Opinion individuelle de Mme. Higgins (traduction)

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090-20031106-JUD-01-03-EN
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OPINION INDIVIDUELLE DE MME LE JUGE HIGGINS

[Traduction]

Caractère juridique de l'article XX comme moyen de défense - Le dispositif
n'énonce généralement pas de constatations sur les moyens de défense - Règle
ultra petita - Exceptions fondées sur le caractère nécessaire et souhaitable des
mesures adoptées - Ces exceptions ne sont ni l'une ni l'autre applicables en

l'espèce- La liberté de choix des motifs s'exerce dans le cadre de la règle ultra
petita - Le critère de preuve exigé n'est pas dé$ni - Il faut traiter les éléments
de preuve sur un pied d'égalitéet dans la transparence - Droit international et
interprétation de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX - Interpréter par
rapport au droit international et écarter le droit applicable sont deux choses dif-
férentes - Il y a incompatibilité avec l'arrêt de 1996.

1. J'ai voté pour le dispositif, parce que, dans ses conclusions finales,
l'Iran demandait à la Cour de dire que les actions militaires dirigées par

les Etats-Unis contre les plates-formes pétrolières dont il est fait état dans
la requête constituaient une violation du paragraphe 1 de l'article X du
traité d'amitié et que la Cour a décidé qu'elle «ne saurait faire droit à
[cette] conclusion». Les raisons pour lesquelles je souscris à ce rejet sont
essentiellement celles que la Cour expose aux paragraphes 79 à 98 de
l'arrêt. Je souscris également au rejet par la Cour, au paragraphe 2 du

dispositif, de la demande reconventionnelle des Etats-Unis.
2. Toutefois, je crois utile d'expliquer qu'à mon avis une conclusion
relative à l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX du traité n'a pas à
figurer dans le dispositif du tout, d'autant moins qu'elle constitue dans ce
dispositif la première des questions tranchées par la Cour. En outre, cer-

tains élémentsde l'exposé des motifs et de la méthodologie retenus par la
Cour me paraissent douteux.

3. La Cour a définide plusieurs façons le caractère de l'article XX et des
dispositions comparables figurant dans d'autres traités. Dans l'affaire des
Activités militaires etparamilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nica-
ragua c. Etats-Unis d'Amérique), la Cour dit de la clause comparable du
traité d'amitié, de commerce et de navigation qu'elle ((définitles cas dans
lesquels le traité prévoit lui-mêmedes exceptions au caractère général deses

autres dispositions » (fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 116, par. 222).
Ailleurs, la Cour dit de l'article XXI du traité d'amitié, de commerce et de
navigation liant le Nicaragua et les Etats-Unis qu'il donne des critères en
vertu desquels des violations apparentes du traité sont peut-être ((néan-
moins justifiables » (C.1. J. Recueil 1986, p. 136, par. 272, et p. 139, par. 278). 4. Je me permets de dire que ces autres jugements sont tous préférables
à l'unique indication énoncéedans l'arrêt de 1986 aux termes de laquelle
cet articleXXI du traité confère à chacune des parties «la faculté de déro-

ger aux autres dispositions de cet instrument » (C. 1.J. Recueil 1986,
p. 117, par. 225). Le terme «dérogation» s'entend généralement de la
facultéinvoquée par l'une des parties pour s'abstenir d'appliquer pendant
un temps déterminé les conditions prescrites par une clause particulière.
Or, ni l'article XX du traité conclu par l'Iran et les Etats-Unis ni l'ar-
ticle XXI du traité conclu par le Nicaragua et les Etats-Unis ne paraissent
êtreune clause dérogatoire au sens normalement attribué à ce terme. Ces
clauses représenteraient en fait, comme la Cour l'a dit ailleurs à maintes
reprises, des moyens de défendre ou de justifier des actes qui auraient
normalement constitué des violations d'une obligation contractée en
vertu du traité considéré. En l'espèce, la Cour a également préciséque
l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX doit êtreconsidéré comme une

défense (exception préliminaire, C.Z. J. Recueil 1996 (11)' p. 811, par. 20).
5. Nonobstant la façon dont la Cour a qualifié la disposition compa-
rable en 1986 et nonobstant la façon dont elle a qualifié l'article XX en
1996 lors de la phase de l'affaire consacrée à l'exception préliminaire, les
Etats-Unis ont adopté sur cette disposition une attitude assez différente.
Ils ont dit en effet à la Cour: ((L'article XX n'est pas une limitation de
l'article X ..l'article XX est une disposition de fond qui, en mêmetemps
et sur le mêmeplan que l'article X, définit et délimite les obligations des
Parties.)) (CR 2003112, p. 14.) La Cour, après avoir citéce passage dans
son arrêt, poursuit: «Sur cette base, les Etats-Unis estiment que l'ordre
dans lequel les questions seront abordées relève de la discrétion de la
Cour. » (Arrêt, par. 36.) Et c'est l'argument que la Cour utilise pour jus-

tifier l'énoncé,dans le dispositif, de constatations relatives à l'alinéa d)
du paragraphe 1 de l'article XX avant qu'elle aborde le paragraphe 1 de
l'article X.
6. Toutefois, quand on lit ces membres de phrase non pas isolément
mais dans le cadre de l'exposé global de la thèse des Etats-Unis, c'est un
autre tableau qui se dessine. Avant de dire que l'ordre des questions à
aborder relevait de la discrétion de la Cour, les Etats-Unis introduisaient
nettement cette idéepar les explications suivantes:

«si la Cour conclut que les actions américaines n'ont pas violé le
principe de la liberté de commerce et de navigation de l'article X, elle
n'a plus besoin de se demander si ces actions étaient légitiméespar la
protection des intérêts essentiels de sécurité de l'article XX. A
l'inverse, si la Cour conclut que les actions américaines étaient «jus-
tifiées» par la protection des intérêtsessentiels de sécuritéde l'ar-
ticle XX, elle n'a plus besoin de se demander si ces actions contreve-
naient au principe de la liberté de commerce et de navigation de
l'article X. » (CR 2003111, p. 16.)

7. Bien entendu, pour établir définitivement s'il y a eu violation d'une
obligation conventionnelle,la Cour doit absolument examiner toutes lesjustifications ou tous les moyens de défense que produit le défendeur sur
un comportement qui paraît porter atteinte aux droits du demandeur.
C'est là un exercice parfaitement normal auquel la Cour se livre constam-
ment. Mais il s'agit simplement d'adopter la motivation sur laquelle la
conclusion définitive sera fondée. La Cour va prendre en considération la
défense invoquée pour aboutir à une conclusion tendant à accueillir ou

non la demande, et c'est cette dernière conclusion qui constitue alors le
dispositif.
8. Normalement la Cour ne fait pas de l'acceptation ou du rejet d'un
moyen de défense qui lui a été présentéun élémentde son dispositif. En
fait, dans toute la jurisprudence de la Cour permanente ou de la Cour
actuelle, il n'existe guère qu'un seul autre exemple d'affaire où le rejet
d'un éventuel moyen de défense figure dans le dispositif lui-même, et il
s'agit de l'arrêt de 1986 rendu dans l'affaire des Activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis
d'Amérique). Dans cette affaire, l'argument des Etats-Unis, lesquels
justifiaient leur action par la légitime défense collective, a été rejetédans

le dispositif. On peut se demander si l'absence des Etats-Unis lors de la
phase de l'examen au fond n'a pas joué un rôle dans cette façon de faire
inhabituelle de la part de la Cour mais on n'a pas la réponse. Et il faut
en outre noter que le Nicaragua avait, dans ses conclusions finales,
demandé à la Cour de ((dire et juger que les Etats-Unis [avaient] violé
les obligations de droit international indiquées dans ... le mémoire »
(C.I. J. Recueil 1986, p. 19-20) et, dans son mémoire, le Nicaragua avait
fort longuement exposé ce point (mémoire du Nicaragua, C.1.J. Mé-
moires, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci (Nicaragua c. Etats- Unis d'Amérique), vol. IV, p. 51-54,
75-83). Cet élément particulier des conclusions du Nicaragua fait tota-
lement défaut en l'espèce.

9. Dans sa requête introductive d'instance de novembre 1992, l'Iran a
demandé à la Cour de se prononcer sur cinq points. Le premier point (a))
visait la compétence. Les deuxième et troisième points (b) et c)) visaient
à constater des violations d'obligations contractées au titre de l'ar-
ticle premier et du paragraphe 1 de l'article X du traité d'amitié et au titre
du droit international. Les quatrième et cinquième points (d) et e)) por-
taient sur les réparations demandées.
10. Dans ses écritures relatives à la compétence de la Cour, l'Iran

a prétendu que les Etats-Unis avaient enfreint le paragraphe 1 de l'ar-
ticle IV du traité et l'Iran a évoquéla question dans ses conclusions.
Il. En mars 2003, quand l'Iran a présenté ses conclusions finales, la
Cour s'était déjà prononcée sur la compétence dans son arrêt du 12 dé-
cembre 1996 et il y avait eu aussi la procédure orale sur le fond. Dans les
paragraphes 2 et 3 de ses conclusions finales, l'Iran a demandé à la Courde se prononcer sur les réparations. L'Iran ne demandait plus à la Cour
qu'une seule constatation de fond qu'il énonçait, au paragraphe 1 de ses
conclusions finales, comme suit:

«En attaquant et en détruisant, les 19 octobre 1987 et 18 avril
1988, les plates-formes pétrolières mentionnées dans la requête de
l'Iran, les Etats-Unis ont manqué à leurs obligations vis-à-vis de
l'Iran au regard du paragraphe 1 de l'articleX du traité d'amitié,
et ...la responsabilité de ces attaques incombe aux Etats-Unis.))
(Arrêt, par. 20.)

12. Par opposition aux demandes qu'il formule dans sa requête et lors
de la phase consacrée à l'exception préliminaire, l'Iran, dans ses conclu-
sions finales, ne demande donc plus à la Cour de se prononcer sur l'ar-
ticle premier du traité d'amitié, sur le paragraphe 1 de l'article IV, sur
l'articleX hormis son paragraphe 1, ni sur le droit international. Et
jamais, du début à la fin, l'Iran ne demande à la Cour de formuler la
moindre constatation sur l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'articleXX.

13. La Cour explique la façon de faire inhabituelle qu'elle adopte en
se prononçant dans le dispositif sur l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'ar-
ticle XX par le principe selon lequel elle «reste libre dans le choix des
motifs sur lesquels elle fondera son arrêt» (paragraphe 37, où la Cour cite
ainsi l'affaire de l'Application de la convention de 1902 pour régler la
tutelle des mineurs, arrêt, C. 1.J. Recueil 1958, p. 62). Cette liberté n'est
bien entendu pas illimitée. Comme elle le dit dans l'arrêt rendu dans
l'affaire du Droit d'asile (C.1.J. Recueil 1950, p. 402) : «la Cour a le
devoir de répondre aux demandes des parties telles qu'elles s'expriment
dans leurs conclusions finales, mais aussi celui de s'abstenir de statuer sur
des points non compris dans lesdites demandes ainsi exprimées ».
14. En mêmetemps, il est bien établi que la règle ultra petita ne saurait

empêcher la Cour d'aborder certains points «si elle l'estime nécessaire ou
souhaitable, ...dans les motifs de son arrêt» (Mandat d'arrêt du II avril
2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), arrêt, C. IJ.
Recueil2002, p. 19, par. 43). Il est donc arrivé exceptionnellement que la
Cour estime nécessaire de développer une conséquence de ses constata-
tions parce que les parties auront besoin de la connaître (Délimitation
maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c.
Bahreïn), fond, arrêt, C.1. J. Recueil 2001, p. 117, par. 252, point 2) b)).
Et il est arrivé à l'occasion que la Cour juge souhaitable d'inclure dans
son dispositif une disposition énonçant sous forme d'obligation un enga-
gement qui a été prisou une déclaration solennelle qui a été faite lors de
la procédure orale (Ile de KasikililSedudu (BotswanalNamibie), arrêt,
C.Z.J. Recueil 1999 (II), p. 1108, par. 104, point 3); Frontière terrestre et

maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria; Guinée
équatoriale (intervenant)), arrêt, C.Z. J. Recueil 2002, p. 457, par. 325,
point V) C)). La Cour a également jugé souhaitable de rappeler à l'en-
semble des Etats qu'ils ont l'obligation de négocier pour réaliser un désar-
mement nucléaire (Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. IND. HIGGINS) 229

avis consultatiJ C.I. J.Recueil 1996 (1)' p. 267, par. 105, point 2) F)).Et
aucune de ces décisions n'a amené la Cour à établir qu'une des parties
avait agi contrairement au droit international quand l'autre partie n'avait

pas demandé dans sa conclusion finale que la Cour se prononce sur ce
point de droit.
15. Il est difficile de voir pourquoi il estnécessaire ne serait-ce que
d'aborder l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX, et encore moins
pourquoi il faudrait le faire dans le dispositif. En l'espèce, la Cour n'a pas
même atteint le premier obstacle (la violation de droits conventionnels)
qui impose d'examiner s'il existe en l'occurrence un moyen de défense ou
unejustification. Si tel avait étéle cas, on aurait pu s'attendre à ce que la
Cour appuie une part de sa motivation sur une analyse des dispositions
de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX - sans que, mêmealors,

cela doive figurer dans le dispositif. En l'espèce néanmoins, la Cour
consacre de vastes pans de son arrêt et une part de son dispositif à un
élément ne faisant l'objet d'aucune demande dans les conclusions du
demandeur qui ait le caractère d'un moyen de défense à l'encontre d'une
violation - violation dont la Cour n'a pas encore établi et n'établit pas
la réalité.
16. La Cour cherche apparemment à demeurer dans le cadre de la doc-
trine ultra petitaen soulignant qu'il est souhaitable de formuler une cons-
tatation sur l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX alors que, pour-
tant, l'Iran n'a pas demandé de constatation de cet ordre dans ses

conclusions finales. Comme ces ((raisonsd'opportunité » ont trait à l'inclu-
sion d'une constatation relative à l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'ar-
ticleXX dans les motifs et aussi dans le dispositif, d'une part, et, de l'autre,
à la place consacrée à cette constatation dans le dispositif, etce sera la
première place, il convient de traiter ensemble ces deux aspects.
17. La Cour estime que des «considérations particulières incitent à
examiner l'application de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX
avant d'aborder le paragraphe 1 de l'article X» (arrêt, par. 37). Les
mêmesconsidérations m'incitent à adopter la position opposée.
18. Les considérations qu'invoque la Cour sont que «le différend ini-
tial entre les Parties portait sur la licéitédes actions menées par les Etats-

Unis, à la lumière du droit international relatif à l'emploi de la force»
(par. 37) et que «les deux Parties conviennent que la présente affaire est
loin d'être sans incidences en matière d'emploi de la force ...» (par. 38).
19. En 1996, la Cour savait très bien qu'un différend de caractère
généralopposait les Parties dans le cadre duquel elles faisaient l'une et
l'autre état de l'emploi illicite de la force par la partie adverse. L'impor-
tance accordée par l'Iran, lors des exceptions préliminaires, à l'article pre-
mier du traité n'était qu'un élément parmi beaucoup d'autres qui
prouvent que l'Iran ne s'intéressait véritablement et exclusivement
qu'à l'emploi de la force. L'Iran n'a pas communiqué de solides données

économiques et commerciales lors de la phase du fond pour étayer la vio-
lation à ses dépens, dont il faisait état, de la liberté de commerce et de
navigation, montrant à nouveau par là à quoi il s'intéressait vraiment.L'absence de protestation officielle de sa part quand les Etats-Unis, en
octobre 1987, ont imposé leur embargo sur le pétrole brut est également
très étonnante et significative car elle permet de penser que l'Iran n'a
jamais éprouvé beaucoup d'inquiétude face à des mesures susceptibles de
soulever des questions juridiques au sujet de l'obligation d'assurer la

liberté de commerce qui est prescrite au paragraphe 1 de l'article X du
traité de 1955.
20. Quoi qu'il en soit, la Cour en 1996 a constaté qu'elle ne pouvait
avoir compétence ni en se fondant sur l'article premier (mêmesi ledit ar-
ticle était utile aux fins de l'interprétation du traité dans son ensemble) ni
sur le paragraphe 1 de l'article IV. En revanche, il était peut-être encore
possible de montrer que les actions militaires des Etats-Unis avaient
porté atteinte à la liberté de commerce garantie entre les deux pays par le
paragraphe 1 de l'article X du traité et la question dont la Cour a autorisé

l'examen au fond ne portait pas sur la licéitéde l'emploi de la force par
rapport au droit international, y compris le droit de la Charte, il s'agissait
d'«un différend quant à l'interprétation et à l'application du para-
graphe 1 de l'article X du traité de 1955 ))(C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 820,
par. 53). La Cour a dit avoir compétence pour connaître des demandes
formulées par l'Iran au titre de cette disposition(ibid., p. 821, par. 55). La
Cour a en outre rattaché les questions relatives à l'emploi de la force à la
prescription énoncéeau paragraphe 1 de l'article X du traité en consta-
tant que toute action de l'une des parties au traité peut en principe violer
une obligation découlant dudit traité ((quels que soient les moyens utilisés
à cette fin)) (ibid., p. 811, par. 21).

