Opinion individuelle de M. le juge Owada

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118-20150203-JUD-01-02-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE OWADA

[Traduction]

1. Je souscris dans l’ensemble au présent arrêt, et notamment aux

points 2) et 3) du dispositif (par. 524), dans lesquels la Cour conclut que le
bien-fondé de la demande principale de la Croatie comme de la demandeh
reconventionnelle de la Serbie — demandes par lesquelles chacune des
Parties alléguait que la Partie adverse avait violé la convention hpour la
prévention et la répression du crime de génocide — n’a pas été établi. En

revanche, j’ai voté contre le point 1) du dispositif, dans lequel la Cour
rejette l’exception d’incompétence ratione temporis soulevée par la Serbie.
2. Il convient de rappeler que, dans le précédent arrêt qu’elleh avait
rendu en 2008 dans cette même affaire relative à l’Application de la conven ‑
tion pour la prévention et la répression du crime de génocide (▯Croatie

c. Serbie) (C.I.J. Recueil 2008, p. 412), au stade des exceptions prélimi -
naires (ci-après l’« arrêt de 2008 »), la Cour, tout en rejetant les première
et troisième exceptions présentées par la Serbie, avait jugéh que « la deu-
xième exception préliminaire soulevée par la République de Sherbie
n’a[vait] pas, dans les circonstances de l’espèce, un caractèhre exclusive -

ment préliminaire » (ibid., p. 466, par. 146, point 4)). Cette conclusion
avait été énoncée conformément au paragraphe 7 de l’article 79 du Règle-
ment de la Cour — tel qu’amendé en 1978 (et correspondant au para -
graphe 9 de l’article 79 du Règlement actuellement en vigueur) —, qui
était applicable en 1999, au moment où la Croatie avait déposéh sa requête.

3. Les termes employés dans cette conclusion de l’arrêt de 2008 rehpre-
naient ceux du paragraphe 7 de l’article 79 du Règlement en vigueur en
1978, qui avaient été introduits en 1972, dans le cadre d’une ihmportante
revision de ce texte. Cette nouvelle formulation remplaçait le libellé ini -
tial, qui figurait au paragraphe 5 de l’article 62 de l’ancien Règlement.

(Elle est demeurée inchangée au moment de la revision de 1978, dehvenant
le paragraphe 7 de l’article 79 applicable en la présente espèce.)

4. Le libellé initial du paragraphe 5 de l’article 62, quant à lui, était
resté inchangé depuis l’époque de la Cour permanente de Justhice interna-

tionale. Il se lisait comme suit:
«La Cour, après avoir entendu les parties, statue sur l’exception

ou la joint au fond. Si la Cour rejette l’exception ou la joint au fohnd,
elle fixe de nouveau les délais pour la suite de l’instance. »

5. A première vue, les effets juridiques de la nouvelle formulation
introduite dans le cadre de la revision de 1972 n’apparaissent pas clhaire -

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7 CIJ1077.indb 335 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. owada) 169

ment, en particulier quant au point de savoir si celle-ci avait pour objet de
modifier sur le fond la procédure devant être suivie par la Courh, ou s’il ne
s’agissait que d’une modification purement formelle, sans incidehnce sur la

procédure à suivre. Un examen attentif des circonstances ayant enthouré
cette revision — notamment les débats animés qu’avait suscités la ques -
tion de la jonction au fond des exceptions préliminaires au moment deh
l’arrêt rendu en 1970, dans la deuxième phase de l’affaire deh la Barcelona
Traction, Light and Power Company, Limited (Belgique c. Espagne) (voir,

par exemple, les opinions jointes à cet arrêt par MM. les juges Mohrelli,
Tanaka et Fitzmaurice) — ainsi que des travaux préparatoires non publiés
de ladite revision me portent à conclure que ce sont les débats enh question
qui ont été à l’origine de la modification du Règlementh, et ce, dans le but
de donner à la Cour davantage de souplesse dans le traitement des exchep -

tions préliminaires, compte tenu des positions divergentes que les membres
de la Cour avaient exprimées à cet égard. Ainsi qu’un émihnent auteur l’a
précisé, la nouvelle formulation — «cette exception n’a pas dans les cir -
constances de l’espèce un caractère exclusivement préliminaire » (para-
graphe 9 de l’article 79 du Règlement actuel) — visait à

« donner satisfaction [aux juges] qui considéraient que certaines

exceptions [d’incompétence ou d’irrecevabilité] revêtent hbel et bien,
du moins en principe, un caractère intrinsèquement préliminaireh »
(Shabtai Rosenne, The Law and Practice of the International Court,
1920‑2005, vol. II, p. 889).

Le nouveau libellé étant silencieux sur ce point, une « incertitude» quant
à l’effet juridique de la solution ainsi adoptée sur la procéhdure de la Cour
au stade de l’examen au fond en a cependant résulté :

«L’incertitude qu’engendre la nouvelle disposition du Règlement h
réside dans la question de savoir si cette formulation a pour effet
d’exclure totalement la possibilité de joindre une exception au fond,

faisant ainsi table rase d’une jurisprudence quasi constante qui
répondait à un besoin largement ressenti, ou si le fait de conclure
dans un arrêt qu’une exception n’a pas, au vu des circonstances, un
caractère exclusivement préliminaire signifie simplement que, àh ce
stade, elle n’est pas accueillie en tant qu’exception préliminahire. Dans

cette seconde hypothèse, cela pourrait revenir à joindre cette exchep -
tion au fond, sous la forme, par exemple, d’une fin de non-recevoir si
telle est l’intention de la partie qui l’a soulevée, ce qui oblhigerait la
Cour à se prononcer sur cette question avant d’examiner le fond de
l’affaire, et ce, bien que celui-ci ait été entièrement réhvélé dans la -ro

cédure écrite.» (Ibid., p. 889-890.)
6. Dans les affaires des Activités militaires et paramilitaires au Nicara‑

gua et contre celui‑ci (Nicaragua c. Etats‑Unis d’Amérique) (C.I.J. Recueil
1986, p. 14) et de la Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le
Nigéria (Cameroun c. Nigéria) (C.I.J. Recueil 1998, p. 275), la Cour a par

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7 CIJ1077.indb 337 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. owada) 170

la suite donné sur ce point — qui y était examiné — une interprétation
faisant autorité. Ainsi, dans l’arrêt qu’elle a rendu dans lha première de ces
deux affaires, la logique qui sous-tend la modification apportée au hRègle-

ment est résumée comme suit :

« en particulier lorsque en statuant sur les exceptions elle risquait
« soit de trancher des questions qui appartiennent au fond de
l’affaire,soit d’en préjuger la solution » [Chemin de fer Panevezys ‑
Saldutiskis, C.P.J.I. série A/B n o 75, p. 56]. Si elle exerçait cette
faculté, il y avait toujours un danger, à savoir que la Cour ne seh

prononce en définitive que sur la base de l’exception prélimihnaire,
et cela après avoir imposé aux parties un débat exhaustif sur le
fond — et c’est bien ce qui est arrivé dans les faits (Barcelona
Traction, Light and Power Company, Limited, deuxième phase, C.I.J.
Recueil 1970, p. 3). Pour certains, on ne faisait ainsi que prolonger

inutilement une procédure longue et coûteuse.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
[La solution] qui consistait à examiner immédiatement toutes les

exceptions préliminaires et à écarter toute possibilité de jhonction au
fond avait de nombreux partisans et présentait bien des avantages.
Dans l’affaire du Chemin de fer Panevezys‑Saldutiskis, la Cour per -
manente a défini l’exception préliminaire comme celle qui esth « pré-
sentée afin d’exclure l’examen par la Cour du fond de l’affaire, … la

Cour pouvant statuer sur ladite exception sans se prononcer en
aucune façon sur le fond de l’affaire » C.P.J.I. série A/B n 76, p. 22).
Si l’on accepte cette manière de voir, il est évident que chaquhe excep-
tion préliminaire doit être examinée immédiatement sans aborhder le

fond, ni obliger les parties à plaider au fond… Cela ne règle chepen -
dant pas tous les problèmes que posent les exceptions préliminairehs
vu qu’elles peuvent, comme l’expérience l’a montré, se rahttacher
jusqu’à un certain point au fond. La solution [a donc été] rhetenue
en 1972 et conservée dans le Règlement de 1978… » (Activités mili‑

taires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui ‑ci (Nicaragua
c. Etats‑Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 30,
par. 39-40.)

7. Cette explication de la logique sous -tendant la modification du
Règlement ne semble pas lever entièrement l’« incertitude» susmention -
née. Après mûre réflexion, je suis cependant d’avis queh, dans le contexte

de la présente espèce et au regard de la nouvelle disposition fihgurant au
paragraphe 7 de l’article 79 du Règlement (devenu le paragraphe 9 de
l’article79), par sa décision énoncée dans le dispositif de l’arrêht de 2008
— avec la force obligatoire que celui-ci revêt à l’égard des Parties — selon
laquelle « la deuxième exception préliminaire soulevée par la Républiquhe

de Serbie n’a pas, dans les circonstances de l’espèce, un carachtère exclusi-
vement préliminaire» (arrêt de 2008, p. 466, par. 146, point 4) du disposi-
tif), la Cour a en réalité décidé — de manière contraignante pour les

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7 CIJ1077.indb 339 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. owada) 171

Parties comme pour elle-même — que, « puisqu[e les questions soulevées
dans l’exception préliminaire en cause] comport[aient] à la foihs des aspects
préliminaires et des aspects de fond, elles devr[aient] être réhglées au stade
du fond » ( Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre

celui‑ci (Nicaragua c. Etats‑Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil
1986, p. 31, par. 41).
8. Les raisons de cette décision, dans les circonstances de la présenhte
affaire, sont énoncées comme suit dans l’arrêt de 2008 :

«Ainsi qu’exposé ci -dessus, l’exception préliminaire énoncée à
l’alinéa 2 a) des conclusions finales de la Serbie est présentée comme
une exception à la fois d’incompétence de la Cour et d’irrechevabilité

de la demande. La base de compétence invoquée par la Croatie est
l’articleIX de la convention sur le génocide, et la Cour a établi plus
haut que la Croatie et la Serbie étaient toutes deux parties à ladhite
Convention à la date de l’introduction de l’instance (le 2 juillet 1999).
La Serbie soutient toutefois que la Cour n’a pas compétence en verhtu

de l’article IX ou qu’elle ne saurait exercer cette compétence pour
autant que la demande de la Croatie a trait à des «actes ou omissions
antérieurs au 27 avril 1992 », ce qui revient à dire que la compétence
de la Cour est limitée ratione temporis. A cet égard, la Serbie a fait
valoir deux arguments, le premier étant que la date à laquelle la h

Convention aurait pu, au plus tôt, entrer en vigueur entre la RFY et h
la Croatie était le 27 avril 1992, et le second, que « la convention sur
le génocide, y compris la clause juridictionnelle contenue à l’har -
ticle IX, ne saurait s’appliquer à des actes intervenus avant que la
Serbie n’ait commencé à exister en tant qu’Etat » et ne saurait donc,

avant ce moment, être devenue obligatoire pour elle. La Serbie a
donc soutenu que les actes ou omissions antérieurs à la naissance hde
la RFY ne sauraient en aucun cas être attribués à cette dernièhre. »
(Arrêt de 2008, p. 457, par. 121; les italiques sont dans l’original.)

