Opinion individuelle de M. Owada (traduction)

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090-20031106-JUD-01-09-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE OWADA

[Traduction]

La Cour doit examiner le paragraphe 1 de l'articleX avant l'alinéa d) du
paragraphe 1 de l'articleXX - La liberté de la Cour de choisir les motifs sur
lesquels elle fonde ses décisions ne doit pas s'appliquer ici en raison des liens
spéciaux entre le paragraphe 1 de l'article X et l'alinéa d) du paragraphe 1 de

l'articleXX - La nature du traité est pertinente pour l'interprétation du para-
graphe 1 de l'article X - La caractéristique essentielle du ((commerce)) réside
dans l'«élément de transaction)) entre les Parties - Les activités des plates-
formes ne constituaient pas un ((commerce)) dans ce sens - Il est inutile d'exa-
miner l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX, compte tenu de la conclusion
de la Cour sur le paragraphe 1 de l'article X - Examiner l'alinéa d) du para-
graphe 1 de l'article XX n'équivaut pas à examiner la légitime défense en droit
international en général - Il n'y a pas lieu d'examiner la légitime défense en
tant que telle aux Jins de l'interprétation et de l'application de l'alinéa d) du
paragraphe 1 de l'article XX - L'absence de symétrie dans la production des
preuves est un facteur de complication en l'espèce - Il est souhaitable que la
Cour adopte une attitude plus active en matière de preuve et d'établissement des
faits pour la bonne administration de lajustice.

1. J'ai voté pour l'arrêt de la Cour dans la présente espèce, dans la
mesure où, en dernière analyse, ses conclusions consistent a) à rejeter la
demande du demandeur et b) à rejeter la demande reconventionnelle du
défendeur, ce que j'approuve. Tout en acceptant ces conclusions finales
de l'arrêt, cependant, je ne suis pas en mesure d'approuver tous les points
figurant dans le dispositif ni tous les arguments motivant ces conclusions

tels qu'ils sont exposés dans le corps de l'arrêt. C'est pourquoi je tiens à
m'exprimer sur quelques-unes des principales questions soulevées dans
l'arrêt, de manière à clarifier ma position sur les questions que j'estime
importantes, et que j'analyserai de façon aussi succincte que possible.

2. Selon moi, l'arrêt conclut avec raison qu'il ne peut être fait droit ni
aux demandes du demandeur ni à la demande reconventionnelle du
défendeur, mais il le fait d'une manière inutilement détournée et contes-

table. Pour parvenir à cette conclusion, en effet, l'arrêt examine les
demandes du demandeur sous deux angles: premièrement, a) les actes
des Etats-Unis d'Amérique peuvent-ils se justifier en tant que ((mesures
nécessaires à la protection des intérêts vitaux [des Etats-Unis] sur le plan
de la sécurité» aux termes de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'articleXX PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. IND. OWADA) 307

du traité d'amitié, de commerce et de droits consulaires conclu en 1955

entre les Etats-Unis d'Amérique et l'Iran et, deuxièmement, b) la thèse
du demandeur selon laquelle ces actes constituent une violation des obli-
gations du défendeur découlant du paragraphe 1 de l'article X de ce traité
peut-elle être acceptée? Il passe ensuite à l'examen de la demande recon-
ventionnelle du défendeur.
3. Vu la nature juridique des questions soumises à la Cour et la façon
dont elles ont étéprésentées, j'estime que l'ordre dans lequel la Cour
devait, de manière naturelle et juste, procéder à l'examen des demandes
du demandeur était de se demander tout d'abord si les actes des Etats-

Unis constituaient en fait, comme le soutenait le demandeur, une viola-
tion de leurs obligations découlant du paragraphe 1 de l'article X du
traité considéré - ce qui était la question cruciale à trancher à ce stade
de la procédure.
4. Sur ce point, l'arrêt commence par la proposition généralesuivante
(arrêt, par. 35):

«Pour faire droit à la demande de l'Iran, la Courdoit être convain-
cue à la fois que les actions des Etats-Unis dont se plaint l'Iran ont
porté atteinte à la liberté de commerce entre les territoires des Parties
garantie par le paragraphe 1 del'article X, et que ces actions n'étaient
pas justifiées par la nécessité d'assurer la protection des intérêts
vitaux des Etats-Unis sur le plan de la sécurité,au sens de l'alinéa d)

du paragraphe 1 de l'articleXX.» (Les italiques sont de moi.)
Sur cette base, l'arrêt considère que «[l]a question se pose toutefois de
savoir dans quel ordre la Cour doit examiner ces questions d'interpréta-
tion et d'application du traité» (arrêt, par. 35). Il est certainement vrai,

comme l'affirme l'arrêt, que, pour faire droit à la demande de l'Iran, la
Cour doit êtreconvaincue sur ces deux points. Cependant, il ne découle
pas de cette proposition généraleque, pour se prononcer sur la demande
du demandeur, elle doive examiner dans tous les cas ces deux questions.

5. Dans la présente espèce, la Cour a conclu dans son arrêt du
12 décembre 1996 sur l'exception préliminaire qu'elle avait compétence
«pour connaître des demandes formulées par la République islamique
d'Iran au titre du paragraphe 1 de l'article X dudit traité [de 19551))

(C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 821, par. 55, point 2)). C'est cette tâche qui
incombe à la Cour à ce stade de la procédure. Bien entendu, il n'est pas
contestable dans ce contexte que, dans la mesure nécessaire à l'interpréta-
tion ou à l'application du paragraphe 1 de l'article X du traité, qui cons-
titue sa seule base de compétence, la Cour peut examiner l'article XX
pour autant que cela est pertinent pour sa tâche telle qu'elle l'a définie
par son arrêt de 1996 sur la compétence. Cependant, selon moi, c'est pré-
cisément à cause de l'existence de ce lien juridique entre les deux dispo-
sitions - le paragraphe 1 de l'article X et l'alinéa d) du paragraphe 1 de

l'article XX - que l'examen de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'ar-
ticle XX entre dans la compétence de la Cour. Il s'ensuit que l'examen du PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.OWADA) 308

paragraphe 1 de l'article X devrait logiquement passer avant celui de l'ali-

néa d) du paragraphe 1 de l'article XX.
6. Rappelons qu'en 1986, dans l'affaire des Activités militaires et para-
militaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amé-
rique), la Cour se trouvait devant un problème analogue à propos des
liens entre l'article XIX du traité entre le Nicaragua et les Etats-Unis, qui
contenait des dispositions équivalentes à celles de l'article X dans la pré-
sente affaire, et l'article XXI de ce traité, qui contenait des dispositions
équivalentes à celles de l'article XX dans la présente affaire. Dans l'affaire
Nicaragua, la Cour a décrit de façon très claire la nature juridique de
l'article XXI du traité en disant que: (([l'articleXXI] définit les cas dans

lesquels le traité prévoit lui-même des exceptions au caractère généralde
ses autres dispositions » (C.1.J. Recueil 1986, p. 1 16, par. 222 ; les ita-
liques sont de moi); et que
«[l]es Parties s'étant réservéchacune par [cet article] la faculté de

déroger aux autres dispositions de cet instrument, la possibilité
d'invoquer les clauses de cet article doit être examinée dès lors
qu'une contradiction apparaît entre certaines conduites [du défen-
deur] et les dispositions pertinentes du traité» (ibid., p. 117, par. 225 ;
les italiques sont de moi).

7. En fait, la Cour, dans l'arrêt qu'elle a rendu en la présente espèce
sur l'exception préliminaire, a aussi souligné on ne peut plus clairement
cette relation fondamentale entre l'article X et l'article XX du traité de
1955 lorsqu'elle a jugé que

((l'alinéad) du paragraphe 1 de l'article XX ne restreint pas sa com-
pétence dans la présente affaire, mais offre seulement aux Parties une
défense au fond qu'il leur appartiendra, le cas échéant, de faire valoir
le moment venu» (C. 1.J. Recueil 1996 (II), p. 811, par. 20 ; les ita-
liques sont de moi).

8. Il semble clair que, pour toutes ces raisons, il aurait éténécessaire -
et aussi logique -, vu les liens juridiques entre les deux articles, que la
Cour commence par l'examen du paragraphe 1 de l'article X du traité
avant de passer, si nécessaire, à l'examen de l'alinéa d) du paragraphe 1
de l'article XX.
9. De manière générale, il est incontestable que la Cour «reste libre
dans le choix des motifs sur lesquels elle fondera son arrêt» (arrêt,
par. 37). L'arrêt cite ici ce qu'elle disait dans l'arrêtqu'elle a rendu dans
l'affaire relative à l'Application de la convention de 1902 pour régler la
tutelle des mineurs (C.I. J. Recueil 1958, p. 62). Cela est certainement vrai

pour les affaires dans lesquelles la Cour est parfaitement libre du choix
des motifs sur lesquels fonder son arrêt.La présente affaire,cependant, se
distingue de ces précédents en ce sens que la Cour a reçu ici compétence
pour trancher la question de l'interprétation et de l'application de l'ar-
ticle X du traité de 1955 en se demandant s'il y a eu violation de l'article X
du traité, et pour examiner à cet égard le but de l'article XX du traité quiest juridiquement liéà l'article X en tant qu'éventuel moyen de défense au
fond, si ses conclusions relatives à l'article X rendent cet examen
nécessaire.

10. En ce sens, la présente affaire se distingue aussi de l'affaire des
Activités militaires etparamilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, dans
laquelle la Cour avait compétence pour connaître de la requête du
demandeur «dans la mesure où elle se [rapportait] à un différend concer-
nant l'interprétation ou l'application [de l'ensemble] du traité [de 19561 ...
sur la base de l'article XXIV de ce traité )) (C.1.J. Recueil 1984, p. 442,
par. 113, point 1) b)), et aussi compétence plus généralement pour exa-
miner la requête sur la base des paragraphes 2 et 5 de l'article 36 de son
Statut. Ainsi, le problème de l'interprétation et de l'application de l'ar-

ticle XXI relevait clairement et pleinement de la compétence de la Cour,
tout à fait indépendamment de l'article XIX du traité. La présente espèce
est différente à cet égard. Alors que dans l'affaire Nicaragua la Cour était
libre, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, d'établir son propre
ordre de priorités pour examiner les différents moyens sur lesquels le
demandeur fondait sa requête, il n'en va pas de même à mon sens ici.
11. L'arrêt indique que néanmoins, dans la présente espèce, «des
considérations particulières incitent à examiner l'application de l'ali-
néad) du paragraphe 1 de l'article XX avant d'aborder le paragraphe 1 de
l'article X)) (arrêt,par. 37). Il souligne à cet égard le fait «que le différend
initial entre les Parties portait sur la licéité des actions menées par les
Etats-Unis, à la lumière du droit international relatif à l'emploi de la

force)) et que, «[à] l'époque, aucune des deux Parties n'a mentionné le
traité de 1955)) (ibid. ; les italiques sont de moi). L'arrêt relève à ce sujet
que
«les Etats-Unis eux-mêmesle reconnaissent dans leur duplique, «[Iles
aspectsde la présente espèce touchant à la légitime défense soulèvent

des questions de la plus haute importance pour l'ensemble des
membres de la communauté internationale)), et les deux Parties
conviennent que la présente affaire est loin d'être sans incidences en
matière d'emploi de la force, même si elles tirent de ce constat des
conclusions opposées » (arrêt, par. 38).
Et l'arrêten conclut que,

«dans la mesure où la compétenceque ..confère [à la Cour] le para-
graphe 2 de l'article XXI du traité de 1955 l'autorise à examiner ces
questions [les questions relatives à la légitime défense] et à se pro-
noncer sur celles-ci, elle doit le faire)) (ibid..

12. A mon avis, en ce qui concerne la présente affaire, le différend
dont la Cour est saisie est celui qui est définipar les demandes des Parties
à la Cour. Le prétendu «différend initial entre les Parties)) n'a pas de per-
tinence juridique directe pour ce différend dont la Cour est saisie. A cet PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.OWADA) 310

égard, le fait que, «[à] l'époque [des mesures prises par les Etats-Unis en
1987 et 19881, aucune des deux Parties n'a mentionné le traité de 1955))
(arrêt, par. 37) n'a rien de surprenant, pour la simple raison qu'alors, et
en particulier devant le Conseil de sécuritédes Nations Unies, c'était la

licéitémême des mesures prises par les Etats-Unis qui était en question,
mais ce n'est pas là le différend entre les Etats-Unis et l'Iran qui a été
porté plus tard devant la Cour. Un différend juridique distinct est issu de
cette question, et il ne s'est cristallisé en prenant la forme de l'affaire qui
oppose aujourd'hui le demandeur et le défendeur que lorsque l'Iran a
prétendu que les actes en cause des Etats-Unis constituaient une ((viola-
tion fondamentale de diverses dispositions du traité [de 19551)) (requête
de la République islamique d'Iran enregistrée au Greffe de la Cour le
2 novembre 1992)' et que les Etats-Unis ont nié cette allégation.
13. Ce rappel des faits montre bien que l'affaire que la Cour doit juger

concerneun différend entre le demandeur et le défendeur sur l'interpréta-
tion et l'application du traité de 1955 concernant certains actes des Etats-
Unis qui auraient violé certaines dispositions du traité. C'est sur cette
base que la Cour, dans son arrêt de 1996 sur l'exception préliminaire, a
décidéqu'elle avait compétence pour connaître des demandes du deman-
deur en vertu du paragraphe 2 de l'article XXI du traité de 1955. Ainsi, la
Cour a compétence pour examinerl'article XX du traité, et en particulier
l'alinéa d) du paragraphe 1 de cet article, dans le contexte de l'interpréta-
tion et de l'application du paragraphe 1 de l'article X, mais non pas pour
examiner et trancher la question de la légitime défense en vertu du droit

international général.
14. Je ne veux pas dire par là que la Cour, pour cette raison tenant à
sa compétence, n'est pas en droit de procéder à l'examen de la portée et
de la pertinence des règles de droit international général relatives au
recours à la force. Comme je le montrerai plus en détail par la suite, je
veux dire simplement que la Cour est certesen droit de le faire, mais seu-
lement dans la mesure où cet examen, accessoire par rapport à celui de
l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX, sera jugé nécessaire pour pré-
ciser l'interprétation et l'application de cet alinéa en ce qui concerne les
((mesures nécessaires pour protéger ...les intérêtsvitaux [d'une des Parties]

sur le plan de la sécurité», c'est-à-dire une fois que la Cour aura décidé
que sa conclusion sur le paragraphe 1 de l'articleX rend nécessaire l'exa-
men de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX. Dans une telle éven-
tualité, ce n'est pas la question de la ((légitimedéfense» en droit interna-
tional général en tant que telle que la Cour aura compétence pour
examiner, mais celle de l'emploi de la force par les Etats-Unis dans les
actes alléguéspar le demandeur, au regard des dispositions de l'alinéa d)
du paragraphe 1 de l'article XX du traité.
15. Cela m'amène à la conclusion que ce que devait faire la Cour à ce
stade, c'était tout d'abord d'examiner si les actes allégués des Etats-Unis
contre les plates-formes pétrolières en question constituaient une viola-

tion des dispositions du paragraphe 1 de l'article X du traité de 1955.
C'est seulement si la Cour concluait que tel était le cas qu'elle devaitprocéder à l'examen des dispositions de l'alinéa d) du paragraphe 1 de
l'article XX du traité du point de vue de sa pertinence pour le paragraphe 1
de l'article X, pour voir si ces dispositions de l'alinéad) du paragraphe 1
de l'article XX, interprétéesà la lumière des règlespertinentes du droit inter-
national, offraient, le cas échéant, un moyen de défenseaufond justifiant
les actes des Etats-Unis au regard du traité.
16. Dans l'arrêt qu'elle a rendu dans la présente affaire, la Cour a
conclu qu'elle ne pouvait pas donner raison à l'Iran qui soutenait que les
actes des Etats-Unis constituaient une violation des obligations découlant
pour eux du paragraphe 1 de l'article X du traité relatifà la liberté de
commerce. Commej'approuve cette conclusion, je ne vois aucune raison
de poursuivre en examinant la seconde question - celle de l'interpréta-
tion et de l'application de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX.

II. LA PORTÉE DU PARAGRAPHE 1 DE L'ARTICLE X

17. De manière générale,je suis d'accord avec l'arrêt de la Cour sur
cette question de l'interprétation et de l'application du paragraphe 1 de
l'article X du traité de 1955, tant dans sa conclusion que dans le raison-
nement qui y conduit. Aussi n'ai-je pas l'intention d'examiner dans le
détail les questions que soulèvent l'interprétation et l'application de cette
disposition. J'approuve pour l'essentiel le raisonnement par lequel la
Cour est parvenue à sa conclusion sur cette question.
18. Il ya cependant un point sur lequel je souhaite faire connaître mon
avis à propos de cet article: c'est le caractère essentiel des traités de ce
type, généralement dénomméstraités d'amitié, de commerce et de naviga-
tion, ainsi que la portée de l'article X du traité interprété compte tenu de
ce caractère essentiel du traité.

19. Le traité de 1955 entre les Etats-Unis et l'Iran relève en gros de ce
type de traités que l'on appelle traditionnellement ((traités généraux de
commerce)) (R. R. Wilson, United States Commercial Treaties and Inter-

national Law, 1960, p. 1). Ce sont des ((instruments d'usage général))
(ibid.) portant sur de nombreux sujets, qui touchent toujours aux rela-
tions économiques entre les nations, par exemple le droit des nationaux
d'une des parties contractantes de s'établir sur le territoire de l'autrepar-
tie, le droit de chaque partie contractante de se livrer à diverses activités
économiques sur le territoire de l'autre, et la liberté de commerce et de
navigation entre les parties contractantes, garantie dans le traité sur la
base de certains principes juridiques tels que ceux du traitement de la
nation la plus favorisée, du traitement national et du traitement juste et
équitable. C'est le type de traités dont l'origine remonte à plusieurs siècles
(dans le cas des Etats-Unis, la conclusion du premier traité de ce type -
le traité d'amitié et de commerce avec la France, qui date de 1778 - est
même antérieure à l'adoption de la Constitution) et qui, depuis, four-nissent un cadre juridique concret aux activités économiques des natio-

naux de chaque partie contractante dans leurs relations avec l'autre, en
garantissant le respect par chacune de certaines normes.