21. Ayant clairement expliqué en 1996 que l'alinéa d) du paragraphe 1
de l'article XX «offre seulement aux Parties une défense au fond qu'il
leur appartiendra, le cas échéant, de faire valoir le moment venu» (C.I.J.
Recueil 1996 (II), p. 811, par. 20)' la Cour, pour que ce cas se présente
effectivement, devrait d'abord constater que les mesures adoptées consti-
tuent violation de l'accord conclu au paragraphe 1 de l'article X, aux
termes duquel: ((11y aura liberté de commerce et de navigation entre
les territoires des deux Hautes Parties contractantes.)) (Ibid., p. 817,
par. 37.)
22. Il est on ne peut plus clair que la Cour a tenu à limiter l'exercice de

sa compétence à une analyse ultérieure du point de savoir si les actions
militaires des Etats-Unis ont violécette liberté de commerce et de naviga-
tion. Le ((différend initial)) est sans pertinence à l'heure actuelle et il est
inopportun qu'en 2003 la Cour traite le paragraphe 1 de l'article X du
traité comme s'il fallait le rajouter au ((différend initial» au sujet duquel,
en 1996, elle a estimé ne pas avoir compétence.
23. Dans l'affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicara-
gua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), la Cour n'a
pas traité l'article XXI comme si le ((différend initial))portait sur l'emploi
de la force et que cet emploi de la force ((était loin d'être sans inci-

dences)). En réalité, la Cour a nettement assigné pour fonction à cet
article XXI du traité d'amitié, de commerce et de navigation conclu entre PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. IND. HIGGINS) 231

le Nicaragua et les Etats-Unis de permettre de vérifier s'il était possible de
défendre ou de justifier une atteinte portée à un droit découlant d'un
traité. La Cour a constaté que diverses dispositions dudit traité avaient

effectivement étéviolées. Comme la Cour le dit alors, après avoir constaté
une violation du paragraphe 1 de l'article XIX relatif à la liberté de navi-
gation, ((reste à savoir si l'article XXI pourrait justifier cette action))
(C.I. J. Recueil 1986, p. 139, par. 278). En l'espèce, ce premier obstacle
- c'est-à-dire une violation du paragraphe 1 de l'article X du traité - ne
s'est pas manifesté.Invoquer le différend initial » et ((l'incidence » impor-
tante de la question ne saurait transformer une défense aléatoire en une
question qu'il est «souhaitable» de traiter dans le texte de l'arrêt et dans
son dispositif.
24. Pour résumer, l'Iran n'a pas prétendu en 1996 que l'alinéa d) du

paragraphe 1 de l'article XX fournissait une base de compétence; ce
n'était pas une disposition au titre de laquelle l'Iran, dans ses conclusions
finales de 2003, demandait à la Cour de dire et juger que les Etats-Unis
avaient agi dans l'illégalité;et c'est une disposition dont la Cour disait en
1996 qu'elle offrait une éventuelle ((défense au fond qu'il ...appartien-
dr[ait], le cas échéant, de faire valoir)) (C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 811,
par. 20). La Cour n'a donc rien constaté qui permette de restreindre
l'application de la règle non ultra petita.

25. L'arrêt contient une explication subsidiaire concernant la place
faite dans le dispositif à l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX, une
place qui est en fait la première. La Cour dit qu'à son avis l'ordre dans
lequel les articles du traité de 1956 ont été examinésen l'affaire des Acti-
vitésmilitaires etparamilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicara-
gua c. Etats-Unis d'Amérique) n'a pas étédicté par l'économie du traité;
il illustre plutôt le principe selon lequel la Cour ((restelibre dans le choix
des motifs sur lesquels elle fondera son arrêt (arrêt, par. 37). Mais si on lit

comme il convient les passages pertinents de l'arrêt rendu en cette affaire
des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c. Etats- Unis d'Amérique), on doit, semble-t-il, en tirer une
autre conclusion. La Cour, dans ces passages, a dit comment elle pouvait
établir que certains actes portaient atteinte à une obligation de fond, mais
a préciséqu'elle ne pourrait pas les dénoncer comme étant une violation
du traité sans s'assurer d'abord que ces actes n'étaient pas des ((mesures ...
nécessaires à la protection)) des intérêts vitaux des Etats-Unis en ce qui
concerne leur sécurité(C.I. J. Recueil 1986, p. 136, par. 272).
26. Il appartient incontestablement à la Cour de choisir les motifs sur

lesquels elle va fonder son arrêt (compte tenu des contraintes de la règle
ultra petita indiquées ci-dessus, y compris les restrictions à ladite règle),
mais la Cour l'a toujours fait en étant parfaitement consciente de ce
qu'est le droit applicable ((véritable)) dans l'affaire dont elle connaît.Ainsi, pour rendre son avis consultatif sur la Licéitéde la menace ou de
l'emploi d'armes nucléaires, alors qu'il lui avait notamment été présenté
une thèsejuridique sur la convention relative au génocide et l'article 6 du
pacte international relatif aux droits civils et politiques, Cour n'a pas
hésité à adopter l'idée qu'elle devait exercer «son libre choix» en cher-
chant les motifs de son avis consultatif dans le droit de la Charte et le
droit humanitaire. Il ne peut pas être à mon sens «souhaitable» ni du
reste opportun de la part de la Cour de traiter une demande qu'elle a
elle-mêmedéfinie comme une demande relative à la liberté de commerce
et de navigation en faisant porter son analyse sur le droit international
concernant l'emploi de la force. Et à l'inverse, s'il faut soumettreà exa-
men judiciaire l'emploi de la force sous la forme de l'agression armée et
de la légitime défense, y a-t-il bien lieu de le faire par le chas d'une
aiguille, en l'occurrence la disposition relativeà la liberté de commerce
d'un traité d'amitié, de commerce et denavigation datant de 1955? Il faut
répondre #par la négative. Ces questions sont d'une complexité et d'une
importance telles qu'elles font appel à une autre sorte de pièces de pro-
cédure et à un autre type d'affaire.
27. En outre, il est peu vraisemblable qu'il soit «souhaitable» de trai-
ter de questions importanteset difficiles sans rapport avec l'établissement
d'un point de droit soulevé par le demandeur dans ses conclusions quand
celui-ci s'est employé avec soin à empêcher la Cour d'étudier le compor-
tement qu'il adopte lui-même à l'égard de ces questions. En l'espèce, les
Etats-Unis ont soutenu qu'ils n'avaient pas violé le paragraphe 1 de
l'article X du traité mais ils ont soutenu également qu'au cas où la Cour
serait de l'avis opposé leurs actions (admises comme appartenant aux
faits établis) auraient étéjustifiées par l'alinéa d) du paragraphe 1 de
l'article XX. Face aux demandesreconventionnelles des Etats-Unis, l'Iran
a adopté pour stratégie, comme il était en droit de le faire, de nier tout
simplement toute allégation d'emploi illégal de la force au moment per-
tinent, rejetant souvent ailleurs la responsabilité de ce recoursà la force.
L'Iran a soigneusement évitéd'invoquer l'alinéa d) du paragraphe 1 de
l'article XX, même à titre aléatoire. Comme la demande reconvention-
nelle des Etats-Unis est rejetée pour les motifs indiqués dans l'arrêt
(par. 119-124)' cela veut dire aussi qu'il est vain d'examiner les propres
actions de l'Iran.
28. La conséquence est que la Cour est ainsi empêchéed'examiner le
comportement antérieur de l'Iran, que ce soit par référence à la norme
énoncée à l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX ou sur le plan du
droit international plus généralement. Il me semble peu indiqué du point
de vue de la politique judiciaire de chercher à tout prix à examiner le
comportement d'un défendeur sous un angle juridique que le demandeur
a justement pris soin de soustraire à l'attention de la Cour pour ce qui
concerne son propre comportement. 29. Une opinion individuelle ou dissidente a pour rôle de permettre à
un juge d'expliquer pourquoi il ne souscrit pas, en partie ou en tout, au

dispositif ou bien aux motifs. L'opinion ne donne pas l'occasion d'écrire
un autre arrêt. Je n'ai donc pas jugé opportun, puisque j'estime que la
Cour n'aurait pas dû examiner du tout l'alinéa d) du paragraphe 1 de
l'articleXX du traité, de proposer ma propre analyse des actions des
Etats-Unis par rapport à cette disposition. Toutefois, j'ai jugé bon de for-
muler quelques brèves observations sur un petit nombre de questions
juridiques portant sur la preuve et la méthodologie.

LE CRITERE DE PREUVE ET L'ÉGALITÉ DE TRAITEMENT
EN MATIÈRE DE PREUVE

30. Le critère de preuve est celui qui est applicable aux éléments de
preuve retenus par la Cour dans son arrêt. Examinant l'alinéa d) du
paragraphe 1 de l'article XX du traité, la Cour dit que les Etats-Unis ont
à s'acquitter «de la charge de la preuve ...[consistant à] démontrer l'exis-
tence d'une agression armée» pour justifier un recours à la force au titre

de la légitime défense (arrêt, par. 61). Je laisse de côté pour le moment le
point de savoir si c'est là effectivement le critèrejuridique à retenir, mais
je note immédiatement que, ni ici ni ailleurs, la Cour n'explique quel est
le critère de preuve à satisfaire. Que ce soit au plaideur cherchant à éta-
blir un fait qu'incombe la charge de le prouver est une règle banale et
bien établie dans lajurisprudence de la Cour (Activités militaires et para-
militairesau Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amé-
rique), compétence et recevabilité, arrêt, C.Z.J. Recueil 1984, p. 437).
Mais dans une affaire où les moyens de preuve tiennent une telle place,

on devait pouvoir compter que la Cour dirait clairement quel était le cri-
tère de preuve que les p-rties auraient à respecter pour s'acquitter de leur
charge a cet égard.
31. Pour ce qui est de ce critère de preuve dans de précédentes affaires,
la Cour a eu avant tout pour objectif, semble-t-il, de garder une certaine
liberté pour évaluer les preuves présentées, en se fondant sur les faits et
les circonstances propres à chaque affaire (voir Kazazi, Burden of Proof
and Related Issues: A Study on Evidence before International Tribunals

[Chargede la preuve et questions connexes :étude de la preuve devant les
tribunaux internationaux], 1996,p. 323 ; Sandifer, «Evidence before Inter-
national Courts)) [La preuve devant les juridictions internationales],Acta
Scandinavica Juris Gentium, 1955, vol. 25, p. 45).
32. Dans l'affaire du Détroit de Corfou, la Cour a rejeté des preuves
«sans force probante suffisante » Vond, arrêt, C.I.J. Recueil 1949,p. 17)
et elle a expliqué en mêmetemps qu'il fallait tabler sur «un degré de cer-
titude » (ibid., p. 17). Dans l'affaire des Activités militaires et paramili-
taires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amé-

rique), la Cour n'a pas mêmecherché à définir le critère de preuve qu'elle
retenait, se contentant simplement de déclarer de temps à autre qu'à sonavis les preuves présentées n'établissaient «pas suffisamment)) tel ou tel
autre fait Cfond,arrêt, C.1.J. Recueil 1986, p. 37, par. 54; p. 62, par. 110;
p. 85, par. 159; p. 86, par. 159; p. 113, par. 216).

33. Par conséquent, mis à part le principe généralement admis que,
plus l'accusation est lourde, plus les élémentsde preuve produits doivent
êtrefiables, il n'y a pas grand-chose qui puisse aider les parties appelées à
comparaître devant la Cour (lesquelles savent déjà qu'elles portent le far-
deau de la preuve), à savoir comment elles peuvent s'acquitter de cette
charge à la satisfaction de la Cour. D'autres juridictions et certains tri-
bunaux d'arbitrage ont dû accepter l'obligation de procéder eux-mêmes à
cette tâche juridique de façon parfois très détaillée (voir, par exemple,
Prisoners of War, Eritrea's Claim 17, Eritrea and Ethiopia [Les pri-
sonniers de guerre, cas no 17 de 17Erythrée, Erythrée-Ethiopie], Eritrea

Ethiopia Claims Commission [Commission des réclamations Erythrée-
Ethiopie], Partial Award [sentence partielle] du le' juillet 2003, par. 43-53 ;
affaire Velhsquez Rodriguez, arrêt du 29 juillet 1988, Cour interaméri-
caine des droits de l'homme, par. 127-139). L'organe judiciaire principal
des Nations Unies devrait de même préciser, lui aussi, quels critères de
preuve il veut voir respecter et définir à quelle sorte de faits ces critères
sont applicables. Et mêmesi la Cour ne tient pas à prescrire de normes
généralesen matière non pénale, elle aurait dû à mon avis décider quelle
était la norme requise en l'espèce et elle aurait dû la faire connaître dans
la transparence.

34. La Cour s'est contentée de dire qu'il ne lui appartenait pas d'éta-
blir «par une appréciation des différents éléments de preuve)) qui était
responsable du tir de missile contre le Sea Isle City: elle dit simplement
que les Etats-Unis ne se sont pas acquittés de la charge de la preuve qui
pesait sur eux parce que «les preuves disponibles sont insuffisantes)).
Mais en vertu de quels critères est-il possible de dire que les preuves suf-
fisent ou ne suffisent pas?
35. La Cour a également jugé important de constater que

((aucune preuve directe ne permet de déterminer le type de missile
ayant touché le Sea Isle City; les éléments de preuve relatifs a la
nature des autres missiles tirés vers le territoire koweïtien à la même
époque constituent tout au plus une indication))(par. 59).