9. Quoique les éléments avancés par les Parties au sujet de la deuhxième
exception de la Serbie n’aient pas tous été examinés dans l’harrêt de 2008
(par. 120 et suiv.), la Cour y a précisé ce qui suit au sujet de l’uhn d’entre
eux:

«Dans ses exceptions préliminaires, la Serbie soutient que « [l]es

actes ou omissions antérieurs à la naissance de la RFY ne sauraienht
en aucun cas être attribués à cette dernière »; elle estime que la Croa -
tie n’a pas été en mesure de démontrer que la RFY était uhn Etat
in statu nascendi et fait valoir que cette notion « ne trouve à l’évi -
dence pas à s’appliquer en l’espèce ». A l’audience, elle a fait valoir

que les demandes présentées contre elle par la Croatie en la préhsente
espèce ne satisfaisaient pas aux conditions posées au paragraphe 2 de
l’article10 des articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat. Elle
soutient que la Croatie n’a pas été en mesure de désigner unh « mou -

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7 CIJ1077.indb 341 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. owada) 172

vement insurrectionnel ou autre » identifiable, sur le territoire de la
RFSY, qui aurait créé la RFY et qui répondrait à la défihnition don-
née par cet article.

Pour autant que le paragraphe 2 de l’article10 des articles de la
CDI sur la responsabilité de l’Etat reflète le droit international cou -
tumier en la matière, la Cour aura nécessairement, pour déterminer si
cette règle est applicable en l’espèce et, le cas échéant▯, pour l’appliquer,

à se livrer à un examen des points de fait relatifs aux évén▯ements qui
ont conduit à la dissolution de la RFSY et à la création de la RFY. La
Cour relève en outre que, pour déterminer si, avant le 27 avril 1992,
la RFY était un Etat in statu nascendi au sens de la règle invoquée, il
lui faudrait également examiner des questions de fait en litige. Il

serait donc impossible de trancher les questions soulevées par cette
exception sans statuer, jusqu’à un certain point, sur des élé▯ments qui
relèvent à proprement parler du fond. » (Arrêt de 2008, p. 459,
par. 126-127; les italiques sont de moi.)

10. C’est ce raisonnement qui a conduit la Cour, dans son arrêt de
2008, à conclure que,

« pour qu[’elle] puisse se prononcer sur chacune de ces questions
[relatives à sa compétence pour déterminer si des violations deh la
convention sur le génocide ont été commises, à la lumièreh des faits

antérieurs à la date à laquelle la RFY a commencé à existher en tant
qu’Etat distinct et à la recevabilité de la demande concernant hces
faits], elledevra[it] disposer de davantage d’éléments » (ibid., p. 460,
par. 129; les italiques sont de moi).

11. Au vu de ce qui précède, je considère que la Cour ne s’est pas, dans
le présent arrêt, acquittée de la tâche qu’elle s’éhtait assignée en 2008.
Quoique plus de quarante paragraphes de l’arrêt soient consacréhs à la

section portant sur la compétence et la recevabilité — une granhde partie
de ces développements ayant d’ailleurs trait à des questions sans rapport
avec l’article IX, comme celle du génocide au regard du droit internatio -
nal général, lequel ne saurait évidemment être attributif deh compétence en

vertu de la Convention —, la Cour n’y traite pas sur le fond tous les
aspects auxquels elle aurait dû s’intéresser ; elle ne se livre notamment pas
à l’analyse, d’un point de vue juridique et factuel, de la docthrine de la
succession d’Etats en matière de responsabilité internationale,h qui a été
examinée par les Parties pour étayer ou contester l’exercice deh sa compé -

tence ratione temporis dans le cadre de la clause compromissoire énoncée
à l’article IX de la Convention. Or telles sont précisément les questions
dont la Cour avait indiqué qu’elles ne pouvaient être examinéhes au stade
des exceptions préliminaires, mais qui devaient l’être lors de hla phase du
fond dans la mesure où elles permettaient de déterminer l’éthendue de la

compétence ratione temporis que les Parties lui avaient conférée au titre
de l’articleIX. Selon moi, il s’agissait là du seul examen pertinent auquel
la Cour se devait de procéder à ce stade aux fins d’établihr juridiquement

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7 CIJ1077.indb 343 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. owada) 173

l’existence ou non du consentement des Parties au titre de la Conventhion,
consentement qui constituait la seule base de compétence susceptible hde
lui permettre de connaître de la deuxième exception préliminairhe du
défendeur.

12. Dans le cadre de son examen de ces questions essentielles de com -
pétence ratione temporis soulevées par le défendeur dans sa deuxième
exception préliminaire, la Cour, dans le présent arrêt, fait mehntion de
trois arguments différents qui ont été avancés par le demandeur lors de la
phase du fond. Il s’agit de a) l’argument selon lequel la convention sur le

génocide, qui énonce des obligations erga omnes, a un effet rétroactif ;
b) l’argument selon lequel ce qui allait devenir la République fédhérale de
Yougoslavie (ci -après la « RFY») dans les années 1991 -1992 était une
entité in statu nascendi issue de la République fédérative socialiste de
Yougoslavie (ci -après la « RFSY»), au sens du paragraphe 2 de l’ar -
ticle10 des Articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat pour faiht

internationalement illicite (ci-après les «Articles de la CDI sur la respon -
sabilité de l’Etat»); et c), subsidiairement au b) ci -dessus, l’argument
selon lequel le droit de la succession d’Etats en matière de respohnsabilité
internationale est applicable au vu des circonstances particulières dhe la
présente espèce, un lien spécial existant entre la RFSY et la RhFY.

13. En ce qui concerne les arguments a) et b), la Cour les a examinés
de manière approfondie dans son arrêt, concluant qu’il n’exihstait aucun
fondement juridique valable qui puisse lui conférer compétence ratione
temporis pour connaître de la présente affaire dans la mesure où celle-cih a
trait aux actes antérieurs au 27 avril 1992, date à laquelle le défendeur a
déclaré son indépendance et est devenu partie à la conventiohn sur le géno -

cide. Il convient de relever que la Cour est parvenue à ces conclusiohns sur
la base d’une analyse juridique des principes de droit qui avaient éhté invo -
qués, sans s’intéresser en détail aux éléments factuels entourant les événe -
ments allégués par le demandeur.

14. S’agissant de l’argument c), en revanche, la Cour ne s’est pas livrée

à pareil examen juridique de la validité, au regard du droit interhnational,
des principes invoqués en tant que sources du droit applicable en la hpré -
sente espèce.
15. Chose notable, les faits qui ont entouré les événements antéhrieurs au
27 avril 1992 sont l’objet d’un examen au fond plus loin dans l’arrêth, après

la section consacrée à la compétence et à la recevabilité, dans laquelle la
Cour a conclu de manière quelque peu catégorique — en l’absehnce de tout
examen de cette nature et donc, selon moi, de toute base factuelle ou juhri -
dique pour parvenir à pareille conclusion — que «le différend entr[ait] éga-
lement dans le champ [de l’]article [IX] dans la mesure où il se rapporte à
des actes qui seraient antérieurs » au 27 avril 1992 (arrêt, par. 117). Il

paraît surprenant que la Cour soit parvenue à cette conclusion sanhs même
procéder à un examen préliminaire des «faits antérieurs à la date à laquelle
la RFY a commencé à exister en tant qu’Etat distinct », comme cela était
prescrit par l’arrêt de 2008 (arrêt de 2008, p. 460, par. 129).

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7 CIJ1077.indb 345 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. owada) 174

16. De fait, même en parcourant rapidement les éléments exposés hdans
la section V de l’arrêt, consacrée à l’«Examen au fond de la demande prin-
cipale», l’on se rend compte que chacune des trois exigences du processuhs

décrit au paragraphe 112 doit être examinée pour que la Cour puisse déci-
der de l’applicabilité velnon du droit de la succession d’Etats en matière de
responsabilité internationale en tant que base de compétence plaushible aux
fins de déterminer si la Serbie est responsable de violations de lah Conven-
tion. Or si chacune de ces exigences est appréciée au regard des faits de

l’espèce, force est de constater que la tentative du demandeur ne peut
qu’échouer dès la première étape dudit processus puisque hles actes invo -
qués par la Croatie, même à supposer qu’ils aient été commis par la RFSY,
ont été considérés comme n’entrant pas dans la catégorhie des actes
contraires à la Convention. Etant donné que telle est la base jurihdique qui

a permis à la Cour de parvenir à sa conclusion définitive surh le fond de la
présente affaire, elle ne pouvait le faire qu’après s’êtreh assurée qu’elle avait
compétence en examinant tous les éléments factuels et juridiquehs perti -
nents soulevés par le défendeur dans sa deuxième exception préhliminaire.
Et pourtant, la Cour est parvenue à sa décision définitive auh fond après

s’être déclarée, ex cathedra, compétente ratione temporis en indiquant que
«le différend entr[ait] également dans le champ [de l’]article [IX] dans la
mesure où il se rapporte à des actes qui seraient antérieurs [ahu 27 avril
1992], et qu’elle a[vait] compétence pour connaître de la demanhde de la
Croatie dans son ensemble» (arrêt, par. 117).

