Opinion dissidente de M. Buergenthal (traduction)

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131-20040130-ORD-01-01-EN
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131-20040130-ORD-01-00-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE BUERGENTHAL

[Traduction]

1. J'ai votécontre la présenteordonnance car j'estime que la décision
de la Cour est juridiquement erronée sur le plan dr:sprincipes.
2. Israël conteste la participation du juge Elaraby a cette procédure au
motif que ses antécédentsprofessionnels et les déclarations personnelles
qu'il a pu faire concernant des sujets qui touchentu fond de la question
soumise à la Cour dans la demande d'avis consultzltif commandent qu'il
ne siègepas en l'espèce.
3. Pour ce qui est d'esactivités professionnellesqu'a exercéeslejugeEla-
raby en qualité de représentant diplomatiqueet de conseillerjuridique de

son pays, la Cour rejette l'objection d'Israël en coiicluant que, ayanté
accompliesde nombreuses années avant quela ques*.ionde la construction
du mur actuellement soumise à la Cour ne soit soulevéepour la première
fois,ces activitésne relèventpas des cas visésau paragraphede l'article 17
du Statut, qui empêcheraientla participation du juge Elarabyà l'affaire.
4. En ce qui concerne l'entretien que le juge Elaraby a accordé à un
journal deux mois avant d'être él u la Cour, â ur moment où il n'était
plus le représentant diplomatique de son pays, la Cour n'y voit pas un
motif d'exclure laparticipation du juge Elaraby à la présente procédure,
celui-ci n'ayant ((expriméaucune opinion sur la question poséedans la
présenteespèce ».
5. Selon Israël, le juge Elaraby devrait être ismpêché de siégeren

l'affaire au motif, notamment, que les vues qu'ila expriméeslors de cet
entretien se rapportent directement à des questioris dont la Cour devra
traiter en réponse a la demande d'avis consultatif et sont de nature à
créerune apparence de partialité incompatible avtc une bonne adminis-
tration de la justice.
6. En principe, je partage l'opinion de la Cour selon laquelle les acti-
vités accompliespar lejuge Elaraby dans l'exercicede sesfonctions diplo-
matiques et gouvernementales ne relèvent pas des cas visésau para-
graphe 2 de l'article 17 du Statut de la Cour, qui empêcheraient sa
participation à la prksente procédure. Cette conclusion peut se justifier
parce que ces vues n'étaientpas les vues personiielles du juge Elaraby
mais celles de son gouvernement, dont il exécutait les instructions. La

Cour a, par le passé, pris position en ce sens dans l'affaire desConsé-
quences juridiques pour les Etuts de lu yrksence cc~rztinde l'Afrique du
Sud en Namibie (Suur-Ouestajricuinj nonobstant ki r6solution276 (1970)
du Conseil de sécurité(C.I. J. Recueil 1971, p. 1i%p, ar. 9). Bien que je
puisse imaginer des ~rirconstancesdans lesquelles cette règlegénérale ne
résisterait pasà un (examenplus attentif, je suis d'accord avec la Cour
pour l'appliquer à ce cas d'espèce. 7. En revanche, je me séparedes conclusionsde la Cour pour ce qui est
de l'interview accordéepar lejuge Elaraby en août 2001, deux mois avant
son électionà la Cour, alors qu'il nereprésentaitplus son gouvernement
et s'exprimait donc 21titre personnel (voir Al-Ahrarn Weekly Online,
16-22août 2001, no 5.47).
8. Le texte de cette interview contient le passage suivant:

((Aujourd'hui, il [lejuge Elaraby] s'inquiète(l'unetendanceàfaire
lejeu d'Israël et, par conséquent,à marginaliser la question qui est
au cŒur du conflit israélo-arabe, a savoir l'occupation illégitimede
territoires.(11est depuis longtemps patent qu'lsraël, pour gagner du
temps, suit invariablement la politique consistant ((établirdes faits
nouveaux». Ce facteur temps est, pour tout pays, un élément tac-
tique [denégociaition],mais, pour les Israéliens,il s'agit d'une straté-
gie» Des faits nouveaux et des problèmes nouveaux sont ainsi créés

sur le terrain, explique-t-il, et les problèmes plus anciens, essentiels,
sont oubliés, avecpour conséquence de gravis violations du droit
humanitaire comme les atrocitésperpétrées à l'égarddes populations
civiles palestiniennes, mais aussi des actes tels que l'occupation
récente du siège de l'Autorité palestinienne. «Je suis désoléde
m'exprimer ainsi)), poursuit M. Elaraby, «m;~isvous ne voyez pas
aujourd'hui lesPalestiniens, ou tout autre pays arabe, présenterainsi
la question à la communauté internationale: Israël occupe le terri-
toire palestinien et cette occupation constitue en soi une violation du
droit international. Israël s'est,eux reprise:;,par écrit,prenant le
monde entier àtémoin,engagé à mettre en Œuvrela résolution 242
du Conseil de sécurité desNations Unies sur les territoires occupés:
une foisà Camp David envers 1'Egypte[en 15178e 1t une fois a Oslo

envers les Palesitiniens [en19931.))Très récemment, ajoute-t-il, le
gouvernement Sharon a lancé une nouvelle stratégie, destinée a
semer la confusion et à gagner du temps, en qualifiant de ((contes-
tés))des territoires déjàreconnus par Israël comme occupés.Tous
ces éléments, expliqueM. Elaraby, ((visent a 1)rouillerles cartes àt
compliquer toute tentative sérieused'amener israël à quitter les ter-
ritoires occupés. Vous pouvez négocier lesgaranties de sécuritéque
s'appliqueront niutuellement les deux parties. mais vous ne pouvez
pas négocier la question de savoir si vous allez vous retirer ou
non.))»

9. Le paragraphe :!de l'article 17du Statut de la Cour est ainsi conçu:

((2. Ils [les mlcmbresde la Cour] ne peuvent participer au règle-
ment d'aucune affaire dans laquelle ils sont antérieurementiriterve-
nus comme agents, conseils ou avocats de l'une desparties, membres
d'un tribunal national ou international, d'une commission d'enquête,
ou à tout autre titre.))

10. Certes, il est cllairque les termes du paragraphe 2 de l'article 17nes'appliquent pas exactement aux vues expriméespar lejuge Elaraby dans
l'interview mentionnée ci-dessus. Cela ne signif"e toutefois Das .ue c,tte
disposition énonce les seuls motifs susceptibles d'erripêcher un jugede sié-
ger dans une affaire. Elle cite ceux qui seraient gériéralementconsidérés

comme les cas les plus flagrants de violation de I'éihiquejudiciaire: ceux
où un juge entrant dans l'une des catégories énuméréev siendrait à par-
ticiper à une affaire. En même temps, le paragraphe 2 de l'article 17
reflète une conceptiori de la justice et de l'équité quisont requises des tri-
bunaux beaucoup plus large que ne semble l'admettre la cour. L'éthique

judiciaire ne se définit pas simplement par des rigles rigides: je doute
qu'elle puisse jamais être définie de façon exhaustive; elle est affaire
de perception et de sensibilité aux apparences, élémentsque les tribu-
naux doivent constamment avoir présents à l'esprit pour préserver leur
lé"itimité.
11. Une cour de justice doit êtrelibre -- et, selon moi, tenue - d'exa-

miner si l'un de ses juges n'a pas exprimé des vue:, ou pris des positions
créant l'impression qu'il ne pourra pas connaître de manière équitable et
impartiale des questions soulevéesau cours d'une affaire ou d'une pro-
cédure consultative -- en d'autres termes, qu'il a une opinion préconçue
sur une ou plusieurs des questions liéesà l'objet du différend dont la
Cour est saisie. Tel est le sens de la maxime selon laquelle une bonne

administration de la justice exige non seulement que justice soit faite,
mais aussi qu'elle le soit manifestement. A mon sens, tous les tribunaux
doivent guider leur conduite sur ce principe, que leur statut ou autre texte
constitutif le leur prescrive ou non expressément. Cc pouvoir et cette obli-
gation sont contenus implicitement dans le concepi mêmede cour de jus-
tice. dont la mission est l'administration équitable et impartiale de la

