely

bound up with these questions of attribution, presented by Serbia as a
matter of admissibility rather than of jurisdiction, and thus has to be
examined in the light of these issues” (ibid.). That assertion is question-
begging. How can the question of jurisdiction (including its temporal
scope), which relates to the consent of the Parties, be “closely bound”

with the question of attribution of conduct, which belongs to the law of

109 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE OP .IND .TOMKA ) 517

Herzégovine n’a soulevé la question de savoir si la RFY était partie à
la convention sur le génocide; la Cour n’a pas davantage pris position
quant à la date exacte à laquelle celle-ci y était devenue partie. A cette

époque, la RFY persistait à déclarer à l’Organisation des Nations Unies
qu’elle assurait la continuité de la personnalité juridique internationale de
l’ex-Yougoslavie. La Cour s’est contentée de conclure que la République
fédérale de «Yougoslavie était liée par les dispositions de la Convention
à la date du dépôt de la requête en [l’affaire de la Bosnie-Herzégovine]»,

à savoir le 20 mars 1993 (C.I.J. Recueil 1996 (II) , p. 610, par. 17). Elle
est parvenue à cette conclusion en faisant brièvement observer que «[l’]ins-
tance introduite devant la Cour oppose deux Etats dont le territoire est
situé à l’intérieur de l’ex-République fédérative socialiste de Yougosla-
vie» (ibid.). Elle a ensuite noté que la RFSY avait signé la convention

sur le génocide le 11 décembre 1948 et déposé son instrument de ratifica-
tion le 29 août 1950 sans formuler de réserve. Elle a en outre rappelé une
déclaration formelle adoptée au moment de la proclamation de la RFY le
27 avril 1992 selon laquelle:

«[L]a République fédérative de Yougoslavie, assurant la conti-
nuité de l’Etat et de la personnalité juridique et politique internatio-

nale de la République fédérative socialiste de Yougoslavie, respec-
tera strictement tous les engagements que la République fédérative
socialiste de Yougoslavie a pris à l’échelon international.» (Ibid.)

La Cour, évitant la question de la prétendue continuité de la person-
nalité juridique internationale de la RFSY par la RFY, a simplement
noté que:

«[l]’intention ainsi exprimée par la Yougoslavie de demeurer liée par
les traités internationaux auxquels était partie l’ex-Yougoslavie a été
confirmée dans une note officielle du 27 avril 1992 adressée au Secré-

taire général par la mission permanente de la Yougoslavie auprès des
Nations Unies. La Cour observe en outre qu’il n’a pas été contesté
que la Yougoslavie soit partie à la convention sur le génocide.»
(Ibid.)

6. Dans la présente affaire, comme la Cour le résume, «[l]a Serbie a
affirmé que, étant donné qu’elle n’était alors pas un Etat, de tels actes ne

pouvaient lui être attribués et que, n’étant alors pas partie à la Conven-
tion, elle ne pouvait avoir violé aucune obligation prévue par cet instru-
ment» (arrêt, par. 124).
7. La Cour considère, sans expliciter ou justifier sa position, que «la
question de la portée temporelle de sa compétence est étroitement liée à

ces aspects relatifs à l’attribution ... et [qu’]il convient donc de l’examiner
en tenant compte de ces éléments» (ibid.). Cette affirmation est spé-
cieuse. Comment la question de la compétence (y compris sa portée tem-
porelle), qui se rapporte au consentement des Parties, peut-elle être
«étroitement liée» à la question de l’attribution d’une conduite, qui

relève du droit de la responsabilité des Etats et ainsi, de toute évidence,

109518 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP.OP. TOMKA )

State responsibility, and thus clearly to the merits phase? The Court only
summarily addresses the issue of the attribution of acts that occurred
prior to 27 April 1992, recalling the arguments of Croatia (Judgment,

para. 125) and those of Serbia (ibid., para. 126) to conclude that “the
questions of jurisdiction and admissibility raised by Serbia’s preliminary
objection ratione temporis constitute two inseparable issues in the present
case” (ibid., para. 129). By briefly addressing the issues of attribution,
which the Court sees as relating to the admissibility of the claim and for

the ruling on which the Court feels a need to have more factual elements,
the Court postpones its decision on the objection to its jurisdiction per-
ceived by it as being of a ratione temporis character as well. That latter
issue, in the view of the Court, concerns its jurisdiction

“to determine whether breaches of the Genocide Convention were
committed in the light of the facts that occurred prior to the date on
which the FRY came into existence as a separate State, capable of

being a party in its own right to the Convention” (ibid.; emphasis
added).