17. Pour justifier sa conclusion concernant l’exception d’incompéhtence
ratione temporis soulevée par la Serbie, la Cour se réfère à la théorie dhe la
succession d’Etats en matière de responsabilité internationale h(ibid.,
par. 106 et suiv.); il est vrai qu’elle s’efforce de ne pas donner l’impression
de souscrire à cette théorie, même prima facie ou à l’aune du critère de

plausibilité. De surcroît, elle continue de fonder l’intégralité de son rai -
sonnement sur la position hautement contestable qu’elle avait énonhcée
dans son arrêt sur les exceptions préliminaires au sujet de la porhtée et des
effets juridiques de la déclaration faite par la RFY le 27 avril 1992. Sur ce
point, mes vues divergent de celles de la Cour (arrêt de 2008, p. 451,
par. 111), telles que confirmées dans le présent arrêt (par. 76), car celles-ci

sont en contradiction avec la jurisprudence qui avait été établhie dans les
affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force (voir, par exemple,
Licéité de l’emploi de la force (Serbie ‑et‑Monténégro c. Belgique), excep ‑
tions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 279).

En dépit de l’apparente prudence que manifeste la Cour au sujet deh la
théorie de la succession d’Etats en matière de responsabilitéh internationale
et de son refus exprès de se prononcer à cet égard, il paraîht difficile de
considérer le raisonnement reproduit ci-après — qui est au cœhur même de
la logique qui sous-tend l’arrêt — autrement que comme une tentative

d’établir un lien, même de la manière la plus neutre qui soiht, avec la théorie
en question, en ce que celle-ci constitue un élément permettant deh fournir
à la Cour la base de compétence consensuelle stricto sensu au titre de la

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7 CIJ1077.indb 347 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. owada) 175

Convention, soit par consentement implicite des Parties, soit par l’ehffet des
règles du droit international général dans le cadre de l’arthicle IX. Après
avoir examiné l’état du droit de la succession d’Etats en mahtière de respon -

sabilité internationale, la Cour poursuit en effet comme suit :
«Certes, la question de savoir si, comme le soutient la Croatie,

l’Etat défendeur succède à la responsabilité de son Etat hprédécesseur
pour violation de la Convention est régie non pas par celle-ci, mais par
les règles du droit international général. Cela n’a néanmoins pas pour
effet d’exclure du champ de l’article IX le différend relatif au troisième
point. C’est ce qu’a expliqué la Cour dans l’arrêt qu’elle ah rendu en

2007 en l’affaire Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑ Monténégro :
« Que la Cour tire sa compétence de l’article IX de la Conven -

tion et que les différends qui relèvent de cette compétence porthent
sur « l’interprétation, l’application ou l’exécution » de la Conven -
tion n’a pas nécessairement pour conséquence que seule doive
entrer en ligne de compte cette Convention. Afin de déterminer si, h
comme le soutient le demandeur, le défendeur a violé l’obligatihon

qu’il tient de la Convention et, s’il y a eu violation, d’en déhtermi-
ner les conséquences juridiques, la Cour fera appel non seulement
à la Convention proprement dite, mais aussi aux règles du droit
international général qui régissent l’interprétation des htraités et la
responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite. »

(C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 105, par. 149.)
La Cour considère que les règles de succession susceptibles d’ehntrer

en jeu en l’espèce sont du même ordre que celles qui régissehnt l’inter-
prétation des traités et la responsabilité de l’Etat et donth il est question
dans le passage précité.» (Arrêt, par. 115 ; les italiques sont de moi.)

18. Or ce raisonnement de la Cour est en contradiction avec celui
qu’elle avait suivi dans son arrêt de 2008 :

« Pour autant que le paragraphe 2 de l’article 10 des articles de la
CDI sur la responsabilité de l’Etat reflète le droit internathional cout-u
mier en la matière, la Cour aura nécessairement, pour déterminer si
cette règle est applicable en l’espèce et, le cas échéanth, pour l’appliquer,

à se livrer à un examen des points de fait relatifs aux événhements qui
ont conduit à la dissolution de la RFSY et à la création de la hRFY. La
Cour relève en outre que, pour déterminer si, avant le 27 avril 1992, la
RFY était un Etat in statu nascendi au sens de la règle invoquée, il lui
faudrait également examiner des questions de fait en litige. Il serait

donc impossible de trancher les questions soulevées par cette exceptihon
sans statuer, jusqu’à un certain point, sur des éléments quih relèvent à
proprement parler du fond.» (Arrêt de 2008, p. 459, par. 127.)

Bien que, dans ce passage, la Cour se réfère plus particulièremhent à la
question du paragraphe 2 de l’article10 des Articles de la CDI sur la respon-

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7 CIJ1077.indb 349 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. owada) 176

sabilité de l’Etat, et non à la question de la succession d’hEtat en matière de
responsabilité internationale, la même logique devrait s’appliquer à l’exa -
men d’arguments analogues formulés par la Croatie à l’appui hde la comp -é
tence et de la recevabilité en ce qui concerne les événements ahntérieurs au

27 avril 1992, date à laquelle le défendeur est devenu lié par la convenhtion
sur le génocide en tant que partie à cet instrument. Or dans son ahrrêt de
2008, la Cour avait clairement indiqué que, « pour déterminer si, avant le
27 avril 1992, la RFY était un Etat in statunascendi au sens de la règle invo
quée, il lui faudrait également examiner des questions de fait en hl», ajou-

tant qu’« [i]l serait donc impossible de trancher les questions soulevées par
cette exception sans statuer, jusqu’à un certain point, sur des éléments qui
relèvent à proprement parler dufond» (ibid.; les italiques sont de moi).
19. Sur le fond, je ne suis pas en désaccord avec le prononcé généhral
précité, extrait de l’arrêt de 2007 (par.7, ci-dessus). Cependant, il ressort
très clairement du contexte de ce passage que le propos de la Cour y hétait

fort différent de ce qu’il est dans le paragraphe du présent arrhêt dans
lequel ledit prononcé est repris (arrêt, par.115). Dans l’arrêt de 2007, ce
dernier avait en effet pour objet et pour but de définir, de manièhre restric
tive, l’étendue de la compétence que les parties avaient conféhrée à la Cour
au titre de l’articleX de la Convention ; dans le présent arrêt, l’intention

paraît être, au contraire, d’étendre cette même compéthence, qui est limitée
aux « différends … relatifs à l’interprétation, l’application ou l’exécuthion
de la … Convention », à quelque chose qui n’est pas spécifié, au motif queh
certaines règles du droit international général ayant étéh invoquées — et
dont la Cour semble laisser entendre qu’elles pourraient englober le hdroit
de la succession d’Etats en matière de responsabilité internatihonale —

pourraient être pertinentes à l’égard de l’argumentation hdu demandeur
relative à «l’interprétation, l’application ou l’exécution» dudit instrument
— argumentation dont elles constituent une partie essentielle —, aux fins
de déterminer l’étendue de la compétence de la Cour.
20. Je ne pourrais souscrire à pareil raisonnement que si la validité,h en
droit international général, de la théorie en question avait éhté pleinement

examinée dans la section de l’arrêt consacrée à la compéhtence, et si sa
véracité — ou, à tout le moins, sa plausibilit— avait été établie. Adéfaut,
cette théorie n’est rien de plus qu’un argument avancé par lh’une des Par -
ties au différend, tout comme l’argument, avancé par cette mêhme Partie
en la présente espèce et écarté dans l’arrêt, concernahnt la validité de la

théorie fondée sur le paragraphe 2 de l’article 10 des Articles de la CDI
sur la responsabilité de l’Etat (disposition ayant trait à la hquestion de la
responsabilité des Etats in statu nascendi). Or ce second argument a fait
l’objet d’un examen approfondi, la Cour étant parvenue à la hconclusion
qu’il ne pouvait lui offrir une base de compétence au titre de l’harticleIX
de la Convention (arrêt, par. 105).

21. Au vu de ce qui précède, je considère que la conclusion énonhcée
dans le présent arrêt aurait dû résulter de l’approche prhescrite dans l’arrêt
de 2008. Autrement dit, la Cour aurait dû, dans la mesure où cela lui était
nécessaire, se livrer à un examen des aspects pertinents de l’affaire au

177

7 CIJ1077.indb 351 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. owada) 177

fond, tant juridiques que factuels, avant de parvenir à la conclusionh qu’il
ne pouvait être fait droit à la demande de la Croatie. Dans le cadre de la

structure existante du présent arrêt, où les questions de compétence sont
examinées avant toute question relative au fond, la Cour ne pouvait phar-
venir à cette conclusion qu’après s’être assurée que les Parties lui avaient
conféré la compétence nécessaire à cet effet. Cela aurait hdû la conduire à
examiner la validité juridique de toutes les règles de droit interhnational

alléguées par le demandeur — notamment celles ayant trait à la succes -
sion d’Etats en matière de responsabilité internationale — en tant que
bases juridiques lui permettant d’exercer sa compétence. Selon moih, la
Cour ne s’est pas acquittée de cette tâche.

(Signé) Hisashi Owada.

178

7 CIJ1077.indb 353 18/04/16 08:54

Bilingual Content

168

SEPARATE OPINION OF JUDGE OWADA

1. I voted in favour of the Judgment as a whole, including subpara -
graphs (2) and (3) of the operative paragraph (para. 524), which con -

cluded that both the principal claim of Croatia and the counter -claim of
Serbia, respectively alleging that the other Party had violated the Convhe-n
tion on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide, have
not been established, but voted against subparagraph (1) of the operative
paragraph of the Judgment, which rejects the ratione temporis jurisdic-
tional objection raised by Serbia in the present case.

2. It is to be recalled that in its earlier Judgment in the present case
concerning Application of the Convention on the Prevention and Punish ‑
ment of the Crime of Genocide (Croatia v. Serbia) (I.C.J. Reports 2008,
p. 412) at its preliminary objections phase in 2008 (hereinafter “2008h Judg-
ment”), the Court, while rejecting the first preliminary objectionh submit-

ted by Serbia, as well as the third preliminary objection submitted by
Serbia, found that “the second preliminary objection submitted by theh
Republic of Serbia does not, in the circumstances of the case, possess ahn
exclusively preliminary character” ( ibid., p. 466, para. 146). This latter
finding of the Court in subparagraph (4) of the operative paragraph 146
was made in accordance with paragraph 7 of Article 79 of the Rules of

Court, amended in 1978 (which corresponds to the present Article 79,
paragraph 9, of the current Rules of Court), and applicable to the present
case at the time of the filing of the Application by Croatia in 1999.
3. The language employed in this finding of the 2008 Judgment is taken
from the provisions of Article 79, paragraph 7, of the 1978 Rules of Court,
which were first introduced in the Rules of Court in 1972 when a majorh revi -

sion of the Rules of Court was effected. This revision of 1972 replaced thhe
language of the original provision of Article62, paragraph5, in the old Rules
of Court. (The revised language of the 1972 revision had subsequently bheen
retained unchanged at the time of the 1978revision of the Rules of Court as
its Article79, paragraph7, which was applicable to the present case.)

