Opinion dissidente de M. Weeramantry, vice-président (traduction)

Document Number
094-19980611-JUD-01-06-EN
Parent Document Number
094-19980611-JUD-01-00-EN
Document File
Bilingual Document File

OPINION DISSIDENTE DE M. WEERAMANTRY,
VICE-PRÉSIDENT

[Traduction]

Paragraphes2 et 4 de l'article36 et alinéac) du paragraphe1 de l'article38
du Statut - Nécessitéque l'acceptation soit communiquéeavant que ne se
forme lelien consensuel- Obligation incombant au secrétariat en verdupara-
graphe 4 de l'article36- Recours, en vertude 1'alinéac) du paragraphe 1 de
l'article38,à des élémentsde droit comparé ence qui concerne laformation du
consensus - Nécessité de l'écoulemed n'tundélaientre la remise dela déclara-
tion et laformation du lien consensue- Nécessitéd'éviterqu'unepartie ne soit
liéepar surprise- Extension de lajuridiction de la Courpar une stricte appli-
cation duparagraphe 4 de l'article36.

J'ai des réservesà formuler au sujet des conclusions de la Cour à pro-
pos de la première exceptiondu Nigéria.Les principes en cause revêtant
une importance considérable pour la jurisprudence de la Cour, j'estime
nécessaire d'exposermes réservesd'une façon assez détaillée.

En bref, mes inquiétudesont essentiellement trait à la thèse selonla-
quelle le dépôt d'une déclarationen vertu du paragraphe 2 de l'article 36
du Statut suffit à établirle lien consensuel requis au titre de la clause
facultative. Il découlede cette façon de voir que dèsqu'une déclaration
est remise en vertu du paragraphe 2 de l'article 36, la partie faisant la
déclarationest en droit d'introduire une instance devant la Cour contre
un autre Etat déclarant, quece dernier ait ou non connaissancedu dépôt
de cette déclaration. A mon avis, cette thèsene saurait être conformeni

aux normes du droit ni aux principes fondamentaux régissantla clause
facultative.
Un tel point de vue est contraire à une disposition spécifiquedu droit
applicable, qui est énoncéeau paragraphe 4 de l'article 36 du Statut, et
est incompatible avec la doctrine du consensus sur laquelle se fondent
l'économiede la juridiction de la Cour ainsi que cette disposition spéci-
fique. Il contredit aussi lesprincipes d'égalité, d'équité,bd oenne foi et de

réciprocité. Il aboutit en outre à une situation assez incongrue où, au
cours de la période transitoire entre la remisede la déclaration etsa com-
munication, il existe en pratique une grande inégalitéentre les parties
quant à leur droit de saisir la Cour. Le droit d'introduire une action
contre un adversaire est en toutes circonstancesun droit important. Il le
devient encore plus - et cela d'une manière contraire à l'équité - si
l'adversaire ignore qu'il disposed'un droit analogue. Siun étatde choses

aussi peu équilibrése prolonge pendant prèsd'un an, ce qui peut se pro-
duire, ainsi qu'on l'a vu, en raison des retards de transmission par le
Secrétariat,il en résulte un avantage d'autant plus décisifpour l'une des
parties et, par voie de conséquence, une absence d'égalité et de récipro-cité.L'Etat déclarant peutréglersa conduite et mener lesnégociationsen
tirant avantage du fait qu'il sait parfaitement que l'affaire peut mainte-

nant être portée devant laCour, cependant que son adversaire négocie
sans avoir connaissance de cet élémend t 'information crucial concernant
ses droits.
Je ne crois pas que les rédacteurs duStatut de la Cour prévoyaientde
telles conséquences,surtout si l'on tient compte de l'importance particu-
lière qu'ilsattachaient à la question de la communication des déclara-
tions, comme l'atteste le libelléde l'article lui-même.
L'autorité invoquée à l'appui de la thèsequi fonde l'arrêtde la Cour
est l'affaire du Droit de passage sur territoire indien1 auquel on se réfère
souvent; or il me semble que cette affaire, bien qu'elleait par la suitefait
jurisprudence, doit êtreréexaminéeE . lle toucheàun aspect trop fonda-
mental de la compétence dela Cour pour continuer à faire essentielle-
ment autoritéen la matière.Aprèsquarante annéesde développementdu
droit international au sujet de notions tellesque l'équité, la réciprocitéet

la bonne foi, il est absolument nécessaire derevoir une théorie aussiradi-
cale que celleconsistantà créer immédiatementun droit d'introduire une
action contre une autre partie sans que celle-ci ait nécessairementelle-
mêmeconnaissance de ce droit.

Il convient d'apporter quelques précisionsau sujet des circonstances de
cette affaire. Le Nigériaa remis sa déclarationen 1965. Le Cameroun a
déposéla sienne le 3 mars 1994,et a introduit sa requête devantla Cour
trois semaines plus tard. Le Secrétaire généran l'a transmis copie de la
déclaration du Cameroun que près d'un an après et le Nigéria affirme
qu'il a officiellement étéavisépour la première fois de la requête du
Cameroun par le greffierle 29mars 1994.
Le Cameroun renvoie à des allusions faiteà cette possibilitédans les
communications échangéesentre les Etats, ainsi qu'à d'autres sources
auprèsdesquellesle Nigériaaurait pu recueillir cette information. S'agis-
sant d'échangesentre Etats sur une question revêtantun caractère aussi
important et officiel, on est en droit de s'attendreà davantage qu'une
communication à la fois informelle et vague. La question se pose de

savoir si, en tout état de cause, l'annonce de la remise de la déclaration
parue dans le Journal des Nations Uniespouvait constituer une notifica-
tion suffisante au Nigéria de la déclaration du Cameroun. Il convient de
souligner à cet égard que toutes les missions établies aux Etats-Unis ne
sont pas dotéesdu personnel spécialisénécessairp eour suivre au jour le
jour le dépôt detous les traités et fairele lien entre les déclarations faites
au titre du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut avec les préoccupations

'Droit de passagesur territoire indien,exceptionspréliminaires,arrêt,C. 1.J. Recueil
1957, p. 125.

92immédiatesde leur pays. Partir de ce principe serait pénaliserlourdement
les missions auprès de l'Organisation des Nations Unies qui sont les
moins bien dotees. Je citeraiàce propos le passage suivant de l'ouvrage
de Rosenne intitulé The Law and Practice of the International Court of
Justice, 1920-1966 :

((L'annonce de la remise d'une déclarationest publiéeimmédiate-
ment dans le Journal des Nations Unies paraissant chaque jour
ouvrable à New York. Cette annonce est faite àdes fins d'informa-
tion. Elle est accompagnéed'une note de bas de page spécifiantque
la date indiquéeest la date de réceptiondes documentspertinents, ce
qui signifie que ces documents devront être examinésaux fins de
déterminer la date du dépôteffectif. Eu égard à l'interprétation du

paragraphe 4 de l'article 36 donnéepar la Cour, cette annonce n'est
pas un moyen satisfaisant de porter la remise d'une déclaration à
l'attention immédiatedes parties au Statut, car le Journal des Na-
tions Unies n'est pas un document faisant l'objet d'une distribution
générale, maisplutôt le programme de travail quotidien au Siège
de l'organisation des Nations Unies à New York. Il est peu vrai-
semblable que les missions permanentes se trouvant à New York se
rendent compte de l'importance de tels avis paraissant dans le
Journal.»

Je vais maintenant analyser les motifs pour lesquelsje considère que
l'arrêtdans l'affaireduDroit depassage doit être réexaminé je; commen-

cerai par étudierles dispositions d'ordre strictementjuridique pour trai-
ter ensuite des raisons d'ordre théorique quiles sous-tendent.
Selon cet arrêt,confirmépar l'arrêt rendupar la Cour dans la présente
affaire:

«Un Etat qui accepte la compétence de la Cour doit prévoir
qu'une requêtepuisse être introduite contre lui devant la Cour
par un nouvel Etat déclarant le jour mêmeou ce dernier dépose
une déclaration d'acceptation entreles mains du Secrétairegénéral.
C'est en effet ce jour-là que le lien consensuel qui constitue la base
de la disposition facultative prend naissance entre les Etats inté-
ressés.

En premier lieu, mon désaccord,en ce qui concerne l'affairedu Droit de
passage, se fonde sur la manière inégaldont sont traitéesles deux clauses
impérativesénoncées au paragraphe 4 de l'article 36 du Statut. Les deux

The Law and Practiceof the International Courtof Justice, 1920-1996, 1997,vol. II,
p. 759.
C.1.J. Recueil 1957, p. 146.obligations formuléesau paragraphe 4 de l'article 36 sont d'une part le
dépôt auprès duSecrétaire génére atld'autre part la transmissionpar celui-

ci de copies aux parties au Statut et au greffier dela Cour. Dans l'affaire
du Droit depassage,la Cour considère la première exigencecomme essen-
tielle et ne tient pratiquement aucun compte de la seconde.J'estime que
l'on ne peut traiter de manière aussi différeeeux obligations statutaires
parallèles,d'autant que l'une etl'autre sont rédigées en detsermes impé-
ratifs.
En second lieu, une règle importante de l'interprétation des textes
de droit impose de donner dans toute la mesure du possible plein effet
à l'instrument à interpréter. La Cour se doit d'évitertoute interpréta-
tion qui réduirait des clauses ou des termes importants du Statut à un
simple verbiage dépourvu de tout effet juridique. Selon l'interprétation
quia étédonnée à l'affairedu Droit depassage,les mots«qui en transmet-
tra copie aux parties au présent Statut ainsi qu'au Greffier de laur))
auraient pu aussi bien ne pas figurer dans le Statut. Une telle interpréta-

tion ne me paraît pas conforme aux règlesd'interprétation généralement
admises en droit. La Cour est tenue de donner effetà toutes les disposi-
tions de son Statut et n'est pas censéeinciteren méconnaître certaines
parties par des interprétations qui les privent de toute portée ou signifi-
cation.
Il résulte de cetarrêtde la Cour que si le Secrétariatne tenait absolu-
ment aucun compte de ce membre de phrase les conséquencesjuridiques
n'en seraientpas modifiées.Un tel point de vue est d'autant plus contes-
table que cette obligation statutaire n'est nullement une exigence arbi-
traire, mais qu'elle se fonde, comme on va le voir, sur des normes uni-
versellestrès largementreconnues et sur des notions liéesla créationde
liens consensuels.
Il est vrai que l'arrêt susmentionnéa étéonfirmépar lajurisprudence
de la Cour dans les affaires duTemple de PréahVihéaret des Activités

militaires et paramilitaires au Nicaraguaet contre celui-ci (Nicaragua
c. Etats- Unisd'Amérique). Mais aucunejurisprudence contraire, siabon-
dante soit-elle,ne saurait l'emporter sur les obligationsimpérativesénon-
céesdans le Statut de la Cour et, si le Statut fait de la communication
des déclarations une obligation, il convient de la traiter comme telle.
En troisième lieu,la remisede la déclaration et la transmissionde celle-
ci par le Secrétairegénéraldoivent êtreconsidérées comme un ensemble
composite de conditions qui doivent êtreremplies pour donner effetjuri-
dique à la déclaration. Il est évidentque la première exigence doit être
satisfaitecar, si ellene l'étaitpas, il serait impossible de donneràelaet
déclaration. L'article en question n'énoncepas à dessein cette exigence
seule, mais l'associe une autre qui est rédigéeen des termes qui sont
tout aussi impératifs.
On ne saurait dissocier un des élémentsconstitutifs de cet ensemble

consacré dansle Statut par le biais d'une interprétationjudiciaire. Et on
ne saurait non plus mettre en avant un de ces élémentset neutraliser
l'autre alors que le Statut n'indique nullement qu'il doit en êtreainsi.Pour que le droit créé par l'article36 devienne réalitél,es événements qui
ont entourésa créationdoivent êtreconformes aux modalités prévues à
cet effet par la disposition pertinente du Statut.
En quatrième lieu, la raison pour laquellej'estime qu'un réexamen de
la décisiondans l'affaire du Droit de passage s'impose estqu'elleest de
nature à inciter le Secrétariaà considérer moinscontraignantes les obli-
gations qui sont lessiennesen vertu du paragraphe 4 de l'article36.Etant
donné que l'interprétation qui aétédonnéedans l'arrêten l'affaire du
Droit depassage àl'obligation de transmettre les déclarationsprive cette

exigencede tout effet réelsur la question qu'elleétaitcenséerégler,il n'y
a pas lieu de s'étonnerque le Secrétariat,s'appuyant vraisemblablement
sur cette décision, prenne son temps - et attende parfois mêmeune
année - pour transmettre la déclarationcomme il est tenu de le faire.
Sil'Organisation desNations Unies a vraiment pour pratique de trans-
mettre tardivement les déclarations car elle pense qu'une de ces con-
ditions obligatoires n'est pas impérative, contrairement à ce que stipule
expressémentle Statut, il est important de remédier à cette pratique et
de remettre les procédures en conformitéavec les obligations impératives
du Statut.
Il estvrai que la partie qui remet ladéclarationn'a aucun droit de regard

sur la secondede cesobligations,mais on estfondé à supposerque lesactes
officielsseront dûment accomplis, tout particulièrementlorsqu'il s'agitde
questions d'une importanceaussi crucialedu point de vue des droits des
Etats que la renonciation volontaire à une partie de leur autonomie sou-
veraine - car les déclarations faitespar les Etats en vertu de l'article 36
ne sont rien de moins que cela. Pour le Secrétariat, dûment s'acquitter
de sa responsabilitéde transmettre copie aux autres parties au Statut ne
saurait signifierrien de moins qu'une communicationimmédiatede ces
déclarations.C'est là encore une autre raison pour laquelle j'estime que
la Cour doit saisir cette occasion de réexaminer leditarrêtet insister sur
le caractèreimpératifde cette obligation statutaire. En l'espèce,le fait que
près d'uneannéese soit écoulée avant la transmission de la déclaration

ne saurait en tout état de cause constituer une application normale du
Statut.
En cinquième lieu, j'estime que dans l'affaire du Droit de passage
l'expression «de plein droit et sans convention spéciale))estcitéehors
de son contexte et traitée commesi elle indiquait le moment précisoù
les parties établissententre elles un lien consensuel. Cette disposition
n'étaitpas destinée à produire un tel effet et elle ne saurait êtreinterpré-
tée de lasorte. Ce que stipule le paragraphe 2 de l'article 36, c'est que
lorsqu'une déclaration est déposéeaucune convention spéciale n'est
nécessaire,la déclarationayant par elle-même force obligatoire. Cette dis-
position ne tend nullement àindiquer le moment où la déclaration prend

effet.
Je partage l'analyse faitepar M. Badawi, lorsqu'il étaitvice-président
de la Cour, au sujet de ce raisonnement dans son opinion dissidente à
propos de l'affairedu Droit depassage; il y critiquait le fait que l'expres-sion «de plein droit)) a étéisoléede son contexte. Cela a abouti à un
résultattel que, selon ses termes, ((l'intégrde la penséedu Statut a été
méconnueet rompue » 4.
En sixièmelieu, je relève que l'interprétation donnéedans l'affaire
du Droit de passage est susceptible de causer un préjudice à une partie.
Un arrêtqui, en pratique, confirme que le fait de déposerune décla-
ration donne effet à celle-ci aussitôt après qu'elle a étéremise pour-
rait placer dans une situation embarrassante un Etat qui a engagé des
négociationsavec un autre Etat. A son insu, l'herbe pourrait subreptice-
ment lui être coupée sousles pieds, éventuellementaprès qu'il a fait

quelqueconcessiondécisive,croyant quelaquestioncontinuedefairel'ob-
jet de négociations.Je reviendrai par la suite plus en détail surcet aspect.
En septième lieu, j'observe que la déclaration qui constitue l'acte
d'acceptation n'est pas une déclaration formuléeselon des normes défi-
nies. Elle est infiniment variable dans ses termes et le seul fait qu'ellesoit
remise ne saurait indiquer de quelle façon elle est libellée.La partie
appelée à êtreliéepar cette déclaration est en droit d'en connaître les
termes. Si elle est censéeavoir établi un lien consensuel, on ne saurait
raisonnablement la considérer comme liéedans des conditions dont elle
n'a absolumentpas connaissance. Cet élément va sifortement àl'encontre
de ce qui constitue l'essence mêmd ee la notion de consensus que, même