The Court explains that this issue “may be regarded as a question of
the applicability of the obligations under the Genocide Convention to the
FRY before 27 April 1992” (ibid.).
8. Croatia has always denied that the FRY continued the international

legal personality of the SFRY. It consistently maintained that the FRY
has been one of the five equal successors of the SFRY. Croatia argued
that the FRY became a party to the Genocide Convention by succession,
which “is retrospective to the commencement of the successor State”
(CR 2008/11, p. 9, para. 8). It unambiguously stated that “[t]he Respon-

dent was a party by succession to the Genocide Convention from the
beginning of its existence as a State” (ibid., para. 7).
9. The Court has determined that the FRY did indeed acquire the sta-
tus of party to the Convention by a process that is to be regarded as suc-
cession. The Court came to the conclusion that “the 1992 declaration and

Note had the effect of a notification of succession by the FRY to the
SFRY in relation to the Genocide Convention” (Judgment, para. 117).
Accordingly, the FRY became a party to the Genocide Convention at its
“commencement” as a successor State. There is agreement that 27 April

1992 is that date. It has never been contested by any State (nor by
Croatia) that the FRY became on that date a party to all those interna-
tional conventions deposited with the Secretary-General of the United
Nations to which it notified succession. The Genocide Convention is no
exception.

10. There is no doubt that the Genocide Convention was binding on
the SFRY since 12 January 1951, when it entered into force in accord-
ance with Article XIII, until its dissolution and thus was applicable in
respect of its entire territory (Article 29 of the Vienna Convention on the
Law of Treaties codifying the relevant rule of customary international

law; see also Application of the Convention on the Prevention and Pun-

110 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE OP .IND .TOMKA ) 518

du stade du fond? La Cour ne traite que sommairement de la question de
l’attribution des actes antérieurs au 27 avril 1992, rappelant les argu-
ments de la Croatie (arrêt, par. 125) ainsi que ceux de la Serbie (ibid.,

par. 126), et concluant que «les questions de compétence et de recevabi-
lité soulevées par l’exception préliminaire ratione temporis de la Serbie
constituent, en la présente affaire, deux questions indissociables» (ibid.,
par. 129). En examinant brièvement les questions d’attribution, qu’elle
considère comme touchant à la recevabilité de la demande et qu’elle

n’estime pas pouvoir trancher sans disposer d’autres éléments factuels, la
Cour diffère sa décision sur l’exception d’incompétence qui, selon elle,
revêt aussi un caractère ratione temporis. Cette dernière question, de
l’avis de la Cour, porte sur sa compétence

«pour déterminer si des violations de la convention sur le génocide
ont été commises, à la lumière des faits antérieurs à la date à laquelle
la RFY a commencé à exister en tant qu’Etat distinct, ayant à ce

titre la capacité d’être partie à cet instrument» (ibid.; les italiques
sont de moi).

La Cour explique que cette question «revient à se demander si les obli-
gations en vertu de la Convention étaient opposables à la RFY antérieu-
rement au 27 avril 1992» (ibid.).
8. La Croatie a toujours nié que la RFY ait assuré la continuité de la

personnalité morale internationale de la RFSY. Elle a constamment sou-
tenu que la RFY était l’un des cinq Etats successeurs égaux de la RFSY.
La Croatie a fait valoir que la RFY était devenue partie à la convention
sur le génocide par succession, laquelle «rétroagi[ssait] à la naissance de
l’Etat successeur» (CR 2008/11, p. 9, par. 8). Elle a déclaré sans équi-

voque que «[le défendeur] était partie à la convention sur le génocide, par
succession, dès le début de son existence en tant qu’Etat» (ibid., par. 7).
9. La Cour a établi que la RFY avait bien acquis le statut de partie à
la Convention par un processus équivalant à une succession. Elle est par-
venue à la conclusion que «la déclaration et la note de 1992 ont eu l’effet

d’une notification de succession de la RFY à la RFSY à l’égard de la
convention sur le génocide» (arrêt, par. 117). Partant, la RFY est deve-
nue partie à la convention sur le génocide lors de sa «naissance» en tant
qu’Etat successeur. Il est admis que cette date est le 27 avril 1992. Aucun

Etat (y compris la Croatie) n’a jamais contesté que la RFY était devenue,
à cette date, partie à toutes les conventions internationales déposées
auprès du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies auquel
elle a notifié sa succession. La convention sur le génocide n’y fait pas
exception.

