Opinion individuelle de M. Vereshchetin (traduction)

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094-19980611-JUD-01-02-EN
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094-19980611-JUD-01-00-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. VERESHCHETIN

[Traduction]

Argument du Cameroun selon lequelil existe un différendportant sur l'en-
semble de lafrontière, depuis leripoint dans le lac Tchadjusqu'à lamer -
Exception du Nigériacontestant l'existence d'un tel différen- Caractère
non exclusivementpréliminaire decette exception.

J'ai votéavec la majoritédes juges sur tous les points du dispositif de
l'arrêt,àl'exceptiondu point 1 e). Je n'ai pas pu voter pour cette partie
de l'arrêtparce que j'estime que la conclusion sur laquelle elle repose

n'est pas dûment étayéepar les élémentsde preuve produits par le
demandeur et qu'ellene peut êtredéterminée objectivement.
C'est essentiellement au demandeur, c'est-à-dire à la République du
Cameroun, qu'il incombe de prouver la thèse selon laquelle la Répu-
blique du Nigériaconteste l'ensemblede la frontière entre les deux Etats.
Dans la motivation de l'arrêt, concernant la cinquième exception préli-
minaire du Nigéria, laCour a rejeté presquetous les principaux argu-
ments que le Cameroun a avancés àl'appui de sa thèse.En particulier, la
Cour a dit qu'elle:

«ne trouve pas convaincante la thèsedu Cameroun selon laquelle la
contestation par le Nigéria de la validitédes titres existants sur
Bakassi, Darak et Tipsan met nécessairement encause la validitéen
tant que telle des instruments sur lesquels repose le tracéde la tota-
litéde la frontièredepuis leripoint dans lelac Tchadjusqu'à la mer
et prouve ainsi l'existenced'un différendconcernant l'ensemble de

cette frontière))(paragraphe 89 de l'arrêt).
Elle a égalementestiméque:

«Mêmeconsidérésconjointement avec les différendsfrontaliers
existants, lesincidents et incursions dont fait étatle Cameroun n'éta-
blissent pas par eux-mêmes l'existenced'un différendconcernant
l'ensemblede la frontière entre le Cameroun et le Nigéria.))(Para-
graphe 90 de l'arrêt.)

Logiquement, cette appréciation des arguments du Cameroun aurait
dû amener la Cour à retenirla cinquièmeexceptionpréliminairedu Nigé-
ria ou, àtout le moins,à conclure que l'exceptioncorrespondanten'avait
pas un caractère exclusivement préliminaire etqu'elle devait donc être
examinéeplus avant par la Cour lors de la phase du fond.
Au lieu de cela, la Cour a assuméelle-même la charge de la preuve de
la thèsedu demandeur et, après avoir brièvementanalyséun seul docu-
ment - la réponsedu Nigéria à une question poséeaux Parties par un
membre de la Cour -, elle a conclu, ce qui contredit son raisonnementantérieur, qu'il existait entre les deux Etats un différend concernant
l'ensemble decette frontière. Les limites géographiquesdes secteursliti-
gieux de la frontière terrestre et lacustre-onttépar là mêmeétendues
jusqu'à 1600kilomètres.

Certes, dans le cadre d'une procédure contentieuse internationale, la
Cour n'est pas censée sefonder passivement sur les élémentsde preuve
produits par les Etats en litige. Aux fins de déterminer objectivement
l'existenceou l'inexistenced'un différendd'ordre juridique et, plus encore,
de statuer sur le fond d'un différend,la Cour peut être appelée à jouer
d'officeun rôle plus actif, notamment à poser des questions aux parties,
à se procurer des moyens de preuve de source indépendante, etc. Toute-
fois,je ne saurais admettre que la Cour ait accordéautant d'importance
à la réponsedu Nigéria. Cette réponsen'estpas sidéterminantepour per-
mettre à la Cour de tirer une conclusion aussi importante. Je ne saurais
pas davantage partager l'analyse que la Cour a faite de cette réponse.
Il ne ressort pas nécessairement dela réponse donnéepar le Nigériani,
de façon plus générale, despositions adoptéespar les Parties au cours de
la procédureécriteet orale que «la réclamation del'une desParties [sur