à lui seul, il auraàtmes yeux constitué un argument décisif.
Enfin, en huitième lieu, la raison pour laquelle il m'apparaît que la
décisiondans l'affaire duDroit depassage doit êtreréexaminéeesq tu'elle
pourrait avoir un effet défavorable surl'extension de la juridiction de la
Cour. L'interprétation de laCour pourrait bien avoir pour effet que les
Etats deviendront réticents àfaire ces déclarations.D'ailleurs, peuaprès
que la Cour eut statué dans l'affaire du Droit de passage, une sériede
réservesaux déclarations déjàdéposéesen vertu de l'article 36 a été
émise.C'est ainsi que dans sa déclaration du 26 novembre 1958, le
Royaume-Uni a exclu du champ d'application de sa déclaration certains
différends

((lorsque l'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour au
nom d'une autre partie au différenda étédéposéeou ratifiéemoins
de douze mois avant la date du dépôt de la requêtepar laquelle la
Cour est saisie du différend»5.

De même,l'Inde a remis, le 14septembre 1959,une nouvelle déclaration
limitant la compétencede la Cour en ce qui concerne les futures requêtes
aux cas où la déclaration d'acceptation de lajuridiction obligatoire de la
Cour a étédéposée ou ratifiée plusde douze mois avant la date du dépôt
de la requêtepar laquelle la Cour est saisie du différend6.

Droit de passage sur territoire indien,exceptions prélimint,.Z.J. Recueil
1957, p.157.
C.Z.J. Annuaire 1959-1960,p. 248.
Zbid.,p. 238. Il faut s'attendrà ce que d'autres Etats prennent des mesures simi-
laires pour se protéger contre le dépôt de requêtespar surprise si cette
interprétation du droit est confirmée;de même,d'autres Etats qui envi-

sagent de déposerune telle déclaration risquent fort d'y réfléchirdeux
fois avant de le faire. Tout cela n'est guèrefavorablà l'extension de la
juridiction obligatoire de la Cour.
Au demeurant, alors que la Cour délibéraitau sujet du présentarrêt,le
Nigériaa lui-mêmepris des mesures, le 29 avril 1998,en vue de modifier
sa déclaration de façon à imposer un délai dedouze mois avant que
l'acceptation de la compétencede la Cour par un Etat prenne effet à
l'encontre du Nigéria.
Telleest ma position en ce qui concernel'interprétation de l'article per-
tinent du Statut.

Je passe maintenant à l'examen de certaines considérations d'ordre
conceptuel qui sous-tendent la disposition du Statut et confortent les
conclusions auxquelles je suis déjà parvenu.
Comme la clause dite de juridiction obligatoire revêt uncaractère
consensuel dans son économie,il faut s'assurer que les effets de l'arrêt de
la Cour concordent avec la notion juridique du consensus.
L'Etat qui déposeune déclaration en vertu du paragraphe 2 de I'ar-
ticle 36 accomplit un double actejuridique. D'une part, il faià chacun
des autres Etats qui n'ont pas encore déposéde déclaration une offre de
se reconnaître liépar les termes de celle-ci vis-à-vis de cet Etat dèsque
celui-ci fera une déclaration conformément à l'article 36. D'autre part,
une déclaration faite conformément à l'article 36 constitue une accepta-
tion des offres faites par d'autres Etats qui ont déjà déposé une telle

déclaration. Une déclaration faite régulièrementen vertu de l'article 36
est donc à la fois une offre adressàecertains Etats et une acceptation de
l'offre déjàfaite par d'autres Etats.
Nous examinons certes une question de droit international, mais
cette analyse nous montre également que nous nous trouvons très
largement dans le domaine du droit des obligations consensuelles d'où
nous tirons nos principes générauxet les fondementsjuridiques qui nous
sont indispensables. Nous ne devons pas nous laisser détourner des
principes fondamentaux de ce corpus de droit reconnu universellement
par le simple fait que nous nous trouvons sur le terrain du droit inter-
national. Dès lors qu'une situation en droit international repose sur
un consensus, les principes généralementreconnus en matière d'obliga-
tions consensuelles s'y appliquent sauf modification ou abrogation

expresse.
Comment se forme une obligation consensuelle? Son aboutissement
juridique parfait découle du mécanisme classique de la rencontre des
volontés quirésulte dela conjonction de l'offre et de l'acceptation. C'estla solution reconnue par la plupart des systèmesjuridiques àde très rares

exceptions près7.Ce principe est reconnu tant par les systèmesde droit
anglo-américainquepar lessystèmesjuridiques inspirésdu droit romain
Il y a assurémentd'importantes différencesentre les différentssystèmes
juridiques en ce qui concerne les questions telles que le statut et la révo-
cabilitédes offres9,mais cesconsidérationssont sans effet sur le principe
de base - faisant partie du noyau commun des différentssystèmesjuri-

diques - selon lequel les intentions de Sauteur et du destinataire de
l'offre doivent se rencontrer.
L'étude la plus exhaustivedont on dispose sur les éléments fondamen-
taux de la notion de consensus dans un grand nombre de systèmesjuri-
diques est probablement l'ouvragemonumental de Schlesinger Fooumation

of con tract^'^.Schlesinger semble d'ailleurs avoir prévu des affaires
comme celleque nous examinons où la Cour doit s'assurerde la présence
des éléments fondamentaux du consensus qui sont reconnus universelle-
ment.
L'un des objets de cette étude, quiy est d'ailleurs expressémentmen-
tionné,est d'aider lesjuges dejuridictionsinternationales appelés,comme

le prévoit l'alinéa c) du paragraphe 1de l'article 38 du Statut de la Cour
internationale de Justice, à résoudredes questions concernant la forrna-
tion des contrats". Schlesingera examinéla ((multiplicitéde concepts et
de principes juridiques qu'un certain nombre de systèmesjuridiques
nationaux utilisent ordinairement et ont en commun»12 et a exprimé

l'espoir quelesjuges internationaux «se serviraient amplement des ((prin-
cipes généraux»comme matériauxde base pour érigerun corpus systé-
matique de droit international»13.
La présente affairequi porte sur l'interprétation d'une disposition du
Statut reposant sur la notion de consensus se prêteparticulièrementbien
à l'utilisation de cette recherche doctrinalepour lesbesoins du droit inter-

national. Elle serait notamment utile pour vérifiersi l'interprétation rete-

7 Par exemple, une des rares exceptions, que les étudesde droit comparéqualifient
découlentpas de l'accord desparties mais de l'obligation qu'acontractée chaque partie
dans sa déclarationcontractuelle (voirK. Zweigert etKotz, An Introduction to Com-
parative Law, 2eéd.,1984,trad. Tony Weir, p. 382).Il n'ajamaisindiquéque le para-
graphe 2 de l'article36 procédait d'untel modèle conceptuel.
Ibid., p. 381et suiv.
Voir P. de Cruz, Comparative Law in a Changing World, 1995,p. 302et suiv., en ce
qui concerne le principe général de la révocabilité des offres enlaw, le principe
général d'irrévocabilitn droit allemand et la position en quelque sorte intermé-
diaire adoptéepar le droit français. Voir aussi S.A. Nussbuam, ((ComparativeEffects of
the Anglo-American Offer and Acceptance Doctrine)), Columbia Law Review, 1936,
vol. 36, p. 920.
Io Rudolf B. Schlesinger (dir. publ.),Formation of Contracts: A Study of the Common
Core of Legal Systems, 2 vol., 1968.
Ibid, vol. 1,p. 7-8.
l2Ibid., p. 8.
l3Ibid.nue dans l'affaire du Droit depassage est conformeaux ((principes géné-
raux» en matière d'accord entre des parties tels qu'ils sont universelle-
ment reconnus.
Schlesingerénoncetout d'abord lespropositions générales qui suivent:

((1A. Dans tous les systèmesjuridiques étudiés, la première condi-
tion d'un «contrat», au sens essentiel du mot, est l'existence d'un
accord, c'est-à-dire de la manifestation du consentement mutuel de
deux ou plusieurs personnes. Qu'elles aient ou non valeur de pro-

messes, ces manifestations en règle générale doiventse rattacher
l'une à l'autre.»l4
«III ...
Dans tous les systèmesjuridiques étudiés,les contrats se forment

normalement (mais non nécessairement...) par la présentation d'une
offre et son acceptation se produisant dans un ordre que l'on peut
déterminer. »l5

Une fois établiecette norme de l'offre et de l'acceptation, la question
qu'ilfaut ensuite examiner est de savoir si l'acceptation doit êtrecommu-
niquée.Voici, à cet égard,ce que dit Schlesingerdans la section du rap-

port général consacrée à cette question:
«La communication de l'acceptation est-ellenécessaire?

Le problèmeque nous examinerons dans le présentrapport serat-
tache à l'intérêt qu'a l'auteudre l'offrede savoià quoi s'en tenirsur
la conclusion du contrat.
Normalement, sans que cela soit nécessairement le cas, cette

connaissance s'acquiert par la communication, c'est-à-dire par un
acte du destinataire de l'offre visant à porter l'acceptation à la
connaissance de son auteur.
A l'exception éventuelledu droit français, tous les systèmesétu-
diésreconnaissent en principe que la communication de l'accepta-
tion est une condition nécessairede la formation d'un contrat.»I6

Il fait également observer que les différencesexistant entre le droit
français et les autres systèmesétudiéssont peut-êtreplus apparentes que
réelles17.

Il y a d'ailleurs des circonstances exceptionnelles où les systèmesjuri-
diques n'exigentpas la communication expressede l'acceptation, notam-

l4Op. cil., p. 71.
l5Ibid .,74. Lescirconstancesexceptionnelles,qui sont rares, sont examinéesàla sec-
tionCl de la deuxièmepartie de l'ouvrage de Schlesinger.
l6Ibid .,147.
l7Ibid .,te 2.ment dans le cas des contrats types ou des contrats d'adhési~n'~.Dans
l'affaire du Droit de passage, M. Badawi, vice-président,a distingué cette
catégoriede contrats des déclarationsfaites en vertu de l'article 36:

«En effet, alors que l'essencedu contrat d'adhésionest l'unifor-

mité, celle des déclarations est la variété etla diversité.Chaque
déclaration exprime les conditions, les objectifs et la «policy» de
1'Etat qui la fait. D'autre part, dans les contrats d'adhésion, l'une
des parties setrouve en fait dans l'impossibilitéde discuter lescondi-
tions du contrat. Elle est obligée decontracter et donne son adhésion

à la volontétoute puissante de l'autre. On rangedans cette catégorie,
entre autres, le contrat de travail, le contrat de transport, celui
d'assurance. Quelle analogie peut exister entre ces contrats et les
déclarationsd'acceptation de juridi~tion?»'~

Une autre catégorie d'exceptionest celledes offrespar la poste au sujet
desquelles différentes théoriesont été avancées20pour résoudreles diffi-
cultésqui découlentdu laps de temps s'écoulantentre la présentation de
l'offre et son acceptation, de la révocationde l'offre ou de l'acceptation
pendant leur communication,etc. Toutes ces théories suscitentdes polé-

miques, mais ellesvisent toutes à résoudrelesdifficultésparticulièresliées
à ce mode donné de communication. Il se peut aussi que l'auteur de
l'offreprescrive un mode inhabituel d'acceptation de sorte que le respect
decetteformalitérendinutilelacommunicationdel'acceptation à laquelle

l'auteur de l'offre est réputé avoir renoncéz1C .'est dans ces affaires où il

l8 L'offre permanente faiteà des conditions types, notamment par un transporteur
public, setransforme en contrat dès l'acceptationde l'actede service, commec'estle cas
lorsqu'un passagermonte à bord d'un autobus. Il n'y a pas matièrea négociation nià
modification dans un cas particulier des clausesdu contrat dans une telle situation et la
rencontre des volontés est réputéeproduire dès l'accomplissement de l'acte voulu.'y
a aucune analogie entre ces situations et les offres d'acceptation de la juridiction de la
Cour, dont les termes sont extrêmement variables.
l9 Droit depassage sur territoire indien,exceptionspréliminaires,arrêt,C.I.J. Recueil
1957, opinion dissidente, p. 157-158.
20 Différentes théorisnt été élaboréeensce qui a traàtl'acceptation des offrespar la
poste - la théoriede la déclaration(selon laquellele contrat se forme dèsque le desti-
nataire de l'offre a fait connaître son acceptation), la théorie de l'expédition (selon
laquellele contrat se forme dès l'envoi d'unelettre ou d'un télégraacceptant l'offre)
et la théorie de l'information (selon laqu'auteur de l'offredoit recevoir communica-
tion de l'acceptation) (voirde Cruz,. cit., p. 308).Toutes ces théoriesont été établies
pour résoudreles multiples difficultéspratiques qui se posent dans le contexte des offres
par la poste. Voir aussila mention decesthéoriesdans l'opinion dissidente deM. Badawi,
vice-président,dans l'affaireduroit depassage surterritoire indien,exceptionsprélimi-
naires, arrêt,C.I.J. Recueil 1957, p. 156.
2' Comme dans l'affaire classique decomrnonlaiv Carlillv. CarbolicSmoke Bal1Co.,
où un acte prescrit par l'auteur d'une offre a été considéré commvaelant acceptation
purement et simplement. Même cette affaire a toutefois confirmé'«il ne fai[sai]taucun
doute, àtitre de principe normal de droit, que l'acceptation d'une offre devrait être noti-
fiéeàl'auteur de l'offre afin qu'il puisse y avorirencontre des volontés»([1893]1Q;256
62 LJQB 257).Voir le passage consacré à cette affaire dans Schlesinger,op. cit., vol. II,
p. 1309.existe debonnes raisonsde s'écarterde la norme que le droit des contrats
renonce à l'exigencede communication de l'acceptation. Or ce n'est pas
le cas en l'espèce.Nous nous trouvons en fait dans une situation qui est

exactement à l'opposéde celle où le droit prévoitla possibilitéderenon-
cer effectivementà cette communication,car le Statut exigeexpressément
que le Secrétaire général procède à cette communication.
Sauf dans cescirconstancesexceptionnellesou dans lecas ou lesparties
renoncent expressément àl'acte de communication, il y a de très bonnes
raisons de conclure qu'il ne saurait y avoir accord entre les parties en
l'absencede communicationde l'acceptation. Sans elle,l'auteur de l'offre
demeurerait dans l'ignorance tout en étanttenu par un lien contractuel.
Pour reprendre les termes du Nigéria,le «lien consensuel))qui l'unit au

Cameroun en ce qui a trait à la compétencede la Cour «ne peut exister
par rapport à un autre Etat dont la participation au systèmeinstituépar
le paragraphe 2 de l'article 36 du Statut n'est pas connue du Nigéria»22.
Cette solution est contraire aux considérations d'équité qui devraient
régirces relations, et les circonstances exceptionnelles dans lesquelles une
communication purement symbolique est réputéesuffisante n'existent
pas dans le cas de déclarationsdéposées en vertu du paragraphe 2 de l'ar-
ticle 36. Cette conclusion est de surcroît confortéepar l'exigence de com-
munication consacréeau paragraphe 2 de l'article 36 lui-même.