10. Il n’est pas douteux que la RFSY a été liée par la convention sur le
génocide depuis le 12 janvier 1951, date de l’entrée en vigueur de celle-ci
en vertu de l’article XIII, jusqu’à sa dissolution, et que la Convention
était donc applicable à l’ensemble de son territoire (article 29 de la
convention de Vienne sur le droit des traités codifiant la règle applicable du

droit international coutumier; voir aussiApplication de la convention pour

110519 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP. OP.TOMKA )

ishment of the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Yugosla-
via), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1996 (II) , p. 610,
para. 17). There was not a single day during the armed conflict which

broke out in 1991 in the territory of the SFRY and ravaged until 1995
when the Convention would not have been applicable in that territory.
This is so because, so long as the SFRY continued to exist, it remained
party to the Genocide Convention and thus bound by its provisions. As
its constituent republics gradually seceded from the Federation and

declared independence, they became parties to the Convention on the
basis of succession with effect from the date when these republics assumed
responsibility for their international relations, Slovenia determining this
date as being 25 June 1991, Croatia 8 October 1991, the former Yugoslav
Republic of Macedonia 17 September 1991, and Bosnia and Herzegovina

6 March 1992. In the present case, the Court determined that the FRY
(Serbia and Montenegro) became party to the Genocide Convention
by succession, ascribing to the declaration of 27 April 1992 and the
Note of the same date “the effect of a notification of succession by the

FRY to the SFRY in relation to the Genocide Convention” (Judgment,
para. 117).
Consequently, there was no hiatus or gap in the protection afforded by
the Genocide Convention during the conflict, a concern expressed by
counsel for Croatia (CR 2008/10, pp. 34-36, paras. 19-21) when address-

ing the arguments of Serbia regarding the temporal application of the
Convention.
The aim of avoiding a lacuna in the applicability of the Genocide Con-
vention in the context of violence accompanying the process of the
SFRY’s dissolution was stressed by several judges in their separate

opinions in the case concerning Application of the Convention on the Pre-
vention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and Herze-
govina v. Yugoslavia) (Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports
1996 (II); separate opinion of Judge Shahabuddeen, p. 635; separate
opinion of Judge Weeramantry, p. 651; and separate opinion of Judge

Parra-Aranguren, p. 656).
The Convention was applicable at every moment during the prolonged
armed conflict in the territory of the former SFRY, but it was to be
applied by different States at different periods as the SFRY had been in

the process of dissolution and its successor States, on different dates,
gradually acquired international legal personality and the status of parties
to the Convention from the very moment of their existence as sovereign
States.
11. Therefore, the issue before the Court is not the retroactive applica-

tion of the Genocide Convention. The issue is rather the interpretation of
the compromissory clause contained in Article IX and the determination
of the Court’s jurisdiction thereby conferred.
12. Under Article IX of the Genocide Convention, the Court has juris-
diction to consider and adjudicate the “disputes between the Contracting

Parties relating to the interpretation, application or fulfilment of the

111 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND.TOMKA ) 519

la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Yougoslavie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II) ,
p. 610, par. 17). Au cours du conflit qui a commencé en 1991 sur le

territoire de la RFSY et pris fin en 1995, la Convention n’a pas un
seul jour cessé d’être applicable sur ce territoire. En effet, tant que la
RFSY continuait d’exister, elle demeurait partie à la convention sur le
génocide, dont les dispositions étaient donc contraignantes pour elle.
Lorsque ses républiques constituantes ont fait sécession l’une après l’autre

et déclaré leur indépendance, elles sont devenues parties à la Convention
par voie de succession à compter de la date à laquelle elles ont assumé la
responsabilité de leurs relations internationales, la Slovénie ayant fixé
cette date au 25 juin 1991, la Croatie au 8 octobre 1991, l’ex-République
yougoslave de Macédoine au 17 septembre 1991 et la Bosnie-Herzégovine

au 6 mars 1992. Dans la présente affaire, la Cour a établi que la RFY
(Serbie et Monténégro) est devenue partie à la convention sur le géno-
cide par succession, attribuant à la déclaration du 27 avril 1992 et à
la note datée du même jour «l’effet d’une notification de succession de

la RFY à la RFSY à l’égard de la convention sur le génocide» (arrêt,
par. 117).
Partant, il n’y a pas eu d’interruption ni de coupure dans la protection
conférée par la convention sur le génocide durant le conflit, comme a
tenu à le faire valoir le conseil de la Croatie (CR 2008/10, p. 34-36,