justice. Vouloir les exclure du champ du paragraphe 2 de l'article 17 n'est
nijustifiésur le plan juridique ni sage sur le plan de la politique judiciaire.
12. Au paragraphe 8 de la présente ordonnance, la Cour déclareque.
«dans l'entretien accordé à un journal en août 2001, le juge Elaraby n'a
expriméaucune opinion sur la question poséedan la présenteespèce))et
que «dès lors l'intéresséne saurait êtreregardé comme étant (tantérieu-

rement intervenu)) dilns l'affaire à quelque titre qiie ce soit)).
13. C'est là l'interprétation la plus formaliste et la plus étroitedu para-
graphe 2 de l'article 17que l'on puisse imaginer, et une interprétation qui
n'est pas étayéepar les faits. Certes, ilest techniquement vrai que lejuge
Elaraby n'a pas expriméd'opinion sur la questior, précisequi a étésou-

mise à la Cour par L'Assembléegénérale de1'Org;anisation des Nations
Unies. Mais il est également vrai que la Cour nt:pourra pas examiner
cette question sans tenir compte du contexte du conflit israélo-palestinien
et des arguments qui seront nécessairement avancéspar les parties inté-
resséesau cours de cet examen des «conséquencesjuridiques de I'édifica-
tion d'un mur dans le Territoire palestinien occi~pé)).Beaucoup de ces

arguments seront axéssur la validitéet la crédibilitéau regard des faits
d'assertions ayant uri rapport direct avec la questi ln précise soumise à la
Cour dans la requête pour avis consultatif. Or, quant à la validité età lacrédibilitéde ces arguments, l'opinion exprimée par lejuge Elaraby dans
le passage de l'entretien que j'ai cité plushaut créeiine apparence de par-
tialitéqui, selon moi, exige que la Cour exclue sa participation la pré-
sente procédure.
14. Le point import.ant dans la conclusioà laqudle je suis ainsi arrivé
est, selon moi, celui de l'apparence de partialité. Teà mon sens l'objet
du paragraphe 2 de l'article 17, si on l'interprète cmvenablement, et tel
est également I'objetdlel'éthiquejudiciaire. C'est pourquoi je me dissocie
de la présenteordonnance, mêmesije n'ai pas le uloindre doute quant à
l'intégritépersonnelle du juge Elaraby, que je tiens dans la plus haute
estime, non seulement. en tant que collègue mais aiissi en tant qu'ami.

(Sigizi) Thomas BCERGENTHAL.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE BUERGENTHAL

1. 1 have voted against the instant Order because 1 believe that the
Court's decision is wrong as a matter of legal principle.
2. Israel challenges Judge Elaraby's participation in these proceedings
on the ground that his previous professional involvement and persona1
statements on matters which go to the substance of the question before
the Court in this advisory opinion request require that he not participate

in these proceedings.
3. As far as Judge Elaraby's professional activities as diplomatic rep-
resentative of his country and its legal adviser are concerned, the Court
rejects Israel's objection by concluding that these activities, having been
performed many years before the question of the construction of the wall
now submitted to the Court first arose, do not fa11within the activities
contemplated by Article 17,paragraph 2, of the Statute to justify that he
be precluded from participation in the case.
4. With regard to the newspaper interview that Judge Elaraby gave
two months before his election to this Court at a time when he was no
longer his country's diplomatic representative, the Court finds no basis
for precluding Judge Elaraby's participation in these proceedings, because
Judge Elaraby "expressed no opinion on the question put in the present
case".

5. Israel seeks Judge Elaraby's disqualification on the ground, inter
aliu, that the views expressed by Judge Elaraby in the interview bear
directly on issues that will have to be addressed in the advisory opinion
request and that, given their nature, they create an appearance of bias
incompatible with the fair administration of justice.