On ne voit pas bien si la Cour rejette alors les preuves indirectes en soi
(alors qu'elle les avait manifestement acceptées dans l'affaire du Détroit
de Corfou, fond, arrêt, C.1.J. Recueil 1949, p. 18) ou bien si elle les
accepte mais constate en l'espèce que ces preuves indirectes ne répondent
pas à la norme consistant à «ne laiss[er] place à aucun doute raison-
nable » qui fut énoncéeen 1949 (ibid., p. 18).
36. En ce qui concerne les élémentsde preuve touchant l'identité des

responsables du mouillage de la mine que I'USS Samuel B. Roberts a
heurtée, la Cour admet - en se contentant à ce sujet de cinq lignes -
que des mines comparables étaient mouillées à l'époque dans la même
zone, que ces mines portaient des numéros de sériecorrespondant à ceux PLATES-FORME PTROLIÈRES (OP.IND.HIGGINS) 235

d'autres mines iraniennes, en particulier des mines trouvées à bord de
l'IranAjr. Les élémentsde preuve présentés au sujet de la mine heurtée

par I'USS Samuel B. Roberts de mêmeque les autres éléments présentés
au sujet du mouillage de mines sont assez convaincants, quel que soit le
critère utiliséà cet égard, et ils sont dépourvus des incertitudes et des
incohérences techniques dont souffrent incontestablement les moyens de
preuve présentés au sujet du tir du missile dont a étévictime le Sea Isle
City. Il s'agit certainement là de preuves directes pertinentes et impor-
tantes dont on n'a pas eu l'équivalent au sujet du missile qui a frappé le Sea
Isle City. Les Etats-Unis ont également présentédes élémentspermettant
de penser que l'Iran posait des mines dans des voies de navigation dont
on savait qu'elles étaient utilisées par les navires neutres, dont les navires
des Etats-Unis. Tous ces élémentsde preuve, dit la Cour, ne sont ((certes
pas dépourvu[s] d'importance, mais [ne sont] pas déterminant[s]»
(par. 71). Mais il est impossible de savoir, faute de la moindre norme
vraiment définie et faute de toute explication complémentaire, pourquoi
la Cour aboutit à cette conclusion.
37. Je dirai en dernier lieu que la Cour me paraît avoir manqué
d'équitédans la façon dont elle traite les preuves présentées. Les éléments
complexes et contradictoires qui ont étéproduits au sujet du missile qui a
heurté le Sea Isle City sont dûment présentésdans l'arrêt très en détail.
Les points incertains donnent lieu à un exposé minutieux qui prend
quinze paragraphes. Au sujet des mines, les élémentsde preuve ont été
présentés à la Cour avec tout autant de détails, sous le même gros
volume, et les témoignages sont fort abondants. Pour ces multiples élé-
ments qui empruntent tous la mêmedirection, la Cour se contente d'un
unique paragraphe (par. 7 1).
38. Et l'on constate aussi que la Cour ne se penche pratiquement pas
sur les élémentsde preuve qui lui ont été communiquésau sujet de la pré-
tendue affectation des plates-formes au mouillage de mines. De multiples
élémentsde preuve ont étéprésentés à la Cour à ce sujet, qui correspon-
daient tantôt à des preuves directes tantôt à des preuves indirectes. Cer-
taines émanaient de plusieurs sources,d'autres ne faisaient que répéter ce
qui émanait d'une mêmesource. Parmi les sources en question, certaines
étaient partisanes, d'autres étaient neutres. Les témoignages émanaient
parfois de participants directsaux événements,d'autres, de personnes qui
se trouvaient fort loin des lieux. Il y avait des sources contemporaines,
d'autres qui ne l'étaient pas. La Cour ne cherche nullement à faire un tri,
à classer ces élémentsni à les examiner. Elle se contente de dire qu'elle
((n'est pas pleinement convaincue» par ces élémentsde preuve sans aller
elle-mêmeplus loin dans l'analyse et l'explication (par. 76).
39. Mon propos n'est pas ici de suivre la Cour ou ne pas la suivre
dans telle ou telle autre des conclusions qu'elle formule sur les éléments
de preuve présentés. Je tiens plutôt à dire que sa méthodologie laisseà
désirer. PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.HIGGINS) 236

LE DROIT INTERNATIONAL ET L'INTERPRÉTATION DE L'ALINÉA D) DU
PARAGRAPHE 1 DE L'ARTICLE XX DU TRAITÉ

40. Si elle ne pratique donc pas dans l'arrêt l'égalitéde traitement à
l'égard des élémentsde preuve qui lui sont présentés, c'est que la Cour
estime que, ((quand bien même ...elle admettrait l'exactitude des alléga-
tions» (par. 76), comme elle le dit, le problème est véritablement de
savoir si les attaques lancées par les Etats-Unis contre les plates-formes
((pouvaient se justifier au titre de la légitime défense» (ibid.).Et, pour
analyser ces attaques lancées par les Etats-Unis contre les plates-formes,
la Cour expose le jus ad bellurn relatifà l'agression armée et à la légitime
défense. Elle rappelle au paragraphe 39 de l'arrêt que les Parties sont en

désaccord sur la question du lien entre la légitime défenseet l'alinéad) du
paragraphe 1 de l'article XX du traité.
41. Le texte de l'alinéad) du paragraphe 1de l'article XX du traité ne
propose, fût-ce implicitement, aucune réponse à la question de savoir si
l'emploi de la force a jamais étéenvisagé comme une ((mesure » qui pour-
rait ((êtrenécessaire» à la protection d'«intérêtsvitaux sur le plan de la
sécurité». En 1986, la Cour a répondu à cette question tout au moins
jusqu'à un certain point. Elle a dit en effet que <<desmesures de légitime
défense,individuelle ou collective,peuvent êtreconsidéréescomme entrant
dans la catégorie plus vaste des mesures qualifiées à l'article XXI» -
dans l'affaire considérée alors le texte évoqué correspondait à celui de
l'article XX du traité de 1955 (C.I. J. Recueil 1986, p. 117, par. 224).
Nous ne disposons pas de travaux préparatoires à l'appui de cet argu-
ment. En 1986, la Cour a uniquement évoqué un rapport de la commis-
sion des affaires étrangères du Sénat des Etats-Unis pour étayer cette
proposition. Tout ce contexte est cité au paragraphe 40 de notre arrêt
actuel.
42. Certes, en 1986, la Cour a estimé qu'une action menée au titre de

la légitime défense pouvait constituer une ((mesure » qu'une partie consi-
dérerait comme nécessaire àla protection de ses intérêts vitaux sur le plan
de la sécurité.Mais dans l'arrêt d'aujourd'hui, il est opéré un glissement
entre cette vérité-làet l'idéeque, en 1986, la Cour a constaté que la seule
action militaire quifût autorisée pour justifier ce qui risquerait autrement
d'être une violation d'une des obligations découlant du traité correspon-
dait à la légitime défense pratiquée pour répondre à une agression armée.
Peut-être cette idée est-elle fondée, peut-être ne l'est-elle pas, maismon
avis elle va au-delà de ce qui fut décidéen 1986.
43. En 1986, la Cour a incontestablementreconnu que, sous ses ((moda-
litésmoins brutales», l'emploi de la force pouvait susciter d'autres réac-
tions (C.I.J. Recueil 1986, p. 101, par. 191). Que la Cour ait envisagé
exclusivement des contre-mesures ne reposant pas sur l'emploi de la
force, c'est une question qui pour l'instant relève de la conjecture. Sur ce
point aussi, l'arrêt actuel s'abstiend'examiner le problème. Après avoir
dit en 1986 qu'une des mesures nécessaires à la protection d'intérêts
vitaux sur le plan de la sécuritépouvait consister à mener une action autitre de la légitime défense, la Cour passe tout simplement à l'idéeassez
différente selon laquelle il faut qu'il y ait eu agression armée contre un
Etat, laquelle autorise la légitime défense, avant que des actes militaires
puissent êtreconsidérés comme des mesures prises en vertu de l'alinéa d)
du paragraphe 1 de l'article XX du traité. Mais il faut certainement,
pour passer de la première proposition à la seconde, prendre appui sur
quelques marches intermédiaires.
44. La Cour demande alors si les Parties ont «envisag[é] ou adm[is] »
que, toutes les fois qu'il serait fait usage de la force au titre de l'alinéa d)
du paragraphe 1 de l'article XX, il faudrait que ce recours à la force
armée soit ((compatible avec les conditions énoncéespar le droit interna-
tional))(par. 40). La Cour répond que
«[u]ne interprétation de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX
selon laquelle les «mesures» qui y sont prévues pourraient même
comprendre un recours illicitàla force par une partie contre l'autre
ne serait guère compatible avec l'article premier)) (par. 41).

Mais je me permets alors de demander si la question qui se pose n'est pas
précisémentde savoir si la Cour est compétente pour décider, au sujet de
l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX, qu'une certaine mesure est ou
non «un recours illiciteà la force))?
45. Il est aujourd'hui banal de rappeler que les traités doivent être
interprétés à l'aide des règles énoncées à l'article 31 de la convention de
Vienne sur le droit des traités, article très largement considéré comme
l'expression du droit international général.A l'alinéa c) du paragraphe 3
de cet article 31, que la Cour met en vedette, la convention de Vienne dit
que, pour interpréter un traité, «il sera tenu compte, en mêmetemps que
du contexte ...de toute règle pertinente de droit international applicable
dans les relations entre les parties)).
46. Pour la Cour, cette disposition intègre la totalité des dispositions
de fond relatives à l'emploi de la force qu'énonce le droit international
(lequel, au paragraphe 42 de l'arrêt, est définicomme s'étendant au droit
de la Charte). Et, ce faisant, la Cour oublie que le paragraphe 3 de l'ar-
ticle 31 impose de tenir compte du ((contexte »: or, ce ((contexte» est très
clairement celui d'un traité économiqueet commercial. Ce qui est prévu à
l'alinéa c) du paragraphe 3 de l'article 31, c'est qu'une disposition faisant
appel à interprétation qui est énoncée à l'alinéa d) du paragraphe 1 de
l'article XX deviendra beaucoup plus claire quand on se rappellera le
type de traité dans lequel elle figure ainsi que toute autre ((règleperti-
nente)) régissant les relations entre l'Iran et les Etats-Unis. Il ne s'agit pas
d'une dispositionvisant à première vue à intégrer toutes les règles de fond
du droit international qui portent sur un sujet dont la disposition ne dit
rien - ce n'est du moins pas le cas tant que la Cour ne donne pas plus
d'explications qu'elle ne fait.
47. Après avoir rappelé que les Parties divergent sur le rôlejoué par la
Charte et par le droit international coutumier dans l'optique de l'ali-

néa d) du paragraphe 1 de l'article XX, la Cour dit qu'ail s'agit ici d'une PLATES-FORMES PETROLIERES (OP.IND.HIGGINS) 238

question d'interprétation du traité, et en particulier de l'alinéa d) du
paragraphe 1 de l'article XX» (par. 40). Mais concrètement, le fait est
que la Cour ne cherche pas à interpréter ce paragraphe 1 d) de l'ar-

ticle XX. Il faut aller jusqu'au paragraphe 73 pour trouver une première
référencejuridique au texte de cette disposition. Entre-temps, on a eu
quinze pages sur le droit international de l'agression armée, de la légitime
défense et de son application, aux yeux de la Cour, aux événements
entourant les attaques lancées par les Etats-Unis contre les plates-formes
pétrolières.
48. Une interprétation faite «de bonne foi suivant le sens ordinaire à
attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son
objet et de son but » (convention de Vienne sur le droit des traités, art. 31,
par. 20) aurait sûrement conduit à examiner attentivement les termes

mêmesde l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX, et à accorder lors
de cet examen une attention toute particulière au terme ((nécessaire » et à
l'expression ((intérêtsvitaux sur le plan de la sécurité)).La Cour aurait
dû, à mon sens, chercher elle-même d'abord à apprécier si des intérêts
vitaux sur le plan de la sécurité étaient en danger. La Cour aurait alors
constaté que l'Iran lui-même admettait que la situation dans le Golfe en
généralet les dangers que ce qu'on appelait la ((guerre des pétroliers))fai-
sait courir au commerce, ainsi que les coûts liésà cette guerre, portaient
effectivement atteinte aux intérêts vitaux des Etats-Unis sur le plan de la
sécurité (voir arrêt, par. 73). La Cour aurait dû ensuite examiner, sans

avoir le moins du monde besoin d'accorder une «marge d'appréciation », le
sens du terme ((nécessaire)). Dans le contexte des événements de l'époque,
la Cour aurait certainement observé que, en droit international géné-
ral, le terme «nécessaire» s'entend aussi comme imposant de prendre en
compte un certain besoin de ((proportionnalité ». Il aurait fallu alors éva-
luer les preuves concrètes présentées compte tenu de ces différents élé-
ments - il s'agissait d'interpréter le traité par application des règles de la
convention de Vienne sur le droit des traités.
49. Or, la Cour n'a pas interprété l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'ar-
ticle XX en faisant appel aux règles de l'interprétation des traités. Elle a

plutôt en fait invoqué la notion de l'interprétation des traités pour écarter
le droit applicable. Elle a remplacé les termes de l'alinéa d) du para-
graphe 1 de l'article XX par ceux que le droit international applique à
l'emploi de la force et 1'011perd alors complètement de vue le texte de
l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX. Soulignant qu'a initialement »
et ((devant le Conseil de sécurité»(arrêt, par. 62, 67, 71-72) les Etats-Unis
avaient déclaréavoir agi au titre de la légitime défense, la Cour estime
fondamentalement que le ((véritable différend)) porte sur le droit de
l'agression armée et de la légitime défense. Ce serait le droit par rapport
auquel il faut interpréter les dispositions de l'alinéa d) du paragraphe 1

de l'article XX, et les dispositionsproprement dites de ce paragraphe 1 d)
de l'article XX sont mises de côté et ne sont pas interprétées du tout.
50. Les Etats-Unis - peut-être parce qu'ils se rappelaient tout parti-
culièrement l'injonction formulée en 1986 par la Cour dans l'affaire des PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. IND. HIGGINS) 239

Activités militaires et paramilitairesau Nicaragua et contre celui-ci (Nica-
ragua c. Etats- Unis d'Amérique) quant à l'obligation juridique de signaler au
Conseil de sécurité toute mesure adoptée au titre de la légitime défense -
ont pris soin en l'espèce d'obéir à cette prescription. Mais ce n'est pas la
licéitéde cette prétention-là de légitime défense signaléeau Conseil de sécu-

ritéqui est portée devant la Cour. L'arrêtest énoncécomme si, en l'espèce,
les Etats-Unis avaient axéprincipalementleurs moyens sur le droit à la légi-
time défense. Tel n'est pas le cas. Les Etats-Unis ont invoqué cet argument
sous forme de conclusion finale de caractère subsidiaire, à considérer exclu-
sivement pour le cas où la Cour déciderait de ne pas retenir leurs autres
arguments. Or, la Cour ne prend pas du tout en considération la conclusion
principale qui consiste à justifier le recours à la force dans l'optique même
des critères définis à l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX. Après
avoir dit et répété en 1996 que ladite disposition offre une défense au fond

qu'il serait possible de faire valoir à ce stade-là (C.I. J. Recueil 1996 (II),
p. 811, par. 20)' la Cour s'abstient totalement sur ce point. A toutes fins
pratiques, elle dit aux Etats-Unis que, ayant signalé au Conseil de sécurité
que les actes dont il s'agissait ont étécommis au titre de la légitime défense,
les Etats-Unis doivent être jugés à ce titre et à ce titre seulement.
51. En outre, en faisant de la question à régler une question de légitime
défense internationale et non une question relative à l'action ((nécessaire»
aux fins d'assurer la protection [d']«intérêtsvitaux sur le plan de la sécu-
rité», suivant les termes mêmesdu traité de 1955, la Cour rétrécitla liste
des questions de fait à examiner. En reformulant ainsi la thèse des Etats-
Unis, la Cour réduit à néant l'intérêtjuridique de la situation faite au

commerce du pétrole en généralpendant la ((guerre des pétroliers». Pour
la Cour, il ne se pose plus qu'une seule question qui est de savoir si l'at-
taque dirigée contre deux navires (le Sea Isle City et 1'USS Samuel B.
Roberts) constituait une agression armée dirigée contre les Etats-Unis
justifiant une action militaire au titre de la légitime défense.
52. En outre, la Cour a dans cet arrêtfait ce qu'elle s'était engagée à ne
pas faire en 1996. Parfaitement consciente déjà à cette date que la ques-
tion sur laquelle l'Iran aurait aimé qu'elle se prononce était celle de la
licéitédu recours à l'action militaire par les Etats-Unis du point de vue
du droit international relatif à l'emploi de la force, la Cour a décidéà

cette date qu'elle n'avait compétence que pour une seule question: celle
de savoir si le recours à la force par les Etats-Unis violait les obligations
relatives à la liberté de commerce prescrites au paragraphe 1 de l'articlX
du traité de 1955. La Cour se pencherait aussi ultérieurement sur tous
moyens de défense que les Etats-Unis soulèveraient au titre de l'alinéa d)
du paragraphe 1 de l'articlXX. Il n'y a absolument rien qui indique que
la Cour envisageait de réintroduire par le biais d'une interprétation de
l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'articleXX la question beaucoup plus
large pour laquelle elle avait si nettement dit en 1996 qu'elle n'avait pas
compétence.

53. En 1996, le demandeur recherchait une base juridictionnelle pour
intenter à l'encontre du défendeur au sujet de l'emploi de la force une PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. IND.HIGGINS) 240

action fondée sur le droit international coutumier et le droit de la Charte.
La Cour a décidéque le seul différend dont elle fût saisie portait sur la
liberté de commerce prescrite au paragraphe 1 de l'article X du traité de
1955.
54. Le présent arrêt,par une sériede démarchesque j'ai décrites (dont
chacune à mon avis peut être contestée), revient essentiellemenà infirmer
la décision de 1996 car la disposition que la Cour qualifiait en 1996 de
((moyen de défense))lui sert désormais de point d'ancrage pour statuer
sur la licéité desactions militaires des Etats-Unis en droit international.

(Signé) Rosalyn HIGGINS.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE HIGGINS

Legal nature of Article XX as a defence - Findings on defences not usually
contained in dispositif - Ultra petita rule - Exceptions of necessity and
desirability - Neither applicable in present case - Freedom to choose
grounds of judgment operates within the ultra petita rule - Failure to identify
the standard of proof required - Need for even-handedness and transparency in
treatment of evidence - International law and the interpretation of Article XX,
paragraph I (d) - Dzyference between interpreting by reference to interna-
tional law and replacing applicable law - Inconsistency with 1996 Judgment.