par. 19-21) lorsqu’il a examiné les arguments de la Serbie concernant
l’application de la Convention dans le temps.
Le souci d’éviter une solution de continuité dans l’applicabilité de la
convention sur le génocide, eu égard à la violence qui est allée de pair
avec le processus de dissolution de la RFSY, a été mis en avant par plu-

sieurs juges dans leurs opinions individuelles en l’affaire relative à l’Appli-
cation de la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie) (exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II) , p. 635, opinion individuelle du juge Sha-
habuddeen; p. 651, opinion individuelle du juge Weeramantry; et p. 656,

opinion individuelle du juge Parra-Aranguren).
La Convention n’a jamais cessé d’être applicable durant le long conflit
armé qui s’est déroulé sur le territoire de l’ex-RFSY, mais elle a dû être
appliquée au fil du temps par différents Etats étant donné que la RFSY

était en cours de dissolution, et que ses Etats successeurs, l’un après
l’autre, ont acquis une personnalité juridique internationale et le statut de
partie à la Convention dès le moment où ils sont nés en tant qu’Etats
souverains.
11. Par conséquent, la question soumise à la Cour ne concerne pas

l’application rétroactive de la Convention mais l’interprétation de la
clause compromissoire contenue à l’article IX et la détermination de la
compétence ainsi conférée à la Cour.
12. Aux termes de l’article IX de la convention sur le génocide, la
Cour a compétence pour connaître des «différends entre les parties

contractantes relatifs à l’interprétation, l’application ou l’exécution de la

111520 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP. OP.TOMKA )

present Convention, including those relating to the responsibility of a
State for genocide”. Croatia, relying on this provision, has brought
before the Court the dispute with Serbia which, according to Croatia,

“relates to the interpretation and application of the Genocide Conven-
tion” (Application, para. 30; emphasis added). The Court has deter-
mined, as the title of both the case under which it was entered in its
General List and of the present Judgment indicate, that the case at hand
concerns the application of the Convention. In order to fall within the

ambit of Article IX of the Convention, the dispute must be about the
interpretation or application of the Convention by the Contracting Parties
to it, and not about the application of the Convention by the predecessor
State of the Contracting Party to the Convention (although such pred-
ecessor State may have been, and in our case was, party to the Conven-

tion), nor about its application by an entity which was not the State party
to the Convention and which only subsequently came into being as a
State and became a party to it. The constituent units of the SFRY were
not the Contracting Parties to the Convention, as only the SFRY itself

had that status; the acts of its constituent units were considered as the
acts of the SFRY.
13. Under the rule of customary international law codified in Article 4
of the ILC Articles on Responsibility of States for Internationally Wrong-
ful Acts, the conduct of an organ of a territorial unit of the State (and

both Croatia and Serbia were territorial or constituent units of the
SFRY) is considered as an act of the State, attributed to this State and
thus engaging the international responsibility of that State, if it is not in
conformity with what is required by an international obligation resting
upon that State. When that State ceases to exist, as was the case of the

SFRY which disintegrated in the process of dissolution which was com-
pleted before summer 1992, as stated in Opinion No. 8 of 4 July 1992
issued by the Arbitration Commission of the Conference on Yugoslavia
(International Legal Materials , 1992, Vol. XXXI, p. 1523), the issue of
succession to responsibility may arise. Similarly, when a territorial unit of

a predecessor State succeeds in its effort to secede and establishes itself as
a separate State, the issue of the responsibility of the separate State for
acts which were committed by the organs of that entity before it estab-
lished itself as a State with international legal personality may arise.

But clearly, regarding these two issues, neither that of succession into
responsibility of the predecessor State nor that of the responsibility of
an entity for acts committed before it became a State — and thus
could have become a party to the Genocide Convention — fall
within the jurisdiction of the Court under Article IX of the

Genocide Convention. That jurisdiction covers “disputes between
the Contracting Parties relating to the interpretation, application or
fulfilment of the . . . Convention” by its Contracting Parties. The
FRY, now continuing as Serbia, became a Contracting Party on
27 April 1992.