l'ensemblede la frontière]se heurte à l'opposition manifeste de l'autre)),
comme l'exigela jurisprudence établie de la Cour s'agissant de déter-
miner l'existenced'un différend (Sud-Ouest africain, exceptions prélimi-
naires, arrêt,C.I.J. Recueil 1962, p. 328).
Pour que la Cour puisse se prononcer sur l'existence d'un différend
entre lesdeux Parties concernant le fondementjuridique de l'ensemblede
la frontière existante, il doit avoir étépréalablement établi quela Répu-
blique du Nigériaconteste la validitédu titrejuridique que la République
du Cameroun invoquerelativement à l'ensemblede la frontière,qu'ellese
fonde sur un titrejuridique différent,ou qu'elleavanceune interprétation
différented'un instrumentjuridiquedonnérelatif àl'ensemble dela fron-
tière. Or, aucune de ces conclusions ne peut être ((manifestement))tirée
des documents présentés à la Cour ou des déclarations faites devant elle.

De fait, le Nigéria reconnaît dans sa réponseque la frontière entre les
deux Etats a étéfixéepar les ((instruments applicables (qui sont tous
antérieurs à l'indépendancedu Nigériaet du Cameroun))). Il ajoute que
«[l]etracéde la frontière,qui étaitbien établiavant l'indépendance etles
procédures de l'organisation des Nations Unies qui s'y rapportent, a
néanmoins continué d'êtra ecceptéen pratique depuis lors par le Nigéria
et le Cameroun)) (voir la réponse du Nigéria, reproduite au para-
graphe 91 de l'arrêt).A mon avis, cette position, bien qu'elle ait été
expriméeen termes prudents et quelque peu vagues, n'est pas en contra-
diction avec celledu Cameroun, selon laquelle la frontière existantea été
délimitéepar lesinstrumentsjuridiques que lesanciennespuissances colo-
niales ont concluset par lesdécisionset lesactes de la SociédesNations
et de l'organisation des Nations Unies.
Les affirmations répétéed su Nigériaselon lesquellesil n'existepas de

différendconcernant «la délimitationde la frontièreen tant que telle))et
le libelléréservet prudent de la réponsecitéeci-dessuspeuvent signifier FRONTIÈRE TERRESTRE ET MARITIME (OP.IND.VERESHCHETIN) 344

que le Nigéria soitpeu enclinà développerses arguments juridiques au
stade du fond. On peut aussi, il est vrai, considérerqu'ellessont la preuve
de la survenance probable d'un différend plus étendu. Toutefois, la

portéeréelled'un tel différend, supposer qu'il existe,ses paramètres et
ses conséquencesconcrètesne pourront êtreclarifiésque lors de la phase
de l'examen au fond, lorsque la Cour aura comparéles cartes produites
par les deux Parties et qu'elleaura entendu un exposé plusapprofondi de
l'interprétation que chacunedes Parties fait de sesinstrumentsjuridiques
respectifs et qu'elleen aura appréciéla substance.
Cela amène àconclureque l'exception enquestion n'a pas un caractère
exclusivement préliminaireau sens du paragraphe 7 de l'article 79 du
Règlement dela Cour. A ce stade, la Cour ne peut pas aisément rejeter
l'exception du Nigériaselon laquelle, misà part certains secteurs préci-
sémentdéfinisde la frontière commune, «il n'existe pas de différend

concernant la délimitation de la frontièreen tant que telle sur toute sa
longueur entre letripoint du lac Tchad et la mer)). En outre, dans ses
conclusions, le Nigériaa indiqué que de longs tronçons de la frontière,
pour ne pas dire l'essentieldu tracé,se situaient en dehors des zones liti-
gieuses (voir, par exemple, les conclusions finales présentéesau nom du
Nigéria lorsdes audiences, paragraphe 19de l'arrêt).
Ainsi, du point de vue des faits, les revendications opposéesdu Came-
roun et du Nigéria sur les territoires situésdans trois secteurs de leur
frontière commune, à savoir les zones de la presqu'île de Bakassi, de
Darak et sesîlesadjacentes et de Tipsan, considéréen mêmetemps que
les incidents sporadiques dans certains autres secteurs de la frontière,ne