1. 1 have voted in favour of the dispositif, having regard to the fact
that in its final submissions Iran asked the Court to find that the military
action by the United States against the platforms referred to in its Appli-
cation constituted a violation of Article X, paragraph 1, of the Treaty of
Amity, and the Court has decided that "it cannot uphold this submis-

sion". My reasons for concurring with this conclusion are essentially
those deployed by the Court at paragraphs 79-98. 1 also agree with
the dismissal by the Court in subparagraph (2) of the dispositif of the
counter-claim of the United States.
2. However, 1 have felt it necessary to explain that 1 do not believe
that a finding as regards Article XX, paragraph 1 (d), of the Treaty

should have found a place in the dispositifat all, still less as the first ques-
tion determined by the Court. Further, elements of the Court's reasoning
and methodology seem to me to be problematic.

3. The nature of Article XX, and of comparable clauses in other trea-
ties, has been variously categorized by the Court. In Military and Para-
military Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States

of America), the Court described the comparable clause in the FCN
Treaty in that case as "provid[ing] for exceptions to the generality of
its other provisions" (Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1986, p. 116,
para. 222). Elsewhere, the Court referred to Article XXI of the Nicara-
gua-United States FCN Treaty as providing criteria whereby apparent
violations of that Treaty might be "nonethelessjustifiable" (I. C.J. Reports

1986, p. 136, para. 272, and p. 139, para. 278). OPINION INDIVIDUELLE DE MME LE JUGE HIGGINS

[Traduction]

Caractère juridique de l'article XX comme moyen de défense - Le dispositif
n'énonce généralement pas de constatations sur les moyens de défense - Règle
ultra petita - Exceptions fondées sur le caractère nécessaire et souhaitable des
mesures adoptées - Ces exceptions ne sont ni l'une ni l'autre applicables en

l'espèce- La liberté de choix des motifs s'exerce dans le cadre de la règle ultra
petita - Le critère de preuve exigé n'est pas dé$ni - Il faut traiter les éléments
de preuve sur un pied d'égalitéet dans la transparence - Droit international et
interprétation de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX - Interpréter par
rapport au droit international et écarter le droit applicable sont deux choses dif-
férentes - Il y a incompatibilité avec l'arrêt de 1996.

1. J'ai voté pour le dispositif, parce que, dans ses conclusions finales,
l'Iran demandait à la Cour de dire que les actions militaires dirigées par

les Etats-Unis contre les plates-formes pétrolières dont il est fait état dans
la requête constituaient une violation du paragraphe 1 de l'article X du
traité d'amitié et que la Cour a décidé qu'elle «ne saurait faire droit à
[cette] conclusion». Les raisons pour lesquelles je souscris à ce rejet sont
essentiellement celles que la Cour expose aux paragraphes 79 à 98 de
l'arrêt. Je souscris également au rejet par la Cour, au paragraphe 2 du

dispositif, de la demande reconventionnelle des Etats-Unis.
2. Toutefois, je crois utile d'expliquer qu'à mon avis une conclusion
relative à l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX du traité n'a pas à
figurer dans le dispositif du tout, d'autant moins qu'elle constitue dans ce
dispositif la première des questions tranchées par la Cour. En outre, cer-

tains élémentsde l'exposé des motifs et de la méthodologie retenus par la
Cour me paraissent douteux.

3. La Cour a définide plusieurs façons le caractère de l'article XX et des
dispositions comparables figurant dans d'autres traités. Dans l'affaire des
Activités militaires etparamilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nica-
ragua c. Etats-Unis d'Amérique), la Cour dit de la clause comparable du
traité d'amitié, de commerce et de navigation qu'elle ((définitles cas dans
lesquels le traité prévoit lui-mêmedes exceptions au caractère général deses

autres dispositions » (fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 116, par. 222).
Ailleurs, la Cour dit de l'article XXI du traité d'amitié, de commerce et de
navigation liant le Nicaragua et les Etats-Unis qu'il donne des critères en
vertu desquels des violations apparentes du traité sont peut-être ((néan-
moins justifiables » (C.1. J. Recueil 1986, p. 136, par. 272, et p. 139, par. 278). 4. These alternative assessments are, with respect, al1 preferable to the
single reference in the 1986 Judgment to the clause giving "a power for
each of the parties to derogate from the other provisions of the Treaty"
(I.C.J. Reports 1986, p. 117, para. 225). "Derogation" is generally under-
stood as a power relied on by one party not to apply, for a fixed
period of time, the terms of a particular clause. Neither Article XX of the
Iran-United States Treaty nor Article XXI of the Nicaragua-United

States Treaty appear to be a derogation clause in the normally under-
stood sense of that term. Rather, these clauses are, as the Court elsewhere
repeatedly said, in the nature of a defence or justification of acts which
would otherwise constitute a breach of an obligation under the treaty
concerned. The Court has in the present case also made it clear that
Article XX, paragraph 1 (d), is to be regarded as a defence (Pre-
liminary Objection, I. C.J. Reports 1996 (II), p. 811, para. 20).

5. Notwithstanding the way in which the Court has classified the com-
parable clause in 1986, and notwithstanding the way in which the Court
has classified Article XX in the preliminary objections phase of this

case in 1996, the United States has approached it somewhat differently.
It has told the Court that "Article XX is not a restriction of Article X
. . .Article XX is a substantive provision which, concurrently and con-
comitantly with Article X, determines, defines and delimits the obliga-
tions of the parties" (CR2003112, p. 14). The Court, after referring to
this in its Judgment, goes on to Say that "On this basis, the United States
suggests, the order in which the issues are treated is a matter for the dis-
cretion of the Court." (Judgment, para. 36.) And this in turn is used by
the Court to justify the inclusion in the dispositzyfindings on Article XX,
paragraph 1 (d), before turning to Article X, paragraph 1.

6. However, when these phrases are read, not in isolation, but in the

context of the United States overall contentions, a different picture
emerges. The United States statement that the order was a matter for the
discretion of the Court was clearly prefaced by these explanations:

"If the Court concludes that the actions of the United States did

not violate the principle of freedom of commerce and navigation
under Article X, it need not then consider whether they were ren-
dered lawful on grounds of protection of essential security interests
under Article XX. Conversely, if the Court concludes that the United
States actions were 'justified' on grounds of protection of essential
security interestsunder Article XX, it need not then consider whether
they contravened the principle of freedom of commerce and naviga-
tion under Article X." (CR 2003111, p. 16).

7. Of course, in order to arrive at a final determination as to whether
a treaty obligation has been breached, the Court will necessarily examine 4. Je me permets de dire que ces autres jugements sont tous préférables
à l'unique indication énoncéedans l'arrêt de 1986 aux termes de laquelle
cet articleXXI du traité confère à chacune des parties «la faculté de déro-

ger aux autres dispositions de cet instrument » (C. 1.J. Recueil 1986,
p. 117, par. 225). Le terme «dérogation» s'entend généralement de la
facultéinvoquée par l'une des parties pour s'abstenir d'appliquer pendant
un temps déterminé les conditions prescrites par une clause particulière.
Or, ni l'article XX du traité conclu par l'Iran et les Etats-Unis ni l'ar-
ticle XXI du traité conclu par le Nicaragua et les Etats-Unis ne paraissent
êtreune clause dérogatoire au sens normalement attribué à ce terme. Ces
clauses représenteraient en fait, comme la Cour l'a dit ailleurs à maintes
reprises, des moyens de défendre ou de justifier des actes qui auraient
normalement constitué des violations d'une obligation contractée en
vertu du traité considéré. En l'espèce, la Cour a également préciséque
l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX doit êtreconsidéré comme une

défense (exception préliminaire, C.Z. J. Recueil 1996 (11)' p. 811, par. 20).
5. Nonobstant la façon dont la Cour a qualifié la disposition compa-
rable en 1986 et nonobstant la façon dont elle a qualifié l'article XX en
1996 lors de la phase de l'affaire consacrée à l'exception préliminaire, les
Etats-Unis ont adopté sur cette disposition une attitude assez différente.
Ils ont dit en effet à la Cour: ((L'article XX n'est pas une limitation de
l'article X ..l'article XX est une disposition de fond qui, en mêmetemps
et sur le mêmeplan que l'article X, définit et délimite les obligations des
Parties.)) (CR 2003112, p. 14.) La Cour, après avoir citéce passage dans
son arrêt, poursuit: «Sur cette base, les Etats-Unis estiment que l'ordre
dans lequel les questions seront abordées relève de la discrétion de la
Cour. » (Arrêt, par. 36.) Et c'est l'argument que la Cour utilise pour jus-

tifier l'énoncé,dans le dispositif, de constatations relatives à l'alinéa d)
du paragraphe 1 de l'article XX avant qu'elle aborde le paragraphe 1 de
l'article X.
6. Toutefois, quand on lit ces membres de phrase non pas isolément
mais dans le cadre de l'exposé global de la thèse des Etats-Unis, c'est un
autre tableau qui se dessine. Avant de dire que l'ordre des questions à
aborder relevait de la discrétion de la Cour, les Etats-Unis introduisaient
nettement cette idéepar les explications suivantes:

«si la Cour conclut que les actions américaines n'ont pas violé le
principe de la liberté de commerce et de navigation de l'article X, elle
n'a plus besoin de se demander si ces actions étaient légitiméespar la
protection des intérêts essentiels de sécurité de l'article XX. A
l'inverse, si la Cour conclut que les actions américaines étaient «jus-
tifiées» par la protection des intérêtsessentiels de sécuritéde l'ar-
ticle XX, elle n'a plus besoin de se demander si ces actions contreve-
naient au principe de la liberté de commerce et de navigation de
l'article X. » (CR 2003111, p. 16.)

7. Bien entendu, pour établir définitivement s'il y a eu violation d'une
obligation conventionnelle,la Cour doit absolument examiner toutes lesany justifications or defences offered by the Respondent on conduct that
appears to infringe the rights of the Applicant. This is entirely normal
and is an exercise engaged in in many, many cases. But this is simply the
reasoning on which the final conclusion is based. The Court will take the

claimed defence into account in reaching its conclusion as to whether the
Applicant's claim fails or succeeds; and it is this last conclusion which
then constitutes the dispositz?

8. What the Court does not normally do is to accept or reject a
claimed defence as an element in itsdispositif. In fact in al1 the juris-
prudence of the Permanent Court or this Court there is only one other
case where a determination that a possible defence is rejected appears in
the dispositif itself, namely the Military and Paramilitary Activities in
and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America) Judg-
ment of 1986. In that case the United States position that it was acting

in collective self-defence was rejected in the dispositif. One can only
speculate as to whether the absence of the United States from the merits
phase had any role in this unusual state of affairs. Further, itis also to
be noted that Nicaragua had in its final submissions asked the Court to
"adjudge and declare that the United States has violated the obligations
of international law indicated in the Memorial" (oral arguments on the
merits, 1.C.J. Pleadings, Military and Paramilitary Activities in and
against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America), Vol. V,
p. 238) - and in its Memorial Nicaragua had deployed detailed con-
tentions on this point (Memorial of Nicaragua, 1.C.J. Pleadings, Mili-

tary and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua
v. United States ofAmerica), Vol. IV, pp. 51-54, 75-83). Thisparticular
element in the Nicaragua submissions is wholly absent in the present
case.

9. The Application of Iran of November 1992 instituting proceedings
in this case asked the Court for a judgment on five points. The first of

these ((a)) referred to a finding on jurisdiction. The second and third
((b) and (c)) sought findings of breaches of obligations under Articles 1
and X, paragraph 1, of the Treaty of Amity and under international law.
The fourth and fifth ((d) and (e)) related to remedies.

10. During the course of the written pleadings on jurisdiction, Iran
claimed that Article IV, paragraph 1, had been infringed by the United
States and this was reflected in its concluding submissions.
11. By March 2003, when Iran came to make its final submissions, the
Court had given its Judgment of 12 December 1996 on jurisdiction, and

oral argument on the merits had been heard. Paragraphs 2 and 3 of these
asked for certain findings of the Court as regards remedies. The sole sub-justifications ou tous les moyens de défense que produit le défendeur sur
un comportement qui paraît porter atteinte aux droits du demandeur.
C'est là un exercice parfaitement normal auquel la Cour se livre constam-
ment. Mais il s'agit simplement d'adopter la motivation sur laquelle la
conclusion définitive sera fondée. La Cour va prendre en considération la
défense invoquée pour aboutir à une conclusion tendant à accueillir ou

non la demande, et c'est cette dernière conclusion qui constitue alors le
dispositif.
8. Normalement la Cour ne fait pas de l'acceptation ou du rejet d'un
moyen de défense qui lui a été présentéun élémentde son dispositif. En
fait, dans toute la jurisprudence de la Cour permanente ou de la Cour
actuelle, il n'existe guère qu'un seul autre exemple d'affaire où le rejet
d'un éventuel moyen de défense figure dans le dispositif lui-même, et il
s'agit de l'arrêt de 1986 rendu dans l'affaire des Activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis
d'Amérique). Dans cette affaire, l'argument des Etats-Unis, lesquels
justifiaient leur action par la légitime défense collective, a été rejetédans

le dispositif. On peut se demander si l'absence des Etats-Unis lors de la
phase de l'examen au fond n'a pas joué un rôle dans cette façon de faire
inhabituelle de la part de la Cour mais on n'a pas la réponse. Et il faut
en outre noter que le Nicaragua avait, dans ses conclusions finales,
demandé à la Cour de ((dire et juger que les Etats-Unis [avaient] violé
les obligations de droit international indiquées dans ... le mémoire »
(C.I. J. Recueil 1986, p. 19-20) et, dans son mémoire, le Nicaragua avait
fort longuement exposé ce point (mémoire du Nicaragua, C.1.J. Mé-
moires, Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci (Nicaragua c. Etats- Unis d'Amérique), vol. IV, p. 51-54,
75-83). Cet élément particulier des conclusions du Nicaragua fait tota-
lement défaut en l'espèce.

9. Dans sa requête introductive d'instance de novembre 1992, l'Iran a
demandé à la Cour de se prononcer sur cinq points. Le premier point (a))
visait la compétence. Les deuxième et troisième points (b) et c)) visaient
à constater des violations d'obligations contractées au titre de l'ar-
ticle premier et du paragraphe 1 de l'article X du traité d'amitié et au titre
du droit international. Les quatrième et cinquième points (d) et e)) por-
taient sur les réparations demandées.
10. Dans ses écritures relatives à la compétence de la Cour, l'Iran

a prétendu que les Etats-Unis avaient enfreint le paragraphe 1 de l'ar-
ticle IV du traité et l'Iran a évoquéla question dans ses conclusions.
Il. En mars 2003, quand l'Iran a présenté ses conclusions finales, la
Cour s'était déjà prononcée sur la compétence dans son arrêt du 12 dé-
cembre 1996 et il y avait eu aussi la procédure orale sur le fond. Dans les
paragraphes 2 et 3 de ses conclusions finales, l'Iran a demandé à la Courstantive finding now sought by Iran was specified in paragraph 1, as
follows :

"That in attacking and destroying on 19 October 1987 and 18April
1988 the oil platforms referred to in Iran's Application, the United
States breached its obligations to Iran under Article X, paragraph 1,
of the Treaty of Amity, and that the United States bears responsi-
bility for the attacks." (Judgment, para. 20.)

12. In contrast to the requests in the Application, and during the
preliminary objection phase, the final submissions of Iran thus make
no request for findings relating to Article 1 of the Treaty of Amity,
Article IV, paragraph 1, Article X other than paragraph 1thereof, or to
international law. And at no time, from beginning to end, has there
been a request for any finding under Article XX, paragraph 1 (d).

13. The Court offers as an explanation for its unusual course of action
in including findings on Article XX, paragraph 1 (d), in the dispositzx its
"freedom to select the ground upon which it will base its judgment"
(paragraph 37, citing Application of the Convention of 1902 Governing
the Guardianship of Infants, Judgment, I. C.J. Reports 1958, p. 62). That
freedom, of course, is not without limits. As was stated in the Asylum
Judgment (1.C.J. Reports 1950, p. 402): "it is the duty of the Court not
only to reply to the questions as stated in the final submissions of the
parties, but also to abstain from deciding points not included in those

submissions".