112 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. TOMKA ) 520

présente Convention, y compris ceux relatifs à la responsabilité d’un Etat
en matière de génocide». S’appuyant sur cette disposition, la Croatie a
soumis à la Cour le différend qui l’oppose à la Serbie, qui, selon elle,

«porte ... sur l’interprétation et l’application de la convention sur le géno-
cide» (requête, par. 30; les italiques sont de moi). Ainsi que l’attestent le
titre sous lequel l’affaire a été inscrite au rôle général et l’intitulé du pré-
sent arrêt, la Cour a établi que la présente espèce concerne l’application
de la Convention. Pour relever de l’article IX de la Convention, le diffé-

rend doit porter sur l’interprétation ou l’application de la Convention par
les parties contractantes, et non sur l’application de la Convention par
l’Etat prédécesseur de la partie contractante (même si ledit Etat prédéces-
seur peut avoir été, comme c’est le cas en l’espèce, partie à la Conven-
tion). Il ne doit pas non plus concerner l’application de la Convention

par une entité qui n’était pas l’Etat partie à celle-ci et qui n’a vu le jour en
tant qu’Etat et n’y est devenu partie que plus tard. Les entités constitu-
tives de la RFSY n’étaient pas des parties contractantes à la Convention,
puisque seule la RFSY avait ce statut; les actes des entités constitutives

étaient considérés comme les actes de la RFSY.

13. Selon la règle du droit international coutumier codifiée dans l’ar-
ticle 4 du projet d’articles de la Commission du droit international sur la
responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite, le comporte-

ment d’un organe d’une collectivité territoriale de l’Etat (et la Croatie et
la Serbie étaient toutes deux des collectivités territoriales ou des entités
constitutives de la RFSY) est considéré comme un fait de l’Etat, attribué
à l’Etat et engageant ainsi la responsabilité internationale de l’Etat,
s’il n’est pas conforme à l’obligation internationale qui incombe à

celui-ci. Lorsque l’Etat cesse d’exister, ainsi qu’il en a été de la RFSY,
qui s’est désintégrée lors du processus de dissolution achevé avant
l’été 1992, comme l’expose l’opinion n 8 du 4 juillet 1992 de la com-
mission d’arbitrage de la conférence sur la Yougoslavie (International
Legal Materials, 1992, vol. XXXI, p. 1523), la question de la succes-

sion en matière de responsabilité peut se poser. De la même façon,
lorsqu’une entité territoriale d’un Etat prédécesseur parvient à faire
sécession et devient un Etat distinct, la question de la responsabilité
de l’Etat distinct pour les actes commis par les organes de cette entité

avant qu’elle ne se constitue en Etat doté d’une personnalité juridique
internationale peut se poser. Mais, à l’évidence, aucune de ces deux ques-
tions, qu’il s’agisse de la succession à l’Etat prédécesseur en matière de
responsabilité ou de la responsabilité d’une entité pour des actes commis
avant de devenir un Etat — et d’avoir ainsi pu devenir partie à la conven-

tion sur le génocide —, ne relève de la compétence de la Cour aux termes
de l’article IX de la convention sur le génocide. Ladite compétence com-
prend «[l]es différends entre les parties contractantes relatifs à l’interpré-
tation, l’application ou l’exécution de la ... Convention». La RFY, dont
la Serbie est à présent le continuateur, est devenue partie contractante le

27 avril 1992.

112521 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP. OP.TOMKA )

14. The situation in Gabc ˇíkovo-Nagymaros Project (Hungary/Slova-
kia) was different. There, although the relevant acts occurred before the
dissolution of Czechoslovakia, the Court was given the jurisdiction and

specifically asked in the Special Agreement (Art. 2), concluded by
Hungary and Slovakia on 7 April 1993, “whether the Czech and Slovak
Federal Republic was entitled to proceed, in November 1991, to the ‘pro-
visional solution’ and to put into operation from October 1992 this system”
(Judgment, I.C.J. Reports 1997 , p. 11, para. 2). It is to be noted that the

acts, despite in reality being performed on the ground by Slovak authori-
ties, were always considered by the Court as those of Czechoslovakia
(ibid., pp. 46-57, paras. 60-88) and, in relation to them, the Court refers
to Czechoslovakia and not to Slovakia in the operative clause (ibid.,
p. 82, para. 155 (1) B and C). When the Court addressed the issue of the

consequences of its Judgment, as it was asked in Article 2, paragraph 2,
of the Special Agreement, it recalled that: “According to the Preamble of
the Special Agreement, the Parties agreed that Slovakia is the sole suc-
cessor State of Czechoslovakia in respect of rights and obligations relat-

ing to the Gabcˇíkovo-Nagymaros Project.” (Ibid., p. 81, para. 151.) The
Court therefore considered that:

“Slovakia thus may be liable to pay compensation not only for its
own wrongful conduct but also for that of Czechoslovakia, and it is
entitled to be compensated for the damage sustained by Czechoslo-
vakia as well as by itself as a result of the wrongful conduct of Hun-
gary.” (Ibid.)