permettent pas de conclure catégoriquement qu'il existe déjà manifeste-
ment un différendsur l'ensemblede la frontière entre les deux Etats. Par
conséquent,la conclusion de la Cour sur l'existence d'un tel différend
n'est pas bien fondéedu point de vue des faits. Elle est égalementmal
fondéedu point de vue du droit, parce que la Cour n'a pas objectivement
établi que l'une des Parties contestele fondementjuridique de l'ensemble
de la frontière.

(Signé V)ladlen S. VERESHCHETIN.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE VERESHCHETIN

Argument of Cameroon that a dispute exists concerning the whole of the
boundaryfrom the tripoint in Lake Chad to the sea - Objection of Nigeria as
to the existence of such a disput- Non-exclusively preliminary characterof
this objection.

1voted with the majority of the judges on al1the points of the opera-
tive part of the Judgment, except point 1 (e). 1 am unable to vote "in
favour" of that part of the Judgment because of my beliefthat the finding

on which it is based is not duly supported by the evidence offered by the
Applicant and does not stand the test of objective determination.
The onus probandi of the contention that the Republic of Nigeria dis-
putes the entire boundary between the two States lies primarily with the
Applicant, i.e., the Republic of Cameroon. In the reasoning of the Judg-
ment, relating to the fifth preliminary objection of Nigeria, the Court
rejected practically al1 the main arguments of Cameroon advanced in
support of its contention. In particular, the Court stated that it:

"does not find persuasive the argument of Cameroon that the chal-
lenge by Nigeria to the validity of the existing titles to Bakassi,
Darak and Tipsan, necessarilycallsinto question the validity as such
of the instruments on which the course of the entire boundary from
the tripoint in Lake Chad to the sea is based, and therefore proves
the existence of a dispute concerning the whole of the boundary"

(paragraph 89 of the Judgment).
The Court also held that :

"Even taken together with the existing boundary disputes, the
incidents and incursions reported by Cameroon do not establish by
themselvesthe existenceof a dispute concerning al1of the boundary
between Cameroon and Nigeria." (Paragraph 90 of the Judgment.)

The logical consequence of this assessment of Cameroon's arguments
would have been the upholding of the fifth preliminary objection of
Nigeria, or, at the least, a finding that the corresponding objection did
not have an exclusively preliminary character and therefore required
further consideration by the Court at the merits stage.
Instead, the Court itself shouldered the burden of proof of the Appli-
cant's claim, and having briefly analysed one single document - the
answer of Nigeria to a question put to the Parties by a Member of the
Court - reached a conclusion which, in contradistinction to its previous OPINION INDIVIDUELLE DE M. VERESHCHETIN

[Traduction]

Argument du Cameroun selon lequelil existe un différendportant sur l'en-
semble de lafrontière, depuis leripoint dans le lac Tchadjusqu'à lamer -
Exception du Nigériacontestant l'existence d'un tel différen- Caractère
non exclusivementpréliminaire decette exception.

J'ai votéavec la majoritédes juges sur tous les points du dispositif de
l'arrêt,àl'exceptiondu point 1 e). Je n'ai pas pu voter pour cette partie
de l'arrêtparce que j'estime que la conclusion sur laquelle elle repose

n'est pas dûment étayéepar les élémentsde preuve produits par le
demandeur et qu'ellene peut êtredéterminée objectivement.
C'est essentiellement au demandeur, c'est-à-dire à la République du
Cameroun, qu'il incombe de prouver la thèse selon laquelle la Répu-
blique du Nigériaconteste l'ensemblede la frontière entre les deux Etats.
Dans la motivation de l'arrêt, concernant la cinquième exception préli-
minaire du Nigéria, laCour a rejeté presquetous les principaux argu-
ments que le Cameroun a avancés àl'appui de sa thèse.En particulier, la
Cour a dit qu'elle:

«ne trouve pas convaincante la thèsedu Cameroun selon laquelle la
contestation par le Nigéria de la validitédes titres existants sur
Bakassi, Darak et Tipsan met nécessairement encause la validitéen
tant que telle des instruments sur lesquels repose le tracéde la tota-
litéde la frontièredepuis leripoint dans lelac Tchadjusqu'à la mer
et prouve ainsi l'existenced'un différendconcernant l'ensemble de

cette frontière))(paragraphe 89 de l'arrêt).
Elle a égalementestiméque:

«Mêmeconsidérésconjointement avec les différendsfrontaliers
existants, lesincidents et incursions dont fait étatle Cameroun n'éta-
blissent pas par eux-mêmes l'existenced'un différendconcernant
l'ensemblede la frontière entre le Cameroun et le Nigéria.))(Para-
graphe 90 de l'arrêt.)

Logiquement, cette appréciation des arguments du Cameroun aurait
dû amener la Cour à retenirla cinquièmeexceptionpréliminairedu Nigé-
ria ou, àtout le moins,à conclure que l'exceptioncorrespondanten'avait
pas un caractère exclusivement préliminaire etqu'elle devait donc être
examinéeplus avant par la Cour lors de la phase du fond.
Au lieu de cela, la Cour a assuméelle-même la charge de la preuve de
la thèsedu demandeur et, après avoir brièvementanalyséun seul docu-
ment - la réponsedu Nigéria à une question poséeaux Parties par un
membre de la Cour -, elle a conclu, ce qui contredit son raisonnementreasoning, recognizes the existence of a dispute between the two States
concerningthe boundary as a whole. The geographicalparameters of the
disputed sectors of the land and lacustrine frontiers have thereby been
extended to 1,600km.
Admittedly, international contentious proceedings do not presuppose

the passive reliance by the Court on the evidenceproduced by the litigat-
ing States. The objective determination of the existenceor otherwise of a
legal dispute and more so the adjudication on the substance of a dispute
may require a more activerole of the Court proprio motu, including ques-
tioning the parties, taking of independent evidence, etc. However, 1can-
not agree with the weight givenby the Court to the answer provided by
Nigeria. That answer could not be determinative for so important a find-
ing of the Court. Nor can 1 subscribe to the assessment of the answer
made by the Court.

From the reply givenby Nigeria or, more generally, from the positions
taken by the Parties in the course of the written and oral proceedings,
it does not necessarily flow that "the claim of one Party [relating to
the entire boundary] is positively opposed by the other", as is required by
the settled jurisprudence of the Court for establishingthe existence of a
dispute (South West Africa, Preliminary Objections, Judgment, I. C.J.
Reports 1962, p. 328).
For the Court to decide on the existence of a dispute between the two
Parties as to the legal bases of the whole of the existingboundary, it must

previously have been established that the Republic of Nigeria challenges
the validity of the legaltitle to the whole of the boundary relied on by the
Republic of Cameroon, or relies on a different legal title, or places a dif-
ferent interpretation on a given legal instrument relating to the entire
boundary. None of those conclusions may be "positively" inferred from
the documents or statements presented to the Court.

Indeed, Nigeria's answer recognizes that the boundary between the
two States has been "fix[edIxby "the relevant instruments (al1of which
pre-date the independence of Nigeria and Cameroon)". It also states that
"the course of the boundary, which waswellestablished before independ-
enceand related United Nations procedures, has continued to be accepted
in practicesincethen by Nigeria and Cameroon" (seethe reply of Nigeria
reproduced in paragraph 91 of the Judgment). In my view,this position,
albeit cautiously and somewhat vaguely expressed, does not conflict with
the position of Cameroon, according to which the existing boundary has
been delimited by the legal instruments entered into by the former colo-
nial powers and by decisions and acts of the League of Nations and of
the United Nations.