14. At the same time, it is well established that the ultra petita rule,
while limiting what may be ruled upon in its dispositif, does not operate
to preclude the Court from dealing with certain other matters "in the
reasoning of its Judgment, should it deem this necessary or desirable"
(Arrest Warrant of Il April2000 (Democratic Republic of the Congo v.
Belgium), Judgment, I. C.J. Reports 2002, p. 19, para. 43). Thus, excep-
tionally, the Court has found it necessary to elaborate on a consequence
of its findings that the Parties will need to know (case concerning Mari-
time Delimitation and Territorial Questions between Qatar and Bahrain

(Qatar v. Bahrain), Merits, Judgment, I. C.J. Reports 2001, p. 117,
para. 252 (2) (b)). And occasionally the Court has thought it desirable to
include in its dispositif a clause establishing as an obligation an under-
taking given or solemn statement made during the course of oral argu-
ment (case concerning KasikililSedudu Island (BotswanalNamibia), Judg-
ment, I. C.J. Reports 1999 (II), p. 1108, para. 104 (3) ; case concerning
the Land and Maritime Boundary between Cameroon and Nigeria (Cam-
eroon v. Nigeria: Equatorial Guinea intervening), Judgment, I. C.J.
Reports 2002, p. 457, para. 325 (V) (C)). The Court has also found it

desirable to remind States generally as to their duty to negotiate tode se prononcer sur les réparations. L'Iran ne demandait plus à la Cour
qu'une seule constatation de fond qu'il énonçait, au paragraphe 1 de ses
conclusions finales, comme suit:

«En attaquant et en détruisant, les 19 octobre 1987 et 18 avril
1988, les plates-formes pétrolières mentionnées dans la requête de
l'Iran, les Etats-Unis ont manqué à leurs obligations vis-à-vis de
l'Iran au regard du paragraphe 1 de l'articleX du traité d'amitié,
et ...la responsabilité de ces attaques incombe aux Etats-Unis.))
(Arrêt, par. 20.)

12. Par opposition aux demandes qu'il formule dans sa requête et lors
de la phase consacrée à l'exception préliminaire, l'Iran, dans ses conclu-
sions finales, ne demande donc plus à la Cour de se prononcer sur l'ar-
ticle premier du traité d'amitié, sur le paragraphe 1 de l'article IV, sur
l'articleX hormis son paragraphe 1, ni sur le droit international. Et
jamais, du début à la fin, l'Iran ne demande à la Cour de formuler la
moindre constatation sur l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'articleXX.

13. La Cour explique la façon de faire inhabituelle qu'elle adopte en
se prononçant dans le dispositif sur l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'ar-
ticle XX par le principe selon lequel elle «reste libre dans le choix des
motifs sur lesquels elle fondera son arrêt» (paragraphe 37, où la Cour cite
ainsi l'affaire de l'Application de la convention de 1902 pour régler la
tutelle des mineurs, arrêt, C. 1.J. Recueil 1958, p. 62). Cette liberté n'est
bien entendu pas illimitée. Comme elle le dit dans l'arrêt rendu dans
l'affaire du Droit d'asile (C.1.J. Recueil 1950, p. 402) : «la Cour a le
devoir de répondre aux demandes des parties telles qu'elles s'expriment
dans leurs conclusions finales, mais aussi celui de s'abstenir de statuer sur
des points non compris dans lesdites demandes ainsi exprimées ».
14. En mêmetemps, il est bien établi que la règle ultra petita ne saurait

empêcher la Cour d'aborder certains points «si elle l'estime nécessaire ou
souhaitable, ...dans les motifs de son arrêt» (Mandat d'arrêt du II avril
2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), arrêt, C. IJ.
Recueil2002, p. 19, par. 43). Il est donc arrivé exceptionnellement que la
Cour estime nécessaire de développer une conséquence de ses constata-
tions parce que les parties auront besoin de la connaître (Délimitation
maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c.
Bahreïn), fond, arrêt, C.1. J. Recueil 2001, p. 117, par. 252, point 2) b)).
Et il est arrivé à l'occasion que la Cour juge souhaitable d'inclure dans
son dispositif une disposition énonçant sous forme d'obligation un enga-
gement qui a été prisou une déclaration solennelle qui a été faite lors de
la procédure orale (Ile de KasikililSedudu (BotswanalNamibie), arrêt,
C.Z.J. Recueil 1999 (II), p. 1108, par. 104, point 3); Frontière terrestre et

maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria; Guinée
équatoriale (intervenant)), arrêt, C.Z. J. Recueil 2002, p. 457, par. 325,
point V) C)). La Cour a également jugé souhaitable de rappeler à l'en-
semble des Etats qu'ils ont l'obligation de négocier pour réaliser un désar-
mement nucléaire (Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires,achieve disarmament (Legality of the Tlzreat or Use of Nuclear Weapons,
Advisory Opinion, 1.C.J. Reports 1996 (I), p. 267, para. 105 (2) (F)).
None of these entailed a determination that one party had acted contrary
to international law when no such determination on that point of law
had been sought by the other party in its final submission.

15. It is hard to see why it is necessary to address Article XX, para-
graph 1 (d), at all, let alone in the dispositiJ: In the present case the
Court has not reached the first hurdle (violation of treaty rights) that
necessitates an examination of whether there is a defence or justification.
Had that been the case, then an analysis of the provisions of Article XX,
paragraph 1 (d), might well have been expected to form part of the
Court's reasoning - but even then not to constitute part of the dispositif
Nonetheless, in the present case the Court devotes large parts of its Judg-
ment, and part of its dispositif, to an element that is not asked for in the
submissions of the Applicant and whose nature is a defence to a breach -
a breach which has not yet been, and is not, determined by the Court.

16. The Court seemingly endeavours to fa11 within the ultra petita
jurisprudence by emphasizing the desirability of a finding on Article XX,
paragraph 1 (d), notwithstanding that such a finding was not asked for
by Iran in its final submissions. As these "reasons of desirability" relate
both to the inclusion of a finding on Article XX, paragraph 1 (d), in the
reasoning and the dispositif, and to it being placed as the first element in
the dispositif, itis convenient to deal with these two aspects together.

17. The Court refers to "particular considerations" militating in favour
of an examination of the application of Article XX, paragraph 1 (d),
before turning to Article X, paragraph 1 (para. 37). These very consid-
erations lead me to the opposite conclusion.
18. The reasons it offers are that "the original dispute between the
Parties related to the legality of the actions of the United States, in the
light of international law on the use of force" (para. 37), and that "both
Parties are agreed as to the importance of the implications of the case in

the field of the use of force . . ."(para. 38).
19. The Court was in 1996 well aware that there was a general dispute
between the Parties in which each claimed unlawful uses of force by the
other. Certainly Iran has been interested in seeking a basis of jurisdiction
that could allow it to proceed with substantive claims relating to the
United States' uses of force. The emphasis put by Iran, in the preliminary
objections, on Article 1 of the Treaty was but one element of many evi-
dencing that its real and only interest lay in the use of force. Iran has not
provided hard economic and commercial data during the merits phase in

order to substantiate a violation of its freedom of commerce and naviga-
tion, further indicating what matters have been of real importance to it. PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. IND. HIGGINS) 229

avis consultatiJ C.I. J.Recueil 1996 (1)' p. 267, par. 105, point 2) F)).Et
aucune de ces décisions n'a amené la Cour à établir qu'une des parties
avait agi contrairement au droit international quand l'autre partie n'avait

pas demandé dans sa conclusion finale que la Cour se prononce sur ce
point de droit.
15. Il est difficile de voir pourquoi il estnécessaire ne serait-ce que
d'aborder l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX, et encore moins
pourquoi il faudrait le faire dans le dispositif. En l'espèce, la Cour n'a pas
même atteint le premier obstacle (la violation de droits conventionnels)
qui impose d'examiner s'il existe en l'occurrence un moyen de défense ou
unejustification. Si tel avait étéle cas, on aurait pu s'attendre à ce que la
Cour appuie une part de sa motivation sur une analyse des dispositions
de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX - sans que, mêmealors,

cela doive figurer dans le dispositif. En l'espèce néanmoins, la Cour
consacre de vastes pans de son arrêt et une part de son dispositif à un
élément ne faisant l'objet d'aucune demande dans les conclusions du
demandeur qui ait le caractère d'un moyen de défense à l'encontre d'une
violation - violation dont la Cour n'a pas encore établi et n'établit pas
la réalité.
16. La Cour cherche apparemment à demeurer dans le cadre de la doc-
trine ultra petitaen soulignant qu'il est souhaitable de formuler une cons-
tatation sur l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX alors que, pour-
tant, l'Iran n'a pas demandé de constatation de cet ordre dans ses

conclusions finales. Comme ces ((raisonsd'opportunité » ont trait à l'inclu-
sion d'une constatation relative à l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'ar-
ticleXX dans les motifs et aussi dans le dispositif, d'une part, et, de l'autre,
à la place consacrée à cette constatation dans le dispositif, etce sera la
première place, il convient de traiter ensemble ces deux aspects.
17. La Cour estime que des «considérations particulières incitent à
examiner l'application de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX
avant d'aborder le paragraphe 1 de l'article X» (arrêt, par. 37). Les
mêmesconsidérations m'incitent à adopter la position opposée.
18. Les considérations qu'invoque la Cour sont que «le différend ini-
tial entre les Parties portait sur la licéitédes actions menées par les Etats-

Unis, à la lumière du droit international relatif à l'emploi de la force»
(par. 37) et que «les deux Parties conviennent que la présente affaire est
loin d'être sans incidences en matière d'emploi de la force ...» (par. 38).
19. En 1996, la Cour savait très bien qu'un différend de caractère
généralopposait les Parties dans le cadre duquel elles faisaient l'une et
l'autre état de l'emploi illicite de la force par la partie adverse. L'impor-
tance accordée par l'Iran, lors des exceptions préliminaires, à l'article pre-
mier du traité n'était qu'un élément parmi beaucoup d'autres qui
prouvent que l'Iran ne s'intéressait véritablement et exclusivement
qu'à l'emploi de la force. L'Iran n'a pas communiqué de solides données

économiques et commerciales lors de la phase du fond pour étayer la vio-
lation à ses dépens, dont il faisait état, de la liberté de commerce et de
navigation, montrant à nouveau par là à quoi il s'intéressait vraiment.Its failure formally to protest to the United States when the latter, in
October 1987, introduced its crude oil embargo is also striking and sig-
nificant, suggesting that actions that might raise legal issues as to obliga-
tions of freedom of commerce, under Article X, paragraph 1, of the 1955
Treaty, were never of great concern.

20. Be that asit may, the International Court in 1996 determined there
was no basis for the Court's jurisdiction to be found either in Article 1
(though that Article had relevance to the interpretation of the Treaty as
a whole) or in Article IV, paragraph 1. By contrast, the United States
military actions might yet be shown to have affected freedom of com-
merce between the two countries under Article X, paragraph 1, and the
issue that was allowed to proceed to the merits was not a dispute on the
legality of the use of force by reference to international law including
Charter law, but rather "a dispute as to the interpretation and the appli-

cation of Article X, paragraph 1, of the Treaty of 1955" (1.C.J. Reports
1996 (II), p. 820, para. 53). The Court had jurisdiction to entertain
claims made by Iran under that provision (ibid., p. 821, para. 55). The
Court further tied the use of force issues to Article X, paragraph 1, by its
finding that actions by a party to the Treaty could in principle violate an
obligation thereunder "regardless of the means by which it is brought
about" (ibid., p. 811, para. 21).

21. Having clearly explained in 1996 that Article XX, paragraph 1 (d),
"is confined to affording the Parties a possible defence on the merits

to be used should the occasion arise" (1.C.J. Reports 1996 (II), p. 811,
para. 20), for that "occasion [to]arise" the Court would first need to find
that these measures constituted a violation of the agreement under
Article X, paragraph 1, that "Between the territories of the two High
Contracting Parties there shall be freedom of commerce and navi-
gation" (ibid., p. 817, para. 37).

22. That the Court carefully limited the exercise of itsjurisdiction to a
future analysis of whether the United States military measures violated
freedom of commerce and navigation is crystalclear. "The original dis-

pute" is of no relevance at the present time and it is inappropriate that in
2003 the Court should now treat Article X, paragraph 1, as an after-
thought to "the original dispute" over which in 1996 it did not find it had
jurisdiction.
23. In Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua
(Nicaragua v. United States of America), the Court did not deal with
Article XXI on the basis that the use of force was "the original dispute"
and that it had "important implications". Rather, it clearly saw the func-
tions of Article XXI of the Nicaragua-United States FCN Treaty as a
means to check whether an interference with a treaty right could beL'absence de protestation officielle de sa part quand les Etats-Unis, en
octobre 1987, ont imposé leur embargo sur le pétrole brut est également
très étonnante et significative car elle permet de penser que l'Iran n'a
jamais éprouvé beaucoup d'inquiétude face à des mesures susceptibles de
soulever des questions juridiques au sujet de l'obligation d'assurer la

liberté de commerce qui est prescrite au paragraphe 1 de l'article X du
traité de 1955.
20. Quoi qu'il en soit, la Cour en 1996 a constaté qu'elle ne pouvait
avoir compétence ni en se fondant sur l'article premier (mêmesi ledit ar-
ticle était utile aux fins de l'interprétation du traité dans son ensemble) ni
sur le paragraphe 1 de l'article IV. En revanche, il était peut-être encore
possible de montrer que les actions militaires des Etats-Unis avaient
porté atteinte à la liberté de commerce garantie entre les deux pays par le
paragraphe 1 de l'article X du traité et la question dont la Cour a autorisé

l'examen au fond ne portait pas sur la licéitéde l'emploi de la force par
rapport au droit international, y compris le droit de la Charte, il s'agissait
d'«un différend quant à l'interprétation et à l'application du para-
graphe 1 de l'article X du traité de 1955 ))(C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 820,
par. 53). La Cour a dit avoir compétence pour connaître des demandes
formulées par l'Iran au titre de cette disposition(ibid., p. 821, par. 55). La
Cour a en outre rattaché les questions relatives à l'emploi de la force à la
prescription énoncéeau paragraphe 1 de l'article X du traité en consta-
tant que toute action de l'une des parties au traité peut en principe violer
une obligation découlant dudit traité ((quels que soient les moyens utilisés
à cette fin)) (ibid., p. 811, par. 21).

21. Ayant clairement expliqué en 1996 que l'alinéa d) du paragraphe 1
de l'article XX «offre seulement aux Parties une défense au fond qu'il
leur appartiendra, le cas échéant, de faire valoir le moment venu» (C.I.J.
Recueil 1996 (II), p. 811, par. 20)' la Cour, pour que ce cas se présente
effectivement, devrait d'abord constater que les mesures adoptées consti-
tuent violation de l'accord conclu au paragraphe 1 de l'article X, aux
termes duquel: ((11y aura liberté de commerce et de navigation entre
les territoires des deux Hautes Parties contractantes.)) (Ibid., p. 817,
par. 37.)
22. Il est on ne peut plus clair que la Cour a tenu à limiter l'exercice de

sa compétence à une analyse ultérieure du point de savoir si les actions
militaires des Etats-Unis ont violécette liberté de commerce et de naviga-
tion. Le ((différend initial)) est sans pertinence à l'heure actuelle et il est
inopportun qu'en 2003 la Cour traite le paragraphe 1 de l'article X du
traité comme s'il fallait le rajouter au ((différend initial» au sujet duquel,
en 1996, elle a estimé ne pas avoir compétence.
23. Dans l'affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicara-
gua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), la Cour n'a
pas traité l'article XXI comme si le ((différend initial))portait sur l'emploi
de la force et que cet emploi de la force ((était loin d'être sans inci-

dences)). En réalité, la Cour a nettement assigné pour fonction à cet
article XXI du traité d'amitié, de commerce et de navigation conclu entredefended or justified. The Court found that various provisions of the
Treaty had indeed been violated. As the Court put it, having found a
violation of Article XIX, paragraph 1, on freedom of navigation
"there remains the question whether such action can be justified under
Article XXI" (1.C.J. Reports 1986, p. 139, para. 278). That first hurdle
- a violation of Article X, paragraph 1 - has not here been met. Invo-
cations of the "original dispute" and "importance" of subject-matter

cannot serve to transform a contingent defence into a subject-matter
that is "desirable" to deal with in the text of the Judgment and in the
dispositif.