20. Ainsi, le caractère essentiel et la portée des traités de ce type
en tant qu'instruments juridiques régissant les activités économiques
concrètes qui se déroulent entre les deux parties contractantes sont bien
définis,et les règlesjuridiques concrètes qui s'appliquent à ces activités sont
assez précises. C'est dans ce contexte que les Etats-Unisont commencé à in-
sérer de manière habituelle dans les traités d'amitié, de commerce et de

navigation qu'ils ont conclus après la seconde guerremondiale une clause
compromissoire du type de celle que nous trouvons à l'article XXI du
traité de 1955 entre les Etats-Unis et l'Iran. Comme le montrent claire-
ment les travaux préparatoires de ces traités, les Etats-Unis ont adopté
cette nouvelle pratique d'acceptation de lajuridiction de la Cour interna-
tionale de Justice pour l'interprétation et l'application des dispositionsde
ces traités parce que les ((dispositions des traités de commerce étaient, en
règle générale,connues » et ((qu'il existait une abondante jurisprudence sur
leur interprétation)) (R. R. Wilson, op. cit., p. 24).
21. Il importe de garder à l'esprit ce caractère particulier des traités
d'amitié, de commerce et de navigation, au nombre desquels figure le

traité de 1955 qui nous intéresse ici, pour apprécier l'objet généralde ce
traité et interpréter ses dispositions concrètes dans le contexte de la pré-
sente affaire. Dans ce sens, je pense que la position prise par la Cour dans
son arrêtde 1996 sur l'exception préliminaire étaitjuste, lorsqu'elle décla-
rait que ((l'objet et le but du traité de 1955 n'étaient pas d'organiser les
relations pacifiques et amicales entre les deux Etats de manière générale))
(C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 814, par. 28), malgré le caractère très général
des termes utilisés dans son article premier.
22. A la lumière de ces considérations sur le caractère essentiel et la
portée du traité, il faudra, pour examiner la pertinence ou l'absence de

pertinencejuridique du traité de 1955, et en particulier du paragraphe 1
del'article X, pour la thèse du demandeur, interpréter l'expression ((liberté
de commerce et de navigation)) dans le sens qu'elle a habituellement dans
les transactions commerciales envisagées dans ce type de traités. Et inver-
sement, la signification de cette expression par rapport aux mesures prises
par les Etats-Unis contre certaines plates-formes pétrolières iraniennes
devra s'apprécier en fonction de ce caractère essentiel et de cette portée
du traité.
23. Dans son arrêt de 1996, la Cour a jugé que

«le mot ((commerce)), dans son acception usuelle, ne se limite pas
aux seules activités d'achat et de vente; il a des connotations qui dé-
passent le simple fait d'acheter et de vendre, et comprend ((l'ensemble
des transactions, arrangements, etc., nécessaires à cette fin »» (C.I.J.
Recueil 1996 (II), p. 818, par. 45).

La Cour a ensuite développé cette idée dans les termes suivants : PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND. OWADA) 313

((La Cour ne saurait en tout état de cause perdre de vue que le
paragraphe 1 de l'article X du traité de 1955 ne protège pas à pro-
prement parler le ((commerce » mais la (liberté de commerce ». Tout
acte qui entraverait cette «liberté» s'en trouve prohibé. Or, sauf à
rendre une telle liberté illusoire, il faut considérer qu'elle pourrait être
effectivement entravée du fait d'actes qui emporteraient destruction
de biens destinés à être exportés, ou qui seraient susceptibles d'en

affecter le transport et le stockage en vue de l'exportation. » (C. I.J.
Recueil 1996 (II), p. 819, par. 50; les italiques sont dans l'original.)

24. A propos de ce passage, le défendeur fait valoir que, puisque les
prétendus actes des Etats-Unis ne constituaient ni des ((actes qui empor-
teraient destruction de biens destinés à être exportés» ni «[des actes] sus-
ceptibles d'en affecter le transport et le stockageen vue de l'exportation»,
ils n'étaient pas non plus constitutifs d'une violation de la ((liberté de
commerce» garantie par le paragraphe 1 de l'articleX du traité de 1955.

Cet argument ne peut manifestement pas être retenu. Bien entendu, la
Cour ne cherche pas à définir par ces exemples quels sont les actesviolant
la ((liberté de commerce»; il ne s'agit pas d'une énumération limitative
des actes relevant de la catégorie des violations de la ((liberté de com-
merce », mais seulement d'une liste exemplative qui illustre certains des
cas typiques d'entraves à cette ((libertéde commerce ».

25. Ces exemples n'en sont pas moins significatifs, dans la mesure où
ils présentent une caractéristique commune qui apparaît dans la notion

de ((liberté de commerce» au sens où l'entendent ces traités. Par défini-
tion, le commerce est une ((mercantile transaction)) [transaction mar-
chande] (The Shorter Oxford Dictionary, 10" éd.). Ce qui est essentiel
pour qu'il y ait «commerce», surtout dans le contexte de la «liberté de
commerce et de navigation» prévue par le traité, c'est, mon sens, l'exis-
tence de cet «aspect transactionnel» qui lie les deux Parties en vertu du
traité. C'est là selon moi l'élémentcritique du «commerce» au sens du
traité, ce qui le distingue d'une simple activité économique qui, même si
elle envisage peut-être de manière généralela possibilité d'exporter, n'a

pas de transaction concrète en vue. En fait, je pense que l'expression
((liberté de commerce et de navigation entre les Hautes Parties contrac-
tantes», au sens où elle est utilisée dans beaucoup de traités conclus par
les Etats-Unis après la seconde guerremondiale, renvoie à cette notion de
libre déroulement de transactions marchandes de produits et de services
entre les territoires des parties contractantes, et non pas au problème plus
large que serait le droit de chaque partie contractante de se livrer à di-
verses activités économiques sur le territoire de l'autre - ce problème

étant régléconcrètement et en détail par diverses dispositions du traité de
1955 (par exemple, les articles II à IX).

26. Il est vrai que les plates-formes pétrolières qui ont fait l'objet des
attaques des Etats-Unis étaient la propriété de la National Iranian OilCompany, qui les exploitaità des fins commerciales générales, et qu'elles
étaient un élémentessentiel dans une séried'opérations complexes com-
prenant des activités telles que l'extraction du pétrole du plateau conti-
nental, son transport vers un lieu de stockage et sa transformation de
l'état de brut en produit final destiné à l'exportation et à la consomma-
tion. En ce sens, les plates-formes pétrolières avaient sans aucun doute
une fonction importante dans la chaîne des opérations qui constituaient
un réseau d'activités économiques allant de la production du pétrole à
son exportation ou sa consommation.
27. Cela ne signifie pas, cependant, que chacun des maillons de cette
chaîne d'opérations puisse êtreconsidéré comme faisant partie du ((corn-
merce », et surtout comme une activité relevant de la notion de «libertéde
commerce entre les territoires des Parties contractantes)) au sens où ces
termes sont utilisés au paragraphe 1 de l'article X du traité. Selon moi, il

y a une distinction subtile mais claireà cet égard entre ((activitésindus-
trielle» et «activités commerciales » aux fins du traité, bien que ces deux
types d'activités puissent êtreliéeset constituer ensemble la catégorie des
« activités économiques ».
28. A partir de ce raisonnement, et indépendamment du motif de fait
sur lequel se fonde l'arrêt - à savoir que
«il n'existaità ce moment-là [celui des attaques du 19 octobre 19871
aucun commerce entre les territoires de l'Iran et des Etats-Unis
s'agissant du pétrole produit par [les] plates-formes [en question] ...

dans la mesure où elles étaient en réparation et hors d'usage)) (arrêt,
par. 98)
et que, «au moment des attaques [du] 18 avril 1988, tout commerce de
pétrole brut entre les territoires de l'Iran et des Etats-Unis était suspendu
par [l']Executive Order [12613 des Etats-Unis])) (ibid.) -, je conclus,
avant tout pour ce motif de droit, que les actions menées par les Etats-
Unis contre les plates-formes pétrolières n'entravaient pas la ((libertéde
commerce » garantiepar le paragraphe 1 de l'article X. Le ((commerce » au
sens du paragraphe 1 de l'article X, même s'ilne se limite pas au simple

fait d'acheter et de vendre, doit s'entendre uniquement des activités
qui peuvent êtreconsidérées comme des ((activités accessoires qui sont
intrinsèquement liées au commerce » (C.1.J. Recueil 1996 (II), p. 819,
par. 49) au sens où elles constituent un élément essentieldes transactions
marchandes entre l'Iran et les Etats-Unis.

III. LA PERTINENCE DE L'ALINÉA D) DU PARAGRAPHE 1 DE L'ARTICLE XX

29. J'ai dit plus haut que, dès lors que la Cour, après avoir décidépour
les raisons indiquées précédemment qu'elle devait commencer par exami-
ner la thèse du demandeur concernant l'interprétation et l'application du
paragraphe 1 de l'article X du traité de 1955, a conclu, comme elle l'a fait PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.OWADA) 315

dans le présent arrêt, que la thèse du demandeur selon laquelle les actes
alléguésdes Etats-Unis violaient les dispositions en question ne pouvait
être retenue, il n'était plus utile de procéder à l'examen de la seconde

question, celle de savoir si les actes en cause des Etats-Unis se justifiaient
au regard des dispositions de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX
du traité. C'est pourquoi je m'abstiendrai d'analyser en détail à ce stade
tous les élémentsdu problème que soulève l'alinéa d) du paragraphe 1 de
l'article XX.
30. Cependant, il y a un aspect du problème que j'examinerai à ce pro-
pos, car la façon dont l'arrêt aborde ce problème me semblerait contes-
table mêmesi la Cour décidait d'examiner la question de l'interprétation
et de l'application de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX du
traité.

31. L'arrêt indique, avec raison selon moi, que, (([d]e l'avis de la Cour,
il s'agit ici d'une question d'interprétation du traité, et en particulier de
l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX)) (arrêt, par. 40). Ayant dit
cela, cependant, l'arrêt paraît glisser vers le domaine de la ((légitime
défense», assimilant ce problème de l'interprétation de l'alinéa d) du
paragraphe 1 de l'article XX et le problème général de la légitime défense
en droit international général. Ainsi, citant l'arrêt rendu dans l'affaire des
Activités militaires etparamilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nica-
ragua c. Etats- Unis d'Amérique), selon lequel

((des mesures de légitime défense, individuelle ou collective, peuvent
être considérées comme entrant dans la catégorie plus vaste des
mesures qualifiées à l'article XXI de ((nécessaires à la protection des
intérêts vitaux)) d'une partie «en ce qui concerne sa sécurité»»
(C. IJ. Recueil 1986, p. 117, par. 224)'

le présent arrêt déclare :

((lorsque l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX est invoqué
pour justifier que soient prises, au nom de la légitime défense, des
mesures impliquant un recours à la force armée, l'interprétation et
l'application de cet article supposent nécessairement une apprécia-
tion des conditions d'exercice de la légitime défense au regard du
droit international))(arrêt, par. 40).

32. Selon moi, ce raisonnement n'est pas logique. Sans doute est-il vrai
que, de manière générale, les mesures prises en vertu de l'alinéa d) du
paragraphe 1 de l'article XX, lorsqu'elles impliquent le recours à la force,
doivent être compatibles avec les règles du droit international concernant
l'emploi de celle-ci. Mais cela ne veut pas dire que le problème des
((mesures nécessaires à la protection des intérêts vitaux [d'une] partie
contractante sur le plan de la sécurité)), visées à l'alinéa d) du para-
graphe 1 de l'article XX, soit identique au problème du droit de légitime dé-

fense au regard du droit international. En outre, il ne faut pas oublier
que, dans l'affaire des Activités militaires et paramilitairesau Nicaragua et
contre celui-ci, la Cour examinait ce problème sur la base de la compé-tence qu'elle tirait de l'article XXIV du traité de 1956 entre les parties et
qui s'appliquait à l'ensemble du traité, et sur la base des paragraphes 2
et 5 de l'article 36 de son Statut. Elle pouvait donc en l'espèce examiner
sans restriction le problème de la légitime défense en droit international
général.Dans la présente affaire, par contre, la Cour n'a compétenceque
pour l'interprétation et l'application de l'alinéa d) du paragraphe 1 de

l'article XX. Dans ces conditions, l'interprétation et l'application de cet
article ne peuvent pas être considérées ici comme supposant ((nécessaire-
ment une appréciation des conditions d'exercice de la légitime défense au
regard du droit international)) (arrêt, par. 40)' par quoi il faut entendre
probablement une appréciation de ces mesures au regard des prescrip-
tions de l'article 51 de la Charte des Nations Unies concernant les me-
sures de «légitime défense)).
33. Malgré cela, il me semble que, à partir de là, l'analyse à laquelle se
livre l'arrêt pour apprécier les actions des Etats-Unis au regard de l'ali-
néa d) du paragraphe 1 de l'article XX vise surtout la question de savoir

si ces actions des Etats-Unis satisfaisaient aux conditions prescrites par le
droit international généralpour l'exercice du droit de légitime défense, et
notamment si les activités alléguéesde l'Iran qui avaient déclenché ces
actions étaient constitutives d'une «agression armée». Ainsi, au sujet des
actions menées par les Etats-Unis contre le complexe de Reshadat le
19 octobre 1987, l'arrêtdit ce qui suit:

((Par conséquent, pour établir qu'ils étaient en droit d'attaquer les
plates-formes iraniennes dans l'exercice du droit de légitime défense
individuelle, les Etats-Unis doivent démontrer qu'ils ont étéattaqués
et que l'Iran était responsable des attaques, et que celles-ci étaient de
nature à être qualzjîées d'«agression armée» tant au sens de l'ar-
ticle5I de la Charte des Nations Unies que selon le droit coutumier en
matière d'emploi de la force ...Les Etats-Unis doivent également

démontrer que leurs actions étaient nécessaires et proportionnées à
l'agression armée subie par eux, et que les plates-formes consti-
tuaient une cible militaire légitime susceptible d'être attaquée dans
l'exercice de la légitime défense. » (Arrêt, par. 51; les italiques sont
de moi.)

34. A mon avis, cependant, cette affirmation doit être considérée
comme inexacte par rapport à la tâche qui incombe à la Cour, en ce
qu'elle tend à faire du problème de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'ar-
ticle XX un problème de légitime défense en droit international. En fait,
énoncéeainsi de manière générale, la question qui se pose à nous se trans-
forme en une question de droit de légitime défense au regard du droit
international général - question qui échappe manifestement à la compé-
tence limitée que la Cour possède dans la présente affaire. Ce que la Cour
devrait faire ici dans le contexte de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'ar-
ticle XX, ce n'est pas de demander au défendeur ((d'établir que [les Etats-

Unis] étaient en droit d'attaquer les plates-formes iraniennes dans l'exer-cice du droit de légitime défense)) (arrêt, par. 51; les italiques sont de
moi), mais, après avoir déterminé si le défendeur a établi que les attaques
alléguéesétaient bien imputables à l'Iran, d'examiner si les actions des
Etats-Unis satisfaisaient aux conditions requises par l'alinéa d) du para-
graphe 1de l'article XX et, accessoirement et dans ces limites seulement,
d'aborder la question de savoir si les modalités concrètes qu'ont revêtues

ces actions, dans les circonstances particulières de l'espèce, n'étaient pas
incompatibles avec ce que prescrivent les règles pertinentes du droit inter-
national. Et, pour cet examen, le défendeur ne devrait pas avoir à démon-
trer que les activités iraniennes alléguéesétaient «de nature à être quali-
fiées d'«agression armée)) ...au sens de l'article 51 de la Charte des
Nations Unies)) (arrêt, par. 51)' puisqu'il est tout à fait concevable que
certaines mesures puissent êtrelégitimement prises en vertu de l'alinéa d)
du paragraphe 1 de l'articlXX du traité face à des activités qui ne cons-
tituent peut-être pas une ((agressionarmée)),parce que ces mesures sont
«nécessaires à la protection [des] intérêts vitaux [des Etats-Unis] sur le

plan de la sécurité)),d'une manière non incompatible avec les prescrip-
tions des règles pertinentes de droit international. (Ce critère de l'incom-
patibilité conduirait évidemment à analyser l'ensemble du problème de
l'étendue du recours à la force selon le droit international coutumier et
dans le système de la Charte des Nations Unies - problème que je
m'abstiendrai d'aborder à ce stade.)

35. J'aurai à faire essentiellement les mêmes observations à propos de
l'approche suivie par l'arrêt au sujet des actions menées par les Etats-
Unis le 18 avril 1988 contre les plates-formes de Salman et de Nasr.