4. The original Article 62, paragraph 5, which had been consistently
maintained since the days of the Permanent Court of International Jus -
tice, provided as follows :

“After hearing the parties the Court shall give its decision on the
objection or shall join the objection to the merits. If the Court over -
rules the objection or joins it to the merits, it shall once more fix
time -limits for the further proceedings.”

5. The legal effects of the change in the 1972 revision on the language of
the provision in question are not so apparent from the language intro -

169

7 CIJ1077.indb 334 18/04/16 08:54 168

OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE OWADA

[Traduction]

1. Je souscris dans l’ensemble au présent arrêt, et notamment aux

points 2) et 3) du dispositif (par. 524), dans lesquels la Cour conclut que le
bien-fondé de la demande principale de la Croatie comme de la demandeh
reconventionnelle de la Serbie — demandes par lesquelles chacune des
Parties alléguait que la Partie adverse avait violé la convention hpour la
prévention et la répression du crime de génocide — n’a pas été établi. En

revanche, j’ai voté contre le point 1) du dispositif, dans lequel la Cour
rejette l’exception d’incompétence ratione temporis soulevée par la Serbie.
2. Il convient de rappeler que, dans le précédent arrêt qu’elleh avait
rendu en 2008 dans cette même affaire relative à l’Application de la conven ‑
tion pour la prévention et la répression du crime de génocide (▯Croatie

c. Serbie) (C.I.J. Recueil 2008, p. 412), au stade des exceptions prélimi -
naires (ci-après l’« arrêt de 2008 »), la Cour, tout en rejetant les première
et troisième exceptions présentées par la Serbie, avait jugéh que « la deu-
xième exception préliminaire soulevée par la République de Sherbie
n’a[vait] pas, dans les circonstances de l’espèce, un caractèhre exclusive -

ment préliminaire » (ibid., p. 466, par. 146, point 4)). Cette conclusion
avait été énoncée conformément au paragraphe 7 de l’article 79 du Règle-
ment de la Cour — tel qu’amendé en 1978 (et correspondant au para -
graphe 9 de l’article 79 du Règlement actuellement en vigueur) —, qui
était applicable en 1999, au moment où la Croatie avait déposéh sa requête.

3. Les termes employés dans cette conclusion de l’arrêt de 2008 rehpre-
naient ceux du paragraphe 7 de l’article 79 du Règlement en vigueur en
1978, qui avaient été introduits en 1972, dans le cadre d’une ihmportante
revision de ce texte. Cette nouvelle formulation remplaçait le libellé ini -
tial, qui figurait au paragraphe 5 de l’article 62 de l’ancien Règlement.

(Elle est demeurée inchangée au moment de la revision de 1978, dehvenant
le paragraphe 7 de l’article 79 applicable en la présente espèce.)

4. Le libellé initial du paragraphe 5 de l’article 62, quant à lui, était
resté inchangé depuis l’époque de la Cour permanente de Justhice interna-

tionale. Il se lisait comme suit:
«La Cour, après avoir entendu les parties, statue sur l’exception

ou la joint au fond. Si la Cour rejette l’exception ou la joint au fohnd,
elle fixe de nouveau les délais pour la suite de l’instance. »

5. A première vue, les effets juridiques de la nouvelle formulation
introduite dans le cadre de la revision de 1972 n’apparaissent pas clhaire -

169

7 CIJ1077.indb 335 18/04/16 08:54 169 application of genochide convention (sep. ohp. owada)

duced, especially in terms of whether it was meant to effect a substantivhe
modification of the procedure to be followed by the Court or whether iht
was meant to be a purely drafting change without affecting the procedure

to be followed. A careful examination of the circumstances surrounding
this change, especially of the lively discussions that ensued on this ishsue of
the joinder of the preliminary objections at the time of the Judgment inh the
Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited(Belgium v. Spain)
case at its Second Phase in 1970 (see, e.g., opinions attached to that Judg-

ment by Judges Morelli, Tanaka, and Fitzmaurice) together with the
examination of the unpublished travaux preparatoires of the 1972 revision
of the Rules of Court, leads me to the conclusion that it was those dischus -
sions which triggered this change and that the change was designed with ha
view to giving the Court a greater degree of flexibility in dealing wihth the

issue of preliminary objections than had hitherto been the case, in the hface
of conflicting positions expressed within the membership of the Court hon
how to deal with the issue of the joinder of preliminary objections to thhe
merits. As one learned author suggested, the use of the new formula “hthe
objection does not possess, in the circumstances of the case, an exclusihvely

preliminary character” (current Rules of Court, Art. 79, para. 9)
“[was an attempt] to satisfy those [judges] who felt that certain objhec -

tions [to jurisdiction and to admissibility] do possess, at least in prihn-
ciple, an intrinsically preliminary character” (Shabtai Rosenne, The
Law and Practice of the International Court, 1920 ‑2005, Vol. II,
p. 889).

However, the issue of the legal effect of the solution adopted upon
the Court’s procedure at the merits stage has been left unresolved as a
“puzzle” not spelled out in the revised formulation of the Rule :

“The puzzle which the new Rule sets is whether the effect of the
new formulation is to abolish completely the option of joining an
objection to the merits, in that way wiping out a virtually consistent

case law itself corresponding to a widely felt need, or whether the
holding in a judgment that the objection does not, in the circum -
stances possess an exclusively preliminary character simply means
that at that stage it is not accepted as a preliminary objection. In thaht
event such a finding could be the equivalent of joining it to the merihts,

perhaps in the technical sense of a plea in bar, if the party raising thhat
objection were to be so minded, and requiring the Court to reach a
decision on it before discussing the merits, which nonetheless would
have been fully aired in the written pleadings.” (Ibid., pp. 889-890.)

6. An authoritative interpretation given by the Court on this point in

subsequent decisions involving this issue came with the case concerning h
Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragu▯a
v. United States of America) (I.C.J. Reports 1986, p. 14), and the case

170

7 CIJ1077.indb 336 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. owada) 169

ment, en particulier quant au point de savoir si celle-ci avait pour objet de
modifier sur le fond la procédure devant être suivie par la Courh, ou s’il ne
s’agissait que d’une modification purement formelle, sans incidehnce sur la

procédure à suivre. Un examen attentif des circonstances ayant enthouré
cette revision — notamment les débats animés qu’avait suscités la ques -
tion de la jonction au fond des exceptions préliminaires au moment deh
l’arrêt rendu en 1970, dans la deuxième phase de l’affaire deh la Barcelona
Traction, Light and Power Company, Limited (Belgique c. Espagne) (voir,

par exemple, les opinions jointes à cet arrêt par MM. les juges Mohrelli,
Tanaka et Fitzmaurice) — ainsi que des travaux préparatoires non publiés
de ladite revision me portent à conclure que ce sont les débats enh question
qui ont été à l’origine de la modification du Règlementh, et ce, dans le but
de donner à la Cour davantage de souplesse dans le traitement des exchep -

tions préliminaires, compte tenu des positions divergentes que les membres
de la Cour avaient exprimées à cet égard. Ainsi qu’un émihnent auteur l’a
précisé, la nouvelle formulation — «cette exception n’a pas dans les cir -
constances de l’espèce un caractère exclusivement préliminaire » (para-
graphe 9 de l’article 79 du Règlement actuel) — visait à

« donner satisfaction [aux juges] qui considéraient que certaines

exceptions [d’incompétence ou d’irrecevabilité] revêtent hbel et bien,
du moins en principe, un caractère intrinsèquement préliminaireh »
(Shabtai Rosenne, The Law and Practice of the International Court,
1920‑2005, vol. II, p. 889).

Le nouveau libellé étant silencieux sur ce point, une « incertitude» quant
à l’effet juridique de la solution ainsi adoptée sur la procéhdure de la Cour
au stade de l’examen au fond en a cependant résulté :

«L’incertitude qu’engendre la nouvelle disposition du Règlement h
réside dans la question de savoir si cette formulation a pour effet
d’exclure totalement la possibilité de joindre une exception au fond,

faisant ainsi table rase d’une jurisprudence quasi constante qui
répondait à un besoin largement ressenti, ou si le fait de conclure
dans un arrêt qu’une exception n’a pas, au vu des circonstances, un
caractère exclusivement préliminaire signifie simplement que, àh ce
stade, elle n’est pas accueillie en tant qu’exception préliminahire. Dans

cette seconde hypothèse, cela pourrait revenir à joindre cette exchep -
tion au fond, sous la forme, par exemple, d’une fin de non-recevoir si
telle est l’intention de la partie qui l’a soulevée, ce qui oblhigerait la
Cour à se prononcer sur cette question avant d’examiner le fond de
l’affaire, et ce, bien que celui-ci ait été entièrement réhvélé dans la -ro

cédure écrite.» (Ibid., p. 889-890.)
6. Dans les affaires des Activités militaires et paramilitaires au Nicara‑

gua et contre celui‑ci (Nicaragua c. Etats‑Unis d’Amérique) (C.I.J. Recueil
1986, p. 14) et de la Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le
Nigéria (Cameroun c. Nigéria) (C.I.J. Recueil 1998, p. 275), la Cour a par

170

7 CIJ1077.indb 337 18/04/16 08:54 170 application of genochide convention (sep. ohp. owada)

concerning Land and Maritime Boundary between Cameroon and Nigeria
(Cameroon v. Nigeria) (I.C.J. Reports 1998, p. 275). The Judgment in the
former case summarizes the rationale of the change in the new Rule on

this point as follows :

“in particular where the Court, if it were to decide on the objectionh,
‘would run the risk of adjudicating on questions which appertain to
the merits of the case or of prejudging their solution’ [ Panevezys‑
Saldutiskis Railway, P.C.I.J., Series A/B, No. 75, p. 56]. If this power
was exercised, there was always a risk, namely that the Court would

ultimately decide the case on the preliminary objection, after requir -
ing the parties fully to plead the merits, — and this did in fact occur
(Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, Second
Phase, I.C.J. Reports 1970, p. 3). The result was regarded in some
quarters as an unnecessary prolongation of an expensive and time -

consuming procedure.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
The solution of considering all preliminary objections immediately

and rejecting all possibility of a joinder to the merits had many advo-
cates and presented many advantages. In the Panevezys‑Saldutiskis
Railway case, the Permanent Court defined a preliminary objection
as one ‘submitted for the purpose of excluding an examination by the h
Court of the merits of the case, and being one upon which the Court

can give a decision without in any way adjudicating upon the merits’
(P.C.I.J., Series A/B, No. 76, p. 22). If this view is accepted then of
course every preliminary objection should be dealt with immediately
without touching the merits, or involving parties in argument of the

merits of the case . . . However that does not solve all questions of
preliminary objections, which may, as experience has shown, be to
some extent bound up with the merits. The final solution [was thus]
adopted in 1972, and maintained in the 1978 Rules . . .” (Military and
Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United

States of America), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1986, p. 30,
paras. 39-40.)