15. In the present case, the Court was not given jurisdiction by the
FRY to consider the acts of the predecessor State, the SFRY. Nor is Ser-

bia the sole successor of the SFRY; it is one of the five equal successors
of the SFRY.
16. Although the Court rightly says that “in the present case, the
Parties advanced arguments relating to the consequences to be drawn
from the fact that the FRY only became a State and a party to the Geno-

cide Convention on 27 April 1992” (Judgment, para. 124), it avoids
drawing such conclusions, justifying its convenient choice by a need to
have more elements before it (ibid., para. 129).
17. I consider that the question of “consequences to be drawn from

the fact that the FRY became a State and a Party to the Genocide
Convention on 27 April 1992” is a legal question which should be
decided already at this stage and for the answering of which there is
no need of any further information. In reality, the Court, in the space
of the 15 years between 1993 and 2008, had to deal repeatedly with

issues relating to the legal status of the FRY and its participation in
the Genocide Convention, and all necessary information has been
put before it. What is conspicuous is that the Court does not even
indicate what other elements it needs. The legal issue which Serbia
raised before the Court is not case-specific, but rather of general

application. In my conscience, I am unable to follow the course of action

113 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. TOMKA ) 521

14. Dans l’affaire relative au Projet Gabc ˇíkovo-Nagymaros (Hongrie/
Slovaquie), la situation était différente car, si les actes pertinents étaient
antérieurs à la dissolution de la Tchécoslovaquie, la Cour fut déclarée
compétente et expressément priée, selon les termes de l’article 2 du com-

promis conclu par la Hongrie et la Slovaquie le 7 avril 1993, de dire «si la
République fédérative tchèque et slovaque était en droit de recourir,
en novembre 1991, à la «solution provisoire» et de mettre en service, à
partir d’octobre 1992, ce système» (arrêt, C.I.J. Recueil 1997 ,p .,
par. 2). Il y a lieu de noter que ces actes, certes commis sur le terrain par

les autorités slovaques, ont toujours été considérés par la Cour comme
ceux de la Tchécoslovaquie (ibid., p. 46-57, par. 60-88) et, en ce qui les
concerne, la Cour désigne la Tchécoslovaquie et non la Slovaquie dans le
dispositif (ibid., p. 82, par. 155, point 1, al. B) et C)). Lorsque la Cour a
examiné la question des conséquences de son arrêt, ainsi que l’exigeait le

paragraphe 2 de l’article 2 du compromis, elle a rappelé qu’«[a]ux termes
du préambule du compromis, les Parties sont convenues que la Slovaquie
est l’unique Etat successeur de la Tchécoslovaquie en ce qui concerne les
droits et obligations relatifs au projet Gabc ˇíkovo-Nagymaros» (ibid.,
p. 81, par. 151). La Cour a dès lors considéré que

«[l]a Slovaquie peut donc être tenue de verser des indemnités, non
seulement pour ses propres faits illicites, mais aussi pour ceux de la

Tchécoslovaquie, et elle a le droit d’être indemnisée des dommages
subis tant par la Tchécoslovaquie que par elle-même en raison du
comportement illicite de la Hongrie» (ibid.).

15. Dans la présente affaire, la RFY n’a pas donné compétence à la
Cour pour examiner les actes de l’Etat prédécesseur, la RFSY. La Serbie
n’est pas non plus le seul successeur de la RFSY; elle est l’un des cinq
Etats successeurs égaux de la RFSY.

16. Tout en affirmant à juste titre que, «en la présente espèce, les
Parties ont soumis des arguments relatifs aux conséquences à tirer du fait
que la RFY n’est devenue un Etat et une partie à la convention sur le
génocide que le 27 avril 1992» (arrêt, par. 124), la Cour évite de tirer de
telles conclusions, choix qu’elle justifie commodément par la nécessité de

disposer de davantage d’éléments (ibid., par. 129).
17. J’estime que la question des «conséquences à tirer du fait que la
RFY n’est devenue un Etat et une partie à la convention sur le génocide
que le 27 avril 1992» est une question juridique qui devrait être tranchée
à ce stade de la procédure, et qu’il n’est pas nécessaire de disposer de
davantage d’éléments d’information pour y répondre. En réalité, en

l’espace de quinze années entre 1993 et 2008, la Cour a dû à plusieurs
reprises examiner des questions relatives au statut juridique de la RFY et
à sa participation à la convention sur le génocide, et toutes les informa-
tions nécessaires lui ont été soumises. Il est remarquable que la Cour
n’indique même pas quels autres éléments lui sont nécessaires. La ques-

tion juridique que la Serbie a soulevée devant la Cour n’est pas spécifique
à la présente espèce mais d’application générale. En conscience, je ne puis

113522 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP. OP.TOMKA )

adopted by the majority and respectfully and not without regret
disagree.