Après avoir dit que,
«en la présente affaire,la question de savoir si telle ou telle action est
((nécessaire» se pose à la fois en tant qu'élémentdu droit internatio-
nal de la légitime défense et au regard du texte mêmede l'alinéa d)
du paragraphe 1 de l'articleXX du traité de 1955)) (arrêt, par. 73)'

l'arrêt poursuit en ces termes :

«La Cour n'a ..pas à décider si l'interprétation que donnent les
Etats-Unis de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'articleXX est sur ce
point correcte, dès lors que l'exigence que pose le droit international,
selon laquelle des mesures prises au nom de la légitime défense
doivent avoir été nécessaires à cette fin, est rigoureuseet objective, et
ne laisse aucune place à «une certaine liberté d'appréciation)). La
Cour se penchera donc maintenant sur les critères de nécessitéet de
proportionnalité dans le cadre du droit international relatif à la légi-

time défense. » (Arrêt, par. 73.)
Cette affirmation de l'arrêt me paraît également contestable, car, selon
moi, la question cruciale que la Cour doit aborder à ce stade de sa re-
cherche est de savoir si l'interprétation que fait le défendeur de l'alinéa d)
du paragraphe 1 de l'article XX dans son intégralité estjustifiée ou non. LaCour n'a pas à examiner et apprécier les actions en cause des Etats-Unis
au regard du droit de ((légitimedéfense» en droit international général,

en appliquant les critères de nécessitéet de proportionnalité qui en sont
les élémentsessentiels - cette tâche ne relève pas de sa compétence dans
la présente affaire. Elle a seulement pour tâche d'examiner et d'apprécier
les actions des Etats-Unis au regard de l'alinéa d) du paragraphe 1 de
l'article XX du traité, en appliquant les critères essentiels de cet alinéa,
c'est-à-dire en se demandant si ces actes étaient raisonnables et néces-
saires - cette tâche-là relève pleinement de la compétence de la Cour.

36. Pour résumer, ce que la Cour devrait examiner ici, ce n'est pas la

question de savoir si les actes des Etats-Unis satisfaisaient aux conditions
d'exercice du droit de «légitime défense» en droit international général :
c'est, avant tout et surtout, celle de savoir si ces actes étaient ((nécessaires
à la protection des intérêts vitaux [des Etats-Unis] sur le plan de la sécu-
rité» au sens de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX du traité de
1955. Ce n'est qu'accessoirement, et dans ces limites seulement, qu'elle
doit se demander si les modalités concrètes revêtues par ces actes des
Etats-Unis s'inscrivaient en fait dans les limites prescrites par les règles

pertinentes du droit international sur l'emploi de la force.
37. Comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, il est essentiel de ne pas
oublier que, dans la présente affaire, la compétence de la Cour se borne à
l'examen des demandes que le demandeur fonde sur le paragraphe 1 de
l'article X, et qu'elle ne s'étend pas à l'examen du problème plus large et
plus général de la légitime défense en droit international général. C'est
pour cette raison que la présente espèce se distingue sur plusieurs points
importants de l'affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nica-
ragua et contre celui-ci, dans laquelle la Cour avait directement compé-

tence pour traiter de manière générale de la question de la légitime
défense au regard du droit international. En ce sens, et bien que l'arrêt
affirme que «les critères de nécessitéet de proportionnalité doivent être
respectés pour qu'une mesure puisse être qualzjîée d'acte de légitime
défense)) (arrêt,par. 43 ; les italiques sont de moi), la question n'est pas ici
de savoir si les mesures en cause peuvent êtrequalzjîéesd'actes de légitime
défense. Ces mesures doivent être appréciées au regard des critères de
l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX, et non pas au regard de ceux
de la ((légitimedéfense))en droit international général, excepté dans la

mesure où l'examen de ces dernierscritères devient pertinent parce qu'utile
- de manière accessoire - à l'examen des premiers.
38. Le problème généralde la légitime défense en droit international
est extrêmement complexe, et même controversé, tant en théorie qu'en
pratique. Après mûre réflexion, je pense que, s'il est de la plus haute
importance que la Cour expose son opinion autorisée sur ce problème
lorsque le contexte s'y prête, il faut aussi que ce contexte lui permette
d'aborder le problème directement et de façon approfondie, dans toutes
ses ramifications tant sur le plan du droit que sur celui des faits. 39. Cela n'est pas le cas en l'espèce, pour plusieurs raisons. Tout
d'abord, l'étendue de la compétence de la Cour dans la présente affaire
est étroitement limitée, comme on l'a vu plus haut. De plus, le défendeur,
dans la thèse qu'il a présentée dans le contre-mémoire et dans la du-
plique, ainsi que dans les conclusions qu'il a déposéesdans la procédure
orale, n'a pas fondé principalement sa défense sur la notion de légitime
défense et n'a pas pleinement développé cet argument. Enfin et surtout, le
fait est que les circonstances entourant toute la série des incidents qui
auraient déclenchéles mesures des Etats-Unis sont enveloppées d'un tel
voile debrume (et de mystère) qu'il n'est pas du tout facile d'établir entiè-
rement les faits de la cause, ni de juger les actes des Etats-Unis compte
tenu des faits ainsi établis, dans le cadre de la légitime défense en droit
international général.La réponse à la question de savoir si les mesures
des Etats-Unis sont justifiées par un état de légitime défense dépendrait
dans une grande mesure, en dernière analyse, des circonstances de fait
particulières à l'espèce, bien que, au vu des élémentsde preuve présentés
à la Cour pendant la procédure, le défendeur, à qui incombe la charge de
la preuve sur ce point, ne semble pas à mon avis s'en être acquitté à la

satisfaction de la Cour.

40. Pour toutes ces raisons, je conclus que la Cour n'a pas à aborder
ici l'examen du problèmedela ((légitimedéfense)) en généraldans le droit
international. Si la Cour décide de passer à la deuxième phase de l'exa-
men de la cause en examinant l'article XX du traité, elle doit pour cela,
semble-t-il, examiner avant tout l'interprétation et l'application de l'ali-
néa d) du paragraphe 1 de l'article XX du traité et, si nécessaire et acces-
soirement, aborder certains aspects pertinents du problème plus général
de droit international relatif au recours à la force - mais seulement dans
la mesure où cela est pertinent pour l'interprétation et l'application de
l'article XX.

IV. LA DISSYMÉTRIE DANS LA PRODUCTION DES ÉLÉMENTS DE PREUVE

41. A mon avis, la présente espèce est très inhabituelle - on pourrait
même dire insolite - dans ses aspects factuels. Elle présente certaines

caractéristiques qui la rendent unique en son genre et qui compliquent
extrêmement la tâche de la Cour.
Premièrement, en ce qui concerne le motif de l'action du demandeur
d'une part, les actions militaires des Etats-Unis sont de notoriété pu-
blique - fait que les Etats-Unis, en tant que défendeur, ne contestent
pas. Ainsi, le demandeur n'a pas à prouver les faits qu'il allègue comme
constituant le motif de son action, ainsi qu'il devrait le faire le plus
souvent dans une procédure contentieuse.
42. En ce qui concerne les moyens de défense du défendeur, d'autre
part, du moins ceux qu'il tire de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'ar-ticle XX, le défendeur est tenu, pour justifier les mesures qu'il a prises en
réponse à certaines activités alléguéesdu demandeur, d'établir que ces
mesures répondaient à des activités menées par l'Iran. Ainsi, le fardeau
de la preuve, pour les aspects de fait de ces activités alléguéesde l'Iran,
pèse ici sur le défendeur. C'est lui qui doit établir que ces activités, contre
lesquelles il prétend avoir pris certaines mesures sous forme d'actions
militaires, sont imputables à l'Iran - fait que le demandeur nie catégo-
riquement. Le résultat de cette situation est que, assez paradoxalement, si
le défendeur ne parvient pas à établir certains faits, cela risque d'avoir
pour conséquence, non seulement qu'il n'obtiendra pas ce qu'il réclame
contre son adversaire - c'est-à-dire, principalement, ce qui est exposé
dans sa demande reconventionnelle - mais aussi que sa responsabilité
internationale sera engagée pour des actions qu'il aura lui-mêmeprises en
réponse aux activités alléguéesmais non prouvées du demandeur.

43. Deuxièmement, et cela est encore plus important, l'établissement
de certains faits pertinents a été rendu extrêmement difficile par l'exis-
tence d'une tierce partie cachée, qui, bien qu'elle n'ait pas participé à
l'instance - ni mêmedemandé à intervenir dans la procédure -, a cer-
tainement joué un rôle dans les incidents dont découle la présente affaire.
L'existence de l'Iraq, Etat qui, pendant toute la période pertinente pour
l'affaire, faisait la guerre à l'Iran et participait activement à la «guerre
des pétroliers)) sur le fond de laquelle se sont déroulésles incidents qui
sont à l'origine de l'affaire, rend extrêmement compliqué l'établissement
des faits. En fait, comme l'arrêtlui-mêmele reconnaît, vu la situation qui
existait à l'époque dans la région, il ne serait pas déraisonnable de sup-
poser que presque toutes les activités impliquant des attaques par missile
et le mouillage de mines visant les navires neutres, y compris ceux des
Etats-Unis passant par le golfe Persique - activités qui, selon le défen-
deur, auraient déclenchéses actions militaires en cause -, étaient impu-
tables soit à l'Iran soit à l'Iraq, soit peut-être à ces deux Etats à la fois
(arrêt, par. 44).

44. Dans ces circonstances, pour répondre de manière vraiment objec-
tive à la question de savoir si les actions en cause des Etats-Unis étaient
justifiées face aux activités alléguées del'Iran dans le golfe Persique au
regard de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'articleXX du traité de 1955 -
question que la Cour, à mon avis, n'a pas à aborder en l'espèce dès lors
qu'elle aboutit à la conclusion contenue dans l'arrêt au sujet du para-
graphe 1 de l'article X du traité (arrêt,par. 99) -, il faudrait que la Cour
connaisse toute la véritésur tous les faits pertinents concernant la situa-
tion pendant la période en cause, y compris les incidents alléguésqui ont
conduit aux actions des Etats-Unis en 1987 et 1988. En réalité,comme je
l'ai dit au paragraphe 39, c'est seulement sur la base de tous ces faits plei-
nement vérifiésque la Cour pourrait déterminer de façon concluante siles actions alléguées des Etats-Unis répondaient aux conditions prescrites
par l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'articleXX, y compris, dans la mesure
nécessaire, par les règles de droit international général relatives au recours
à la force. A mon sens, la Cour ne l'a pas fait: il aurait fallu pour cela
qu'elle s'engageât plus avant dans l'établissement des faits de la cause.

45. Il va sans dire à cet égard que le principe fondamental en matière
de preuve - actori incumbit onus probandi - doit aussi s'appliquer en
l'espèce. C'est donc inévitablement à la partie qui invoque l'existence de
certains faits pour justifier les actions qui lui sont reprochées par le
demandeur (autrement dit, au défendeur) qu'il incombe de prouver ces
faits. Cela étant, on doit dire que le défendeur ne s'est pas acquitté de ce
fardeau de la preuve à la satisfaction de la Cour. Dans cette mesure,

j'approuve la conclusion de l'arrêt sur ce point.

46. Néanmoins, on ne peut nier qu'il existe une dissymétrie évidente
dans la situation décrite ci-dessus, en ce qui concerne le fardeau de la
preuve, entre la position du demandeur à l'égard du défendeur et la posi-
tion du défendeur à l'égard du demandeur. Je veux bien admettre que
cette dissymétrie est inhérente aux circonstancesde l'espèce, et qu'il n'y a
pas grand-chose que la Cour puisse faire compte tenu de ces circon-
stances: il incombe essentiellement à la partie qui allègue certains faits
comme base de sa thèse d'établir ces faits par des preuves suffisantes en
application du principe actori incumbit onus probandi.

47. Mais, mêmeen acceptant l'idéeque cette dissymétrie découle iné-
vitablement de l'application du principe régissant le fardeau de la preuve,
je crois qu'il seraitimportant que la Cour, dont la fonction essentielle en
tant que cour de justice est la bonne administration de la justice, veille à
régler ce problème de manière à ce que ses conclusions finales soient
adoptées en toute justice, et de manière à appliquer les règles de preuve
de façon juste et équitable pour les parties, afin de pouvoir faire toute la
lumière sur une affaire avant d'adopter ses conclusions finales. Il me

semble que le seul moyen d'y parvenir aurait étépour la Cour d'adopter
une attitude plus active en matière de preuve et d'établissement des faits
dans la présente affaire.

48. Cela m'amène au problème des critères de preuve qui peuvent être
appliqués dans le cas où la partie à qui incombe le fardeau de la preuve se
trouve dans une situation extrêmement difficile d'un point de vue objectif.

49. C'est sir Hersch Lauterpacht qui, au sujet de cette question du far-

deau de la preuve, quoique dans des circonstances très différentes, a
déclaré : ((D'une manière générale,il n'y a pas grande assistance à attendre
de l'argument visant le fardeau de la preuve. Il faut toutefois qu'il y
ait une certaine répartition prima facie du fardeau de la preuve ...
[L]e degré du fardeau de la preuve à produire ..ne doit pas être si
strict qu'il rende la preuve déraisonnablement difficile» (Certains

emprunts norvégiens, C. 1.J. Recueil 1957, p. 39.)
50. Dans l'affaire du Détroit de Corfou, la Cour s'est elle-mêmetrou-
véeface à une situation où cette considération pouvait s'appliquer. Sur la
question des critères de preuve à utiliser dans cette affaire, la Cour a
déclaréce qui suit:

((On ne peut assurément induire la connaissance du mouillage
chez le Gouvernement albanais du seul fait qu'un champ de mines
découvert dans ses eaux territoriales a provoqué les explosions dont
furent victimes les navires de guerre britanniques ...
En revanche, le contrôle territorial exercé par 1'Etat dans les li-
mites de ses frontières n'est pas sans influence sur le choix des modes
de preuve propres à démontrer cette connaissance. Du fait de ce
contrôle exclusif, 1'Etat victime d'une violation du droit internatio-
nal se trouve souvent dans l'impossibilité de faire la preuve directe
des faits d'où découlerait la responsabilité. Il doit lui êtrepermis de
recourir plus largement aux présomptions de fait, aux indices ou
preuves circonstancielles (circumstantial evidence) .Ces moyens de
preuve indirecte sont admis dans tous les systèmes de droit et leur
usage est sanctionné par la jurisprudence internationale. On doit les
considérer comme particulièrement probants quand ils s'appuient
sur une sériede faits qui s'enchaînent et qui conduisent logiquement
à une mêmeconclusion. » (C.I. J. Recueil 1949, p. 18.)

51. Il va sans dire qu'il y a des différences fondamentales entre les cir-
constances qui ont donné lieu aux incidentsqui ont poussé le demandeur
à agir devant la Cour dans l'affaire du Détroit de Corfou et celles qui ont
causé les incidents sur lesquels le défendeur fonde sa défense dans la pré-
sente affaire. L'une des plus importantes réside dans le fait que, dans
l'affaire du Détroit de Corfou, les incidents avaient eu lieu dans les eaux
territoriales du défendeur, alors que ceux qui sont alléguésici se seraient
produits dans les eaux internationales du golfe, où le demandeur n'avait
pas de ((contrôleterritorial exclusif » (ibid. .

52. Néanmoins, il me semble que ce dictum de l'affaire du Détroit de
Corfou contient des éléments valables qui seraient susceptibles d'applica-
tion générale dans une juridiction internationale, où les procédures et
règles en matière de preuve semblent moins développées - et la tâche
consistant à établir les faits beaucoup plus difficile- que dans les juri-
dictionsnationales. C'est pourquoi, sans préjuger aucunement du résultat
qu'aurait eu un tel examen dans la présente affaire,j'aurais aimé voir la
Cour se livrer à un examen beaucoup plus approfondi de ce délicat pro-blème de l'établissement des faits en l'espèceproprio motu si besoin était,
grâce aux divers pouvoirs et moyens de procédure dont elle dispose en
vertu de son Statut et de son Règlement, y compris ceux qui concernent
le fardeau de la preuve et les exigences en matière de preuve, dans le
contexte concret de la présente espèce.

(Signé) Hisashi OWADA.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE OWADA

Court to proceedfirst with the exarnination of Article X, paragraph 1, prior
to Article XX, paragraph 1 (d) - Freedom of the Court to choose grounds for
its decision not to apply because of the special relationship between Article X,
paragraph 1, and Article XX, paragraph 1 (d) - Character of the Treaty rele-
vant for the interpretation of Article X, paragraph 1 - Essential characteristic
of "commerce" to befound in its "transactional elernent" between the Parties -
Activities of the platforms not "commerce" in this sense - No need to go into
the examination of Article XX, paragraph 1 (d),in view of the Jinding of the
Court on Article X, paragraph 1 - Examination of Article XX, paragraph I (d),
not synonymous with the examination of self-defence in international law in
general- Examination of self-defence as such not in order for the interpreta-
tion and application of Article XX, paragraph 1 (d) - Asymmetry in the pro-
duction of evidence as a complicating factor in the case - Desirability of Court
to take a more proactive stance on evidence and fact finding for the proper
administration of justice.

1. 1have voted for the Judgment of the Court in the present case, inas-
much as its conclusions in the final analysis amount to (a) the rejection
of the claim of the Applicant and (b) the rejection of the counter-claim
of the Respondent, the conclusions that I support. While 1 accept these
final conclusions of the Judgment, however, I am not in a position to

agree with al1 the points contained in the disposito iffthe Judgment as
stated in its concluding part nor with al1 the reasons leading to these
conclusions as expounded in the main body of the Judgment. For this
reason, I find it incumbent on me to state my position on some of the
more salient points raised in the Judgment, to the extent that my position

on those points which 1 regard as important may be made sufficiently
clear. They are set out as succinctly as possible as follows.

