Opinion dissidente de M. Elaraby (traduction)

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090-20031106-JUD-01-08-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE ELARABY

[Traduction]

La Cour aurait dû tirer les conséquences de l'emploi illicite de la force-
L'action militaire menée par les Etats-Unis contre l'Iran relève des représailles
armées - Les motifs pour lesquels la Cour rejette la thèse de l'Iran pour qui il
y a violation du paragraphe I de l'articleX ne sont pas solides - L'identité des
plates-formes participant à la production de pétrole est sans pertinence - Le
commerce indirect a étépréservé sous le régime de l'embargo - Le para-
graphe I de l'articleX ne peut pas êtreinterprété comme excluant le com-
merce indirect - La Cour aurait dû se prononcer de façon plus détailléesur la
question de l'emploi de la force.

Après mûre réflexion et non sans hésitation, j'ai voté contre le premier
paragraphe du dispositif et pour le second. Mon hésitation s'explique par

le fait que, par principe, je souscris à ce qui fait principalement l'objet de
la première conclusion énoncée dans l'arrêt. Si j'ai voté contre, c'est que
je suis dans l'impossibilité d'accepter l'énoncé théorique adopté par la
Cour. A mon sens, cet énoncéne vise pas à tenir compte de tous les para-
mètres liésaux limites définies par la Charte et par les règles pertinentes
du droit international en ce qui concerne l'interdiction du recours à la
force. En me fondant sur les faits pertinents tels que je les entends et sur

mon interprétation de la jurisprudence en généralet de celle de la Cour,
je joins à l'arrêt la présente opinion dissidente pour faire connaître mes
vues. Comme j'ai voté pour la décision consistant à rejeter la demande
reconventionnelle, je m'abstiendrai de toute observation sur cette ques-
tion.
Les motifs qui m'incitent à voter contre la majorité reposent sur trois
éléments:

i) l'interdiction du recours à la force;
ii) la question de savoir s'ily a eu violation des obligations découlant du
paragraphe 1 de l'articleX du traité;
iii) divers aspects de la compétence.

1.1. Pour l'essentiel, l'affaire porte sur la responsabilitéinternationale.
Il s'agit de savoir s'il est possible à un Etat de recourir à la force à
l'encontre d'un autre Etat en dehors des limites définies par la Charte des
Nations Unies. C'est-à-dire que, quand il est établi qu'un Etat a commis
un acte illicite, la Cour est tenue de se prononcer de façon définitive sur
les conséquences juridiques de l'acte illicite à condition, bien entendu,

qu'elle soit dotée de la compétence voulue. Il ne faut pas oublier que laCour dit dans sa première conclusion que l'action des Etats-Unis n'est
pas justifiée et qu'elle dit au paragraphe 42 del'arrêt que le critère servant
à apprécier la licéitéd'un acte reposant sur l'emploi de la force est celui
des ((dispositionsdela Charte des Nations Unies et du droit international
coutumier))(arrêt, par. 42). Voilà qui, à mon sens,revient inévitablement
à reconnaître que la Cour est compétente pour se prononcer de façon
exhaustive sur la licéité del'emploi de la force. En l'espèce, l'emploi de la
forcen'avait pas à être prouvé,il était admis comme tel. Mais il n'en a été
tiré aucune conséquence juridique.
Le principe de l'interdiction de l'emploi de la force dans les relations
internationales tel qu'il est consacré au paragraphe 4 de l'article 2 de la
Charte est incontestablement le principe le plus important du droit inter-
national contemporain à régir le comportement interétatique; c'est du
reste la pierre angulaire de la Charte. Ce principe traduit une règle dujus
cogens à laquelle il est impossible de déroger. Ce principe fondamental
établit une distinction entre l'èrepostérieure à la Charte dans laquelle vit
une communauté d'Etats civilisée et respectueuse du droit et l'ère anté-
rieure à la Charte pendant laquelle les Etats les plus forts et les plus puis-
sants n'étaient guère empêchésd'attaquer les pays faibles dès qu'ils le
voulaient en étant assurés de l'impunité.
La principale question à laquelle il faut répondre dans l'arrêt serait
donc celle-ci: est-il légitimement acceptable qu'un Etat échappe à la res-
ponsabilité internationale des conséquences d'une attaque armée menée
délibérémenten faisant valoir :

a) un moyen de défense reposant sur une disposition d'un traité com-
mercial ;ou, subsidiairement,
b) en invoquant le droit de légitime défense au titre de l'article 51 de la
Charte en l'absence des conditions définiespar la Charte des Nations
Unies et par le droit international coutumier?
Dans son arrêt de 2003, la Cour dit: ((11est indéniable que le différend
initial entre les Parties portait sur la licéitédes actions menées par les
Etats-Unis. » (Arrêt, par. 37.)
Il s'ensuit que, au cas où elle dirait que les mesures prises par les Etats-
Unis étaient illicites, la Cour serait alors tenue de déclarer que les Etats-
Unis ont agi contrairement aux obligations leur incombant au titre de la
Charte des Nations Unies et du droit international coutumier.
La Cour a raison de rejeter la prétention des Etats-Unis quand ceux-ci
plaident que leur recours à la force peut se justifier puisqu'il s'agissait de
mesures visant à protéger les intérêts vitaux des Etats-Unis en matière de
sécurité relevant des dispositions de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'ar-
ticleXX du traité d'amitié, de commerce et de droits consulaires. Je tiens à
dire à nouveau que je souscris à cette conclusion de la Cour. Il n'est pas
possible d'invoquer une disposition d'un traité commercial pour justifier
le recours à la force.
En 1986, dans l'affaire Nicaragua, la Cour, quand elle a examiné les
dispositions de l'article XXI du traité d'amitié, de commerce et de navi-gation conclu entre le Nicaragua et les Etats-Unis, ne s'est pas contentée
de dire simplement que le recours à la force n'était pas justifié. Elle est
allée plus loin et s'est intéresséede façon exhaustive à l'interdiction de

l'emploi de la force dans les relations internationales sous divers aspects
et sous l'angle de diverses conséquences. Dans l'arrêt Nicaragua, la Cour
reconnaît que les Etats-Unis, en recourant à la force, «ont, à l'encontre
de la République du Nicaragua, violé les obligations que leur impose le
droit international coutumier de ne pas recourir à la force contre un autre
Etat » (Activités militaires etparamilitairesau Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), fond, arrêt, C.Z.J. Recueil 1986,
p. 147, par. 292, point 6)). En l'espèce, la Cour a toutefois adopté un
énoncéqui est en quelque sorte, à mon sens, tronqué et par conséquent
incomplet. L'énoncéde la conclusion formulée dans l'arrêt ne se situe
malheureusement pas au niveau voulu. La Cour

«Dit que les actions menées par les Etats-Unis d'Amérique contre
les plates-formes pétrolières iraniennes le 19 octobre 1987 et le
18 avril 1988 ne sauraient êtrejustifiées en tant que mesures néces-
saires à la protection des intérêts vitauxdes Etats-Unis sur le plan de
la sécuritéen vertu de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX du
traité d'amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 entre
les Etats-Unis d'Amérique et l'Iran, tel qu'interprété à la lumière du
droit international relatifà l'emploi de la force.)) (Arrêt, par. 125,
point l).)

Ce qui m'inquiète surtout, c'est que l'énoncéqui a étéretenu risque de
porter fâcheusement atteinte aux paramètres définis dans la Charte des
Nations Unies et réaffirméspar lajurisprudence de la Cour dans l'affaire
Nicaragua. Or, nous constatons actuellement que l'état de droit est vio-
lemment contesté dans diverses régions du globe et les prononcés de
l'organejudiciaire principal des Nations Unies peuvent renforcer et étayer
utilement l'interdiction du recours à la force.
En outre, l'arrêt rendu en l'espèce s'abstient d'évoquer les corollaires
juridiques de la conclusion formulée qui ont étédéfinis et établis claire-
ment dans l'arrêt Nicaragua. Les termes qu'utilise la Cour sont très dis-
crets. On aurait pu s'attendre à plus de clarté du point de vue juridique de
la part de la Cour sur une question aussi grave que l'emploi de la force
par un Etat partie àun traité protégé d'amitié, decommerce et de naviga-
tion à l'encontre d'un autre Etat partie au mêmetraité.
En 1986, dans l'affaire Nicaragua, la Cour dit : «Dans le cas de la légi-
time défense individuelle, ce droit ne peut êtreexercé que si 1'Etat inté-
ressé a étévictime d'une agression armée. » (Activités militaires et para-
militaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis
d'Amérique), C.I. J.Recueil 1986, fond, arrêt, p. 103, par. 195.) En
l'espèce, il n'est nulle part affirmé dans l'arrêt que les Etats-Unis ont été
victimes d'une «agression armée». Au contraire, la Cour indique claire-
ment que les incidents dont les Etats-Unis font état PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.DISS.ELARABY) 293

((ne [lui] semblent pas ...constituer une agression armée contre les
Etats-Unis comparable à ce qu'elle a qualifié, en l'affaire des Activi-
tés militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, de
forme d'emploi de la force parmi ((les plus graves »» (arrêt, par. 64).

A la suite de quoi la Cour est parvenue à la conclusionque l'emploi de la
force par les Etats-Unis ne saurait êtreconsidéré comme relevant de la
légitime défense.
Pourtant, la Cour n'a pas osétirer la seule conclusion découlant logi-
quement de la conclusion qu'elle énonce en disant que l'emploi de la

force par les Etats-Unis
((ne saur[ait] êtrejustifi[é] en tant que mesur[e] nécessair[e] à la pro-
tection des intérêts vitaux des Etats-Unis d'Amérique sur le plan de
la sécuritéen vertu de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'articlXX du

traité d'amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 entre
les Etats-Unis d'Amérique et l'Iran, tel qu'interprété à la lumière du
droit international relatif à l'emploi de la force» (arrêt, par. 125,
point 1)).
1.2. Compte tenu de ce qui précède, la Cour eût étébien avisée de

suivre dans la cohérence son arrêtde 1986 en motivant sa conclusion re-
lativeà l'alinéad) du paragraphe 1 de l'article XX par une définition ferme
et nette du caractèrejuridique de l'emploi de la force armée par les Etats-
Unis. Il aurait fallu à mon sens faire état des trois élémentsprincipaux
ci-après :

i) dire que l'emploi de la force par les Etats-Unis ne saurait se justifier
par l'article XX du traité de 1955, ce que la Cour a fait d'ailleurs
mais sans le compléter comme elle l'a fait dans l'affaire Nicaragua en
tirant argument de la violation par les Etats-Unis des obligations que
le traité leur imposait, laCour se fondant ici sur des arguments non
étayéspar les faits ni par une analyse juridique solide;
ii) dire clairement que l'emploi de la force par les Etats-Unis violait
l'obligation leur incombant au titre du droit international coutumier
de ne recourir à l'emploi de la force sous aucune forme à l'encontre
d'un autre Etat;

iii) enfin, dire que cet emploi de la force par les Etats-Unis revenait à
violer la souveraineté de l'Iran.
Sous un autre aspect encore, il manque un élémentà l'arrêt: la Cour a
conclu au paragraphe 72 qu'elle ((n'est pas en mesure de dire qu'il a été
démontré que les attaques contre les plates-formes de Salman et de Nasr

constituaient une riposte justifiée à une ((agression armée» de l'Iran
contre les Etats-Unis» (arrêt, par. 72). La Cour a également relevé que
((l'attaque menée contre les plates-formes de Salman et de Nasr ne
constituait pas une action isolée visant simplement les installations
pétrolières, ce qui avait étéle cas des attaques du 19 octobre 1987.

Elle s'inscrivait dans le cadre d'une opération militaire bien plus PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.DISS.ELARABY) 294

vaste, appelée «Operation Praying Mantis )) (((mante religieuse »),
menée par les Etats-Unis contre ce qu'ils estimaient être des ((cibles

militaires légitimes));la force armée fut employée, et des dommages
furent infligés à plusieurs cibles, avec notamment la destruction de
deux frégates iraniennes ainsi que de plusieurs navires et aéronefs
militaires iraniens» (arrêt, par. 68).

Si, comme la Cour le dit, cet emploi de la force ne répondait pas à la
légitime défense, il s'agirait alors de représaillesarmées. En fait, d'ailleurs,
le général George Crist a dit sans ambages de l'opération en question
qu'elle visait «à gênerleurs moyens d'observation de nos forces, bref à
leur enlever leurs yeux)), et a dit en outre en 1997 qu'il avait pour ((objec-
tif d'assurer plus fermement la protection [des] forces [des Etats-Unis] en
privant l'Iran d'un plus grand nombre de ses moyens d'observation))

(Plates-formes pétrolières (République islamique d'Iran c. Etats-Unis
d'Amérique), contre-mémoire et demande reconventionnelle des Etats-
Unis d'Amérique, annexes, vol. II, pièce 44, p. 6, par. Il). Dans sa
pièce 69, l'Iran reproduit un compte rendu du Washington Post en date
du 20 octobre 1987 qui contient la phrase ci-après:

«l'attaque, lancée quand les forces américaines ont vu des Iraniens
s'enfuir de l'installation,a étédécrite par un porte-parole du dépar-
tement de la défense comme une «cible opportune» inattendue et
elle n'avait pas été planifiée))(Plates-formes pétrolières (République
islamique d'Iran c. Etats- Unis d'Amérique), mémoire de l'Iran,

pièces documentaires 41-90, vol. III, 8 juin 1993, annexe 69).
Mais l'Iran était en guerre avec l'Iraq et non pas avec les Etats-Unis.
C'est-à-dire que l'action militaire menée par les Etats-Unis à l'encontre

de l'Iran doit être considérée comme correspondant à des représailles
militaires. Il ne faut pas oublierque, dans l'arrêt Nicaragua rendu en 1986,
la Cour dit: «Les Etats ont le devoir de s'abstenir d'actes de représailles
impliquant l'emploi de la force. ))(Activités militaires etparamilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats- Unis d'Amérique), fond,
arrêt, C.1.J. Recueil 1986, p. 101, par. 191.)
C'est au moyen d'un obiter dictum, dans la motivation, qu'il aurait
fallu, à mon sens, évoquer le caractère illicite des représailles en droit
international. Un prononcé sur ce point de la part de l'institution judi-

ciaire la plus éminente aurait incontestablement ajouté du poids au prin-
cipe de l'illicéitéde la pratique en question, illicéitédue à l'existence de ce
que le professeur Derek Bowett appelait dès 1972 le «manque de crédi-
bilité~ imputable à «la divergence entre la norme et la pratique des
Etats)) (D. Bowett, ((Reprisais Involving Recourse to Armed Force)),
American Journal of International Law, vol. 66, no 1, 1972). La Cour
avait déjà affirmédès 1949, dans l'affaire du Détroit de Corfou, qu'il était
illicite de recourir de sa propre initiative à la force en disant qu'elle

devait, «pour assurer l'intégrité du droit international dont elle est
l'organe, constater la violation par l'action de la marine de guerre britan- PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.DISS.ELARABY) 295

nique de la souveraineté de l'Albanie» (Détroit de Corfou, fond, arrêt,
C. IJ. Recueil 1949, p. 35). Sur ce point, l'analyse de sir Humphrey Wal-
dock est très fine. Il a écrit ceci:

«la Cour a donc établi nettement une distinction entre l'affirmation
par la force de droits dont on menace de chercher à empêcher dans
l'illicéitél'exercice et le recours à la force de sa propre initiative qui
vise à obtenir la réparation de violations déjà commises; le premier
recours à la force est accepté comme légitime, le second est condamné

comme illicite. Mais s'il est donc légitime de faire ainsi reconnaître
l'exercice d'un droit, il ne faut pas exagérer la portée de cette déci-
sion. Cela ne veut absolument pas dire qu'un Etat peut recourir à la
force chaque fois qu'un Etat tiers menace de violer ses droits; car,
dans son deuxième prononcé, la Cour dit avec la plus grande fermeté
que le respect de la souveraineté territoriale est une règle fondamen-
tale.» (Sir Humphrey Waldock, ((States and the Law Governing
Resort to Force», Recueil des cours de l'Académie de droit interna-
tional de La Haye, vol. 106, 1962, p. 240.)