7. Although this explanation of the rationale for the change would
seem to fall short of giving a complete answer to the “puzzle”, ith is my
considered view that what all this amounts to in the context of the present

case is that under the new 1978 Rule of Article 79, paragraph 7 (currently
Article 79, paragraph 9), the Court, by declaring in the operative part of
its 2008 Judgment with its binding force upon the Parties that “the second
preliminary objection submitted by the Republic of Serbia does not, in
the circumstances of the case, possess an exclusively preliminary charach-

ter” (2008 Judgment, p. 466, para. 146, subpara. (4)), is in effect making
a decision binding on the Parties, as well as on the Court itself, that h
“because [the issues raised in the preliminary objection in question] con -

171

7 CIJ1077.indb 338 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. owada) 170

la suite donné sur ce point — qui y était examiné — une interprétation
faisant autorité. Ainsi, dans l’arrêt qu’elle a rendu dans lha première de ces
deux affaires, la logique qui sous-tend la modification apportée au hRègle-

ment est résumée comme suit :

« en particulier lorsque en statuant sur les exceptions elle risquait
« soit de trancher des questions qui appartiennent au fond de
l’affaire,soit d’en préjuger la solution » [Chemin de fer Panevezys ‑
Saldutiskis, C.P.J.I. série A/B n o 75, p. 56]. Si elle exerçait cette
faculté, il y avait toujours un danger, à savoir que la Cour ne seh

prononce en définitive que sur la base de l’exception prélimihnaire,
et cela après avoir imposé aux parties un débat exhaustif sur le
fond — et c’est bien ce qui est arrivé dans les faits (Barcelona
Traction, Light and Power Company, Limited, deuxième phase, C.I.J.
Recueil 1970, p. 3). Pour certains, on ne faisait ainsi que prolonger

inutilement une procédure longue et coûteuse.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
[La solution] qui consistait à examiner immédiatement toutes les

exceptions préliminaires et à écarter toute possibilité de jhonction au
fond avait de nombreux partisans et présentait bien des avantages.
Dans l’affaire du Chemin de fer Panevezys‑Saldutiskis, la Cour per -
manente a défini l’exception préliminaire comme celle qui esth « pré-
sentée afin d’exclure l’examen par la Cour du fond de l’affaire, … la

Cour pouvant statuer sur ladite exception sans se prononcer en
aucune façon sur le fond de l’affaire » C.P.J.I. série A/B n 76, p. 22).
Si l’on accepte cette manière de voir, il est évident que chaquhe excep-
tion préliminaire doit être examinée immédiatement sans aborhder le

fond, ni obliger les parties à plaider au fond… Cela ne règle chepen -
dant pas tous les problèmes que posent les exceptions préliminairehs
vu qu’elles peuvent, comme l’expérience l’a montré, se rahttacher
jusqu’à un certain point au fond. La solution [a donc été] rhetenue
en 1972 et conservée dans le Règlement de 1978… » (Activités mili‑

taires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui ‑ci (Nicaragua
c. Etats‑Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 30,
par. 39-40.)

7. Cette explication de la logique sous -tendant la modification du
Règlement ne semble pas lever entièrement l’« incertitude» susmention -
née. Après mûre réflexion, je suis cependant d’avis queh, dans le contexte

de la présente espèce et au regard de la nouvelle disposition fihgurant au
paragraphe 7 de l’article 79 du Règlement (devenu le paragraphe 9 de
l’article79), par sa décision énoncée dans le dispositif de l’arrêht de 2008
— avec la force obligatoire que celui-ci revêt à l’égard des Parties — selon
laquelle « la deuxième exception préliminaire soulevée par la Républiquhe

de Serbie n’a pas, dans les circonstances de l’espèce, un carachtère exclusi-
vement préliminaire» (arrêt de 2008, p. 466, par. 146, point 4) du disposi-
tif), la Cour a en réalité décidé — de manière contraignante pour les

171

7 CIJ1077.indb 339 18/04/16 08:54 171 application of genochide convention (sep. ohp. owada)

tain both preliminary aspects and other aspects relating to the merits, h
they will have to be dealt with at the stage of the merits” (Military and
Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United
States of America), Merits, Judgment, I.C.J.Reports 1986, p. 31, para. 41).

8. More specifically in the context of the present case, the 2008 Judg-
ment explains the reasons for this decision as follows :

“As set out above, Serbia’s preliminary objection, as stated in its
final submission 2 (a), is presented as relating both to the jurisdiction
of the Court and to the admissibility of the claim. The title of juris -

diction relied on by Croatia is Article IX of the Genocide Convention,
and the Court has established above that Croatia and Serbia were
both parties to that Convention on the date on which proceedings
were instituted (2 July 1999). Serbia’s contention is however that the
Court has no jurisdiction under Article IX, or that jurisdiction cannot

be exercised, so far as the claim of Croatia concerns ‘acts and omis -
sions that took place prior to 27 April 1992’, i.e., that the Court’s
jurisdiction is limited ratione temporis. Serbia advanced two reasons
for this: first, because the earliest possible point in time at which the
Convention could be found to have entered into force between the

FRY and Croatia was 27 April 1992 ; and secondly, because ‘the Gen -
ocide Convention including the jurisdictional clause contained in its
Article IX cannot be applied with regard to acts that occurred before
Serbia came into existence as a State’, and could thus not have becomhe
binding upon it. Serbia therefore contended that acts or omissions

which took place before the FRY came into existence cannot possibly
be attributed to the FRY.” (2008 Judgment, p.457, para.121 ; empha -
sis in the original.)

9. Among the reasons for the decision of the Court on this point,
though the 2008 Judgment (paras. 120 et seq.) does not exhaustively refer
to all the elements raised by the Parties in the context of the second phre -
liminary objection of Serbia, it specifies, referring to one of the rehlevant

elements, as follows :
“In its preliminary objections Serbia contended that ‘[a]cts or omhis -

sions which took place before the FRY came into existence cannot
possibly be attributed to the FRY’ ; it denies that Croatia has been
able to demonstrate that the FRY was a State in statu nascendi, and
argues that that concept is ‘evidently not appropriate for this case’.
At the hearings it argued that the requirements of Article 10, para -

graph 2, of the ILC Articles on State Responsibility are not fulfilled
in respect of the claims made by Croatia against Serbia in the present
case. It contended that Croatia has been unable to specify an identi -
fiable ‘insurrectional or other movement’ in the territory of thhe SFRY

172

7 CIJ1077.indb 340 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. owada) 171

Parties comme pour elle-même — que, « puisqu[e les questions soulevées
dans l’exception préliminaire en cause] comport[aient] à la foihs des aspects
préliminaires et des aspects de fond, elles devr[aient] être réhglées au stade
du fond » ( Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre

celui‑ci (Nicaragua c. Etats‑Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil
1986, p. 31, par. 41).
8. Les raisons de cette décision, dans les circonstances de la présenhte
affaire, sont énoncées comme suit dans l’arrêt de 2008 :

«Ainsi qu’exposé ci -dessus, l’exception préliminaire énoncée à
l’alinéa 2 a) des conclusions finales de la Serbie est présentée comme
une exception à la fois d’incompétence de la Cour et d’irrechevabilité

de la demande. La base de compétence invoquée par la Croatie est
l’articleIX de la convention sur le génocide, et la Cour a établi plus
haut que la Croatie et la Serbie étaient toutes deux parties à ladhite
Convention à la date de l’introduction de l’instance (le 2 juillet 1999).
La Serbie soutient toutefois que la Cour n’a pas compétence en verhtu

de l’article IX ou qu’elle ne saurait exercer cette compétence pour
autant que la demande de la Croatie a trait à des «actes ou omissions
antérieurs au 27 avril 1992 », ce qui revient à dire que la compétence
de la Cour est limitée ratione temporis. A cet égard, la Serbie a fait
valoir deux arguments, le premier étant que la date à laquelle la h

Convention aurait pu, au plus tôt, entrer en vigueur entre la RFY et h
la Croatie était le 27 avril 1992, et le second, que « la convention sur
le génocide, y compris la clause juridictionnelle contenue à l’har -
ticle IX, ne saurait s’appliquer à des actes intervenus avant que la
Serbie n’ait commencé à exister en tant qu’Etat » et ne saurait donc,

avant ce moment, être devenue obligatoire pour elle. La Serbie a
donc soutenu que les actes ou omissions antérieurs à la naissance hde
la RFY ne sauraient en aucun cas être attribués à cette dernièhre. »
(Arrêt de 2008, p. 457, par. 121; les italiques sont dans l’original.)

9. Quoique les éléments avancés par les Parties au sujet de la deuhxième
exception de la Serbie n’aient pas tous été examinés dans l’harrêt de 2008
(par. 120 et suiv.), la Cour y a précisé ce qui suit au sujet de l’uhn d’entre
eux:

«Dans ses exceptions préliminaires, la Serbie soutient que « [l]es

actes ou omissions antérieurs à la naissance de la RFY ne sauraienht
en aucun cas être attribués à cette dernière »; elle estime que la Croa -
tie n’a pas été en mesure de démontrer que la RFY était uhn Etat
in statu nascendi et fait valoir que cette notion « ne trouve à l’évi -
dence pas à s’appliquer en l’espèce ». A l’audience, elle a fait valoir

que les demandes présentées contre elle par la Croatie en la préhsente
espèce ne satisfaisaient pas aux conditions posées au paragraphe 2 de
l’article10 des articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat. Elle
soutient que la Croatie n’a pas été en mesure de désigner unh « mou -

172

7 CIJ1077.indb 341 18/04/16 08:54 172 application of genochide convention (sep. ohp. owada)

as one that established the FRY which would fall within the definitionh
of that Article.