2. In my view, the Judgment rightly reaches the final conclusion that

neither the claims of the Applicant nor the counter-claim of the Respon-
dent can be upheld, but in an unnecessarily convoluted and questionable
way. In arriving at this outcome, the Judgment goes over the examina-
tion of the claims of the Applicant from the viewpoint, first, (a) of
whether the actions of the United States of America can be justified as
"measures necessary to protect the essential security interests" of the

United States under Article XX, paragraph 1 (d), of the Treaty of OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE OWADA

[Traduction]

La Cour doit examiner le paragraphe 1 de l'articleX avant l'alinéa d) du
paragraphe 1 de l'articleXX - La liberté de la Cour de choisir les motifs sur
lesquels elle fonde ses décisions ne doit pas s'appliquer ici en raison des liens
spéciaux entre le paragraphe 1 de l'article X et l'alinéa d) du paragraphe 1 de

l'articleXX - La nature du traité est pertinente pour l'interprétation du para-
graphe 1 de l'article X - La caractéristique essentielle du ((commerce)) réside
dans l'«élément de transaction)) entre les Parties - Les activités des plates-
formes ne constituaient pas un ((commerce)) dans ce sens - Il est inutile d'exa-
miner l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX, compte tenu de la conclusion
de la Cour sur le paragraphe 1 de l'article X - Examiner l'alinéa d) du para-
graphe 1 de l'article XX n'équivaut pas à examiner la légitime défense en droit
international en général - Il n'y a pas lieu d'examiner la légitime défense en
tant que telle aux Jins de l'interprétation et de l'application de l'alinéa d) du
paragraphe 1 de l'article XX - L'absence de symétrie dans la production des
preuves est un facteur de complication en l'espèce - Il est souhaitable que la
Cour adopte une attitude plus active en matière de preuve et d'établissement des
faits pour la bonne administration de lajustice.

1. J'ai voté pour l'arrêt de la Cour dans la présente espèce, dans la
mesure où, en dernière analyse, ses conclusions consistent a) à rejeter la
demande du demandeur et b) à rejeter la demande reconventionnelle du
défendeur, ce que j'approuve. Tout en acceptant ces conclusions finales
de l'arrêt, cependant, je ne suis pas en mesure d'approuver tous les points
figurant dans le dispositif ni tous les arguments motivant ces conclusions

tels qu'ils sont exposés dans le corps de l'arrêt. C'est pourquoi je tiens à
m'exprimer sur quelques-unes des principales questions soulevées dans
l'arrêt, de manière à clarifier ma position sur les questions que j'estime
importantes, et que j'analyserai de façon aussi succincte que possible.

2. Selon moi, l'arrêt conclut avec raison qu'il ne peut être fait droit ni
aux demandes du demandeur ni à la demande reconventionnelle du
défendeur, mais il le fait d'une manière inutilement détournée et contes-

table. Pour parvenir à cette conclusion, en effet, l'arrêt examine les
demandes du demandeur sous deux angles: premièrement, a) les actes
des Etats-Unis d'Amérique peuvent-ils se justifier en tant que ((mesures
nécessaires à la protection des intérêts vitaux [des Etats-Unis] sur le plan
de la sécurité» aux termes de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'articleXXAmity, Economic Relations, and Consular Rights between the United
States of America and Iran of 1955 and then, second, (b) of whether the
submissions of the Applicant that those actions constitute a violation of

the obligations of the Respondent under Article X, paragraph 1, of that
Treaty can be upheld, as well as the examination of the counter-claim of
the Respondent, in that order.
3. Considering the legal nature of the issues presented before the
Court and the way they were presented, 1 am of the view that the natural
and correct order in which the Court should proceed with the claims of
the Applicant would have been to deal first of al1 with the issue of
whether the actions of the United States, as alleged by the Applicant, in
fact constituted a violation of the obligations of the Respondent under
Article X, paragraph 1, of the Treaty at issue - the central issue to be
decided at this phase of the proceedings.

4. On this point, the Judgment starts by making a general proposition
as follows (Judgment, para. 35):
"To uphold the claim of Iran, the Court must be satisfied both that
the actions of the United States, complained of by Iran, infringed
the freedom of commerce between the territories of the Parties guar-

anteed by Article X, paragraph 1, and that such actions were not
justified to protect the essential security interestsof the United States
as contemplated by Article XX, paragraph 1(d) ." (Emphasis added.)

On that basis, the Judgment considers that "[tlhe question however arises
in what order the Court should examine these questions of interpretation
and application of the Treaty" (Judgment, para. 35). It is no doubt true,
as the Judgment asserts, that in order to uphold the claim of Iran, the
Court must be satisfied on both of these two points. However, it does not
follow from this general proposition that the Court, in order to pass a
judgment on the claim of the Applicant, must therefore examine both of
these two questions in any case.
5. In the present case, the Court found by its Judgment on the Prelimi-
nary Objection of 12 December 1996 that it had jurisdiction "to entertain
the claims made by the Islamic Republic of Iran under Article X,

paragraph 1, of [the 19551 Treaty" (1C..J. Reports 1996 (II}, p. 821,
para. 55 (2)). It is this task that is presented before the Court at this
phase of the proceedings. Needless to Say, it is not to be contested in this
context that to the extent required for the interpretation or application
of Article X, paragraph 1, of the Treaty, which offers the sole basis for
the jurisdiction of the Court, the Court can enter into the examination
of Article XX as far as that is relevant to the task of the Court as deter-
mined by its Judgment of 1996 on jurisdiction. However, 1 subrnit that
it is precisely the existence of this legal link between the two provisions
of Article X, paragraph 1, and Article XX, paragraph 1 (d), which

brings the examination of Article XX, paragraph 1 (dl, within the
jurisdictional orbit of the Court. It follows from this that the examina- PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. IND. OWADA) 307

du traité d'amitié, de commerce et de droits consulaires conclu en 1955

entre les Etats-Unis d'Amérique et l'Iran et, deuxièmement, b) la thèse
du demandeur selon laquelle ces actes constituent une violation des obli-
gations du défendeur découlant du paragraphe 1 de l'article X de ce traité
peut-elle être acceptée? Il passe ensuite à l'examen de la demande recon-
ventionnelle du défendeur.
3. Vu la nature juridique des questions soumises à la Cour et la façon
dont elles ont étéprésentées, j'estime que l'ordre dans lequel la Cour
devait, de manière naturelle et juste, procéder à l'examen des demandes
du demandeur était de se demander tout d'abord si les actes des Etats-

Unis constituaient en fait, comme le soutenait le demandeur, une viola-
tion de leurs obligations découlant du paragraphe 1 de l'article X du
traité considéré - ce qui était la question cruciale à trancher à ce stade
de la procédure.
4. Sur ce point, l'arrêt commence par la proposition généralesuivante
(arrêt, par. 35):

«Pour faire droit à la demande de l'Iran, la Courdoit être convain-
cue à la fois que les actions des Etats-Unis dont se plaint l'Iran ont
porté atteinte à la liberté de commerce entre les territoires des Parties
garantie par le paragraphe 1 del'article X, et que ces actions n'étaient
pas justifiées par la nécessité d'assurer la protection des intérêts
vitaux des Etats-Unis sur le plan de la sécurité,au sens de l'alinéa d)

du paragraphe 1 de l'articleXX.» (Les italiques sont de moi.)
Sur cette base, l'arrêt considère que «[l]a question se pose toutefois de
savoir dans quel ordre la Cour doit examiner ces questions d'interpréta-
tion et d'application du traité» (arrêt, par. 35). Il est certainement vrai,

comme l'affirme l'arrêt, que, pour faire droit à la demande de l'Iran, la
Cour doit êtreconvaincue sur ces deux points. Cependant, il ne découle
pas de cette proposition généraleque, pour se prononcer sur la demande
du demandeur, elle doive examiner dans tous les cas ces deux questions.

5. Dans la présente espèce, la Cour a conclu dans son arrêt du
12 décembre 1996 sur l'exception préliminaire qu'elle avait compétence
«pour connaître des demandes formulées par la République islamique
d'Iran au titre du paragraphe 1 de l'article X dudit traité [de 19551))

(C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 821, par. 55, point 2)). C'est cette tâche qui
incombe à la Cour à ce stade de la procédure. Bien entendu, il n'est pas
contestable dans ce contexte que, dans la mesure nécessaire à l'interpréta-
tion ou à l'application du paragraphe 1 de l'article X du traité, qui cons-
titue sa seule base de compétence, la Cour peut examiner l'article XX
pour autant que cela est pertinent pour sa tâche telle qu'elle l'a définie
par son arrêt de 1996 sur la compétence. Cependant, selon moi, c'est pré-
cisément à cause de l'existence de ce lien juridique entre les deux dispo-
sitions - le paragraphe 1 de l'article X et l'alinéa d) du paragraphe 1 de

l'article XX - que l'examen de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'ar-
ticle XX entre dans la compétence de la Cour. Il s'ensuit que l'examen dution of Article X, paragraph 1, should have the precedence, by reason
of its logical order, to the examination of Article XX, paragraph 1 (d).
6. It is recalled thatin 1986, in the case concerning Military and Para-
military Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States
of America), the Court was faced with a similar problem concerning the

relationship between Article XIX of the treaty between Nicaragua and
the United States, which contained provisions equivalent to Article X of
the present case, and Article XXI of the same treaty, which contained
provisions equivalent to Article XX of the present case. In that case, the
Court was very clear in characterizing the legal nature of Article XXI of
the treaty, declaring that "[Article XXI] defines the instances in which the
Treaty itself provides for exceptions to the generality of its other provi-
sions" (1.C.J. Reports 1986, p. 116, para. 222 ; emphasis added) ; and that

"[slince [it] contains a power for each of the parties to derogate from
the other provisions of the Treaty, the possibility of invoking the
clauses of that Article must be considered once it is apparent that
certain forms of conduct by [the Respondent] would otherwise be in
conjîict with the relevant provisions of the Treaty" (ibid., p. 117,
para. 225 ;emphasis added).

7. In fact, this Court in its Judgment on the Preliminary Objection in
the present case also made this basic relationship between Article X and
Article XX of the 1955 Treaty abundantly clear, when it stated the view
that

"Article XX, paragraph 1 (d), does not restrict itsjurisdiction in the
present case, but is confined to affording the Parties a possible
defence on the merits to be used should the occasion arise" (1.C.J.
Reports 1996 (II), p. 811, para. 20 ; emphasis added).

8. It seems clear that for al1 these reasons it would have been com-
pelling, as well as logical, in the context of the legal relationship between
the two Articles, for the Court to start with an examination of Article X,
paragraph 1, of the Treaty, before proceeding, if necessary, to an exami-
nation of Article XX, paragraph 1 (d), of the Treaty.

9. As a general proposition, it cannot be disputed that the Court has
the "freedom to select the ground upon which it will base its judgment"
(Judgment, para. 37). The Judgment cites in this respect what the Court
stated in its Judgment in the case concerning the Application of the Con-
vention of 1902 Governing the Guardianship of Infants (1.C.J. Reports
1958, p. 62). This is undoubtedly true with regard to the cases where the
Court has a complete freedom to choose among a number of alternative
grounds on which to base its Judgment. The present case, however, is to
be distinguished from these precedents in the sense that in the present

case the task on which the Court is given jurisdiction to decide is the
question of the interpretation and application of Article X of the 1955 PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.OWADA) 308

paragraphe 1 de l'article X devrait logiquement passer avant celui de l'ali-

néa d) du paragraphe 1 de l'article XX.
6. Rappelons qu'en 1986, dans l'affaire des Activités militaires et para-
militaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amé-
rique), la Cour se trouvait devant un problème analogue à propos des
liens entre l'article XIX du traité entre le Nicaragua et les Etats-Unis, qui
contenait des dispositions équivalentes à celles de l'article X dans la pré-
sente affaire, et l'article XXI de ce traité, qui contenait des dispositions
équivalentes à celles de l'article XX dans la présente affaire. Dans l'affaire
Nicaragua, la Cour a décrit de façon très claire la nature juridique de
l'article XXI du traité en disant que: (([l'articleXXI] définit les cas dans

lesquels le traité prévoit lui-même des exceptions au caractère généralde
ses autres dispositions » (C.1.J. Recueil 1986, p. 1 16, par. 222 ; les ita-
liques sont de moi); et que
«[l]es Parties s'étant réservéchacune par [cet article] la faculté de

déroger aux autres dispositions de cet instrument, la possibilité
d'invoquer les clauses de cet article doit être examinée dès lors
qu'une contradiction apparaît entre certaines conduites [du défen-
deur] et les dispositions pertinentes du traité» (ibid., p. 117, par. 225 ;
les italiques sont de moi).

7. En fait, la Cour, dans l'arrêt qu'elle a rendu en la présente espèce
sur l'exception préliminaire, a aussi souligné on ne peut plus clairement
cette relation fondamentale entre l'article X et l'article XX du traité de
1955 lorsqu'elle a jugé que

((l'alinéad) du paragraphe 1 de l'article XX ne restreint pas sa com-
pétence dans la présente affaire, mais offre seulement aux Parties une
défense au fond qu'il leur appartiendra, le cas échéant, de faire valoir
le moment venu» (C. 1.J. Recueil 1996 (II), p. 811, par. 20 ; les ita-
liques sont de moi).

8. Il semble clair que, pour toutes ces raisons, il aurait éténécessaire -
et aussi logique -, vu les liens juridiques entre les deux articles, que la
Cour commence par l'examen du paragraphe 1 de l'article X du traité
avant de passer, si nécessaire, à l'examen de l'alinéa d) du paragraphe 1
de l'article XX.
9. De manière générale, il est incontestable que la Cour «reste libre
dans le choix des motifs sur lesquels elle fondera son arrêt» (arrêt,
par. 37). L'arrêt cite ici ce qu'elle disait dans l'arrêtqu'elle a rendu dans
l'affaire relative à l'Application de la convention de 1902 pour régler la
tutelle des mineurs (C.I. J. Recueil 1958, p. 62). Cela est certainement vrai

pour les affaires dans lesquelles la Cour est parfaitement libre du choix
des motifs sur lesquels fonder son arrêt.La présente affaire,cependant, se
distingue de ces précédents en ce sens que la Cour a reçu ici compétence
pour trancher la question de l'interprétation et de l'application de l'ar-
ticle X du traité de 1955 en se demandant s'il y a eu violation de l'article X
du traité, et pour examiner à cet égard le but de l'article XX du traité quiTreaty from the viewpoint of whether there has been a breach of
Article X of the Treaty, and in that connection to proceed to an examina-
tion of the purport of Article XX of the Treaty, which is legally linked to
Article X as a possible defence on the merits, in case the finding of the

Court on Article X makes such examination necessary.
10. In this sense the present case is also to be distinguished from the
Nicaragua case. In the Nicaragua case, the Court had jurisdiction to
entertain the claim of the Applicant "in so far as that Application relates
to a dispute concerning the interpretation or application of the [entire]
Treaty [of 19561 .. .on the basis of Article XXIV of that Treaty" (I. C.J.
Reports 1984, p. 442, para. 113 (1) (b)), as well as jurisdiction to enter-
tain the Application more generally on the basis of Article 36, para-
graphs 2 and 5, of the Statute of the Court. Thus the problem of inter-
pretation and application of Article XXI fell squarely and fully within the
competence of the Court, wholly independent of Article XIX of that
Treaty. The present case is different in this respect. While in the Nicara-

gua case the Court could be free, as a matter of judicial discretion, to
choose its own order of priority for examination among a number of
grounds for the claim presented by the Applicant, 1submit that this is not
so with the present case.
11. It is argued in the Judgment that in the present case, nevertheless,
"there are particular considerations militating in favour of an examina-
tion of the application of Article XX, paragraph 1 (d), before turning to
Article X, paragraph 1" (Judgment, para. 37). The Judgment points to
the fact in this connection that "the original dispute between the Parties
related to the legality of the actions of the United States, in the light of
international law on the use of force" and that "[alt the time of those
actions, neither Party made any mention of the 1955 Treaty" (ibid.;

emphasis added). The Judgment notes in this connection that:
"the United States itself recognizes in its Rejoinder [that] '[tlhe self-
defense issues presented in this case raise matters of the highest
importance to al1 members of the international community', and
both Parties are agreed as to the importance of the implications of

the case in the field of the use of force, even though they draw oppo-
site conclusions from this observation" (Judgment, para. 38).

On that basis, the Judgment comes to the conclusion that

"to the extent that [the]jurisdiction [of the Court] under Article XXI,
paragraph 2, of the 1955 Treaty authorizes it to examine and
rule on such issues [i.e., the self-defence issues], it should do so"
(ibid. .

12. It is my submission that, asfar as the present case is concerned, the
dispute before the Court is as defined by the Parties in their submissions
to this Court. The so-called "original dispute between the Parties" has no
direct legal relevance to this dispute before the Court. In this connection,est juridiquement liéà l'article X en tant qu'éventuel moyen de défense au
fond, si ses conclusions relatives à l'article X rendent cet examen
nécessaire.

10. En ce sens, la présente affaire se distingue aussi de l'affaire des
Activités militaires etparamilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, dans
laquelle la Cour avait compétence pour connaître de la requête du
demandeur «dans la mesure où elle se [rapportait] à un différend concer-
nant l'interprétation ou l'application [de l'ensemble] du traité [de 19561 ...
sur la base de l'article XXIV de ce traité )) (C.1.J. Recueil 1984, p. 442,
par. 113, point 1) b)), et aussi compétence plus généralement pour exa-
miner la requête sur la base des paragraphes 2 et 5 de l'article 36 de son
Statut. Ainsi, le problème de l'interprétation et de l'application de l'ar-

ticle XXI relevait clairement et pleinement de la compétence de la Cour,
tout à fait indépendamment de l'article XIX du traité. La présente espèce
est différente à cet égard. Alors que dans l'affaire Nicaragua la Cour était
libre, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, d'établir son propre
ordre de priorités pour examiner les différents moyens sur lesquels le
demandeur fondait sa requête, il n'en va pas de même à mon sens ici.
11. L'arrêt indique que néanmoins, dans la présente espèce, «des
considérations particulières incitent à examiner l'application de l'ali-
néad) du paragraphe 1 de l'article XX avant d'aborder le paragraphe 1 de
l'article X)) (arrêt,par. 37). Il souligne à cet égard le fait «que le différend
initial entre les Parties portait sur la licéité des actions menées par les
Etats-Unis, à la lumière du droit international relatif à l'emploi de la

force)) et que, «[à] l'époque, aucune des deux Parties n'a mentionné le
traité de 1955)) (ibid. ; les italiques sont de moi). L'arrêt relève à ce sujet
que
«les Etats-Unis eux-mêmesle reconnaissent dans leur duplique, «[Iles
aspectsde la présente espèce touchant à la légitime défense soulèvent

des questions de la plus haute importance pour l'ensemble des
membres de la communauté internationale)), et les deux Parties
conviennent que la présente affaire est loin d'être sans incidences en
matière d'emploi de la force, même si elles tirent de ce constat des
conclusions opposées » (arrêt, par. 38).
Et l'arrêten conclut que,

«dans la mesure où la compétenceque ..confère [à la Cour] le para-
graphe 2 de l'article XXI du traité de 1955 l'autorise à examiner ces
questions [les questions relatives à la légitime défense] et à se pro-
noncer sur celles-ci, elle doit le faire)) (ibid..