Le mécanismede la remise de la déclaration au Secrétariatne vaut
manifestement pas notification au monde entier comme ce serait le cas,
par exemple, du dépôt et de l'inscription d'un titre au registre foncier
dans un systèmejuridique interne. Le Statut n'exigerait d'ailleurs pas
expressémentla communication des déclarationssi le simple fait de leur
remise valait présomptionde notification au monde entier.
Toutes les considérationsqui précèdent reposentsur le principe impor-
tant de la protection de l'auteur de l'offre.
Je cite de nouveau les conclusions de Schlesingeren ce qui a trait à la

reconnaissance par les systèmesjuridiques de la nécessitéde protéger
l'auteur de l'offre.l rappelle que:

«la plupart des systèmesjuridiques étudiésprotégeront d'une cer-
taine façon l'intérêt qu'a l'auteure l'offre de savoir que le contrat
s'est conclu. Cette protection est assuréeen imposant à celui qui
acceptel'offre l'obligationd'informer son auteur de la conclusion du
contrat sans délaiou du moins dans un délairaisonnable. On cons-
tate toutefois des différencesentre ces systèmesquant à l'étenduede
l'obligation et aux conséquencesqui s'attachent à son inobserva-
tion.»23

Je ne saurais faire mieux pour conclure cette discussion que citer ce

que Grotius lui-mêmea dit sur le sujet, non dans ses traités surle droit

23Schlesinger, cit.vol. 1,p. 148.ria,vol. 1,p. 40, par. 1.23. FRONTIÈRE TERRESTRE ET MARITIME (OP.DISS.WEERAMANTRY 3)3

romano-hollandais, mais dans leDejure belliacpacis lui-mêmeV . oici les
conclusions auxquelles il est parvenu:

«On expliquepar unedistinction si l'acceptation doitêtreconnuedu
promettant
On a l'habitude aussi de se demander s'ilest suffisant que l'accep-
tation ait lieu, ou si elle doit aussi être portéela connaissance du

promettant, avant que la promesse n'obtienne son plein effet.
Il est certain que la promesse peut être faite del'une etde l'autre
de ces deux manières: soit ainsi: «Je veux qu'ellesoit valable si elle
est acceptée));soit ainsi:«Je veux qu'ellesoit valable quand j'aurai
su qu'elle a été acceptée.» Lorsqu'il s'agit de promesses relatives à
une obligation mutuelle, le dernier sens est présumé;mais dans les
promesses depure bienfaisance, il est préférable de présumerqu'on a
en vue le premier sens, à moins qu'il n'y ait quelque indice du

contraire.»24
Les déclarationsfaites en vertu du paragraphe 2 de l'article 36 concer-
nent des obligations mutuelles et il ne fait aucun doute qu'elles entrent
dans la catégoriedes situations où l'auteur de l'offre doit savoir que son

offre a étéacceptéez5.
Cette analyse des principes générauxde droit relatifs à la formation du
consensus par le mécanismede l'offre et de l'acceptation démontre leur
applicabilitéà la question dont est saisiela Cour. Elle indique également
comment la décisionde la Cour s'écartede ces principes et affaiblit ainsi
le fondement du véritable consensussur lequel la compétencede la Cour
doit en toute circonstance reposer.
Deux autres questions accessoiresdoivent être abordéespourterminer
l'examen dela question dont la Cour est saisie - d'une part, la nécessité

qu'un certain délai s'écouleentre la remise dela déclarationet la création
du lien consensuel et, d'autre part, la question du préjudicequi peut
résulterpour une partie de la conceptionjuridique que la Cour a adoptée.

L'écoulementd'un certain délaientre le dépôt de la déclarationet la
création dulien consensuel assure la protection nécessairepour garantir
que la partie que l'on veut engagerpar la déclarationne soit pas liéepar
surprise.

La doctrinesur le paragraphe 4 de l'article 36conforte ce point de vue.
Je fais notamment allusion à Shabtai Rosenne qui signale que cette dis-
position a étéajoutée tardivementlors de la conférencede San Francisco

24Hugo Grotius, Le droitde laguerreet de lapaix, nouvelletraduction deM. P. Pradier-
Fodéré,1867, deuxièmetome, livreII, chap. XI, p. 145-146.
z5Pour cet exemple ainsique d'autres remontant aux débatsdes glossateurs du moyen
Contracts, 1967,vol. 1,p. 121-124.on de l'acceptation, voir Weeramantry, The Law ofet a donnéimmédiatementlieu à interprétati~n~~R. osenne estime que, si

le Statut venait jamais à êtrerévisé,il faudrait prévoir «un bref délai
entre la date de remise de l'instrument et celle à laquelle cette formalité
produit ses effets~~'.Nous avons déjàexaminéles raisons les plus évi-
dentes qui justifient une telle précaution. Cette prise de position montre
bien la nécessitéque des Etats qui sont appelés à êtreliéssoient informés
de l'existence dela déclaration. Il en serait forcément ainsisil'on donnait
aux termes du paragraphe 4 de l'article 36leur sens naturel plutôt que le
sens tronqué qui leur a étédonné dans l'arrêt dansl'affaire du Droit de

passage.
S. Rosenne était d'ailleurs si intimement convaincu de la nécessité de
prévoirun tel délaiqu'il a soumis des propositions en ce sens a la Com-
mission du droit international lorsque celle-ciexaminait l'article 78 de la
convention de Vienne - examen qui a manifestement étéfortement
influencépar lajurisprudence faisantautorité de l'affairedu Droit depas-
sage28.A propos du «bref délaidevant s'écouleravant que les autres

Etats soient informésdu fait que le traitéest en vigueur entre eux et 1'Etat
qui a déposé l'instrument)),cet éminentjuristea proposé quece délaisoit
de quatre-vingt-dixjours, «ce qui permet à la fois au dépositaired'obser-
ver les pratiques administratives normales et aux autorités intérieuresdes
Etats intéressés de recevoir la notification et d'observer leurspropres pra-
tiques administratives normales »29.
Cette proposition visait à permettre au dépositaire de suivre des pra-
tiques différentes; parfois les notifications sont transmises «par l'inter-

médiairedes missions diplomatiques du gouvernement intéressé,parfois
par l'intermédiairedesmissionsdiplomatiques accréditéea suprèsdu dépo-
sitaire et parfois aussi par la poste».l ne fait aucun doute que la recom-
mandation avait pour objet essentielde garantir que 1'Etatque l'on veut
lier soit informéde l'existencede l'instrument qui l'engage dans un lien
consensuel.
Je doute beaucoup que l'interprétation du paragraphe 4 de l'article 36
selon son sens naturel puisse porter atteinte à la compétencede la Cour.

Faire la clarté surle sens de cette disposition et sur les raisons qui la jus-
tifient devrait plutôt régulariser et renforcer cette compétence. Et les
Etats qui font ces déclarationsseraient aussi certains qu'ils ne risquent
pas d'êtreliéspar surprise et seraientdonc plus enclins à accepter la com-
pétencefacultative de la Cour.
Certes, les méthodes modernesde reproduction et de transmission des
documents pourraient accélérec ronsidérablementle processus,mais il me
semble que le «bref délai))proposé par Rosenne est essentiel.

-
26The Law andPractice of the International Courtof Justice, 1920-1996,op. cit., vol. II,
p. 753.
27Ibid., p. 755, note 56.
doc. AlCN.4lL.108.de la Commission du droit international, 1965, vol. II, p. 78,
29Ibid. Il convient aussi de rappelerque l'alinéac) de l'article78 de la conven-
tion de Vienne sur le droit des traitésconsacre pleinement la nécessitéde
communiquer les notifications relatives aux traitéssi l'on veutque le des-
tinataire soit lié.Il s'agit-là de l'application du principe normal du
consensualisme. La Cour mentionne d'ailleurs cette disposition mais
pour faire observer qu'en ce qui concerne les déclarationsfaitesen vertu
de l'article 36 le régimede remise et de transmission des déclarations
d'acceptation de la juridiction obligatoire est établi par le paragraphe4
de l'article36du Statut de la Cour (arrêt, par.30).Je partage ce point de
vue mais ce mêmerégimeprescrit un mécanismede transmission de la
communication et doit dèslors êtresuivi.

Je vais maintenant examiner pour terminer la question du préjudice
que l'interprétation donnée parla Cour à l'article 36 peut causerà des
parties.
J'ai déjàfait étatdu premier chef de préjudice:pendant la périodequi
s'écouleentrela remised'une déclarationet sa communication à la partie
contre laquelleune instance sera introduite, la partie qui remet la déclara-
tion se trouve avantagéepar rapport àl'autre, car elle sait que la Cour a
compétencealors que l'autre l'ignore. L'attribution de compétence à la
Cour est un acte juridique important ayant des conséquences majeures
sur la souverainetédes Etats. Si l'une des parties est informéedes droits
qu'elletient de cette disposition et que l'autre ne l'est pas,il secréeentre
celles-ciune disparité qui constitue une violation fondamentale du prin-

cipe essentield'égalitésur lequel repose la compétencede la Cour.
Cette inégalitépeut avoir des conséquencespratiques sur le déroule-
ment des négociationsofficieusesentre des parties qui précèdent l'intro-
duction officielled'une instance. Je crois qu'il est dans l'intétu règle-
ment pacifique des différends etde l'affirmation des principes généraux
de notre jurisprudence d'encourager et de favoriser ces négociationsoffi-
cieuses.Or la décisionde la Cour ne peut avoir pour effet, selonmoi, que
d'entraver de telles négociations.
11importe, lorsque des parties négociententre elles de bonne foi, qu'il
n'existeaucune possibilitémêmethéorique quel'une de celles-ciremette
une déclaration et saisisse quasi simultanémentla Cour d'une requête.
Pareille démarchepourrait dans une situation hypothétique être consti-
tutive d'un abus de la procédure de la Cour. Ce qui ne veut pas néces-
sairement dire que c'est lecas en l'espèce,mais la décision dela Cour
ouvre cette possibilitéàl'avenir.

Il importepour la paix internationale et le renforcement dela confiance
entre Etats de donner leur pleine mesure aux mécanismesde négociations
entre parties sanscrainte qu'il soit mis fin de façon soudaine et inatten-
due et sansqu'un défendeur soitattrait contre son grédevant la Cour. Le
développementde la compétencede la Cour pourrait êtreentravé par
l'effet néfaste que pareille crainte pourrait avoir sur l'inclination desEtats à déposerune déclarationen vertu du paragraphe 2 de l'article 36.
C'est pour cette raison qu'il est important d'éviter unetelle interpréta-

tion.
Au cours de négociationsmenéesde bonne foi, des concessions sont
faites, des faits sont reconnus, des compromis sont élaborés,et parfois
des aveux sont faits et des excusesoffertes. Des documents constatant ces
actes peuvent aussi être échangés. Il est important que tout cela se
dérouledans la transparence et l'égalité.

Toutes ces raisons me conduisent àpenser que le Nigériaa démontré,
en ce qui concerne la déclaration que le Cameroun a faite en vertu du
paragraphe 2 de l'article 36, qu'il n'existait pas de consensus lorsque le
Cameroun a déposé sarequête.
Interpréter le paragraphe 4 de l'article 36 selon son sens naturel ren-

forcerait la confiance des Etats qui déposentdes déclarationsen vertu du
paragraphe 2 de cette disposition. La prompte exécutionpar le Secréta-
riat des obligations qui lui incombent en vertu du paragraphe 4 de l'ar-
ticle 36 du Statut- les nouvelles méthodesde reproduction et de com-
munication des documents exigeant beaucoup moins de personnel et de
temps que lorsque le Statut a été rédigé- pourrait dissiper toute incer-
titude planant sur l'établissementd'un lien consensuel. L'exécution dili-
gente de cette obligation imposéepar le Statut pourrait aboutir à ce que
la communication se fasse en l'espace de quelquesjours et dissipe ainsi
toute incertitude.
Cette façon de voir a aussi l'avantage d'assujettir le fonctionnement
de la compétence consensuelleaux principes du consensualisme qui en
sont le fondement même,de garantir l'équitéet la réciprocitéentre les
parties et de soumettre le mécanisme desdéclarations faitesen vertu de
l'article 36 aux termes exprèsde l'article qui les a établies.

(SignéC )hristopher G. WEERAMANTRY.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF VICE-PRESIDENT WEERAMANTRY

Article 36,paragraphs2 and4, andArticle 38,paragraph1 (c),of theStatute
- Need for communicationof acceptance before consensualrelationship is
formed - Duty imposed on Secretariatby Article 36,paragraph4 - Useunder
Article 38, paragraph 1 (c),of comparativelawperspectives regardingforma-
tion of consensus- Need for time intervalbetween deposit of declarationand
formation of consensual bond - Avoidance of surpriseto party sought to be
bound - Strengthening of Court'sjurisdiction through due compliance with
Article 36,paragraph 4.