24. In summary, Article XX, paragraph 1 (d), was not claimed by
Iran in 1996 as affording a basis of jurisdiction; it was not a clause by
reference to which Iran in its final submissions in 2003 requested the
Court to adjudge and declare that the United States had acted unlaw-

fully; and it is a proviso described by the Court in 1996 as "a possible
defence on the merits . . . should the occasion arise" (1.C.J. Reports
1996 (II), p. 811, para. 20). The Court has thus not shown anything
that falls within any qualification to the non ultra petita rule.

25. The Judgment contains an alternative explanation for including,
and indeed leading with, Article XX, paragraph 1 (d), in the dispositif.
The Court states that it does not consider that the order in which the
Articles of the 1956 Treaty were dealt with in the case concerning Mili-
tary and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v.
United States of America), was dictated by the economy of the Treaty; it
was rather an instance of the Court's "freedom to select the ground upon
which it will base itsjudgment" (Judgment, para. 37). But a proper read-
ing of the relevant passages inMilitary and Paramilitary Activities in and
against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America), would seem
to suggest otherwise. The Court there elaborated how it could determine

acts as an interference of a substantive obligation, but that it would not
be able to classify them as a breach of the treaty without first seeing if
these were "measures . . .necessary to protect" the essential security
interests of the United States (I.C.J. Reports 1986, p. 136, para. 272).

26. While it is indeed for the Court to choose the ground upon which
it will base its judgment (within the constraints of the ultra petita rule
indicated above including the qualifications thereto), it has always done

so with a strong sense of what is the "real" applicable law in a particular
case. Thus in Legality of the Threat or Use of Nuclear Weapons Advisory PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. IND. HIGGINS) 231

le Nicaragua et les Etats-Unis de permettre de vérifier s'il était possible de
défendre ou de justifier une atteinte portée à un droit découlant d'un
traité. La Cour a constaté que diverses dispositions dudit traité avaient

effectivement étéviolées. Comme la Cour le dit alors, après avoir constaté
une violation du paragraphe 1 de l'article XIX relatif à la liberté de navi-
gation, ((reste à savoir si l'article XXI pourrait justifier cette action))
(C.I. J. Recueil 1986, p. 139, par. 278). En l'espèce, ce premier obstacle
- c'est-à-dire une violation du paragraphe 1 de l'article X du traité - ne
s'est pas manifesté.Invoquer le différend initial » et ((l'incidence » impor-
tante de la question ne saurait transformer une défense aléatoire en une
question qu'il est «souhaitable» de traiter dans le texte de l'arrêt et dans
son dispositif.
24. Pour résumer, l'Iran n'a pas prétendu en 1996 que l'alinéa d) du

paragraphe 1 de l'article XX fournissait une base de compétence; ce
n'était pas une disposition au titre de laquelle l'Iran, dans ses conclusions
finales de 2003, demandait à la Cour de dire et juger que les Etats-Unis
avaient agi dans l'illégalité;et c'est une disposition dont la Cour disait en
1996 qu'elle offrait une éventuelle ((défense au fond qu'il ...appartien-
dr[ait], le cas échéant, de faire valoir)) (C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 811,
par. 20). La Cour n'a donc rien constaté qui permette de restreindre
l'application de la règle non ultra petita.

25. L'arrêt contient une explication subsidiaire concernant la place
faite dans le dispositif à l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX, une
place qui est en fait la première. La Cour dit qu'à son avis l'ordre dans
lequel les articles du traité de 1956 ont été examinésen l'affaire des Acti-
vitésmilitaires etparamilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicara-
gua c. Etats-Unis d'Amérique) n'a pas étédicté par l'économie du traité;
il illustre plutôt le principe selon lequel la Cour ((restelibre dans le choix
des motifs sur lesquels elle fondera son arrêt (arrêt, par. 37). Mais si on lit

comme il convient les passages pertinents de l'arrêt rendu en cette affaire
des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c. Etats- Unis d'Amérique), on doit, semble-t-il, en tirer une
autre conclusion. La Cour, dans ces passages, a dit comment elle pouvait
établir que certains actes portaient atteinte à une obligation de fond, mais
a préciséqu'elle ne pourrait pas les dénoncer comme étant une violation
du traité sans s'assurer d'abord que ces actes n'étaient pas des ((mesures ...
nécessaires à la protection)) des intérêts vitaux des Etats-Unis en ce qui
concerne leur sécurité(C.I. J. Recueil 1986, p. 136, par. 272).
26. Il appartient incontestablement à la Cour de choisir les motifs sur

lesquels elle va fonder son arrêt (compte tenu des contraintes de la règle
ultra petita indiquées ci-dessus, y compris les restrictions à ladite règle),
mais la Cour l'a toujours fait en étant parfaitement consciente de ce
qu'est le droit applicable ((véritable)) dans l'affaire dont elle connaît.Opinion, faced with, inter alia, legal argument on the Genocide Conven-
tion, and Article 6 of the International Covenant on Civil and Political
Rights, the Court had no hesitation in knowing that it should exercise its
"freedom to choose" by grounding its Opinion in Charter law and in
humanitarian law. It cannot, it seems to me, be "desirable" or indeed
appropriate to deal with a claim that the Court itself has categorized as a

claim relating to freedom of commerce and navigation by making the
centre of its analysis the international law on the use of force. And con-
versely, if the use of force on armed attack and self-defence is to be judi-
cially examined, is the appropriate way to do so through the eye of the
needle that is the freedom of commerce clause of a 1955 FCN Treaty?
The answer must be in the negative. These questions are of such a com-
plexity and importance that they require a different sort of pleading and
a different type of case.

27. Moreover, it is unlikely to be "desirable" to dealvwith important
and difficult matters, which are gratuitous to the determination of a point
of law put by the Applicant in its submissions, when the Applicant
has carefully sought to preclude examination by the Court ofiits own con-
duct as regards these matters. In the present case the United States argued
that it had not violated Article X, paragraph 1, of the Treaty, but con-
tended that should the Court find to the contrary, such actions,(which
were admitted as to their facts) would have been justified hy virtue of'

Article XX, paragraph 1 (d). Faced with United States countert-claims,.
Iran has, as it was entitled to do, adopted the strategy of simply dkny--
ing al1 allegations of illegal use of force at the relevant timeoften~casting
blame elsewhere. It has carefully avoided invocation of Article XX, para-
graph 1 (d), even on a contingent basis. The failure of the United States'
counter-claim on the grounds specified in the Judgment (paras. 119-124)
means also that no purpose is served in the examination of Iran7s own
actions.

28. The consequence is that the Court is thus precluded from examin-
ing Iran's prior conduct either by reference to the Article XX, para-
graph 1 (d), standard, or as a matter of international law more generally.
It seems to me unwise, as a matter.of judicial policy, to strain to examine
the conduct of a Respondent on a basis of law which the Applicant has
sought to preclude from the scrutiny of the Court so far as its own con-
duct is concerned.Ainsi, pour rendre son avis consultatif sur la Licéitéde la menace ou de
l'emploi d'armes nucléaires, alors qu'il lui avait notamment été présenté
une thèsejuridique sur la convention relative au génocide et l'article 6 du
pacte international relatif aux droits civils et politiques, Cour n'a pas
hésité à adopter l'idée qu'elle devait exercer «son libre choix» en cher-
chant les motifs de son avis consultatif dans le droit de la Charte et le
droit humanitaire. Il ne peut pas être à mon sens «souhaitable» ni du
reste opportun de la part de la Cour de traiter une demande qu'elle a
elle-mêmedéfinie comme une demande relative à la liberté de commerce
et de navigation en faisant porter son analyse sur le droit international
concernant l'emploi de la force. Et à l'inverse, s'il faut soumettreà exa-
men judiciaire l'emploi de la force sous la forme de l'agression armée et
de la légitime défense, y a-t-il bien lieu de le faire par le chas d'une
aiguille, en l'occurrence la disposition relativeà la liberté de commerce
d'un traité d'amitié, de commerce et denavigation datant de 1955? Il faut
répondre #par la négative. Ces questions sont d'une complexité et d'une
importance telles qu'elles font appel à une autre sorte de pièces de pro-
cédure et à un autre type d'affaire.
27. En outre, il est peu vraisemblable qu'il soit «souhaitable» de trai-
ter de questions importanteset difficiles sans rapport avec l'établissement
d'un point de droit soulevé par le demandeur dans ses conclusions quand
celui-ci s'est employé avec soin à empêcher la Cour d'étudier le compor-
tement qu'il adopte lui-même à l'égard de ces questions. En l'espèce, les
Etats-Unis ont soutenu qu'ils n'avaient pas violé le paragraphe 1 de
l'article X du traité mais ils ont soutenu également qu'au cas où la Cour
serait de l'avis opposé leurs actions (admises comme appartenant aux
faits établis) auraient étéjustifiées par l'alinéa d) du paragraphe 1 de
l'article XX. Face aux demandesreconventionnelles des Etats-Unis, l'Iran
a adopté pour stratégie, comme il était en droit de le faire, de nier tout
simplement toute allégation d'emploi illégal de la force au moment per-
tinent, rejetant souvent ailleurs la responsabilité de ce recoursà la force.
L'Iran a soigneusement évitéd'invoquer l'alinéa d) du paragraphe 1 de
l'article XX, même à titre aléatoire. Comme la demande reconvention-
nelle des Etats-Unis est rejetée pour les motifs indiqués dans l'arrêt
(par. 119-124)' cela veut dire aussi qu'il est vain d'examiner les propres
actions de l'Iran.
28. La conséquence est que la Cour est ainsi empêchéed'examiner le
comportement antérieur de l'Iran, que ce soit par référence à la norme
énoncée à l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX ou sur le plan du
droit international plus généralement. Il me semble peu indiqué du point
de vue de la politique judiciaire de chercher à tout prix à examiner le
comportement d'un défendeur sous un angle juridique que le demandeur
a justement pris soin de soustraire à l'attention de la Cour pour ce qui
concerne son propre comportement. 29. The function served by a separate or dissenting opinion is to allow
a judge to explain why she or he disagrees with part or al1 of the dispositif
or the reasoning. It is not the occasion for writing an alternative judg-
ment. Accordingly, 1have not thought it appropriate, given that 1believe
Article XX, paragraph 1 (d), should not have been addressed by the

Court at all, to offer my own assessment of the United States' actions by
reference to that provision. 1 have thought it right, however, to make
some short observations on a few legal issues regarding proof and
methodology.

30. The first relates to the handling of evidence in the Court's Judg-
ment. In its examination of Article XX, paragraph 1 (d), the Court

asserts that the United States has the "burden of proof of the existenceof
an armed attack" such as to justify it using force in self-defence (Judg-
ment, para. 61). Leaving aside for the moment whether this is indeed the
right legal test, it may immediately be noted that neither here nor else-
where does the Court explain the standard of proof to be met. That
a litigant seeking to establish a fact bears the burden of proving it is a
commonplace, well-established in the Court's jurisprudence (Military and
Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United
States of America), Jurisdiction and Admissibility, Judgment, 1C.J.
Reports 1984, p. 437). But in a case in which so very much turns on evi-

dence, it was to be expected that the Court would clearly have stated the
standard of evidence that was necessary for a party to have discharged its
burden of proof.

31. As to standard of proof in previous cases, the Court's prime objec-
tive appears to have been to retain a freedom in evaluating the evidence,
relying on the facts and circumstances of each case (see Kazazi, Burden of
Proof and Related Issues: A Study on Evidence before International Tri-
bunal~, 1996, at p. 323 ;Sandifer, "Evidence before International Courts",

in Volume 25, Acta Scandinavica Juris Gentium, 1955, at p. 45).

32. In Corfu Channel, the Court simultaneously rejected evidence "fall-
ing short of conclusive evidence" (Merits, Judgment, 1.C.J. Reports
1949, p. 17); and referred to the need for "a degree of certainty" (ibid.,
p. 17). In Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua
(Nicaragua v. United States of America), the Court did not even attempt
to articulate the standard of proof it relied on, merely holding from time

to time that it found there was "insufficient" evidence to establish various 29. Une opinion individuelle ou dissidente a pour rôle de permettre à
un juge d'expliquer pourquoi il ne souscrit pas, en partie ou en tout, au

dispositif ou bien aux motifs. L'opinion ne donne pas l'occasion d'écrire
un autre arrêt. Je n'ai donc pas jugé opportun, puisque j'estime que la
Cour n'aurait pas dû examiner du tout l'alinéa d) du paragraphe 1 de
l'articleXX du traité, de proposer ma propre analyse des actions des
Etats-Unis par rapport à cette disposition. Toutefois, j'ai jugé bon de for-
muler quelques brèves observations sur un petit nombre de questions
juridiques portant sur la preuve et la méthodologie.

LE CRITERE DE PREUVE ET L'ÉGALITÉ DE TRAITEMENT
EN MATIÈRE DE PREUVE

30. Le critère de preuve est celui qui est applicable aux éléments de
preuve retenus par la Cour dans son arrêt. Examinant l'alinéa d) du
paragraphe 1 de l'article XX du traité, la Cour dit que les Etats-Unis ont
à s'acquitter «de la charge de la preuve ...[consistant à] démontrer l'exis-
tence d'une agression armée» pour justifier un recours à la force au titre

de la légitime défense (arrêt, par. 61). Je laisse de côté pour le moment le
point de savoir si c'est là effectivement le critèrejuridique à retenir, mais
je note immédiatement que, ni ici ni ailleurs, la Cour n'explique quel est
le critère de preuve à satisfaire. Que ce soit au plaideur cherchant à éta-
blir un fait qu'incombe la charge de le prouver est une règle banale et
bien établie dans lajurisprudence de la Cour (Activités militaires et para-
militairesau Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amé-
rique), compétence et recevabilité, arrêt, C.Z.J. Recueil 1984, p. 437).
Mais dans une affaire où les moyens de preuve tiennent une telle place,

on devait pouvoir compter que la Cour dirait clairement quel était le cri-
tère de preuve que les p-rties auraient à respecter pour s'acquitter de leur
charge a cet égard.
31. Pour ce qui est de ce critère de preuve dans de précédentes affaires,
la Cour a eu avant tout pour objectif, semble-t-il, de garder une certaine
liberté pour évaluer les preuves présentées, en se fondant sur les faits et
les circonstances propres à chaque affaire (voir Kazazi, Burden of Proof
and Related Issues: A Study on Evidence before International Tribunals

[Chargede la preuve et questions connexes :étude de la preuve devant les
tribunaux internationaux], 1996,p. 323 ; Sandifer, «Evidence before Inter-
national Courts)) [La preuve devant les juridictions internationales],Acta
Scandinavica Juris Gentium, 1955, vol. 25, p. 45).
32. Dans l'affaire du Détroit de Corfou, la Cour a rejeté des preuves
«sans force probante suffisante » Vond, arrêt, C.I.J. Recueil 1949,p. 17)
et elle a expliqué en mêmetemps qu'il fallait tabler sur «un degré de cer-
titude » (ibid., p. 17). Dans l'affaire des Activités militaires et paramili-
taires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amé-

rique), la Cour n'a pas mêmecherché à définir le critère de preuve qu'elle
retenait, se contentant simplement de déclarer de temps à autre qu'à sonpoints (Merits, Judgment, I. C.J. Reports 1986, p. 37, para. 54; p. 62,
para. 110; p. 85, para. 159 ; p. 86, para. 159 ;p. 113, para. 216).

33. Beyond a general agreement that the graver the charge the more
confidence must there be in the evidence relied on, there is thus little to

help parties appearing before the Court (who already will know they bear
the burden of proof) as to what is likely to satisfy the Court. Other judi-
cial and arbitral tribunals have of necessity recognized the need to engage
in this legal task themselves, in some considerable detail (for example,
Prisoners of War, Eritrea's Claim 17, Eritrea and Ethiopia, Eritrea
Ethiopia Claims Commission, Partial Award of 1 July 2003, at paras. 43-
53 ; Velasquez Rodriguez case, Judgment of 29 July 1988, Inter-American
Court of Human Rights, paras. 127-139). The principal judicial organ of
the United Nations should likewise make clear what standards of proof it
requires to establish what sorts of facts. Even if the Court does not wish

to enunciate a general standard for non-criminal cases, it should in my
view have decided, and been transparent about, the standard of proof
required in this particular case.

34. The Court has satisfied itself with saying that it does not have to
decide "on the basis of a balance of evidence", by whom the missile that

struck the Sea Isle City was fired: it suffices for it to Say that the United
States has not discharged the necessary burden of proof because "the evi-
dence available is insufficient". But by which criteria is sufficiency/insuf-
ficiency being tested?