12. A mon avis, en ce qui concerne la présente affaire, le différend
dont la Cour est saisie est celui qui est définipar les demandes des Parties
à la Cour. Le prétendu «différend initial entre les Parties)) n'a pas de per-
tinence juridique directe pour ce différend dont la Cour est saisie. A cetthe fact that "[alt the time of those actions [of the United States of 1987
and 19881, neither Party made any mention of the 1955 Treaty" (Judg-
ment, para. 37) is only to be expected, for the simple reason that at that
time, especially in relation to the Security Council of the United Nations,
the legality of the actions taken by the United States as such was the

issue, but that in itself was not the dispute between the United States and
Iran which later came to be brought before the Court. A distinct legal
dispute arising out of this issue came about and crystallized in the form
of the present case between the Applicant and the Respondent, only
when Iran alleged that the United States actions in question constituted a
"fundamental breach of various provisions of the [1955] Treaty" (Appli-
cation of the Islamic Republic of Iran filed in the Registry of the Court
on 2 November 1992) and the United States denied that allegation.
13. It is clear from this history that the case before the Court is one on
a dispute between the Applicant and the Respondent concerning the
interpretation and application of the 1955 Treaty in relation to certain
United States actions alleged to be a violation of some provisions of this

Treaty. It was on this basis that the Court decided in its Judgment on the
Preliminary Objection of 1996 to have jurisdiction over the claims of the
Applicant concerning this dispute under Article XXI, paragraph 2, of the
1955 Treaty. The Court thus has the competence to examine Article XX,
especially its paragraph 1 (d), in the context of the interpretation and
application of Article X, paragraph 1, of the Treaty, but not to examine
and rule on the issue of self-defence under general international law.

14. In saying this, 1 do not mean to suggest that the Court is not
entitled, for this jurisdictional reason stated above, to get into an
examination of the scope and the relevance of the rules of general inter-
national law relating to the use of force. As 1am going to elaborate later,

my submission is simply that the Court is certainly entitled to do so, but
only to the extent that such examination, ancillary to the examination
of Article XX, paragraph 1 (d), is found to be necessary for clarifying
the interpretation and application of Article XX, paragraph 1 (d),
relating to "measures necessary to protect . ..essential security interests
[of one of the Parties]", once the Court decides that an examination of
Article XX, paragraph 1 (d), is required as the result of its finding on
Article X, paragraph 1. In such an eventuality, it will not be the issue
of "self-defence" under general international law as such but the issue
of the use of force by the United States in the alleged actions complained
of by the Applicant in the context of the provisions of Article XX,
paragraph 1 (d), of the Treaty that the Court will have the competence

to examine.
15. What has been analysed above leads me to the conclusion that
what the Court should undertake at this stage was first of al1 to examine
whether the alleged actions of the United States against the oil platforms
in question constituted a violation of the provisions of Article X, para-
graph 1, of the 1955 Treaty. Only if the Court found that it indeed was PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.OWADA) 310

égard, le fait que, «[à] l'époque [des mesures prises par les Etats-Unis en
1987 et 19881, aucune des deux Parties n'a mentionné le traité de 1955))
(arrêt, par. 37) n'a rien de surprenant, pour la simple raison qu'alors, et
en particulier devant le Conseil de sécuritédes Nations Unies, c'était la

licéitémême des mesures prises par les Etats-Unis qui était en question,
mais ce n'est pas là le différend entre les Etats-Unis et l'Iran qui a été
porté plus tard devant la Cour. Un différend juridique distinct est issu de
cette question, et il ne s'est cristallisé en prenant la forme de l'affaire qui
oppose aujourd'hui le demandeur et le défendeur que lorsque l'Iran a
prétendu que les actes en cause des Etats-Unis constituaient une ((viola-
tion fondamentale de diverses dispositions du traité [de 19551)) (requête
de la République islamique d'Iran enregistrée au Greffe de la Cour le
2 novembre 1992)' et que les Etats-Unis ont nié cette allégation.
13. Ce rappel des faits montre bien que l'affaire que la Cour doit juger

concerneun différend entre le demandeur et le défendeur sur l'interpréta-
tion et l'application du traité de 1955 concernant certains actes des Etats-
Unis qui auraient violé certaines dispositions du traité. C'est sur cette
base que la Cour, dans son arrêt de 1996 sur l'exception préliminaire, a
décidéqu'elle avait compétence pour connaître des demandes du deman-
deur en vertu du paragraphe 2 de l'article XXI du traité de 1955. Ainsi, la
Cour a compétence pour examinerl'article XX du traité, et en particulier
l'alinéa d) du paragraphe 1 de cet article, dans le contexte de l'interpréta-
tion et de l'application du paragraphe 1 de l'article X, mais non pas pour
examiner et trancher la question de la légitime défense en vertu du droit

international général.
14. Je ne veux pas dire par là que la Cour, pour cette raison tenant à
sa compétence, n'est pas en droit de procéder à l'examen de la portée et
de la pertinence des règles de droit international général relatives au
recours à la force. Comme je le montrerai plus en détail par la suite, je
veux dire simplement que la Cour est certesen droit de le faire, mais seu-
lement dans la mesure où cet examen, accessoire par rapport à celui de
l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX, sera jugé nécessaire pour pré-
ciser l'interprétation et l'application de cet alinéa en ce qui concerne les
((mesures nécessaires pour protéger ...les intérêtsvitaux [d'une des Parties]

sur le plan de la sécurité», c'est-à-dire une fois que la Cour aura décidé
que sa conclusion sur le paragraphe 1 de l'articleX rend nécessaire l'exa-
men de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX. Dans une telle éven-
tualité, ce n'est pas la question de la ((légitimedéfense» en droit interna-
tional général en tant que telle que la Cour aura compétence pour
examiner, mais celle de l'emploi de la force par les Etats-Unis dans les
actes alléguéspar le demandeur, au regard des dispositions de l'alinéa d)
du paragraphe 1 de l'article XX du traité.
15. Cela m'amène à la conclusion que ce que devait faire la Cour à ce
stade, c'était tout d'abord d'examiner si les actes allégués des Etats-Unis
contre les plates-formes pétrolières en question constituaient une viola-

tion des dispositions du paragraphe 1 de l'article X du traité de 1955.
C'est seulement si la Cour concluait que tel était le cas qu'elle devaitthe case, the Court should proceed to an examination of the provisions of
Article XX, paragraph 1 (d), of the Treaty in the context of its relevance
to Article X, paragraph 1, of the same Treaty, to see whether those pro-
visions of Article XX, paragraph 1 (d), as interpreted in light of the rele-
vant rules of international law, offered a possible defence for justifying
the actions of the United States under the Treaty.
16. In the conclusions of its Judgment in the present case, the Court

has found that it cannot uphold the submission of the Applicant that the
actions of the United States as alleged by Iran constitute a violation of
the obligations of the United States under Article X, paragraph 1, of that
Treaty relating to the freedom of commerce. Since 1 concur with this
finding, 1 do not see any reason further to go into an examination of
the second question relating to the interpretation and application of
Article XX, paragraph 1 (d), of the Treaty.

II. THE SCOPE OF ARTICLEX, PARAGRAPH 1

17. 1 find myself in general agreement with the Judgment of the Court
on this question of the interpretation and application of Article X, para-
graph 1, of the 1955 Treaty, both in its conclusion as well as in its basic
reasoning. For this reason, 1 do not intend to dwell upon a detailed
examination of the issues involved in the interpretation and application
of Article X, paragraph 1. 1 concur with the Judgment in its basic
reasoning that has led the Court to its conclusion on this question.
18. However, there is one point on which 1 wish to put my position on
the record in the context of this Article. It is the question of the basic
character of a treaty of this kind, Le., what is generically known as the

Treaty of Friendship, Commerce and Navigation (the so-called
FCN treaty), and the question of the scope of Article X of the Treaty as
interpreted in light of this basic character of the Treaty.
19. The 1955 Treaty between the United States and Iran falls broadly
within this category of treaties, which is traditionally described as the
"general commercial treaty" (R. R. Wilson, United States Commercial
Treaties and International Law (1960), p. 1). It is a "broad-purpose
device" (ibid.) touching upon many subjects, but always in the field of
economic relations between nations, such as the right of establishment of
the nationals of the Contracting Parties in the territoryof each other, the

right of the Contracting Parties to engage in various economic activities
in the territory of each other and freedom of commerce and navigation
between the Contracting Parties, as guaranteed in the treaty on the basis
of certain legal principles such as the principle of the most-favoured-
nation treatment, the principle of national treatment and the principle of
fair and equitable treatment. As such, it is the type of treaties which in
their origin date back to several centuries ago (in the case of the United
States, the conclusion of the first treaty of this type - the Treaty of
Amity and Commerce with France of 1778 - is in fact older than theprocéder à l'examen des dispositions de l'alinéa d) du paragraphe 1 de
l'article XX du traité du point de vue de sa pertinence pour le paragraphe 1
de l'article X, pour voir si ces dispositions de l'alinéad) du paragraphe 1
de l'article XX, interprétéesà la lumière des règlespertinentes du droit inter-
national, offraient, le cas échéant, un moyen de défenseaufond justifiant
les actes des Etats-Unis au regard du traité.
16. Dans l'arrêt qu'elle a rendu dans la présente affaire, la Cour a
conclu qu'elle ne pouvait pas donner raison à l'Iran qui soutenait que les
actes des Etats-Unis constituaient une violation des obligations découlant
pour eux du paragraphe 1 de l'article X du traité relatifà la liberté de
commerce. Commej'approuve cette conclusion, je ne vois aucune raison
de poursuivre en examinant la seconde question - celle de l'interpréta-
tion et de l'application de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX.

II. LA PORTÉE DU PARAGRAPHE 1 DE L'ARTICLE X

17. De manière générale,je suis d'accord avec l'arrêt de la Cour sur
cette question de l'interprétation et de l'application du paragraphe 1 de
l'article X du traité de 1955, tant dans sa conclusion que dans le raison-
nement qui y conduit. Aussi n'ai-je pas l'intention d'examiner dans le
détail les questions que soulèvent l'interprétation et l'application de cette
disposition. J'approuve pour l'essentiel le raisonnement par lequel la
Cour est parvenue à sa conclusion sur cette question.
18. Il ya cependant un point sur lequel je souhaite faire connaître mon
avis à propos de cet article: c'est le caractère essentiel des traités de ce
type, généralement dénomméstraités d'amitié, de commerce et de naviga-
tion, ainsi que la portée de l'article X du traité interprété compte tenu de
ce caractère essentiel du traité.

19. Le traité de 1955 entre les Etats-Unis et l'Iran relève en gros de ce
type de traités que l'on appelle traditionnellement ((traités généraux de
commerce)) (R. R. Wilson, United States Commercial Treaties and Inter-

national Law, 1960, p. 1). Ce sont des ((instruments d'usage général))
(ibid.) portant sur de nombreux sujets, qui touchent toujours aux rela-
tions économiques entre les nations, par exemple le droit des nationaux
d'une des parties contractantes de s'établir sur le territoire de l'autrepar-
tie, le droit de chaque partie contractante de se livrer à diverses activités
économiques sur le territoire de l'autre, et la liberté de commerce et de
navigation entre les parties contractantes, garantie dans le traité sur la
base de certains principes juridiques tels que ceux du traitement de la
nation la plus favorisée, du traitement national et du traitement juste et
équitable. C'est le type de traités dont l'origine remonte à plusieurs siècles
(dans le cas des Etats-Unis, la conclusion du premier traité de ce type -
le traité d'amitié et de commerce avec la France, qui date de 1778 - est
même antérieure à l'adoption de la Constitution) et qui, depuis, four-establishment of the United States Constitution), and which have pro-
vided a concrete legal framework for economic activities of the nationals
of each Contracting Party in relation to the other by guaranteeing certain
standards of treatment to be observed by each Contracting Party.
20. In this sense, the essential character and the basic scope of the trea-
ties of this type as the legal instrument for regulating concrete economic

activities that take place between the two Contracting Parties are well
defined and the concrete legal rules applicable to these activities fairly
specific. Itis against this background that the United States introduced a
new treaty-making practice of incorporating a compromissory clause of
the type we find in Article XXI of the 1955 Treaty between the United
States and Iran into these FCN treaties it was concluding in the post-
World War II period. From the travaux préparatoires of these treaties it
is clear that the United States adopted this new practice of accepting the
jurisdiction of the International Court of Justice on the interpretation

and application of the provisions of these treaties, because "provisions of
commercial treaties were, in general, familiar", and "there were numer-
ous court decisions interpreting them" (R. R. Wilson, op. cit., p. 24).

21. This specific character of the FCN treaties, which include the 1955
Treaty that we are dealing with, should be kept in mind in assessing the
general purport of the Treaty before us and in interpreting its concrete
provisions in the context of the present case. In this sense, the position
taken by the Court in its Judgment of 1996 on the Preliminary Objection
in the present case is correct in my view, when it states that "the object

and purpose of the Treaty of 1955 was not to regulate peaceful and
friendly relations between the two States in a general sense" (1.C.J.
Reports 1996 (II), p. 814, para. 28), in spite of the very broad language
used in the provisions of its Article 1.
22. Against this backdrop relating to the essential character and the
basic scope of the Treaty, the legal relevance vel non of the 1955 Treaty
and in particular its Article X, paragraph 1, to the claims advanced by
the Applicant is to be examined as one of interpretation of the concept of
"freedom of commerce and navigation" in its usual usage in business
transactions as envisaged in these commercial treaties. Its significance in

relation to the actions taken by the United States against certain Iranian
oil platforms is in turn to be appreciated in light of this essential charac-
ter and the basic scope of the Treaty in question.

23. The Court in its 1996 Judgment ruled that

"[tlhe word 'commerce' is not restricted in ordinary usage to the
mere act of purchase and sale; it has connotations that extend
beyond mere purchase and sale to include 'the whole of the trans-
actions, arrangements, etc., therein involved"' (1.C.J. Reports
1996 (II), p. 818, para. 45).

Then the Court went on to elaborate the point further as follows:nissent un cadre juridique concret aux activités économiques des natio-

naux de chaque partie contractante dans leurs relations avec l'autre, en
garantissant le respect par chacune de certaines normes.

20. Ainsi, le caractère essentiel et la portée des traités de ce type
en tant qu'instruments juridiques régissant les activités économiques
concrètes qui se déroulent entre les deux parties contractantes sont bien
définis,et les règlesjuridiques concrètes qui s'appliquent à ces activités sont
assez précises. C'est dans ce contexte que les Etats-Unisont commencé à in-
sérer de manière habituelle dans les traités d'amitié, de commerce et de

navigation qu'ils ont conclus après la seconde guerremondiale une clause
compromissoire du type de celle que nous trouvons à l'article XXI du
traité de 1955 entre les Etats-Unis et l'Iran. Comme le montrent claire-
ment les travaux préparatoires de ces traités, les Etats-Unis ont adopté
cette nouvelle pratique d'acceptation de lajuridiction de la Cour interna-
tionale de Justice pour l'interprétation et l'application des dispositionsde
ces traités parce que les ((dispositions des traités de commerce étaient, en
règle générale,connues » et ((qu'il existait une abondante jurisprudence sur
leur interprétation)) (R. R. Wilson, op. cit., p. 24).
21. Il importe de garder à l'esprit ce caractère particulier des traités
d'amitié, de commerce et de navigation, au nombre desquels figure le

traité de 1955 qui nous intéresse ici, pour apprécier l'objet généralde ce
traité et interpréter ses dispositions concrètes dans le contexte de la pré-
sente affaire. Dans ce sens, je pense que la position prise par la Cour dans
son arrêtde 1996 sur l'exception préliminaire étaitjuste, lorsqu'elle décla-
rait que ((l'objet et le but du traité de 1955 n'étaient pas d'organiser les
relations pacifiques et amicales entre les deux Etats de manière générale))
(C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 814, par. 28), malgré le caractère très général
des termes utilisés dans son article premier.
22. A la lumière de ces considérations sur le caractère essentiel et la
portée du traité, il faudra, pour examiner la pertinence ou l'absence de

pertinencejuridique du traité de 1955, et en particulier du paragraphe 1
del'article X, pour la thèse du demandeur, interpréter l'expression ((liberté
de commerce et de navigation)) dans le sens qu'elle a habituellement dans
les transactions commerciales envisagées dans ce type de traités. Et inver-
sement, la signification de cette expression par rapport aux mesures prises
par les Etats-Unis contre certaines plates-formes pétrolières iraniennes
devra s'apprécier en fonction de ce caractère essentiel et de cette portée
du traité.
23. Dans son arrêt de 1996, la Cour a jugé que

«le mot ((commerce)), dans son acception usuelle, ne se limite pas
aux seules activités d'achat et de vente; il a des connotations qui dé-
passent le simple fait d'acheter et de vendre, et comprend ((l'ensemble
des transactions, arrangements, etc., nécessaires à cette fin »» (C.I.J.
Recueil 1996 (II), p. 818, par. 45).