In so far as Article 10, paragraph 2, of the ILC Articles on State
Responsibility reflects customary international law on the subject, it
would necessarily require the Court, in order to determine if that rule ▯
is applicable to the present case and for purposes of a possible applica▯‑

tion, to enter into an examination of factual issues concerning the events
leading up to the dissolution of the SFRY and the establishment of the
FRY. The Court notes further that for it to determine whether, prior
to 27 April 1992, the FRY was a State in statu nascendi for purposes
of the rule invoked would similarly involve enquiry into disputed mat -

ters of fact. It would thus be impossible to determine the questions raised
by the objection without to some degree determining issues properly
pertaining to the merits. ” (2008 Judgment, p. 459, paras. 126-127 ;
emphasis added.)

10. It is based on these reasonings that the 2008 Judgment concludes :

“[i]n order to be in a position to make any findings on each of thehse
issues [of the Court’s jurisdiction to determine whether breaches of h
the Genocide Convention were committed in the light of the facts that

occurred prior to the date on which the FRY came into existence as
a separate State and of admissibility of the claim in relation to those h
facts], the Court will need to have more elements before it ” (ibid.,
p. 460, para. 129 ; emphasis added).

11. In view of these circumstances, it is my opinion that the present
Judgment has failed to carry out the task assigned to the Court by this h
instruction of the 2008 Judgment. While the Judgment expends more

than 40 paragraphs in this section on jurisdiction and admissibility, much
of it dealing with an extensive discussion on what Article IX is not about,
such as the general issue of genocide under general international law,
which obviously cannot confer title to jurisdiction under the Conventionh

upon the Court, it has not addressed in substance all the issues that ith
should be concerned with, such as the analysis from the legal and factuahl
points of view, of the doctrine of State succession in respect of internha -
tional responsibility as argued by the Parties in support of or against hthe
exercise of jurisdiction ratione temporis by the Court within the scope of

the compromissory provision of Article IX of the Convention. These are
the issues that the Court declared that it could not go into at the staghe of
preliminary objections but which should be examined in the context of
the merits of the case, to the extent necessary for the purpose of deterhmin -
ing the scope of the jurisdiction ratione temporis conferred by the Parties

upon the Court under Article IX. In my view, this examination is the sole
relevant point that has been assigned to the Court to examine at this
stage, in order to ascertain the legal basis for the existence vel non of the

173

7 CIJ1077.indb 342 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. owada) 172

vement insurrectionnel ou autre » identifiable, sur le territoire de la
RFSY, qui aurait créé la RFY et qui répondrait à la défihnition don-
née par cet article.

Pour autant que le paragraphe 2 de l’article10 des articles de la
CDI sur la responsabilité de l’Etat reflète le droit international cou -
tumier en la matière, la Cour aura nécessairement, pour déterminer si
cette règle est applicable en l’espèce et, le cas échéant▯, pour l’appliquer,

à se livrer à un examen des points de fait relatifs aux évén▯ements qui
ont conduit à la dissolution de la RFSY et à la création de la RFY. La
Cour relève en outre que, pour déterminer si, avant le 27 avril 1992,
la RFY était un Etat in statu nascendi au sens de la règle invoquée, il
lui faudrait également examiner des questions de fait en litige. Il

serait donc impossible de trancher les questions soulevées par cette
exception sans statuer, jusqu’à un certain point, sur des élé▯ments qui
relèvent à proprement parler du fond. » (Arrêt de 2008, p. 459,
par. 126-127; les italiques sont de moi.)

10. C’est ce raisonnement qui a conduit la Cour, dans son arrêt de
2008, à conclure que,

« pour qu[’elle] puisse se prononcer sur chacune de ces questions
[relatives à sa compétence pour déterminer si des violations deh la
convention sur le génocide ont été commises, à la lumièreh des faits

antérieurs à la date à laquelle la RFY a commencé à existher en tant
qu’Etat distinct et à la recevabilité de la demande concernant hces
faits], elledevra[it] disposer de davantage d’éléments » (ibid., p. 460,
par. 129; les italiques sont de moi).

11. Au vu de ce qui précède, je considère que la Cour ne s’est pas, dans
le présent arrêt, acquittée de la tâche qu’elle s’éhtait assignée en 2008.
Quoique plus de quarante paragraphes de l’arrêt soient consacréhs à la

section portant sur la compétence et la recevabilité — une granhde partie
de ces développements ayant d’ailleurs trait à des questions sans rapport
avec l’article IX, comme celle du génocide au regard du droit internatio -
nal général, lequel ne saurait évidemment être attributif deh compétence en

vertu de la Convention —, la Cour n’y traite pas sur le fond tous les
aspects auxquels elle aurait dû s’intéresser ; elle ne se livre notamment pas
à l’analyse, d’un point de vue juridique et factuel, de la docthrine de la
succession d’Etats en matière de responsabilité internationale,h qui a été
examinée par les Parties pour étayer ou contester l’exercice deh sa compé -

tence ratione temporis dans le cadre de la clause compromissoire énoncée
à l’article IX de la Convention. Or telles sont précisément les questions
dont la Cour avait indiqué qu’elles ne pouvaient être examinéhes au stade
des exceptions préliminaires, mais qui devaient l’être lors de hla phase du
fond dans la mesure où elles permettaient de déterminer l’éthendue de la

compétence ratione temporis que les Parties lui avaient conférée au titre
de l’articleIX. Selon moi, il s’agissait là du seul examen pertinent auquel
la Cour se devait de procéder à ce stade aux fins d’établihr juridiquement

173

7 CIJ1077.indb 343 18/04/16 08:54 173 application of genochide convention (sep. ohp. owada)

consent of the parties under the Convention, which alone constitutes theh
basis for conferring jurisdiction on the Court in relation to this second
objection of the Respondent.

12. In dealing with those core issues of jurisdiction ratione temporis
raised by the Respondent in its second preliminary objection, the presenht
Judgment refers to three distinct arguments advanced by the Applicant ath
the merits phase of the present case. They are (a) the contention that the
Genocide Convention, providing for erga omnes obligations, has retro -

active effect; (b) the contention that what came to emerge as the Federal
Republic of Yugoslavia (hereinafter “FRY”) during the period 199h1 -1992
was an entity in statu nascendi born out of the then existing Socialist
Federal Republic of Yugoslavia (hereinafter “SFRY”) in the senseh of Arti -
cle10, paragraph 2, of the ILC Articles on the Responsibility of States for
Internationally Wrongful Acts (hereinafter “ILC Articles on State

Responsibility”); and, (c) as an alternative to (b) above, the contention
that the law of State succession in respect of international responsibilhity is
applicable under the specific circumstances of the situation surroundihng
the SFRY and the FRY, where a special link existed between the SFRY
and the FRY.

13. With respect to the arguments advanced by the Applicant in its
contentions (a) and (b), the Judgment offers a careful analysis in sub -
stance, and has come out with the conclusion that there is no valid basis,
as a matter of law, that can provide the Court with jurisdiction rati‑
one temporis to entertain the present case, in so far as it relates to acts
that took place before 27 April 1992, the date on which the Respondent

declared its independence to become a party to the Genocide Convention.
It must be noted that these conclusions of the Court have been reached ahs
a matter of a legal analysis of the claimed principles of law applicableh to
the present case, without going into a detailed analysis of the surroundhing
facts relating to the alleged events as claimed by the Applicant.
14. With regard to arguments advanced by the Applicant in its conten -

tion (c), by contrast, the Judgment has refrained from engaging in a par -
allel legal analysis into the validity in international law of the claimhed
principles as a source of the applicable law.
15. It is interesting to observe that the substantive examination of the
facts surrounding the events which took place during the period prior toh

27 April 1992 reveals, subsequently in a section which follows the section
on jurisdiction and admissibility where the Judgment has somewhat cate -
gorically concluded without any examination of these facts and thereforeh in
my view without offering any factual or legal basis for so concluding, that
“to the extent that the dispute concerns acts said to have occurred bhefore
[27 April 1992], it also falls within the scope of Article IX” (Judgment,

para. 117). It seems surprising that the Judgment came to this conclusion
without even a preliminary examination of “the facts that occurred prior to
the date on which the FRY came into existence as a separate State”, ahs
prescribed by the 2008 Judgment (2008 Judgment, p.460, para. 129).

174

7 CIJ1077.indb 344 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. owada) 173

l’existence ou non du consentement des Parties au titre de la Conventhion,
consentement qui constituait la seule base de compétence susceptible hde
lui permettre de connaître de la deuxième exception préliminairhe du
défendeur.

12. Dans le cadre de son examen de ces questions essentielles de com -
pétence ratione temporis soulevées par le défendeur dans sa deuxième
exception préliminaire, la Cour, dans le présent arrêt, fait mehntion de
trois arguments différents qui ont été avancés par le demandeur lors de la
phase du fond. Il s’agit de a) l’argument selon lequel la convention sur le

génocide, qui énonce des obligations erga omnes, a un effet rétroactif ;
b) l’argument selon lequel ce qui allait devenir la République fédhérale de
Yougoslavie (ci -après la « RFY») dans les années 1991 -1992 était une
entité in statu nascendi issue de la République fédérative socialiste de
Yougoslavie (ci -après la « RFSY»), au sens du paragraphe 2 de l’ar -
ticle10 des Articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat pour faiht

internationalement illicite (ci-après les «Articles de la CDI sur la respon -
sabilité de l’Etat»); et c), subsidiairement au b) ci -dessus, l’argument
selon lequel le droit de la succession d’Etats en matière de respohnsabilité
internationale est applicable au vu des circonstances particulières dhe la
présente espèce, un lien spécial existant entre la RFSY et la RhFY.

13. En ce qui concerne les arguments a) et b), la Cour les a examinés
de manière approfondie dans son arrêt, concluant qu’il n’exihstait aucun
fondement juridique valable qui puisse lui conférer compétence ratione
temporis pour connaître de la présente affaire dans la mesure où celle-cih a
trait aux actes antérieurs au 27 avril 1992, date à laquelle le défendeur a
déclaré son indépendance et est devenu partie à la conventiohn sur le géno -

cide. Il convient de relever que la Cour est parvenue à ces conclusiohns sur
la base d’une analyse juridique des principes de droit qui avaient éhté invo -
qués, sans s’intéresser en détail aux éléments factuels entourant les événe -
ments allégués par le demandeur.