1have some reservations in regard to the Court's conclusions on objec-

tion 1.Sincethe principles involvedare of considerableimportance to the
jurisprudence of the Court, 1consider it necessary to set out these reser-
vations in some detail.
Brieflystated, my concerns centre on the proposition that the deposit
of a declaration under Article 36, paragraph 2, of the Statute is al1that is
required to establish the necessary consensual bond under the Optional

Clause. It follows from this proposition that the moment a declaration is
lodged under Article 36, paragraph 2, the party lodging the declaration
has the right to bring another declarant to Court, irrespective of that
other party's knowledge that such declaration has been lodged. It seems
to me that such a proposition cannot be in conformity with either the
express law or the essential philosophy governingthe Optional Clause.

Such a view negates a specificprovision of the applicable law which is
contained in Article 36,paragraph 4, of the Statute, and runs contrary to
the philosophy of consensus on which the structure of the Court's juris-
diction, as well as of this particular provision, is based. It is also in dis-
harmony with the principles of equality, fairness, good faith, and reci-
procity. Moreover, it results in the rather incongruous situation that,

during the interim period between the filing of the declaration and the
communication of this fact, there is great inequality between the parties
in relation to their practical right of accessto the Court. The right to take
one's adversary to court is, in any circumstances, a valuable right. It is
rendered al1the more valuable - and inequitably so - if one'sadversary
does not know that it has a corresponding right. If such a one-sided state
of affairs prevails for nearly a year - which could occur, as we have

seen, owing to delays in communication by the Secretariat - so much
the greater is the advantage to one party and the resultinglack of equal-
ity and reciprocity. The declarant can regulate its conduct and direct its OPINION DISSIDENTE DE M. WEERAMANTRY,
VICE-PRÉSIDENT

[Traduction]

Paragraphes2 et 4 de l'article36 et alinéac) du paragraphe1 de l'article38
du Statut - Nécessitéque l'acceptation soit communiquéeavant que ne se
forme lelien consensuel- Obligation incombant au secrétariat en verdupara-
graphe 4 de l'article36- Recours, en vertude 1'alinéac) du paragraphe 1 de
l'article38,à des élémentsde droit comparé ence qui concerne laformation du
consensus - Nécessité de l'écoulemed n'tundélaientre la remise dela déclara-
tion et laformation du lien consensue- Nécessitéd'éviterqu'unepartie ne soit
liéepar surprise- Extension de lajuridiction de la Courpar une stricte appli-
cation duparagraphe 4 de l'article36.

J'ai des réservesà formuler au sujet des conclusions de la Cour à pro-
pos de la première exceptiondu Nigéria.Les principes en cause revêtant
une importance considérable pour la jurisprudence de la Cour, j'estime
nécessaire d'exposermes réservesd'une façon assez détaillée.

En bref, mes inquiétudesont essentiellement trait à la thèse selonla-
quelle le dépôt d'une déclarationen vertu du paragraphe 2 de l'article 36
du Statut suffit à établirle lien consensuel requis au titre de la clause
facultative. Il découlede cette façon de voir que dèsqu'une déclaration
est remise en vertu du paragraphe 2 de l'article 36, la partie faisant la
déclarationest en droit d'introduire une instance devant la Cour contre
un autre Etat déclarant, quece dernier ait ou non connaissancedu dépôt
de cette déclaration. A mon avis, cette thèsene saurait être conformeni

aux normes du droit ni aux principes fondamentaux régissantla clause
facultative.
Un tel point de vue est contraire à une disposition spécifiquedu droit
applicable, qui est énoncéeau paragraphe 4 de l'article 36 du Statut, et
est incompatible avec la doctrine du consensus sur laquelle se fondent
l'économiede la juridiction de la Cour ainsi que cette disposition spéci-
fique. Il contredit aussi lesprincipes d'égalité, d'équité,bd oenne foi et de

réciprocité. Il aboutit en outre à une situation assez incongrue où, au
cours de la période transitoire entre la remisede la déclaration etsa com-
munication, il existe en pratique une grande inégalitéentre les parties
quant à leur droit de saisir la Cour. Le droit d'introduire une action
contre un adversaire est en toutes circonstancesun droit important. Il le
devient encore plus - et cela d'une manière contraire à l'équité - si
l'adversaire ignore qu'il disposed'un droit analogue. Siun étatde choses

aussi peu équilibrése prolonge pendant prèsd'un an, ce qui peut se pro-
duire, ainsi qu'on l'a vu, en raison des retards de transmission par le
Secrétariat,il en résulte un avantage d'autant plus décisifpour l'une des
parties et, par voie de conséquence, une absence d'égalité et de récipro-negotiations from the vantage point of its certain knowledge that the
matter is now justiciable before the Court, while its opponent negotiates

in ignorance of this vital item of information regarding its rights.

1do not think such results werewithin the contemplation of those who
drafted the Statute of the Court, especially having regard to their par-
ticular concern with the question of communication, as reflected in the
wording of the Article itself.
The authority for the proposition underlying the Court's ruling is the
often-invoked Right of Passage case l,but, with much respect, it seemsto
me that that case, though followed in the Court's subsequentjurispru-
dence, needs re-examination. It affects too fundamental an aspect of the

Court's jurisdiction to remain as the leading authority on this question.
After 40 years of development of international law, in the spheres of such
conceptsas fairness, reciprocity and good faith, so sweepinga hypothesis
as the immediatecreation of a right to sue, regardless of the other party's
knowledge thereof, is much in need of review.

A word is necessary regarding the facts of this particular case. Nigeria
had filed its Declaration in 1965. Cameroon filed its Declaration on
3 March 1994,and made its Application to the Court three weeks later.
The Secretary-Generaldid not communicateCameroon's Declaration for
nearly a year, and Nigeria Statesthat it first receivedforma1intimation of
Cameroon's Application from the Registrar on 29 March 1994.

Cameroon relies on informa1 references to such a possibility in the

communications between the States, and on other sources from which
Nigeria might have gleaned this information. In dealings between States
on a matter of such importance and formality, one would require some-
thing more than a communication which is both informa1and indefinite.
The question ariseswhether, in any event, the announcement of the Dec-
laration in the Journal of the United Nations would have been sufficient
notice to Nigeria of the Declaration of Cameroon. It is necessary to
observe in this connection that not every mission in the United States is
so wellequipped with professionalpersonnel that it can keep a tab on al1
the treaties deposited and link up the declarations under Article 36,para-
graph 2, with their country's immediate concerns. Such a view would
operate harshly on the lesswell-equippedmissionsat the United Nations.

Right of Passage overIndian Territory, Preliminary Objections,Judgrnent, I.C.J.
Reports1957,p. 125.cité.L'Etat déclarant peutréglersa conduite et mener lesnégociationsen
tirant avantage du fait qu'il sait parfaitement que l'affaire peut mainte-

nant être portée devant laCour, cependant que son adversaire négocie
sans avoir connaissance de cet élémend t 'information crucial concernant
ses droits.
Je ne crois pas que les rédacteurs duStatut de la Cour prévoyaientde
telles conséquences,surtout si l'on tient compte de l'importance particu-
lière qu'ilsattachaient à la question de la communication des déclara-
tions, comme l'atteste le libelléde l'article lui-même.
L'autorité invoquée à l'appui de la thèsequi fonde l'arrêtde la Cour
est l'affaire du Droit de passage sur territoire indien1 auquel on se réfère
souvent; or il me semble que cette affaire, bien qu'elleait par la suitefait
jurisprudence, doit êtreréexaminéeE . lle toucheàun aspect trop fonda-
mental de la compétence dela Cour pour continuer à faire essentielle-
ment autoritéen la matière.Aprèsquarante annéesde développementdu
droit international au sujet de notions tellesque l'équité, la réciprocitéet

la bonne foi, il est absolument nécessaire derevoir une théorie aussiradi-
cale que celleconsistantà créer immédiatementun droit d'introduire une
action contre une autre partie sans que celle-ci ait nécessairementelle-
mêmeconnaissance de ce droit.

Il convient d'apporter quelques précisionsau sujet des circonstances de
cette affaire. Le Nigériaa remis sa déclarationen 1965. Le Cameroun a
déposéla sienne le 3 mars 1994,et a introduit sa requête devantla Cour
trois semaines plus tard. Le Secrétaire généran l'a transmis copie de la
déclaration du Cameroun que près d'un an après et le Nigéria affirme
qu'il a officiellement étéavisépour la première fois de la requête du
Cameroun par le greffierle 29mars 1994.
Le Cameroun renvoie à des allusions faiteà cette possibilitédans les
communications échangéesentre les Etats, ainsi qu'à d'autres sources
auprèsdesquellesle Nigériaaurait pu recueillir cette information. S'agis-
sant d'échangesentre Etats sur une question revêtantun caractère aussi
important et officiel, on est en droit de s'attendreà davantage qu'une
communication à la fois informelle et vague. La question se pose de

savoir si, en tout état de cause, l'annonce de la remise de la déclaration
parue dans le Journal des Nations Uniespouvait constituer une notifica-
tion suffisante au Nigéria de la déclaration du Cameroun. Il convient de
souligner à cet égard que toutes les missions établies aux Etats-Unis ne
sont pas dotéesdu personnel spécialisénécessairp eour suivre au jour le
jour le dépôt detous les traités et fairele lien entre les déclarations faites
au titre du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut avec les préoccupations

'Droit de passagesur territoire indien,exceptionspréliminaires,arrêt,C. 1.J. Recueil
1957, p. 125.

921cite, in this connection, the following passage from Rosenne's work on
The Law and Practice of the International Court of Justice, 1920-1996:

"An announcement of the deposit of a declaration is published
imrnediately in the Journal of the United Nations issued on each
weekday in New York. That announcement is made for information
purposes. It is accompanied by a footnote specifying that the date
indicated is the date of receipt of the relevant documents, meaning
that the documents willhave to be reviewedfor determination as to
theactualdeposit. GiventheCourt'sinterpretation ofArticle36,para-
graph 4, this announcement is not a satisfactorymethod of bringing

the deposit of a declaration to the immediatenotice of the parties to
the Statute, since the Journal of the United Nations is not a docu-
ment of general circulation but rather the day's workprogramme in
United Nations Headquarters in New York. Permanent Missions in
New York are unlikely to appreciate the significanceof announce-
ments of this character appearing in the Jo~rnal."~

1shall now deal with the reasons why 1consider the Right of Passage

decision to be in need of review, commencing with the strictly legal pro-
visions, and moving thereafter to the conceptual reasons underpinning
them.
That decision, which receivesendorsement from the Court's Judgment
in the present case, holds that :

"A State accepting the jurisdiction of the Court must expect that
an Application may be filed against it before the Court by a new
declarant State on the same day on which that State deposits with
the Secretary-General its Declaration of Acceptance. For it is on
that very day that the consensual bond, which is the basis of
the Optional Clause, comes into being between the States con-
cerned."

My first point of disagreement with the Right of Passage case is based
on its unequal treatment of the two mandatory clauses contained in
Article 36, paragraph 4, of the Statute. The two requisites stipulated by

-
The Law and Practice of the International Courtof Justice. 1920-1996.1997.Vol. II.
p. 759.
Z.C.J. Reports 1957, p. 146.immédiatesde leur pays. Partir de ce principe serait pénaliserlourdement
les missions auprès de l'Organisation des Nations Unies qui sont les
moins bien dotees. Je citeraiàce propos le passage suivant de l'ouvrage
de Rosenne intitulé The Law and Practice of the International Court of
Justice, 1920-1966 :

((L'annonce de la remise d'une déclarationest publiéeimmédiate-
ment dans le Journal des Nations Unies paraissant chaque jour
ouvrable à New York. Cette annonce est faite àdes fins d'informa-
tion. Elle est accompagnéed'une note de bas de page spécifiantque
la date indiquéeest la date de réceptiondes documentspertinents, ce
qui signifie que ces documents devront être examinésaux fins de
déterminer la date du dépôteffectif. Eu égard à l'interprétation du

paragraphe 4 de l'article 36 donnéepar la Cour, cette annonce n'est
pas un moyen satisfaisant de porter la remise d'une déclaration à
l'attention immédiatedes parties au Statut, car le Journal des Na-
tions Unies n'est pas un document faisant l'objet d'une distribution
générale, maisplutôt le programme de travail quotidien au Siège
de l'organisation des Nations Unies à New York. Il est peu vrai-
semblable que les missions permanentes se trouvant à New York se
rendent compte de l'importance de tels avis paraissant dans le
Journal.»

Je vais maintenant analyser les motifs pour lesquelsje considère que
l'arrêtdans l'affaireduDroit depassage doit être réexaminé je; commen-

cerai par étudierles dispositions d'ordre strictementjuridique pour trai-
ter ensuite des raisons d'ordre théorique quiles sous-tendent.
Selon cet arrêt,confirmépar l'arrêt rendupar la Cour dans la présente
affaire:

«Un Etat qui accepte la compétence de la Cour doit prévoir
qu'une requêtepuisse être introduite contre lui devant la Cour
par un nouvel Etat déclarant le jour mêmeou ce dernier dépose
une déclaration d'acceptation entreles mains du Secrétairegénéral.
C'est en effet ce jour-là que le lien consensuel qui constitue la base
de la disposition facultative prend naissance entre les Etats inté-
ressés.

En premier lieu, mon désaccord,en ce qui concerne l'affairedu Droit de
passage, se fonde sur la manière inégaldont sont traitéesles deux clauses
impérativesénoncées au paragraphe 4 de l'article 36 du Statut. Les deux

The Law and Practiceof the International Courtof Justice, 1920-1996, 1997,vol. II,
p. 759.
C.1.J. Recueil 1957, p. 146.Article 36,paragraph 4, are deposit with the Secretary-General and trans-
mission by the Secretary-General of copies to the parties to the Statute
and to the Registrar of the Court. The Court, in Right ofPassage, treats
the first request as essential and virtually discounts the other. 1 do not
think that two parallel statutory requirements can be treated so differ-

ently, especially whenboth alike are couched in imperative terms.

Secondly, it is an important rule of statutory interpretation that al1
words in the instrument under inter~retation should. as far as ~ossible.
be given full efficacy. The Court m;st necessarily a"oid any in;erpreta:
tion which would reduce important words or clauses in the Statute to
mere surplusage which has no legal effectwhatever. Under the Right of
Passage interpretation, the words "who shall transmit copies thereof to
the parties to the Statute and to the Registrar of the Court" might as well
have been omitted from the Statute. Such an interpretation does not
seem to me to be in conformity with the recognized rules of legal inter-
pretation. The Court is under a duty to render effectiveal1the provisions
of itsStatute, rather than to encourage the disregard of sections of it by
interpretations which denude them of significanceor meaning.

The Court's Judgment means that if the Secretariat ignored these
words completely, the legal result would stillbe the same. Such a view is

al1the more questionable when the statutory requirement is not an arbi-
trary imposition, but is based, as will beshown,upon well-accepteduni-
versa1 norms and concepts pertinent to the creation of consensual
relationships.