L'affaire des Plates-formes pétrolières donnait à la Cour l'occasion
d'affirmer à nouveau, de préciser et de développer si possible le droit relatif
à l'emploi de la force sous toutes ses manifestations, de sorte que la Cour
puisse continuer à ((aider concrètement à développer et préciser les règles
et les principes du droit international)) (sir H. Lauterpacht,ancien juge à la
Cour, dans The Development of International Law by the International
Court of Justice, nouvelle édition, 1982, p. 5).Malheureusement, la Cour

n'a pas saisi cette occasion. Elle s'est abstenue dans le présent arrêtd'exa-
miner comment la doctrine s'est affinée et progressivement développée.
La Cour n'a pas mêmeenvisagé d'obiter dictum. La communauté interna-
tionale était en droit de compter que la Cour internationale de Justice,
sur une question aussi importante que celle de l'interdiction de recourir
à la force, saisirait l'occasion d'éclaircir et de renforcer l'interdiction
et d'ajouter valeur probante à la jurisprudence existante.

II. LA SECONDE CONCLUSION FORMULÉE SUR LE PARAGRAPHE 1
DE L'ARTICLE X

2.1. L'arrêt de 1996 a limité au paragraphe 1 de l'articlX du traité la
base de compétence de la Cour. L'étroitesse de ces limites a exercé une

influence sur l'approche à retenir pour examiner l'espèce et a lié lesmains
de la Cour, restreignant ainsi la portée générale de l'arrêt rendu
aujourd'hui en vertu duquel la Cour dit
((qu'elle ne saurait cependant accueillir la conclusion de la Répu-
blique islamique d'Iran selon laquelle ces actions constituentune vio-

lation par les Etats-Unis d'Amérique des obligations que leur impose
le paragraphe 1 de l'article X [du] traité, relatives à la liberté de com-
merce entre les territoires des parties» (arrêt, par. 125, point 1)). La motivation qui inspire à la Cour cette conclusion n'est pas à mon
avisétayéepar les faits établis. La constatation ne me paraît pas bien fon-
dée ni en fait ni en droit, et je ne trouve pas non plus qu'elle soit com-
patible avec la conclusion formulée en 1996 sous certains de ses aspects,

lesquels sont aujourd'hui considérés comme relevant de la res judicata.
On sait que dans son arrêt de 1996 la Cour a dit ceci:
«Le traité de 1955 met à la charge de chacune des Parties des
obligations diverses dans des domaines variés. Toute action de l'une

des Parties incompatible avec ces obligations est illicite, quels que
soient les moyens utilisés à cette fin. La violation, par l'emploi de la
force, d'un droit qu'une partie tient du traité est tout aussi illicite
que le serait sa violation par la voie d'une décision administrative
ou par tout autre moyen. Les questions relatives à l'emploi de la
force ne sont donc pas exclues en tant que telles du champ d'appli-
cation du traité de 1955. L'argumentation exposée sur ce point par
les Etats-Unis doit de ce fait être écartée.» (Plates-formes pétro-
lières (République islamique d'Iran c. Etats- Unis d'Amérique),
exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 811-812,

par. 21 .)
«La Cour ne saurait en tout état de cause perdre de vue que
le paragraphe 1 de l'article X du traité de 1955 ne protège pas à
proprement parler le ((commerce » mais la «liberté de commerce ».
Tout acte qui entraverait cette «liberté» s'en trouve prohibé. Or,
sauf à rendre une telle liberté illusoire, il faut considérer qu'elle

pourrait êtreeffectivement entravée du fait d'actes qui emporteraient
destruction de biens destinés à être exportés, ou qui seraient sus-
ceptibles d'en affecter le transport et le stockageen vue de l'exporta-
tion.
La Cour relèvera à ce sujet que le pétrole pompé à partir des
plates-formes attaquées en octobre 1987 passait de ces plates-formes
au terminalpétrolier de l'île de Lavan par le moyen d'un oléoduc sous-
marin et que l'installation de Salman, qui a fait l'objet de l'attaque
d'avril 1988, était aussi reliée au terminal pétrolier de Lavan par un
oléoduc sous-marin. » (Ibid., p. 819-820, par. 50.)

La Cour a dit en outre:

«En l'état actuel du dossier, la Cour n'est certes pas en mesure de
déterminer si et dans quelle mesure la destruction des plates-formes
pétrolières iraniennes a eu des conséquences sur l'exportation du
pétrole iranien; elle n'en constate pas moins que cette destruction
était susceptible d'avoir un tel effet et de porter par suite atteinte
à la liberté de commerce telle que garantie par le paragraphe 1 de
l'articleX du traité de 1955. Sa licéitéest dès lors susceptible d'être

appréciée au regard de ce paragraphe. L'argumentation exposée
sur ce point par les Etats-Unis doit être écartée.)) (Ibid., p. 820,
par. 51 .) PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.DISS.ELARABY) 297

Comment la Cour est-elle aujourd'hui amenée à conclure comme elle le
fait, c'est-à-dire, à mon sens, en faisant montre d'une certaine incohé-
rence par rapport à son précédent arrêt? Quand j'analyse la motivation
par laquelle la Cour étaye sur ce point la conclusion de 2003, je constate

que la Cour s'appuie sur trois hypothèses de départ fort peu solides.
2.2. La première de ces hypothèses est que l'attaque lancée en octobre
1987 contre les complexes de Reshadat et Resalat n'a pas fait obstacle au
transport pétrolier parce que les plates-formes étaient hors d'état de fonction-
ner à la suite d'attaques iraniennes. Cette conclusion ne tient absolument pas
compte du fait que le traité de 1955 impose l'obligation de ne pas faire ob-
stacle à la liberté de commerce ni aux activités commerciales entre les terri-
toires des deux parties en général.C'est-à-dire qu'il est sans pertinence de
constater qu'à un certain moment une plate-formedonnée produit du pétrole
ou n'en produit pas. Le territoire de l'Iran produisait du pétrole qui était

transporté jusqu'au territoire des Etats-Unis. La destruction d'une seule et
unique plate-forme porte atteinte à la faculté pour l'Iran d'exporter du
pétrole, lui fait obstacle et limite cette capacité de l'Iran alors que, comme la
Cour l'a reconnu en 1996,l'exportation de pétroleest un aspect vital de l'éco-
nomie iranienne et un élémentimportant du commerce extérieur de l'Iran.
La Cour dit en outre que

«[il1pourrait êtreraisonnablement soutenu que, si les plates-formes
n'avaient pas étéattaquées, une partie du pétrole qu'elles auraient
produit aurait étéincluse dans les quantités de brut transformées en
Europe occidentale en produits pétroliers exportés aux Etats-Unis »
(arrêt, par. 96).

En 1996, la Cour avait adopté une définition exhaustive, générale, de
l'expression «liberté de commerce)). En disant que tout acte de nature à
faire obstacle à cette liberté est interdit, la Cour a clairement établi que
les Parties sont juridiquement tenues de protéger la liberté de commerce
et que faire obstacle à cette liberté de commerce est une violation du
traité qui engage la responsabilité de la partie auteur de ladite action.
Dans l'affaire Oscar Chinn, l'expression «liberté de commerce » a été
entendue comme ne visant pas seulement des activités d'achat et de vente

de biens mais encore «l'industrie». Dans son arrêt de 1996, la Cour a
estimé que
«il serait naturel d'interpréter le mot «commerce » au paragraphe 1
de l'articleX du traité de 1955 comme incluant des activités com-
merciales en général - non seulement les activités mêmesd'achat et

de vente, mais également les activités accessoires qui sont intrinsè-
quement liéesau commerce » (Plates-formes pétrolières (République
islamique d'Iran c. Etats- Unis d'Amérique), exception préliminaire,
arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 819, par. 49).

Cet arrêt de 1996 qui a donc le caractère de res judicata ne concorde
pas avec les conclusions formulées dans l'arrêt de 2003 sur le para-
graphe 1 de l'article X du traité. PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.DISS.ELARABY) 298

A l'époque où a étélancéela première attaque, l'exportation de pétrole à

destination des Etats-Unisétait assuréecomme d'habitude. En outre, d'après
ce que dit l'Iran, il était prévu que les complexes de Reshadat et Resalat
reprendraient la production pétrolièrele 24 octobre 1987. Au paragraphe 93
de l'arrêt, la Cour dit qu'elle «ne dispose d'aucun élémentd'information
quant à la question de savoir si, au moment des attaques, le calendrier des
travaux était respecté))(arrêt, par. 93). Il est sans pertinence de savoir si les
turbines étaient ou non réparéesavant le 29 octobre 1987, qui est la date à
laquelle 1'Executive Order 12613 a été promulguéet l'embargo a été imposé.
Ce qui est pertinent c'est que l'attaque d'octobre 1987 a eu lieu à un

moment où, même si l'opération était menée à partir d'autres plates-
formes, il était exporté du pétrole à destination des Etats-Unis. Au para-
graphe 91, la Cour note :

«L'Iran affirme - et les Etats-Unis ne le contestent pas - qu'il
existait un marché pour le brut iranien importé directement aux
Etats-Unis jusqu'à l'adoption de 1'Executive Order 12613 du 29 oc-
tobre 1987. Les exportations de pétrole iranien jusqu'à cette époque
constituaient donc un ((commerce ...entre les territoires des deux
Hautes Parties contractantes)) au sens du paragraphe 1 de l'article X
du traité de 1955.)) (Arrêt, par. 91.)

Il est clairement admis, par conséquent, que le paragraphe 1 de l'article X
a étévioléau cours des dix jours s'écoulant entre le 19 octobre 1987, date
de la première attaque lancée contre les complexes de Reshadat et Resa-
lat, et le 29 octobre 1987. C'est là un fait établi désormais incontour-
nable. Il est sans pertinence de chercher à savoir si, à ce moment-là, les deux
plates-formes procédaient ou non à des opérations de production ou de
transformation du pétrole. Le fait demeure qu'il y avait toujours pendant

cette période commerce de pétrole. Malgré tout le respect que je dois à la
Cour, je ne vois pas qu'il soit opéré de distinction dans le traité en fonc-
tion des plates-formes qui produisent le pétrole protégé par les disposi-
tions dudit traité. La Cour a du reste accepté cette idéeau paragraphe 82
quand elle dit «que ce sont les exportations de pétrole de l'Iran vers les
Etats-Unis qui sont pertinentes en l'espèce, et non les exportations de
pétrole iranien en général» (arrêt, par. 82).
Et il convient de rappeler ici que la liberté de commerceprotégée par le

traité ne se limite pas au commerce entre les trois plates-formes et les
Etats-Unis, il s'agit du commerce entre l'Iran tout entier et les Etats-
Unis. Comme l'a fait observer le conseil de l'Iran:
«en détruisant les plates-formes, [les Etats-Unis] ont porté atteinte à

la liberté de l'Iran d'organiser son commerce comme il l'entendait
depuis son territoire: depuis les plates-formes (ou non), de diminuer
la production ailleurs pour l'accroître sur les plates-formes, etc. ))
(CR2003115, p. 49, par. 21).

2.3. La deuxième prémisse sur laquelle la Cour s'appuie est que,
une fois l'embargo imposé à la suite de l'adoption de 1'Executive PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.DISS.ELARABY) 299

Order 12613,le 29 octobre 1987, la situation s'est modifiée en droit parce
qu'il était mis fin aux importations de pétrole en provenance d'Iran. Or,
en réalité, les importations de pétrole en provenance d'Iran n'ont jamais

cessé. Elles ont simplement été limitées aux paramètres autorisés par les
dispositions de 1'Executive Order. Le commerce entre les territoires des
deux Parties n'a donc jamais cessé complètement. La Cour reconnaît le
fait quand elle dit ceci:

((La Cour ne voit aucune raison de douter que, au cours de la
période durant laquelle l'embargo des Etats-Unis était en vigueur,
des produits pétroliers dérivésen partie de pétrole brut iranien soient
parvenus aux Etats-Unis en très grandes quantités. L'Executive
Order 12613 comportait une exception (section 2 b)) selon laquelle
l'embargo ne devait pas s'appliquer aux ((produits pétroliers raffinés
à partir de brut iranien dans un pays tiers». Il pourrait être raison-
nablement soutenu que, si les plates-formes n'avaient pas étéatta-
quées, une partie du pétrole qu'elles auraient produit aurait été
incluse dans les quantités de brut transformées en Europe occiden-

tale en produits pétroliers exportés aux Etats-Unis. ))(Arrêt,par. 96.)
Le fait à retenir est que, avant l'embargo, le commerce de pétrole entre
les territoires des Parties continuait d'être pratiqué comme d'habitude.
Une fois l'embargo en vigueur, seules ont été apparemment interrompues

les exportations directes de pétrole à destination des Etats-Unis. Mais il
convient de noter à ce sujet que l'économie iranienne a bénéficiéd'une
augmentation de la demande de brut sur les marchés d'Europe occiden-
tale et que cette augmentation correspondait à des achats accrus de
pétrole d'Europe occidentale par les importateurs des Etats-Unis. Dans
ces conditions, il entrait bien du pétrole iranien aux Etats-Unis, mais il y
était importé par l'intermédiaire de pays tiers, contre des capitaux amé-
ricains qui parvenaient finalement, eux aussi, à destination, en Iran,
comme l'autorisait pleinement l'article 2 c) de 1'Executive Order.
Dans l'affaire Nicaragua, la Cour a décidé que «les Etats-Unis

d'Amérique ..par l'embargo généralsur le commerce avec le Nicaragua ...
ont violé leurs obligations découlant ...du traité» (Activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats- Unis
d'Amérique), fond, arrêt, C. I.J. Recueil 1986, p. 148, par. 292, point 11);
les italiques sont de moi). Mais l'Iran, comme la Cour l'a fort justement
noté, «a choisi de ne pas soulever formellement » (arrêt, par. 94) la ques-
tion de l'imposition de l'embargo. Les Parties n'ont donc pas plaidé la
licéitéde l'embargo. Aux fins de l'arrêt, il faut donc considérer que
l'embargo n'a pas d'intérêt en soi et la Cour a donc déclaréqu'elle ne
s'occupait ici que des ((effetspratiques de l'embargo» (arrêt, par. 94).