6. In principle,1 share the Court's opinion that Judge Elaraby's prior
activities, perforrned in the discharge of his diplomatic and governmental
functions, do not fall within the scope of Article 17, paragraph 2, of the
Statute of the Court so as to prevent his participation in these proceed-
ings. This conclusion can bejustified on the ground that these viewswere
not Judge Elaraby's personal views, but those of his Government whose
instructions he was executing. The Court has in the past taken a similar
position in Legal Consequences for States of the Continued Presence of

South Africa in Nurnibiu (South West Africa) notii'ithstunding Security
Council Resolution 276 (1970) (Z.C.J. Reports 1971, p. 18, para. 9).
Although 1 can imagine circumstances where this general rule will not
withstand closer scrutiny, 1 agree with the Court in applying it to the
instant case. OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE BUERGENTHAL

[Traduction]

1. J'ai votécontre la présenteordonnance car j'estime que la décision
de la Cour est juridiquement erronée sur le plan dr:sprincipes.
2. Israël conteste la participation du juge Elaraby a cette procédure au
motif que ses antécédentsprofessionnels et les déclarations personnelles
qu'il a pu faire concernant des sujets qui touchentu fond de la question
soumise à la Cour dans la demande d'avis consultzltif commandent qu'il
ne siègepas en l'espèce.
3. Pour ce qui est d'esactivités professionnellesqu'a exercéeslejugeEla-
raby en qualité de représentant diplomatiqueet de conseillerjuridique de

son pays, la Cour rejette l'objection d'Israël en coiicluant que, ayanté
accompliesde nombreuses années avant quela ques*.ionde la construction
du mur actuellement soumise à la Cour ne soit soulevéepour la première
fois,ces activitésne relèventpas des cas visésau paragraphede l'article 17
du Statut, qui empêcheraientla participation du juge Elarabyà l'affaire.
4. En ce qui concerne l'entretien que le juge Elaraby a accordé à un
journal deux mois avant d'être él u la Cour, â ur moment où il n'était
plus le représentant diplomatique de son pays, la Cour n'y voit pas un
motif d'exclure laparticipation du juge Elaraby à la présente procédure,
celui-ci n'ayant ((expriméaucune opinion sur la question poséedans la
présenteespèce ».
5. Selon Israël, le juge Elaraby devrait être ismpêché de siégeren

l'affaire au motif, notamment, que les vues qu'ila expriméeslors de cet
entretien se rapportent directement à des questioris dont la Cour devra
traiter en réponse a la demande d'avis consultatif et sont de nature à
créerune apparence de partialité incompatible avtc une bonne adminis-
tration de la justice.
6. En principe, je partage l'opinion de la Cour selon laquelle les acti-
vités accompliespar lejuge Elaraby dans l'exercicede sesfonctions diplo-
matiques et gouvernementales ne relèvent pas des cas visésau para-
graphe 2 de l'article 17 du Statut de la Cour, qui empêcheraient sa
participation à la prksente procédure. Cette conclusion peut se justifier
parce que ces vues n'étaientpas les vues personiielles du juge Elaraby
mais celles de son gouvernement, dont il exécutait les instructions. La

Cour a, par le passé, pris position en ce sens dans l'affaire desConsé-
quences juridiques pour les Etuts de lu yrksence cc~rztinde l'Afrique du
Sud en Namibie (Suur-Ouestajricuinj nonobstant ki r6solution276 (1970)
du Conseil de sécurité(C.I. J. Recueil 1971, p. 1i%p, ar. 9). Bien que je
puisse imaginer des ~rirconstancesdans lesquelles cette règlegénérale ne
résisterait pasà un (examenplus attentif, je suis d'accord avec la Cour
pour l'appliquer à ce cas d'espèce. 7. 1part Companywith the Court's conclusions, however, with regard
to the interview Judge Elaraby gave in August of 2001, two months
before his election to the Court, when he was no longer an official of his
Government and hence spoke in his persona1 capacity. See Al-Ahram
Weekly Online, 16-22August 2001, Issue No. 547.
8. That interview reads in part as follows:

"Today, he [Judge Elaraby] is concerned about a tendency to play
into Israel's hands, and thus to marginalise the crux of the Arab
Israeli conflict, which is the illegitimate occupation of territory. 'It
has long been very clear that Israel, to gain time, has consistently
followed the policy known as "establishing new facts". This time
factor, with respect to any country, is a tactical element [in negotia-
tions], but for the Israelis it is a strategy.' New facts and new prob-
lems are created on the ground in this manner, he explains, and the
older, essentialproblems are forgotten. Grave violations of humani-
tarian law ensue: the atrocities perpetrated on Palestinian civilian
populations, for instance, but also such acts as the recent occupation
of the PNA's headquarters. '1hate to say it', Elaraby continues, 'but
you do not see the Palestinians, or any other Arab country today,
presenting the issue thus when addressing the international commu-
nity: Israel is occupying Palestinian territory, and the occupation
itself is against international law. Israel has twice, in writing, with

the whole world as witness, committed itself to the implementation
of UN Security Council resolution 242 on the occupied territories:
once at Camp David with Egypt [in 19781,and once in Oslo with the
Palestinians [in 19931.'Very recently, he adds, the Sharon govern-
ment launched a new strategy, wreaking confusion and gaining time
by describing territories Israel has already recognised as occupied as
'disputed'. Al1these, explains Elaraby, 'are attempts to confuse the
issues and complicate any serious attempt to get Israel out of the
occupied territories. You can negotiate security, whichwillbe mutual
for both parties, but you cannot negotiate whether to leave or not.'"

9. Article 17, paragraph 2, of the Statute of the Court reads as fol-
lows :
"2. No Member may participate in the decision of any case in

which he has previously taken part as agent, counsel, or advocate for
one of the parties, or as a member of a national or international
court, or of a commission of enquiry, or in any other capacity."

10. It is clear, of course, that the language of Article 17,paragraph 2, 7. En revanche, je me séparedes conclusionsde la Cour pour ce qui est
de l'interview accordéepar lejuge Elaraby en août 2001, deux mois avant
son électionà la Cour, alors qu'il nereprésentaitplus son gouvernement
et s'exprimait donc 21titre personnel (voir Al-Ahrarn Weekly Online,
16-22août 2001, no 5.47).
8. Le texte de cette interview contient le passage suivant:

((Aujourd'hui, il [lejuge Elaraby] s'inquiète(l'unetendanceàfaire
lejeu d'Israël et, par conséquent,à marginaliser la question qui est
au cŒur du conflit israélo-arabe, a savoir l'occupation illégitimede
territoires.(11est depuis longtemps patent qu'lsraël, pour gagner du
temps, suit invariablement la politique consistant ((établirdes faits
nouveaux». Ce facteur temps est, pour tout pays, un élément tac-
tique [denégociaition],mais, pour les Israéliens,il s'agit d'une straté-
gie» Des faits nouveaux et des problèmes nouveaux sont ainsi créés

sur le terrain, explique-t-il, et les problèmes plus anciens, essentiels,
sont oubliés, avecpour conséquence de gravis violations du droit
humanitaire comme les atrocitésperpétrées à l'égarddes populations
civiles palestiniennes, mais aussi des actes tels que l'occupation
récente du siège de l'Autorité palestinienne. «Je suis désoléde
m'exprimer ainsi)), poursuit M. Elaraby, «m;~isvous ne voyez pas
aujourd'hui lesPalestiniens, ou tout autre pays arabe, présenterainsi
la question à la communauté internationale: Israël occupe le terri-
toire palestinien et cette occupation constitue en soi une violation du
droit international. Israël s'est,eux reprise:;,par écrit,prenant le
monde entier àtémoin,engagé à mettre en Œuvrela résolution 242
du Conseil de sécurité desNations Unies sur les territoires occupés:
une foisà Camp David envers 1'Egypte[en 15178e 1t une fois a Oslo

envers les Palesitiniens [en19931.))Très récemment, ajoute-t-il, le
gouvernement Sharon a lancé une nouvelle stratégie, destinée a
semer la confusion et à gagner du temps, en qualifiant de ((contes-
tés))des territoires déjàreconnus par Israël comme occupés.Tous
ces éléments, expliqueM. Elaraby, ((visent a 1)rouillerles cartes àt
compliquer toute tentative sérieused'amener israël à quitter les ter-
ritoires occupés. Vous pouvez négocier lesgaranties de sécuritéque
s'appliqueront niutuellement les deux parties. mais vous ne pouvez
pas négocier la question de savoir si vous allez vous retirer ou
non.))»