La Cour a ensuite développé cette idée dans les termes suivants : "The Court should not in any event overlook that Article X, para-
graph 1, of the Treaty of 1955 does not strictly speaking protect

'commerce' but 'freedom of commerce'. Any act which would impede
that 'freedom' is thereby prohibited. Unless such freedom is to be
rendered illusory, the possibility must be entertained that it could
actually be impeded as a result of acts entailing the destruction of
goods destined to be exported, or capable of affecting their transport
and their storage with a view to export." (1.C.J. Reports 1996 (II),
p. 819, para. 50; emphasis in the original.)

24. In relation to this passage, an argument is advanced by the Respon-
dent to the effect that since the alleged actions of the United States con-
stituted neither "acts entailing the destruction of goods destined to be

exported" nor "[acts] capable of affecting their transport and their
storage with a view to export", its actions therefore did not amount to a
violation of "freedom of commerce" as provided for in Article X, para-
graph 1, of the 1955 Treaty. Clearly this is an argument which cannot be
accepted. Needless to Say, these examples are given by the Court not as
the definition of acts in violation of "freedom of commerce"; they are
given, not as an exhaustive list of al1 the cases falling under the category
of a violation of "freedom of commerce", but only as an illustrative list
that demonstrates some of the typical cases that can constitute an impedi-
ment of "freedom of commerce".

25. At the same time, these examples are nonetheless significant inas-
much as they are indicative of a certain common characteristic element
that is involved in the concept of "freedom of commerce" as used in these
FCN treaties. Commerce is defined as "mercantile transaction" (The
Shorter Oxford Dictionary, 10th ed.). What is essential in the concept of
"commerce" as its constituent element, especially in its context of "free-
dom of commerce and navigation" as used in the Treaty, is, 1 submit, the
existence of this "transactional element" that links the two Parties under
the Treaty. This to me is the critical element of "commerce", as the term
is used in this Treaty, that distinguishes it from a mere economic activity

which, even if it might envisage a possibility of export in a general sense,
does not contemplate any concrete transaction in view. In fact, 1 submit
that the term "freedom of commerce and navigation between the High
Contracting Parties" as used in many of the FCN treaties concluded by
the United States in the post-World War II period is meant to refer to
this notion of unimpeded flow of mercantile transactions in goods and
services between the territories of the Contracting Parties, as distin-
guished from a broader problem of the rights of the Contracting Parties
to engage in various economic activities of a commercial character within
the territories of each other - a problem dealt with in concrete detail

by various provisions of the Treaty (for example, Article II through
Article IX of the 1955 Treaty).
26. It is true that the oil platforms which were the subject of United
States attacks were owned and operated for general commercial purposes PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND. OWADA) 313

((La Cour ne saurait en tout état de cause perdre de vue que le
paragraphe 1 de l'article X du traité de 1955 ne protège pas à pro-
prement parler le ((commerce » mais la (liberté de commerce ». Tout
acte qui entraverait cette «liberté» s'en trouve prohibé. Or, sauf à
rendre une telle liberté illusoire, il faut considérer qu'elle pourrait être
effectivement entravée du fait d'actes qui emporteraient destruction
de biens destinés à être exportés, ou qui seraient susceptibles d'en

affecter le transport et le stockage en vue de l'exportation. » (C. I.J.
Recueil 1996 (II), p. 819, par. 50; les italiques sont dans l'original.)

24. A propos de ce passage, le défendeur fait valoir que, puisque les
prétendus actes des Etats-Unis ne constituaient ni des ((actes qui empor-
teraient destruction de biens destinés à être exportés» ni «[des actes] sus-
ceptibles d'en affecter le transport et le stockageen vue de l'exportation»,
ils n'étaient pas non plus constitutifs d'une violation de la ((liberté de
commerce» garantie par le paragraphe 1 de l'articleX du traité de 1955.

Cet argument ne peut manifestement pas être retenu. Bien entendu, la
Cour ne cherche pas à définir par ces exemples quels sont les actesviolant
la ((liberté de commerce»; il ne s'agit pas d'une énumération limitative
des actes relevant de la catégorie des violations de la ((liberté de com-
merce », mais seulement d'une liste exemplative qui illustre certains des
cas typiques d'entraves à cette ((libertéde commerce ».

25. Ces exemples n'en sont pas moins significatifs, dans la mesure où
ils présentent une caractéristique commune qui apparaît dans la notion

de ((liberté de commerce» au sens où l'entendent ces traités. Par défini-
tion, le commerce est une ((mercantile transaction)) [transaction mar-
chande] (The Shorter Oxford Dictionary, 10" éd.). Ce qui est essentiel
pour qu'il y ait «commerce», surtout dans le contexte de la «liberté de
commerce et de navigation» prévue par le traité, c'est, mon sens, l'exis-
tence de cet «aspect transactionnel» qui lie les deux Parties en vertu du
traité. C'est là selon moi l'élémentcritique du «commerce» au sens du
traité, ce qui le distingue d'une simple activité économique qui, même si
elle envisage peut-être de manière généralela possibilité d'exporter, n'a

pas de transaction concrète en vue. En fait, je pense que l'expression
((liberté de commerce et de navigation entre les Hautes Parties contrac-
tantes», au sens où elle est utilisée dans beaucoup de traités conclus par
les Etats-Unis après la seconde guerremondiale, renvoie à cette notion de
libre déroulement de transactions marchandes de produits et de services
entre les territoires des parties contractantes, et non pas au problème plus
large que serait le droit de chaque partie contractante de se livrer à di-
verses activités économiques sur le territoire de l'autre - ce problème

étant régléconcrètement et en détail par diverses dispositions du traité de
1955 (par exemple, les articles II à IX).

26. Il est vrai que les plates-formes pétrolières qui ont fait l'objet des
attaques des Etats-Unis étaient la propriété de la National Iranian Oilby the National Iranian Oil Company as an integral part of a series of
complex operations that included such economic activities as the extrac-

tion of oil from the continental shelf, its transportation to a storage
place, and its processing from crude oil into a final product for export/
consumption. In that sense, the oil platforms no doubt performed
an important function in the chain of operations that consisted of a net-
work of economic activities ranging from the oil production to its
export/consumption.

27. This does not mean, however, that every single link in this chain of
operations can be qualified as part of "commerce", and especially as an
activity that falls within the concept of "freedom of commerce between

the territories of the Contracting Parties" in the sense in which the term
is used in Article X, paragraph 1, of the Treaty. In my view, there is a fine
but clear distinction in this regard between "industrial activities" and
"commercial activities" for the purpose of the Treaty, although the two
activities may be linked with each other within the broad category of
"economic activities".
28. In light of this reasoning and quite apart from the factual ground
relied on by the Judgment that

"there was at the time of [the attacks of 19 October 19871 no com-
merce between the territories of Iran and the United States in respect
of oil produced by [the] platforms [in question] .. .inasmuch as the
platforms were under repair and inoperative" (Judgment, para. 98)

and that "at the time of the attacks of 18 April 1988 . . .al1 commerce in
crude oil between the territories of Iran and the United States had been
suspended by [the] Executive Order El2613 of the United States]" (ibid.),
1 come to the conclusion that primordially on this legal ground the
actions of the United States against the oil platforms in question did not
amount to an infringement of "freedom of commerce" as stipulated in
Article X, paragraph 1. The word "commerce" as employed in Article X,

paragraph 1, while going beyond the immediate act of purchase and sale,
should be understood to extend only to those activities which can be
regarded as "the ancillary activitiesintegrally related to commerce" (I. C.J.
Reports 1996 (II), p. 819, para. 49) in the sense that they constitute
essential ingredients of mercantile transactions carried out between Iran
and the United States.

III. THE RELEVANCE OF ARTICLX EX, PARAGRAPH 1 (d)

29. 1 have already stated earlier in this opinion that once the Court
decides, for the reasons stated above, that it should first examine the sub-
mission of the Applicant relating to the interpretation and application of
Article X, paragraph 1, of the 1955 Treaty, and comes to the conclusion,Company, qui les exploitaità des fins commerciales générales, et qu'elles
étaient un élémentessentiel dans une séried'opérations complexes com-
prenant des activités telles que l'extraction du pétrole du plateau conti-
nental, son transport vers un lieu de stockage et sa transformation de
l'état de brut en produit final destiné à l'exportation et à la consomma-
tion. En ce sens, les plates-formes pétrolières avaient sans aucun doute
une fonction importante dans la chaîne des opérations qui constituaient
un réseau d'activités économiques allant de la production du pétrole à
son exportation ou sa consommation.
27. Cela ne signifie pas, cependant, que chacun des maillons de cette
chaîne d'opérations puisse êtreconsidéré comme faisant partie du ((corn-
merce », et surtout comme une activité relevant de la notion de «libertéde
commerce entre les territoires des Parties contractantes)) au sens où ces
termes sont utilisés au paragraphe 1 de l'article X du traité. Selon moi, il

y a une distinction subtile mais claireà cet égard entre ((activitésindus-
trielle» et «activités commerciales » aux fins du traité, bien que ces deux
types d'activités puissent êtreliéeset constituer ensemble la catégorie des
« activités économiques ».
28. A partir de ce raisonnement, et indépendamment du motif de fait
sur lequel se fonde l'arrêt - à savoir que
«il n'existaità ce moment-là [celui des attaques du 19 octobre 19871
aucun commerce entre les territoires de l'Iran et des Etats-Unis
s'agissant du pétrole produit par [les] plates-formes [en question] ...

dans la mesure où elles étaient en réparation et hors d'usage)) (arrêt,
par. 98)
et que, «au moment des attaques [du] 18 avril 1988, tout commerce de
pétrole brut entre les territoires de l'Iran et des Etats-Unis était suspendu
par [l']Executive Order [12613 des Etats-Unis])) (ibid.) -, je conclus,
avant tout pour ce motif de droit, que les actions menées par les Etats-
Unis contre les plates-formes pétrolières n'entravaient pas la ((libertéde
commerce » garantiepar le paragraphe 1 de l'article X. Le ((commerce » au
sens du paragraphe 1 de l'article X, même s'ilne se limite pas au simple

fait d'acheter et de vendre, doit s'entendre uniquement des activités
qui peuvent êtreconsidérées comme des ((activités accessoires qui sont
intrinsèquement liées au commerce » (C.1.J. Recueil 1996 (II), p. 819,
par. 49) au sens où elles constituent un élément essentieldes transactions
marchandes entre l'Iran et les Etats-Unis.

III. LA PERTINENCE DE L'ALINÉA D) DU PARAGRAPHE 1 DE L'ARTICLE XX

29. J'ai dit plus haut que, dès lors que la Cour, après avoir décidépour
les raisons indiquées précédemment qu'elle devait commencer par exami-
ner la thèse du demandeur concernant l'interprétation et l'application du
paragraphe 1 de l'article X du traité de 1955, a conclu, comme elle l'a faitas the present Judgment has come, that the submission of the Applicant
to the effect that the alleged United States actions violated the provisions
in question cannot be upheld, there is no further need to go into the
examination of the second question, i.e., the question as to whether the
actions of the United States in question can be justified under the provi-

sions of Article XX, paragraph 1 (d), of the Treaty. For this reason, 1
shall refrain from going into a comprehensive discussion of al1 the issues
involved in the problem of Article XX, paragraph 1 (d), at this juncture.
30. However, there is one aspect of the problem that 1wish to address
in this context, as 1 find that the way in which the Judgment approaches
the problem would seem to me to be questionable, even if the Court were
to decide to go into the problem of interpretation and application of
Article XX, paragraph 1 (d), of the Treaty.
31. The Judgment states, correctly in my view, that "[iln the view of
the Court, the matter is one of interpretation of the Treaty, and in par-

ticular of Article XX, paragraph 1 (d)" (Judgment, para. 40). Having
stated this position, however, the Judgment appears nevertheless to shift
to the domain of "self-defence", assimilating this problem of interpreta-
tion of Article XX, paragraph 1 (d), with the general problem of self-
defence under general international law. Thus, quoting from the Judgment
in the case concerning Military and Paramilitary Activities in and against
Nicaragua (Nicaragua v. United States of America), to the effect that

"action taken in self-defence, individual or collective, might be
considered as part of the wider category of measures qualified in
Article XXI as 'necessary to protect' the 'essential security interests'
of a party" (1C..J. Reports 1986, p. 117, para. 224),

the Judgment states as follows :
"when Article XX, paragraph 1 (d), is invoked to justify actions

involving the use of armed force, allegedly in self-defence, the inter-
pretation and application of that Article will necessarily entai1 an
assessment of the conditions of legitimate self-defence under inter-
national law" (Judgment, para. 40).

32. It is submitted that this conclusion is a non sequitur. It is true
in my view that, as a general proposition, the measures taken under
Article XX, paragraph 1 (d), when they involve the use of force, have to
be compatible with the requirements of international law concerning the
use of force. However, this does not mean that the problem involved in
the "measures necessary to protect essential security interests" of a High
Contracting Party under Article XX, paragraph 1 (d), is synonymous
with the problem involved in the right of self-defence under international
law. Moreover, it has to be kept in mind that in the case concerning

Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua, the Court
was examining this problem on the basis of its jurisdiction given under PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.OWADA) 315

dans le présent arrêt, que la thèse du demandeur selon laquelle les actes
alléguésdes Etats-Unis violaient les dispositions en question ne pouvait
être retenue, il n'était plus utile de procéder à l'examen de la seconde

question, celle de savoir si les actes en cause des Etats-Unis se justifiaient
au regard des dispositions de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX
du traité. C'est pourquoi je m'abstiendrai d'analyser en détail à ce stade
tous les élémentsdu problème que soulève l'alinéa d) du paragraphe 1 de
l'article XX.
30. Cependant, il y a un aspect du problème que j'examinerai à ce pro-
pos, car la façon dont l'arrêt aborde ce problème me semblerait contes-
table mêmesi la Cour décidait d'examiner la question de l'interprétation
et de l'application de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX du
traité.

31. L'arrêt indique, avec raison selon moi, que, (([d]e l'avis de la Cour,
il s'agit ici d'une question d'interprétation du traité, et en particulier de
l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX)) (arrêt, par. 40). Ayant dit
cela, cependant, l'arrêt paraît glisser vers le domaine de la ((légitime
défense», assimilant ce problème de l'interprétation de l'alinéa d) du
paragraphe 1 de l'article XX et le problème général de la légitime défense
en droit international général. Ainsi, citant l'arrêt rendu dans l'affaire des
Activités militaires etparamilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nica-
ragua c. Etats- Unis d'Amérique), selon lequel

((des mesures de légitime défense, individuelle ou collective, peuvent
être considérées comme entrant dans la catégorie plus vaste des
mesures qualifiées à l'article XXI de ((nécessaires à la protection des
intérêts vitaux)) d'une partie «en ce qui concerne sa sécurité»»
(C. IJ. Recueil 1986, p. 117, par. 224)'

le présent arrêt déclare :

((lorsque l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX est invoqué
pour justifier que soient prises, au nom de la légitime défense, des
mesures impliquant un recours à la force armée, l'interprétation et
l'application de cet article supposent nécessairement une apprécia-
tion des conditions d'exercice de la légitime défense au regard du
droit international))(arrêt, par. 40).

32. Selon moi, ce raisonnement n'est pas logique. Sans doute est-il vrai
que, de manière générale, les mesures prises en vertu de l'alinéa d) du
paragraphe 1 de l'article XX, lorsqu'elles impliquent le recours à la force,
doivent être compatibles avec les règles du droit international concernant
l'emploi de celle-ci. Mais cela ne veut pas dire que le problème des
((mesures nécessaires à la protection des intérêts vitaux [d'une] partie
contractante sur le plan de la sécurité)), visées à l'alinéa d) du para-
graphe 1 de l'article XX, soit identique au problème du droit de légitime dé-

fense au regard du droit international. En outre, il ne faut pas oublier
que, dans l'affaire des Activités militaires et paramilitairesau Nicaragua et
contre celui-ci, la Cour examinait ce problème sur la base de la compé-Article XXIV of the 1956 Treaty between the parties with its application
to the entire treaty, as well as under Article 36, paragraphs 2 and 5, of the
Statute of the Court. Thus the Court could in that case get into the
examination of the problem of self-defence under general international

law without restriction. By contrast, the Court in the present case has
jurisdiction only for the interpretation and application of Article XX,
paragraph 1 (d). Under such circumstances, the interpretation and appli-
cation of that Article in this specific context cannot be said to "necessar-
ily entai1 an assessment of the conditions of legitimate self-defence under
international law" (Judgment, para. 40), which presumably will mean an
assessment of these measures in light of the requirements prescribed by
the Charter of the United Nations as measures of "self-defence" under its
Article 51.
33. In spite of this, it appears to me that from this point onwards the
focus of discussion of the Judgment concerning the assessment of the

actions of the United States under Article XX, paragraph 1 (d), is pri-
marily placed on the examination of whether the actions of the United
States in question satisfied the conditions for the exercise of the right of
self-defence as prescribed by general international law, including the
question of whether the alleged activities of Iran, which triggered the
actions of the United States, amounted to an "armed attack". Thus, for
instance, referring to the actions of the United States against the Resha-
dat complex on 19 October 1987, the Judgment states as follows:

"Therefore, in order to establish that it was legally justified in
attacking the Iranian platforms in exercise of the right of individual
self-defence, the United States has to show that attacks had been
made upon it for which Iran was responsible; and that those attacks
were of such a nature as to be qualzJied as 'armed attacks' within the
meaning of that expression in Article 51 of the United Nations Char-
ter, and as understood in customary law on the use of force . . The

United States must also show that its actions were necessary and
proportional to the armed attack made on it, and that the platforms
were a legitimate military target open to attack and the exercise of
self-defence." (Judgment, para. 51 ;emphasis added.)