Et le premier de ces effets pratiques qu'il convient de reconnaître
doit être que I'Executive Order 12613 en date du 29 octobre 1987 n'a
pas mis fin à la totalité des importations de pétrole iranien aux Etats-
Unis :il est dit à la section 2 b) du décret en question: ((L'interdiction
prévue à la section 1ne s'applique pas :..b) aux produits pétroliers raffinésà partir de brut iranien dans un pays tiers.)) (Plates-formes pétrolières
(République islamique d'Iran c. Etats- Unis d'Amérique), contre-mémoire
et demande reconventionnelle des Etats-Unis, vol. V, annexe 138.)
Il est donc clair que seules les importations directes de pétrole iranien
furent interdites à la suite de l'imposition de l'embargo le 29 octobre
1987. Les Etats-Unis ont continué d'importer légalement des produits
pétroliers raffinés dans un pays tiers à partir de brut iranien. Dans ce
contexte, il est pertinent de prendre note de l'expression ((brut iranien))
qui montre très clairementque, selon I'Executive Order, il est admis qu'il
est toujours possible de remonter jusqu'à l'origine d'un produit raffiné
dans un pays tiers, de l'identifier, et que ce produit conserve son certificat
d'origine qui le qualifie d'«iranien». Au paragraphe 96 de son arrêt en
l'espèce, la Cour adopte elle aussi ce point de vue en disant qu'elle

((ne voit aucune raison de douter que, au cours de la période durant
laquelle l'embargo des Etats-Unis était en vigueur, des produits
pétroliers dérivésen partie de pétrole brut iranien soient parvenus
aux Etats-Unis en très grandes quantités))(arrêt, par. 96).
On sait qu'à ce propos les Etats-Unis ont dit qu'à leur avis le pétrole
importé de pays tiers ne peut pas être identifié comme du pétrole iranien.
Les Etats-Unis insistent sur le fait que, en raison de plusieurs opérations
chimiques, l'identité initiale est modifiée. Les Etats-Unis soutiennent
ceci:

«le pétrole brut subissait ensuite une transformation encore plus
poussée en Europe, où il était d'abord mélangé à du brut d'autres
provenances ...puis raffiné en produits pétroliers, dont le fioul ...A
ce stade, les produits pétroliers raffinés comme le fioul pouvaient à
leur tour être vendus, soit pour consommation en Europe soit pour
exportation vers d'autres pays, y comprispeut-être les Etats-Unis.. .»
(CR 2003111, p. 46-47, par. 15.50.)

C'est l'embargo tel qu'il est défini dans 1'Executive Order 12613 qui
fournit la réponse. Quelle que soit la transformation chimique qui a lieu
dans les pays tiers, les produits pétroliersimportés sont considéréscomme
iraniens d'après le texte de 1'Executive Order qui est explicite à ce sujet.
La conclusion logique à en tirer est que l'importation de produits bruts
iraniens par l'intermédiaire de pays tiersn'était pas illicite. Elle était donc
réalisable. L'Executive Order 12613 autorise l'importation indirecte de
pétrole brut iranien. C'est-à-dire que le commerce s'est poursuivi et n'a
pas pris fin une fois l'embargo en vigueur.
La Cour affirme pourtant ceci :

«La question de savoir si, d'après les critères du droit commercial
international, tels celui de la ((transformation substantielle» ou celui
de la ((valeur ajoutée», le produit final pouvait conserver à certaines
fins un caractère iranien n'est pas la question que la Cour a à tran-
cher. )) PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.DISS.ELARABY) 301

Et elle dit encore:
«Ce que la Cour doit déterminer, ce n'est pas de savoir si un pro-
duit donné qui pouvait être désignécomme du pétrole «iranien» a
pénétré aux Etats-Unis d'une manière ou d'une autre pendant la
durée de l'embargo, mais s'il existait un «commerce» de pétrole
entre les territoires de l'Iran et des Etats-Unis pendant cette période
- au sens donné à ce terme dans le traité de 1955. » (Arrêt,par. 96.)

2.4. La troisième hypothèse de départ est pour la Cour que le traité de
1955 porte exclusivement sur le commerce direct entre les territoires des
Etats-Unis et de l'Iran. Le commerce direct est considéré dans l'arrêt
comme exclu de la protection assurée par les dispositions du traité. Ce
raisonnement à mon sens n'est pas bien fondé en droit dans le cadre des
activités qu'envisage le traité. Il n'est dit nulle part dans ce traité que ses
dispositions s'appliquent au commerce direct.
En outre, le traité prévient toute spéculation abusive sur le commerce
direct et indirect dans l'interprétation de ses dispositions en protégeant
par une clause de la nation la plus favorisée les produits de chacune des
parties, que ceux-ci atteignent le territoire de l'autrpartie directement ou
indirectement. L'article VI11 du traité dispose en effet:

(<1. Chacune des Hautes Parties contractantes accordera aux pro-
duits de l'autre Haute Partie contractante, quelle qu'en soit la pro-
venance et indépendamment du mode de transport utilisé, ainsi qu'aux
produits destinés à l'exportation vers les territoires de cette Haute
Partie contractante, quels que soient l'itinéraire et le mode de trans-
port utilisés, un traitement non moins favorable que celui qui est
accordé aux produits similaires provenant de tout pays tiers ou des-
tinés à l'exportation vers tout pays tiers, pour toutes les questions
qui ont trait: a) aux droits de douane et autres taxes ainsi qu'aux
règles et formalités applicablesen matière d'importation et d'expor-
tation; et b) à la fiscalité, la vente, la distribution, l'entreposage et
l'utilisation desdits produits sur le plan national. La même règle
s'appliquera au transfert international des sommes versées en paie-
ment des importations ou des exportations. » (Plates-formes pétro-
lières (République islamique d'Iran c. Etats- Unis d'Amérique), pièces
documentaires soumises par les Etats-Unis d'Amérique, vol. 1,
pièce 1, traité d'amitié, de commerce et de droits consulairesde 1955

entre les Etats-Unis d'Amérique et l'Iran.)
Il est clair que ledit article VI11 étend le bénéficede la clause de la
nation la plus favorisée aux produits «de toutes provenances et indépen-
damment du mode de transport utilisé)) «pour toutes les questions qui
ont trait a) aux règles et formalités applicablesen matière d'importation
et d'exportation ». Cette ((exemption », àmon sens, correspond à l'excep-
tion viséeplus haut qui figure dans I'Executive Order 12613. Il s'agit dans
l'un comme dans l'autre cas de prendre en considération le commerce
indirect. PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.DISS.ELARABY) 302

Interpréter le paragraphe 1 de l'articleX compte tenu de l'article VI11
du traité et dans ce contexte-là permet très nettement d'entendre le terme
((commerce » en un sens large qui s'étend au ((commerceindirect ». Dans
l'affaire Libye c. Tchad, la Cour a dit que

«un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire
à attribuer à ses termes dans leur contexte et à la lumière de son
objet et de son but. L'interprétation doit être fondéeavant tout sur
le texte du traité lui-même.» (Différend territorial (Jamahiriya arabe
libyenne c. Tchad), arrêt, C.I.J. Recueil 1994, p. 21-22, par. 41.)

Or, le traité de 1955 étend la protection aux produits de chaque partie
((quelle qu'en soit laprovenance et indépendamment du mode de transport
utilisé)): ce texte est très clair. Par définition, les mots ((quellequ'en soit

la provenance))couvrent le pétrole brut qui entre aux Etats-Unis indirec-
tement en passant par des pays tiers. Le traité de 1955 est un traité d'ami-
tié, de commerce et de navigation d'un type particulier et protégé. Pour
interpréter correctement la portée de l'article VI11 sur un plan général,il
faut donc l'interpréter comme étendant la protection dont il s'agit au
commerce indirect. L'article 31 de la convention de Vienne sur le droit
des traités dispose: «Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le
sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la
lumière de son objet et de son but.» Toute autre interprétation produirait
ce que la convention de Vienne sur le droit des traités qualifie de

((résultat ..manifestement absurde ou déraisonnable » (article 32 b) de la
convention de Vienne sur le droit des traités).
La disposition énoncéeau paragraphe 1 de l'articleX du traité proté-
geait la ((liberté de commerce))de l'Iran. Par suite, les dispositions du
traité protégeaient le choix que faisait l'Iran en décidant du pétrole qui
servirait à la consommation locale et du pétrole qui serait destiné à
l'exportation. En 1996, la Cour a pris grand soin d'éviter d'aborder l'exa-
men au fond. Elle s'est donc contentée de conclure que, ([e]n l'état actuel
du dossier, la Cour n'[était] certes pas en mesure de déterminer si et dans
quelle mesure la destruction des plates-formes pétrolières iraniennes a eu

des conséquences sur l'exportation du pétrole iranien)).
Toutefois, la Cour a ajouté aussitôt:

((elle n'en constate pas moins que cette destruction était susceptible
d'avoir un tel effet et de porter par suite atteinte à la liberté de com-
merce telle que garantie par le paragraphe 1 de l'articleX du traité
de 1955» (Plates-formes pétrolières (République islamique d'Iran c.
Etats- Unis d'Amérique), exception préliminaire, arrêt, C.1.J. Recueil
1996 (II), p. 820, par. 51).

Au stade du fond, la Cour aurait dû témoigner de cohérence et, dans la
logique de l'arrêt de 1996, reconnaître qu'il y avait eu violation de la
liberté de commerce. III. CERTAINS ASPECTS DE LA COMPÉTENCE

Dans son arrêtde 1996, la Cour s'est reconnu une base de compétence
extrêmement étroite «pour connaître des demandes formulées par la
République islamique d'Iran au titre du paragraphe 1 de l'article X dudit
traité [de 19551» (Plates-formes pétrolières (République islamique d'Iran

c. Etats- Unis d'Amérique), exception préliminaire, arrêt, C.1.J. Recueil
1996 (II), p. 821, par. 55, point 2)). Les demandes formulées au titre des
articles premier et IV du traité de 1955 ont étérejetées. La Cour a tou-
tefois bien précisé dans l'arrêt de 1996 que
«l'objectif de paix et d'amitié proclamé à l'article premier du traité
de 1955 est de nature à éclairer l'interprétation des autres disposi-

tions du traité, et notamment celles des articles IV et X. L'article
premier n'est ainsi pas sans portée juridique pour une telle interpré-
tation, mais il ne saurait, pris isolément, fonder la compétence de la
Cour. » (Zbid., p. 815, par. 31.)
Il convient d'examiner deux points relatifs à la compétence de la Cour
en l'espèce. Le premier porte sur le choix méthodologique à retenir.

Autrement dit, il s'agit de savoir s'il faut commencer par l'article XX ou
par l'article X du traité. Le second point est de savoir si la Cour était
fondée à examiner les conséquences juridiques de l'emploi de la force
comme la Cour a jugé bon de les examiner dans l'affaire Nicaragua.
3.1. S'agissant du premier point, je dois dire que j'adhère sans réserve
au choix opérépar la Cour quand elle a décidéd'examiner en premier
l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX. Comme nous l'avons déjà dit,
l'affaire porte sur la licéitéde l'emploi de la force par les Etats-Unis à
l'encontre des plates-formespétrolièresiraniennes. En décidant de s'enga-
ger dans cette voie-là, la Cour faisait application du principe suivant

lequel elle «reste libre dans le choix des motifs sur lesquels elle fondera
son arrêt» (Application de la convention de 1902 pour régler la tutelle des
mineurs, arrêt, C.Z.J. Recueil 1958, p. 62). La Cour a noté en outre que,
«[e]n la présente espèce, [elle] est d'avis que des considérations particu-
lières incitentà examiner l'application de l'alinéa d) du paragraphe 1 de
l'article XX avant d'aborder le paragraphe 1 de l'article X» (arrêt,
par. 37).
3.2. S'agissant du second point, c'est un fait que la compétence de la
Cour en la présente espèce n'est pas celle que la Cour avait dans l'affaire
Nicaragua, essentiellement parce que les Etats-Unis ont publié en 1984

une déclaration par laquelle ils revenaient sur leur acceptation de la com-
pétence obligatoire de la Cour. Il n'empêche que, malgré l'étroitesse de sa
compétence en la présente espèce, la motivation de l'arrêt rendu
aujourd'hui s'inspire de la méthodologie adoptée dans l'affaire Nicara-
gua. Plusieurs paragraphes s'inspirent plus ou moins de cette affaire
Nicaragua, par exemple :

((Cette approche concorde avec le point de vue selon lequel,
lorsque l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX est invoqué pour PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. DISS.ELARABY) 304

justifier que soient prises, au nom de la légitime défense, des me-
suresimpliquant un recours àlaforcearmée,l'interprétation etl'appli-
cation de cet article supposent nécessairement une appréciation des
conditions d'exercice de la légitime défense au regard du droit inter-
national. » (Arrêt, par. 40.)

La Cour fait également observer fort justement au paragraphe 41 :
«Une interprétation de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'articleXX

selon laquelle les «mesures» qui y sont prévues pourraient même
comprendre un recours illicite à la force par une partie contre l'autre
ne serait guère compatible avec l'article premier. En outre, confor-
mément aux règles généralesd'interprétation des traités telles qu'elles
ont trouvé leur expression dans la convention de Vienne de 1969 sur
le droit des traités, l'interprétationdoit tenir compte «de toute règle
pertinente de droit international applicable dans les relations entre
les parties» (alinéa c) du paragraphe 3 de l'article 31). La Cour ne
saurait admettre que l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'articleXX du
traité de 1955 ait étéconçu comme devant s'appliquer de manière

totalement indépendante des règles pertinentes du droit international
relatif à l'emploi de la force, de sortequ'il puisse êtreutilement invo-
qué, y compris dans le cadre limité d'une réclamation fondée sur une
violation du traité, en cas d'emploi illicite de la force. L'application
des règles pertinentes du droit international relatif à cette question
fait donc partie intégrante de la tâche d'interprétation confiée à la
Cour par le paragraphe 2 de l'articlXXI du traité de 1955. » (Arrêt,
par. 41.)

3.3. Point plus important encore, la Cour, tout en disant «demeur[er]
consciente qu'elle n'a que la compétence que lui confère le consentement
des parties))(arrêt, par. 42)' conclut très justement que
«la compétence que lui confère le paragraphe 2 de l'articleXXI du

traité de 1955 pour régler toute question concernant l'interprétation
ou l'application de - notamment - l'alinéa d) du paragraphe 1 de
l'articleXX de ce traité l'autorise aussi, en tant que de besoin, à
déterminer si une action présentée comme justijîée par ce paragraphe
constituait ou non un recours illicite à la force au regard du droit
international applicable en la matière, à savoir les dispositions de la
Charte des Nations Unies et du droit international coutumier » (arrêt,
par. 42; les italiques sont de moi).

Cette conclusion revient à reconnaître expressément que les «critères des
Nations Unies» s'appliquent. Mais cela n'est toutefois pas suffisamment
précisé ni dit clairement dans le dispositif car la Cour a opté pour une
conclusion incomplète. Le lecteur de l'arrêt ne peut que constater une
solution de continuité juridique sur le plan théorique entre la motivation
et le dispositif. La Cour aurait dû se prononcer dans le détail, de façon
exhaustive, sur la grave question de l'emploi de la force afin de réaffirmer
le droit. Elle aurait étébien inspirée de suivre l'adage formulé par l'ancien PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.DISS.ELARABY) 305

juge sir Hersch Lauterpacht quand il écrivit que «de puissantes considé-
rations - tenant à la justice internationale et au développement du droit
international - militent en faveur du caractère entièrement exhaustif des
prises de position judiciaires » (sir Hersch Lauterpacht, The Development
of International Law by the International Court, nouvelle édition, 1982,
p. 37).
Pour les motifs ci-dessus, je n'ai pas pu voter avec la majorité. J'ai
donc voté contre l'arrêt.

(Signé) Nabil ELARABY.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE ELARABY

Court should have drawn the consequences of unlawful use of force - United
States military action against Iran being an armed reprisal - Court's reasons
for rejecting Iran's claim of violation of Article X, paragraph 1, being unsound
- Irrelevance of what particular platforms were producing oil - Indirect com-
merce continued under the embargo - Article X, paragraph 1, cannot be inter-
preted as excluding indirect commerce - Court should have ruled more exhaus-
tively on the issue of use of force.