35. The Court also found it significant that there was

"no direct evidence at al1 of the type of missile that struck the Sea
Isle City; the evidence as to the nature of other missiles fired at
Kuwaiti territory at this period is suggestive, but no more" (para. 59).

It is not clear whether the Court is rejecting indirect evidence per se
(though it was clearly accepted by the Court in Corfu Channel, Merits,
Judgment, 1.C.J. Reports 1949, p. 18), or whether it was accepting indi-
rect evidence but that in this particular case it did not meet the standard
"no room for reasonable doubt" enunciated in 1949 (ibid., p. 18).

36. As for the evidence concerning responsibility for the mine which
struck the USS Samuel B. Roberts, the Court acknowledges - albeit in
a mere five lines- that there were comparable moored mines in the same

area, that they bore serial numbers matching other Iranian mines, and
that these included the mines found on board the vesse1 Iran Ajr. Theavis les preuves présentées n'établissaient «pas suffisamment)) tel ou tel
autre fait Cfond,arrêt, C.1.J. Recueil 1986, p. 37, par. 54; p. 62, par. 110;
p. 85, par. 159; p. 86, par. 159; p. 113, par. 216).

33. Par conséquent, mis à part le principe généralement admis que,
plus l'accusation est lourde, plus les élémentsde preuve produits doivent
êtrefiables, il n'y a pas grand-chose qui puisse aider les parties appelées à
comparaître devant la Cour (lesquelles savent déjà qu'elles portent le far-
deau de la preuve), à savoir comment elles peuvent s'acquitter de cette
charge à la satisfaction de la Cour. D'autres juridictions et certains tri-
bunaux d'arbitrage ont dû accepter l'obligation de procéder eux-mêmes à
cette tâche juridique de façon parfois très détaillée (voir, par exemple,
Prisoners of War, Eritrea's Claim 17, Eritrea and Ethiopia [Les pri-
sonniers de guerre, cas no 17 de 17Erythrée, Erythrée-Ethiopie], Eritrea

Ethiopia Claims Commission [Commission des réclamations Erythrée-
Ethiopie], Partial Award [sentence partielle] du le' juillet 2003, par. 43-53 ;
affaire Velhsquez Rodriguez, arrêt du 29 juillet 1988, Cour interaméri-
caine des droits de l'homme, par. 127-139). L'organe judiciaire principal
des Nations Unies devrait de même préciser, lui aussi, quels critères de
preuve il veut voir respecter et définir à quelle sorte de faits ces critères
sont applicables. Et mêmesi la Cour ne tient pas à prescrire de normes
généralesen matière non pénale, elle aurait dû à mon avis décider quelle
était la norme requise en l'espèce et elle aurait dû la faire connaître dans
la transparence.

34. La Cour s'est contentée de dire qu'il ne lui appartenait pas d'éta-
blir «par une appréciation des différents éléments de preuve)) qui était
responsable du tir de missile contre le Sea Isle City: elle dit simplement
que les Etats-Unis ne se sont pas acquittés de la charge de la preuve qui
pesait sur eux parce que «les preuves disponibles sont insuffisantes)).
Mais en vertu de quels critères est-il possible de dire que les preuves suf-
fisent ou ne suffisent pas?
35. La Cour a également jugé important de constater que

((aucune preuve directe ne permet de déterminer le type de missile
ayant touché le Sea Isle City; les éléments de preuve relatifs a la
nature des autres missiles tirés vers le territoire koweïtien à la même
époque constituent tout au plus une indication))(par. 59).

On ne voit pas bien si la Cour rejette alors les preuves indirectes en soi
(alors qu'elle les avait manifestement acceptées dans l'affaire du Détroit
de Corfou, fond, arrêt, C.1.J. Recueil 1949, p. 18) ou bien si elle les
accepte mais constate en l'espèce que ces preuves indirectes ne répondent
pas à la norme consistant à «ne laiss[er] place à aucun doute raison-
nable » qui fut énoncéeen 1949 (ibid., p. 18).
36. En ce qui concerne les élémentsde preuve touchant l'identité des

responsables du mouillage de la mine que I'USS Samuel B. Roberts a
heurtée, la Cour admet - en se contentant à ce sujet de cinq lignes -
que des mines comparables étaient mouillées à l'époque dans la même
zone, que ces mines portaient des numéros de sériecorrespondant à ceuxevidence on the mine that struck the USS Samuel B. Roberts, as well
as to related mining evidence, is on any test rather weighty, and was
without the technical uncertainties and inconsistencies undoubtedly
present in the Sea Isle City missile evidence. Certainly there was signifi-

cant direct relevant evidence of a sort lacking in respect of the missile that
hit the Sea Isle City. The United States also submitted evidence suggest-
ing that Iran placed mines in shipping lanes known to be used by neutral
ships, including those of the United States. Al1 this evidence, states the
Court, is "highly suggestive, but not conclusive" (para. 71). But it is
impossible to know, in the absence of any articulated standard or further
explanation, why the Court reached this conclusion.

37. Finally, it does not seem to me that the Court has been even-
handed in its treatment of the evidence. The complicated and conflicting
evidence on the Sea Isle City missile is correctly deployed in the Judg-
ment at very considerable length. The uncertainties are rehearsed over
15 detailed paragraphs. The evidence as to mining was offered to the
Court in equal detail and volume, comprising a voluminous quantity of
testimony. This detailed evidence, which al1points in but one direction, is

dealt with by the Court in a single paragraph (para. 71).

38. It is also the case that the Court hardly deals at al1 with the evi-
dence relating to the alleged use of the platforms in the laying of mines.
There was a huge amount of evidence presented to the Court. Some of it
was direct and some of it indirect. Some of it was from several sources,
some mere repetition from a single source. Some sources were partisan,
some neutral. Some were reports of participants, others of those removed
from the scene. Some were contemporaneous, some not. There is no
attempt by the Court to sift or differentiate or otherwise examine this evi-

dence. It merely says that it is "not sufficiently convinced" with it, with-
out any further analysis or explanation (para. 76).

39. My point is not to agree or disagree with the Court on any of the
conclusions as to evidence that it reaches. It is rather to say that the
methodology it uses seems flawed. PLATES-FORME PTROLIÈRES (OP.IND.HIGGINS) 235

d'autres mines iraniennes, en particulier des mines trouvées à bord de
l'IranAjr. Les élémentsde preuve présentés au sujet de la mine heurtée

par I'USS Samuel B. Roberts de mêmeque les autres éléments présentés
au sujet du mouillage de mines sont assez convaincants, quel que soit le
critère utiliséà cet égard, et ils sont dépourvus des incertitudes et des
incohérences techniques dont souffrent incontestablement les moyens de
preuve présentés au sujet du tir du missile dont a étévictime le Sea Isle
City. Il s'agit certainement là de preuves directes pertinentes et impor-
tantes dont on n'a pas eu l'équivalent au sujet du missile qui a frappé le Sea
Isle City. Les Etats-Unis ont également présentédes élémentspermettant
de penser que l'Iran posait des mines dans des voies de navigation dont
on savait qu'elles étaient utilisées par les navires neutres, dont les navires
des Etats-Unis. Tous ces élémentsde preuve, dit la Cour, ne sont ((certes
pas dépourvu[s] d'importance, mais [ne sont] pas déterminant[s]»
(par. 71). Mais il est impossible de savoir, faute de la moindre norme
vraiment définie et faute de toute explication complémentaire, pourquoi
la Cour aboutit à cette conclusion.
37. Je dirai en dernier lieu que la Cour me paraît avoir manqué
d'équitédans la façon dont elle traite les preuves présentées. Les éléments
complexes et contradictoires qui ont étéproduits au sujet du missile qui a
heurté le Sea Isle City sont dûment présentésdans l'arrêt très en détail.
Les points incertains donnent lieu à un exposé minutieux qui prend
quinze paragraphes. Au sujet des mines, les élémentsde preuve ont été
présentés à la Cour avec tout autant de détails, sous le même gros
volume, et les témoignages sont fort abondants. Pour ces multiples élé-
ments qui empruntent tous la mêmedirection, la Cour se contente d'un
unique paragraphe (par. 7 1).
38. Et l'on constate aussi que la Cour ne se penche pratiquement pas
sur les élémentsde preuve qui lui ont été communiquésau sujet de la pré-
tendue affectation des plates-formes au mouillage de mines. De multiples
élémentsde preuve ont étéprésentés à la Cour à ce sujet, qui correspon-
daient tantôt à des preuves directes tantôt à des preuves indirectes. Cer-
taines émanaient de plusieurs sources,d'autres ne faisaient que répéter ce
qui émanait d'une mêmesource. Parmi les sources en question, certaines
étaient partisanes, d'autres étaient neutres. Les témoignages émanaient
parfois de participants directsaux événements,d'autres, de personnes qui
se trouvaient fort loin des lieux. Il y avait des sources contemporaines,
d'autres qui ne l'étaient pas. La Cour ne cherche nullement à faire un tri,
à classer ces élémentsni à les examiner. Elle se contente de dire qu'elle
((n'est pas pleinement convaincue» par ces élémentsde preuve sans aller
elle-mêmeplus loin dans l'analyse et l'explication (par. 76).
39. Mon propos n'est pas ici de suivre la Cour ou ne pas la suivre
dans telle ou telle autre des conclusions qu'elle formule sur les éléments
de preuve présentés. Je tiens plutôt à dire que sa méthodologie laisseà
désirer. INTERNATIONAL LAW AND THE INTERPRETATION
OF ARTICLX EX (1) (d)

40. Underlying this inadequate treatment of the evidence in the Judg-
ment is the belief of the Court that, as it puts it, "even accepting those

contentions" (para. 76) the real issue is whether the United States attacks
on the platforms "could have been justified as acts of self-defence"
(ibid.). The Court offers as the basis of its analysis of the United States'
attacks on the platforms the jus ad bellum on armed attack and self-
defence. The Court recalls the divergent position of the Parties on the
relationship between self-defence and Article XX, paragraph 1 (d), at
paragraph 39 of the present Judgment.

41. The text of Article XX, paragraph 1 (d), does not suggest any
answer to the question of whether the use of force was ever envisaged as
a "measure" that might be "necessary" for the protection of "essential
security interests".The Court has in 1986 answered the question, at least
to a degree. The Court there said that "action taken in self-defence, indi-
vidual or collective, might be considered as part of the wider category of
measures qualified in Article XXI" - the text in that case corresponding
to Article XX of the 1955 Treaty (1..J. Reports 1986, p. 117, para. 224).
No travaux préparatoires exist to sustain this. The Court in 1986 simply

referred to proceedings of the United States Foreign Relations Commit-
tee for support for this proposition. Al1 this is cited at paragraph 40 of
the present Judgment.

42. Certainly the Court in 1986 thought that action taken in self-
defence might constitute a "measure" regarded by a party as necessary
to pro tect essential security interests. But today's Judgment slides from

that verity to the proposition that the Court has in 1986 found that
the only permitted military action that might justify what otherwise
might be a breach of an obligation of the Treaty is an exercise of
self-defence in response to an armed attack. The proposition may or may
not be right - but in my view it goes beyond what was decided in 1986.

43. The Court in 1986 certainly recognized that "less grave forms" of

the use of force might occasion other responses (1..J. Reports 1986,
p. 101, para. 191). Whether the Court envisaged only non-forceful
countermeasures is, for the moment, a matter of conjecture. That, too,
is not addressed in the present Judgment. The Court simply moves on
from the Court's 1986 statement that a necessary measure to protect
essential security interests could be action taken in self-defence to the
rather different determination that an armed attack on a State, allowing PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP.IND.HIGGINS) 236

LE DROIT INTERNATIONAL ET L'INTERPRÉTATION DE L'ALINÉA D) DU
PARAGRAPHE 1 DE L'ARTICLE XX DU TRAITÉ

40. Si elle ne pratique donc pas dans l'arrêt l'égalitéde traitement à
l'égard des élémentsde preuve qui lui sont présentés, c'est que la Cour
estime que, ((quand bien même ...elle admettrait l'exactitude des alléga-
tions» (par. 76), comme elle le dit, le problème est véritablement de
savoir si les attaques lancées par les Etats-Unis contre les plates-formes
((pouvaient se justifier au titre de la légitime défense» (ibid.).Et, pour
analyser ces attaques lancées par les Etats-Unis contre les plates-formes,
la Cour expose le jus ad bellurn relatifà l'agression armée et à la légitime
défense. Elle rappelle au paragraphe 39 de l'arrêt que les Parties sont en

désaccord sur la question du lien entre la légitime défenseet l'alinéad) du
paragraphe 1 de l'article XX du traité.
41. Le texte de l'alinéad) du paragraphe 1de l'article XX du traité ne
propose, fût-ce implicitement, aucune réponse à la question de savoir si
l'emploi de la force a jamais étéenvisagé comme une ((mesure » qui pour-
rait ((êtrenécessaire» à la protection d'«intérêtsvitaux sur le plan de la
sécurité». En 1986, la Cour a répondu à cette question tout au moins
jusqu'à un certain point. Elle a dit en effet que <<desmesures de légitime
défense,individuelle ou collective,peuvent êtreconsidéréescomme entrant
dans la catégorie plus vaste des mesures qualifiées à l'article XXI» -
dans l'affaire considérée alors le texte évoqué correspondait à celui de
l'article XX du traité de 1955 (C.I. J. Recueil 1986, p. 117, par. 224).
Nous ne disposons pas de travaux préparatoires à l'appui de cet argu-
ment. En 1986, la Cour a uniquement évoqué un rapport de la commis-
sion des affaires étrangères du Sénat des Etats-Unis pour étayer cette
proposition. Tout ce contexte est cité au paragraphe 40 de notre arrêt
actuel.
42. Certes, en 1986, la Cour a estimé qu'une action menée au titre de

la légitime défense pouvait constituer une ((mesure » qu'une partie consi-
dérerait comme nécessaire àla protection de ses intérêts vitaux sur le plan
de la sécurité.Mais dans l'arrêt d'aujourd'hui, il est opéré un glissement
entre cette vérité-làet l'idéeque, en 1986, la Cour a constaté que la seule
action militaire quifût autorisée pour justifier ce qui risquerait autrement
d'être une violation d'une des obligations découlant du traité correspon-
dait à la légitime défense pratiquée pour répondre à une agression armée.
Peut-être cette idée est-elle fondée, peut-être ne l'est-elle pas, maismon
avis elle va au-delà de ce qui fut décidéen 1986.
43. En 1986, la Cour a incontestablementreconnu que, sous ses ((moda-
litésmoins brutales», l'emploi de la force pouvait susciter d'autres réac-
tions (C.I.J. Recueil 1986, p. 101, par. 191). Que la Cour ait envisagé
exclusivement des contre-mesures ne reposant pas sur l'emploi de la
force, c'est une question qui pour l'instant relève de la conjecture. Sur ce
point aussi, l'arrêt actuel s'abstiend'examiner le problème. Après avoir
dit en 1986 qu'une des mesures nécessaires à la protection d'intérêts
vitaux sur le plan de la sécuritépouvait consister à mener une action auof the right of self-defence, must have occurred before any military acts
can be regarded as measures under Article XX, paragraph 1 (d). But
some stepping stones are surely needed to go from one proposition to
the other.

44. The Court then asks whether any use of force for which
Article XX, paragraph 1 (d), is invoked was "contemplated, or assumed"
by the Parties as having "to comply with the conditions laid down by
international law" (para. 40). The Court answers that

"It is hardly consistent with Article 1 to interpret Article XX,
paragraph 1 (d), to the effect that the 'measures' there contemplated
could include even an unlawful use of force by one party against the
other." (Para. 41 .)

But, with respect, is not the issue precisely whether the Court has juris-
diction to determine, in respect of Article XX, paragraph 1 (d), whether
a measure is"an unlawful use of force"?

45. It is a commonplace that treaties are to be interpreted by reference
to the rules enunciated in Article 31 of the Vienna Convention on the
Law of Treaties, which Article is widely regarded as reflecting general
international law. Article 31, paragraph 3 (c), on which the Court places
emphasis, states that, in interpreting a treaty, "There shall be taken into

account, together with the context, . .. any relevant rules of international
law applicable in the relations between the parties."