34. It is submitted, however, that this assertion of the Judgment must
be said to be misplaced in relation to the task before the Court, since it
tends to shift the problem involved from the one of Article XX, para-
graph 1 (d), to the one of self-defence as such under international law. In
effect,when stated in this general way, the whole question under our con-
sideration is transformed into one of self-defence in general international
law - an issue which clearly falls outside the competence of the Court in
view of its limitedjurisdiction in the present case. What the Court should
be addressing in the present context of Article XX, paragraph 1 (d), is

not to ask the Respondent "to establish that [the United States] was
legally justified in attacking the Iranian platforms in exercise of the righttence qu'elle tirait de l'article XXIV du traité de 1956 entre les parties et
qui s'appliquait à l'ensemble du traité, et sur la base des paragraphes 2
et 5 de l'article 36 de son Statut. Elle pouvait donc en l'espèce examiner
sans restriction le problème de la légitime défense en droit international
général.Dans la présente affaire, par contre, la Cour n'a compétenceque
pour l'interprétation et l'application de l'alinéa d) du paragraphe 1 de

l'article XX. Dans ces conditions, l'interprétation et l'application de cet
article ne peuvent pas être considérées ici comme supposant ((nécessaire-
ment une appréciation des conditions d'exercice de la légitime défense au
regard du droit international)) (arrêt, par. 40)' par quoi il faut entendre
probablement une appréciation de ces mesures au regard des prescrip-
tions de l'article 51 de la Charte des Nations Unies concernant les me-
sures de «légitime défense)).
33. Malgré cela, il me semble que, à partir de là, l'analyse à laquelle se
livre l'arrêt pour apprécier les actions des Etats-Unis au regard de l'ali-
néa d) du paragraphe 1 de l'article XX vise surtout la question de savoir

si ces actions des Etats-Unis satisfaisaient aux conditions prescrites par le
droit international généralpour l'exercice du droit de légitime défense, et
notamment si les activités alléguéesde l'Iran qui avaient déclenché ces
actions étaient constitutives d'une «agression armée». Ainsi, au sujet des
actions menées par les Etats-Unis contre le complexe de Reshadat le
19 octobre 1987, l'arrêtdit ce qui suit:

((Par conséquent, pour établir qu'ils étaient en droit d'attaquer les
plates-formes iraniennes dans l'exercice du droit de légitime défense
individuelle, les Etats-Unis doivent démontrer qu'ils ont étéattaqués
et que l'Iran était responsable des attaques, et que celles-ci étaient de
nature à être qualzjîées d'«agression armée» tant au sens de l'ar-
ticle5I de la Charte des Nations Unies que selon le droit coutumier en
matière d'emploi de la force ...Les Etats-Unis doivent également

démontrer que leurs actions étaient nécessaires et proportionnées à
l'agression armée subie par eux, et que les plates-formes consti-
tuaient une cible militaire légitime susceptible d'être attaquée dans
l'exercice de la légitime défense. » (Arrêt, par. 51; les italiques sont
de moi.)

34. A mon avis, cependant, cette affirmation doit être considérée
comme inexacte par rapport à la tâche qui incombe à la Cour, en ce
qu'elle tend à faire du problème de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'ar-
ticle XX un problème de légitime défense en droit international. En fait,
énoncéeainsi de manière générale, la question qui se pose à nous se trans-
forme en une question de droit de légitime défense au regard du droit
international général - question qui échappe manifestement à la compé-
tence limitée que la Cour possède dans la présente affaire. Ce que la Cour
devrait faire ici dans le contexte de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'ar-
ticle XX, ce n'est pas de demander au défendeur ((d'établir que [les Etats-

Unis] étaient en droit d'attaquer les plates-formes iraniennes dans l'exer-of individual self-defence" (Judgment, para. 51 ;emphasis added), but to
engage, after determining whether the Respondent has established that
the alleged attacks were indeed attributable to Iran, in an examination of
whether the actions of the United States in question satisfied the condi-
tions required under Article XX, paragraph 1 (d), and, ancillary to that
examination, and to that extent only, to go into the problem of whether
the concrete modalities of those actions in the specific circumstances of
the case were not incompatible with what is required under relevant rules

of international law. In the process of examining these points, it should
be unnecessary for the Respondent to show that the alleged Iranian
activities were "of such a nature as to be qualified as 'armed attacks'
within the meaning of that expression in Article 51 of the United Nations
Charter" (Judgment, para. 51), since it is quite conceivable that certain
measures can be legally undertaken under Article XX, paragraph 1 (d),
of the Treaty, in relation to such activities as may not amount to an
"armed attack", as being "necessary to protect [the] essential security
interests" of the United States, in such a way that these measures arenot
incompatible with the requirements of the relevant rules of international

law. (This test of incompatibility would inevitably bring into the discus-
sion the whole problem of the scope of the use of force under customary
international law and within the United Nations Charter system - a
problem which 1 refrain from getting into as being unnecessary at this
juncture.)
35. Essentially the same comments on my part should apply to the
approach taken by the Judgment in relation to the actions of the United
States against the Salman and Nasr platforms on 18 April 1988. After
stating that

"in the present case a question of whether certain action is 'neces-
sary' arises both as an element of international law relating to self-
defence and on the basis of the actual terms of Article XX, para-
graph 1 (d), of the 1955 Treaty" (Judgment, para. 73),

the Judgment goes on to assert the following:
"The Court does not . . have to decide whether the United States

interpretation of Article XX, paragraph 1 (d), on this point is cor-
rect, since the requirement of international law that measures taken
avowedly in self-defence must have been necessary for that purpose
is strict and objective, leaving no room for any 'measure of discre-
tion'. The Court will therefore turn to the criteria of necessity and
proportionality in the context of international law on self-defence."
(Judgment, para. 73.)

1submit that this assertion of the Judgment is also open to question, since
to me the cardinal question that the Court must address in this part of its
enquiry is the question of whether the interpretation of the Respondent of
Article XX, paragraph 1 (d), in its entirety is justified or not. The task ofcice du droit de légitime défense)) (arrêt, par. 51; les italiques sont de
moi), mais, après avoir déterminé si le défendeur a établi que les attaques
alléguéesétaient bien imputables à l'Iran, d'examiner si les actions des
Etats-Unis satisfaisaient aux conditions requises par l'alinéa d) du para-
graphe 1de l'article XX et, accessoirement et dans ces limites seulement,
d'aborder la question de savoir si les modalités concrètes qu'ont revêtues

ces actions, dans les circonstances particulières de l'espèce, n'étaient pas
incompatibles avec ce que prescrivent les règles pertinentes du droit inter-
national. Et, pour cet examen, le défendeur ne devrait pas avoir à démon-
trer que les activités iraniennes alléguéesétaient «de nature à être quali-
fiées d'«agression armée)) ...au sens de l'article 51 de la Charte des
Nations Unies)) (arrêt, par. 51)' puisqu'il est tout à fait concevable que
certaines mesures puissent êtrelégitimement prises en vertu de l'alinéa d)
du paragraphe 1 de l'articlXX du traité face à des activités qui ne cons-
tituent peut-être pas une ((agressionarmée)),parce que ces mesures sont
«nécessaires à la protection [des] intérêts vitaux [des Etats-Unis] sur le

plan de la sécurité)),d'une manière non incompatible avec les prescrip-
tions des règles pertinentes de droit international. (Ce critère de l'incom-
patibilité conduirait évidemment à analyser l'ensemble du problème de
l'étendue du recours à la force selon le droit international coutumier et
dans le système de la Charte des Nations Unies - problème que je
m'abstiendrai d'aborder à ce stade.)

35. J'aurai à faire essentiellement les mêmes observations à propos de
l'approche suivie par l'arrêt au sujet des actions menées par les Etats-
Unis le 18 avril 1988 contre les plates-formes de Salman et de Nasr.

Après avoir dit que,
«en la présente affaire,la question de savoir si telle ou telle action est
((nécessaire» se pose à la fois en tant qu'élémentdu droit internatio-
nal de la légitime défense et au regard du texte mêmede l'alinéa d)
du paragraphe 1 de l'articleXX du traité de 1955)) (arrêt, par. 73)'

l'arrêt poursuit en ces termes :

«La Cour n'a ..pas à décider si l'interprétation que donnent les
Etats-Unis de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'articleXX est sur ce
point correcte, dès lors que l'exigence que pose le droit international,
selon laquelle des mesures prises au nom de la légitime défense
doivent avoir été nécessaires à cette fin, est rigoureuseet objective, et
ne laisse aucune place à «une certaine liberté d'appréciation)). La
Cour se penchera donc maintenant sur les critères de nécessitéet de
proportionnalité dans le cadre du droit international relatif à la légi-

time défense. » (Arrêt, par. 73.)
Cette affirmation de l'arrêt me paraît également contestable, car, selon
moi, la question cruciale que la Cour doit aborder à ce stade de sa re-
cherche est de savoir si l'interprétation que fait le défendeur de l'alinéa d)
du paragraphe 1 de l'article XX dans son intégralité estjustifiée ou non. Lathe Court should not be to examine and assess the actions of the United
States in question against the yardstick of "self-defence" under general
international law applying the criteria of necessity and proportionality as
the essential components of the right of self-defence under international
law - a task which the Court in the present case has no jurisdiction to
address as such. Instead, the task should be to examine and assess these
actions of the United States against the yardstick of Article XX, para-

graph 1 (d), of the Treaty applying the criteria of reasonableness and
necessity as the essential ingredients inherent in that Article - a task
which the Court is fully justified in carrying out within its jurisdiction.
36. To sum it up, the question that the Court should be addressing here
is not the question as to whether the actions of the United States satisfied
the requirements of "self-defence" under general international law; it is
the question, first and foremost, of examining whether these actions were
"necessary to protect [the] essentialsecurityinterests [of the United States]"
within the meaning of Article XX, paragraph 1 (d), of the 1955 Treaty. It
is only as an ancillary part of this examination, and to that extent only,
that the question of whether the concrete modalities that these actions of

the United States took were in fact confined within the bounds prescribed
by the relevant rules of international law relating to the use of force.
37. As has been repeatedly stressed above, it is crucial to keep in mind
that in the present case the competence of the Court is limited to the
examination of the claims of the Applicant under Article X, paragraph 1,
and does not extend to the examination of a broader and general prob-
lem of self-defence under general international law as such. For this
reason the present case is to be distinguished in some important respects
from the case concerning Military and Paramilitary Activities in and
against Nicaragua, where the Court had jurisdiction to deal squarely with

the issue of self-defence under international law in general. In this sense,
whereas the Judgment asserts that "the criteria of necessity and propor-
tionality must be observed zya measure is to be qualzjied as self-defence"
(Judgment, para. 43; emphasis added), the issue here is not whether the
measure in question is to be qualzjied as self-defence. The measures
in question are to be tested against the criteria of Article XX, para-
graph 1 (d), and not against the criteria of "self-defence" under general
international law, except to the extent that an examination of the latter
criteria becomes relevant as being ancillary to the examination of the
former criteria.

38. The general problem of self-defence under international law is an
extremely complex and even controversial subject both in terms of theory
and practice. It is my considered view that while it is of utmost impor-
tance for the Court to pronounce its authoritative position on this
general problem in a proper context, it should do so in a context where
it should be possible for the Court to deal with the problem squarely
in a full-fledged manner, with al1its ramifications both in terms of the law
and the facts involved.Cour n'a pas à examiner et apprécier les actions en cause des Etats-Unis
au regard du droit de ((légitimedéfense» en droit international général,

en appliquant les critères de nécessitéet de proportionnalité qui en sont
les élémentsessentiels - cette tâche ne relève pas de sa compétence dans
la présente affaire. Elle a seulement pour tâche d'examiner et d'apprécier
les actions des Etats-Unis au regard de l'alinéa d) du paragraphe 1 de
l'article XX du traité, en appliquant les critères essentiels de cet alinéa,
c'est-à-dire en se demandant si ces actes étaient raisonnables et néces-
saires - cette tâche-là relève pleinement de la compétence de la Cour.

36. Pour résumer, ce que la Cour devrait examiner ici, ce n'est pas la

question de savoir si les actes des Etats-Unis satisfaisaient aux conditions
d'exercice du droit de «légitime défense» en droit international général :
c'est, avant tout et surtout, celle de savoir si ces actes étaient ((nécessaires
à la protection des intérêts vitaux [des Etats-Unis] sur le plan de la sécu-
rité» au sens de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX du traité de
1955. Ce n'est qu'accessoirement, et dans ces limites seulement, qu'elle
doit se demander si les modalités concrètes revêtues par ces actes des
Etats-Unis s'inscrivaient en fait dans les limites prescrites par les règles

pertinentes du droit international sur l'emploi de la force.
37. Comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, il est essentiel de ne pas
oublier que, dans la présente affaire, la compétence de la Cour se borne à
l'examen des demandes que le demandeur fonde sur le paragraphe 1 de
l'article X, et qu'elle ne s'étend pas à l'examen du problème plus large et
plus général de la légitime défense en droit international général. C'est
pour cette raison que la présente espèce se distingue sur plusieurs points
importants de l'affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nica-
ragua et contre celui-ci, dans laquelle la Cour avait directement compé-

tence pour traiter de manière générale de la question de la légitime
défense au regard du droit international. En ce sens, et bien que l'arrêt
affirme que «les critères de nécessitéet de proportionnalité doivent être
respectés pour qu'une mesure puisse être qualzjîée d'acte de légitime
défense)) (arrêt,par. 43 ; les italiques sont de moi), la question n'est pas ici
de savoir si les mesures en cause peuvent êtrequalzjîéesd'actes de légitime
défense. Ces mesures doivent être appréciées au regard des critères de
l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX, et non pas au regard de ceux
de la ((légitimedéfense))en droit international général, excepté dans la

mesure où l'examen de ces dernierscritères devient pertinent parce qu'utile
- de manière accessoire - à l'examen des premiers.
38. Le problème généralde la légitime défense en droit international
est extrêmement complexe, et même controversé, tant en théorie qu'en
pratique. Après mûre réflexion, je pense que, s'il est de la plus haute
importance que la Cour expose son opinion autorisée sur ce problème
lorsque le contexte s'y prête, il faut aussi que ce contexte lui permette
d'aborder le problème directement et de façon approfondie, dans toutes
ses ramifications tant sur le plan du droit que sur celui des faits. 39. Such is not the case with the present situation for a number of rea-
sons. First of all, the scope of jurisdiction of the Court for considering
the present case is narrowly limited, as has been indicated above. In addi-
tion, the Respondent in its submissions in the Counter-Mernorial, in the
Rejoinder and in its final submissions in the oral pleadings did not rely

upon this concept of self-defence as its principal line of defence and did
not argue it in its full scope.Last but not least important is the fact that
the circumstances surrounding the whole series of incidents which alle-
gedly triggered the actions of the United States are shrouded in such deep
mist (and mystery) that it is not at al1easy to ascertain the full facts relat-
ing to the case, and to assess the actions of the United States against
those ascertained facts surrounding these actions in the context of the
doctrine of self-defence in general international law. Whether the actions
of the United States could be justified as an act of self-defence would
depend in the final analysis to a great extent upon the facts of the situa-

tion surrounding this case, although in the context of the present pro-
ceedings,it would seem from the evidencepresented to the Court that the
Respondent, charged with the burden of proof on this point, could not be
said in my view to have discharged the onus of proof to the satisfaction
of the Court.
40. For al1 these reasons, 1 conclude that this cannot be the place for
the Court to engage in an examination of the general problem of "self-
defence" in international law. If the Court should decide to get into the
second stage of the examination of the case relating to Article XX of the
Treaty, it would seem proper for the Court to approach the problem pri-
marily on the basis of the examination of the interpretation and applica-

tion of Article XX, paragraph 1 (d), of the Treaty, and, if necessary as
an ancillary exercise to this examination, to go into certain relevant
aspects of a broader problem of international law on the use of force,
but only to the extent relevant to the interpretation and application of
Article XX.

IV. THE PRESENCE OF ASYMMETRY IN THE PRODUCTION OF EVIDENCE

41. It must be said that in my view the present case is a highly unusual

and in some sense even bizarre case, in so far as its factual aspects are
concerned. There are certain specific characteristics which make this case
unique and make the task of the Court extremely complex.
First, with regard to the cause of action by the Applicant on the one
hand, the military actions taken by the United States are public know-
ledge - a point of fact which the United States as Respondent does not
contest. Thus the Applicant is not required to discharge the burden of
proof, as far as the alleged facts that constitute its cause of action are con-
cerned, as it would normally have to do in many contentious proceedings.
42. With regard to the defence by the Respondent on the other hand,

at any rate in so far as its defence based on Article XX, paragraph 1 (d), 39. Cela n'est pas le cas en l'espèce, pour plusieurs raisons. Tout
d'abord, l'étendue de la compétence de la Cour dans la présente affaire
est étroitement limitée, comme on l'a vu plus haut. De plus, le défendeur,
dans la thèse qu'il a présentée dans le contre-mémoire et dans la du-
plique, ainsi que dans les conclusions qu'il a déposéesdans la procédure
orale, n'a pas fondé principalement sa défense sur la notion de légitime
défense et n'a pas pleinement développé cet argument. Enfin et surtout, le
fait est que les circonstances entourant toute la série des incidents qui
auraient déclenchéles mesures des Etats-Unis sont enveloppées d'un tel
voile debrume (et de mystère) qu'il n'est pas du tout facile d'établir entiè-
rement les faits de la cause, ni de juger les actes des Etats-Unis compte
tenu des faits ainsi établis, dans le cadre de la légitime défense en droit
international général.La réponse à la question de savoir si les mesures
des Etats-Unis sont justifiées par un état de légitime défense dépendrait
dans une grande mesure, en dernière analyse, des circonstances de fait
particulières à l'espèce, bien que, au vu des élémentsde preuve présentés
à la Cour pendant la procédure, le défendeur, à qui incombe la charge de
la preuve sur ce point, ne semble pas à mon avis s'en être acquitté à la

satisfaction de la Cour.