After due reflection, and not without hesitation, 1 voted against the

first paragraph of the dispositai nd supported the second. My hesitation
was due to the fact that as a matter of principle 1 subscribe to the thrust
of the first finding of the Judgment. The reason for my negative vote is
that 1 am unable to accept the conceptual formulation adopted by the
Court. In my view, the formulation does not purport to encompass al1
the parameters associated with the boundaries defined by the Charter and

the relevant rules of international law regarding the prohibition of the
use of force. Based on my reading of the relevant facts and my under-
standing of the case law and jurisprudence of the Court, 1 append this
dissenting opinion to put my views on record. Since 1 voted for the
Court's rejection of the counter-claim, 1 will refrain from addressing this
issue.

1 shall channel the reasoning of my dissent through three points:

(i) the prohibition of the use of force;
(ii) the issue of whether the obligations emanating from Article X, para-
graph 1, were breached;
(iii) aspects of jurisdiction.

1.1. The case, in essence, is about international responsibility. It evolves

around whether it is permissible for a State to use force against another
State outside the boundaries defined by the Charter of the United Nations.
Thus when it is proven that a State has committed a wrongful act, the
Court is duty bound to pronounce authoritatively on the legal conse-
quences of the wrongful act provided of course that it has jurisdiction to
do so. The Court, it should be recalled, held in the first finding that the OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE ELARABY

[Traduction]

La Cour aurait dû tirer les conséquences de l'emploi illicite de la force-
L'action militaire menée par les Etats-Unis contre l'Iran relève des représailles
armées - Les motifs pour lesquels la Cour rejette la thèse de l'Iran pour qui il
y a violation du paragraphe I de l'articleX ne sont pas solides - L'identité des
plates-formes participant à la production de pétrole est sans pertinence - Le
commerce indirect a étépréservé sous le régime de l'embargo - Le para-
graphe I de l'articleX ne peut pas êtreinterprété comme excluant le com-
merce indirect - La Cour aurait dû se prononcer de façon plus détailléesur la
question de l'emploi de la force.

Après mûre réflexion et non sans hésitation, j'ai voté contre le premier
paragraphe du dispositif et pour le second. Mon hésitation s'explique par

le fait que, par principe, je souscris à ce qui fait principalement l'objet de
la première conclusion énoncée dans l'arrêt. Si j'ai voté contre, c'est que
je suis dans l'impossibilité d'accepter l'énoncé théorique adopté par la
Cour. A mon sens, cet énoncéne vise pas à tenir compte de tous les para-
mètres liésaux limites définies par la Charte et par les règles pertinentes
du droit international en ce qui concerne l'interdiction du recours à la
force. En me fondant sur les faits pertinents tels que je les entends et sur

mon interprétation de la jurisprudence en généralet de celle de la Cour,
je joins à l'arrêt la présente opinion dissidente pour faire connaître mes
vues. Comme j'ai voté pour la décision consistant à rejeter la demande
reconventionnelle, je m'abstiendrai de toute observation sur cette ques-
tion.
Les motifs qui m'incitent à voter contre la majorité reposent sur trois
éléments:

i) l'interdiction du recours à la force;
ii) la question de savoir s'ily a eu violation des obligations découlant du
paragraphe 1 de l'articleX du traité;
iii) divers aspects de la compétence.

1.1. Pour l'essentiel, l'affaire porte sur la responsabilitéinternationale.
Il s'agit de savoir s'il est possible à un Etat de recourir à la force à
l'encontre d'un autre Etat en dehors des limites définies par la Charte des
Nations Unies. C'est-à-dire que, quand il est établi qu'un Etat a commis
un acte illicite, la Cour est tenue de se prononcer de façon définitive sur
les conséquences juridiques de l'acte illicite à condition, bien entendu,

qu'elle soit dotée de la compétence voulue. Il ne faut pas oublier que laUnited States action is not justified and in paragraph 42 held that the
yardstick to gauge the legality of an act involving the use of force is "the
provisions of the Charter of the United Nations and customary inter-

national law" (Judgment, para. 42). This in my view is an inescapable
recognition that the Court has jurisdiction to adopt a comprehensive
pronouncement on the legality of the use of force. In the present case,
the use of force did not require proof. It was admitted. Yet no legal
consequences flowed.

The principle of the prohibition of the use of force in international
relations as enshrined in Article 2, paragraph 4, of the Charter is, no
doubt, the most important principle in contemporary international law to
govern inter-State conduct ; it is indeed the cornerstone of the Charter. It
reflects a rule of jus cogens from which no derogation is permitted. This

fundamental principle draws a distinction between a post-Charter era of
law-abiding, civilized community of nations and the pre-Charter era
when the strong and powerful States were not restrained from attacking
the weak at will and with impunity.

The main question to be answered in the Judgment would therefore
be: is it legally acceptable that a State escape its international responsi-
bility for the consequences of a deliberate armed attack by advancing:

(a) a defence based on a clause in a commercial treaty ; or, alternatively,
by
(b) invoking the right of self-defence under Article 51 in the absence of
the conditions established by the United Nations Charter and cus-

tomary international law?
In the 2003 Judgment, the Court held that "It is clear that the original
dispute between the Parties related to the legality of the actions of the
United States" (Judgment, para. 37).
It follows that if the Court were to hold that the United States

measures were unlawful then the Court is duty-bound to declare that
the United States has acted contrary to its obligations under the Charter
of the United Nations and under customary international law.
The Court rightly rejects the United States claim that its use of force
can be justified as measures to protect the essential security interests of
the United States under the provisions of Article XX, paragraph 1 (d),
of the Treaty of Amity, Economic Relations and Consular Rights. On
this finding, 1would like to reiterate that 1concur. A clause in a commer-
cial treaty cannot possibly be invoked to justify the use of force.

In the Nicaragua case in 1986 the Court, when considering the provi-
sions of Article XXI of the Treaty of FCN between Nicaragua and theCour dit dans sa première conclusion que l'action des Etats-Unis n'est
pas justifiée et qu'elle dit au paragraphe 42 del'arrêt que le critère servant
à apprécier la licéitéd'un acte reposant sur l'emploi de la force est celui
des ((dispositionsdela Charte des Nations Unies et du droit international
coutumier))(arrêt, par. 42). Voilà qui, à mon sens,revient inévitablement
à reconnaître que la Cour est compétente pour se prononcer de façon
exhaustive sur la licéité del'emploi de la force. En l'espèce, l'emploi de la
forcen'avait pas à être prouvé,il était admis comme tel. Mais il n'en a été
tiré aucune conséquence juridique.
Le principe de l'interdiction de l'emploi de la force dans les relations
internationales tel qu'il est consacré au paragraphe 4 de l'article 2 de la
Charte est incontestablement le principe le plus important du droit inter-
national contemporain à régir le comportement interétatique; c'est du
reste la pierre angulaire de la Charte. Ce principe traduit une règle dujus
cogens à laquelle il est impossible de déroger. Ce principe fondamental
établit une distinction entre l'èrepostérieure à la Charte dans laquelle vit
une communauté d'Etats civilisée et respectueuse du droit et l'ère anté-
rieure à la Charte pendant laquelle les Etats les plus forts et les plus puis-
sants n'étaient guère empêchésd'attaquer les pays faibles dès qu'ils le
voulaient en étant assurés de l'impunité.
La principale question à laquelle il faut répondre dans l'arrêt serait
donc celle-ci: est-il légitimement acceptable qu'un Etat échappe à la res-
ponsabilité internationale des conséquences d'une attaque armée menée
délibérémenten faisant valoir :

a) un moyen de défense reposant sur une disposition d'un traité com-
mercial ;ou, subsidiairement,
b) en invoquant le droit de légitime défense au titre de l'article 51 de la
Charte en l'absence des conditions définiespar la Charte des Nations
Unies et par le droit international coutumier?
Dans son arrêt de 2003, la Cour dit: ((11est indéniable que le différend
initial entre les Parties portait sur la licéitédes actions menées par les
Etats-Unis. » (Arrêt, par. 37.)
Il s'ensuit que, au cas où elle dirait que les mesures prises par les Etats-
Unis étaient illicites, la Cour serait alors tenue de déclarer que les Etats-
Unis ont agi contrairement aux obligations leur incombant au titre de la
Charte des Nations Unies et du droit international coutumier.
La Cour a raison de rejeter la prétention des Etats-Unis quand ceux-ci
plaident que leur recours à la force peut se justifier puisqu'il s'agissait de
mesures visant à protéger les intérêts vitaux des Etats-Unis en matière de
sécurité relevant des dispositions de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'ar-
ticleXX du traité d'amitié, de commerce et de droits consulaires. Je tiens à
dire à nouveau que je souscris à cette conclusion de la Cour. Il n'est pas
possible d'invoquer une disposition d'un traité commercial pour justifier
le recours à la force.
En 1986, dans l'affaire Nicaragua, la Cour, quand elle a examiné les
dispositions de l'article XXI du traité d'amitié, de commerce et de navi-United States, did not satisfy itself by merely expressing that the use of
force was not justified. The Court went further and addressed the prohi-
bition of various aspects and consequences of the use of force in interna-
tional relations in a comprehensive manner. The Nicaragua judgment
recognizes that the United States, by using force "has acted, against the

Republic of Nicaragua, in breach of its obligations under customary inter-
national law not to use force against another State" (Military and Para-
military Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States
of America), Judgment, I.C.J. Reports 1986, p. 147, para. 292 (6)).
In the present case, the Court, however, adopted a formulation which
is, in my opinion, rather truncated and consequently incomplete. The
formulation of the finding in the Judgment, regrettably fell short of
the required standard. The Court

"Finds that the actions of the United States of America against
Iranian oil platforms on 19 October 1987 and 18 April 1988 cannot
be justified as measures necessary to protect the essential security
interests of the United States of America under Article XX, para-
graph 1 (d), of the 1955 Treaty of Amity, Economic Relations and
Consular Rights between the United States of America and Iran, as
interpreted in the light of international law on the use of force."
(Judgment, para. 125 (l).)

My primary concern is that the parameters defined in the United
Nations Charter and reaffirmed by the Court's jurisprudence established
in the Nicaragua case may be detrimentally affected as a result of the
formulation adopted. This occurs at a time when the rule of law is
confronted with great challenges in various parts of the globe and the
judicial pronouncements of the principal judicial organ of the United
Nations would reinforce and add weight to the prohibition.
The Judgment in the present case, moreover, stops short of addressing
the consequential legal corollaries of the finding which were clearly enun-

ciated and established by the Nicaragua Judgment. The terminology used
by the Court is very restrained. More legal clarity would have been
expected from the Court on such a grave matter as the use of force by
one party to a privileged FCN treaty against another party to the same
treaty.
In the 1986 Nicaragua case the Court held that: "in the case of indi-
vidual self-defence, the exercise of this right is subject to the State con-
cerned having been the victim of an armed attack" (Military and Para-
military Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States
of America), 1.C.J. Reports 1986, Merits, Judgment, p. 103, para. 195).

Nowhere in this Judgment is it asserted that the United States was a vic-
tim of an "armed attack". On the contrary, the Court noted in clear
terms that the incidents advanced by the United Statesgation conclu entre le Nicaragua et les Etats-Unis, ne s'est pas contentée
de dire simplement que le recours à la force n'était pas justifié. Elle est
allée plus loin et s'est intéresséede façon exhaustive à l'interdiction de

l'emploi de la force dans les relations internationales sous divers aspects
et sous l'angle de diverses conséquences. Dans l'arrêt Nicaragua, la Cour
reconnaît que les Etats-Unis, en recourant à la force, «ont, à l'encontre
de la République du Nicaragua, violé les obligations que leur impose le
droit international coutumier de ne pas recourir à la force contre un autre
Etat » (Activités militaires etparamilitairesau Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), fond, arrêt, C.Z.J. Recueil 1986,
p. 147, par. 292, point 6)). En l'espèce, la Cour a toutefois adopté un
énoncéqui est en quelque sorte, à mon sens, tronqué et par conséquent
incomplet. L'énoncéde la conclusion formulée dans l'arrêt ne se situe
malheureusement pas au niveau voulu. La Cour

«Dit que les actions menées par les Etats-Unis d'Amérique contre
les plates-formes pétrolières iraniennes le 19 octobre 1987 et le
18 avril 1988 ne sauraient êtrejustifiées en tant que mesures néces-
saires à la protection des intérêts vitauxdes Etats-Unis sur le plan de
la sécuritéen vertu de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX du
traité d'amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 entre
les Etats-Unis d'Amérique et l'Iran, tel qu'interprété à la lumière du
droit international relatifà l'emploi de la force.)) (Arrêt, par. 125,
point l).)

Ce qui m'inquiète surtout, c'est que l'énoncéqui a étéretenu risque de
porter fâcheusement atteinte aux paramètres définis dans la Charte des
Nations Unies et réaffirméspar lajurisprudence de la Cour dans l'affaire
Nicaragua. Or, nous constatons actuellement que l'état de droit est vio-
lemment contesté dans diverses régions du globe et les prononcés de
l'organejudiciaire principal des Nations Unies peuvent renforcer et étayer
utilement l'interdiction du recours à la force.
En outre, l'arrêt rendu en l'espèce s'abstient d'évoquer les corollaires
juridiques de la conclusion formulée qui ont étédéfinis et établis claire-
ment dans l'arrêt Nicaragua. Les termes qu'utilise la Cour sont très dis-
crets. On aurait pu s'attendre à plus de clarté du point de vue juridique de
la part de la Cour sur une question aussi grave que l'emploi de la force
par un Etat partie àun traité protégé d'amitié, decommerce et de naviga-
tion à l'encontre d'un autre Etat partie au mêmetraité.
En 1986, dans l'affaire Nicaragua, la Cour dit : «Dans le cas de la légi-
time défense individuelle, ce droit ne peut êtreexercé que si 1'Etat inté-
ressé a étévictime d'une agression armée. » (Activités militaires et para-
militaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis
d'Amérique), C.I. J.Recueil 1986, fond, arrêt, p. 103, par. 195.) En
l'espèce, il n'est nulle part affirmé dans l'arrêt que les Etats-Unis ont été
victimes d'une «agression armée». Au contraire, la Cour indique claire-
ment que les incidents dont les Etats-Unis font état "do not seem to the Court to constitute an armed attack on the
United States, of the kind that the Court, in the case concerning
Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua, quali-
fied as a 'most grave' form of the use of force" (Judgment, para. 64).

On the basis of this finding the Court reached the conclusion that the
United States use of force cannot be considered as an exercise of legiti-
mate self-defence.
Yet the Court shied away from drawing the only available conclusion
which logically flows from its finding that the United States use of force

"cannot be justified as measures necessary to protect the essential
security interests of the United States under Article XX, para-
graph 1 (d), of the 1955 Treaty of Amity, Economic Relations
and Consular Rights between the United States of America and the
Islamic Republic of Iran, as interpreted in the light of international

law on the use of force" (Judgment, para. 125 (1)).

1.2. In light of the above, it would have been advisable for the Court
to be consistent with its 1986 Judgment by inserting in the reasoning on
Article XX, paragraph 1 (d), a decisive and straightforward statement

that defines the legal character of the United States use of armed force.
The following three main elements should, in my view, have been
included :

(i) Pronounce that the use of force by the United States cannot be jus-
tified under Article XX of the 1955 Treaty, which the Court in fact
did, though it did not follow up as in the Nicaragua case by referring
to a breach of obligations by the United States under the Treaty, on
the basis of a line of arguments which is not substantiated by fact or
supported by a sound analysis of law.
(ii) Pronounce in clear terms that the use of force by the United States
was a breach of its obligations under customary international law
not to use force in any form against another State.