9. Le paragraphe :!de l'article 17du Statut de la Cour est ainsi conçu:

((2. Ils [les mlcmbresde la Cour] ne peuvent participer au règle-
ment d'aucune affaire dans laquelle ils sont antérieurementiriterve-
nus comme agents, conseils ou avocats de l'une desparties, membres
d'un tribunal national ou international, d'une commission d'enquête,
ou à tout autre titre.))

10. Certes, il est cllairque les termes du paragraphe 2 de l'article 17nedoes not apply in so many words to the viewsJudge Elaraby expressed in
the above interview. That does not mean, however, that this provision
sets out the exclusive basis for the disqualification of a judge of this

Court. It refers to what would generally be considered to be the most
egregious violations ofjudicial ethics were a judge falling into one of the
categories therein enumerated to participate in a case. At the same time,
Article 17,paragraph 2, reflectsmuch broader conceptions of justice and
fairness that must be observed by courts of law than this Court appears
to acknowledge. Judicial ethics are not matters strictly of hard and fast
rules - 1doubt that they can ever be exhaustively defined - they are
matters of perception and of sensibility to appearances that courts must
continuously keep in mind to preserve their legitimacy.

11. A court of law must be free and, in my opinion, is required to con-
sider whether one of its judges has expressed views or taken positions
that create the impression that he will not be able to consider the issues
raised in a case or advisory opinion in a fair and impartial manner, that
is. that he may be deemed to have prejudged one or more of the issues
bearing on the subject-matter of the dispute before the court. That is
what is meant by the dictum that the fair and proper administration of

justice requires that justice not only bedone, but that it also be seen to be
done. In my view, al1 courts of law must be guided by this principle,
whether or not their statutes or other constitutive documents expressly
require them to do so. That power and obligation is implicit in the very
concept of a court of law charged with the fair and impartial administra-
tion of justice. To read them out of the reach of Article 17,paragraph 2,
is neither legallyjustified nor is it wisejudicial policy.

12. In paragraph 8 of this Order, the Court declares that "whereas in
the newspaper interview of August 2001, Judge Elaraby expressed no
opinion on the question put in the present case; whereas consequently
Judge Elaraby could not be regarded as having 'previously taken part' in
the case in any capacity".
13. What we have here is the most formalistic and narrow construc-
tion of Article 17,paragraph 2, imaginable, and one that is unwarranted
on the facts of this case. It istechnically true, ofcourse, that Judge Elaraby
did not express an opinion on the specific question that has been sub-
mitted to the Court by the General Assembly ofthe United Nations. But it
is equally true that this question cannot be examined by the Court with-

out taking account of the context of the IsraeliIPalestinian conflict and
the arguments that will have to be advanced by the interested parties in
examining the "Legal Consequences of the Construction of a Wall in the
Occupied Palestinian Territory". Many of these arguments will turn on
the factual validity and credibility of assertions bearing directly on the
specific question referred to the Court in this advisory opinion request.
And when it comes to the validity and credibility of these arguments,s'appliquent pas exactement aux vues expriméespar lejuge Elaraby dans
l'interview mentionnée ci-dessus. Cela ne signif"e toutefois Das .ue c,tte
disposition énonce les seuls motifs susceptibles d'erripêcher un jugede sié-
ger dans une affaire. Elle cite ceux qui seraient gériéralementconsidérés

comme les cas les plus flagrants de violation de I'éihiquejudiciaire: ceux
où un juge entrant dans l'une des catégories énuméréev siendrait à par-
ticiper à une affaire. En même temps, le paragraphe 2 de l'article 17
reflète une conceptiori de la justice et de l'équité quisont requises des tri-
bunaux beaucoup plus large que ne semble l'admettre la cour. L'éthique

judiciaire ne se définit pas simplement par des rigles rigides: je doute
qu'elle puisse jamais être définie de façon exhaustive; elle est affaire
de perception et de sensibilité aux apparences, élémentsque les tribu-
naux doivent constamment avoir présents à l'esprit pour préserver leur
lé"itimité.
11. Une cour de justice doit êtrelibre -- et, selon moi, tenue - d'exa-