40. Pour toutes ces raisons, je conclus que la Cour n'a pas à aborder
ici l'examen du problèmedela ((légitimedéfense)) en généraldans le droit
international. Si la Cour décide de passer à la deuxième phase de l'exa-
men de la cause en examinant l'article XX du traité, elle doit pour cela,
semble-t-il, examiner avant tout l'interprétation et l'application de l'ali-
néa d) du paragraphe 1 de l'article XX du traité et, si nécessaire et acces-
soirement, aborder certains aspects pertinents du problème plus général
de droit international relatif au recours à la force - mais seulement dans
la mesure où cela est pertinent pour l'interprétation et l'application de
l'article XX.

IV. LA DISSYMÉTRIE DANS LA PRODUCTION DES ÉLÉMENTS DE PREUVE

41. A mon avis, la présente espèce est très inhabituelle - on pourrait
même dire insolite - dans ses aspects factuels. Elle présente certaines

caractéristiques qui la rendent unique en son genre et qui compliquent
extrêmement la tâche de la Cour.
Premièrement, en ce qui concerne le motif de l'action du demandeur
d'une part, les actions militaires des Etats-Unis sont de notoriété pu-
blique - fait que les Etats-Unis, en tant que défendeur, ne contestent
pas. Ainsi, le demandeur n'a pas à prouver les faits qu'il allègue comme
constituant le motif de son action, ainsi qu'il devrait le faire le plus
souvent dans une procédure contentieuse.
42. En ce qui concerne les moyens de défense du défendeur, d'autre
part, du moins ceux qu'il tire de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'ar-is concerned, the Respondent is placed in a position to justify its actions
taken in relation to certain alleged activities of the Applicant, by estab-
lishing that its actions in question were taken against those activities
which were carried out by Iran. In this situation, the burden of proof on

the factual aspects of these alleged activities of Iran has come to rest with
the Respondent. It is the Respondent that has to establish that those
activities, against which it claims to have taken certain measures in the
form of military actions, are attributable to Iran - a point of fact which
the Applicant categorically denies. The net effect of this situation is that
somewhat paradoxically the failure of the Respondent in establishing cer-
tain material facts of the case could result, not simply in the failure of
that Party in its claim against the opponent - represented in the present

case typically in its counter-claim - but also in the attribution of inter-
national responsibility of that Party for its own actions taken against the
alleged but unsubstantiated activities of the Applicant.
43. Second, more significantly, this problem of establishing certain
material facts of the case has been made extremely difficult, due to the
existence of a hidden third party to the case which nevertheless has not
appeared as an actual party to the present proceedings - even by way of
a third party intervention - but which in fact has presumably been a

relevant party to the incidents that has led to the present proceedings.
The existence of Iraq, a State which throughout the material period of
the events that form the subject-matter of the present case was engaged in
war against Iran, and was actively engaged in the "Tanker War" that
formed the background of the incidents leading to the present proceed-
ings, makes the problem of ascertaining the material facts extremely com-
plex. Indeed, as the Judgment itself acknowledges, the actual situation

that prevailed in the region at that time was such that it would not be
unreasonable to surmise that virtually al1 the activities, involving attacks
by missile launching and by minelaying against neutral shipping includ-
ing the United States vessels passing through the Persian Gulf - the
activities which the Respondent claims to have triggered its military
actions at issue - were attributable either to Iran or to Iraq, or possibly
to both (Judgment, para. 44).

44. Under these circumstances, if one were to succeed in reaching a
truly objective conclusion on the problem of whether the actions of the
United States in the present case were justified against the alleged activi-
ties of Iran in the Persian Gulf under Article XX, paragraph 1 (d), of the
1955 Treaty - a question that the Court in my view is spared of address-
ing in the present case, as long as the Court comes to the conclusion
stated in the Judgment concerning Article X, paragraph 1, of the Treaty

(Judgment, para. 99) - it would be necessary for the Court to be
apprised of the whole truth about the relevant facts of the case in full
relating to the situation during the material period, including the alleged
incidents that led to the actions of the United States in 1987 and 1988.
Indeed, as has been stated above in paragraph 39, it would only be on theticle XX, le défendeur est tenu, pour justifier les mesures qu'il a prises en
réponse à certaines activités alléguéesdu demandeur, d'établir que ces
mesures répondaient à des activités menées par l'Iran. Ainsi, le fardeau
de la preuve, pour les aspects de fait de ces activités alléguéesde l'Iran,
pèse ici sur le défendeur. C'est lui qui doit établir que ces activités, contre
lesquelles il prétend avoir pris certaines mesures sous forme d'actions
militaires, sont imputables à l'Iran - fait que le demandeur nie catégo-
riquement. Le résultat de cette situation est que, assez paradoxalement, si
le défendeur ne parvient pas à établir certains faits, cela risque d'avoir
pour conséquence, non seulement qu'il n'obtiendra pas ce qu'il réclame
contre son adversaire - c'est-à-dire, principalement, ce qui est exposé
dans sa demande reconventionnelle - mais aussi que sa responsabilité
internationale sera engagée pour des actions qu'il aura lui-mêmeprises en
réponse aux activités alléguéesmais non prouvées du demandeur.

43. Deuxièmement, et cela est encore plus important, l'établissement
de certains faits pertinents a été rendu extrêmement difficile par l'exis-
tence d'une tierce partie cachée, qui, bien qu'elle n'ait pas participé à
l'instance - ni mêmedemandé à intervenir dans la procédure -, a cer-
tainement joué un rôle dans les incidents dont découle la présente affaire.
L'existence de l'Iraq, Etat qui, pendant toute la période pertinente pour
l'affaire, faisait la guerre à l'Iran et participait activement à la «guerre
des pétroliers)) sur le fond de laquelle se sont déroulésles incidents qui
sont à l'origine de l'affaire, rend extrêmement compliqué l'établissement
des faits. En fait, comme l'arrêtlui-mêmele reconnaît, vu la situation qui
existait à l'époque dans la région, il ne serait pas déraisonnable de sup-
poser que presque toutes les activités impliquant des attaques par missile
et le mouillage de mines visant les navires neutres, y compris ceux des
Etats-Unis passant par le golfe Persique - activités qui, selon le défen-
deur, auraient déclenchéses actions militaires en cause -, étaient impu-
tables soit à l'Iran soit à l'Iraq, soit peut-être à ces deux Etats à la fois
(arrêt, par. 44).

44. Dans ces circonstances, pour répondre de manière vraiment objec-
tive à la question de savoir si les actions en cause des Etats-Unis étaient
justifiées face aux activités alléguées del'Iran dans le golfe Persique au
regard de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'articleXX du traité de 1955 -
question que la Cour, à mon avis, n'a pas à aborder en l'espèce dès lors
qu'elle aboutit à la conclusion contenue dans l'arrêt au sujet du para-
graphe 1 de l'article X du traité (arrêt,par. 99) -, il faudrait que la Cour
connaisse toute la véritésur tous les faits pertinents concernant la situa-
tion pendant la période en cause, y compris les incidents alléguésqui ont
conduit aux actions des Etats-Unis en 1987 et 1988. En réalité,comme je
l'ai dit au paragraphe 39, c'est seulement sur la base de tous ces faits plei-
nement vérifiésque la Cour pourrait déterminer de façon concluante sibasis of such ascertained full facts that the Court could assess in a con-
clusive manner whether the alleged actions of the United States met the
conditions prescribed by the provisions of Article XX, paragraph 1 (d),
including, as relevant, the rules of general international law on the use of
force. This, 1 submit, the Court has not done. In order to do that, in my
view, the Court would have had to go deeper into ascertaining the facts

surrounding the case.
45. It goes without saying as a basic starting point in this context that
a fundamental principle on evidence actori incumbit onus probandi should
apply in the present case as well. Thus, the onus of proof to establish
these relevant facts inevitably lies with the Party which claims the exist-
ence of these facts (i.e., the Respondent) as the basis for the defence of its
actions complained of by the Applicant. On this basis, it must be said
that the Respondent has failed to discharge this burden of proof to the
satisfaction of the Court. To this extent, 1 concur with the conclusion on
this specific point reached by the Judgment.
46. Nevertheless, there is no denying the fact that there undoubtedly

exists an asymmetry in the situation surrounding this case as described
above, in terms of producing evidence for discharging the burden of
proof, between the position of the Applicant in its claim against the
Respondent and the position of the Respondent in its defence against the
Applicant. 1 am prepared to accept that this asymmetry is inherent in the
circumstances of the present case and that there is little the Court can do
under the circumstances. It is primarily the task incumbent upon the
party which claims certain facts as the basis of its contention to establish
them by producing sufficient evidence in accordance with the principle
actori incumbit onus probandi.

47. Accepting as given this inherent asymmetry that comes into the
process of discharging the burden of proof, it nevertheless seems to me
important that the Court, as a court of justice whose primary function is
the proper administration of justice, should see to it that this problem
relating to evidence be dealt with in such a way that utmost justice is
brought to bear on the final finding of the Court and that the application
of the rules of evidence should be administered in a fair and equitable
manner to the parties, so that the Court may get at the whole truth as the
basis for its final conclusion. It would seem to me that the only way to
achieve this would have been for the Court to take a more proactive
stance on the issue of evidence and that of fact-finding in the present

case.
48. This brings me to the problem of the standard of proof to be
required for discharging the burden of proof in a case where the party
who carries the burden of proof, though responsible for discharging that
burden, finds itself in an extremely difficult situation as seen from an
objective point of view.
49. It was Judge Sir Hersch Lauterpacht who stated, on this question
of the burden of proof, although under quite different circumstances, as
follows :les actions alléguées des Etats-Unis répondaient aux conditions prescrites
par l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'articleXX, y compris, dans la mesure
nécessaire, par les règles de droit international général relatives au recours
à la force. A mon sens, la Cour ne l'a pas fait: il aurait fallu pour cela
qu'elle s'engageât plus avant dans l'établissement des faits de la cause.

45. Il va sans dire à cet égard que le principe fondamental en matière
de preuve - actori incumbit onus probandi - doit aussi s'appliquer en
l'espèce. C'est donc inévitablement à la partie qui invoque l'existence de
certains faits pour justifier les actions qui lui sont reprochées par le
demandeur (autrement dit, au défendeur) qu'il incombe de prouver ces
faits. Cela étant, on doit dire que le défendeur ne s'est pas acquitté de ce
fardeau de la preuve à la satisfaction de la Cour. Dans cette mesure,

j'approuve la conclusion de l'arrêt sur ce point.

46. Néanmoins, on ne peut nier qu'il existe une dissymétrie évidente
dans la situation décrite ci-dessus, en ce qui concerne le fardeau de la
preuve, entre la position du demandeur à l'égard du défendeur et la posi-
tion du défendeur à l'égard du demandeur. Je veux bien admettre que
cette dissymétrie est inhérente aux circonstancesde l'espèce, et qu'il n'y a
pas grand-chose que la Cour puisse faire compte tenu de ces circon-
stances: il incombe essentiellement à la partie qui allègue certains faits
comme base de sa thèse d'établir ces faits par des preuves suffisantes en
application du principe actori incumbit onus probandi.

47. Mais, mêmeen acceptant l'idéeque cette dissymétrie découle iné-
vitablement de l'application du principe régissant le fardeau de la preuve,
je crois qu'il seraitimportant que la Cour, dont la fonction essentielle en
tant que cour de justice est la bonne administration de la justice, veille à
régler ce problème de manière à ce que ses conclusions finales soient
adoptées en toute justice, et de manière à appliquer les règles de preuve
de façon juste et équitable pour les parties, afin de pouvoir faire toute la
lumière sur une affaire avant d'adopter ses conclusions finales. Il me

semble que le seul moyen d'y parvenir aurait étépour la Cour d'adopter
une attitude plus active en matière de preuve et d'établissement des faits
dans la présente affaire.

48. Cela m'amène au problème des critères de preuve qui peuvent être
appliqués dans le cas où la partie à qui incombe le fardeau de la preuve se
trouve dans une situation extrêmement difficile d'un point de vue objectif.

49. C'est sir Hersch Lauterpacht qui, au sujet de cette question du far-

deau de la preuve, quoique dans des circonstances très différentes, a
déclaré : "There is, in general, a degree of unhelpfulness in the argument
concerning the burden of proof. However, some prima facie distri-
bution of the burden of proof there must be ... [Tlhe degree of bur-
den of proof. . .to be adduced ought not to be so stringent as to
render the proof unduly exacting." (Certain Norwegian Loans, 1. C.J.
Reports 1957, p. 39.)

50. The Court in the Corfu Channel case was itself confronted with a
situation where such consideration could apply. On the question of the
standard of proof involved in this case, the Court had the following to
Say :

"It is clear that knowledge of the minelaying cannot be imputed to
the Albanian Government by reason merely of the fact that a mine-
field discovered in Albanian territorial waters caused the explosions
of which the British warships were the victims . ...

On the other hand, the fact of [the] exclusive territorial control
exercised by a State within its frontiers has a bearing upon the
methods of proof available to establish the knowledge of that State
as to such events. By reason of this exclusive control, the other State,
the victim of a breach of international law, is often unable to furnish
direct proof of facts giving rise to responsibility. Such a State should
be allowed a more liberal recourse to inferences of fact and circum-
stantial evidence. This indirect evidence is admitted in al1 systems of
law, and its use is recognized by international decisions. It must be
regarded as of special weight when it is based on a series of facts
linked together and leading logically to a single conclusion." (1..J.
Reports 1949, p. 18.)

51. It goes without saying that there are fundamental differences
between the circumstances that gave rise to the incidents which formed
the cause of action by the Applicant before the Court in the Corfu Chan-

nel case and the circumstances that led to the incidents which formed the
basis for the defence by the Respondent before the Court in the present
case. One of the critical differences lies in the fact that the incidents in the
Corfu Channel case took place within the territorial waters of the
Respondent, while the incidents in question in the present case allegedly
took place in the international waters of the Gulf where the Applicant
had no "exclusive territorial control" (ibid.).
52. Nevertheless, it would seem to me that this dictum of the Corfu
Channel case contains some valid points which could be susceptible of
general application to an international court, where the procedures and
rules on evidence seem to be much less developed, and the task of the
Court for fact finding much more demanding, than in the case of the

national courts. It is on this consideration that, without in any way pre-
judging the ultimate outcome of such examination by the Court in the
present case, 1 should have liked to see the Court engage in a much more ((D'une manière générale,il n'y a pas grande assistance à attendre
de l'argument visant le fardeau de la preuve. Il faut toutefois qu'il y
ait une certaine répartition prima facie du fardeau de la preuve ...
[L]e degré du fardeau de la preuve à produire ..ne doit pas être si
strict qu'il rende la preuve déraisonnablement difficile» (Certains

emprunts norvégiens, C. 1.J. Recueil 1957, p. 39.)
50. Dans l'affaire du Détroit de Corfou, la Cour s'est elle-mêmetrou-
véeface à une situation où cette considération pouvait s'appliquer. Sur la
question des critères de preuve à utiliser dans cette affaire, la Cour a
déclaréce qui suit:

((On ne peut assurément induire la connaissance du mouillage
chez le Gouvernement albanais du seul fait qu'un champ de mines
découvert dans ses eaux territoriales a provoqué les explosions dont
furent victimes les navires de guerre britanniques ...
En revanche, le contrôle territorial exercé par 1'Etat dans les li-
mites de ses frontières n'est pas sans influence sur le choix des modes
de preuve propres à démontrer cette connaissance. Du fait de ce
contrôle exclusif, 1'Etat victime d'une violation du droit internatio-
nal se trouve souvent dans l'impossibilité de faire la preuve directe
des faits d'où découlerait la responsabilité. Il doit lui êtrepermis de
recourir plus largement aux présomptions de fait, aux indices ou
preuves circonstancielles (circumstantial evidence) .Ces moyens de
preuve indirecte sont admis dans tous les systèmes de droit et leur
usage est sanctionné par la jurisprudence internationale. On doit les
considérer comme particulièrement probants quand ils s'appuient
sur une sériede faits qui s'enchaînent et qui conduisent logiquement
à une mêmeconclusion. » (C.I. J. Recueil 1949, p. 18.)

51. Il va sans dire qu'il y a des différences fondamentales entre les cir-
constances qui ont donné lieu aux incidentsqui ont poussé le demandeur
à agir devant la Cour dans l'affaire du Détroit de Corfou et celles qui ont
causé les incidents sur lesquels le défendeur fonde sa défense dans la pré-
sente affaire. L'une des plus importantes réside dans le fait que, dans
l'affaire du Détroit de Corfou, les incidents avaient eu lieu dans les eaux
territoriales du défendeur, alors que ceux qui sont alléguésici se seraient
produits dans les eaux internationales du golfe, où le demandeur n'avait
pas de ((contrôleterritorial exclusif » (ibid. .

52. Néanmoins, il me semble que ce dictum de l'affaire du Détroit de
Corfou contient des éléments valables qui seraient susceptibles d'applica-
tion générale dans une juridiction internationale, où les procédures et
règles en matière de preuve semblent moins développées - et la tâche
consistant à établir les faits beaucoup plus difficile- que dans les juri-
dictionsnationales. C'est pourquoi, sans préjuger aucunement du résultat
qu'aurait eu un tel examen dans la présente affaire,j'aurais aimé voir la
Cour se livrer à un examen beaucoup plus approfondi de ce délicat pro-in-depth examination of this difficult problem of ascertaining the facts of
the case, if necessary proprio motu, through various powers and pro-
cedural means available to the Court under its Statute and the Rules
of Court, including those relating to the questions of the burden of proof
and the standard of proof, in the concrete context of the present case.

(Signed) Hisashi OWADA.blème de l'établissement des faits en l'espèceproprio motu si besoin était,
grâce aux divers pouvoirs et moyens de procédure dont elle dispose en
vertu de son Statut et de son Règlement, y compris ceux qui concernent
le fardeau de la preuve et les exigences en matière de preuve, dans le
contexte concret de la présente espèce.

(Signé) Hisashi OWADA.

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Opinion individuelle de M. Owada (traduction)

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