It is true this Judgment has been followed in the Court's later jurispru-
dence in Temple of Preah Vihear and Military and Paramilitary Activi-
ties in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America).
However, no amount of contrary jurisprudence can overridethe impera-
tive requirements of the Court's Statute and, if indeed the Statute makes
such a communication compulsory, it must be treated as such.

Thirdly, one must look upon the deposit of the declaration and the
communication by the Secretary-General as together constituting the
compositepackage of conditions which needs to be satisfiedto givelegal
efficacy to the declaration. It is clear that the first requisite must be
satisfied, for, without it, there could be no question of the declaration
being operative. The article in question designedly does not place that
requisite alone, but couples it with another in terms which are equally

mandatory.
One constituent element cannot be detached from this statutory pack-
age by a process of judicial interpretation. Nor can one element be
emphasized and the other neutralized when the Statute itself gives no
indications to that effect.f the juristic right fashioned by Article 36 is toobligations formuléesau paragraphe 4 de l'article 36 sont d'une part le
dépôt auprès duSecrétaire génére atld'autre part la transmissionpar celui-

ci de copies aux parties au Statut et au greffier dela Cour. Dans l'affaire
du Droit depassage,la Cour considère la première exigencecomme essen-
tielle et ne tient pratiquement aucun compte de la seconde.J'estime que
l'on ne peut traiter de manière aussi différeeeux obligations statutaires
parallèles,d'autant que l'une etl'autre sont rédigées en detsermes impé-
ratifs.
En second lieu, une règle importante de l'interprétation des textes
de droit impose de donner dans toute la mesure du possible plein effet
à l'instrument à interpréter. La Cour se doit d'évitertoute interpréta-
tion qui réduirait des clauses ou des termes importants du Statut à un
simple verbiage dépourvu de tout effet juridique. Selon l'interprétation
quia étédonnée à l'affairedu Droit depassage,les mots«qui en transmet-
tra copie aux parties au présent Statut ainsi qu'au Greffier de laur))
auraient pu aussi bien ne pas figurer dans le Statut. Une telle interpréta-

tion ne me paraît pas conforme aux règlesd'interprétation généralement
admises en droit. La Cour est tenue de donner effetà toutes les disposi-
tions de son Statut et n'est pas censéeinciteren méconnaître certaines
parties par des interprétations qui les privent de toute portée ou signifi-
cation.
Il résulte de cetarrêtde la Cour que si le Secrétariatne tenait absolu-
ment aucun compte de ce membre de phrase les conséquencesjuridiques
n'en seraientpas modifiées.Un tel point de vue est d'autant plus contes-
table que cette obligation statutaire n'est nullement une exigence arbi-
traire, mais qu'elle se fonde, comme on va le voir, sur des normes uni-
versellestrès largementreconnues et sur des notions liéesla créationde
liens consensuels.
Il est vrai que l'arrêt susmentionnéa étéonfirmépar lajurisprudence
de la Cour dans les affaires duTemple de PréahVihéaret des Activités

militaires et paramilitaires au Nicaraguaet contre celui-ci (Nicaragua
c. Etats- Unisd'Amérique). Mais aucunejurisprudence contraire, siabon-
dante soit-elle,ne saurait l'emporter sur les obligationsimpérativesénon-
céesdans le Statut de la Cour et, si le Statut fait de la communication
des déclarations une obligation, il convient de la traiter comme telle.
En troisième lieu,la remisede la déclaration et la transmissionde celle-
ci par le Secrétairegénéraldoivent êtreconsidérées comme un ensemble
composite de conditions qui doivent êtreremplies pour donner effetjuri-
dique à la déclaration. Il est évidentque la première exigence doit être
satisfaitecar, si ellene l'étaitpas, il serait impossible de donneràelaet
déclaration. L'article en question n'énoncepas à dessein cette exigence
seule, mais l'associe une autre qui est rédigéeen des termes qui sont
tout aussi impératifs.
On ne saurait dissocier un des élémentsconstitutifs de cet ensemble

consacré dansle Statut par le biais d'une interprétationjudiciaire. Et on
ne saurait non plus mettre en avant un de ces élémentset neutraliser
l'autre alors que le Statut n'indique nullement qu'il doit en êtreainsi.come into existence, the events attending its creation must fit the mould
cast for that purpose by the governing statutory provision.

A fourth reason why the Right of Passage decision needs review isthat

it could well encourage the Secretariat to take a more relaxed view
regarding its obligations under Article 36, paragraph 4. Since the inter-
pretation placed by Right of Passage on the requirement of communica-
tion deprives that requirement of al1effectiveimpact upon the matter it
was meant to regulate, it is not to be wondered at that the Secretariat,
acting presumably on that ruling, takes its time - up to one year - in
transmitting the required communication.

If, indeed, a practice of delay in communication has resulted in the
United Nations from the belief that one of these imperativeconditions is
not imperative, despite the language of the Statute to the contrary, it is
important that the practice be rectified and the procedures brought into
regularity with the binding requirements of the Statute.

It is true the second of these requirements is not within the control of
the party depositingthe declaration, but it is to be presumed that officia1
acts will be duly performed, the more especially where they relate to
matters of such fundamental importance to the rights of States, as the
voluntary surrender of some part of their sovereignautonomy - for dec-
larations by States under Article 36 amount to no less than this. Due
performance by the Secretariat of its responsibility of transmitting such
copiesin a matter such as this can mean nothing short of transmission of
such declarations forthwith. This is yet another reason why 1believethe
Court should take this opportunity to review that Judgment, and stress
the imperative nature of this statutory responsibility. The delay of nearly
one year that has occurred in communication in this instance is not, in
any event, a proper compliance with the Statute.

My fifth objection to the Right of Passage case is that it takes out of
context the expression "ipsofacto and without special agreement", and
treats it as an indication of the point of time at which the parties became
consensually bound. This provision was not intended to produce such a
result, nor can it bear such a construction. What Article 36,paragraph 2,
provides is that where a declaration is filed, no special agreement is
necessary,as the declaration has a compulsoryforce of its own.Nowhere
does this provision purport to indicate when that declaration becomes
operative.

1 would endorse what Vice-President Badawi observed of this con-
struction in his dissenting opinion in the Right of Passage case when he
criticized the isolation of the expression "ipsofacto" from its context.Pour que le droit créé par l'article36 devienne réalitél,es événements qui
ont entourésa créationdoivent êtreconformes aux modalités prévues à
cet effet par la disposition pertinente du Statut.
En quatrième lieu, la raison pour laquellej'estime qu'un réexamen de
la décisiondans l'affaire du Droit de passage s'impose estqu'elleest de
nature à inciter le Secrétariaà considérer moinscontraignantes les obli-
gations qui sont lessiennesen vertu du paragraphe 4 de l'article36.Etant
donné que l'interprétation qui aétédonnéedans l'arrêten l'affaire du
Droit depassage àl'obligation de transmettre les déclarationsprive cette

exigencede tout effet réelsur la question qu'elleétaitcenséerégler,il n'y
a pas lieu de s'étonnerque le Secrétariat,s'appuyant vraisemblablement
sur cette décision, prenne son temps - et attende parfois mêmeune
année - pour transmettre la déclarationcomme il est tenu de le faire.
Sil'Organisation desNations Unies a vraiment pour pratique de trans-
mettre tardivement les déclarations car elle pense qu'une de ces con-
ditions obligatoires n'est pas impérative, contrairement à ce que stipule
expressémentle Statut, il est important de remédier à cette pratique et
de remettre les procédures en conformitéavec les obligations impératives
du Statut.
Il estvrai que la partie qui remet ladéclarationn'a aucun droit de regard

sur la secondede cesobligations,mais on estfondé à supposerque lesactes
officielsseront dûment accomplis, tout particulièrementlorsqu'il s'agitde
questions d'une importanceaussi crucialedu point de vue des droits des
Etats que la renonciation volontaire à une partie de leur autonomie sou-
veraine - car les déclarations faitespar les Etats en vertu de l'article 36
ne sont rien de moins que cela. Pour le Secrétariat, dûment s'acquitter
de sa responsabilitéde transmettre copie aux autres parties au Statut ne
saurait signifierrien de moins qu'une communicationimmédiatede ces
déclarations.C'est là encore une autre raison pour laquelle j'estime que
la Cour doit saisir cette occasion de réexaminer leditarrêtet insister sur
le caractèreimpératifde cette obligation statutaire. En l'espèce,le fait que
près d'uneannéese soit écoulée avant la transmission de la déclaration

ne saurait en tout état de cause constituer une application normale du
Statut.
En cinquième lieu, j'estime que dans l'affaire du Droit de passage
l'expression «de plein droit et sans convention spéciale))estcitéehors
de son contexte et traitée commesi elle indiquait le moment précisoù
les parties établissententre elles un lien consensuel. Cette disposition
n'étaitpas destinée à produire un tel effet et elle ne saurait êtreinterpré-
tée de lasorte. Ce que stipule le paragraphe 2 de l'article 36, c'est que
lorsqu'une déclaration est déposéeaucune convention spéciale n'est
nécessaire,la déclarationayant par elle-même force obligatoire. Cette dis-
position ne tend nullement àindiquer le moment où la déclaration prend

effet.
Je partage l'analyse faitepar M. Badawi, lorsqu'il étaitvice-président
de la Cour, au sujet de ce raisonnement dans son opinion dissidente à
propos de l'affairedu Droit depassage; il y critiquait le fait que l'expres-This led to the achievement of a result by which, in his words, "the com-
plete idea contained in the Statute has been dismembered and dis-
regarded" 4.
As a sixth objection, 1 note the prejudice that the Right ofPassage
interpretation may cause to a party. A ruling which in effect confirms
that the filing of a declaration becomes operative the very next moment
after it is filedcould be an embarrassment to a State which is in the pro-
cess of negotiation with another. Unknown to itself, it could have the
ground surreptitiously cut from under its feet, perhaps after it has made
some vital concession, in the belief that the matter is still under negotia-

tion. This aspect is further developed later in this opinion.

A seventh reason is that the declaration which constitutes the act of
acceptance is not a declaration in a standard form. It is infinitelyvariable
in its terms, and the mere fact of deposit cannot be an intimation of the
terms in which the declaration isframed. The party sought to be bound is
entitled to know those terms. If it is held to be consensually bound, it
cannot reasonably be held to be bound to terms of which it is unaware.
This factor militates so stronglyagainst the core content of the concept of
consensus that even had it stood alone, it would, in my view, have been
conclusive.

An eighth and final reason why, in my view,the Right ofPassage deci-
sion needs re-examination is that it could have an adverse effect on the
development of the Court's jurisdiction. The Court's interpretation could
wellresult in a reluctance on the part of States to make such declarations
in the first instance. Indeed, the Court's ruling in the Right ofPassage
case was followed shortly thereafter by the introduction of a series of
reservations to declarations already filed under Article 36. For example,
the United Kingdom's Declaration on 26 November 1958excepted from
the scope of its Declaration disputes

"where the acceptance of the Court's compulsory jurisdiction on
behalf of any other Party to the dispute was deposited or ratified less
than twelvemonths prior to the filingof the application bringing the
dispute before the C~urt"~.

So, also, India filed an amended declaration on 14 September 1959,
restricting the Court's jurisdiction in respect of future applications to
cases where the acceptance of the Court's compulsory jurisdiction was
deposited or ratified more than twelve months prior to the filing of an
application bringing the dispute to the Court6.

Right of Passage over Zndian Territory, Preliminary Objections,Judgment, Z.C.J.
Reports 1957,p. 157.
Zbid.,p. 242.ok 1959-1960D.255.sion «de plein droit)) a étéisoléede son contexte. Cela a abouti à un
résultattel que, selon ses termes, ((l'intégrde la penséedu Statut a été
méconnueet rompue » 4.
En sixièmelieu, je relève que l'interprétation donnéedans l'affaire
du Droit de passage est susceptible de causer un préjudice à une partie.
Un arrêtqui, en pratique, confirme que le fait de déposerune décla-
ration donne effet à celle-ci aussitôt après qu'elle a étéremise pour-
rait placer dans une situation embarrassante un Etat qui a engagé des
négociationsavec un autre Etat. A son insu, l'herbe pourrait subreptice-
ment lui être coupée sousles pieds, éventuellementaprès qu'il a fait

quelqueconcessiondécisive,croyant quelaquestioncontinuedefairel'ob-
jet de négociations.Je reviendrai par la suite plus en détail surcet aspect.
En septième lieu, j'observe que la déclaration qui constitue l'acte
d'acceptation n'est pas une déclaration formuléeselon des normes défi-
nies. Elle est infiniment variable dans ses termes et le seul fait qu'ellesoit
remise ne saurait indiquer de quelle façon elle est libellée.La partie
appelée à êtreliéepar cette déclaration est en droit d'en connaître les
termes. Si elle est censéeavoir établi un lien consensuel, on ne saurait
raisonnablement la considérer comme liéedans des conditions dont elle
n'a absolumentpas connaissance. Cet élément va sifortement àl'encontre
de ce qui constitue l'essence mêmd ee la notion de consensus que, même

à lui seul, il auraàtmes yeux constitué un argument décisif.
Enfin, en huitième lieu, la raison pour laquelle il m'apparaît que la
décisiondans l'affaire duDroit depassage doit êtreréexaminéeesq tu'elle
pourrait avoir un effet défavorable surl'extension de la juridiction de la
Cour. L'interprétation de laCour pourrait bien avoir pour effet que les
Etats deviendront réticents àfaire ces déclarations.D'ailleurs, peuaprès
que la Cour eut statué dans l'affaire du Droit de passage, une sériede
réservesaux déclarations déjàdéposéesen vertu de l'article 36 a été
émise.C'est ainsi que dans sa déclaration du 26 novembre 1958, le
Royaume-Uni a exclu du champ d'application de sa déclaration certains
différends

((lorsque l'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour au
nom d'une autre partie au différenda étédéposéeou ratifiéemoins
de douze mois avant la date du dépôt de la requêtepar laquelle la
Cour est saisie du différend»5.

De même,l'Inde a remis, le 14septembre 1959,une nouvelle déclaration
limitant la compétencede la Cour en ce qui concerne les futures requêtes
aux cas où la déclaration d'acceptation de lajuridiction obligatoire de la
Cour a étédéposée ou ratifiée plusde douze mois avant la date du dépôt
de la requêtepar laquelle la Cour est saisie du différend6.

Droit de passage sur territoire indien,exceptions prélimint,.Z.J. Recueil
1957, p.157.
C.Z.J. Annuaire 1959-1960,p. 248.
Zbid.,p. 238. Other States may well be expected to take similar steps to protect
themselves against surprise applications if this view of the law is con-
firmed, while some others contemplating the filing of such a declaration
may wellhave second thoughts on the subject. Al1this isnot conducive to

the extension of the compulsoryjurisdiction of the Court.