(iii) Find that such use of force by the United States violates Iran's
sovereignty.
There is, moreover, another aspect that was absent in the Judgment.
The Court concluded in paragraph 72 that it "isunable to hold that the
attacks on the Salman and Nasr platforms have been shown to have been

justifiably made in response to an 'armed attack' on the United States by
Iran" (Judgment, para. 72). The Court also noted that
"the attacks on the Salman and Nasr platforms were not an isolated
operation, aimed simply at the oil installations, as had been the case

with the attacks of 19 October 1987; they formed part of a much
more extensive military action, designated 'Operation Praying PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.DISS.ELARABY) 293

((ne [lui] semblent pas ...constituer une agression armée contre les
Etats-Unis comparable à ce qu'elle a qualifié, en l'affaire des Activi-
tés militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, de
forme d'emploi de la force parmi ((les plus graves »» (arrêt, par. 64).

A la suite de quoi la Cour est parvenue à la conclusionque l'emploi de la
force par les Etats-Unis ne saurait êtreconsidéré comme relevant de la
légitime défense.
Pourtant, la Cour n'a pas osétirer la seule conclusion découlant logi-
quement de la conclusion qu'elle énonce en disant que l'emploi de la

force par les Etats-Unis
((ne saur[ait] êtrejustifi[é] en tant que mesur[e] nécessair[e] à la pro-
tection des intérêts vitaux des Etats-Unis d'Amérique sur le plan de
la sécuritéen vertu de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'articlXX du

traité d'amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 entre
les Etats-Unis d'Amérique et l'Iran, tel qu'interprété à la lumière du
droit international relatif à l'emploi de la force» (arrêt, par. 125,
point 1)).
1.2. Compte tenu de ce qui précède, la Cour eût étébien avisée de

suivre dans la cohérence son arrêtde 1986 en motivant sa conclusion re-
lativeà l'alinéad) du paragraphe 1 de l'article XX par une définition ferme
et nette du caractèrejuridique de l'emploi de la force armée par les Etats-
Unis. Il aurait fallu à mon sens faire état des trois élémentsprincipaux
ci-après :

i) dire que l'emploi de la force par les Etats-Unis ne saurait se justifier
par l'article XX du traité de 1955, ce que la Cour a fait d'ailleurs
mais sans le compléter comme elle l'a fait dans l'affaire Nicaragua en
tirant argument de la violation par les Etats-Unis des obligations que
le traité leur imposait, laCour se fondant ici sur des arguments non
étayéspar les faits ni par une analyse juridique solide;
ii) dire clairement que l'emploi de la force par les Etats-Unis violait
l'obligation leur incombant au titre du droit international coutumier
de ne recourir à l'emploi de la force sous aucune forme à l'encontre
d'un autre Etat;

iii) enfin, dire que cet emploi de la force par les Etats-Unis revenait à
violer la souveraineté de l'Iran.
Sous un autre aspect encore, il manque un élémentà l'arrêt: la Cour a
conclu au paragraphe 72 qu'elle ((n'est pas en mesure de dire qu'il a été
démontré que les attaques contre les plates-formes de Salman et de Nasr

constituaient une riposte justifiée à une ((agression armée» de l'Iran
contre les Etats-Unis» (arrêt, par. 72). La Cour a également relevé que
((l'attaque menée contre les plates-formes de Salman et de Nasr ne
constituait pas une action isolée visant simplement les installations
pétrolières, ce qui avait étéle cas des attaques du 19 octobre 1987.

Elle s'inscrivait dans le cadre d'une opération militaire bien plus Mantis', conducted by the United States against what it regarded
as 'legitimate military targets'; armed force was used, and damage
done to a number of targets, including the destruction of two Iranian
frigates and other Iranian naval vessels and aircraft" (Judgment,
para. 68).

Ifsuch use of force, as the Court held, was not exercised in self-defence
then it would amount to armed reprisal. In point of fact, General George
Crist flatly labelled the operation as "to degrade their ability to observe
our forces, in effect, to put out their eyes", and stated in 1997 that his

"goal was to further protect Our forces by putting out more of the Iranian
eyes" (Oil Platforms (Islamic Republic of Iran v. United States of
America), Counter-Memorial and Counter-Claim of the United States of
America, Annexes, Vol. II, Exhibit 44, p. 6, para. Il). Iran's Exhibit 69
contains a Washington Post report dated 20 October 1987 with the fol-
lowing sentence :

"[tlhe attack, prompted when US forces spotted Iranians fleeing the
facility, was described by a Defense Department spokesman as an
unexpected 'target of opportunity' and had not been planned" (Oil
Platforms (Islamic Republic of Iran v. United States of America),
Memorial submitted by the Islamic Republic of Iran, Documentary

Exhibits 41-90, Vol. III, 8 June 1993, Exhibit 69).
Iran, however, was at war with Iraq and not with the United States. As

such, the United States military action against Iran must be considered as
military reprisals. It will be recalled that the Court held in the 1986 Nica-
ragua Judgment that "States have a duty to refrain from acts of reprisa1
involving the use of force" (Military and Paramilitary Activities in and
against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America), Merits,
Judgment, 1.C.J. Reports 1986, p. 101, para. 191).

The reference to the illegality of reprisals in international law should,
in my view, have been addressed in the reasoning in an obiter dictum. A
pronouncement by the highest world Court would have, no doubt,
added authority to the illegality of such practice due to the existence of

what Professor Derek Bowett termed, as far back as 1972, as the "credi-
bility gap" which emerged "by reason of the divergence between norm
and the actual practice of states" (D. Bowett, "Reprisals Involving
Recourse to Armed Force", 66 AJIL 1 (1972)). The Court had already
addressed the illegality of forcible self-help as far back as the Corfu
Channel case in 1949 when it held that "to ensure respect for interna-
tional law, of which it is an organ, the Court must declare that the action
of the British Navy constituted a violation of Albanian sovereignty"
(Corfu Channel, Merits, Judgment, 1.C.J. Reports 1949, p. 35). Profes- PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.DISS.ELARABY) 294

vaste, appelée «Operation Praying Mantis )) (((mante religieuse »),
menée par les Etats-Unis contre ce qu'ils estimaient être des ((cibles

militaires légitimes));la force armée fut employée, et des dommages
furent infligés à plusieurs cibles, avec notamment la destruction de
deux frégates iraniennes ainsi que de plusieurs navires et aéronefs
militaires iraniens» (arrêt, par. 68).

Si, comme la Cour le dit, cet emploi de la force ne répondait pas à la
légitime défense, il s'agirait alors de représaillesarmées. En fait, d'ailleurs,
le général George Crist a dit sans ambages de l'opération en question
qu'elle visait «à gênerleurs moyens d'observation de nos forces, bref à
leur enlever leurs yeux)), et a dit en outre en 1997 qu'il avait pour ((objec-
tif d'assurer plus fermement la protection [des] forces [des Etats-Unis] en
privant l'Iran d'un plus grand nombre de ses moyens d'observation))

(Plates-formes pétrolières (République islamique d'Iran c. Etats-Unis
d'Amérique), contre-mémoire et demande reconventionnelle des Etats-
Unis d'Amérique, annexes, vol. II, pièce 44, p. 6, par. Il). Dans sa
pièce 69, l'Iran reproduit un compte rendu du Washington Post en date
du 20 octobre 1987 qui contient la phrase ci-après:

«l'attaque, lancée quand les forces américaines ont vu des Iraniens
s'enfuir de l'installation,a étédécrite par un porte-parole du dépar-
tement de la défense comme une «cible opportune» inattendue et
elle n'avait pas été planifiée))(Plates-formes pétrolières (République
islamique d'Iran c. Etats- Unis d'Amérique), mémoire de l'Iran,

pièces documentaires 41-90, vol. III, 8 juin 1993, annexe 69).
Mais l'Iran était en guerre avec l'Iraq et non pas avec les Etats-Unis.
C'est-à-dire que l'action militaire menée par les Etats-Unis à l'encontre

de l'Iran doit être considérée comme correspondant à des représailles
militaires. Il ne faut pas oublierque, dans l'arrêt Nicaragua rendu en 1986,
la Cour dit: «Les Etats ont le devoir de s'abstenir d'actes de représailles
impliquant l'emploi de la force. ))(Activités militaires etparamilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats- Unis d'Amérique), fond,
arrêt, C.1.J. Recueil 1986, p. 101, par. 191.)
C'est au moyen d'un obiter dictum, dans la motivation, qu'il aurait
fallu, à mon sens, évoquer le caractère illicite des représailles en droit
international. Un prononcé sur ce point de la part de l'institution judi-

ciaire la plus éminente aurait incontestablement ajouté du poids au prin-
cipe de l'illicéitéde la pratique en question, illicéitédue à l'existence de ce
que le professeur Derek Bowett appelait dès 1972 le «manque de crédi-
bilité~ imputable à «la divergence entre la norme et la pratique des
Etats)) (D. Bowett, ((Reprisais Involving Recourse to Armed Force)),
American Journal of International Law, vol. 66, no 1, 1972). La Cour
avait déjà affirmédès 1949, dans l'affaire du Détroit de Corfou, qu'il était
illicite de recourir de sa propre initiative à la force en disant qu'elle

devait, «pour assurer l'intégrité du droit international dont elle est
l'organe, constater la violation par l'action de la marine de guerre britan-sor Sir Humphrey Waldock's analysis on this point is penetrating. He
wrote that

"the Court thus drew a sharp distinction between forcible affirma-
tion of legal rights against a threatened unlawful attempt to prevent
their exercise and forcible self-help to obtain redress for rights
already violated; the first it accepted as legitimate, the second it con-
demned as illegal. But although the legitimacy of affirming the exer-
cise of a legal right was upheld, the scope of this ruling must not be
exaggerated. It is very far from meaning that a State may resort to
force whenever another State threatens to violate its rights; for in its

second pronouncement the Court said with the utmost emphasis
that respect for territorial sovereignty is an essential rule." (Sir Hum-
phrey Waldock, "States and the Law Governing Resort to Force",
Recueil des cours de l'Académie de droit international de La Haye,
Vol. 106 (1962), p. 240.)

The Oil Platforms case presented the Court with an occasion to
reaffirm, clarify,and, if possible develop, the law on the use of force in al1
its manifestations, so that the Court could continue to make "a tangible
contribution to the development and clarification of the rules and prin-
ciples of international law" (Judge Sir H. Lauterpacht, The Development
of International Law by the International Court of Justice, reprinted edi-
tion, 1982, p. 5). The Court regrettably missed this opportunity. The
Judgment refrained from exploring refinements and progressive develop-
ment of the existing doctrine. Even an obiter dictum was not contem-
plated. The international community was entitled to expect that the

International Court of Justice, on an issue as important as the prohibi-
tion of the use of force, would seize the opportunity to clarify and
enhance the prohibition, and add probative value to the existing jurispru-
dence.

II. THE SECONDFINDING ON ARTICLEX, PARAGRAPH 1

2.1. The 1996 Judgment confined the ground for jurisdiction for the
Court to Article X, paragraph 1. The narrowness of this base influenced
the approach to the case and tied the hands of the Court, and it restricted
the general ambit of the present Judgment which led to the Court holding
that it

"cannot however uphold the submission of Iran that those actions
constitute a breach of the obligations of the United States of America
under Article X, paragraph 1, of that Treaty, regarding freedom
of commerce between the territories of the parties" (Judgment,
para. 125 (1)). PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.DISS.ELARABY) 295

nique de la souveraineté de l'Albanie» (Détroit de Corfou, fond, arrêt,
C. IJ. Recueil 1949, p. 35). Sur ce point, l'analyse de sir Humphrey Wal-
dock est très fine. Il a écrit ceci:

«la Cour a donc établi nettement une distinction entre l'affirmation
par la force de droits dont on menace de chercher à empêcher dans
l'illicéitél'exercice et le recours à la force de sa propre initiative qui
vise à obtenir la réparation de violations déjà commises; le premier
recours à la force est accepté comme légitime, le second est condamné

comme illicite. Mais s'il est donc légitime de faire ainsi reconnaître
l'exercice d'un droit, il ne faut pas exagérer la portée de cette déci-
sion. Cela ne veut absolument pas dire qu'un Etat peut recourir à la
force chaque fois qu'un Etat tiers menace de violer ses droits; car,
dans son deuxième prononcé, la Cour dit avec la plus grande fermeté
que le respect de la souveraineté territoriale est une règle fondamen-
tale.» (Sir Humphrey Waldock, ((States and the Law Governing
Resort to Force», Recueil des cours de l'Académie de droit interna-
tional de La Haye, vol. 106, 1962, p. 240.)

L'affaire des Plates-formes pétrolières donnait à la Cour l'occasion
d'affirmer à nouveau, de préciser et de développer si possible le droit relatif
à l'emploi de la force sous toutes ses manifestations, de sorte que la Cour
puisse continuer à ((aider concrètement à développer et préciser les règles
et les principes du droit international)) (sir H. Lauterpacht,ancien juge à la
Cour, dans The Development of International Law by the International
Court of Justice, nouvelle édition, 1982, p. 5).Malheureusement, la Cour

n'a pas saisi cette occasion. Elle s'est abstenue dans le présent arrêtd'exa-
miner comment la doctrine s'est affinée et progressivement développée.
La Cour n'a pas mêmeenvisagé d'obiter dictum. La communauté interna-
tionale était en droit de compter que la Cour internationale de Justice,
sur une question aussi importante que celle de l'interdiction de recourir
à la force, saisirait l'occasion d'éclaircir et de renforcer l'interdiction
et d'ajouter valeur probante à la jurisprudence existante.

II. LA SECONDE CONCLUSION FORMULÉE SUR LE PARAGRAPHE 1
DE L'ARTICLE X

2.1. L'arrêt de 1996 a limité au paragraphe 1 de l'articlX du traité la
base de compétence de la Cour. L'étroitesse de ces limites a exercé une

influence sur l'approche à retenir pour examiner l'espèce et a lié lesmains
de la Cour, restreignant ainsi la portée générale de l'arrêt rendu
aujourd'hui en vertu duquel la Cour dit
((qu'elle ne saurait cependant accueillir la conclusion de la Répu-
blique islamique d'Iran selon laquelle ces actions constituentune vio-

lation par les Etats-Unis d'Amérique des obligations que leur impose
le paragraphe 1 de l'article X [du] traité, relatives à la liberté de com-
merce entre les territoires des parties» (arrêt, par. 125, point 1)). The Court's reasoning for reaching this conclusion is, in my view, not
supported by the available facts. This finding does not seem to me to be
well founded, in fact or law, nor do 1find it consistent with aspects of the
1996 conclusion, which are now considered as res judicata. The 1996
Judgment, it will be recalled, held that:

"The Treaty of 1955 imposes on each of the Parties various obli-
gations on a variety of matters. Any action by one of the Parties that
is incompatible with those obligations is unlawful, regardless of the

means by which it is brought about. A violation of the rights of one
party under the Treaty by means of the use of force is as unlawful as
would be a violation by administrative decision or by any other
means. Matters relating to the use of force are therefore not per se
excluded from the reach of the Treaty of 1955. The arguments put
forward on this point by the United States must therefore be
rejected." (Oil Platforms (Islamic Republic of Iran v. United States
of America), Preliminary Objection, Judgment, I. C.J. Reports
1996 (II}, pp. 811-812, para. 21.)

"The Court should not in any event overlook that Article X, para-
graph 1, of the Treaty of 1955 does not strictly speaking protect
'commerce' but 'freedom of commerce'. Any act which would impede
that 'freedom' is thereby prohibited. Unless such freedom is to be
rendered illusory, the possibility must be entertained that it could
actually be impeded as a result of acts entailing the destruction of
goods destined to be exported, or capable of affecting their transport

and their storage with a view to export.

The Court points out in this respect that the oil pumped from the
platforms attacked in October 1987 passed from there by subsea line
to the oil terminal on Lavan Island and that the Salman cornplex,
object of the attack of April 1988, was also connected to the oil ter-
minal on Lavan by subsea line." (Ibid., pp. 819-820, para. 50.)