14. S’agissant de l’argument c), en revanche, la Cour ne s’est pas livrée

à pareil examen juridique de la validité, au regard du droit interhnational,
des principes invoqués en tant que sources du droit applicable en la hpré -
sente espèce.
15. Chose notable, les faits qui ont entouré les événements antéhrieurs au
27 avril 1992 sont l’objet d’un examen au fond plus loin dans l’arrêth, après

la section consacrée à la compétence et à la recevabilité, dans laquelle la
Cour a conclu de manière quelque peu catégorique — en l’absehnce de tout
examen de cette nature et donc, selon moi, de toute base factuelle ou juhri -
dique pour parvenir à pareille conclusion — que «le différend entr[ait] éga-
lement dans le champ [de l’]article [IX] dans la mesure où il se rapporte à
des actes qui seraient antérieurs » au 27 avril 1992 (arrêt, par. 117). Il

paraît surprenant que la Cour soit parvenue à cette conclusion sanhs même
procéder à un examen préliminaire des «faits antérieurs à la date à laquelle
la RFY a commencé à exister en tant qu’Etat distinct », comme cela était
prescrit par l’arrêt de 2008 (arrêt de 2008, p. 460, par. 129).

174

7 CIJ1077.indb 345 18/04/16 08:54 174 application of genochide convention (sep. ohp. owada)

16. Indeed, even a cursory examination of the material contained in
Section V of the Judgment dealing with the “Consideration of the Merits
of the Principal Claim” persuades us that all of the requirements menh -

tioned in the three -stage process listed in paragraph 112 have to be exam-
ined in order for the Court to be able to decide on the applicability vel non
of the law of State succession in respect of international responsibilithy as
a plausible basis for establishing the jurisdiction of the Court to detehr -
mine whether Serbia is responsible for violations of the Convention. If

one examines each of these requirements in the context of the facts of the
case, it seems clear that the attempt of the Applicant has to fail at thhe first
stage of this process, to the extent that the acts relied on by Croatia, even
assuming that they were committed by the SFRY, were found not to fall
within the category of acts contrary to the Convention. As this is the legal

basis on which the Judgment has come to its final conclusion on the mehr-
its of this case, it can only do so after it has satisfied itself that it has
jurisdiction on the basis of an examination of all relevant facts and lahw
raised by the Respondent in its second preliminary objection. Neverthe -
less, the Judgment came to this final decision on the merits after dechlar -

ing, ex cathedra, that it has jurisdiction ratione temporis on the ground
that “to the extent that the dispute concerns acts said to have occurred
before [27 April 1992], it also falls within the scope of Article IX and . . .
the Court therefore has jurisdiction to rule upon the entirety of Croatiha’s
claim” (Judgment, para. 117).

17. In justification of this conclusion of the Court on the jurisdictionalh
objectionratione temporis raised by Serbia, the Judgment makes a reference
to the doctrine of State succession in respect of international responsibility
as relevant (ibid., paras. 106 et seq.). It is true that the Judgment tries to
disassociate itself from any position that might look like an endorsemenht of

this doctrine, even on a prima facie basis or on the basis of plausibility.
Moreover, the Judgment continues to base its whole argument on a highly
debatable position of the Court in its earlier Judgment on preliminary
objections relating to the scope and the legal implications of the declahration
made by the FRY on 27 April 1992. This is an issue in respect of which I
hold a dissenting view to the position taken by the Court in its 2008 Juhdg -

ment (2008 Judgment, p.451, para.111) and confirmed in the present Judg -
ment (para. 76) as it is in contradiction with the jurisprudence established
by the Court in the cases concerning the Legality of Use of Force (see, for
example, Legality of Use of Force (Serbia and Montenegro v. Belgium),
Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2004 (I), p. 279).

In spite of the Judgment’s seemingly careful approach to the questionh
of the doctrine of State succession in respect of international responsihbil-
ity and in spite of its formal disclaimer, it would seem difficult to ihnterpret
the following thesis that lies crucially at the heart of the logic of thhe Jud-
ment as anything else than an effort to link the logic of the Judgment, ihn

whatever neutral a manner as it may be, with this doctrine, as a factor h
relevant for providing the Court with the jurisdiction stricto sensu under
the Convention by consent, either through some consent, implied, of the h

175

7 CIJ1077.indb 346 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. owada) 174

16. De fait, même en parcourant rapidement les éléments exposés hdans
la section V de l’arrêt, consacrée à l’«Examen au fond de la demande prin-
cipale», l’on se rend compte que chacune des trois exigences du processuhs

décrit au paragraphe 112 doit être examinée pour que la Cour puisse déci-
der de l’applicabilité velnon du droit de la succession d’Etats en matière de
responsabilité internationale en tant que base de compétence plaushible aux
fins de déterminer si la Serbie est responsable de violations de lah Conven-
tion. Or si chacune de ces exigences est appréciée au regard des faits de

l’espèce, force est de constater que la tentative du demandeur ne peut
qu’échouer dès la première étape dudit processus puisque hles actes invo -
qués par la Croatie, même à supposer qu’ils aient été commis par la RFSY,
ont été considérés comme n’entrant pas dans la catégorhie des actes
contraires à la Convention. Etant donné que telle est la base jurihdique qui

a permis à la Cour de parvenir à sa conclusion définitive surh le fond de la
présente affaire, elle ne pouvait le faire qu’après s’êtreh assurée qu’elle avait
compétence en examinant tous les éléments factuels et juridiquehs perti -
nents soulevés par le défendeur dans sa deuxième exception préhliminaire.
Et pourtant, la Cour est parvenue à sa décision définitive auh fond après

s’être déclarée, ex cathedra, compétente ratione temporis en indiquant que
«le différend entr[ait] également dans le champ [de l’]article [IX] dans la
mesure où il se rapporte à des actes qui seraient antérieurs [ahu 27 avril
1992], et qu’elle a[vait] compétence pour connaître de la demanhde de la
Croatie dans son ensemble» (arrêt, par. 117).

17. Pour justifier sa conclusion concernant l’exception d’incompéhtence
ratione temporis soulevée par la Serbie, la Cour se réfère à la théorie dhe la
succession d’Etats en matière de responsabilité internationale h(ibid.,
par. 106 et suiv.); il est vrai qu’elle s’efforce de ne pas donner l’impression
de souscrire à cette théorie, même prima facie ou à l’aune du critère de

plausibilité. De surcroît, elle continue de fonder l’intégralité de son rai -
sonnement sur la position hautement contestable qu’elle avait énonhcée
dans son arrêt sur les exceptions préliminaires au sujet de la porhtée et des
effets juridiques de la déclaration faite par la RFY le 27 avril 1992. Sur ce
point, mes vues divergent de celles de la Cour (arrêt de 2008, p. 451,
par. 111), telles que confirmées dans le présent arrêt (par. 76), car celles-ci

sont en contradiction avec la jurisprudence qui avait été établhie dans les
affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force (voir, par exemple,
Licéité de l’emploi de la force (Serbie ‑et‑Monténégro c. Belgique), excep ‑
tions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 279).

En dépit de l’apparente prudence que manifeste la Cour au sujet deh la
théorie de la succession d’Etats en matière de responsabilitéh internationale
et de son refus exprès de se prononcer à cet égard, il paraîht difficile de
considérer le raisonnement reproduit ci-après — qui est au cœhur même de
la logique qui sous-tend l’arrêt — autrement que comme une tentative

d’établir un lien, même de la manière la plus neutre qui soiht, avec la théorie
en question, en ce que celle-ci constitue un élément permettant deh fournir
à la Cour la base de compétence consensuelle stricto sensu au titre de la

175

7 CIJ1077.indb 347 18/04/16 08:54 175 application of genochide convention (sep. ohp. owada)

Parties, or through the operation of rules of general international law h
under Article IX. After an examination of the current state of the law of
State succession in respect of international responsibility, the Judgmenht

goes on to say that :
“It is true that whether or not the Respondent State succeeds, as

Croatia contends, to the responsibility of its predecessor State for
violations of the Convention is governed not by the terms of the Con-
vention but by rules of general international law. However, that does
not take the dispute regarding the third issue outside the scope of Arti▯ ‑
cle IX. As the Court explained in its 2007 Judgment in the Bosnia and

Herzegovina v. Serbia and Montenegro case,
‘[t]he jurisdiction of the Court is founded on Article IX of the

Genocide Convention, and the disputes subject to that jurisdic -
tion are those ‘relating to the interpretation, application or ful -
filment’ of the Convention, but it does not follow that the
Convention stands alone. In order to determine whether the
Respondent breached its obligations under the Convention, as

claimed by the Applicant, and, if a breach was committed,
to determine its legal consequences, the Court will have recourse
not only to the Convention itself, but also to the rules of general
international law on treaty interpretation and on responsi -
bilityof States for internationally wrongful acts.’ (I.C.J. Reports

2007 (I), p. 105, para. 149.)
The Court considers that the rules on succession that may come

into play in the present case fall into the same category as those on
treaty interpretation and responsibility of States referred to in the
passage just quoted.” (Judgment, para. 115; emphasis added.)

18. This statement, however, is in conflict with the following statement
in the 2008 Judgment which explains why the Court in that case decided
that:

“In so far as Article 10, paragraph 2, of the ILC Articles on State
Responsibility reflects customary international law on the subject, ith
would necessarily require the Court, in order to determine if that rule
is applicable to the present case and for purposes of a possible appli -

cation, to enter into an examination of factual issues concerning the
events leading up to the dissolution of the SFRY and the establishment
of the FRY. The Court notes further that for it to determine whether,
prior to 27 April 1992, the FRY was a State in statu nascendi for pur -
poses of the rule invoked would similarly involve enquiry into disputed

matters of fact. It would thus be impossible to determine the questions
raised by the objection without to some degree determining issues
properly pertaining to the merits.” (2008 Judgment, p. 459, para.127.)