Indeed, whilethe Court has been deliberating on its Judgment, Nigeria
itself hastaken action, on 29 April 1998,to amend its Declaration, so as
to impose a time-limit of twelvemonths before acceptance of the Court's
jurisdiction by a State becomes operative against Nigeria.

So much in regard to the interpretation of the governing statutory pro-
vision.

1pass now to an examination of some conceptualconsiderations which
underlie the statutory provision and reinforce the conclusions already
reached.
Since the so-called compulsoryjurisdiction clause is consensual in its
architecture, one must satisfy oneself that the results of the Court's Judg-
ment are in conformity with the legal concept of consensus.

A State lodging a declaration under Article 36, paragraph 2, performs
a twofold juristic act. On the one hand, it is making an offer to every
other State that has not already filed a declaration that it will be bound
by its terms to such State, upon that State making a declaration in
accordance with Article 36. On the other hand, a declaration made in
terms of Article 36 is an acceptance of the offers made by other States
which have already filed such a declaration. A declaration duly made
under Article 36is thus both an offer to some Statesand an acceptance of
the offer already made by other States.

It is true we are considering a question of international law, but this
analysis shows us also that we are very much in the sphere of the law of
consensual obligations, from which we draw our general principles and
foundation requirements. We must not be diverted from the basic prin-
ciples of this body of law, as universally recognized, by the circumstance
that we are operating in the territory of international law. Where any
situation in international law depends on consensus, the generally
accepted principles relating to consensualobligations would apply to that

situation, unless expresslyvaried or abrogated.

How is a consensual obligation formed? The completed legal product
results from the classical process of the meeting of minds which follows
from a confluenceof offer and acceptance.This is accepted by most legal Il faut s'attendrà ce que d'autres Etats prennent des mesures simi-
laires pour se protéger contre le dépôt de requêtespar surprise si cette
interprétation du droit est confirmée;de même,d'autres Etats qui envi-

sagent de déposerune telle déclaration risquent fort d'y réfléchirdeux
fois avant de le faire. Tout cela n'est guèrefavorablà l'extension de la
juridiction obligatoire de la Cour.
Au demeurant, alors que la Cour délibéraitau sujet du présentarrêt,le
Nigériaa lui-mêmepris des mesures, le 29 avril 1998,en vue de modifier
sa déclaration de façon à imposer un délai dedouze mois avant que
l'acceptation de la compétencede la Cour par un Etat prenne effet à
l'encontre du Nigéria.
Telleest ma position en ce qui concernel'interprétation de l'article per-
tinent du Statut.

Je passe maintenant à l'examen de certaines considérations d'ordre
conceptuel qui sous-tendent la disposition du Statut et confortent les
conclusions auxquelles je suis déjà parvenu.
Comme la clause dite de juridiction obligatoire revêt uncaractère
consensuel dans son économie,il faut s'assurer que les effets de l'arrêt de
la Cour concordent avec la notion juridique du consensus.
L'Etat qui déposeune déclaration en vertu du paragraphe 2 de I'ar-
ticle 36 accomplit un double actejuridique. D'une part, il faià chacun
des autres Etats qui n'ont pas encore déposéde déclaration une offre de
se reconnaître liépar les termes de celle-ci vis-à-vis de cet Etat dèsque
celui-ci fera une déclaration conformément à l'article 36. D'autre part,
une déclaration faite conformément à l'article 36 constitue une accepta-
tion des offres faites par d'autres Etats qui ont déjà déposé une telle

déclaration. Une déclaration faite régulièrementen vertu de l'article 36
est donc à la fois une offre adressàecertains Etats et une acceptation de
l'offre déjàfaite par d'autres Etats.
Nous examinons certes une question de droit international, mais
cette analyse nous montre également que nous nous trouvons très
largement dans le domaine du droit des obligations consensuelles d'où
nous tirons nos principes générauxet les fondementsjuridiques qui nous
sont indispensables. Nous ne devons pas nous laisser détourner des
principes fondamentaux de ce corpus de droit reconnu universellement
par le simple fait que nous nous trouvons sur le terrain du droit inter-
national. Dès lors qu'une situation en droit international repose sur
un consensus, les principes généralementreconnus en matière d'obliga-
tions consensuelles s'y appliquent sauf modification ou abrogation

expresse.
Comment se forme une obligation consensuelle? Son aboutissement
juridique parfait découle du mécanisme classique de la rencontre des
volontés quirésulte dela conjonction de l'offre et de l'acceptation. C'estsystems,with the rarest of exceptions7.This principle is accepted alike by

the Anglo-American law and the Romanistic legal systemss. There are
indeed substantial differences among different legal systems regarding
such matters as the status and revocability of the offerg, but the basic
principle that the minds of offeror and offeree must meet remains
unaffected by these considerations, and belongs to the common core of

legal systems.

Probably the most exhaustive study available on the core content of
consensus across a wide variety of legal systems is Schlesinger'smonu-
mental work on the Formation of Contracts'O.Schlesingerwould indeed

appear to have anticipated cases such as the present where the Court
needs to satisfy itself on the universally agreed fundamentals of con-
sensus.
One of the purposes of this study, as expressly stated therein, was to
render assistance to judges of international tribunals having occasion,

under Article 38, paragraph 1 (c), of the Statute of the International
Court of Justice, to deal with issues relating to the formation of agree-
ments l lSchlesinger wasexamining the "reservoir of legal concepts and
precepts traditionally utilized in, and shared by, a number of national
legal systems" 12,and expressedthe hope that international judges "would

make ample use of the 'general principles' as prime materials for the
building of a systematic body of international law" 13.

The present case of interpretation of a statutory provision arising out

of the concept of consensus or agreement is an apt occasion for the use of
such scholarly research for the purposes of international law. In particu-
lar, it would be helpful in testing whether the interpretation adopted in

-
E.g., a rare exception,which studies of comparative law note as atypical, is the Lofte
doctrine of the Scandinavian countries,under which obligations stemnot from the agree-
ment of parties but from the duty undertaken by eachty in itscontractual declaration.
See K. Zweigertand H. Kotz, An Introduction to ComparativeLaw, 2nd ed., 1984,trans.
Tony Weir, p. 382.It haseverbeensuggestedthat Article 36,paragraph 2,followedsuch
a conceptual model.
Ibid. pp. 381et seq.
SeeP. de Cruz, ComparativeLaw in a Changing World, 1995,pp. 302et seq., regard-
ing the generalrule of revocabilityof offersin the common law, the generalrule of irrevo-
cability in German law, and the somewhat intermediate positionof French law. See,also,
S. A. Nussbaum, "Comparative Effectsof the Anglo-American Offer and Acceptance
Doctrine", (1936)ColumbiaLaw Review, Vol. 36, p. 920.
IoRudolf B. Schlesinger(ed.),Formation of Contracts: A Study of the CornmonCore
of Legal Systems, 2 vols., 1968.
Zbid.,Vol. 1,pp. 7-8.
l2Ibid., p. 8.
l3Zbid.la solution reconnue par la plupart des systèmesjuridiques àde très rares

exceptions près7.Ce principe est reconnu tant par les systèmesde droit
anglo-américainquepar lessystèmesjuridiques inspirésdu droit romain
Il y a assurémentd'importantes différencesentre les différentssystèmes
juridiques en ce qui concerne les questions telles que le statut et la révo-
cabilitédes offres9,mais cesconsidérationssont sans effet sur le principe
de base - faisant partie du noyau commun des différentssystèmesjuri-

diques - selon lequel les intentions de Sauteur et du destinataire de
l'offre doivent se rencontrer.
L'étude la plus exhaustivedont on dispose sur les éléments fondamen-
taux de la notion de consensus dans un grand nombre de systèmesjuri-
diques est probablement l'ouvragemonumental de Schlesinger Fooumation

of con tract^'^.Schlesinger semble d'ailleurs avoir prévu des affaires
comme celleque nous examinons où la Cour doit s'assurerde la présence
des éléments fondamentaux du consensus qui sont reconnus universelle-
ment.
L'un des objets de cette étude, quiy est d'ailleurs expressémentmen-
tionné,est d'aider lesjuges dejuridictionsinternationales appelés,comme

le prévoit l'alinéa c) du paragraphe 1de l'article 38 du Statut de la Cour
internationale de Justice, à résoudredes questions concernant la forrna-
tion des contrats". Schlesingera examinéla ((multiplicitéde concepts et
de principes juridiques qu'un certain nombre de systèmesjuridiques
nationaux utilisent ordinairement et ont en commun»12 et a exprimé

l'espoir quelesjuges internationaux «se serviraient amplement des ((prin-
cipes généraux»comme matériauxde base pour érigerun corpus systé-
matique de droit international»13.
La présente affairequi porte sur l'interprétation d'une disposition du
Statut reposant sur la notion de consensus se prêteparticulièrementbien
à l'utilisation de cette recherche doctrinalepour lesbesoins du droit inter-

national. Elle serait notamment utile pour vérifiersi l'interprétation rete-

7 Par exemple, une des rares exceptions, que les étudesde droit comparéqualifient
découlentpas de l'accord desparties mais de l'obligation qu'acontractée chaque partie
dans sa déclarationcontractuelle (voirK. Zweigert etKotz, An Introduction to Com-
parative Law, 2eéd.,1984,trad. Tony Weir, p. 382).Il n'ajamaisindiquéque le para-
graphe 2 de l'article36 procédait d'untel modèle conceptuel.
Ibid., p. 381et suiv.
Voir P. de Cruz, Comparative Law in a Changing World, 1995,p. 302et suiv., en ce
qui concerne le principe général de la révocabilité des offres enlaw, le principe
général d'irrévocabilitn droit allemand et la position en quelque sorte intermé-
diaire adoptéepar le droit français. Voir aussi S.A. Nussbuam, ((ComparativeEffects of
the Anglo-American Offer and Acceptance Doctrine)), Columbia Law Review, 1936,
vol. 36, p. 920.
Io Rudolf B. Schlesinger (dir. publ.),Formation of Contracts: A Study of the Common
Core of Legal Systems, 2 vol., 1968.
Ibid, vol. 1,p. 7-8.
l2Ibid., p. 8.
l3Ibid.the Right of Passage case conforms to the "general principles" attending
agreement as universally understood.

Schlesingernotes preliminarily the following general propositions :

"1 A. In al1legal systems under consideration, the first require-
ment of a 'contract', in thecore meaning of the word, is the existence

of an agreement, i.e., of manifestations of mutual assent on the part
of two or more persons. Whether or not they are promissory in
nature, these manifestations as a rule must be referable to each
other." l4

"III. . . .
In al1legal systems under consideration, contracts are norrnally
(although not necessarily .. .)formed by offer and acceptance occur-
ring in an ascertainable sequence." l5

Once this nom of offer and acceptance is established, the next ques-

tion for examination is whether the acceptance needs to be communi-
cated. In this regard, Schlesingerobservesas follows, in the section of the
General Report dealing with the question :

"1s Communication of Acceptance Necessavy?
The problem to be treated in this Report is connected with the
offeror's interest in obtaining knowledge concerning the conclusion

of the contract.
Normally, although not necessarily, such knowledge is obtained
through communication, i.e., an act of the offeree aimed at bringing
acceptance to the offeror's knowledge.

With the possible exception of French law, al1systemsunder con-
sideration agree, as a matter of principle, that communication of

acceptance is necessary to bring about a ~ontract."'~
He also observesthat the differencesbetween French law and the other

systems under consideration may be more apparent than real17.

There are indeed exceptionalcircumstances in which legal systems do
not require a specific communication of acceptance, e.g., in standard

l4Op.cit .,71.
l5Ibid. p. 74.The exceptional circumstances, which are rare, are dealt with in
Part Two, SectionCl, of Schlesinger'swork.
l6Ibid p.,147.
'7Ibid n.,te 2.nue dans l'affaire du Droit depassage est conformeaux ((principes géné-
raux» en matière d'accord entre des parties tels qu'ils sont universelle-
ment reconnus.
Schlesingerénoncetout d'abord lespropositions générales qui suivent:

((1A. Dans tous les systèmesjuridiques étudiés, la première condi-
tion d'un «contrat», au sens essentiel du mot, est l'existence d'un
accord, c'est-à-dire de la manifestation du consentement mutuel de
deux ou plusieurs personnes. Qu'elles aient ou non valeur de pro-

messes, ces manifestations en règle générale doiventse rattacher
l'une à l'autre.»l4
«III ...
Dans tous les systèmesjuridiques étudiés,les contrats se forment

normalement (mais non nécessairement...) par la présentation d'une
offre et son acceptation se produisant dans un ordre que l'on peut
déterminer. »l5

Une fois établiecette norme de l'offre et de l'acceptation, la question
qu'ilfaut ensuite examiner est de savoir si l'acceptation doit êtrecommu-
niquée.Voici, à cet égard,ce que dit Schlesingerdans la section du rap-

port général consacrée à cette question:
«La communication de l'acceptation est-ellenécessaire?

Le problèmeque nous examinerons dans le présentrapport serat-
tache à l'intérêt qu'a l'auteudre l'offrede savoià quoi s'en tenirsur
la conclusion du contrat.
Normalement, sans que cela soit nécessairement le cas, cette

connaissance s'acquiert par la communication, c'est-à-dire par un
acte du destinataire de l'offre visant à porter l'acceptation à la
connaissance de son auteur.
A l'exception éventuelledu droit français, tous les systèmesétu-
diésreconnaissent en principe que la communication de l'accepta-
tion est une condition nécessairede la formation d'un contrat.»I6

Il fait également observer que les différencesexistant entre le droit
français et les autres systèmesétudiéssont peut-êtreplus apparentes que
réelles17.