46. The Court reads this provision as incorporating the totality of the
substantive international law (which in paragraph 42 of the Judgment is
defined as comprising Charter law) on the use of force. But this is to
ignore that Article 31, paragraph 3, requires "the context" to be taken
into account: and "the context" is clearly that of an economic and com-
mercial treaty. What is envisaged by Article 31, paragraph 3 (c), is that
a provision that requires interpretation in Article XX, paragraph 1 (d),

will be illuminated by recalling what type of a treaty this is and any other
"relevant rules" governing Iran-United States relations. It is not a provi-
sion that on the face of it envisages incorporating the entire substance of
international law on a topic not mentioned in the clause - at least not
without more explanation than the Court provides.

47. Having recounted the differing views of the Parties on the role of
the Charter and customary international law in relation to Article XX,

paragraph 1 (d), the Court states that the matter is really "one of interpre-titre de la légitime défense, la Cour passe tout simplement à l'idéeassez
différente selon laquelle il faut qu'il y ait eu agression armée contre un
Etat, laquelle autorise la légitime défense, avant que des actes militaires
puissent êtreconsidérés comme des mesures prises en vertu de l'alinéa d)
du paragraphe 1 de l'article XX du traité. Mais il faut certainement,
pour passer de la première proposition à la seconde, prendre appui sur
quelques marches intermédiaires.
44. La Cour demande alors si les Parties ont «envisag[é] ou adm[is] »
que, toutes les fois qu'il serait fait usage de la force au titre de l'alinéa d)
du paragraphe 1 de l'article XX, il faudrait que ce recours à la force
armée soit ((compatible avec les conditions énoncéespar le droit interna-
tional))(par. 40). La Cour répond que
«[u]ne interprétation de l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX
selon laquelle les «mesures» qui y sont prévues pourraient même
comprendre un recours illicitàla force par une partie contre l'autre
ne serait guère compatible avec l'article premier)) (par. 41).

Mais je me permets alors de demander si la question qui se pose n'est pas
précisémentde savoir si la Cour est compétente pour décider, au sujet de
l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX, qu'une certaine mesure est ou
non «un recours illiciteà la force))?
45. Il est aujourd'hui banal de rappeler que les traités doivent être
interprétés à l'aide des règles énoncées à l'article 31 de la convention de
Vienne sur le droit des traités, article très largement considéré comme
l'expression du droit international général.A l'alinéa c) du paragraphe 3
de cet article 31, que la Cour met en vedette, la convention de Vienne dit
que, pour interpréter un traité, «il sera tenu compte, en mêmetemps que
du contexte ...de toute règle pertinente de droit international applicable
dans les relations entre les parties)).
46. Pour la Cour, cette disposition intègre la totalité des dispositions
de fond relatives à l'emploi de la force qu'énonce le droit international
(lequel, au paragraphe 42 de l'arrêt, est définicomme s'étendant au droit
de la Charte). Et, ce faisant, la Cour oublie que le paragraphe 3 de l'ar-
ticle 31 impose de tenir compte du ((contexte »: or, ce ((contexte» est très
clairement celui d'un traité économiqueet commercial. Ce qui est prévu à
l'alinéa c) du paragraphe 3 de l'article 31, c'est qu'une disposition faisant
appel à interprétation qui est énoncée à l'alinéa d) du paragraphe 1 de
l'article XX deviendra beaucoup plus claire quand on se rappellera le
type de traité dans lequel elle figure ainsi que toute autre ((règleperti-
nente)) régissant les relations entre l'Iran et les Etats-Unis. Il ne s'agit pas
d'une dispositionvisant à première vue à intégrer toutes les règles de fond
du droit international qui portent sur un sujet dont la disposition ne dit
rien - ce n'est du moins pas le cas tant que la Cour ne donne pas plus
d'explications qu'elle ne fait.
47. Après avoir rappelé que les Parties divergent sur le rôlejoué par la
Charte et par le droit international coutumier dans l'optique de l'ali-

néa d) du paragraphe 1 de l'article XX, la Cour dit qu'ail s'agit ici d'unetation of the Treaty, and in particular of Article XX, paragraph 1 (d)"
(para. 40). But the reality is that the Court does not attempt to
interpret Article XX, paragraph 1 (d). It is not until paragraph 73 that

there is any legal reference at al1 to the text of that provision. The inter-
vening 15 pages have been spent on the international law of armed attack
and self-defence and its application, as the Court sees it, to the events
surrounding the United States attacks on the oil platforms.

48. An interpretation "in good faith in accordance with the ordinary
meaning to be given to the terms of the treaty in their context and in the
light of its object and purpose" (Article 31, paragraph 1, of the Vienna

Convention on the Law of Treaties) would surely have led to a scrutiny
of the very terms of Article XX, paragraph 1 (d), especial attention being
given to the provision "necessary" and "essential security interests". The
Court should, in my view, have itself first assessed whether there were
essential security interests at risk. It would have noted that Iran itself
conceded that the events in the Gulf generally, and the dangers to com-
merce presented by the so-called "Tanker War",. and the concomitant
costs, did affect United States essential security interests (see paragraph 73

of the Court's Judgment). The Court should next have examined - with-
out any need to afford a "margin of appreciation" - the meaning of
"necessary". In the context of the events of the time, it could certainly
have noticed that, in general international law, "necessary" is understood
also as incorporating a need for "proportionality". The factual evidence
should then have been assessed in the light of these elements - treaty
interpretation applying the rules of the Vienna Convention on the Law of
Treaties.

49. The Court has, however, not interpreted Article XX, para-
graph 1 (d), by reference to the rules on treaty interpretation. It has
rather invoked the concept of treaty interpretation to displace the appli-
cable law. It has replaced the terms of Article XX, paragraph 1 (d), with
those of international law on the use of force and al1 sight of the text
of Article XX, paragraph 1 (d), is lost. Emphasizing that "originally"
and "in front of the Security Council" (paras. 62, 67, 71 and 72 of the

Judgment) the United States had stated that it had acted in self-defence,
the Court essentially finds that "the real case" is about the law of armed
attack and self-defence. This is said to be the law by reference to which
Article XX, paragraph 1 (d), is to be interpreted, and the actual pro-
visions of Article XX, paragraph 1 (d), are put to one side and not in
fact interpreted at all.

50. The United States - perhaps especially remembering the injunc-

tion of the Court in Military and Paramilitary Activities in and against PLATES-FORMES PETROLIERES (OP.IND.HIGGINS) 238

question d'interprétation du traité, et en particulier de l'alinéa d) du
paragraphe 1 de l'article XX» (par. 40). Mais concrètement, le fait est
que la Cour ne cherche pas à interpréter ce paragraphe 1 d) de l'ar-

ticle XX. Il faut aller jusqu'au paragraphe 73 pour trouver une première
référencejuridique au texte de cette disposition. Entre-temps, on a eu
quinze pages sur le droit international de l'agression armée, de la légitime
défense et de son application, aux yeux de la Cour, aux événements
entourant les attaques lancées par les Etats-Unis contre les plates-formes
pétrolières.
48. Une interprétation faite «de bonne foi suivant le sens ordinaire à
attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son
objet et de son but » (convention de Vienne sur le droit des traités, art. 31,
par. 20) aurait sûrement conduit à examiner attentivement les termes

mêmesde l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX, et à accorder lors
de cet examen une attention toute particulière au terme ((nécessaire » et à
l'expression ((intérêtsvitaux sur le plan de la sécurité)).La Cour aurait
dû, à mon sens, chercher elle-même d'abord à apprécier si des intérêts
vitaux sur le plan de la sécurité étaient en danger. La Cour aurait alors
constaté que l'Iran lui-même admettait que la situation dans le Golfe en
généralet les dangers que ce qu'on appelait la ((guerre des pétroliers))fai-
sait courir au commerce, ainsi que les coûts liésà cette guerre, portaient
effectivement atteinte aux intérêts vitaux des Etats-Unis sur le plan de la
sécurité (voir arrêt, par. 73). La Cour aurait dû ensuite examiner, sans

avoir le moins du monde besoin d'accorder une «marge d'appréciation », le
sens du terme ((nécessaire)). Dans le contexte des événements de l'époque,
la Cour aurait certainement observé que, en droit international géné-
ral, le terme «nécessaire» s'entend aussi comme imposant de prendre en
compte un certain besoin de ((proportionnalité ». Il aurait fallu alors éva-
luer les preuves concrètes présentées compte tenu de ces différents élé-
ments - il s'agissait d'interpréter le traité par application des règles de la
convention de Vienne sur le droit des traités.
49. Or, la Cour n'a pas interprété l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'ar-
ticle XX en faisant appel aux règles de l'interprétation des traités. Elle a

plutôt en fait invoqué la notion de l'interprétation des traités pour écarter
le droit applicable. Elle a remplacé les termes de l'alinéa d) du para-
graphe 1 de l'article XX par ceux que le droit international applique à
l'emploi de la force et 1'011perd alors complètement de vue le texte de
l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX. Soulignant qu'a initialement »
et ((devant le Conseil de sécurité»(arrêt, par. 62, 67, 71-72) les Etats-Unis
avaient déclaréavoir agi au titre de la légitime défense, la Cour estime
fondamentalement que le ((véritable différend)) porte sur le droit de
l'agression armée et de la légitime défense. Ce serait le droit par rapport
auquel il faut interpréter les dispositions de l'alinéa d) du paragraphe 1

de l'article XX, et les dispositionsproprement dites de ce paragraphe 1 d)
de l'article XX sont mises de côté et ne sont pas interprétées du tout.
50. Les Etats-Unis - peut-être parce qu'ils se rappelaient tout parti-
culièrement l'injonction formulée en 1986 par la Cour dans l'affaire desNicaragua (Nicaragua v. United States of America) of 1986 as to the
legal requirement of reporting any self-defence measures to the Security
Council - had taken care to do so in this instance. But it is not the legal-
ity of that claim of self-defence before the Security Council that the
Court is asked to adjudicate. The Judgment is formulated as if in this
case the United States has formulated its main defence as an invocation

of the right of self-defence. It has not. It invoked that argument as a final
submission in the alternative, arising only should the Court find that its
other arguments do not avail. But the Court never looks at its major sub-
mission, which was a justification of the use of force by reference to the
criteria specified in Article XX, paragraph 1 (d). In spite of repeatedly
stating in 1996 that this clause would on the merits afford a possible
defence that would then be examined (1.C.J. Reports 1996 (II), p. 811,
para. 20), the Court never does so. It effectively tells the United States
that as it had reported the acts to the Security Council as being acts of
self-defence, it is now to be judged on that, and that alone.

51. Further, in reformulating the matter as one of self-defence under
international law rather than "necessary" action for the "protection of
essential security interests" within the terms of the 1955 Treaty, the Court
narrows the range of factual issues to be examined. Through this recast-
ing of the United States case the Court reduces to ni1 the legal interest in
what was happening to oil commerce generally during the "Tanker War".
Instead it makes the sole question that of whether an attack on two
vessels (Sea Isle City and USS Samuel B. Roberts) constituted an

armed attack on the United States that warranted military action in
self-defence.

52. Moreover, the Court has in this Judgment done what it had set its
face against doing in 1996. The Court - entirely aware, even then, that
the issue over which Iran would have liked a ruling was that of the legal-
ity of the use of United States military actions by reference to interna-
tional law on the use of force - determined that it had jurisdiction over
one issue alone: whether the use of force by the United States had vio-
lated its obligations relating to freedom of commerce under Article X,

paragraph 1, of the 1955 Treaty. The Court would later also look at any
defence the United States raised under Article XX, paragraph 1 (d).
There is no indication whatsoever that the Court envisaged the reintro-
duction, through an "interpretation" of Article XX, paragraph 1 (d), of
the much broader issue over which it had so clearly said in 1996 that it
had no jurisdiction.

53. The Applicant in 1996 sought ajurisdictional basis to bring a case
against the Respondent regarding the use of force under customary inter- PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. IND. HIGGINS) 239

Activités militaires et paramilitairesau Nicaragua et contre celui-ci (Nica-
ragua c. Etats- Unis d'Amérique) quant à l'obligation juridique de signaler au
Conseil de sécurité toute mesure adoptée au titre de la légitime défense -
ont pris soin en l'espèce d'obéir à cette prescription. Mais ce n'est pas la
licéitéde cette prétention-là de légitime défense signaléeau Conseil de sécu-

ritéqui est portée devant la Cour. L'arrêtest énoncécomme si, en l'espèce,
les Etats-Unis avaient axéprincipalementleurs moyens sur le droit à la légi-
time défense. Tel n'est pas le cas. Les Etats-Unis ont invoqué cet argument
sous forme de conclusion finale de caractère subsidiaire, à considérer exclu-
sivement pour le cas où la Cour déciderait de ne pas retenir leurs autres
arguments. Or, la Cour ne prend pas du tout en considération la conclusion
principale qui consiste à justifier le recours à la force dans l'optique même
des critères définis à l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'article XX. Après
avoir dit et répété en 1996 que ladite disposition offre une défense au fond

qu'il serait possible de faire valoir à ce stade-là (C.I. J. Recueil 1996 (II),
p. 811, par. 20)' la Cour s'abstient totalement sur ce point. A toutes fins
pratiques, elle dit aux Etats-Unis que, ayant signalé au Conseil de sécurité
que les actes dont il s'agissait ont étécommis au titre de la légitime défense,
les Etats-Unis doivent être jugés à ce titre et à ce titre seulement.
51. En outre, en faisant de la question à régler une question de légitime
défense internationale et non une question relative à l'action ((nécessaire»
aux fins d'assurer la protection [d']«intérêtsvitaux sur le plan de la sécu-
rité», suivant les termes mêmesdu traité de 1955, la Cour rétrécitla liste
des questions de fait à examiner. En reformulant ainsi la thèse des Etats-
Unis, la Cour réduit à néant l'intérêtjuridique de la situation faite au

commerce du pétrole en généralpendant la ((guerre des pétroliers». Pour
la Cour, il ne se pose plus qu'une seule question qui est de savoir si l'at-
taque dirigée contre deux navires (le Sea Isle City et 1'USS Samuel B.
Roberts) constituait une agression armée dirigée contre les Etats-Unis
justifiant une action militaire au titre de la légitime défense.
52. En outre, la Cour a dans cet arrêtfait ce qu'elle s'était engagée à ne
pas faire en 1996. Parfaitement consciente déjà à cette date que la ques-
tion sur laquelle l'Iran aurait aimé qu'elle se prononce était celle de la
licéitédu recours à l'action militaire par les Etats-Unis du point de vue
du droit international relatif à l'emploi de la force, la Cour a décidéà

cette date qu'elle n'avait compétence que pour une seule question: celle
de savoir si le recours à la force par les Etats-Unis violait les obligations
relatives à la liberté de commerce prescrites au paragraphe 1 de l'articlX
du traité de 1955. La Cour se pencherait aussi ultérieurement sur tous
moyens de défense que les Etats-Unis soulèveraient au titre de l'alinéa d)
du paragraphe 1 de l'articlXX. Il n'y a absolument rien qui indique que
la Cour envisageait de réintroduire par le biais d'une interprétation de
l'alinéa d) du paragraphe 1 de l'articleXX la question beaucoup plus
large pour laquelle elle avait si nettement dit en 1996 qu'elle n'avait pas
compétence.

53. En 1996, le demandeur recherchait une base juridictionnelle pour
intenter à l'encontre du défendeur au sujet de l'emploi de la force unenational law and Charter law. The Court held that the only dispute
before it was one over freedom of commerce under Article X, para-
graph 1, of the 1955 Treaty.

54. The present Judgment, through a series of steps that 1 have
described (each, in my view, open to challenge), essentially reverses the
1996 decision, allowing a clause described by the Court in 1996 as a
"defence" to be a peg for a determination by the Court as to the legality
of the United States military actions under international law.

(Signed) Rosalyn HIGGINS. PLATES-FORMES PÉTROLIÈRES (OP. IND.HIGGINS) 240

action fondée sur le droit international coutumier et le droit de la Charte.
La Cour a décidéque le seul différend dont elle fût saisie portait sur la
liberté de commerce prescrite au paragraphe 1 de l'article X du traité de
1955.
54. Le présent arrêt,par une sériede démarchesque j'ai décrites (dont
chacune à mon avis peut être contestée), revient essentiellemenà infirmer
la décision de 1996 car la disposition que la Cour qualifiait en 1996 de
((moyen de défense))lui sert désormais de point d'ancrage pour statuer
sur la licéité desactions militaires des Etats-Unis en droit international.

(Signé) Rosalyn HIGGINS.

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Opinion individuelle de Mme. Higgins (traduction)

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