While this passage is referring more specifically to the issue of Arti -
cle 10, paragraph 2, of the ILC Articles on State Responsibility, and not

176

7 CIJ1077.indb 348 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. owada) 175

Convention, soit par consentement implicite des Parties, soit par l’ehffet des
règles du droit international général dans le cadre de l’arthicle IX. Après
avoir examiné l’état du droit de la succession d’Etats en mahtière de respon -

sabilité internationale, la Cour poursuit en effet comme suit :
«Certes, la question de savoir si, comme le soutient la Croatie,

l’Etat défendeur succède à la responsabilité de son Etat hprédécesseur
pour violation de la Convention est régie non pas par celle-ci, mais par
les règles du droit international général. Cela n’a néanmoins pas pour
effet d’exclure du champ de l’article IX le différend relatif au troisième
point. C’est ce qu’a expliqué la Cour dans l’arrêt qu’elle ah rendu en

2007 en l’affaire Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑ Monténégro :
« Que la Cour tire sa compétence de l’article IX de la Conven -

tion et que les différends qui relèvent de cette compétence porthent
sur « l’interprétation, l’application ou l’exécution » de la Conven -
tion n’a pas nécessairement pour conséquence que seule doive
entrer en ligne de compte cette Convention. Afin de déterminer si, h
comme le soutient le demandeur, le défendeur a violé l’obligatihon

qu’il tient de la Convention et, s’il y a eu violation, d’en déhtermi-
ner les conséquences juridiques, la Cour fera appel non seulement
à la Convention proprement dite, mais aussi aux règles du droit
international général qui régissent l’interprétation des htraités et la
responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite. »

(C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 105, par. 149.)
La Cour considère que les règles de succession susceptibles d’ehntrer

en jeu en l’espèce sont du même ordre que celles qui régissehnt l’inter-
prétation des traités et la responsabilité de l’Etat et donth il est question
dans le passage précité.» (Arrêt, par. 115 ; les italiques sont de moi.)

18. Or ce raisonnement de la Cour est en contradiction avec celui
qu’elle avait suivi dans son arrêt de 2008 :

« Pour autant que le paragraphe 2 de l’article 10 des articles de la
CDI sur la responsabilité de l’Etat reflète le droit internathional cout-u
mier en la matière, la Cour aura nécessairement, pour déterminer si
cette règle est applicable en l’espèce et, le cas échéanth, pour l’appliquer,

à se livrer à un examen des points de fait relatifs aux événhements qui
ont conduit à la dissolution de la RFSY et à la création de la hRFY. La
Cour relève en outre que, pour déterminer si, avant le 27 avril 1992, la
RFY était un Etat in statu nascendi au sens de la règle invoquée, il lui
faudrait également examiner des questions de fait en litige. Il serait

donc impossible de trancher les questions soulevées par cette exceptihon
sans statuer, jusqu’à un certain point, sur des éléments quih relèvent à
proprement parler du fond.» (Arrêt de 2008, p. 459, par. 127.)

Bien que, dans ce passage, la Cour se réfère plus particulièremhent à la
question du paragraphe 2 de l’article10 des Articles de la CDI sur la respon-

176

7 CIJ1077.indb 349 18/04/16 08:54 176 application of genochide convention (sep. ohp. owada)

to the issue of State succession in respect of international responsibility,
nevertheless the same logic should apply to the examination of the paralh-
lel contentions raised by Croatia in defence of its claim for jurisdictihon

and admissibility in relation to the events prior to 27 April 1992, the date
on which the Respondent became bound by the Genocide Convention as
a party to it. The Court in that 2008 Judgment clearly states that “for [the
Court] to determine whether, prior to 27 April 1992, the FRY was a State
in statu nascendi for purposes of the rule invoked would similarly involve

enquiry into disputed matters of fact” and that “[i]t would thus bhe impos ‑
sible to determine the questions raised by the objection without to some▯
degree determining issues properly pertaining to the merits ” (ibid.; empha-
sis added).
19. I have no disagreement of substance with the general statement in

the 2007 Judgment as quoted above (para. 17). However, it is abundantly
clear from the context of that passage that the purpose of this statement
is totally different from what the present Judgment is trying to argue inh
the paragraph in question (Judgment, para. 115). The intent and purpose
of the passage in the 2007 Judgment is to restrictively define the scope of

the jurisdiction conferred by the consent of the parties under Article IX
of the Convention. The intent of the present paragraph would appear to
be to expand the scope of the jurisdiction of the Court conferred by theh
consent of the parties under Article IX of the Convention, which is con -
fined to “[d]isputes . . . relating to the interpretation, application or fulfil-

ment” of the Convention, to something which is not expressly stated bhy
arguing that claimed rules of general international law—which the Judhg-
ment would seem to imply could cover the law of State succession in
respect of international responsibility—could be relevant to, and forhm an
essential part of the argument of the Applicant on, the “interpretatihon,

application or fulfilment” of the Convention for the purposes of deter -
mining the scope of jurisdiction.
20. I could only accept such logic, if the validity of the doctrine in
question under general international law were fully examined by the
Judgment in the section on jurisdiction and its veracity — or at any rate
its plausibility — established. Otherwise, this doctrine would be no hmore

than an argument advanced by one of the Parties to the dispute, just as his
the argument, again advanced by the same Party in the present case and
rejected by the present Judgment, on the validity of the doctrine based hon
Article 10, paragraph 2, of the ILC Articles on State Responsibility (a
provision relating to the issue of responsibility of States in statu nascendi).

On this latter issue the Judgment expends detailed discussion, arriving hat
the conclusion that this argument of Croatia cannot provide a basis for
jurisdiction of the Court within the scope of Article IX of the Convention
(Judgment, para. 105).
21. It is thus my position that the conclusion of the present Judgment

should have been based on an approach to pursue the path prescribed by
the 2008 Judgment and examine to the extent necessary the relevant
aspects, both of facts and law, of the merits of the case before arrivinhg at

177

7 CIJ1077.indb 350 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. owada) 176

sabilité de l’Etat, et non à la question de la succession d’hEtat en matière de
responsabilité internationale, la même logique devrait s’appliquer à l’exa -
men d’arguments analogues formulés par la Croatie à l’appui hde la comp -é
tence et de la recevabilité en ce qui concerne les événements ahntérieurs au

27 avril 1992, date à laquelle le défendeur est devenu lié par la convenhtion
sur le génocide en tant que partie à cet instrument. Or dans son ahrrêt de
2008, la Cour avait clairement indiqué que, « pour déterminer si, avant le
27 avril 1992, la RFY était un Etat in statunascendi au sens de la règle invo
quée, il lui faudrait également examiner des questions de fait en hl», ajou-

tant qu’« [i]l serait donc impossible de trancher les questions soulevées par
cette exception sans statuer, jusqu’à un certain point, sur des éléments qui
relèvent à proprement parler dufond» (ibid.; les italiques sont de moi).
19. Sur le fond, je ne suis pas en désaccord avec le prononcé généhral
précité, extrait de l’arrêt de 2007 (par.7, ci-dessus). Cependant, il ressort
très clairement du contexte de ce passage que le propos de la Cour y hétait

fort différent de ce qu’il est dans le paragraphe du présent arrhêt dans
lequel ledit prononcé est repris (arrêt, par.115). Dans l’arrêt de 2007, ce
dernier avait en effet pour objet et pour but de définir, de manièhre restric
tive, l’étendue de la compétence que les parties avaient conféhrée à la Cour
au titre de l’articleX de la Convention ; dans le présent arrêt, l’intention

paraît être, au contraire, d’étendre cette même compéthence, qui est limitée
aux « différends … relatifs à l’interprétation, l’application ou l’exécuthion
de la … Convention », à quelque chose qui n’est pas spécifié, au motif queh
certaines règles du droit international général ayant étéh invoquées — et
dont la Cour semble laisser entendre qu’elles pourraient englober le hdroit
de la succession d’Etats en matière de responsabilité internatihonale —

pourraient être pertinentes à l’égard de l’argumentation hdu demandeur
relative à «l’interprétation, l’application ou l’exécution» dudit instrument
— argumentation dont elles constituent une partie essentielle —, aux fins
de déterminer l’étendue de la compétence de la Cour.
20. Je ne pourrais souscrire à pareil raisonnement que si la validité,h en
droit international général, de la théorie en question avait éhté pleinement

examinée dans la section de l’arrêt consacrée à la compéhtence, et si sa
véracité — ou, à tout le moins, sa plausibilit— avait été établie. Adéfaut,
cette théorie n’est rien de plus qu’un argument avancé par lh’une des Par -
ties au différend, tout comme l’argument, avancé par cette mêhme Partie
en la présente espèce et écarté dans l’arrêt, concernahnt la validité de la

théorie fondée sur le paragraphe 2 de l’article 10 des Articles de la CDI
sur la responsabilité de l’Etat (disposition ayant trait à la hquestion de la
responsabilité des Etats in statu nascendi). Or ce second argument a fait
l’objet d’un examen approfondi, la Cour étant parvenue à la hconclusion
qu’il ne pouvait lui offrir une base de compétence au titre de l’harticleIX
de la Convention (arrêt, par. 105).

21. Au vu de ce qui précède, je considère que la conclusion énonhcée
dans le présent arrêt aurait dû résulter de l’approche prhescrite dans l’arrêt
de 2008. Autrement dit, la Cour aurait dû, dans la mesure où cela lui était
nécessaire, se livrer à un examen des aspects pertinents de l’affaire au

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7 CIJ1077.indb 351 18/04/16 08:54 177 application of genochide convention (sep. ohp. owada)

the conclusion that the claim of the Applicant cannot be upheld on the

merits. If the present Judgment were to follow the present structure of hthe
Judgment of treating the jurisdictional issues first before treating ahny
aspect of the merits, the Court can only do so after satisfying itself that it
has the necessary jurisdiction on the basis of the consent of the Partiehs.
This would have required the Court to examine the legal validity of all hthe

alleged rules of international law advanced by the Applicant, including h
those relating to State succession in respect of international responsibhil -
ity, as a means to establish the legal basis for enabling the Court to ehxer-
cise jurisdiction with regard to the merits. In my submission, the presehnt

Judgment has failed to do that.

(Signed) Hisashi Owada.

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7 CIJ1077.indb 352 18/04/16 08:54 application de convehntion génocide (op. inhd. owada) 177

fond, tant juridiques que factuels, avant de parvenir à la conclusionh qu’il
ne pouvait être fait droit à la demande de la Croatie. Dans le cadre de la

structure existante du présent arrêt, où les questions de compétence sont
examinées avant toute question relative au fond, la Cour ne pouvait phar-
venir à cette conclusion qu’après s’être assurée que les Parties lui avaient
conféré la compétence nécessaire à cet effet. Cela aurait hdû la conduire à
examiner la validité juridique de toutes les règles de droit interhnational

alléguées par le demandeur — notamment celles ayant trait à la succes -
sion d’Etats en matière de responsabilité internationale — en tant que
bases juridiques lui permettant d’exercer sa compétence. Selon moih, la
Cour ne s’est pas acquittée de cette tâche.

(Signé) Hisashi Owada.

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7 CIJ1077.indb 353 18/04/16 08:54

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Opinion individuelle de M. le juge Owada

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