The repeated statements of Nigeria to the effectthat there is no dispute
concerning "boundary delimitation as such" and the reserved and cau-
tious formulations in the above-quoted answer may signifythe disinclina-antérieur, qu'il existait entre les deux Etats un différend concernant
l'ensemble decette frontière. Les limites géographiquesdes secteursliti-
gieux de la frontière terrestre et lacustre-onttépar là mêmeétendues
jusqu'à 1600kilomètres.

Certes, dans le cadre d'une procédure contentieuse internationale, la
Cour n'est pas censée sefonder passivement sur les élémentsde preuve
produits par les Etats en litige. Aux fins de déterminer objectivement
l'existenceou l'inexistenced'un différendd'ordre juridique et, plus encore,
de statuer sur le fond d'un différend,la Cour peut être appelée à jouer
d'officeun rôle plus actif, notamment à poser des questions aux parties,
à se procurer des moyens de preuve de source indépendante, etc. Toute-
fois,je ne saurais admettre que la Cour ait accordéautant d'importance
à la réponsedu Nigéria. Cette réponsen'estpas sidéterminantepour per-
mettre à la Cour de tirer une conclusion aussi importante. Je ne saurais
pas davantage partager l'analyse que la Cour a faite de cette réponse.
Il ne ressort pas nécessairement dela réponse donnéepar le Nigériani,
de façon plus générale, despositions adoptéespar les Parties au cours de
la procédureécriteet orale que «la réclamation del'une desParties [sur

l'ensemblede la frontière]se heurte à l'opposition manifeste de l'autre)),
comme l'exigela jurisprudence établie de la Cour s'agissant de déter-
miner l'existenced'un différend (Sud-Ouest africain, exceptions prélimi-
naires, arrêt,C.I.J. Recueil 1962, p. 328).
Pour que la Cour puisse se prononcer sur l'existence d'un différend
entre lesdeux Parties concernant le fondementjuridique de l'ensemblede
la frontière existante, il doit avoir étépréalablement établi quela Répu-
blique du Nigériaconteste la validitédu titrejuridique que la République
du Cameroun invoquerelativement à l'ensemblede la frontière,qu'ellese
fonde sur un titrejuridique différent,ou qu'elleavanceune interprétation
différented'un instrumentjuridiquedonnérelatif àl'ensemble dela fron-
tière. Or, aucune de ces conclusions ne peut être ((manifestement))tirée
des documents présentés à la Cour ou des déclarations faites devant elle.

De fait, le Nigéria reconnaît dans sa réponseque la frontière entre les
deux Etats a étéfixéepar les ((instruments applicables (qui sont tous
antérieurs à l'indépendancedu Nigériaet du Cameroun))). Il ajoute que
«[l]etracéde la frontière,qui étaitbien établiavant l'indépendance etles
procédures de l'organisation des Nations Unies qui s'y rapportent, a
néanmoins continué d'êtra ecceptéen pratique depuis lors par le Nigéria
et le Cameroun)) (voir la réponse du Nigéria, reproduite au para-
graphe 91 de l'arrêt).A mon avis, cette position, bien qu'elle ait été
expriméeen termes prudents et quelque peu vagues, n'est pas en contra-
diction avec celledu Cameroun, selon laquelle la frontière existantea été
délimitéepar lesinstrumentsjuridiques que lesanciennespuissances colo-
niales ont concluset par lesdécisionset lesactes de la SociédesNations
et de l'organisation des Nations Unies.
Les affirmations répétéed su Nigériaselon lesquellesil n'existepas de

différendconcernant «la délimitationde la frontièreen tant que telle))et
le libelléréservet prudent de la réponsecitéeci-dessuspeuvent signifiertion of Nigeria to unfold its legal arguments on the merits. True, they
may also be viewed as evidence of the probable emergence of a broader
dispute. However, the real scope of such a dispute, if any, its parameters
and concrete consequences can be clarifiedonly at the merits stage when
the Court has compared the maps produced by both Parties and more
fully heard and assessed the substance of interpretation placed by each
Party on respective legal instruments.