miner si l'un de ses juges n'a pas exprimé des vue:, ou pris des positions
créant l'impression qu'il ne pourra pas connaître de manière équitable et
impartiale des questions soulevéesau cours d'une affaire ou d'une pro-
cédure consultative -- en d'autres termes, qu'il a une opinion préconçue
sur une ou plusieurs des questions liéesà l'objet du différend dont la
Cour est saisie. Tel est le sens de la maxime selon laquelle une bonne

administration de la justice exige non seulement que justice soit faite,
mais aussi qu'elle le soit manifestement. A mon sens, tous les tribunaux
doivent guider leur conduite sur ce principe, que leur statut ou autre texte
constitutif le leur prescrive ou non expressément. Cc pouvoir et cette obli-
gation sont contenus implicitement dans le concepi mêmede cour de jus-
tice. dont la mission est l'administration équitable et impartiale de la

justice. Vouloir les exclure du champ du paragraphe 2 de l'article 17 n'est
nijustifiésur le plan juridique ni sage sur le plan de la politique judiciaire.
12. Au paragraphe 8 de la présente ordonnance, la Cour déclareque.
«dans l'entretien accordé à un journal en août 2001, le juge Elaraby n'a
expriméaucune opinion sur la question poséedan la présenteespèce))et
que «dès lors l'intéresséne saurait êtreregardé comme étant (tantérieu-

rement intervenu)) dilns l'affaire à quelque titre qiie ce soit)).
13. C'est là l'interprétation la plus formaliste et la plus étroitedu para-
graphe 2 de l'article 17que l'on puisse imaginer, et une interprétation qui
n'est pas étayéepar les faits. Certes, ilest techniquement vrai que lejuge
Elaraby n'a pas expriméd'opinion sur la questior, précisequi a étésou-

mise à la Cour par L'Assembléegénérale de1'Org;anisation des Nations
Unies. Mais il est également vrai que la Cour nt:pourra pas examiner
cette question sans tenir compte du contexte du conflit israélo-palestinien
et des arguments qui seront nécessairement avancéspar les parties inté-
resséesau cours de cet examen des «conséquencesjuridiques de I'édifica-
tion d'un mur dans le Territoire palestinien occi~pé)).Beaucoup de ces

arguments seront axéssur la validitéet la crédibilitéau regard des faits
d'assertions ayant uri rapport direct avec la questi ln précise soumise à la
Cour dans la requête pour avis consultatif. Or, quant à la validité età lawhat Judge Elaraby has to Sayin the part of the interview 1quoted above
creates an appearance of bias that in my opinion requires the Court to
preclude Judge Elaraby's participation inthese proceedings.

14. What 1consider important in reaching the above conclusion is the
appearance of bias. That, in my opinion,is what Article 17,paragraph 2,
properly interpreted, is al1about and what judicial ethics are al1about.
And that is why 1 dissent from this Order, even though1 have no doubts
whatsoever about the persona1 integrity of Judge Elaraby for whom 1
have the highest regard, not only as a valued colleague but also a good
friend.

(Signed) Thomas BUERGENTHAL.crédibilitéde ces arguments, l'opinion exprimée par lejuge Elaraby dans
le passage de l'entretien que j'ai cité plushaut créeiine apparence de par-
tialitéqui, selon moi, exige que la Cour exclue sa participation la pré-
sente procédure.
14. Le point import.ant dans la conclusioà laqudle je suis ainsi arrivé
est, selon moi, celui de l'apparence de partialité. Teà mon sens l'objet
du paragraphe 2 de l'article 17, si on l'interprète cmvenablement, et tel
est également I'objetdlel'éthiquejudiciaire. C'est pourquoi je me dissocie
de la présenteordonnance, mêmesije n'ai pas le uloindre doute quant à
l'intégritépersonnelle du juge Elaraby, que je tiens dans la plus haute
estime, non seulement. en tant que collègue mais aiissi en tant qu'ami.

(Sigizi) Thomas BCERGENTHAL.

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