Il y a d'ailleurs des circonstances exceptionnelles où les systèmesjuri-
diques n'exigentpas la communication expressede l'acceptation, notam-

l4Op. cil., p. 71.
l5Ibid .,74. Lescirconstancesexceptionnelles,qui sont rares, sont examinéesàla sec-
tionCl de la deuxièmepartie de l'ouvrage de Schlesinger.
l6Ibid .,147.
l7Ibid .,te 2.form contracts or contracts of adhesion18.Vice-President Badawi, in the
Right of Passage case, distinguished this category of contracts from Dec-

larations under Article 36 in the following terms:

"Indeed, whereas the essential feature of the 'adherence'or 'acces-
sion' contract is uniformity, that of Declarations is variety and
diversity. Each Declaration expresses the conditions, the purposes
and the policy of the State which makes it. Furthermore, in 'adher-

encecontracts' one of the parties in fact is in a position in which it is
impossible to discuss the terms of the contract. It is obliged to con-
tract and givesits adherence to the al1powerful will of the other. In
this category are included, inter alia, contracts of service, contracts
for transport and for insurance. What analogy can there be between

such contracts and Declarations acceptingjurisdiction?" l9

Another such exceptionalcategory consists of postal offers, in regard
to which a variety of theories have been propounded20 to meet the diffi-
culties arising from time taken in transit, revocation pending transmis-
sion, and the like. Al1theories have been the subject of contention, but
they are al1designed to meet the special difficultiesarisingfrom this par-

ticular mode of communication. There may also be cases where an un-
usual mode of acceptance is prescribed by the offeror, and compliance
with this method obviates the need for communication, which is there-
fore considered to be waived2'. It is in such cases, where good reasons

exist for departure from the nom, that the law of contract waives the

l8 Where a standing offer is made on standard terms, e.g., by a public carrier, it
becomes a contract upon acceptance of the act of service,as when a passenger boards a
bus. There isno room for negotiation or for individual variations of terms in such a situa-
tion, and the meeting of mindsis deemedto take place whenthe relevant act is performed.
There is no analogy betweensuch situations and offers of acceptance ofthe Court'sjuris-
diction, which are infinitely variable in their terms.

l9 Right of Passage over Zndian Territory, Preliminary Objections, Judgment,1.C.J.
Reports 1957, dissenting opinion, pp. 157-158.
'O A variety of theories have evolved in relation to acceptance of postal offerthe
declaration theory (that theontract is complete as soon as the offeree has made a dec-
laration of his acceptance), the expedition theory (that the contract is formed when a let-
communication of the acceptance must be received bythe offeror). Seede Cruz, op. cit.,hat
p. 308.Al1of these are fashioned to meet the varied practical difficultiesthat arise in the
context of postal offers. Seealso the reference to these theories in the dissenting opinion
of Vice-President Badawi inRight of Passage overZndianTerritory, Preliminary Objec-
tions, Judgment, 1.C.J. Report1957, p. 156).

21 ASin the classiccommon law case of Carlillv. CarbolicSmoke Bal1Co., where an
act prescribed by the offeror was consideredwithout more to constitute acceptance. Even
that case affirmed, however,that "Onecan not doubt that, as an ordinary rule of law, an
acceptance of an offer made ought to be notified to the person who makes the offer, in
order that the two minds may come together" (El89311 QB 256; 62 LJQB 257). See the
reference to this case in Schlesinger,op. cit., Vol. II, p. 1309.ment dans le cas des contrats types ou des contrats d'adhési~n'~.Dans
l'affaire du Droit de passage, M. Badawi, vice-président,a distingué cette
catégoriede contrats des déclarationsfaites en vertu de l'article 36:

«En effet, alors que l'essencedu contrat d'adhésionest l'unifor-

mité, celle des déclarations est la variété etla diversité.Chaque
déclaration exprime les conditions, les objectifs et la «policy» de
1'Etat qui la fait. D'autre part, dans les contrats d'adhésion, l'une
des parties setrouve en fait dans l'impossibilitéde discuter lescondi-
tions du contrat. Elle est obligée decontracter et donne son adhésion

à la volontétoute puissante de l'autre. On rangedans cette catégorie,
entre autres, le contrat de travail, le contrat de transport, celui
d'assurance. Quelle analogie peut exister entre ces contrats et les
déclarationsd'acceptation de juridi~tion?»'~

Une autre catégorie d'exceptionest celledes offrespar la poste au sujet
desquelles différentes théoriesont été avancées20pour résoudreles diffi-
cultésqui découlentdu laps de temps s'écoulantentre la présentation de
l'offre et son acceptation, de la révocationde l'offre ou de l'acceptation
pendant leur communication,etc. Toutes ces théories suscitentdes polé-

miques, mais ellesvisent toutes à résoudrelesdifficultésparticulièresliées
à ce mode donné de communication. Il se peut aussi que l'auteur de
l'offreprescrive un mode inhabituel d'acceptation de sorte que le respect
decetteformalitérendinutilelacommunicationdel'acceptation à laquelle

l'auteur de l'offre est réputé avoir renoncéz1C .'est dans ces affaires où il

l8 L'offre permanente faiteà des conditions types, notamment par un transporteur
public, setransforme en contrat dès l'acceptationde l'actede service, commec'estle cas
lorsqu'un passagermonte à bord d'un autobus. Il n'y a pas matièrea négociation nià
modification dans un cas particulier des clausesdu contrat dans une telle situation et la
rencontre des volontés est réputéeproduire dès l'accomplissement de l'acte voulu.'y
a aucune analogie entre ces situations et les offres d'acceptation de la juridiction de la
Cour, dont les termes sont extrêmement variables.
l9 Droit depassage sur territoire indien,exceptionspréliminaires,arrêt,C.I.J. Recueil
1957, opinion dissidente, p. 157-158.
20 Différentes théorisnt été élaboréeensce qui a traàtl'acceptation des offrespar la
poste - la théoriede la déclaration(selon laquellele contrat se forme dèsque le desti-
nataire de l'offre a fait connaître son acceptation), la théorie de l'expédition (selon
laquellele contrat se forme dès l'envoi d'unelettre ou d'un télégraacceptant l'offre)
et la théorie de l'information (selon laqu'auteur de l'offredoit recevoir communica-
tion de l'acceptation) (voirde Cruz,. cit., p. 308).Toutes ces théoriesont été établies
pour résoudreles multiples difficultéspratiques qui se posent dans le contexte des offres
par la poste. Voir aussila mention decesthéoriesdans l'opinion dissidente deM. Badawi,
vice-président,dans l'affaireduroit depassage surterritoire indien,exceptionsprélimi-
naires, arrêt,C.I.J. Recueil 1957, p. 156.
2' Comme dans l'affaire classique decomrnonlaiv Carlillv. CarbolicSmoke Bal1Co.,
où un acte prescrit par l'auteur d'une offre a été considéré commvaelant acceptation
purement et simplement. Même cette affaire a toutefois confirmé'«il ne fai[sai]taucun
doute, àtitre de principe normal de droit, que l'acceptation d'une offre devrait être noti-
fiéeàl'auteur de l'offre afin qu'il puisse y avorirencontre des volontés»([1893]1Q;256
62 LJQB 257).Voir le passage consacré à cette affaire dans Schlesinger,op. cit., vol. II,
p. 1309.requirement of communication of an acceptance.This is not such a case.
Indeed, the present situation is the very opposite of the case where actual
communication is waived by the law, for the Statute in fact expressly
requirescommunication by action of the Secretary-General.

Except in such exceptional circumstances, or where communication is
expresslydispensedwith by the parties, there is verygood reason for con-
cluding that there can be no consensus in the absence of communication
of the acceptance.Without it, the offeror would be in a state of ignorance
that it is bound by a contractual relationship. In the words of Nigeria,
the "consensual bond" between itself and Cameroon in regard to the
Court's jurisdiction "cannot be said to exist with respect to another State
of whose participation in the system established by Article 36.2 of the
Statute Nigeria knew n~thing"~~.This is contrary to the considerations

of fairness that should govern such relationships; and the exceptional cir-
cumstances in which a merely notional communication is deemed suffi-
cient are not replicated in the case of Article 36, paragraph 2, declara-
tions. Such a conclusion is strengthened further by the requirement of
communication built into Article 36, paragraph 2, itself.

The procedure of deposit of the declaration with the Secretariat is
clearly not tantamount to a notification to al1the world, as would be the
case, for example, of the deposit and registration of a deed with a Land
Registry within a domestic legal system. Indeed, the Statute would not
specificallyrequire communication if the mere fact of the deposit were to

be constructive notice to al1the world.
An important principle involved in al1of the foregoing considerations
is the principle of the protection of the offeror.
1 quote Schlesinger'sconclusions again, in relation to the recognition
by legal systems of the need for the protecting the offeror. He refers to
the fact that

"most of the legal systemsunder consideration willin someway pro-
tect the offeror's interest in obtaining knowledge that the contract
has been concluded. Such protection is given byimposing a duty on
the acceptor to inform the offeror, promptly or at least within a
reasonable time, of the conclusion of the contract. However, these
systems differ as to the scope of the duty and the consequences
of non-complian~e."~~

1can do no better than to conclude this discussion with a reference to

what Grotius himself has to say on the matter, not in his treatises on the

22Preliminary Objections of Nigeria, Vol. 1,p. 40, para. 1.23.
23Schlesinger,op. cit., Vol. 1,p. 148.existe debonnes raisonsde s'écarterde la norme que le droit des contrats
renonce à l'exigencede communication de l'acceptation. Or ce n'est pas
le cas en l'espèce.Nous nous trouvons en fait dans une situation qui est

exactement à l'opposéde celle où le droit prévoitla possibilitéderenon-
cer effectivementà cette communication,car le Statut exigeexpressément
que le Secrétaire général procède à cette communication.
Sauf dans cescirconstancesexceptionnellesou dans lecas ou lesparties
renoncent expressément àl'acte de communication, il y a de très bonnes
raisons de conclure qu'il ne saurait y avoir accord entre les parties en
l'absencede communicationde l'acceptation. Sans elle,l'auteur de l'offre
demeurerait dans l'ignorance tout en étanttenu par un lien contractuel.
Pour reprendre les termes du Nigéria,le «lien consensuel))qui l'unit au

Cameroun en ce qui a trait à la compétencede la Cour «ne peut exister
par rapport à un autre Etat dont la participation au systèmeinstituépar
le paragraphe 2 de l'article 36 du Statut n'est pas connue du Nigéria»22.
Cette solution est contraire aux considérations d'équité qui devraient
régirces relations, et les circonstances exceptionnelles dans lesquelles une
communication purement symbolique est réputéesuffisante n'existent
pas dans le cas de déclarationsdéposées en vertu du paragraphe 2 de l'ar-
ticle 36. Cette conclusion est de surcroît confortéepar l'exigence de com-
munication consacréeau paragraphe 2 de l'article 36 lui-même.

Le mécanismede la remise de la déclaration au Secrétariatne vaut
manifestement pas notification au monde entier comme ce serait le cas,
par exemple, du dépôt et de l'inscription d'un titre au registre foncier
dans un systèmejuridique interne. Le Statut n'exigerait d'ailleurs pas
expressémentla communication des déclarationssi le simple fait de leur
remise valait présomptionde notification au monde entier.
Toutes les considérationsqui précèdent reposentsur le principe impor-
tant de la protection de l'auteur de l'offre.
Je cite de nouveau les conclusions de Schlesingeren ce qui a trait à la

reconnaissance par les systèmesjuridiques de la nécessitéde protéger
l'auteur de l'offre.l rappelle que:

«la plupart des systèmesjuridiques étudiésprotégeront d'une cer-
taine façon l'intérêt qu'a l'auteure l'offre de savoir que le contrat
s'est conclu. Cette protection est assuréeen imposant à celui qui
acceptel'offre l'obligationd'informer son auteur de la conclusion du
contrat sans délaiou du moins dans un délairaisonnable. On cons-
tate toutefois des différencesentre ces systèmesquant à l'étenduede
l'obligation et aux conséquencesqui s'attachent à son inobserva-
tion.»23

Je ne saurais faire mieux pour conclure cette discussion que citer ce

que Grotius lui-mêmea dit sur le sujet, non dans ses traités surle droit

23Schlesinger, cit.vol. 1,p. 148.ria,vol. 1,p. 40, par. 1.23.Roman-Dutch law, but in De Jure Belli ac Pacis itself. His conclusions
are as follows:
" Whether an acceptance ought to be made known to the promisor;

explanation, with a distinction
This question is also commonlyraised, whether it is sufficientthat
the acceptance be signified,or whether, in fact, the acceptanceought
also to be made known to the promisor before the promise attains its
full effect.
It is certain that a promisecan be made in both ways, either thus:

'1desire that this be valid, if it be accepted'; or thus: '1desire that
thisshall be valid if1shallhaveunderstood that it has been accepted'.
In promises which deal with mutual obligationsthe latter meaning is
assumed, but in merely generous promises it is better that the former
meaning should be believed to be present, unless something else
should appear." 24

Declarations under Article 36, paragraph 2, deal with mutual obliga-
tions, and there is no doubt that they fa11into the category in which the
offeror must know that his offer has been a~cepted~~.

This discussion of the general principles of law relating to the forma-
tion of consensus through the process of offer and acceptance show their
applicability to the matter under consideration by the Court. It indicates
also how the Court's decision departs from those principles, and thereby

weakens the foundation of true consensus on which the Court's jurisdic-
tion must in al1circumstances be based.
There are two ancillary matters which need some consideration to
complete an examination of the matter before the Court - the need for
a time interval between deposit of the declaration and the creation of the
consensualbond, and the question of prejudice to a party that can result
from the view of the law which the Court has endorsed.

A time interval between deposit of the declaration and the creation of

the consensual bond provides a necessary safety cushion to ensure that
the party sought to be bound by the declaration is not taken by surprise.

Scholarly writings on Article 36, paragraph 4, reinforce this point.
1refer, in particular, to Shabtai Rosenne, who points out that Article 36,
paragraph 4, was added at a late stage of the San Francisco Conference,

24Hugo Grotius, De Jure Belli ac Pacis,Kelsey (trans.), 1925,Vol. II, Bk. II, p. 338.

25For this and other references reaching backto discussions by the mediaeval glos-
sators upon the subject of communication of acceptance, see Weeramantry, The Law of
Contracts, 1967, Vol.1,pp. 121-124. FRONTIÈRE TERRESTRE ET MARITIME (OP.DISS.WEERAMANTRY 3)3

romano-hollandais, mais dans leDejure belliacpacis lui-mêmeV . oici les
conclusions auxquelles il est parvenu:

«On expliquepar unedistinction si l'acceptation doitêtreconnuedu
promettant
On a l'habitude aussi de se demander s'ilest suffisant que l'accep-
tation ait lieu, ou si elle doit aussi être portéela connaissance du

promettant, avant que la promesse n'obtienne son plein effet.
Il est certain que la promesse peut être faite del'une etde l'autre
de ces deux manières: soit ainsi: «Je veux qu'ellesoit valable si elle
est acceptée));soit ainsi:«Je veux qu'ellesoit valable quand j'aurai
su qu'elle a été acceptée.» Lorsqu'il s'agit de promesses relatives à
une obligation mutuelle, le dernier sens est présumé;mais dans les
promesses depure bienfaisance, il est préférable de présumerqu'on a
en vue le premier sens, à moins qu'il n'y ait quelque indice du

contraire.»24
Les déclarationsfaites en vertu du paragraphe 2 de l'article 36 concer-
nent des obligations mutuelles et il ne fait aucun doute qu'elles entrent
dans la catégoriedes situations où l'auteur de l'offre doit savoir que son

offre a étéacceptéez5.
Cette analyse des principes générauxde droit relatifs à la formation du
consensus par le mécanismede l'offre et de l'acceptation démontre leur
applicabilitéà la question dont est saisiela Cour. Elle indique également
comment la décisionde la Cour s'écartede ces principes et affaiblit ainsi
le fondement du véritable consensussur lequel la compétencede la Cour
doit en toute circonstance reposer.
Deux autres questions accessoiresdoivent être abordéespourterminer
l'examen dela question dont la Cour est saisie - d'une part, la nécessité

qu'un certain délai s'écouleentre la remise dela déclarationet la création
du lien consensuel et, d'autre part, la question du préjudicequi peut
résulterpour une partie de la conceptionjuridique que la Cour a adoptée.