It also held that:

"On the material now before the Court, it is indeed not able to
determine if and to what extent the destruction of the Iranian oil
platforms had an effect upon the export trade in Iranian oil; it notes
nonetheless that their destruction was capable of having such an
effect and, consequently, of having an adverse effect upon the free-
dom of commerce as guaranteed by Article X, paragraph 1, of the
Treaty of 1955. It follows that its lawfulness can be evaluated in rela-
tion to that paragraph. The argument made on this point by the

United States must be rejected." (Ibid., p. 820, para. 51.) La motivation qui inspire à la Cour cette conclusion n'est pas à mon
avisétayéepar les faits établis. La constatation ne me paraît pas bien fon-
dée ni en fait ni en droit, et je ne trouve pas non plus qu'elle soit com-
patible avec la conclusion formulée en 1996 sous certains de ses aspects,

lesquels sont aujourd'hui considérés comme relevant de la res judicata.
On sait que dans son arrêt de 1996 la Cour a dit ceci:
«Le traité de 1955 met à la charge de chacune des Parties des
obligations diverses dans des domaines variés. Toute action de l'une

des Parties incompatible avec ces obligations est illicite, quels que
soient les moyens utilisés à cette fin. La violation, par l'emploi de la
force, d'un droit qu'une partie tient du traité est tout aussi illicite
que le serait sa violation par la voie d'une décision administrative
ou par tout autre moyen. Les questions relatives à l'emploi de la
force ne sont donc pas exclues en tant que telles du champ d'appli-
cation du traité de 1955. L'argumentation exposée sur ce point par
les Etats-Unis doit de ce fait être écartée.» (Plates-formes pétro-
lières (République islamique d'Iran c. Etats- Unis d'Amérique),
exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 811-812,

par. 21 .)
«La Cour ne saurait en tout état de cause perdre de vue que
le paragraphe 1 de l'article X du traité de 1955 ne protège pas à
proprement parler le ((commerce » mais la «liberté de commerce ».
Tout acte qui entraverait cette «liberté» s'en trouve prohibé. Or,
sauf à rendre une telle liberté illusoire, il faut considérer qu'elle

pourrait êtreeffectivement entravée du fait d'actes qui emporteraient
destruction de biens destinés à être exportés, ou qui seraient sus-
ceptibles d'en affecter le transport et le stockageen vue de l'exporta-
tion.
La Cour relèvera à ce sujet que le pétrole pompé à partir des
plates-formes attaquées en octobre 1987 passait de ces plates-formes
au terminalpétrolier de l'île de Lavan par le moyen d'un oléoduc sous-
marin et que l'installation de Salman, qui a fait l'objet de l'attaque
d'avril 1988, était aussi reliée au terminal pétrolier de Lavan par un
oléoduc sous-marin. » (Ibid., p. 819-820, par. 50.)

La Cour a dit en outre:

«En l'état actuel du dossier, la Cour n'est certes pas en mesure de
déterminer si et dans quelle mesure la destruction des plates-formes
pétrolières iraniennes a eu des conséquences sur l'exportation du
pétrole iranien; elle n'en constate pas moins que cette destruction
était susceptible d'avoir un tel effet et de porter par suite atteinte
à la liberté de commerce telle que garantie par le paragraphe 1 de
l'articleX du traité de 1955. Sa licéitéest dès lors susceptible d'être

appréciée au regard de ce paragraphe. L'argumentation exposée
sur ce point par les Etats-Unis doit être écartée.)) (Ibid., p. 820,
par. 51 .) How did the Court reach this conclusion, which, in my view, contains
an element of inconsistency with its previous Judgment? 1read the analy-
sis of the reasoning advanced to support the 2003 finding on this point as
predicated on three unsound premises.

2.2. The first premise is that the October 1987 attack on the Reshadat
and Resalat complexes did not impede the flow of oil because the plat-
forms were out of commission as a result of Iraqi attack. This conclusion
completely disregards the fact that the 1955 Treaty provides for an obli-
gation not to impede freedom of commerce and commercial activities
between the territories of the two parties in general. Thus whether a par-
ticular platform was or was not producing oil at a certain moment is
irrelevant. Iran's territorywas producing oil which reached the territory
of the United States. A destruction of any single platform prejudices and
impedes and restricts Iran's ability to export oil which, as the Court
recognized in 1996, forms a vital part of its economy and constitutes

an important component of its foreign trade.

The Court further noted that

"[ilt could reasonably be argued that, had the platforms not been
attacked, some of the oil that they would have produced would have
been included in the consignments processed in Western Europe so
as to produce the petroleum products reaching the United States"
(Judgment, para. 96).

The Court in 1996 adopted a comprehensive, all-encompassing definition
of the expression "freedom of commerce". The Court, by holding that
any act which would impede that freedom is thereby prohibited, has
made it clear that the Parties are under a legal obligation to protect the
freedom of commerce and that impeding the freedom of commerce is a
breach of the Treaty which engages the responsibility of that party.
In the Oscar Chinn case, the expression, "freedom of commerce", was
seen as contemplating not only the purchase and sale of goods but also
"industry". In the 1996 Judgment the Court held that

"it would be a natural interpretation of the word 'commerce' in
Article X, paragraph 1, of the Treaty of 1955 that it includes com-
mercial activities in general - and not merely the immediate act of
purchase and sale, but also the ancillary activities integrally related

to commerce" (Oil Platforms (Islamic Republic of Iran v. United
States of America), Preliminary Objection, Judgment, 1.C.J. Reports
1996 (II), p. 819, para. 49).
The 1996 Judgment, which possesses the power of res judicata, cannot

be reconciled with the 2003 findings on Article X, paragraph 1, in the
Judgment. PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.DISS.ELARABY) 297

Comment la Cour est-elle aujourd'hui amenée à conclure comme elle le
fait, c'est-à-dire, à mon sens, en faisant montre d'une certaine incohé-
rence par rapport à son précédent arrêt? Quand j'analyse la motivation
par laquelle la Cour étaye sur ce point la conclusion de 2003, je constate

que la Cour s'appuie sur trois hypothèses de départ fort peu solides.
2.2. La première de ces hypothèses est que l'attaque lancée en octobre
1987 contre les complexes de Reshadat et Resalat n'a pas fait obstacle au
transport pétrolier parce que les plates-formes étaient hors d'état de fonction-
ner à la suite d'attaques iraniennes. Cette conclusion ne tient absolument pas
compte du fait que le traité de 1955 impose l'obligation de ne pas faire ob-
stacle à la liberté de commerce ni aux activités commerciales entre les terri-
toires des deux parties en général.C'est-à-dire qu'il est sans pertinence de
constater qu'à un certain moment une plate-formedonnée produit du pétrole
ou n'en produit pas. Le territoire de l'Iran produisait du pétrole qui était

transporté jusqu'au territoire des Etats-Unis. La destruction d'une seule et
unique plate-forme porte atteinte à la faculté pour l'Iran d'exporter du
pétrole, lui fait obstacle et limite cette capacité de l'Iran alors que, comme la
Cour l'a reconnu en 1996,l'exportation de pétroleest un aspect vital de l'éco-
nomie iranienne et un élémentimportant du commerce extérieur de l'Iran.
La Cour dit en outre que

«[il1pourrait êtreraisonnablement soutenu que, si les plates-formes
n'avaient pas étéattaquées, une partie du pétrole qu'elles auraient
produit aurait étéincluse dans les quantités de brut transformées en
Europe occidentale en produits pétroliers exportés aux Etats-Unis »
(arrêt, par. 96).

En 1996, la Cour avait adopté une définition exhaustive, générale, de
l'expression «liberté de commerce)). En disant que tout acte de nature à
faire obstacle à cette liberté est interdit, la Cour a clairement établi que
les Parties sont juridiquement tenues de protéger la liberté de commerce
et que faire obstacle à cette liberté de commerce est une violation du
traité qui engage la responsabilité de la partie auteur de ladite action.
Dans l'affaire Oscar Chinn, l'expression «liberté de commerce » a été
entendue comme ne visant pas seulement des activités d'achat et de vente

de biens mais encore «l'industrie». Dans son arrêt de 1996, la Cour a
estimé que
«il serait naturel d'interpréter le mot «commerce » au paragraphe 1
de l'articleX du traité de 1955 comme incluant des activités com-
merciales en général - non seulement les activités mêmesd'achat et

de vente, mais également les activités accessoires qui sont intrinsè-
quement liéesau commerce » (Plates-formes pétrolières (République
islamique d'Iran c. Etats- Unis d'Amérique), exception préliminaire,
arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 819, par. 49).

Cet arrêt de 1996 qui a donc le caractère de res judicata ne concorde
pas avec les conclusions formulées dans l'arrêt de 2003 sur le para-
graphe 1 de l'article X du traité. At the time of the first attack, export of oil to the United States was
flowing as usual. Moreover, according to Iran, the Reshadat and Resalat
complexes were scheduled to resume production on 24 October 1987. The
Court somehow observes in paragraph 93 of the current Judgment that it
"has no information whether, at the time of the attacks, the works were
up to schedule" (Judgment, para. 93). Whether oil turbines were repaired

or not before 29 October 1987, the date of the enactment of Executive
Order 12613 and imposition of the embargo, is irrelevant.

What is relevant is that the October 1987 attack occurred at a time
when oil, albeit from other platforms, was being exported to the United
States. In paragraph 91, the Court notes that

"Iran has asserted, and the United States has not denied, that
there was a market for Iranian crude oil directly imported into the
United States up to the issuance of Executive Order 12613 of 29 Oc-
tober 1987. Thus Iranian oil exports did up to that time constitute
the subject of 'commerce between the territories of the High Con-
tracting Parties' within the meaning of Article X, paragraph 1, of the
1955 Treaty." (Judgment, para. 91 .)

This statement clearly recognizes that Article X, paragraph 1, was
breached during the ten days between 19 October 1987, date of the first
attack on the Reshadat and Resalat complexes, and 29 October 1987.
This is an established incontrovertible fact. Whether oil was at that time
produced or processed by the two platforms which were attacked or not
is irrelevant. The fact remains that commerce in oil was going on during

that period. 1 fail, with al1 due respect, to see where in the Treaty a dis-
tinction is drawn on the basis of what platforms produced the oil which
is protected by its provisions. This point has been accepted by the Court
in paragraph 82 where it observes that "it is oilxports from Iran to the
United States that are relevant to the case, not such exports in general"
(Judgment, para. 82).

It should be reiterated in this context that the freedom of commerce
which is protected under the Treaty is not confined to commerce between

the three platforms and the United States, it is between Iran as a whole
and the United States. As counsel for Iran remarked:
"in destroying the platforms, the United States prejudiced Iran's
freedom to organize its commerce as it wished from its own terri-

tory: whether from the platforms (or not), whether to reduce pro-
duction elsewhere and increase it on the platforms" (CR2003115,
p. 7, para. 21).
2.3. The second premise is that, once the embargo was imposed upon
the adoption of Executive Order 12613 on 29 October 1987, the legal PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.DISS.ELARABY) 298

A l'époque où a étélancéela première attaque, l'exportation de pétrole à

destination des Etats-Unisétait assuréecomme d'habitude. En outre, d'après
ce que dit l'Iran, il était prévu que les complexes de Reshadat et Resalat
reprendraient la production pétrolièrele 24 octobre 1987. Au paragraphe 93
de l'arrêt, la Cour dit qu'elle «ne dispose d'aucun élémentd'information
quant à la question de savoir si, au moment des attaques, le calendrier des
travaux était respecté))(arrêt, par. 93). Il est sans pertinence de savoir si les
turbines étaient ou non réparéesavant le 29 octobre 1987, qui est la date à
laquelle 1'Executive Order 12613 a été promulguéet l'embargo a été imposé.
Ce qui est pertinent c'est que l'attaque d'octobre 1987 a eu lieu à un

moment où, même si l'opération était menée à partir d'autres plates-
formes, il était exporté du pétrole à destination des Etats-Unis. Au para-
graphe 91, la Cour note :

«L'Iran affirme - et les Etats-Unis ne le contestent pas - qu'il
existait un marché pour le brut iranien importé directement aux
Etats-Unis jusqu'à l'adoption de 1'Executive Order 12613 du 29 oc-
tobre 1987. Les exportations de pétrole iranien jusqu'à cette époque
constituaient donc un ((commerce ...entre les territoires des deux
Hautes Parties contractantes)) au sens du paragraphe 1 de l'article X
du traité de 1955.)) (Arrêt, par. 91.)

Il est clairement admis, par conséquent, que le paragraphe 1 de l'article X
a étévioléau cours des dix jours s'écoulant entre le 19 octobre 1987, date
de la première attaque lancée contre les complexes de Reshadat et Resa-
lat, et le 29 octobre 1987. C'est là un fait établi désormais incontour-
nable. Il est sans pertinence de chercher à savoir si, à ce moment-là, les deux
plates-formes procédaient ou non à des opérations de production ou de
transformation du pétrole. Le fait demeure qu'il y avait toujours pendant

cette période commerce de pétrole. Malgré tout le respect que je dois à la
Cour, je ne vois pas qu'il soit opéré de distinction dans le traité en fonc-
tion des plates-formes qui produisent le pétrole protégé par les disposi-
tions dudit traité. La Cour a du reste accepté cette idéeau paragraphe 82
quand elle dit «que ce sont les exportations de pétrole de l'Iran vers les
Etats-Unis qui sont pertinentes en l'espèce, et non les exportations de
pétrole iranien en général» (arrêt, par. 82).
Et il convient de rappeler ici que la liberté de commerceprotégée par le

traité ne se limite pas au commerce entre les trois plates-formes et les
Etats-Unis, il s'agit du commerce entre l'Iran tout entier et les Etats-
Unis. Comme l'a fait observer le conseil de l'Iran:
«en détruisant les plates-formes, [les Etats-Unis] ont porté atteinte à

la liberté de l'Iran d'organiser son commerce comme il l'entendait
depuis son territoire: depuis les plates-formes (ou non), de diminuer
la production ailleurs pour l'accroître sur les plates-formes, etc. ))
(CR2003115, p. 49, par. 21).

2.3. La deuxième prémisse sur laquelle la Cour s'appuie est que,
une fois l'embargo imposé à la suite de l'adoption de 1'Executivesituation was altered as a result of the termination of oil importation
from Iran. In point of fact, oil importation from Iran was never inter-
rupted. It was only confined to the parameters allowed by the provisions
of the Executive Order. Thus commerce between the territories of the two
Parties did not come to a complete stop. The Court acknowledged this
fact when it noted that

"The Court sees no reason to question the view that, over the
period during which the United States embargo was in effect, petro-
leum products were reaching the United States, in considerable
quantities, that were derived in part from Iranian crude oil. Execu-
tive Order 12613 contained an exception (Section 2 (b)) whereby the
embargo was not to apply to 'petroleum products refined from Ira-

nian crude oil in a third country'. It could reasonably be argued
that, had the platforms not been attacked, some of the oil that they
would have produced would have been included in the consign-
ments processed in Western Europe so as to produce the petroleum
products reaching the United States. " (Judgment, para. 96.)

The fact of the matter is that prior to the embargo, commerce in oil
between the territories of the Parties proceeded as usual. After the impo-
sition of the embargo, only direct exportation of oil to the United States
was apparently halted. It was worthy of note in the latter case that Iran's
economy benefited from an increase in demand for crude oil in Western
European markets and that this corresponded to increased spending by
United States importers of oil from Western Europe. Thus a flow of
Iranian oil to the United States, albeit through third countries, and a
corresponding flow of capital which ultimately reached Iran took place
and was fully authorized by Article 2 (c) of the Executive Order.