*

18. The conclusion I reach is a consequence of the fact that the FRY
(now Serbia) is one of the successor States of the SFRY, the position
always maintained by Croatia. Had the FRY continued the international
legal personality of the SFRY, the question of the Court’s jurisdiction to

consider acts committed before 27 April 1992 could not have been rele-
vant.
Furthermore, as Croatia noted, the argument of Serbia is “limited only
to some of the ‘gravest incidents’ — such as the atrocities in Vukovar and
the shelling of Dubrovnik — which occurred between 25 August 1991

and the end of that year” (Written Statement of Croatia, 29 April 2003,
p. 11, para. 3.2).
19. The conclusion on the scope of the Court’s jurisdiction, based on
the interpretation of the compromissory clause contained in Article IX of
the Convention, does not amount to the exclusion of responsibility of

those who committed so many serious atrocities during the armed con-
flict in the territory of Croatia. Nor does that conclusion prevent the
responsibility of the State to which the acts of the perpetrators of such
atrocities may be attributed. As the Court has reminded on a number of
occasions (see e.g., Armed Activities on the Territory of the Congo (New

Application: 2002) (Democratic Republic of the Congo v. Rwanda),
Jurisdiction and Admissibility, Judgment, I.C.J. Reports 2006 , pp. 50-51,
para. 123), there is a fundamental distinction between the acceptance by
States of its jurisdiction (and the scope thereof) and the conformity of
their acts with international law. States remain responsible for acts attrib-

utable to them which are contrary to international law although such acts
may have been committed during the period over which the jurisdiction
of the Court does not extend.
20. May I add that a number of persons were indicted by the Prosecu-
tor of the International Criminal Tribunal for the former Yugoslavia for

atrocities committed in Vukovar and Dubrovnik in order to establish
individual criminal liability for their commission. Some of those cases
have been completed (Jokic ´ (case IT-01-42/1 “Dubrovnik”); Strugar
(case IT-01-42 “Dubrovnik”)); some closed due to the death of the
accused (Slobodan Miloševic ´ (case IT-02-54 “Kosovo, Croatia and Bos-
nia”); Dokmanovic ´ (case IT-95-13a “Vukovar Hospital”)); another is

pending before the Appeal Chamber (Mrks ´i´ et al. (case IT-95-13/1
“Vukovar Hospital”)); yet another is at the trial stage (Šešelj (case IT-
03-67)); finally, in another case, one accused is still at large (Hadžic ´
(case IT-04-75)). The case of one accused (Kovac ˇevi´ (case IT-01-42/2
“Dubrovnik”)) was referred by the ICTY to the Republic of Serbia.

Other cases have been dealt with by national judicial authorities. How-
ever, one cannot but notice that no accused was charged by the Prosecu-

114 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. TOMKA ) 522

suivre la ligne de conduite adoptée par la majorité et me permets, non
sans regret, de ne pas y souscrire.

*

18. Je tire cette conclusion du fait que la RFY (à présent la Serbie) est
l’un des Etats successeurs de la RFSY, ce que la Croatie a toujours
soutenu. Si la RFY avait assuré la continuité de la personnalité juri-

dique internationale de la RFSY, la question de la compétence de la Cour
pour connaître d’actes commis avant le 27 avril 1992 n’aurait pu être
pertinente.
En outre, ainsi que la Croatie l’a noté, l’argument de la Serbie «ne

concerne que certains des «incidents les plus graves» — tels que les atro-
cités commises à Vukovar et le bombardement de Dubrovnik — qui
eurent lieu entre le 25 août 1991 et la fin de la même année» (exposé écrit

de la Croatie, 29 avril 2003, p. 9, par. 3.2).
19. La conclusion sur l’étendue de la compétence de la Cour, fondée
sur l’interprétation de la clause compromissoire contenue à l’article IX de
la Convention, n’implique pas que soient dégagés de leur responsabilité

ceux qui ont commis de si nombreuses atrocités lors du conflit armé sur
le territoire de la Croatie; elle n’exclut pas non plus la responsabilité de
l’Etat auquel peuvent être imputés les actes des auteurs de ces atrocités.
Ainsi que la Cour l’a rappelé à plusieurs occasions (voir par exemple

Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête: 2002)
(République démocratique du Congo c. Rwanda), compétence et receva-
bilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2006 , p. 50-51, par. 123), il existe une distinc-
tion fondamentale entre l’acceptation de sa compétence par les Etats (et

de l’étendue de celle-ci) et la conformité de leurs actes avec le droit inter-
national. Les Etats demeurent responsables d’actes qui leur sont imputa-
bles et qui sont contraires au droit international, quand bien même de

tels actes auraient été commis à une époque pour laquelle la Cour n’a pas
compétence.
20. Je me permets d’ajouter que le procureur du Tribunal pénal inter-
national pour l’ex-Yougoslavie a mis en accusation plusieurs personnes à

raison des atrocités commises à Vukovar et Dubrovnik, aux fins d’établir
leur responsabilité pénale individuelle. Certaines de ces affaires ont été
jugées (Joki´ (affaire n IT-01-42/1 «Dubrovnik»); Strugar (affaire n IT-o
01-42 «Dubrovnik»)); dans d’autres, la mort de l’accusé a mis fin à l’ins-
o
tance (Slobodan Miloševic ´ (afoaire n IT-02-54 «Kosovo, Croatie et Bos-
nie»); Dokmanovic ´ (affaire n IT-95-13a «hôpital de Vukovar»)); une
autre est pendante devant la chambre d’appel (Mrks ´´ et autres
(affaire n IT-95-13/1 «hôpital de Vukovar»)); une autre en est toujours
o
au stade du procès en première instance (Šešelj (affaire n IT-03-67));
enfin, dans une autre affaire encore, un accusé est toujours en fuite (Had-
ži´ (affaire no IT-04-75)). Le TPIY a renvoyé le procès d’un accusé
(Kovacˇevi´ (affaire n o IT-01-42/2 «Dubrovnik»)) à la République de

Serbie. D’autres affaires ont été traitées par les autorités judiciaires natio-

114523 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (SEP. OP.TOMKA )

tor of the ICTY of a crime of genocide or the other acts enumerated in
Article III of the Genocide Convention in relation to the tragic events
which occurred in the territory of Croatia. They were charged with vio-

lations of the laws or customs of war (war crimes) and/or with crimes
against humanity.

21. It remains to be seen how Croatia wishes to establish before this
Court, whose procedure is not criminal, that the crime of “genocide has

been perpetrated, and that the FRY is responsible for genocide” (Memo-
rial of Croatia, p. 8, para. 1.17), despite the fact that the ICTY “has
ot..iditntgtteposm tsolfr
genocide in Croatia” (ibid., p. 3, para. 1.07). But this matter is for the
merits, which hopefully will not take nine more years to resolve and thus

to close this unfortunate and painful chapter in Croatian-Serbian rela-
tions.

(Signed) Peter T OMKA .

115 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (OP. IND. TOMKA ) 523

nales. On ne saurait toutefois manquer d’observer que le procureur du

TPIY n’a accusé personne de crime de génocide ou d’autres actes énumé-
rés à l’article III de la convention sur le génocide en ce qui concerne les
événements tragiques qui ont eu lieu sur le territoire croate. Ces per-
sonnes ont été accusées de violations des lois ou coutumes de la guerre

(crimes de guerre) et/ou de crimes contre l’humanité.
21. Reste à savoir par quels moyens la Croatie jugera bon de faire
valoir devant la Cour, qui n’applique pas une procédure pénale, qu’un
crime de «génocide a été commis, et que la RFY est responsable du géno-

cide» (mémoire de la Croatie, p. 8, par. 1.17), bien que le TPIY «n’ait
pas ... établi d’actes d’accusation contre les personnes portant les plus
lourdes responsabilités dans le génocide en Croatie» (ibid., p. 3, par. 1.07).
Toutefois, cette question doit être réservée au stade du fond. Espérons

qu’il ne faudra pas attendre encore neuf ans pour la régler et clore ainsi
ce chapitre regrettable et douloureux des relations serbo-croates.

(Signé) Peter T OMKA .

115

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Document Long Title

Opinion individuelle de M. le juge Tomka

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