L'écoulementd'un certain délaientre le dépôt de la déclarationet la
création dulien consensuel assure la protection nécessairepour garantir
que la partie que l'on veut engagerpar la déclarationne soit pas liéepar
surprise.

La doctrinesur le paragraphe 4 de l'article 36conforte ce point de vue.
Je fais notamment allusion à Shabtai Rosenne qui signale que cette dis-
position a étéajoutée tardivementlors de la conférencede San Francisco

24Hugo Grotius, Le droitde laguerreet de lapaix, nouvelletraduction deM. P. Pradier-
Fodéré,1867, deuxièmetome, livreII, chap. XI, p. 145-146.
z5Pour cet exemple ainsique d'autres remontant aux débatsdes glossateurs du moyen
Contracts, 1967,vol. 1,p. 121-124.on de l'acceptation, voir Weeramantry, The Law ofand immediately became subject to interpretati~n~~.Rosenne's own view
is that, should the Statute ever be revised, there should be "a short inter-
val between the date of deposit and the date on which the deposit of the
instrument produces its effect~"~~T . he manifest reasons for such a pre-
caution have already been discussed. Such a viewunderlines the need for
knowledge of the declaration on the part of the States who are to be
bound. This result would followinevitablyif the terms of Article 36,para-

graph 4, are to be given their natural meaning rather than the truncated
meaning given to them by the decision in Right of Passage.

Indeed, Rosenne's conviction of the need for such an interval was so
strong that he made submissionsto the International Law Commission in
this regard when it was giving consideration to Article 78 of the Vienna
Convention - a consideration which wasno doubt heavilyinfluencedby
the prevailing Right of Passage jurisprudence2*. Indeed, that eminent

jurist, in dealing with the "small time-lag before the other States become
aware that the treaty is in force between them and the State depositing
the instrument", suggested that this period should be fixed at 90 days,
"thus allowing both for the observance of the normal administrative
practices of the depositary and for receipt of the notice by the home
authorities of the States concerned and the observance of their normal
administrative practices" 29.
This suggestion was meant to allow for different depositary practices,
the notices being sometimes transmitted "through a government's own

diplomatic posts abroad, sometimes through diplomatic posts accredited
to the depositary; and sometimes by mail". The essential thrust of the
recommendation was no doubt to ensure that the State sought to be
bound was informed of the existence of the instrument which locked it
into a consensual relationship.

1 doubt very much that the interpretation of Article 36, paragraph 4,
according to its natural meaning, could unsettle the Court's jurisdiction.

Rather, a clarification of that provision and of the reasons underpinning
it would regularize and strengthen that jurisdiction. It would also giveto
States making such declarations the confidence that they will not be
taken by surprise, thereby reinforcing their willingness to accept the
Court's optional jurisdiction.
No doubt modern methods of duplication and transmission of docu-
ments could considerably expedite this process, but it seems to me that
the "small time-lag" stipulated by Rosenne is essential.

26 The Law and Practice of the International Court of Justice, 1920-1996, op. cit.,
Vol. IIp. 753.
28See Yearbookof the InternationalLaw Commission,1965,Vol.II, p. 73,doc. AlCN.41
L.108.
29Ibid.et a donnéimmédiatementlieu à interprétati~n~~R. osenne estime que, si

le Statut venait jamais à êtrerévisé,il faudrait prévoir «un bref délai
entre la date de remise de l'instrument et celle à laquelle cette formalité
produit ses effets~~'.Nous avons déjàexaminéles raisons les plus évi-
dentes qui justifient une telle précaution. Cette prise de position montre
bien la nécessitéque des Etats qui sont appelés à êtreliéssoient informés
de l'existence dela déclaration. Il en serait forcément ainsisil'on donnait
aux termes du paragraphe 4 de l'article 36leur sens naturel plutôt que le
sens tronqué qui leur a étédonné dans l'arrêt dansl'affaire du Droit de

passage.
S. Rosenne était d'ailleurs si intimement convaincu de la nécessité de
prévoirun tel délaiqu'il a soumis des propositions en ce sens a la Com-
mission du droit international lorsque celle-ciexaminait l'article 78 de la
convention de Vienne - examen qui a manifestement étéfortement
influencépar lajurisprudence faisantautorité de l'affairedu Droit depas-
sage28.A propos du «bref délaidevant s'écouleravant que les autres

Etats soient informésdu fait que le traitéest en vigueur entre eux et 1'Etat
qui a déposé l'instrument)),cet éminentjuristea proposé quece délaisoit
de quatre-vingt-dixjours, «ce qui permet à la fois au dépositaired'obser-
ver les pratiques administratives normales et aux autorités intérieuresdes
Etats intéressés de recevoir la notification et d'observer leurspropres pra-
tiques administratives normales »29.
Cette proposition visait à permettre au dépositaire de suivre des pra-
tiques différentes; parfois les notifications sont transmises «par l'inter-

médiairedes missions diplomatiques du gouvernement intéressé,parfois
par l'intermédiairedesmissionsdiplomatiques accréditéea suprèsdu dépo-
sitaire et parfois aussi par la poste».l ne fait aucun doute que la recom-
mandation avait pour objet essentielde garantir que 1'Etatque l'on veut
lier soit informéde l'existencede l'instrument qui l'engage dans un lien
consensuel.
Je doute beaucoup que l'interprétation du paragraphe 4 de l'article 36
selon son sens naturel puisse porter atteinte à la compétencede la Cour.

Faire la clarté surle sens de cette disposition et sur les raisons qui la jus-
tifient devrait plutôt régulariser et renforcer cette compétence. Et les
Etats qui font ces déclarationsseraient aussi certains qu'ils ne risquent
pas d'êtreliéspar surprise et seraientdonc plus enclins à accepter la com-
pétencefacultative de la Cour.
Certes, les méthodes modernesde reproduction et de transmission des
documents pourraient accélérec ronsidérablementle processus,mais il me
semble que le «bref délai))proposé par Rosenne est essentiel.

-
26The Law andPractice of the International Courtof Justice, 1920-1996,op. cit., vol. II,
p. 753.
27Ibid., p. 755, note 56.
doc. AlCN.4lL.108.de la Commission du droit international, 1965, vol. II, p. 78,
29Ibid. It isalsorelevantto referto thefullrecognition accordedbyArticle78 (c)
of the Vienna Convention on the Law of Treaties to the necessity of
communication of notifications in regard to treaties, if the recipient is to
be bound. This is an application of the normal consensual rule. The
Court does indeed refer to this provision, but observes that, in so far as
declarations under Article 36 are concerned, the régimefor depositing
and transmitting declarations of acceptance of compulsoryjurisdiction is
prescribed by Article 36, paragraph 4, of the Statute of the Court (Judg-
ment, para. 30). 1 respectfully agree, but that very régimeprescribes
a method of transmitting the communication, and must therefore be
followed.

1refer finallyto the question of possible prejudice to parties, which can
result from the interpretation the Court lays upon Article 36.

1 have already adverted to the first item of prejudice: that for the
period between the deposit of a declaration and the communication of
that declaration to the party who is to be impleaded,the party depositing
the declaration is at an advantage over the other, in that the former is
aware that the Court hasjurisdiction, and the latter is not. The vesting of
jurisdiction in the Court is an important juristic act with major repercus-
sions on State sovereignty. If one party is aware of its rights under this
provision, and the other is not, a disparity is created between the parties,
which fundamentally breaches the basic principle of equality on which
the Court's jurisdiction is premised.
This inequality can have practical repercussions on the course of the
informa1negotiations between parties, that precede the forma1institution
of an action. 1 believe it is in the interests of the peaceful resolution of
disputes and the general principles of Ourjurisprudence that such infor-
mal negotiation should be encouraged and promoted, and 1can only see
the effect of such a ruling as inhibiting this process.

It is important that when parties are in bona fidenegotiation with each
other there should not even theoretically be the possibility of one of those
parties filing a declaration and lodging an application before the Court
almost simultaneously.This could amount, in a hypothetical case, to an
abuse of the process of the Court. It is by no means implied that such is
the case here, but the decision of the Court opens the door to such a pos-
sibility in the future.
It is important to international peace and goodwill that the processes
of negotiation between parties be given full scope, without the fear of a
sudden and unexpected termination, followed by the dragging of a reluc-
tant respondent to the Court. The deleterious effect that could ensue in
regard to the willingnessof States to filean Article 36, paragraph 2, dec-
laration at al1could be damaging to the development of the Court's juris- Il convient aussi de rappelerque l'alinéac) de l'article78 de la conven-
tion de Vienne sur le droit des traitésconsacre pleinement la nécessitéde
communiquer les notifications relatives aux traitéssi l'on veutque le des-
tinataire soit lié.Il s'agit-là de l'application du principe normal du
consensualisme. La Cour mentionne d'ailleurs cette disposition mais
pour faire observer qu'en ce qui concerne les déclarationsfaitesen vertu
de l'article 36 le régimede remise et de transmission des déclarations
d'acceptation de la juridiction obligatoire est établi par le paragraphe4
de l'article36du Statut de la Cour (arrêt, par.30).Je partage ce point de
vue mais ce mêmerégimeprescrit un mécanismede transmission de la
communication et doit dèslors êtresuivi.

Je vais maintenant examiner pour terminer la question du préjudice
que l'interprétation donnée parla Cour à l'article 36 peut causerà des
parties.
J'ai déjàfait étatdu premier chef de préjudice:pendant la périodequi
s'écouleentrela remised'une déclarationet sa communication à la partie
contre laquelleune instance sera introduite, la partie qui remet la déclara-
tion se trouve avantagéepar rapport àl'autre, car elle sait que la Cour a
compétencealors que l'autre l'ignore. L'attribution de compétence à la
Cour est un acte juridique important ayant des conséquences majeures
sur la souverainetédes Etats. Si l'une des parties est informéedes droits
qu'elletient de cette disposition et que l'autre ne l'est pas,il secréeentre
celles-ciune disparité qui constitue une violation fondamentale du prin-

cipe essentield'égalitésur lequel repose la compétencede la Cour.
Cette inégalitépeut avoir des conséquencespratiques sur le déroule-
ment des négociationsofficieusesentre des parties qui précèdent l'intro-
duction officielled'une instance. Je crois qu'il est dans l'intétu règle-
ment pacifique des différends etde l'affirmation des principes généraux
de notre jurisprudence d'encourager et de favoriser ces négociationsoffi-
cieuses.Or la décisionde la Cour ne peut avoir pour effet, selonmoi, que
d'entraver de telles négociations.
11importe, lorsque des parties négociententre elles de bonne foi, qu'il
n'existeaucune possibilitémêmethéorique quel'une de celles-ciremette
une déclaration et saisisse quasi simultanémentla Cour d'une requête.
Pareille démarchepourrait dans une situation hypothétique être consti-
tutive d'un abus de la procédure de la Cour. Ce qui ne veut pas néces-
sairement dire que c'est lecas en l'espèce,mais la décision dela Cour
ouvre cette possibilitéàl'avenir.

Il importepour la paix internationale et le renforcement dela confiance
entre Etats de donner leur pleine mesure aux mécanismesde négociations
entre parties sanscrainte qu'il soit mis fin de façon soudaine et inatten-
due et sansqu'un défendeur soitattrait contre son grédevant la Cour. Le
développementde la compétencede la Cour pourrait êtreentravé par
l'effet néfaste que pareille crainte pourrait avoir sur l'inclination desdiction. This is an important reason why such a construction should be

avoided.

In the process of bona fide negotiations, concessions are made, facts
are accepted, compromises are worked out, admissionsand apologies are
offered. Documents embodying such acts may well be exchanged. It is
important that al1this should take place on a footing of openness and
equality.

For al1these reasons, 1 am of the view that Nigeria has made out a
case of jack of consensus in regard to Cameroon's declaration under
Article 36, paragraph 2, at the time Cameroon's Application was filed.

An interpretation of Article 36, paragraph 4, according to its natural
meaning, would result in more confidenceon the part of States in making
declarations under Article 36,paragraph 2.Any uncertainty as to whether

consensus had been established could be removed by the prompt dis-
charge by the Secretariat of its statutory duties under Article 36, para-
graph 4, which modern methods of reproduction and communication of
documents render much less labour intensive and time consuming than
they were when the Statute was framed. A proper attention to this statu-
tory obligation could result in communication within a matter of a few
days, thus removing al1uncertainty.

Other advantages of this view are that it would bring the operation of
consensualjurisdiction within the consensual principles which lie at its
very foundation, ensure fairness and reciprocity between the parties, and
bring the operation of declarations under Article 36 within the express
terms of the article which fashioned them.

(Signed) Christopher G. WEERAMANTRY.Etats à déposerune déclarationen vertu du paragraphe 2 de l'article 36.
C'est pour cette raison qu'il est important d'éviter unetelle interpréta-

tion.
Au cours de négociationsmenéesde bonne foi, des concessions sont
faites, des faits sont reconnus, des compromis sont élaborés,et parfois
des aveux sont faits et des excusesoffertes. Des documents constatant ces
actes peuvent aussi être échangés. Il est important que tout cela se
dérouledans la transparence et l'égalité.

Toutes ces raisons me conduisent àpenser que le Nigériaa démontré,
en ce qui concerne la déclaration que le Cameroun a faite en vertu du
paragraphe 2 de l'article 36, qu'il n'existait pas de consensus lorsque le
Cameroun a déposé sarequête.
Interpréter le paragraphe 4 de l'article 36 selon son sens naturel ren-

forcerait la confiance des Etats qui déposentdes déclarationsen vertu du
paragraphe 2 de cette disposition. La prompte exécutionpar le Secréta-
riat des obligations qui lui incombent en vertu du paragraphe 4 de l'ar-
ticle 36 du Statut- les nouvelles méthodesde reproduction et de com-
munication des documents exigeant beaucoup moins de personnel et de
temps que lorsque le Statut a été rédigé- pourrait dissiper toute incer-
titude planant sur l'établissementd'un lien consensuel. L'exécution dili-
gente de cette obligation imposéepar le Statut pourrait aboutir à ce que
la communication se fasse en l'espace de quelquesjours et dissipe ainsi
toute incertitude.
Cette façon de voir a aussi l'avantage d'assujettir le fonctionnement
de la compétence consensuelleaux principes du consensualisme qui en
sont le fondement même,de garantir l'équitéet la réciprocitéentre les
parties et de soumettre le mécanisme desdéclarations faitesen vertu de
l'article 36 aux termes exprèsde l'article qui les a établies.

(SignéC )hristopher G. WEERAMANTRY.

Document file FR
Document Long Title

Opinion dissidente de M. Weeramantry, vice-président (traduction)

Links