In the Nicaragua case, the Court resolved that "the United States of
America, . . by declaring a general embargo on trade with Nicaragua .. .
has acted in breach of its obligations under . . the Treaty" (Military and
Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United
States of America), Merits, Judgment, 1.C.J. Reports 1986, p. 148,
para. 292 (11); emphasis added). Iran however, as the Court has rightly
noted, "has chosen not to put formally in issue" (Judgment, para. 94) the
imposition of the embargo. The legality of the embargo was not pleaded
by the Parties. It must therefore, for the purposes of the Judgment, be
considered moot. The Court consequently declared that it is concerned
only with the "practical effects of the embargo" (Judgment, para. 94).

The first practical effect should be to recognize that Executive Order
No. 12613, dated 29 October 1987, did not terminate al1 the importation
of Iranian oil to the United States: in Section 2 (b) which reads: "[tlhe
prohibition contained in Section 1 shall not apply to: .. . (b) petroleum
products refined from Iranian crude oil in a third country" (Oil Plat- PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.DISS.ELARABY) 299

Order 12613,le 29 octobre 1987, la situation s'est modifiée en droit parce
qu'il était mis fin aux importations de pétrole en provenance d'Iran. Or,
en réalité, les importations de pétrole en provenance d'Iran n'ont jamais

cessé. Elles ont simplement été limitées aux paramètres autorisés par les
dispositions de 1'Executive Order. Le commerce entre les territoires des
deux Parties n'a donc jamais cessé complètement. La Cour reconnaît le
fait quand elle dit ceci:

((La Cour ne voit aucune raison de douter que, au cours de la
période durant laquelle l'embargo des Etats-Unis était en vigueur,
des produits pétroliers dérivésen partie de pétrole brut iranien soient
parvenus aux Etats-Unis en très grandes quantités. L'Executive
Order 12613 comportait une exception (section 2 b)) selon laquelle
l'embargo ne devait pas s'appliquer aux ((produits pétroliers raffinés
à partir de brut iranien dans un pays tiers». Il pourrait être raison-
nablement soutenu que, si les plates-formes n'avaient pas étéatta-
quées, une partie du pétrole qu'elles auraient produit aurait été
incluse dans les quantités de brut transformées en Europe occiden-

tale en produits pétroliers exportés aux Etats-Unis. ))(Arrêt,par. 96.)
Le fait à retenir est que, avant l'embargo, le commerce de pétrole entre
les territoires des Parties continuait d'être pratiqué comme d'habitude.
Une fois l'embargo en vigueur, seules ont été apparemment interrompues

les exportations directes de pétrole à destination des Etats-Unis. Mais il
convient de noter à ce sujet que l'économie iranienne a bénéficiéd'une
augmentation de la demande de brut sur les marchés d'Europe occiden-
tale et que cette augmentation correspondait à des achats accrus de
pétrole d'Europe occidentale par les importateurs des Etats-Unis. Dans
ces conditions, il entrait bien du pétrole iranien aux Etats-Unis, mais il y
était importé par l'intermédiaire de pays tiers, contre des capitaux amé-
ricains qui parvenaient finalement, eux aussi, à destination, en Iran,
comme l'autorisait pleinement l'article 2 c) de 1'Executive Order.
Dans l'affaire Nicaragua, la Cour a décidé que «les Etats-Unis

d'Amérique ..par l'embargo généralsur le commerce avec le Nicaragua ...
ont violé leurs obligations découlant ...du traité» (Activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats- Unis
d'Amérique), fond, arrêt, C. I.J. Recueil 1986, p. 148, par. 292, point 11);
les italiques sont de moi). Mais l'Iran, comme la Cour l'a fort justement
noté, «a choisi de ne pas soulever formellement » (arrêt, par. 94) la ques-
tion de l'imposition de l'embargo. Les Parties n'ont donc pas plaidé la
licéitéde l'embargo. Aux fins de l'arrêt, il faut donc considérer que
l'embargo n'a pas d'intérêt en soi et la Cour a donc déclaréqu'elle ne
s'occupait ici que des ((effetspratiques de l'embargo» (arrêt, par. 94).

Et le premier de ces effets pratiques qu'il convient de reconnaître
doit être que I'Executive Order 12613 en date du 29 octobre 1987 n'a
pas mis fin à la totalité des importations de pétrole iranien aux Etats-
Unis :il est dit à la section 2 b) du décret en question: ((L'interdiction
prévue à la section 1ne s'applique pas :..b) aux produits pétroliers raffinésforms (Islamic Republic of Iran v. United States of America) , Counter-
Memorial and Counter-Claim of the United States, Vol. V, Exhibit 138).

Thus it is clear that only direct import of Iranian oil was prohibited
following the imposition of the embargo on 29 October 1987. Petroleum
products refined in a third country from Iranian crude oil continued to be
imported legally in the United States. In this context it is relevant to take
note of the phrase "Iranian crude oil" which demonstrates quite clearly

that the Executive Order endorses the view that a refined product in a
third country could still be traced, identified, and continue to retain its
certificate of origin as "Iranian". In paragraph 96 of the current Judg-
ment, the Court also endorses this view by saying that it

"sees no reason to question the view that, over the period during
which the United States embargo was in effect, petroleum products
were reaching the United States, in considerable quantities, that
were derived in part from Iranian crude oil" (Judgment, para. 96).

It will be recalled, in this context, that the United States expressed
the view that oil imported from third countries cannot be identified as
Iranian oil. The United States insisted that due to several chemical opera-
tions the original identity is altered. The United States contends that

"[tlhe crude oil underwent an even greater transformation in Europe,
first being mixed with crude oil from other sources . . .and then
being refined into oil products, such as fuel oil . . At that point, the
refined oil products, such as fuel oil, were capable of another sale,
either for consumption in Europe or for export to other countries,
including possibly the United States . . ." (CR200311 1, pp. 46-47,
para. 15.50.)

Theembargo,as drafted in Executive Order 12613, provides the answer.
Whatever chemical transformation occurs in third countries, the imported
petroleum products are considered Iranian by the explicit wording of the
Executive Order. The logical conclusion to be drawn is that the importa-
tion of Iranian crude oil through third countries was not illegal. Hence it
was feasible. Executive Order 12613 allows the indirect importation of
Iranian crude oil. It follows that commerce continued and did not stop
after the imposition of the embargo.

The Court however asserts that
"Whether, according to international trade law criteria, such as
the 'substantial transformation' principle, or the 'value added

approach', the final product could still retain for some purposes an
Iranian character, is not the question before the Court";à partir de brut iranien dans un pays tiers.)) (Plates-formes pétrolières
(République islamique d'Iran c. Etats- Unis d'Amérique), contre-mémoire
et demande reconventionnelle des Etats-Unis, vol. V, annexe 138.)
Il est donc clair que seules les importations directes de pétrole iranien
furent interdites à la suite de l'imposition de l'embargo le 29 octobre
1987. Les Etats-Unis ont continué d'importer légalement des produits
pétroliers raffinés dans un pays tiers à partir de brut iranien. Dans ce
contexte, il est pertinent de prendre note de l'expression ((brut iranien))
qui montre très clairementque, selon I'Executive Order, il est admis qu'il
est toujours possible de remonter jusqu'à l'origine d'un produit raffiné
dans un pays tiers, de l'identifier, et que ce produit conserve son certificat
d'origine qui le qualifie d'«iranien». Au paragraphe 96 de son arrêt en
l'espèce, la Cour adopte elle aussi ce point de vue en disant qu'elle

((ne voit aucune raison de douter que, au cours de la période durant
laquelle l'embargo des Etats-Unis était en vigueur, des produits
pétroliers dérivésen partie de pétrole brut iranien soient parvenus
aux Etats-Unis en très grandes quantités))(arrêt, par. 96).
On sait qu'à ce propos les Etats-Unis ont dit qu'à leur avis le pétrole
importé de pays tiers ne peut pas être identifié comme du pétrole iranien.
Les Etats-Unis insistent sur le fait que, en raison de plusieurs opérations
chimiques, l'identité initiale est modifiée. Les Etats-Unis soutiennent
ceci:

«le pétrole brut subissait ensuite une transformation encore plus
poussée en Europe, où il était d'abord mélangé à du brut d'autres
provenances ...puis raffiné en produits pétroliers, dont le fioul ...A
ce stade, les produits pétroliers raffinés comme le fioul pouvaient à
leur tour être vendus, soit pour consommation en Europe soit pour
exportation vers d'autres pays, y comprispeut-être les Etats-Unis.. .»
(CR 2003111, p. 46-47, par. 15.50.)

C'est l'embargo tel qu'il est défini dans 1'Executive Order 12613 qui
fournit la réponse. Quelle que soit la transformation chimique qui a lieu
dans les pays tiers, les produits pétroliersimportés sont considéréscomme
iraniens d'après le texte de 1'Executive Order qui est explicite à ce sujet.
La conclusion logique à en tirer est que l'importation de produits bruts
iraniens par l'intermédiaire de pays tiersn'était pas illicite. Elle était donc
réalisable. L'Executive Order 12613 autorise l'importation indirecte de
pétrole brut iranien. C'est-à-dire que le commerce s'est poursuivi et n'a
pas pris fin une fois l'embargo en vigueur.
La Cour affirme pourtant ceci :

«La question de savoir si, d'après les critères du droit commercial
international, tels celui de la ((transformation substantielle» ou celui
de la ((valeur ajoutée», le produit final pouvait conserver à certaines
fins un caractère iranien n'est pas la question que la Cour a à tran-
cher. ))and that

"What the Court has to determine is not whether something that
could be designated 'Iranian' oil entered the United States, in some
form, during the currency of the embargo; it is whether there was
'commerce' in oil between the territories of Iran and the United
States during that time, within the meaning given to that terrn in the
1955 Treaty." (Judgment, para. 96.)

2.4. The third premise is that the 1955 Treaty covers only direct com-
merce between the territories of the United States and Iran. Indirect com-
merce is considered by the Judgment as excluded from the protection
offered by the Treaty provisions. This rationale, in my view, is not well
founded in law in the context contemplated by the Treaty. Nowhere in
the Treaty is there a reference that its provisions apply to direct com-

merce.
The Treaty, moreover, has settled any interpretative speculation about
direct and indirect commerce by providing for a most favoured nation
clause to cover products of the one party whether they reach the territory
of the other party directly or indirectly. Article VI11 provides that :

"1. Each High Contracting Party shall accord to products of the
other High Contracting Party, from whatever place and by whatever
type of carrier arriving, and to products destined for exportation to
the territories of such other High Contracting Party, by whatever
route and by whatever type of carrier, treatment no less favourable
than that accorded like products of or destined for exportation to
any third country, in al1matters relating to :(a) duties, other charges,
regulations and formalities, on or in connection with importation
and exportation and (b) interna1 taxation, sale, distribution, storage

and use. The same rule shall apply with respect to the international
transfer of payments for imports and exports." (Oil Platforms
(Islamic Republic of Iran v. United States of America), Documen-
tary Exhibits submitted by the United States of America, Vol. 1,
Exhibit 1, Treaty of Amity, Economic Relations, and Consular
Rights of 1955 between the United States and Iran.)

It is clear that ArticleVI11 extends the most favoured nation clause to
products "from whatever place and by whatever type of carrier arriving"
"in al1 matters relating to: (a) . . regulations and formalities, on or in
connection with importation and exportation". This "exemption" in my
view matches the exception referred to above in Executive Order 12613.

They both cater for the treatment of indirect commerce. PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.DISS.ELARABY) 301

Et elle dit encore:
«Ce que la Cour doit déterminer, ce n'est pas de savoir si un pro-
duit donné qui pouvait être désignécomme du pétrole «iranien» a
pénétré aux Etats-Unis d'une manière ou d'une autre pendant la
durée de l'embargo, mais s'il existait un «commerce» de pétrole
entre les territoires de l'Iran et des Etats-Unis pendant cette période
- au sens donné à ce terme dans le traité de 1955. » (Arrêt,par. 96.)

2.4. La troisième hypothèse de départ est pour la Cour que le traité de
1955 porte exclusivement sur le commerce direct entre les territoires des
Etats-Unis et de l'Iran. Le commerce direct est considéré dans l'arrêt
comme exclu de la protection assurée par les dispositions du traité. Ce
raisonnement à mon sens n'est pas bien fondé en droit dans le cadre des
activités qu'envisage le traité. Il n'est dit nulle part dans ce traité que ses
dispositions s'appliquent au commerce direct.
En outre, le traité prévient toute spéculation abusive sur le commerce
direct et indirect dans l'interprétation de ses dispositions en protégeant
par une clause de la nation la plus favorisée les produits de chacune des
parties, que ceux-ci atteignent le territoire de l'autrpartie directement ou
indirectement. L'article VI11 du traité dispose en effet:

(<1. Chacune des Hautes Parties contractantes accordera aux pro-
duits de l'autre Haute Partie contractante, quelle qu'en soit la pro-
venance et indépendamment du mode de transport utilisé, ainsi qu'aux
produits destinés à l'exportation vers les territoires de cette Haute
Partie contractante, quels que soient l'itinéraire et le mode de trans-
port utilisés, un traitement non moins favorable que celui qui est
accordé aux produits similaires provenant de tout pays tiers ou des-
tinés à l'exportation vers tout pays tiers, pour toutes les questions
qui ont trait: a) aux droits de douane et autres taxes ainsi qu'aux
règles et formalités applicablesen matière d'importation et d'expor-
tation; et b) à la fiscalité, la vente, la distribution, l'entreposage et
l'utilisation desdits produits sur le plan national. La même règle
s'appliquera au transfert international des sommes versées en paie-
ment des importations ou des exportations. » (Plates-formes pétro-
lières (République islamique d'Iran c. Etats- Unis d'Amérique), pièces
documentaires soumises par les Etats-Unis d'Amérique, vol. 1,
pièce 1, traité d'amitié, de commerce et de droits consulairesde 1955

entre les Etats-Unis d'Amérique et l'Iran.)
Il est clair que ledit article VI11 étend le bénéficede la clause de la
nation la plus favorisée aux produits «de toutes provenances et indépen-
damment du mode de transport utilisé)) «pour toutes les questions qui
ont trait a) aux règles et formalités applicablesen matière d'importation
et d'exportation ». Cette ((exemption », àmon sens, correspond à l'excep-
tion viséeplus haut qui figure dans I'Executive Order 12613. Il s'agit dans
l'un comme dans l'autre cas de prendre en considération le commerce
indirect. It is submitted that the interpretation of Article X, paragraph 1, in
light and in the context of Article VIII, strongly supports a broad reading
of the word "commerce" which encompasses "indirect commerce". The

Court held in the Libya v. Chad case that

"a treaty must be interpreted in good faith in accordance with the
ordinary meaning given to its terms in their context and in;the light
of its object and purpose. Interpretation must be based above al1upon
the text of the Treaty." (Territorial Dispute (Libyan Arab Jamahi-
riya v. Chad), Judgment, 1. C.J. Reports 1994, pp. 21-22, para. 41 .)

The 1955 Treaty extends protection to products "_rom whatever place
and by whatever carrier". The text is quite clear. From whatever place by
definition covers crude oil reaching the United States indirectly through

third countries. The 1955 Treaty is a special and privileged type of FCN.
The correct interpretation of the general coverage of Article VI11 must
therefore be construed as extending protection to indirect co.mmerce.
Article 31 of the Vienna Convention on the Law of Treaties stipulates
that "A treaty shall be interpreted in good faith in accordance with
the ordinary meaning to be given to the terms of the treaty in their con-
text and in the light of its object and purpose." Any other interpre-
tation would lead to what the Vienna Convention on the Law of
Treaties termed as "a result which is manifestly absurd or unreasonable"
(Article 32 (b) of the Vienna Convention on the Law of Treaties).