This prompts the conclusion that the objection in question does not
possess an exclusivelypreliminary character within the meaning of Ar-
ticle79, paragraph 7, of the Rules of Court. At this stage,the Court can-
not easily dismiss the objection of Nigeria, according to which, with the
exception of the concretely defined sectors of the common frontier,
"there is no dispute concerning boundary delimitation as such through-
out the whole length of the boundary from the tripoint in Lake Chad to
the sea". Moreover, in its submissionsNigeria has specifiedlongstretches,
not to say most, of the boundary, remaining outside the disputed areas
(see, for example, the final submissions on behalf of Nigeria in the oral
proceedings, paragraph 19 of the Judgment).
Thus, from the factual point of view, the competing claims of Cam-
eroon and Nigeria over territories situated in three sectors of their com-
mon boundary, namely in the areas of the Bakassi Peninsula, Darak and
adjacent islands and Tipsan, taken together with sporadic incidents in
some other sectors of the boundary, do not justify the sweepingconclu-
sion that a dispute has already manifestly arisen concerning the whole

length of the boundary between the two States. Therefore, the finding of
the Court on the existence of such a dispute is not well founded on the
facts of thematter. It is equally il1founded in point of law, for the Court
has not objectively determined that the legal basis of the whole of the
boundary is challenged by one of the Parties.

(Signed) Vladlen S. VERESHCHETIN. FRONTIÈRE TERRESTRE ET MARITIME (OP.IND.VERESHCHETIN) 344

que le Nigéria soitpeu enclinà développerses arguments juridiques au
stade du fond. On peut aussi, il est vrai, considérerqu'ellessont la preuve
de la survenance probable d'un différend plus étendu. Toutefois, la

portéeréelled'un tel différend, supposer qu'il existe,ses paramètres et
ses conséquencesconcrètesne pourront êtreclarifiésque lors de la phase
de l'examen au fond, lorsque la Cour aura comparéles cartes produites
par les deux Parties et qu'elleaura entendu un exposé plusapprofondi de
l'interprétation que chacunedes Parties fait de sesinstrumentsjuridiques
respectifs et qu'elleen aura appréciéla substance.
Cela amène àconclureque l'exception enquestion n'a pas un caractère
exclusivement préliminaireau sens du paragraphe 7 de l'article 79 du
Règlement dela Cour. A ce stade, la Cour ne peut pas aisément rejeter
l'exception du Nigériaselon laquelle, misà part certains secteurs préci-
sémentdéfinisde la frontière commune, «il n'existe pas de différend

concernant la délimitation de la frontièreen tant que telle sur toute sa
longueur entre letripoint du lac Tchad et la mer)). En outre, dans ses
conclusions, le Nigériaa indiqué que de longs tronçons de la frontière,
pour ne pas dire l'essentieldu tracé,se situaient en dehors des zones liti-
gieuses (voir, par exemple, les conclusions finales présentéesau nom du
Nigéria lorsdes audiences, paragraphe 19de l'arrêt).
Ainsi, du point de vue des faits, les revendications opposéesdu Came-
roun et du Nigéria sur les territoires situésdans trois secteurs de leur
frontière commune, à savoir les zones de la presqu'île de Bakassi, de
Darak et sesîlesadjacentes et de Tipsan, considéréen mêmetemps que
les incidents sporadiques dans certains autres secteurs de la frontière,ne

permettent pas de conclure catégoriquement qu'il existe déjà manifeste-
ment un différendsur l'ensemblede la frontière entre les deux Etats. Par
conséquent,la conclusion de la Cour sur l'existence d'un tel différend
n'est pas bien fondéedu point de vue des faits. Elle est égalementmal
fondéedu point de vue du droit, parce que la Cour n'a pas objectivement
établi que l'une des Parties contestele fondementjuridique de l'ensemble
de la frontière.

(Signé V)ladlen S. VERESHCHETIN.

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Opinion individuelle de M. Vereshchetin (traduction)

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