Article X, paragraph 1, protected Iran's "freedom of commerce". Con-
sequently Iran's choice to decide what oil will be used for local consump-
tion and what oil will be destined for export is protected by the treaty
provisions. In 1996 the Court was indeed careful and avoided trespassing
into the merits of the case. It therefore confined its finding to stating that
"on the material now before the Court, it is indeed not able to determine
if and to what extent the destruction of the Iranian oil platforms had an
effect upon the export trade in Iranian oil".

However, it did hasten to add that

"it notes nonetheless that their destruction was capable of having
such an effect and, consequently, of having an adverse effect upon
the freedom of commerce as guaranteed by Article X, paragraph 1,
of the Treaty of 1955" (Oil Platforms (Islamic Republic of Iran v.
United States of America), Preliminary Objection, Judgment, 1. C.J.
Reports 1996 (II), p. 820, para. 51).

The Court should have been, at the merits phase, consistent with its 1996
Judgment by recognizing that the freedom of commerce had been
breached. PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.DISS.ELARABY) 302

Interpréter le paragraphe 1 de l'articleX compte tenu de l'article VI11
du traité et dans ce contexte-là permet très nettement d'entendre le terme
((commerce » en un sens large qui s'étend au ((commerceindirect ». Dans
l'affaire Libye c. Tchad, la Cour a dit que

«un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire
à attribuer à ses termes dans leur contexte et à la lumière de son
objet et de son but. L'interprétation doit être fondéeavant tout sur
le texte du traité lui-même.» (Différend territorial (Jamahiriya arabe
libyenne c. Tchad), arrêt, C.I.J. Recueil 1994, p. 21-22, par. 41.)

Or, le traité de 1955 étend la protection aux produits de chaque partie
((quelle qu'en soit laprovenance et indépendamment du mode de transport
utilisé)): ce texte est très clair. Par définition, les mots ((quellequ'en soit

la provenance))couvrent le pétrole brut qui entre aux Etats-Unis indirec-
tement en passant par des pays tiers. Le traité de 1955 est un traité d'ami-
tié, de commerce et de navigation d'un type particulier et protégé. Pour
interpréter correctement la portée de l'article VI11 sur un plan général,il
faut donc l'interpréter comme étendant la protection dont il s'agit au
commerce indirect. L'article 31 de la convention de Vienne sur le droit
des traités dispose: «Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le
sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la
lumière de son objet et de son but.» Toute autre interprétation produirait
ce que la convention de Vienne sur le droit des traités qualifie de

((résultat ..manifestement absurde ou déraisonnable » (article 32 b) de la
convention de Vienne sur le droit des traités).
La disposition énoncéeau paragraphe 1 de l'articleX du traité proté-
geait la ((liberté de commerce))de l'Iran. Par suite, les dispositions du
traité protégeaient le choix que faisait l'Iran en décidant du pétrole qui
servirait à la consommation locale et du pétrole qui serait destiné à
l'exportation. En 1996, la Cour a pris grand soin d'éviter d'aborder l'exa-
men au fond. Elle s'est donc contentée de conclure que, ([e]n l'état actuel
du dossier, la Cour n'[était] certes pas en mesure de déterminer si et dans
quelle mesure la destruction des plates-formes pétrolières iraniennes a eu

des conséquences sur l'exportation du pétrole iranien)).
Toutefois, la Cour a ajouté aussitôt:

((elle n'en constate pas moins que cette destruction était susceptible
d'avoir un tel effet et de porter par suite atteinte à la liberté de com-
merce telle que garantie par le paragraphe 1 de l'articleX du traité
de 1955» (Plates-formes pétrolières (République islamique d'Iran c.
Etats- Unis d'Amérique), exception préliminaire, arrêt, C.1.J. Recueil
1996 (II), p. 820, par. 51).

Au stade du fond, la Cour aurait dû témoigner de cohérence et, dans la
logique de l'arrêt de 1996, reconnaître qu'il y avait eu violation de la
liberté de commerce. III. ASPECTS OF JURISDICTION

The 1996 Judgment anchored the jurisdiction of the Court on very nar-
row ground, namely "to entertain the claims made by the Islamic Repub-
lic of Iran under Article X, paragraph 1, of that Treaty" (Oil Platforms
(Islarnic Republic of Iran v. United States of America), Preliminary
Objection, Judgment, I. C.J. Reports 1996 (II), p. 821, para. 55 (2)).
Claims under I and IV of the 1955 Treaty were rejected. The Court, how-

ever, made quite clear in the 1996 Judgment that

"the objective of peace and friendship proclaimed in Article 1 of the
Treaty of 1955 is such as to throw light on the interpretation of
the other Treaty provisions, and in particular of Articles IV and X.
Article 1 is thus not without legal significance for such an interpre-

tation, but cannot, taken in isolation, be a basis for the jurisdiction
of the Court." (Ibid., p. 815, para. 31 .)
Two points regarding the jurisdiction of the Court in this case need to
be addressed. The first relating to the selection of the approach. In other
words, whether to start with Article XX or Article X. The second is
whether it was proper to address the legal consequences of the use of

force as the Court deemed fit to do in the Nicaragua case.

3.1. With respect to the first point, it is appropriate to express my full
support for the road map followed by the Court in choosing to start by
the consideration of Article XX, paragraph 1 (d). The case as already
pointed out revolves around the legality of the use of force by the United
States against the Iranian oil platforms. The Court's decision to follow
that path was an instance of its "freedom to select the ground upon
which it will base its judgment" (Application of the Convention of 1902
Governing the Guardianship of Infants, Judgment, I. C.J. Reports 19.58,
p. 62). The Court further noted that "In the present case, it appears to

the Court that there are particular considerations militating in favour of
an examination of the application of Article XX, paragraph 1 (d), before
turning to Article X, paragraph 1" (Judgment, para. 37).

3.2. As for the second point, it is a fact that the jurisdiction of the
Court in this case differs from the Court's jurisdiction in the Nicaragua
case mainly because the United States withdrew its acceptance of the
compulsory jurisdiction of the Court by a declaration in 1984. Yet not-
withstanding the narrow scope of its jurisdiction in this case, the reason-
ing in the Judgment follows the Nicaragua methodology. Several

paragraphs more or less emulate Nicaragua, such as:

"This approach is consistent with the view that, when Article XX,
paragraph 1 (d), is invoked to justify actions involving the use of III. CERTAINS ASPECTS DE LA COMPÉTENCE

Dans son arrêtde 1996, la Cour s'est reconnu une base de compétence
extrêmement étroite «pour connaître des demandes formulées par la
République islamique d'Iran au titre du paragraphe 1 de l'article X dudit
traité [de 19551» (Plates-formes pétrolières (République islamique d'Iran

c. Etats- Unis d'Amérique), exception préliminaire, arrêt, C.1.J. Recueil
1996 (II), p. 821, par. 55, point 2)). Les demandes formulées au titre des
articles premier et IV du traité de 1955 ont étérejetées. La Cour a tou-
tefois bien précisé dans l'arrêt de 1996 que
«l'objectif de paix et d'amitié proclamé à l'article premier du traité
de 1955 est de nature à éclairer l'interprétation des autres disposi-

tions du traité, et notamment celles des articles IV et X. L'article
premier n'est ainsi pas sans portée juridique pour une telle interpré-
tation, mais il ne saurait, pris isolément, fonder la compétence de la
Cour. » (Zbid., p. 815, par. 31.)
Il convient d'examiner deux points relatifs à la compétence de la Cour
en l'espèce. Le premier porte sur le choix méthodologique à retenir.

Autrement dit, il s'agit de savoir s'il faut commencer par l'article XX ou
par l'article X du traité. Le second point est de savoir si la Cour était
fondée à examiner les conséquences juridiques de l'emploi de la force
comme la Cour a jugé bon de les examiner dans l'affaire Nicaragua.
3.1. S'agissant du premier point, je dois dire que j'adhère sans réserve
au choix opérépar la Cour quand elle a décidéd'examiner en premier
l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX. Comme nous l'avons déjà dit,
l'affaire porte sur la licéitéde l'emploi de la force par les Etats-Unis à
l'encontre des plates-formespétrolièresiraniennes. En décidant de s'enga-
ger dans cette voie-là, la Cour faisait application du principe suivant

lequel elle «reste libre dans le choix des motifs sur lesquels elle fondera
son arrêt» (Application de la convention de 1902 pour régler la tutelle des
mineurs, arrêt, C.Z.J. Recueil 1958, p. 62). La Cour a noté en outre que,
«[e]n la présente espèce, [elle] est d'avis que des considérations particu-
lières incitentà examiner l'application de l'alinéa d) du paragraphe 1 de
l'article XX avant d'aborder le paragraphe 1 de l'article X» (arrêt,
par. 37).
3.2. S'agissant du second point, c'est un fait que la compétence de la
Cour en la présente espèce n'est pas celle que la Cour avait dans l'affaire
Nicaragua, essentiellement parce que les Etats-Unis ont publié en 1984

une déclaration par laquelle ils revenaient sur leur acceptation de la com-
pétence obligatoire de la Cour. Il n'empêche que, malgré l'étroitesse de sa
compétence en la présente espèce, la motivation de l'arrêt rendu
aujourd'hui s'inspire de la méthodologie adoptée dans l'affaire Nicara-
gua. Plusieurs paragraphes s'inspirent plus ou moins de cette affaire
Nicaragua, par exemple :

((Cette approche concorde avec le point de vue selon lequel,
lorsque l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX est invoqué pour armed force, allegedly in self-defence, the interpretation and appli-
cation of that Article will necessarily entai1 an assessment of the
conditions of legitimate self-defence under international law."
(Judgment, para. 40.)

The Court also rightly observed in paragraph 41 that
"It is hardly consistent with Article 1 to interpret Article XX,

paragraph 1 (d), to the effect that the 'measures' there contemplated
could include even an unlawful use of force by one party against the
other. Moreover, under the general rules of treaty interpretation, as
reflected in the 1969 Vienna Convention on the Law of Treaties,
interpretation must take into account 'any relevant rules of interna-
tional law applicable in the relations between the parties' (Art. 31,
para. 3 (c)). The Court cannot accept that Article XX, para-
graph 1 (d), of the 1955 Treaty was intended to operate wholly
independently of the relevant rules of international law on the use
of force, so as to be capable of being successfully invoked, even in

the limited context of a claim for breach of the Treaty, in relation
to an unlawful use of force. The application of the relevant rules of
international law relating to this question thus forms an integral part
of the task of interpretation entrusted to the Court by Article XXI,
paragraph 2, of the 1955 Treaty." (Judgment, para. 41 .)

3.3. More significantly, the Court while holding that it "is always con-
scious that it has jurisdiction only so far as conferred by the consent of
the parties" (Judgment, para. 41), rightly concluded that
"its jurisdiction under Article XXI, paragraph 2, of the 1955 Treaty

to decide any question of interpretation or application of (inter
alia) Article XX, paragraph 1 (d), of that Treaty extends, where
appropriate, to the determination whether action alleged to be justi-
Jied under that paragraph was or was not an unlawful use of force, by
reference to international law applicable to this question, that is to
say, the provisions of the Charter of the United Nations and custom-
ary international law" (Judgment, para. 42; emphasis added).

This conclusion constituted an express recognition that the "United
Nations criteria" apply. This was, however, not adequately spelled out
and reflected in the operative part as the Court opted for an incomplete
finding. A reader of the Judgment would notice a conceptual legal gap
between the reasoning and the dispositif. A comprehensive judicial pro-
nouncement of an exhaustive nature on a grave matter like the use of
force should have been included to reaffirm the law. The Court would

have been well advised to follow the adage of Judge Sir Hersch Lauter- PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. DISS.ELARABY) 304

justifier que soient prises, au nom de la légitime défense, des me-
suresimpliquant un recours àlaforcearmée,l'interprétation etl'appli-
cation de cet article supposent nécessairement une appréciation des
conditions d'exercice de la légitime défense au regard du droit inter-
national. » (Arrêt, par. 40.)

La Cour fait également observer fort justement au paragraphe 41 :
«Une interprétation de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'articleXX

selon laquelle les «mesures» qui y sont prévues pourraient même
comprendre un recours illicite à la force par une partie contre l'autre
ne serait guère compatible avec l'article premier. En outre, confor-
mément aux règles généralesd'interprétation des traités telles qu'elles
ont trouvé leur expression dans la convention de Vienne de 1969 sur
le droit des traités, l'interprétationdoit tenir compte «de toute règle
pertinente de droit international applicable dans les relations entre
les parties» (alinéa c) du paragraphe 3 de l'article 31). La Cour ne
saurait admettre que l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'articleXX du
traité de 1955 ait étéconçu comme devant s'appliquer de manière

totalement indépendante des règles pertinentes du droit international
relatif à l'emploi de la force, de sortequ'il puisse êtreutilement invo-
qué, y compris dans le cadre limité d'une réclamation fondée sur une
violation du traité, en cas d'emploi illicite de la force. L'application
des règles pertinentes du droit international relatif à cette question
fait donc partie intégrante de la tâche d'interprétation confiée à la
Cour par le paragraphe 2 de l'articlXXI du traité de 1955. » (Arrêt,
par. 41.)

3.3. Point plus important encore, la Cour, tout en disant «demeur[er]
consciente qu'elle n'a que la compétence que lui confère le consentement
des parties))(arrêt, par. 42)' conclut très justement que
«la compétence que lui confère le paragraphe 2 de l'articleXXI du

traité de 1955 pour régler toute question concernant l'interprétation
ou l'application de - notamment - l'alinéa d) du paragraphe 1 de
l'articleXX de ce traité l'autorise aussi, en tant que de besoin, à
déterminer si une action présentée comme justijîée par ce paragraphe
constituait ou non un recours illicite à la force au regard du droit
international applicable en la matière, à savoir les dispositions de la
Charte des Nations Unies et du droit international coutumier » (arrêt,
par. 42; les italiques sont de moi).

Cette conclusion revient à reconnaître expressément que les «critères des
Nations Unies» s'appliquent. Mais cela n'est toutefois pas suffisamment
précisé ni dit clairement dans le dispositif car la Cour a opté pour une
conclusion incomplète. Le lecteur de l'arrêt ne peut que constater une
solution de continuité juridique sur le plan théorique entre la motivation
et le dispositif. La Cour aurait dû se prononcer dans le détail, de façon
exhaustive, sur la grave question de l'emploi de la force afin de réaffirmer
le droit. Elle aurait étébien inspirée de suivre l'adage formulé par l'ancienpacht when he wrote that "there are compelling considerations of inter-
national justice and of development of international law which favour a
full measure of exhaustiveness of judicial pronouncernents" (Sir Hersch
Lauterpacht, The Development of International Law by the International
Court, reprinted edition, 1982, p. 37).

For the aforementioned reasons 1 was unable to vote with the
majority. Hence my negative vote.

(Signed) Nabil ELARABY. PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.DISS.ELARABY) 305

juge sir Hersch Lauterpacht quand il écrivit que «de puissantes considé-
rations - tenant à la justice internationale et au développement du droit
international - militent en faveur du caractère entièrement exhaustif des
prises de position judiciaires » (sir Hersch Lauterpacht, The Development
of International Law by the International Court, nouvelle édition, 1982,
p. 37).
Pour les motifs ci-dessus, je n'ai pas pu voter avec la majorité. J'ai
donc voté contre l'arrêt.

(Signé) Nabil ELARABY.

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Document Long Title

Opinion dissidente de M. Elaraby (traduction)

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